UIA LIBERTE DE L`HONORAIRE DE L`AVOCAT : CETTE LIBERTE

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UIA LIBERTE DE L`HONORAIRE DE L`AVOCAT : CETTE LIBERTE
UIA
LIBERTE DE L’HONORAIRE DE L’AVOCAT : CETTE LIBERTE DOITELLE ETRE TOTALE ?
Le combat pour la liberté de l’honoraire va-t-il en sens inverse de la philosophie de la
liberté de la défense ?
D’une manière assez étonnante, en France, durant l’ancien régime, les honoraires étaient
tarifés et ne pouvaient être inférieurs à une certaine somme, c’est-à-dire que le principal
combat était celui contre le dumping alors qu’on aurait pu penser que, à l’époque, la
liberté de l’honoraire était certainement le principe.
En 1602, un arrêt du Parlement de Paris enjoint aux avocats d’observer une disposition de
l’ordonnance de Blois de 1579 exigeant qu’ils mentionnent au bas de leurs écritures « ce
qu’ils auront reçu pour leur salaire, et ce sur peine de concussion ». On exigeait en France des
avocats qu’ils établissent, dans les dossiers remis aux tribunaux, un état retraçant le
montant des honoraires perçus. Cette exigence était à l’origine de la première grande
grève des avocats qui s’opposaient à cette obligation.
Plus de 300 avocats déclarèrent alors préférer renoncer à l’exercice de la profession plutôt
que de se soumettre à pareille mesure qu’ils jugeaient contraire à leur honneur. Devant
désertification des audiences, le Parlement a dû renoncer à faire application de cette
décision.
L’honoraire devait rapidement devenir un don spontané de la reconnaissance du client,
c’est-à-dire excluait tout tarif.
L’usage de la provision sur honoraire devait assez rapidement se répandre.
Le règne de la liberté prédominait.
Ce régime a duré jusqu’à au 19ème siècle durant lequel les avocats, pour échapper à tout
contrôle et à toute censure, même indirecte, décidèrent de s’abstenir de tout
recouvrement en justice de leurs honoraires.
On se rend compte donc de l’attachement à la liberté de celui-ci.
Ce régime a duré jusqu’à la Loi du 31 décembre 1957 qui a créé le droit pour les avocats
de réclamer leurs honoraires en justice, cette Loi étant complétée par un Décret du 27
novembre 1991 organisant la réglementation du recouvrement des honoraires en justice.
Vous constatez ainsi que la liberté de l’honoraire a fait débat durant toute l’histoire avec le
duo : liberté totale – honoraires tarifés – « don spontané du client » n’ayant été qu’un
intermède.
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La Loi du 31 décembre 1971 sur la profession d’avocat a réaffirmé que l’avocat pouvait
fixer librement ses honoraires mais a prévu que, à défaut de convention, ceux-ci seraient
calculés selon les critères suivants :
-
situation de fortune du client,
difficulté de l’affaire : critères de droit et de fait,
des frais exposés par l’avocat,
sa notoriété : appréciation in concreto = ancienneté au tableau, considération,
talent,
des diligences effectuées dans le dossier : travail intellectuel, travail de forme,
travail de fond.
A plusieurs reprises, des tentatives ont été faites de créer des barèmes, lesquels n’auraient
qu’une valeur indicative.
C’est ainsi que certains Barreaux de province avaient créé des fourchettes d’honoraires
pour les affaires classiques : divorce, accident, défense pénale, etc… Ces barèmes ont été
annulés par une décision de la Commission de la Concurrence et des Prix qui les a
déclarés contraires aux règles de la concurrence, et ce malgré la pression des associations
de consommateurs.
Depuis lors, la liberté l’a emporté en France même si, en 2013, un texte a obligé les
avocats pratiquant les procédures de divorce de faire signer par leurs clients des
conventions d’honoraires.
Aujourd’hui, la Loi Macron vient de décider que la convention d’honoraires était
obligatoire pour toutes les prestations de l’avocat.
Désormais, la situation en France est la suivante :
- Obligation d’un accord entre le client et l’avocat quelles que soient les formes
d’honoraires, c’est-à-dire qu’il n’y a plus la moindre tarification.
- Les critères d’évaluation sont repris.
- L’interdiction du pacte de quota litis est maintenue.
