Le développement de la quantification chez l`enfant

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Le développement de la quantification chez l`enfant
Intellectica, 2006/2, 44, pp. 227-244
Le développement de la quantification chez l’enfant :
Faut-il abandonner le modèle opératoire genevois ?1
Stéphan DESROCHERS
RESUME. De nos jours, le modèle opératoire genevois est rarement considéré pour
étudier le développement de l’habileté à la quantification des ensembles, une caractéristique essentielle de la psychologie du nombre chez l’enfant. Cette présentation a
pour but de rappeler les propositions de ce modèle et d’évaluer sa pertinence à la lumière des nouvelles données de la recherche expérimentale. A l’heure actuelle, rien ne
permet d’écarter catégoriquement les propositions de l’École de Genève sur la base de
ces nouveaux indices.
Mots clés : nombre, enfant, Piaget, opératoire, quantification.
ABSTRACT. Quantification Abilities during Childhood: Should we Scrap the
Geneva Perspective? Nowadays Geneva perspective is hardly ever considered by
psychologists in order to explain the emergence of quantification abilities during
childhood. The goal of this paper is to summarize this constructivist perspective and
to evaluate its relevancy with post-piagetian empirical data. Up to date the available
results do not allow a systematic rejection of the Swiss researchers’ point of view.
Key words: number, child, Piaget, quantification.
La psychologie du nombre représente aujourd’hui un vaste champ d’étude
scientifique aux problématiques variées, allant de l’étude des balbutiements du
nombre chez les animaux jusqu’aux efforts déployés pour identifier une éventuelle base neurologique à cette habileté chez l’humain (Bideaud, Lehalle &
Vilette, 2004 ; Dehaene, 1997). L’étude de son développement chez l’enfant a
aussi retenu l’attention de plusieurs chercheurs. Parmi les utilisations variées
du nombre auxquelles le jeune enfant est vite confronté (numéros symboliques,
mesure variées, positions relatives du premier, deuxième, etc.), c’est sans
aucun doute celle qui permet d’exprimer une quantité d’éléments qui a retenu
la plus grande attention de la communauté scientifique. Dans La genèse du
nombre chez l’enfant (1941), Jean Piaget et Alina Szeminska sont les premiers
à proposer un compte-rendu scientifique du développement de cette habileté à
la quantification chez l’enfant. Les idées ont néanmoins bien évolué depuis la
publication de cet ouvrage. D’abord, d’autres chercheurs genevois ont poursuivi l’étude du nombre dans le cadre des travaux du Centre International
d’Épistémologie Génétique (CIEG) fondé en 1955 et dirigé par Piaget jusqu’à
sa mort en 1980. Puis, des psychologues non affiliés aux genevois ont contesté
les idées des chercheurs suisses. Dans un premier temps, je résumerai la perspective de l’École de Genève qui préconise une élaboration graduelle de
1
Ce projet a été réalisé aux Archives Jean Piaget de Genève dirigées par Jacques Vonèche. Il a été
soutenu financièrement par la Fondation Jean Piaget.
École de Psychologie, Université Laval, Québec, Canada G1K 7P4; Tél.: (418) 656-2131#5068, Fax:
(418) 656-3646, e-mail: [email protected].
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S. DESROCHERS
l’habileté à la quantification des ensembles chez l’enfant, et ce, en liens étroits
avec la mise en place des opérations concrètes. Dans un deuxième temps, les
trois groupes de travaux empiriques qui représentent un défi potentiel aux
propositions genevoises seront présentés et discutés. Il s’agira alors d’évaluer
si ces nouvelles données empiriques autorisent bien un rejet catégorique de
l’approche constructiviste.
LE MODELE OPERATOIRE GENEVOIS
Dans La genèse du nombre chez l’enfant (1941), Piaget et Szeminska poursuivent et terminent le travail déjà entamé par Szeminska (1935) au sujet du
développement du nombre chez l’enfant. Dans ce volume, ils regroupent ainsi
l’ensemble des résultats obtenus à plusieurs épreuves variées (conservation,
correspondances, sériation, classification, etc.) dans le but d’étayer un modèle
théorique original (Piaget, 1942). Mais il serait dommage de se limiter à cette
première publication pour résumer le point de vue opératoire du développement de la quantification chez l’enfant. D’autres travaux ont en effet été consacrés à son étude à la fin des années 50 dans le cadre du CIEG ; deux volumes
importants des Études d’épistémologie génétique, XI : Problèmes de la construction du nombre (1960) et XIII : Structures numériques élémentaires
(1962), présentent l’essentiel de ces nouvelles recherches empiriques et
théoriques. Au cours des pages suivantes, j’offrirai une intégration cohérente
de toutes ces idées que je nommerai le modèle opératoire genevois.
La genèse du nombre chez l’enfant de Piaget et Szeminska (1941)
Comme le souligne Piaget dans l’avant-propos de la troisième édition du
volume de 1941 : « […] il ne suffit nullement au jeune enfant de savoir
compter verbalement ‘un, deux, trois, etc.’, pour être en possession du
nombre. » (1967, p.9). Selon ces auteurs, la psychologie de la genèse du
nombre doit privilégier l’étude de l’habileté à la quantification des ensembles
en tant que telle. De plus, ils prennent en compte la particularité du nombre qui
permet d’exprimer à la fois une quantité d’éléments distincts (aspect cardinal
du nombre) et de situer celle-ci par rapport à d’autres quantités plus petites ou
plus grandes (aspect ordinal du nombre). C’est donc la conquête graduelle et
mutuelle de ces deux types de quantification chez l’enfant qui intéressera
Piaget et Szeminska.2
Le développement de la quantification cardinale est démontré empiriquement par le biais d’épreuves exigeant, de la part de l’enfant, de créer une collection d’objets équivalente à une collection témoin, d’évaluer l’égalité de deux
collections données, ou de faire en sorte de rendre équivalentes deux collections qui ne le sont pas. Les résultats révèlent que les enfants de 4-5 ans peuvent déjà apprécier de telles équivalences à l’occasion. Par exemple, ils savent
créer ou comparer correctement deux collections en employant une forme de
correspondance terme à terme élémentaire, c’est-à-dire en disposant minutieusement chaque objet d’une première collection en correspondance « optique »
(au-dessus, en dessous, à droite, à gauche) avec chaque objet de l’autre collection. Néanmoins, leur compétence demeure fragile. Il suffit en effet de déman2
La dernière étude empirique sur le nombre (Berthoud & Kilcher, 1987) paru dans le volume posthume
de Piaget & Garcia, Vers une logique des significations, considère d’ailleurs toujours cette double
perspective de la quantification.
