01_L_39_Amant_Tenebreux_ - e

Transcription

01_L_39_Amant_Tenebreux_ - e
J.R.Ward
Laconfrériedeladaguenoire1
L’amant
Ténébreux
Traduitdel’anglais(États-Unis)
parLaurenceRichard
[Rev2,20/06/2012]
Milady
Àtoi,avectoutemonadmirationetmonamour.
Merciàtoidem’avoirtrouvée.
Etdem’avoirmontrélechemin.
Chemind’unevieentière,lemeilleurquej’auraispuemprunter.
LEXIQUEDESTERMES
ETDESNOMSPROPRES
Chaleurs : période de fertilité des vampires femelles, d’une durée moyenne de deux jours,
accompagnéed’intensespulsionssexuelles.Enrèglegénérale,leschaleurssurviennentenvironcinq
ansaprèslatransitiond’unvampirefemelle,puisunefoistouslesdixans.Touslesvampiresmâles
sontréceptifsàdesdegrésdifférentss’ilssetrouventàproximitéd’unvampirefemellependantcette
période, qui peut s’avérer dangereuse, caractérisée par des conflits et des combats entre des mâles
rivaux,surtoutsilevampirefemellen’apasdecompagnonattitré.
Confrérie de la dague noire : organisation de guerriers vampires très entraînés chargés de
protéger leur espèce de la Société des éradiqueurs. Des unions sélectives au sein de la race ont
conféréauxmembresdelaConfrérieuneforcephysiqueetmentalehorsducommun,ainsiquedes
capacités de guérison rapide. Pour la plupart, les membres de cette Confrérie n’ont aucun lien de
parentéetsontadmisdanslaConfrérieparcooptation.Agressifs,indépendantsetsecretsparnature,
ilsviventàl’écartdescivilsetn’entretiennentquepeudecontactsaveclesmembresdesautrescastes,
saufquandilsdoiventsenourrir.Ilsfontl’objetdenombreuseslégendesetd’unevénérationdansla
société des vampires. Seules des blessures très graves – balle ou coup de pieu dans le cœur, par
exemple–peuventleurôterlavie.
Doggen:danslemondedesvampires,membredelacastedesserviteurs.Lesdoggenobéissentà
des pratiques anciennes et suivent un code d’habillement et de conduite extrêmement formel. Ils
peuvents’exposeràlalumièredujour,maisvieillissentrelativementvite.Leurespérancedevieest
d’environcinqcentsans.
Élues:vampiresfemellesauservicedelaViergescribe.Ellessontconsidéréescommemembres
del’aristocratie,maisleurorientationestcependantplusspirituellequetemporelle.Ellesontpeu,si
cen’estaucune,interactionaveclesmâles,maispeuvents’accoupleràdesguerriersàlasoldedela
Vierge scribe pour assurer leur descendance. Elles possèdent des capacités de divination. Dans le
passé, elles avaient pour mission de satisfaire les besoins en sang des membres célibataires de la
Confrérie,maiscettepratiqueesttombéeendésuétudeauseindel’organisation.
Éradiqueur:êtrehumaindépourvud’âme,membredelaSociétédeséradiqueurs,dontlamission
consisteàexterminerlesvampires.Seuluncoupdepoignardenpleinepoitrinepermetdelestuer;
sinon,ilssontintemporels.Ilsn’ontnulbesoindes’alimenternideboireetsontimpuissants.Avecle
temps,leurscheveux,leurpeauetleursirisperdentleurpigmentation:leséradiqueursblondissent,
pâlissentetleursyeuxs’éclaircissent.Ilsdégagentuneodeurdetalcpourbébé.Initiésauseindela
Société par l’Oméga, les éradiqueurs conservent dans une jarre de céramique leur cœur après que
celui-cileuraétéôté.
Esclavedesang:vampiremâleoufemelleassujettiàunautrevampirepoursesbesoinsensang.
Tombéeendésuétude,cettepratiquen’acependantpasétéproscrite.
L’Estompe:dimensionintemporelleoùlesmortsretrouventleursêtreschersetpassentl’éternité.
Hellren : vampire mâle en couple avec un vampire femelle. Les vampires mâles peuvent avoir
plusieurscompagnes.
Honoris:riteaccordéparunoffenseurpermettantàunoffensédelaversonhonneur.Lorsqu’il
estaccepté,l’offenséchoisitl’armeetfrappel’offenseur,quiseprésenteàluidésarmé.
Leelane:termeaffectueuxsignifiant«tendreaimé(e)».
Oméga:forcemystiqueetmalveillantecherchantàexterminerl’espècedesvampiresparrancune
contre la Vierge scribe. Existe dans une dimension intemporelle et jouit de pouvoirs extrêmement
puissants,maispasdeceluidecréation.
Premièrefamille:roietreinedesvampires,ainsiqueleurdescendanceéventuelle.
Princeps:rangleplusélevédel’aristocratievampire,aprèslesmembresdelaPremièrefamille
oulesÉluesdelaViergescribe.Letitreesthéréditaireetnepeutêtreconféré.
Pyrocante:pointfaibled’unindividu;sontalond’Achille.Ilpeuts’agird’unefaiblesseinterne,
uneaddictionparexemple,ouexterne,commeun(e)amant(e).
Shellane : vampire femelle compagne d’un vampire mâle. En règle générale, les vampires
femelles n’ont qu’un seul compagnon, en raison du caractère extrêmement possessif des vampires
mâles.
Société des éradiqueurs : organisation de tueurs à la solde de l’Oméga, dont l’objectif est
d’éradiquerlesvampiresentantqu’espèce.
LeTombeau:caveausacrédelaConfrériedeladaguenoire.Utilisécommelieudecérémonieet
comme lieu de stockage des jarres de céramique des éradiqueurs. Dans le Tombeau se déroulent
diverses cérémonies, dont les initiations, les enterrements et les mesures disciplinaires prises à
l’encontre des membres de la Confrérie. L’accès au Tombeau est réservé aux membres de la
Confrérie,àlaViergescribeetauxfutursinitiés.
Transition : moment critique de la vie d’un vampire mâle ou femelle lorsqu’il devient adulte.