Par contre, est licite la convention qui, outre la rémunération des prestations effectuées,
prévoit la fixation d’un honoraire complémentaire de résultat.
Ce qui est nouveau :
. L’avocat doit obligatoirement conclure une convention d’honoraire écrite avec son
client, et ce pour toute matière et tout type d’intervention ;
. Il ne peut être dérogé à cette obligation qu’à titre exceptionnel en cas d’urgence, de force
majeure ou en matière d’aide judiciaire ;
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. La convention d’honoraires doit préciser soit le montant des honoraires dus pour le
traitement d’un dossier, soit le mode de détermination de l’honoraire couvrant les
diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés.
Il en résulte que le tarif de postulation qui rémunérait l’activité de l’avocat sur place est
supprimé.
Nous avons actuellement trois méthodes de calcul des honoraires :
a/ le calcul au temps passé
b/ l’honoraire forfaitaire
c/l’honoraire complémentaire de résultat
En cas de contestation d’honoraires, comme du nombre de fixation, c’est le Bâtonnier qui
va trancher à l’initiative du client ou de l’avocat.
La décision signée par le Bâtonnier est notifiée aux parties qui disposent d’un délai d’un
mois pour faire appel.
Dans un système de liberté et de fixation des honoraires contraire au système allemand
tarifé par la loi, le législateur n’a pas voulu que le sort du plaideur qui succombe dépendit
des conventions d’honoraires entre une partie et son avocat.
La convention ne peut donc avoir d’effet qu’entre les parties signataires.
Dans cet esprit, un juge peut parfaitement demander la justification des honoraires de
l’avocat par la fourniture de la convention.
Le juge va pouvoir aussi rendre une décision sur l’article 700 qui détermine la possibilité
pour le juge de condamner la partie perdante à payer une somme à valoir sur l’ensemble
des frais qu’aura eu à affronter la partie gagnante dans le procès. Dans cette somme, les
honoraires jouent évidemment une partie importante.
- L’aide juridique
Bien entendu, il ne faut pas oublier que l’aide juridique sera toujours une exception à la
liberté.
Il est évident que même si le système de liberté des honoraires devait s’imposer, il sera
impossible de revenir en arrière concernant l’accès à la justice des plus défavorisés.
Les honoraires sont pris en charge dans les dossiers d’aide juridique par l’Etat selon un
barème, étant acquis qu’en France, pour les personnes défavorisées, mais par exemple audessus du SMIC, il est prévu une contribution personnelle s’ajoutant à celle de l’Etat.
Le Cabinet d’avocats, pour cet honoraire complémentaire, établira avec son client une
convention d’honoraires soumise à l’agrément du Bâtonnier.
Pour donner un exemple, en France, les ressources mensuelles inférieures à 915 € pour un
célibataire entraînent le droit à l’AJ totale.
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Celles qui sont comprises entre cette somme et 1.372 € donnent droit à l’AJ partielle,
toujours pour un célibataire.
Ces plafonds sont majorés de 165 € pour chacune des deux premières personnes à charge
et de 104 € par personne à partir de la troisième personne à charge.
L’aide juridique est relativement peu développée en France par rapport à ce qu’elle est,
par exemple en Grande-Bretagne. Les difficultés des finances publiques font que très
probablement son domaine n’augmentera pas dans les toutes prochaines années.
- La protection juridique
Il existe en France, comme maintenant dans la plupart des pays, l’assurance Protection
Juridique.
Son développement est d’autant plus probable que le besoin s’en fait sentir pour tous les
gens de petite situation qui ne peuvent bénéficier de l’aide juridique.
Celle-ci porte-t-elle atteinte à la liberté de l’honoraire ?
Oui, certainement ; dans la mesure où les compagnies d’assurances Protection Juridique,
même si elles ont été obligées de respecter le principe élaboré de la liberté de choix de
l’avocat, font néanmoins passer ceux-ci par des barèmes indicatifs et respectent rarement
la liberté de l’honoraire, ce qui est compréhensible dans le cadre du financement de la
Protection Juridique. Mais, dans ces conditions, il est évident que les avocats qui vont
travailler pour les Compagnies d’assurances Protection Juridique ou dans le cadre où ils
sont librement choisis par le client mais le client a un contrat d’assurances Protection
Juridique, ne peuvent pas, la plupart du temps, imposer l’honoraire qu’ils ont l’habitude de
pratiquer.