Quantification chez l’enfant
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teler cette correspondance parfaite pour que l’enfant n’admette plus
l’équivalence (épreuve de conservation du nombre) ; le raisonnement déficient
a alors recours à des aspects apparents trompeurs de la situation (par exemple,
la longueur ou la densité des rangées). Le jugement d’équivalence initial reposait donc sur la configuration générale des collections, et non sur leur véritable
cardinal. L’approche des collections par leur nombre d’éléments distincts sera
éventuellement constatée vers 7-8 ans, au moment où l’enfant saura maintenir
l’équivalence des ensembles malgré des apparences trompeuses. Les arguments
évoqués pour justifier le maintien de l’égalité sont par ailleurs liés à la réversibilité de la pensée, comme ceux qui consistent à se référer à la situation initiale
ou à multiplier les dimensions en jeu qui s'annulent alors mutuellement (densité et longueur). L’intelligence opératoire est donc étroitement impliquée dans
le développement de la quantification cardinale.
Les auteurs proposent une conclusion similaire en ce qui a trait à l’habileté
de l’enfant à situer une quantité donnée par rapport à d’autres quantités plus
petites ou plus grandes (la quantification ordinale). C’est par le biais des résultats obtenus à diverses épreuves de sériation d’objets matériels que les auteurs
défendent leur point de vue. Il s’agit alors pour l’enfant de reconnaître la
propriété qui distingue un ensemble d’objets donnés et d’ordonner ceux-ci
selon cette dimension. Les résultats révèlent que la réussite des sériations ne
devient systématique et rapide que vers 7-8 ans. Par exemple, dans le cadre de
l’épreuve de sériation d’un ensemble de bâtonnets de différentes longueurs
(plus ou moins 1 cm), l’enfant de cet âge comprend que l’objet à placer, si plus
grand que le dernier de la série en place, est nécessairement plus grand que
tous les précédents. Les plus jeunes enfants (5-6 ans) réussissent tant bien que
mal à ordonner les bâtonnets, par tâtonnements successifs, en vérifiant le
rapport de grandeur de l’objet à placer avec chaque objet précédent. La réussite
des plus jeunes reposerait donc, pour les auteurs, sur la seule comparaison
perceptive des objets entre eux, tandis que celle des plus âgés s’articulerait
autour d’une véritable structure opératoire transitive pourvue d’intermédiaires.
Étant donné ces résultats empiriques, les auteurs soupçonnent que ce progrès
accompli par l’intelligence opératoire est fondamental dans l’habileté de
l’enfant à la quantification ordinale des collections.
Le nombre est donc conçu comme une synthèse qui combine ces deux types
de quantification en une seule totalité. Les épreuves de classification hiérarchique, présentées dans le même volume, illustrent bien la présence d’une telle
synthèse. Il s’agit pour l’enfant de comparer la quantité d’éléments compris
dans une classe supérieure (fleurs) avec ceux compris dans chacune des sousclasses qui la composent (tulipes, roses, etc.), en répondant à la question de
l’expérimentateur : Y a-t-il plus de roses/tulipes ou plus de fleurs ? La réussite
repose bien évidemment sur une évaluation correcte du cardinal de la classe et
de chaque sous-classe, mais elle implique en même temps une compréhension
du caractère ordinal des quantités emboîtées dans la structure hiérarchique : les
sous-classes sont nécessairement moins nombreuses puisque imbriquées dans
la grande classe. Bref, cette tâche est tout à fait intéressante pour illustrer la
synthèse opératoire du nombre proposée par Piaget et Szeminska (1941).
Les travaux du Centre International d’Épistémologie Génétique
Il serait dommage de restreindre le modèle opératoire du développement de
la quantification chez l’enfant au seul ouvrage de Piaget et Szeminska paru en
1941. En effet, Piaget et d’autres collaborateurs ont consacré deux années
230
S. DESROCHERS
(1958-1959) à la poursuite de l’étude du nombre dans le cadre de la même
perspective ; de nouveaux appuis empiriques au modèle initial ont été récoltés
et des ajouts théoriques importants ont été apportés. Deux nouveaux auteurs
retiendront particulièrement notre attention à cause de leurs contributions :
Albert Morf et Pierre Gréco.3 Le premier a mené une série d’expérimentations
sur l’aspect ordinal des quantités successives, tandis que le second se détache
de la restriction initiale de Piaget et Szeminska pour s’intéresser dorénavant à
l’activité de dénombrement chez les enfants.
L’apport original de Albert Morf (1962) a consisté à élaborer des épreuves
permettant de mieux évaluer l’appréciation de la quantification ordinale par les
enfants, parce qu’il faut bien avouer que les épreuves de sériation de Piaget et
Szeminska n’étaient pas vraiment ciblées sur les quantités elles-mêmes. Des
méthodologies sont donc mises au point afin d’évaluer l’habileté des enfants à
apprécier une quantité donnée par rapport à d’autres plus petites ou plus grandes. L’étude la plus révélatrice consiste d'abord à vérifier que l'enfant reconnaît
bien qu'il y a plus de blocs dans une première collection (N=30) comparativement à une autre collection (N = 6 ou 9). Ensuite, l'expérimentateur fait glisser,
un à un, les 30 objets de la première collection le long d’une règle au bas de
laquelle ils s'accumulent. Il s'agit alors de vérifier si l’enfant reconnaît que, à
un moment donné du processus d'accroissement, le nombre de blocs au bas de
la règle a nécessairement été égal à celui contenu dans la collection témoin (N
= 6 ou 9). Les résultats révèlent que la sériation des quantités discontinues est
d’abord qualitative chez les plus jeunes enfants avant d’acquérir ses propriétés
spécifiques. Les plus jeunes enfants (5 ans) ne sont pas certains qu’il faille
passer exactement par la collection témoin, bien qu’ils semblent admettre une
augmentation progressive des quantités. Ce n’est qu’au moment du passage au
stade opératoire concret (vers 7-8 ans) que les enfants reconnaissent comme
incontournable l’itération n+1 propre à la suite des quantités successives. Ces
résultats permettent alors aux chercheurs genevois de mieux appuyer l’hypothèse d’une acquisition graduelle de la quantification ordinale. Les auteurs sont
toutefois peu bavards quant à l’exigence opératoire spécifique qui expliquerait
le passage de la sériation qualitative à l’itération n+1. Morf (1962) conclut
vaguement : « Elle n’a pas d’autre origine que les mécanismes généraux qui
assurent la construction progressive des nombres naturels eux-mêmes. »
(p.103). Peut-être que l’apport de la quantification cardinale, au moment de la
synthèse du nombre, correspond à un de ces mécanismes ; l’habileté à dégager
distinctement chaque objet d’une collection n’est sans doute pas étrangère à
l'appréciation de l'augmentation itérative n+1 des collections.