Passécetévénement,levampiredoitboirelesangd’unêtrehumaindusexeopposépoursurvivreet
nepeutpluss’exposeràlalumièredujour.Latransitionsurvientgénéralementversl’âgedevingtcinqans.Certainsvampiresn’ysurviventpas,notammentlesvampiresmâles.Avantleurtransition,
lesvampiresn’ontaucuneforcephysique,n’ontpasatteintlamaturitésexuelleetsontincapablesde
sedématérialiser.
Vampire:membred’uneespècedistinctedecelledel’Homosapiens.Poursurvivre,lesvampires
doiventboirelesangdusexeopposé.Lesanghumainleurpermetdesurvivre,bienquelaforceainsi
conférée soit de courte durée. Après leur transition, qui survient vers l’âge de vingt-cinq ans, les
vampiresnepeuventpluss’exposeràlalumièredujouretdoivents’abreuverdesangàintervalles
réguliers. Ils ne sont pas capables de transformer les êtres humains en vampires après morsure ou
transmission de sang, mais, dans certains cas rares, peuvent se reproduire avec eux. Ils peuvent se
dématérialiseràvolonté,àconditiontoutefoisdefairepreuvedecalmeetdeconcentration;ilsne
peuvent pendant cette opération transporter avec eux d’objets lourds. Ils ont la faculté d’effacer les
souvenirsrécentsdesêtreshumains.Certainsvampirespossèdentcelledeliredanslespensées.Leur
espérancedevieestd’environmilleansouplusdanscertainscas.
Viergescribe:forcemystiqueœuvrantcommeconseillerduroi,gardiennedesarchivesvampires
etpourvoyeusedeprivilèges.Existedansunedimensionintemporelle.Sespouvoirssontimmenses.
Capabled’ununiqueactedecréation,auquelellerecourutpourconférerauxvampiresleurexistence.
CHAPITREPREMIER
Audazsparcourutleclubduregard,englobantdanssonchampdevisionlescorpsàdeminusqui
grouillaient sur la piste de danse. Ce soir-là, le Screamer’s était bondé : femmes vêtues de cuir,
hommesàl’alluredelicenciésèscrimesviolents.
Audazsetl’hommequil’accompagnaitsefondaientdansledécor.
Saufqu’eux-mêmesétaientdevraistueurs.
—Alorstuvasvraimentlefaire?demandaTohrment.Audazscroisaleregarddel’autrevampire
par-dessuslatablebasse.
—Ouais.Jevaislefaire.
Tout en sirotant son scotch, Tohrment lui adressa un sourire sinistre qui dévoila seulement
l’extrémitédesescanines.
—T’esdingue,D.
—Tulesavaisdéjà!
Tohrmentlevasonverreensignederespect.
— Mais tu places la barre sacrément haut. Il y a cette fille innocente qu’a rien demandé et qui
imaginemêmepasl’enferquil’attend,ettuveuxconfiersatransitionàunmeccommeKolher.C’est
tordu.
—Iln’estpasmauvais.Endépitdesonallure.(Audazsterminasabière.)Etfaispreuved’unpeu
plusderespect!
—Durespect,monpote,j’enaipourlui.Maisc’estpasunebonneidée.
—J’aibesoindelui.
—T’essûr?
Une femme vêtue d’une microjupe, d’un bustier orné de chaînes et de cuissardes s’approcha
nonchalammentdeleurtable.Sesyeuxbrillaientderrièreunetonnedemascara;elleavançaitcomme
sisonbassinétaitdésarticulé.
Audazsluifitsignedepassersonchemin.Iln’étaitpasbranchésexe,cesoir-là.
—Tohr,c’estmafille.
—C’estunesang-mêlé,D.Ettusaiscequ’ilpensedeshumains.(Tohrmentsecoualatête.)Mon
arrière-arrière-grand-mèreenétaitune,etjelaramènepasdevantlui.
D’unsignedelamain,Audazsattiral’attentiondelaserveuseetpointadudoigtlabouteillevide
etleverrepresqueterminédeTohrment.
— Il est hors de question que je laisse mourir un autre de mes enfants. Pas s’il existe une
possibilitédesauvermafille.Etdetoutefaçon,personnenesaitsicechangementvaintervenir.Elle
pourraittoutaussibienmenerunevieheureuse,encontinuantàtoutignorerdesonhérédité.C’est
déjàarrivé.
Ilespéraitquesafilleseraitépargnée.Carsilatransitionsurvenait,sielleysurvivaitetpassaitde
l’autrecôtécommevampire,elleseraitpourchasséecommeeuxtous.
—Audazs,sijamaisilaccepte,ceserapardevoirenverstoi.Pasparcequ’illeveut.
—Dumomentqu’illefait,çameva.
—Maiselle,t’ypenses?Ilestaussitendrequ’unfusilàcanonscié,etcettepremièrefoispeut
êtreassezhard,mêmequandonyestpréparé.C’estpaslecasdetafille.
—J’ail’intentiondeluiparler.
—Ettuvoisçacomment?Tuvastepointerdevantelleetluidire:«Salut.Tum’asjamaisvu,
maisjesuistonpère.Ettusaisquoi?Tuviensderemporterlepremierprixàlagrandeloteriede
l’évolution:tuesunvampire.Eh,çatediraituneviréeàDisneyland?»
—Tucrains,tusaisça?
Tohrmentsepenchaenavant,inclinantsesépaulesmassivessouslelourdcuirnoir.
—Tusaisquetupeuxcomptersurmoi.Jecroisjustequetudevraisbienyréfléchir.(Unlong
silences’installa.)Peut-êtrequejepourraism’encharger.
Audazsluijetaunregarddur.
—Ettutevoisrentrercheztoiaprès?Wellsiet’enfonceraitunpieudanslecœur,monami,ette
laisseraitréduireenpoussièreausoleil.
Tohrmentgrimaça.
—Bienvu.
—Etensuiteelles’enprendraitàmoi.
Lesdeuxmâleshaussèrentlesépaules.
—Enplus…(Audazssecaladanssonsiègeletempsquelaserveuseposeleursverres.Ilattendit
qu’elle parte, en dépit du rap hardcore dont le volume assourdissant emplissait le club.)… nous
vivonsuneépoquedangereuse.Siquelquechosedevaitm’arriver…
—Jeprendraissoind’elle.
—Jelesais,ditAudazsentapotantl’épauledesonami.
—MaisKolherestlemeilleur.
Sesproposnecontenaientaucunepointedejalousie.Tohrmenténonçaitunsimpleconstat.
—Ilestuniqueensongenre,ajoutaAudazs.