- Le pacte de quota litis
Comme je l’ai indiqué, le pacte de quota litis est interdit en France.
Cette interdiction n’est pas nouvelle puisqu’elle provient du droit romain. Le Code de
Justinien fait référence dès le XIIIème siècle. Le Parlement de Paris renouvelle la
prohibition en 1344.
Nous avons le droit de prendre un honoraire de résultat qui vient s’ajouter soit à
l’honoraire horaire, soit à l’honoraire forfaitaire.
Le pourcentage de l’honoraire de résultat tourne en général autour de 10 %.
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En effet, la France ne veut pas que l’avocat puisse devenir « l’associé » de son client pour
des raisons déontologiques. L’inconvénient est qu’évidemment une personne aux moyens
modestes ne peut pas avoir accès aux Tribunaux à égalité avec une personne aisée.
Il convient donc de peser les avantages du pacte de quota litis qui permet l’association
client/avocat, qui permet à l’avocat de percevoir des honoraires importants en fonction
du résultat obtenu, mais aussi de gérer son cabinet avec des risques importants s’il rentre
dans une relativement courte période des affaires dans lesquelles aucun honoraire de
résultat ne sera perçu.
La conception européenne de l’avocat aux termes de laquelle l’avocat ne doit pas être un
commerçant, prend à mon sens ici sa signification.
Nous devons garder un écart avec le client pour mieux assurer sa défense, pour rester
objectif dans l’appréciation des chances de réussite.
Cette interdiction ne peut évidemment se concevoir que dans un cadre dans lequel
l’honoraire n’est pas complètement libre, ce qui est le cas en France, puisque le juge des
honoraires (qui est avocat en première instance) a la possibilité de réduire les honoraires
de ses Confrères sur réclamation des clients.
Je persiste à penser que la liberté totale de l’honoraire n’est pas possible aujourd’hui
compte tenu des évolutions dans la plupart des pays et des exceptions nombreuses qui
existent au principe de cette liberté de l’honoraire.
Par contre, il me semble extrêmement utile, et non seulement pour la profession, que
l’honoraire puisse rester à l’appréciation des membres de la profession.
Il paraît en effet dangereux d’aboutir à un contrôle par d’autres que les professionnels.
Il convient de dire aussi un mot des actions de groupe qui, pour le moment en France,
sont laissées au monopole des associations de consommateurs, qui donc pourront
prendre des honoraires de résultat, et en réalité de véritables pactes de quota litis.
Ceci étant, on ne peut pas dire que la législation ait pour le moment développé sur ce
point dans mon pays.
La liberté rentre aussi en concurrence avec l’intervention d’autres professionnels qui
peuvent accomplir des prestations juridiques en lieu et place de l’avocat. Par exemple,
l’expert-comptable qui, sous couvert de tenir la comptabilité, réalise des prestations
juridiques à des tarifs concurrentiels. Reste également le problème de cumuler cette liberté
avec l’existence de certains sites Internet qui proposent des prestations juridiques et des
procédures judiciaires à bas prix.
En l’état, il convient peut-être d’indiquer que la Cour de Cassation a dans un premier
temps considéré que l’article 10 de la loi de 1971 sur les avocats ne saurait faire obstacle
au pouvoir des Tribunaux de réduire les honoraires convenus initialement entre l’avocat et
le client dès lors que ceux-ci apparaissent exagérés au regard du service rendu.
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Mais ce pouvoir de révision de l’honoraire par le juge a été limité par un arrêt plus récent
de la Cour de Cassation qui a considéré que si les juges du fond appréciaient
souverainement, d’après les conventions des parties et les circonstances de la cause, le
montant de l’honoraire dû à l’avocat, il ne leur appartenait pas de le réduire dès lors que le
principe et le montant de l’honoraire avait été accepté par le client après service rendu.
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J’ignore quel sera finalement l’évolution dans le monde.
Les différences entre les pays sont notables.
Je pense que le système de la liberté totale est aujourd’hui impossible. Impossible car il
entraînerait une impossibilité économique entre, d’une part, le manque de moyens des
clients et, d’autre part, la rentabilité des cabinets d’avocats. Mais cette liberté doit
néanmoins rester le principe de base quitte à ce qu’elle fasse l’objet de contrôles, comme
c’est le cas dans plusieurs pays européens.
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