Les interactions médicamenteuses
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Les interactions médicamenteuses
j Mise à our Les interactions médicamenteuses Les comprendre pour mieux les éviter Jean-Louis Brazier, PhD Présenté dans le cadre de la conférence : La thérapeutique, Fédération des médecins omnipraticiens du Québec, mai 2007 Le cas de Martin Martin est infecté par le VIH et est traité avec un inhibiteur de la protéase. Il a lu dans un magazine que le millepertuis est « actif contre les virus, dont le VIH et l’herpès ». Il vous consulte pour savoir s’il peut prendre du millepertuis. Quelle doit-être votre réponse? ous les médicaments notés sur la prescription et qui entreront dans l’organisme du patient doivent en sortir le plus facilement possible, sans trop interférer les uns avec les autres. T M. Brazier est professeur titulaire à la Faculté de Pharmacie de l’Université de Montréal. ors de la prescription d’un médicament, on doit garder à l’esprit cette règle générale : tous les médicaments notés sur la prescription et qui entreront dans l’organisme du patient doivent en sortir le plus facilement possible, sans trop interférer les uns avec les autres. L Les facteurs pouvant altérer le métabolisme d’un médicament L’hydrosolubilité et la liposolubilité du médicament Si un principe actif est assez hydrosoluble, il est éliminé sans biotransformation par le rein. Lorsque la liposolubilité est plus forte, les médicaments doivent passer par le foie pour y être métabolisés en métabolites hydrosolubles qui sortiront de l’organisme en solution aqueuse (urine et bile). Plus un principe actif est liposoluble, mieux il est absorbé et distribué dans les tissus, mais plus il doit être métabolisé pour sortir de l’organisme; il y a donc davantage de risques d’interactions métaboliques (une règle à se souvenir). Ainsi, lors de la prescription, il faut penser aux : • Paramètres de solubilité (hydrosolubilité, liposolubilité) du principe actif; • Divers profils métaboliques des médicaments, en se rappelant que dans une série pharmacologique, tous les médicaments n’ont pas les mêmes paramètres de solubilité et n’ont pas les mêmes profils métaboliques. le clinicien juillet 2007 67 jour Rx tion crip Pres Phase PhaseIIII CYP1A2 CYP2D6 CYP2C9 CYP2C19 CYP3A4 CYP3A5 CYP2B6 CYP... Plus hydrosolubles Plus liposolubles Sortie vers l’extérieur de l’organisme Mise à Figure 1. Les diverses voies d’élimination des médicaments De ce fait, lors de la prescription, il faut choisir les médicaments sur une base rationnelle afin qu’un maximum de voies de sorties différentes de l’organisme soient utilisées (figure 1). Le rôle des cytochromes P450 En ce qui concerne le métabolisme, les cytochromes P450 (CYP450) jouent un rôle fondamental dans la préparation de l’élimination des médicaments. Cependant : • Il y a peu de variétés de CYP450 et de très nombreux substrats; • Les CYP sont inductibles; • Les CYP peuvent aussi être inhibés. Tout est donc en place pour des interactions par compétition, inhibition et induction. Le deuxième facteur à considérer est la dose biodisponible à laquelle est exposé le patient. La « gravité » de l’interaction par compétition dépend donc aussi de la différence des doses biodisponibles relatives des substrats compétiteurs pour l’enzyme. Un substrat peut se comporter comme un inhibiteur par rapport à des substrats de moindre affinité ou moins concentrés. L’interaction par inhibition Un inhibiteur est une substance qui bloque une enzyme de façon irréversible ou non. Il faut essayer, autant que possible, de ne pas associer un substrat et un inhibiteur de la même enzyme! Il faut aussi se rappeler que les signes cliniques d’une interaction par inhibition apparaissent rapidement. On doit ainsi penser aux propriétés possiblement différentes des médicaments substitués. L’interaction par compétition La « gravité » de l’interaction par compétition dépend de la différence des affinités relatives des substrats compétiteurs pour l’enzyme. De la sorte, comme l’affirme Jean de Lafontaine « La raison du plus fort est toujours la meilleure » (figure 2). 68 le clinicien juillet 2007 L’interaction par induction Un inducteur provoque une surexpression du gène codant pour une enzyme donnée, ce qui conduit à une surproduction de l’enzyme. Les réactions enzymatiques sont alors accélérées. Par Les interactions médicamenteuses Affinité 1 Affinité 2 Substrat Substrat 11 Métabolites 1 Affinité 3 Substrat Substrat 22 Substrat Substrat 33 Métabolites 2 Métabolites 3 Figure 2. Des substrats se comportent comme des inhibiteurs (COMPÉTITIFS) vis-à-vis d’autres susbstrats en fonction de leurs affinités relatives La glycoprotéine P Lumière intestinale PGP 100 % CYP3A4 30 % métabolites Veine porte hépatique Figure 3. La Pgp et le CYP3A4 : les systèmes de défense à l’entrée de l’organisme conséquent, il faut un certain temps pour mettre en place une interaction par induction et pour voir régresser