—EtDieumerci!répliquaTohrmentavecundemi-sourire.
Cet avis, du reste, était partagé par l’ensemble de la Confrérie, cercle fermé de valeureux
guerriers qui combattaient ensemble pour une même cause. Kolher devenait enragé dès qu’il
s’agissaitdevengeance;ilpourchassaitlesennemisdelaConfrérieavecuneobsessionquifrisaitla
démence.Dernierdesalignée,ilétaitaussilederniervampiredepureracesurlaplanète.Alorsqu’il
étaitvénérécommeunroiparceuxdesonespèce,sonrangneluiinspiraitquedudédain.
IlétaittragiquequeKolherconstituelameilleurechancedesurviepourlafilledesang-mêléde
Audazs.LesangdeKolher,sifort,sipur,augmenteraitleschancesdelajeunefilledesurvivreàla
transition si celle-ci survenait. Mais Tohrment n’était pas à côté de la plaque : un tel arrangement
revenaitàlivreruneviergeàunebrutesanguinaire.
Soudain la foule s’écarta ; les gens se bousculaient pour faire place à quelqu’un. Ou à quelque
chose.
—Merde,levoilà,murmuraTohrment.(Ilvidasonscotchd’unetraite.)Leprendspasmal,mon
frère,maisj’aimeautantmetirer.Jetienspasàassisteràlaconversation.
Audazs observa la marée humaine s’ouvrir pour laisser passer une silhouette sombre et
imposantequidominaitlafouledetoutesahauteur.Lafuiteconstituaitunbonréflexedesurvie.
Kolheravançait,deuxmètresdixdeterreurpurevêtusdecuir.Seslongscheveuxnoirstombaient
en cascade d’une implantation en V sur le front. Des lunettes de soleil panoramiques cachaient ses
yeuxquenuln’avaitjamaisvus.Sesépaulesétaientdeuxfoisplusmassivesquecellesdelaplupart
deshommes.Avecsonvisageauxtraitsracésetbrutaux,ilavaittoutduroiqu’ilétaitparnaissanceet
dusoldatqu’ilétaitdevenuparlaforcedudestin.
Laviolencequiémanaitdeluiconstituaituneputaindecartedevisite.
Lorsquelavaguedehaineglacialel’atteignit,Audazslevasonverredebièrefraîcheetbutune
longuegorgée.Ilespéraitdetoutcœurfairecequ’ilfallait.
Beth Randall leva la tête lorsque son rédacteur en chef appuya son bassin contre son bureau et
plongeasonregarddansl’échancruredesonchemisier.
—Tufaisencorenocturne,murmura-t-il.
—Salut,Dick.
Tu ne devrais pas rentrer chez toi auprès de ta femme et de tes deux gosses ? ajouta-t-elle
mentalement.
—T’essurquoi?
—UnarticledeTony.
— Tu sais, il y a d’autres façons de m’impressionner. Ouais, elle n’avait aucun mal à se
l’imaginer.
—T’aslumone-mail,Dick?Jesuispasséeaupostedepolicecetaprès-mididiscuteravecJosé
et Ricky. Ils sont convaincus qu’un revendeur d’armes vient d’arriver en ville. Ils ont trouvé deux
Magnummodifiéssurdesdealers.
Dicks’avançapourluiadministrerunetapesurl’épaulequisemuaencaresseaumomentoùil
retiraitsamain.
— Contente-toi de corriger l’article et laisse les vrais mecs se charger des crimes violents. Ça
seraitdommagequ’ilarrivequelquechoseàunsijolivisage.
Ilsourit,lesyeuxmi-clos;sonregards’attardasurleslèvresdeBeth.
Trois ans déjà que durait ce petit manège, songea-t-elle. Depuis le moment où elle avait
commencéàtravaillerpourlui.
Unsacenpapier.Elledevraits’encouvrirlevisagechaquefoisqu’elleluiparlait.Avec,scotchée
dessus,laphotodeMmeDick.
—Tuveuxquejetedéposecheztoi?demanda-t-il.Lejouroùlespoulesaurontdesdents,espèce
d’obsédé.
—Nonmerci.
Bethseretournaverssonécrand’ordinateurenespérantqu’ilsaisiraitl’allusion.
Il finit par partir, probablement pour échouer au bar d’en face, où la plupart des journalistes
faisaientescaleavantderentrer.Caldwell,dansl’ÉtatdeNewYork,neconstituaitpasàproprement
parler une mine d’occasions pour les journalistes, mais les « vrais mecs » de l’équipe de Dick
aimaientàjouerlesgrandsreportersaveclepoidsdumondesurleursépaules.Ilsselajouaientchez
Charlie et parlaient de leur avenir glorieux, quand ils travailleraient pour des journaux plus
importants. Pour la plupart, ils ressemblaient à Dick : des hommes d’âge moyen, passe-partout,
compétents mais loin d’être exceptionnels dans leur boulot. Caldwell était une ville suffisamment
grandeetprochedeNewYorkpouravoirsonlotdecrimesviolents,dedescentesdepolicechezles
dealersetdeprostitution:lesjournalistesnechômaientpas.MaisleCaldwellCourierJournaln’était
pasleNewYorkTimes,etjamaisaucund’euxneseverraitdécernerleprixPulitzer.
Triste,àbienysonger.
Ouais,maistuferaismieuxdeteregarderdanslemiroir,songeaBeth.
Elle n’était qu’une journaliste de terrain, qui n’avait même jamais collaboré avec un journal
national.Àlacinquantaine,àmoinsquesavieaitchangéd’icilà,elletravailleraitdansuneagencede
presseàcorrigerlespetitesannoncesensesouvenantdesagloirepasséeauCCJ.
ElletenditlamainverslesachetdeM&M’sposéàproximité.Cesatanépaquetétaitvide.Encore.
Elleferaitmieuxderentrerchezelle.Ets’arrêterencheminauchinois.
Ensortantdelarédaction,unopenspacediviséencubesauxmincescloisonsgrises,elletomba
surlaréservedemarshmallowsdesonpoteTony.Tonyboulottaitàlongueurdejournée.Àsesyeux
n’existaient ni petit déjeuner, ni déjeuner, ni dîner. L’alimentation équivalait pour lui à une
proposition binaire. S’il était éveillé, il enfournait quelque chose dans sa bouche et, pour tenir le
rythme,ilavaitfaitdesonbureauunantrededépravationcalorique.