Quant à la contribution de Pierre Gréco, elle peut se résumer en ses propres
mots : « Au lieu de reconstruire dialectiquement le nombre de l’enfant à partir
des opérations logiques, on pouvait essayer de partir des nombres tels que les
connaît un enfant de 5 ans, de 7 ans, de 9 ans…, et voir ce qu’il savait en
faire. » (1960, p.150). Les publications de 1960 et 1962 de cet auteur comportent ainsi bon nombre d’observations détaillées relatives à ces étiquettes numérales et leur emploi pour compter d’éventuelles collections. Mais l’apport
principal de Gréco a été sans aucun doute de révéler empiriquement que le
dénombrement d’une collection est souvent bien étranger à l’appréciation de
3
Soulignons néanmoins les contributions plus théoriques de Jean-Blaise Grize sur la logistique des
groupements opératoires du nombre et celle de Seymour Papert sur les enjeux épistémologiques du
nombre.
Quantification chez l’enfant
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son véritable cardinal. C’est en demandant aux enfants de compter les collections à comparer lors des épreuves de conservation du nombre qu’il a pu constater une particularité développementale. Il existe en effet une étape au cours
de laquelle les enfants conçoivent le maintien de la même étiquette numérale
pour deux collections identiques dénombrées, malgré le chambardement de
l’une d'entre elles, sans pour autant réussir à reconnaître le maintien de la quantité en tant que tel :
« Est-ce que c’est encore la même chose, maintenant, A et B’? – Pas
la même chose, mais c’est toujours le même nombre. – Pourquoi distu que ce n’est pas la même chose ? – Parce qu’il y a plus en bas. –
Plus de quoi ? – Plus de boutons. – Mais c’est toujours le même
nombre ? – Oui, le même nombre. » (1962a, p.5).
Gréco nommera cette habileté particulière « la conservation de la quotité »,
dans le but de la distinguer de la conservation plus tardive de la quantité. Il va
sans dire que cette découverte a incité les auteurs genevois à accorder dorénavant une attention particulière au vocabulaire retenu dans les épreuves de
conservation afin de distinguer les raisonnements numériques (Combien il y en
a ? Est-ce qu’il y en a le même nombre ?) de ceux davantage orientés vers les
véritables aspects quantitatifs des collections à comparer (Est-ce la même
chose, pareil ? Est-ce qu’il y en a la même chose, la même quantité, pas plus,
pas moins ? La même chose à manger ? La même chose riche ?). Enfin, il
arrive même que les très jeunes enfants n’attribuent aucune forme d’équivalence à deux collections identiques, même après les avoir dénombrées
correctement : « Autre chose est d’avoir appris à compter et de savoir le faire
sur demande, autre chose de compter pour établir des équivalences, pour juger
des quantités ou quotités. » (1962a, p.44).
L’habileté des tout petits à apprendre la série verbale des nombres et à
l’utiliser pour dénombrer une collection ne pouvait plus être ignorée par les
chercheurs genevois. Il fallait donc trouver la signification cognitive de cette
activité et, surtout, l’intégrer au modèle opératoire du développement de la
quantification. Tous acceptèrent l’idée que le recours à la série verbale des
nombres entiers pour compter une collection unique représente probablement
une activité de correspondance terme à terme entre les étiquettes verbales et les
objets dénombrés, similaire à celle que l’enfant sait établir entre deux rangées
de jetons. Quant à l’existence d’une conservation de la quotité précédant celle
de la quantité, tous ne se sont pas entendus sur la signification structurale de
cette sous-étape. Piaget préfère la concevoir comme une pseudo-conservation
du nombre, étant donné que l’égalité repose probablement sur le seul aspect
ordinal du dernier nombre mentionné pour qualifier la collection dénombrée.
Gréco n’accepte pas l’explication de Piaget puisque les arguments utilisés pour
justifier la conservation de la quotité sont les mêmes qui seront évoqués pour la
conservation des quantités : une référence à la situation antérieure, et une
reconnaissance que rien n’a été ajouté ou enlevé. Il propose plutôt de la concevoir comme une quasi-conservation du nombre, dépourvue néanmoins des
caractéristiques propres à la conservation opératoire : « […] la construction du
nombre n’attend pas, pour s’organiser, que soient constituées les opérations
logiques du niveau concret ; mais ces opérations générales peuvent être nécessaires à son achèvement. » (Gréco, 1962b, p.156). Selon lui, c’est l’application
incontournable au réel lors du jugement des quantités, et l’absence d’une telle
contrainte pour la quotité, qui expliquerait ce décalage. Cette proposition d'une
indépendance initiale du nombre en soi trouve un certain appui empirique dans
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S. DESROCHERS
les travaux d'une collaboratrice de Greco. Claire Meljac (1979) a en effet mis à
jour des trajectoires cliniques particulières laissant entrevoir une indépendance
développementale entre l'activité de dénombrement et la logique opératoire
concrète : tandis que certains enfants maîtrisent parfaitement l'activité de dénombrement tout en ne sachant rien de son utilité cardinale, d'autres démontrent peu d'intérêt envers cette activité malgré un développement opératoire
normal.
En résumé
Le modèle opératoire genevois propose donc que la quantification cardinale
et ordinale repose sur la mise en place des opérations mentales vers 7-8 ans.
Ces acquisitions tardives ne signifient pas pour autant que les plus jeunes
enfants soient dépourvus de toute compétence. Par exemple, ils arrivent à
comparer correctement deux ensembles s’ils sont autorisés à établir une correspondance optique entre les objets des collections. Dans le même ordre
d’idées, la conservation de la quotité constatée par Gréco révèle l’emploi d’une
autre manière de procéder pour évaluer une forme d'équivalence des collections: le dénombrement. Par ailleurs, ajoutons que Piaget et Szeminska reconnaissaient aussi la possibilité d'une perception directe des petits ensembles
« […] qui engendrent ce que l'on pourrait appeler les nombres intuitifs 1 à 4 ou
5, ou nombres adhérant encore aux choses nombrées et participant de la
perception plus que de l'opération […] » (1941/1967, p.256). Le très jeune
enfant dispose donc de procédures variées qui peuvent s'avérer suffisantes à
l’occasion pour répondre correctement à un adulte curieux. Néanmoins, ces
façons de procéder ne résisteront pas à des épreuves plus contraignantes qui
interpellent la véritable habileté de l’enfant à apprécier le nombre d’objets
distincts contenus dans une collection donnée. La reconnaissance d’une égalité
entre deux ensembles et leur quantification cardinale sont donc deux aspects de
la cognition enfantine qu’il ne faudrait pas confondre. Malheureusement, cette
nuance ne sera pas toujours considérée par les chercheurs ayant prétendument
obtenu des résultats empiriques allant à l’encontre des attentes du modèle
opératoire genevois.