cette induction. Quand on retire un médicament de la prescription, les soucis ne sont pas éliminés. Il faut regarder si, par hasard, ce médicament n’est pas un inducteur. On pense alors à diminuer les doses de « l’induit ». En effet, une interaction par induction prend du temps pour apparaître et disparaître. La glycoprotéine P (Pgp) est un transporteur d’efflux qui fait ressortir de la cellule les molécules étrangères qui y sont entrées. Elle sert de système de protection des différents organes. La Pgp est en partie responsable de la faible biodisponibilité de certains médicaments administrés par voie digestive et aussi des interactions portant sur la dose de médicament à laquelle est exposé le patient (figure 3). Comment gérer les interactions médicamenteuses? Pour gérer l’interaction par compétition, induction et inhibition, les systèmes informatiques ne sont que des signaux d’alarme. Ils ne sont pas la solution intégrale et définitive à la gestion des interactions médicamenteuses. Cela est dû au fait que l’arsenal individuel d’enzymes et de transporteurs présente de grandes variations unimodales ou polymorphiques d’un sujet à un autre, et qu’il n’y a pas deux patients qui se ressemblent. Pour les CYP 2C8, 9, 2C18, 19 et 2D6, il existe des souspopulations de métabolisateurs rapides et lents. Ainsi, pour savoir où se situe le patient en termes d’arsenal métabolique, nous disposons de deux outils, soit le génotypage et le phénotypage. le clinicien juillet 2007 69 Mise à jour Retour sur le cas de Martin Tout d’abord, l’information du magazine n’est que de la fausse publicité. Il n’existe pas de données probantes quant à une action positive du millepertuis dans le cas d’infection par le VIH ou l’herpès. Le millepertuis est un inducteur de la Pgp et du CYP3A4, et l’inhibiteur de la protéase est un substrat de ce transporteur et de cette enzyme. La surexpression de la Pgp et du CYP3A4 dans l’entérocyte va provoquer une baisse de la biodisponibilité de l’inhibiteur de la protéase et une diminution des concentrations plasmatiques à des niveaux infrathérapeutiques. Cette diminution des concentrations de l’antiviral risque d’induire une résistance du virus. L’association millepertuis et inhibiteur de la protéase doit donc être PROSCRITE. Référence : http://www.hc-sc.gc.ca/ahc-asc/media/advisories-avis/ 2000/2000_36_f.html Il faut aussi garder en mémoire qu’un patient d’un génotype rapide peut être phénotypiquement lent. La solution actuelle semble être le phénotypage qui consiste à mesurer l’activité d’une enzyme du métabolisme médicamenteux en administrant au patient un substrat assez spécifique de cette enzyme. Les interactions cachées Quand il n’y a plus de problèmes d’interaction avec les médicaments prescrits, mais que le patient éprouve encore des problèmes et présente tout de même des signes d’interactions étranges, il faut envisager les interactions cachées (produits naturels, drogues de rue, médicaments en vente libre). Clin 70 le clinicien juillet 2007 À retenir... • Lors de la prescription d’un médicament, choisissez celui-ci sur une base rationnelle pour qu’un maximum de voies de sortie différentes de l’organisme soient utilisées afin d’éviter les interactions médicamenteuses. • Les signes cliniques d’une interaction par inhibition apparaissent rapidement. Quand vous substituez ou ajoutez des médicaments à la prescription, pensez aux propriétés possiblement différentes de ceux-ci. • Il faut un certain temps pour mettre en place une interaction par induction et pour la voir régresser. Quand vous retirez un médicament, vous n’êtes pas débarrassé de tout souci. Regardez si le médicament est un inducteur et pensez alors à diminuer les doses de « l’induit ». • Rappelez-vous que l’équipement enzymatique varie d’un patient à l’autre, et essayez d’en tenir compte afin de prévoir une posologie correcte. Sitographie 1. Indiana University School of Medecine. Drug Interactions. Disponible sur Internet : http://medicine.iupui.edu/flockhart/ 2. Michaud V, Turgeon J: L’importance clinique des interactions médicamenteuses reliées aux isoenzymes du cytochrome P450 : de la fiction à la réalité. Pharmactuel. Disponible sur Internet : www.pharmactuel.com/sommaires/200302pt.pdf 3. Michaud V, Turgeon J: Les cytochrome P450 et leur rôle clinique. Le Médecin du Québec. Disponible sur Internet : www.fmoq.org/Documents/MedecinDuQuebec/aout2002/073-084Michaud0802.pdf 4. London South Bank University. Enzyme Inhibition. Disponible sur Internet : www.lsbu.ac.uk/biology/enztech/inhibition.html 5. Snyder R: Microsomal Enzyme Induction. Toxicological Sciences. 2000; 55(2):233-234. Disponible sur Internet : http://toxsci.oxfordjournals.org/cgi/content/full/55/2/ 233 6. The Medical Letter. The Adverse Drug Interactions Program for Windows. Disponible sur Internet : www.themedicalletter. com/html/software_desc2.htm# 7. The Medical Letter. 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