Elle ouvrit le sachet, n’en revenant pas elle-même de se jeter sur cette guimauve chimique,
éteignit la lumière et descendit l’escalier qui débouchait dans Trade Street. Dehors, la chaleur de
juillet formait une barrière physique entre son appartement et elle. Douze rues de chaleur moite et
étouffante.Heureusement,letraiteurchinois,àmi-chemin,étaitclimatisé.Avecunpeudechance,ily
auraitdumonde,cesoir,etellepourraitprofiterdelafraîcheurbienvenueenattendantsontour.
Lesmarshmallowsavalés,elleouvritsonportable,appuyasurlatouche«raccourci»etpassasa
commandedebœufauxbrocolis.Ellesemitenmarchedanscepaysageurbainfamilieretglauque.
CetteportiondeTradeStreetsepartageaitentrebars,clubsdestrip-teaseetboutiquesdetatoueurs.Le
traiteurchinoisetleselftex-mexconstituaientlesdeuxseulsrestaurants.Lesautresimmeubles,qui
danslesannées1920florissantesavaientaccueillidesbureaux,étaientdésertésdepuislongtemps.Elle
connaissait la moindre fissure du trottoir et pouvait prédire l’alternance des feux de circulation.
Quantauxsonsmêlésquiluiparvenaientparlesfenêtresetlesportesouvertes,ilsn’offraientplus
depuislongtempslamoindresurprise.
AmbiancebluesauMcGrider’s;delatechnohurlaitparlaportevitréeduZeroSum;auRuben’s,
lasonodukaraokéétaitàfond.Cesbars,pourlaplupart,n’étaientpasmalfamés,maisilyenavaitun
oudeuxqu’elles’abstenaitdefréquenter.Screamer’s,notamment,avecsafauneassezflippante.Pour
rienaumondeellen’enauraitpassélaportesansescortepolicière.
Elle prit conscience du chemin qui lui restait à parcourir jusqu’au traiteur chinois et se sentit
submergéeparunevagued’épuisement.Bonsang,quellemoiteur!L’airétaitsilourdqu’elleavait
l’impressionderespirerdel’eau.
Ellepressentaitcependantquesonépuisementn’étaitpasàmettreuniquementsurlecomptedela
canicule.Depuisdessemaines,ellesesentaitfatiguéeetsavaitqu’elleflirtaitavecladépression.Son
boulotnerimaitàrien.Ellesefichaitdel’endroitoùellevivait.Elleavaitpeud’amis,pasd’amantet
aucuneperspectivederelationamoureuse.Quandelleseprojetaitdansdixans,toujoursàCaldwell
entouréedeDicketdes«vraismecs»,elleimaginaitinvariablementlemêmequotidien:selever,
allerbosser,essayerdechangerleschoses,échouer,rentrerseulechezelle.
Peut-être avait-elle besoin d’un break. Quitter Caldwell. Le CCJ. Sa famille électronique
composée du réveil, du téléphone trônant sur son bureau et de la télé qui, la nuit, éloignait les
mauvaisrêves.
Seulelaforcedel’habitudelafaisaitresterdanscetteville.Depuisdesannées,elleavaitcessétout
contact avec sa famille d’accueil ; elle ne leur manquerait pas. En outre, ses quelques rares amis
étaientprisparleurviedefamille.
Ellegrimaçalorsqu’elleentenditqu’onlasifflait.C’étaitl’inconvénientdetravailleràproximité
desbars:ontombaitparfoissurdesabrutis.
Puiscefurentlesinterpellationsdirecteset,bientôt,deuxtypestraversèrentlarueencourantpuis
lui emboîtèrent le pas. Elle regarda autour d’elle. Elle s’était éloignée des bars et avait gagné la
portion de l’artère occupée par les immeubles vacants qui la séparait des restaurants. La nuit était
épaisseetsombre,déchiréeparlalueurdesréverbèresetlespharesdesraresvéhiculeslongeantla
rue.
—T’asdebeauxcheveuxnoirs,ditleplusgrandlorsqu’ilarrivaàsahauteur.Jepeuxtoucher?
Beth n’était pas stupide au point de s’arrêter. Les jeunes ressemblaient à des petits branleurs
d’étudiants–end’autrestermes,ilsallaientjustelafairechier–,maisBethpréféraitnepascourirde
risques.Enoutre,leChinoisn’étaitplusqu’àcinqruesdelà.
Néanmoins,elleportalamainàsonsacpourcherchersabombelacrymogène.
—Tuveuxqu’ontedépose?demandaleplusgrand.Mavoitureesttoutprès.Sérieux,situvenais
avecnous?Onpourraitfaireunpetittour.
Ilsouritetadressaunclind’œilàsonpote,commes’ilcroyaitquesonbaratinallaitsuffire.Son
poteéclataderireetseplaçadevantBeth,sescheveuxfinsetblondsflottantautourdelui.
—Ouais,onaqu’àladéposer,déclaraleblond.Oùétaitsafoutuebombelacrymo?
Legrandavançalamainetluitouchalescheveux.Elleleregardadroitdanslesyeux.Avecson
poloetsonbermudaencoton,ilavaittoutdubeaugosseàfairedesravagessurlescampus.Unpur
produitaméricain.
Lorsqu’illuisourit,elleaccéléralepasendirectiondel’enseignefaiblementéclairéedutraiteur
chinois.Ellepriaitpourcroiserd’autrespassants,maislacaniculeavaitfaitfuirlespiétons.Larue
étaitdéserte.
—C’estquoitonpetitnom?demandal’Américainpurjus.
LecœurdeBethfitunbonddanssapoitrine.Sabombelacrymoétaitdanssonautresac.
Quatreruesencore.
—Jepeuxpeut-êtret’entrouverun.Voyons…Quedis-tude«machatte»?
Leblondricana.
Elledéglutitetsortitsonportable,aucasoùelleauraitbesoind’appelerlapolice.
Restecalme.Tiensbon.
Elle imagina le bien-être qu’allait lui procurer l’air climatisé du traiteur chinois lorsqu’elle
entrerait dans le restaurant. Peut-être même qu’elle prendrait un taxi pour rentrer, histoire d’éviter
d’êtreharceléesurlecheminduretour.
—Allez,machatte,déclaral’Américainpurjus.Jesuissûrquejeteplais.