LES CONTESTATIONS EMPIRIQUES
Depuis quelques années, on a parfois l’impression que la psychologie du
nombre chez l’enfant est devenue une véritable entreprise empirique dont
l’enjeu essentiel consiste à abaisser l’âge de réussite des enfants à différentes
épreuves expérimentales. Si contribution théorique il y a, elle se limite à prôner
le caractère inné du nombre, conséquence vraisemblable du succès obtenu à
très bas âge. Les nouveaux chercheurs déploient par ailleurs peu d’efforts pour
situer cette connaissance à l’intérieur d’un cadre théorique développemental
plus général (Bideaud, 1991), leurs définitions conceptuelles du nombre sont
souvent peu élaborées (Van Nieuwenhoven, 1999) et leurs préoccupations se
limitent à la quantification cardinale du nombre en négligeant l’étude de sa
contrepartie ordinale (Bryant, 1997). Au cours des pages suivantes, je résumerai donc trois groupes de travaux empiriques effectués après ceux de l’Ecole de
Genève : (1) les démonstrations d’une habileté à la conservation du nombre
chez les tout petits, (2) les études s’intéressant au rôle du comptage dans
l’accès au cardinal d’un ensemble, et (3) les travaux de recherche révélant la
capacité des bébés à différencier deux quantités. Ces travaux ont été retenus
par ce qu’ils représentent, aux yeux de plusieurs psychologues, des démonstrations claires allant à l’encontre des idées de Jean Piaget.
Quantification chez l’enfant
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La conservation (?) du nombre chez les tout petits
Bien que plusieurs auteurs admettent aujourd’hui que les épreuves classiques de la conservation du nombre aient reçu un appui empirique colossal
auprès de milliers d’enfants ayant participé à des centaines d’études auprès de
populations variées (e.g. Bjorklund, 2004 ; Siegler, 2000 ; Slater & Bremner,
2003), les tentatives d’abaisser l’âge de la quantification cardinale sont nombreuses. Mehler et Bever (1967) sont les premiers à présenter des résultats
empiriques révélant une habileté à reconnaître une différence quantitative entre
deux collections dès l’âge de 2-3 ans. Par exemple, après que les enfants aient
consenti au départ à l’égalité de deux rangées de quatre éléments disposés en
correspondance optique parfaite, l’expérimentateur ajoute alors deux éléments
à l’une d’entre elles et modifie sa configuration spatiale de façon à en diminuer
sa longueur par rapport à l’autre rangée. Questionnés à nouveau sur l’équivalence ou non des collections, les enfants n’hésitent pas à nier celle-ci et à
attribuer un nombre plus important à la rangée modifiée. Ce comportement des
enfants est d’abord interprété par les auteurs comme une forme de conservation, trop précoce pour le modèle de Piaget. Mais en 1968 les mêmes auteurs se
raviseront en admettant que le terme « conservation » n’aurait pas dû être
employé, bien que l’épreuve révèle quelque chose de très précoce concernant
l’habileté des enfants à comparer des ensembles. Cette volte-face n’est pas
étrangère aux commentaires critiques qu’adressa Piaget (1968) aux conclusions
des auteurs, comme le fait que les enfants pouvaient fort bien réussir la tâche
précédente en se basant exclusivement sur la plus forte densité de la rangée
modifiée. C’est pourquoi, depuis, plusieurs auteurs ne considèrent plus cette
tâche comme une épreuve de niveau opératoire (e.g. Beilin, 1968 ; Flavell &
Hill, 1969 ; Miller, 1976 ; Schirlin & Houdé, 2005; Vilette, 1996).
La fameuse tâche magique mise au point par Rochel Gelman (1972) est une
autre tentative expérimentale célèbre. La méthode est complexe et consiste à
inviter l’enfant à participer à un jeu au cours duquel il lui faudra désigner une
assiette gagnante parmi deux en découvrant le nombre d’objets (deux ou trois)
cachés sous l’une d’entre elles. Une fois bien comprises les consignes,
l’épreuve proprement dite débute au moment où des modifications sont apportées à une collection, mais à l’insu de l’enfant. Il s’agit de vérifier si les enfants
de 3-5 ans sauront reconnaître que l’ajout ou le retrait d’un élément à une
assiette représente un changement pertinent à son statut de gagnante, contrairement à un changement insignifiant qui consiste à modifier l’arrangement
spatial de ses éléments. Les résultats révèlent que les enfants ignorent les
modifications spatiales mais tiennent compte des modifications quantitatives
apportées aux collections. Par exemple, si l’assiette gagnante contenait trois
objets, l’enfant n’acceptera pas de considérer cette assiette comme gagnante si
un objet lui a été retiré bien que la rangée formée par les deux objets soit toujours de même longueur. Rochel Gelman conclut à une habileté très précoce à
la quantification cardinale des petits ensembles et à une logique qui sait se
soustraire à l’arrangement spatial des éléments, une compétence beaucoup trop
précoce pour le modèle de Piaget et Szeminska (1941). Mais, et à l’instar
d’autres auteurs (Miller, 1976 ; Klahr, 1984 ; Vilette, 1996), on peut toutefois
se questionner sur le niveau vraiment opératoire de cette tâche puisque les
collections à comparer ne sont jamais présentées simultanément. Les enfants
n’ont donc pas à contrecarrer les apparences trompeuses de deux collections
identiques présentées côte à côte. D’ailleurs, bien que rarement mentionnés par
les auteurs qui récupèrent cette étude pour remettre en question le modèle
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S. DESROCHERS
opératoire genevois, Gelman elle-même présente dans la même publication des
résultats empiriques révélant l’échec des mêmes enfants aux épreuves traditionnelles de conservation du nombre.