Plusquetroisrues…
Aumomentoùelledescenditdutrottoirpourtraverserdansla10e, il l’attrapa par la taille. Ses
pieds quittèrent le sol. Il la tira en arrière, couvrant sa bouche de sa grosse main. Elle se débattit
commeuneforcenée,assenantcoupsdepoingetcoupsdepied,etréussitàluicollersonpoingdans
lafigure.Ilrelâchasonemprise.Elleenprofitapoursedégagerets’enfuiràtoutesjambes,sestalons
frappantlepavéavecforce,lesoufflecourtemprisonnédanssapoitrine.UnevoiturepassasurTrade
Street;ellehurlaàl’aidelorsqu’elleaperçutlesphares.
Maisilréussitàlarattraper.
— Je veux t’entendre me supplier, salope, lui murmura à l’oreille l’Américain pur jus. Il
l’étranglait et la tirait si fort par le cou qu’elle crut que celui-ci allait se rompre, puis il l’entraîna
dans un coin sombre. Elle sentait la sueur de son assaillant et l’after-shave d’étudiant dont il s’était
aspergé;lerireaigudel’autreadolescentluiparvenaitauxoreilles.
Uneruelle.Ilsl’entraînaientdansuneruelle.
Sonestomacsesoulevaetdelabileluiremontadanslagorge.Ellesedébattitpourtenterdese
libérer.Lapaniquedécuplaitsesforces.Maisellenefaisaitpaslepoids.
Illapoussaderrièreunebenneàorduresetcollasoncorpscontrelesien.Elleluiassenauncoup
decoudedanslescôtesetredoubladevigueur.
—Bordel,maistiens-luilesmains!
D’unvigoureuxcoupdetalon,elleatteignitleblondautibia,maisilréussitàl’agripperparles
poignets,qu’illuimaintintau-dessusdelatête.
—Tuvasvoir,salope,tuvasadorerça,grognal’Américainpurjus.Iltentaitdeluiécarterles
cuissesaveclegenou.
Ill’écrasacontrelemurenbriquesetl’immobilisaenlatenantparlagorge.Maisilavaitbesoin
desonautremainpourdéchirersonchemisier.Dèsqu’ilretiralamaindelabouchedeBeth,celle-ci
semitàhurler.Illagiflaavecviolence.Ellesentitsalèvresefendre;dusanginondasaboucheet
unedouleuratrocelasubmergea.
—Tumerefaisencoreçaetjetecoupelalangue.(Lesyeuxdel’Américainpurjusétincelaient
derageetdedésirmêlésquandildévoilaladentelleblanchedesonsoutien-gorgepourdénuderses
seins.)Tusaisquoi?Jecroisquejeleferaidetoutefaçon.
— Hé, ils sont vrais ? lui demanda le blond, avec l’idée saugrenue qu’elle allait peut-être lui
répondre.
Soncopainlasaisitviolemmentparunseinettiradessusavecforce.Bethgrimaçadedouleuret
les larmes lui brouillèrent la vue. Ou peut-être que sa vue se troublait parce qu’elle était en
hyperventilation.
L’Américainpurjuséclataderire.
—Ouais,jecroisqu’ilssontvrais.Maistupourrasjugerpartoi-mêmequandj’enauraifiniavec
elle.
En entendant le ricanement du blond, un instinct venu du tréfonds de son cerveau se réveilla,
refusantdelaisserleschosesarriver.Elles’efforçadecesserdelutteretrepensaàsescoursdeselfdéfense.Àl’exceptiondesarespiration,haletante,toutsoncorpssecalma.L’Américainpurjusmit
unpeudetempsàs’enrendrecompte.
—Tudeviensraisonnable?demanda-t-il,soupçonneux.Elleacquiesçalentement.
—Bien.(Ils’appuyacontreelle,sonsouffleluiemplissantlesnarines.Elleluttacontrelehaut-lecœurquilasaisitlorsquelerelentinfectdecigarettesetdebièremêléesluiparvint.)Maissitucries
encore,jeteplante.Pigé?
Denouveau,elleacquiesça.
—Lâche-la.
Enricanant,leblondluilâchalespoignetsetsedéplaçacommes’ilcherchaitlemeilleurangle
pourobserverlespectacle.
Lesmainsdel’Américainpurjus,rugueusessursapeau,lacaressaient.Ellepritsurellepourne
pasvomirlesmarshmallowsdeTony,luttantcontrelanausée.Lasensationdesmainsdel’Américain
purjussursesseinsluifaisaithorreur,maiselleavançalamainverslabraguettedesonpantalon.La
pression autour de sa gorge l’empêchait toujours de respirer, mais, au moment où elle toucha ses
bijouxdefamille,ilgrognadeplaisiretrelâchalapression.
D’unmouvementvigoureuxdelamain,elleluisaisitlescouillesetlestorditdetoutessesforces.
Alorsqu’ils’effondraitàterre,elleluiassenauncoupdegenoudanslenez.Enproieàunedécharge
d’adrénaline, elle espéra pendant une fraction de seconde que l’autre allait l’attaquer au lieu de la
regarderd’unairstupide.
—Allez-vousfairefoutre!leurhurla-t-elle.
Beths’enfuitàtoutesjambes,lesmainsserréesautourdel’échancruredesonchemisierdéchiré,
etnes’arrêtaqu’unefoisarrivéedevantlaportedesonimmeuble.Sesmainstremblaienttellement
qu’elleparvintàpeineàintroduirelaclédanslaserrure.Cen’estqu’unefoisdevantlemiroirdela
salledebainsqu’ellepritconsciencedeslarmesquiluiinondaientlevisage.
ButchO’Neallevalesyeuxlorsquelaradiodesonvéhiculedepolicebanalisésemitàcrachoter.
Unevictimedesexemasculin,encoreenvie,venaitd’êtredécouvertedansuneruelleàproximité.
Butch jeta un coup d’œil à sa montre. Il était un peu plus de 22 heures ; autrement dit, les
réjouissances venaient à peine de commencer. En ce vendredi soir de début juillet, ces blancs-becs
d’étudiantssedisputaientlesJOdelastupidité.Ilimaginaquelavictimeavaitétéagresséeouqu’elle
avaitreçuuneraclée.
Lasecondeoptionavaitsapréférence.