Une autre série d’études empiriques a consisté à contrôler l’influence potentielle de l’expérimentateur adulte sur le choix fautif des plus jeunes. Leur
piètre performance s’expliquerait alors, non pas par une difficulté à la quantification, mais plus simplement par le fait qu’ils sont plus vulnérables à la suggestibilité sociale. Rose et Blank (1974) sont les premières à évaluer cette
hypothèse en décidant que l’expérimentateur ne demandera pas à l’enfant de se
prononcer sur l’égalité initiale de deux collections avant de soutirer leur jugement après transformation de l’une d’entre elles ; les auteurs prétendent que les
enfants risquent alors de ressentir moins de pression à changer une première
réponse face à un adulte qui semble mettre beaucoup d’emphase sur le changement apporté. En agissant de la sorte, les enfants de 6 ans 3 mois admettent
en effet l’équivalence des deux collections, tandis qu’ils la nient avec l’emploi
de la procédure standard. Cependant, Miller (1977) ne retrouve pas cette meilleure performance en reprenant la même méthodologie. Par ailleurs, il faudrait
expliquer pourquoi Fleischmann, Gilmore et Ginsburg (1966) avaient constaté
que les enfants maintiennent leur première réponse dans le cas où la transformation exécutée ne modifie en rien l’apparence perceptive (transvasement dans
un autre verre de même forme) ; il semble bien que le fait de questionner de
nouveau l’enfant sur l’égalité de deux collections n’entraîne pas nécessairement une modification de son jugement initial. Bref, l’influence de
l’expérimentateur sur les réponses des plus jeunes enfants, opérationnalisée par
le contrôle des questions répétées, n’a reçu qu’un appui empirique mitigé.
D’autres auteurs ont envisagé différemment le potentiel de cette influence.
McCarrigle et Donaldson (1975) observent qu’une majorité d’enfants de 4 ans
maintiennent l’égalité initiale de deux rangées de jetons, lorsque la modification de la configuration spatiale de l’une d’entre elles découle d’un événement
accidentel (un vilain petit ourson qui aime bien jouer des tours déplaisants à
l’occasion) plutôt que d’une manipulation intentionnelle de la part d’un expérimentateur adulte. D’autres auteurs ont obtenu des résultats similaires en
reprenant sensiblement la même méthodologie (Dockrell, Campbell & Neilson,
1980 ; Hargreaves, Molloy & Pratt, 1982). Light, Buckingham et Robbins
(1979) n’ont toutefois pas réussi à les reproduire, mais obtiennent néanmoins
une reconnaissance de la conservation du nombre à 6 ans lorsqu’ils ont recours
à une modification circonstancielle : la modification de l’arrangement d’une
collection résulte d’une circonstance déplorable (une fêlure constatée sur un
des deux verres identiques contenant les deux collections de billes oblige à
transvaser son contenu dans un autre verre moins large et plus haut).
L’ensemble de ces résultats empiriques laisse donc à penser que l’absence
d’une action délibérée de la part d’un adulte favorise le maintien du jugement
initial.
Toutefois, plusieurs auteurs jugent que les accidents et les prétextes introduits captent trop l’attention de l’enfant au détriment du changement apporté ;
c’est pourquoi Goswami (1998), Vilette (1996) et même Light, Buckingham et
Robbins (1979) se demandent si ces nouvelles méthodologies évaluent bien
l’habileté à la conservation opératoire qui consiste précisément à savoir annuler
une modification apportée. Déjà Piaget et Szeminska avaient souligné
l’importance de recourir à une transformation suffisamment prégnante : « […]
l’enfant de ce niveau [second stade vers 4-5 ans] est capable d’affirmer une
Quantification chez l’enfant
235
certaine conservation dans le cas d’un changement peu important, mais il n’y
parvient pas dans celui d’une transformation plus considérable […] »
(1941/1967, p.49). D’ailleurs, Bovet et Parrat-Dayan (Bovet, Parrat-Dayan &
Deshusses-Addor, 1981 ; Parrat-Dayan & Bovet, 1982) reprennent l’étude du
petit ourson et constatent que les enfants ne maintiennent plus leurs premières
réponses d’équivalence si on leur demande de se justifier après coup, comme si
cette question additionnelle les entraînait justement à constater la différence.
Enfin, Miller (1982) constate que les enfants de 6 ans échouent à une épreuve
de conservation au cours de laquelle une transformation saillante est présentée
à l’enfant, bien que non exécutée par un expérimentateur adulte : ils affirment
que deux collections égales de bateaux attachés les uns aux autres ne le sont
plus au moment où les bateaux de l’une d’entre elles sont déliés et libres de
partir à la dérive sur l’eau. Bref, le recours à l’influence de l’expérimentateur
pour expliquer les résultats des recherches précédentes est donc confronté à
une alternative sérieuse.
D’autres variables ont été envisagées pour abaisser l’âge de réussite aux
épreuves de conservation du nombre (choix des mots, saillance des indices
perceptifs, etc.). Nous ne pouvons reprendre ici tous ces travaux. Mais la
difficulté à reproduire les résultats initiaux et un doute quant à l’exigence
véritablement opératoire des nouvelles épreuves élaborées sont deux commentaires qui reviennent constamment dans les plus récentes revues de littérature
consacrées à la problématique de la conservation du nombre chez les tout petits
(e.g. Bideaud, Lehalle & Villette, 2004 ; Bryant, 1997 ; Vilette, 1996). Par
ailleurs, il est important de souligner le fait qu’aucune précaution spéciale n'ait
été prise pour empêcher le comptage des collections dans ces nouveaux
travaux; plusieurs succès observés auprès des jeunes de 4-5 ans pourraient
alors s’expliquer par la simple conservation de la quotité proposée par Gréco.
De plus, on reconnaît aujourd'hui aux enfants, parfois aussi jeunes que 3 ans,
une capacité de subitizing (dénomination quasi-instantanée des nombres, sans
comptage) des petits nombres (< 4) (Benoit, Lehalle & Jouen, 2004) ; avant
même l’approche des collections par leur quotité, il pourrait donc y avoir une
approche encore plus élémentaire issue du décodage spontané de patterns
numériques, sans être forcément pourvue d’une signification mathématique ou
quantitative (von Glasersfeld, 1993). Cette nouvelle idée n'est pas sans rappeler
la suggestion de Piaget et Szeminska soulignée dans la section précédente au
sujet d'une perception directe des petits nombres. Cette façon très élémentaire
de traiter les petits ensembles rend le succès des enfants de 3 ans à la tâche
magique de Gelman (1972) moins étonnant, un peu comme si on leur avait
demandé de distinguer une pomme d’une orange! Bien que non envisagés
sérieusement dans les épreuves de conservation du nombre menées auprès des
tout petits, les liens entre l’étiquette numérique accolée à une collection et
l’appréciation de son véritable cardinal ont toutefois été abordés par d’autres
chercheurs depuis les propositions genevoises.
Comptage et quantification cardinale (?)