Butch attrapa le combiné et informa le central qu’il se rendait sur les lieux, bien qu’il soit
inspecteur de la criminelle et non flic de terrain. Il travaillait sur deux enquêtes, un corps repêché
dans l’Hudson et un accident avec délit de fuite, mais il pouvait bien caser autre chose. Il préférait
passerleplusdetempspossiblehorsdechezlui.
Lavaissellesalequijonchaitl’évieretlesdrapsfroissésneluimanqueraientpas.
Ilbranchalasirèneetdémarra.
C’estpartipourlesconneriesd’étudiants,songea-t-il.
CHAPITRE2
Lorsqu’ilarrivaauScreamer’s,Kolhereutunsourireméprisantlorsqu’ilvitlafoulesebousculer
pour s’écarter de son chemin. De leurs pores suintaient la peur et une curiosité aussi morbide
qu’intense.Ilinspiral’odeurfétide.
Dubétail.Toussansexception.
Derrièreseslunettesnoires,ilplissaitlesyeuxsousleslumièrestamiséesetfermalespaupières.
Savueétaitsimauvaisequelacécitétotaleluiconvenaitmieux.Ilseconcentrasursonouïeettriales
sonsquiluiparvenaient,distinguantlamusique,lespas,lesmurmures,unverredeplusquisebrisait
au sol. Il se foutait bien de heurter quelque chose : chaise, table, humain, il les piétinerait sans
remords.
IlpercevaitclairementlaprésencedeAudazs,seulmembredel’assembléequin’étaitpasenproie
àlapanique.
Maismêmeleguerrierétaitàcrancesoir-là.
Kolher ouvrit les yeux en arrivant devant l’autre vampire, qui n’était pour lui qu’une silhouette
floue, le noir de ses vêtements et de sa chevelure étant les seules informations que ses yeux lui
transmettaient.
—OùestpasséTohrment?demanda-t-ilensentantuneffluvedescotch.
—Sortiprendrel’air.Mercid’êtrevenu.
Kolher prit place sur un siège. Le regard rivé droit devant lui, il observa la foule engloutir la
brèchequ’ils’étaitfrayée.Ilattendit.
LemartèlementdurapdeLudacrisfitplaceàunbonvieuxCypressHill.
Leschosess’annonçaientbien.AudazsallaittoujoursdroitaubutetsavaittrèsbienqueKolherne
supportaitpasqu’onluifasseperdresontemps.Cesilencelaissaitprésagerd’autrechose.
Audazsreposasabièreetpoussaunprofondsoupir.
—Seigneur…
—Situveuxquelquechosedemoi,commencepascommeça.
Kolher avait parlé d’une voix traînante. Il avait senti une serveuse approcher et percevait
vaguementunepoitrineopulenteetunebandedechairentreunhautajustéetunejupecourte.
—Vousvoulezboirequelquechose?demanda-t-ellelentement.
Il fut tenté de lui suggérer de s’allonger sur la table et de le laisser s’affairer auprès de sa
carotide. Le sang humain ne le maintiendrait pas en vie longtemps, mais son goût était mille fois
préférableàceluidel’alcoolcoupéd’eau.
—Paspourl’instant,répondit-il.
Sonsourirepincédissipalemalaisedelaserveuseetsuscitachezelleunemontéededésir,qu’il
respiraàpleinspoumons.
Pasintéressé,pensa-t-il.
La serveuse acquiesça mais ne bougea pas. Elle continuait à le regarder ; ses cheveux blonds
formaientunhalodansl’obscuritéautourdesonvisage.Commemagnétisée,ellesemblaitenavoir
oubliéjusqu’àsonnom,entoutcassontravail.
Quelleplaie!
Impatient,Audazsremuasursonsiège.
— Ce sera tout, murmura-t-il. On a ce qu’il nous faut. Elle se retira et se perdit dans la foule.
KolherentenditAudazss’éclaircirlavoix.
—Mercid’êtrevenu.
—Tul’asdéjàdit.
—Ouais,t’asraison.Ettoietmoi,onseconnaîtdepuislongtemps.
—C’estclair.
—Onalivrédesacréscombatsensembleetdescendunotrecompted’éradiqueurs.
Kolher acquiesça. Depuis des générations, la Confrérie de la dague noire protégeait l’espèce
contre la Société des éradiqueurs. Audazs en était membre. Tohrment aussi. Plus quatre autres. Les
éradiqueurs, des humains dépourvus d’âme au service d’un maître malveillant, l’Oméga, étaient
largement supérieurs en nombre aux membres de la Confrérie. Mais Kolher et ses guerriers leur
donnaientdufilàretordre.
Etplusencore.
Audazsseraclalagorge.
—Aprèstoutescesannées…
—Viens-enaufait,D.Marissadoitencoremerendreunpetitservice,cesoir.
—Tuveuxutilisertachambrechezmoi?Tusaisquejenelaissepersonneyentrer.(Audazseut
unriregêné.)J’imaginequesonfrèreaimeraitautantquetunetepointespaschezlui.
Kolhercroisalesmainssursontorseet,duboutdesabotte,repoussalatablepoursefaireunpeu
deplace.
Il n’avait rien à foutre de la sensiblerie du frère de Marissa, outré par son style de vie. Havers
n’était qu’un snob doublé d’un dilettante qui pétait plus haut que son cul. Il n’avait absolument pas
consciencedutyped’ennemisquel’espèceavaitàcombattreetdesmoyensqu’ilfallaitdéployerpour
défendrelapopulation.
Lechergarçonavaitbeaus’enoffusquer,Kolhern’allaitpasprendredegantsalorsquedescivils
sefaisaientmassacrer.Saplaceétaitauxcôtésdesesguerriers,surlechampdebataille,pasassissur
untrônequelconque.Haverspouvaitallersefairefoutre.
MaisMarissan’auraitpasdûavoiràcomposeravecl’attitudedesonfrère.
—Jepourraisbienacceptertaproposition.
—Bien.
—Maintenant,parle!
—J’aiunefille…
Lentement,Kolhertournalatête.
—Depuisquand?
—Unboutdetemps.
—Quiestlamère?
—Tunelaconnaispas.Etelleest…euh…décédée.
LechagrindeAudazsétaitpalpableautourdelui,l’odeurâcred’unedouleuranciennesiintense
qu’elleoccultaitlapuanteurambiantedesueur,d’alcooletdesexemêlés.
—Quelâgea-t-elle?demandaKolher.
IlcommençaitàavoirunepetiteidéedecequeAudazsavaitentête.
—Vingt-cinqans.