La publication de The child’s understanding of number (1978) de Rochel
Gelman et C. Randy Gallistel représente probablement la première vaste étude
scientifique consacrée exclusivement à la pratique du comptage chez les enfants. Selon les observations des auteurs (voir aussi Gelman & Meck (1983) et
Gelman, Meck & Merkin (1986)), les balbutiements du comptage vers 2-3 ans
sont déjà bien encadrés par les cinq principes essentiels au bon déroulement de
cette activité : (1) Le principe de correspondance terme à terme exigeant que
236
S. DESROCHERS
tous les éléments d’une collection soient comptés une et une seule fois, (2) Le
principe d’ordre stable exigeant le recours à la même suite d’étiquettes numérales (bonne ou mauvaise) d’une collection à l’autre, (3) Le principe cardinal
qui permet à l’enfant de comprendre que le dernier mot-nombre prononcé
correspond à la quantité des objets de la collection dénombrée, (4) Le principe
d’abstraction qui permet de dénombrer toute collection d’objets peu importent
leurs formes, couleurs, etc., et enfin (5) Le principe d'ordre non pertinent qui
autorise à dénombrer une même collection selon des parcours variés. Le bienfondé empirique de ces principes à des âges aussi peu avancés que 2-3 ans
apparaît toutefois aujourd’hui très controversé, bon nombre de travaux n’ayant
pas réussi à reproduire les résultats de Gelman et ses collaborateurs à un âge
aussi précoce (voir en langue française Bideaud, Lehalle & Vilette (2004) ou
Van Nieuwenhoven (1999) pour des recensions très détaillées). Il est clair que
la proposition initiale de Gelman voulant que des principes innés guident a
priori les activités de comptage ne jouit plus d’une acceptation tout azimut en
psychologie du développement, de sorte qu’il est bien difficile aujourd’hui de
choisir entre l’hypothèse des principes qui guident a priori l’activité de comptage du jeune enfant ou celle prônant plutôt que c’est l’exercice de cette activité qui entraîne une prise de conscience graduelle de ceux-là (Baroody, 1991).
Parmi ces révisions, c’est celle concernant le principe cardinal qui
m’apparaît la plus importante pour la présente discussion. En tant qu’adultes, il
est bien vrai que lorsque nous comptons une collection, nous comprenons
facilement que le dernier mot-nombre prononcé représente la quantité d’objets
de la collection (le cardinal). Mais qu’en est-il de la compréhension de ce
principe chez les jeunes enfants ? Rappelons d’abord que Gelman et Gallistel
(1978) proposaient que le simple fait que les enfants de 2-3 ans accentuent
souvent le dernier mot-nombre ou le répètent (1,2,3,4…4 !) lors du comptage
d’une collection, ou l’offrent en réponse à la question « combien y a-t-il en
tout ? », était suffisant pour conclure qu’ils apprécient le cardinal d’un
ensemble, et ce donc, bien avant l’arrivée de la pensée opératoire concrète.
Néanmoins, Karen Fuson (Fuson, 1988, 1991) souligne que le recours au
dernier mot-nombre pour répondre à l’adulte n’est pas sans équivoque chez les
plus jeunes enfants. Parmi les bizarreries relevées par l’auteure, mentionnons
celles qui consistent à recompter de nouveau toute la collection ou à ne
désigner que le dernier objet compté (plutôt que la collection entière) pour
indiquer à quoi réfère le dernier mot-nombre offert en réponse. Elle suggère
ainsi de remplacer le principe par une plus simple règle du dernier motnombre. De plus, elle soupçonne que les toutes premières utilisations de cette
règle pourraient même provenir d’un simple apprentissage social, voire d’un
effet de récence favorisant le dernier mot-nombre prononcé après comptage.
Frye, Braisby, Lowe, Maroudas, et Nicholls (1989) obtiennent d’ailleurs des
résultats empiriques qui appuient l’hypothèse sociale : ils constatent que les
enfants de 4 ans performent moins bien lorsque la question est formulée
autrement (est-ce qu’il y a n objets ?, donne-moi n objets) révélant bien
l’ancrage de la règle dans un contexte de communication très précis. Le
comptage d’une collection unique apparaît donc aujourd’hui comme un indice
très risqué pour attribuer une habileté de quantification cardinale aux très
jeunes enfants.
D’autres résultats empiriques révèlent, d’une manière différente, que les
tout petits n’accordent pas un sens cardinal à leur dénombrement. C’est ainsi
que plusieurs auteurs (e.g. Cowan, 1987 ; Fuson, 1988, 1991 ; Sophian, 1987,
Quantification chez l’enfant
237
1991 ; Nieuwenhoven, 1999) ont cherché à savoir à quel moment le jeune
enfant sait utiliser l’information obtenue après comptage pour résoudre
d’autres épreuves impliquant l’appréciation du nombre d’objets pour être
réussies. Les résultats révèlent que les enfants de moins de 6 ans ont rarement
recours spontanément au comptage, ni même aux résultats obtenus si on les
incite à s’exécuter, pour ainsi créer une nouvelle collection identique à une
première ou comparer deux ensembles entre eux. Comment ne pas reprendre
ici le commentaire de Gréco (1962a) déjà mentionné auparavant: « Autre chose
est d’avoir appris à compter et de savoir le faire sur demande, autre chose de
compter pour établir des équivalences, pour juger des quantités ou quotités. »
Malheureusement, les études précédentes ignorent le concept de quotité, de
sorte qu’il est bien difficile de se prononcer sur la nature de l’équivalence
jaugée par les enfants lors des premières réussites autour de 6 ans. Les futures
recherches auraient intérêt à tenir compte de cette nuance ; cela permettrait,
entre autres, d’évaluer la pertinence des étapes développementales proposées
par le modèle opératoire genevois.
Entre temps, mentionnons déjà que Saxe (1979) a révélé que les enfants
(entre 4 et 6 ans) qui savent établir correctement une correspondance numérique entre deux ensembles n’arrivent pas pour autant à résoudre des épreuves
traditionnelles de conservation du nombre. Les études portant sur les activités
de partage d’une quantité par les enfants sont aussi intéressantes à ce sujet. Par
exemple, les résultats obtenus par Miller (1984) illustrent une préoccupation
très quotitive chez les très jeunes enfants. En effet, lorsqu’ils sont invités à
partager une quantité continue de matière en parts égales parmi un nombre
donné de récipiendaires, on constate que les plus jeunes enfants ont recours à
un partage exclusivement numérique (un pour toi, un pour moi…) sans se
soucier de l’équivalence des parts distribuées à chaque tour ; les plus âgés
recourent davantage à un partage vraiment équitable de la quantité de départ en
employant des stratégies diverses (fractions, comparaison à un étalon initial,
etc.). Dans le même ordre d’idées, Parrat-Dayan (1980) avait constaté que la
moitié de quelque chose correspond tout simplement à une partie du tout chez
les plus jeunes enfants, sans chercher à bien calibrer les parts. Ces résultats
obtenus aux épreuves de partage qui mêlent quantités discontinues et continues
mériteraient d’être multipliées parce qu’ils sont, à mon avis, très révélateurs
d’une préoccupation prépondérante envers la quotité, au détriment d’autres
formes d’équivalence.
L’hypothèse de Gelman selon laquelle le nombre aurait des bases innées/
biologiques à cause d’habiletés très précoces au dénombrement n’apparaît plus
aujourd’hui aussi bien fondée empiriquement que lors de la publication des
premières observations de l’auteur. Surtout, les liens entre le comptage et la
quantification cardinale sont beaucoup plus complexes que ce qu’avait d’abord
supposé Gelman dans les années 70-80. La conception innéiste a été largement
abandonnée au profit d’une conception plus développementale, qui se rapproche souvent des constatations de Gréco, bien qu’elles aient été inconnues au
départ. Mais la conviction d’une base innée au nombre a conduit certains à
pousser l’exploration jusque chez le bébé de quelques mois, voire le nouveauné ! Au cours de la section suivante, je résumerai donc ces travaux de recherche qui ont, eux aussi, subi des révisions importantes depuis les interprétations
enthousiastes des premiers chercheurs.
238
S. DESROCHERS
Bébé mathématicien ?
Interroger les bébés en mesurant et comparant leurs durées d’exploration
sensorielle (le plus souvent visuelle) est devenu un moyen très répandu en
psychologie pour mettre à jour leurs habiletés cognitives. C’est l’ingéniosité
méthodologique des chercheurs qui permet alors d’interroger les tout petits et
de leur attribuer des habiletés cognitives variées, allant de la simple discrimination sensorielle à l’élaboration de notions variées et plus élaborées comme
celle de la permanence de l’objet, la causalité, etc. (Desrochers & Erzépa,
2001). Le recours à cette façon de faire a donc aussi été envisagé pour évaluer
les connaissances des bébés relatives au nombre. C’est, encore une fois,
l’habileté à la quantification cardinale des collections qui a été éprouvée. La
quantité de travaux empiriques sur cette question est plutôt considérable, de
sorte qu’il est impossible de tous les présenter en détail dans le cadre de la
présente discussion. Au cours des paragraphes suivants, je résumerai donc
l’essentiel de l’évolution des idées en ce qui concerne cette habileté ; je suggère au lecteur intéressé de consulter les revues de littérature publiées récemment par Bideaud, Lehalle et Vilette (2004) ou Lécuyer (2002) pour en
connaître davantage.
Une première série de travaux a recours à la procédure de l’habituation visuelle-intérêt pour la nouveauté pour mettre à jour l’habileté des bébés à distinguer deux quantités différentes. Il s’agit de permettre aux bébés d’examiner
suffisamment une première quantité d’objets pendant plusieurs essais, puis une
nouvelle quantité leur est tout simplement présentée. Le temps de fixation
visuelle des bébés aux derniers essais avec la collection initiale est alors comparé avec celui obtenu lors du passage à la nouveauté. Starkey et Cooper
(1980) sont les premiers à révéler une habileté des bébés de 22 semaines à
distinguer une collection de deux éléments d’une suivante en contenant trois.
Plusieurs autres études révéleront des habiletés similaires en procédant de la
sorte au cours des premiers mois de vie (e.g. Treiber & Wilcox, 1984 ; Von
Loosbroek & Smitsman, 1990), voire à la naissance (Antell & Keating, 1983).
Les résultats favorables obtenus par le biais de cette première méthode ont
néanmoins vite suscité des interprétations alternatives à celle de la discrimination véritablement cardinale (perception du nombre d'unités distinctes) initialement proposée. Par exemple, Lécuyer (2002) propose, preuves empiriques à
l’appui, que la simple configuration des collections pourrait expliquer les
résultats constatés. En contrôlant l’apparence résultante de l’ajout ou du retrait
d’un objet de façon à maintenir une configuration proche de la collection
initiale, il constate que les nourrissons ne réagissent plus à la nouveauté. Une
autre hypothèse alternative propose que la longueur totale du contour des
objets d’une collection, qui varie nécessairement d’une quantité à l’autre, est
l’indice utilisé par les nourrissons pour discriminer des collections différentes,
et ce, indépendamment de leur configuration. Deux études empiriques
(Clearfield & Mix, 1999, 2001) révèlent bien l’importance de cet input sensoriel, et .Mix, Huttenlocher & Levine (2002) appliqueront cette hypothèse avec
succès à bien d’autres études antérieures n’ayant pas tenu compte de cette
variable dans leurs méthodologies. Il semble bien que, au bout du compte, la
simple perception de divers indices spatiaux suffit à expliquer la réaction
différenciée des bébés confrontés à des collections comportant, pour nous
adultes, un nombre différent d’objets distincts.
Une deuxième série de travaux, plus audacieux, consiste à vérifier si les bébés savent anticiper les conséquences de l’ajout ou du retrait d’un objet à une
Quantification chez l’enfant
239
collection initiale, en comparant leurs temps de fixation visuelle entre des
situations qui respectent le résultat attendu et celles qui s’en éloignent.
L’inférence repose alors sur la comparaison entre les réactions des bébés à des
situations possibles (par exemple, 1+1=2) et impossibles (par exemple, 2-1=2).
C’est ainsi que Wynn (1992) révèle par exemple que les bébés de 5 mois fixent
plus longtemps le résultat impossible (1) d’une addition 1 + 1 comparativement
au résultat escompté (2). Mais plusieurs autres études auront de la difficulté à
reproduire ces résultats étonnants à différents âges (e.g. Koechlin, Dehaene &
Mehler, 1997 ; Langer, Gillette & Arriaga, 2003 ; Wakeley, Rivera & Langer,
2000), et des réserves concernant la méthodologie (Cohen & Marks, 2002) et
les analyses statistiques effectuées (Fischer, 2001) seront exprimées. Le recours aux données concernant l’habileté du bébé à anticiper les conséquences
d’une addition ou d’une soustraction, pour leur attribuer une appréciation du
cardinal des ensembles, apparaît aujourd’hui plutôt controversé. Par ailleurs,
pour ceux qui acceptent d'emblée les résultats de Wynn, il faudra dorénavant
démontrer que cette réaction ne dépend pas du contour total des objets présentés avant de conclure à des procédures arithmétiques exécutées sur des objets
bien distincts (Bideaud, Lehalle & Vilette, 2004). Les discussions concernant
les deux modèles proposés pour expliquer l'addition et la soustraction chez le
bébé (l'accumulateur de Meck & Chrurch (1983) et le comparateur de fichiers
d'objets de Kahneman, Treisman & Gibbs (1992)) apparaissent donc, pour
l'instant, prématurées.