Kolherlaissaéchapperunjuron.
—Medemandepasça,Audazs.Medemandepasdelefaire.
—Illefaut,Seigneur.Tonsangest…
—Appelle-moiencoreunefoiscommeçaetjetefaistaire.Àtoutjamais.
—Tunecomprendspas.Elleest…(Kolherentrepritdeselever.Audazssaisitl’avant-brasdeson
interlocuteur,avantderetirerprestementsamain.)Elleestàdemi-humaine.
—Bordel!
—Ellerisquedenepassurvivreàlatransitionsicelle-cidevaitarriver.Écoute,situl’aides,elle
aaumoinsunechancedevivre.Tonsangestfortetaugmenteraitseschances.Jenetedemandepas
delaprendrecommeshellane.Nidelaprotéger,carjepeuxm’enchargermoi-même.J’essaiejuste
de…Jet’enprie.Mesfilssontmorts.Elleseulepeutmesurvivre.Etje…j’aimaisvraimentsamère.
S’ils’étaitagidequelqu’und’autre,Kolhern’auraitpashésitéàrecouriràsarépliquefavorite:
vatefairefoutre!Desonpointdevue,iln’yavaitquedeuxpositionsappropriéespourunhumain:
allongéesurledospourunefemmeetfacecontreterreaprèsavoirrendusonderniersoufflepourun
homme.
MaisAudazsétaitpresqueunami.OuenseraitdevenuunsiKolherl’avaitlaisséfaire.
Kolherselevaetfermalesyeux.Delahainelesubmergea,rayonnantaucentredesapoitrine.Il
se méprisait à l’idée de planter là Audazs, mais il ne pourrait pas aider une pauvre sang-mêlé à
surmontercetteépreuveaussidouloureusequedangereuse.Douceuretcompassionnecomptaientpas
parmilesqualitésqu’ilavaitenstock.
—Jepeuxpasm’encharger.Mêmepourtoi.
LedésespoirdeAudazslesubmergea;ilchancelasousl’intensitédel’émotion.Ilseral’épaule
duvampire.
—Situl’aimesvraiment,rends-luiservice.Demandeàquelqu’und’autre.
Kolhertournalestalonsetquittalebar.Tandisqu’ilsedirigeaitverslaporte,ileffaçalesouvenir
de sa présence du cortex cérébral des humains présents. Les plus forts penseraient avoir rêvé. Les
plusfaiblesn’auraientpluslemoindresouvenirdelui.
Danslarue,ilsedirigeaversunendroitsombrederrièreleScreamer’spoursedématérialiser.Il
passa devant une femme occupée à sucer un type, un clochard abruti par l’alcool, un dealer en
discussionvivesursonportableàproposduprixducrack.
Kolhersentitimmédiatementqu’ilétaitsuivi.Etquilesuivait,trahiparsonodeuraciduléedetalc
pourbébé.
Unlargesouriresedessinasursonvisage.Ilouvritsonblousondecuiretsortitl’undeseshira
shuriken.Leprojectileenformed’étoile,enacierinoxydable,reposaitdanssamain.Centgrammes
demortprêtsàfendrel’air.
L’armeàlamain,Kolhergardalamêmeallure,mêmes’ilavaitdumalàrésisteràl’enviedese
dissimuler dans un coin sombre. Il bouillonnait du désir de se battre après avoir décliné la
propositiondeAudazs,etlemembredelaSociétédeséradiqueursquilesuivaitn’auraitpumieux
tomber.
Tuer cet humain dépourvu d’âme était juste ce dont il avait besoin pour relâcher un peu la
pression.Tandisqu’ilattiraitl’éradiqueurversuncoinsombre,Kolhersentaitsoncorpssepréparer
pourlecombat,lesbattementsréguliersdesoncœur,lespicotementsd’anticipationdanssesbraset
sescuisses.Sonouïeperçutlebruitd’unrevolverqu’onarmaitetlatriangulationdelacible.L’arme
étaitpointéedirectementsurlabasedesanuque.
D’unmouvementfluide,ilseretournaaumomentoùlaballeétaitexpulséeducanon.Ilsepencha
etlançasonprojectilequiscintillad’unelueurargentéeendécrivantunarcfatal.Ilvintseficherdans
le cou de l’éradiqueur et lui trancha la gorge avant de poursuivre sa course dans l’obscurité. Le
revolvertombaàterreetrésonnacontrel’asphalte.
L’éradiqueurportalesmainsàsoncouettombaàgenoux.
Kolhersedirigeaversluietfouillasespoches.Iltrouvaunportefeuilleetuntéléphoneportable
qu’ilmitdanssonblouson.
Puis il tira de son holster de poitrine un long couteau à lame noire. Il était déçu que le combat
n’aitpasdurépluslongtemps,mais,àenjugerparl’attaquemalhabileetlescheveuxnoirsetbouclés
desonassaillant,celui-ciétaitunenouvellerecrue.D’unmouvementrapide,ilretournal’éradiqueur
surledos,lançal’armeenl’airetlarattrapaparlapoignée.Lalameplongeadanslachair,trancha
lesosavantd’atteindrelacavitévideoùs’étaittrouvésoncœur.
L’éradiqueurémitunsonétrangléetsedésintégradansunéclairdelumière.
Kolher essuya la lame sur son pantalon de cuir, la rangea et se releva. Il regarda autour de lui.
Puissedématérialisa.
Audazs en était à sa troisième bière. Deux gothiques s’approchèrent, désireuses de l’aider à
oubliersessoucis.Ilpassasonchemin.
IlquittalebaretsedirigeaverssaBMW650i,garéesurunemplacementnonautorisédansune
ruellederrièreleclub.Commetoutvampiredignedecenom,ilpouvaitsedématérialiseràloisiret
parcourirdelasortedelonguesdistances,maislamanœuvres’avéraitplusqu’arduesil’ondevait
transporterunobjetlourd.Sanscompterqu’elleétaitdifficilementréalisableenpublic.
Et puis quel bonheur de posséder une si belle voiture ! Audazs monta dans sa BM et claqua la
portière.Lapluiesemitàtomber,heurtantlepare-brisedesesgrosseslarmes.
Il ne s’avouait pas vaincu. La conversation avec le frère de Marissa lui donnait matière à
réflexion.Haversétaitmédecin,unsoignantdédiéàl’espèce.Ilpourraitpeut-êtrel’aider.Quoiqu’il
ensoit,çavalaitlecoupd’essayer.