L’attribution d’une cognition mathématique au bébé et sa portée innéiste
(Wynn, 1992, 1998 ; Spelke, 1998), aux antipodes du modèle opératoire genevois, ne font donc plus consensus à l’heure actuelle en psychologie. Même
Roger Lécuyer (2002), pourtant fier défenseur des habiletés précoces du nourrisson, rejette le bien-fondé empirique de cette hypothèse audacieuse ; il semble donc qu’il n’ait pas l’intention de modifier le titre de son ouvrage Bébé
astronome, bébé psychologue (1989) pour y ajouter bébé mathématicien. Ce
retournement de situation n’est pas sans rappeler d’autres levées de bouclier en
ce qui a trait à l’interprétation des études d’habituation visuelle portant sur la
permanence de l’objet chez le bébé (voir Desrochers & Erzépa, 2001). .
En résumé
Il est donc facile de relever un bon nombre de commentaires critiques en ce
qui concerne les contestations empiriques post-piagétiennes. Alors qu’on
accuse souvent les chercheurs genevois d’avoir sous-estimé les capacités du
jeune enfant, je propose que les récents chercheurs surestiment trop souvent
l’habileté de celui-ci. Je partage donc l’avis de Gréco (1962) qui écrivait « […]
si le langage usuel parle de notion dès qu’une vague idée apparaît, il est recommandé à une psychologie de l’intelligence de chercher d'abord les aboutissements structuraux, les organisations achevées. » (p.216). Enfin, il ne reste qu’à
espérer que des travaux futurs poursuivront l’étude de la quantification ordinale entamée par les chercheurs genevois, une contrepartie essentielle à l’étude
de la quantification véhiculée par le nombre (Bryant, 1997).
CONCLUSION
L’étude du nombre chez l’enfant ne peut, bien sûr, se limiter à la seule problématique de la quantification. Mais en ce qui concerne cette caractéristique,
il m’apparaît plutôt difficile de rejeter catégoriquement les suggestions du
modèle opératoire genevois à la lumière de travaux de recherche dont les
résultats sont grandement discutables ou s’apparentent drôlement à ceux cons-
240
S. DESROCHERS
tatés par les chercheurs genevois. La lecture des ouvrages de l’École de Genève demeure donc une perspective viable pour tous ceux qui s’intéressent à la
psychologie du nombre chez l’enfant. Ce constat est similaire à celui déjà
souligné en ce qui a trait au développement de la causalité chez le nourrisson
(Desrochers, 2003) et l’enfant des stades préopératoire et opératoire concret
(Desrochers, 2005). La prise en compte des derniers travaux du CIEG a joué un
rôle incontestable lors de ces revues critiques de la littérature. Souvent publiés
dans les nombreux volumes des Études d’Épistémologie Génétique, ils viennent toujours enrichir les conclusions des premiers ouvrages de Jean Piaget.
Étant donné que certains des derniers développements ne sont plus l’apanage
de Piaget lui-même, il m’apparaît désormais plus utile de nommer l’intégration
de toutes les idées de l’École de Genève sous l’appellation de modèle opératoire genevois.
En ce qui concerne le développement de la quantification chez l'enfant, la
plus importante contribution du modèle opératoire est sans doute de proposer
une riche définition conceptuelle du nombre, forçant les psychologues à étudier
empiriquement la quantification cardinale et ordinale. Par ailleurs, les chercheurs actuels auraient tout intérêt à prendre en compte la distinction proposée
entre la quantification opératoire/logique et celle obtenue par dénombrement;
cette nuance développementale permettrait d'offrir une interprétation commune
aux résultats obtenus par plusieurs études en apparence disparates, soit celles
s'intéressant à l'utilité du dénombrement dans l'appréciation des équivalences,
le partage équitable d'une quantité initiale, les épreuves de conservation réussies à très bas âge, etc. De plus, l'idée de petits nombres intuitifs proposés par
Piaget et Szeminska (1941), et mieux connue aujourd'hui sous l'appellation de
subitizing, devrait dorénavant occuper toute la place qui lui revient dans le
modèle opératoire genevois. Telle que mentionnée auparavant, la possibilité
d'une perception directe des petits nombres est à rapprocher des autres procédures mieux connues (correspondances terme à terme et dénombrement) qui
permettent aux plus jeunes enfants de se prononcer sur l'équivalence ou non
des collections. Les futures études empiriques piagétiennes devraient donc
accorder une attention particulière à ces façons de faire préopératoires, puisqu'elles représentent la ou les première(s) étape(s) vers la construction du
nombre opératoire.
Enfin, Bideaud (1988) souligne que la compréhension de la logique des
classes ne se limite pas à la réussite de l'épreuve traditionnelle d'inclusion des
classes. En effet, il semble qu'il faille attendre jusqu'à 11 ans avant que l'enfant
sache répondre correctement à d'autres questions embêtantes (par exemple:
« Peux-tu faire quelque chose pour qu'il y ait plus de roses que de fleurs? »),
bien qu'il ait réussi l'épreuve standard. Ces résultats sont intéressants pour le
développement de la pensée logique en soi, mais il est difficile de concevoir
pourquoi la réussite de ces nouvelles épreuves d'inclusion des classes serait
nécessaire pour attribuer à l'enfant la synthèse ordinalité-cardinalité du nombre
opératoire? La réussite de l'épreuve classique apparaît comme une condition
suffisante pour attribuer cette synthèse structurale du nombre à un enfant.
Aujourd’hui, certains théoriciens, en apparence très éloignés de l'approche
constructiviste, n’hésitent pas à récupérer les réponses variées et progressives
obtenues aux différentes épreuves classiques genevoises pour illustrer leurs
nouveaux modèles du développement cognitif, comme dans le cas de la nouvelle psychologie développementale computationnelle de Thomas Shultz
(2003). A l’opposé, d’autres psychologues ont jusqu’à ressenti le besoin de ré-
Quantification chez l’enfant
241
écrire La Psychologie de l’enfant (1966) de Piaget et Inhelder à la lumière de
certains développements post-piagétiens (Houdé, 2004), au détriment des
interprétations alternatives et des travaux qui n’ont pas réussi à reproduire les
premières données expérimentales sensationnelles. La présente revue de littérature représente un contrepoids au discours des révisionnistes concernant la
quantification chez l’enfant. J’espère que l’équilibre proposé permettra aux
psychologues d’être moins vulnérables aux apparences ou suggestions souvent
trompeuses.
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