Perdudanssespensées,Audazsintroduisitlaclédansledémarreuretlatourna.Lestarterémitun
sonrauque.Ildonnaunnouveautourdecléeteutunhorriblepressentimentenentendantleclic.
Labombe,fixéeauchâssisdelavoitureetreliéeausystèmeélectrique,explosa.
Aumomentoùsoncorpsfutdésintégrédansunedéflagrationblanche,sadernièrepenséefutpour
safillequinel’avaitjamaisconnu.
Etquineleconnaîtraitjamais.
CHAPITRE3
Beth prit une douche de quarante-cinq minutes et vida la moitié d’un flacon de gel douche. La
buéequisedégageaitauraitpusanspeinedécollerlepapierpeintbonmarchédelasalledebains.
Beth se sécha, passa son peignoir et évita de se regarder dans le miroir. Elle avait la lèvre
explosée.
Ellesortitdelasalledebainsetpassadanslapièceuniquedesonstudioexigu.Laclimatisation
avaitrendul’âmequelquessemainesauparavant,etlapièceétaitaussiembuéequelasalledebains.
Beth jeta un regard vers les deux fenêtres et la porte coulissante qui donnaient sur une cour à la
végétation flétrie. Elle avait envie de les ouvrir, mais vérifia finalement qu’elles étaient toutes bien
fermées.
Elle était sous le choc, mais son corps récupérait vite. Son appétit était revenu de plus belle,
comme pour se venger du dîner manqué, et elle se dirigea vers la kitchenette. Même les restes de
pouletvieuxdequatrejoursluisemblaientappétissantsmais,lorsqu’elledéplialepapieraluminium,
un relent de chaussettes sales lui sauta aux narines. Elle jeta les restes et enfourna un plat Weight
Watchers dans le micro-onde. Debout, elle dévora les macaronis au gratin, à même la barquette en
plastique.Loind’êtrerassasiée–lecontenuauraitàpeinesuffiàremplirunedentcreuse–,elleen
dévoraunautre.
L’idéedeprendredixkilosenunenuitétaitfoutrementattrayante,vraiment.Ellenepouvaitrien
fairepoursonvisage,maiselleauraitpariéquel’hommedescavernesmisogynequil’avaitattaquée
avaitunepréférencepourlesjolispetitsculs.
Elleclignadesyeuxens’efforçantdenepluspenseràsonvisage.MonDieu,ellesentaitencore
lesgrossespatteshorriblesdutypeluiécraserlesseins.
Ilfallaitqu’elleporteplainte.Qu’elleailleaupostedepolice.
Saufqu’ellenevoulaitpasquittersonappartement.Aumoinsjusqu’aulendemainmatin.
Elle se dirigea vers le futon qui servait de lit et de sofa et se pelotonna en chien de fusil. Son
estomac s’affairait à la digestion des macaronis au gratin, et des vagues de frissons sur sa peau
succédaientàdesvaguesdenausée.
Unlégermiaulementluifitleverlatête.
—SalutBouh,dit-elleenremuantlesdoigts.
Le pauvre s’était mis à couvert lorsqu’elle était entrée en trombe dans l’appartement et s’était
débarrasséeentoutehâtedesesvêtementsqu’elleavaitjetésdanslapièce.
Miaulant de plus belle, le chat noir approcha. Il sembla l’observer d’un air soucieux et se
pelotonnaavecgrâcecontresonventre.
—Désoléepourtoutcecirque,murmura-t-elle.
Elleluifitunpeudeplace.Enronronnant,ilfrottasatêtecontrel’épauledeBeth.Lepetitcorps
chaudetlepoidsdel’animal,toutcontreelle,larassurait.Ellerestaunlongmomentàcaresserle
poildouxetfindeBouhetsursautalorsqueletéléphonesonna.
Elledécrocha,sanscesserdecaressersonfidèlecompagnon.Aprèsdesannéesdeviecommune
avecBouh,sonaptitudeàtéléphonersanscesserdecaressersonchatfrisaitlaperfection.
— Allô ? dit-elle en songeant qu’à minuit passé l’appel ne pouvait provenir d’un télévendeur :
restaitalorsleboulotouundétraqué.
— Salut, mam’zelle B. Mets tes chaussures de bal. La bagnole d’un type a sauté devant
Screamer ’s.Letypeétaitdedans.
Bethfermalesyeux.Elleavaitenviedepleurer.JoséDeLaCruzétaitinspecteurdepolice,mais
aussiunpeusonami.
Commelaplupartdeshommesetdesfemmesquiportaientl’uniformedepolice,àbienysonger.
Avecletempsqu’ellepassaitaupostedepolice,ellelesconnaissaittousassezbien.Joséétaitl’unde
ceuxqu’elleappréciaitleplus.
—Hé,t’estoujourslà?
Dis-lui. Dis-lui ce qui s’est passé. Il te suffit d’ouvrir la bouche. La honte et le souvenir de
l’agressionluinouèrentlagorge.
— Oui, je suis là. (Elle dégagea les cheveux noirs qui lui tombaient sur le visage et se racla la
gorge.)Jepeuxpasvenir.
—Depuisquandturefusesuntuyau?(Iléclatad’unrireclair.)Maist’inquiète,Dur-à-cuireest
surlecoup.
«Dur-à-cuire»,autrementditl’inspecteurdelacriminelleBrianO’Neal,égalementsurnommé
Butch.OujusteMonsieur.
—Je…jenepeuxvraimentpascesoir.
—T’asdelacompagnie?
Delacuriositépointaitdanssavoix.Joséétaitmarié.Etheureuxenménage.Maisellesavaitque
tous,auposte,s’interrogeaientsurelle.Unejeunefemmeaussibelleencorecélibataire?Çadevait
cacherquelquechose.
—Alors,t’espasseule?
—Maissi,qu’est-cequetuvaschercher?
Auboutdelaligne,lesilencesefittandisqueleradarmentaldesonamipoliciersemettaiten
marche.
—Qu’est-cequisepasse?
—Rien.Jesuisjustecrevée.Jepasseraiaupostedemain.
Elledéposeraitplainteàcemoment-là.Lelendemain,elleseraitsuffisammentfortepourrelater
lesévénementsdelanuitsanss’effondrer.
—Tuveuxquejepasse?
—Non,çava.Maismerci.
Elleraccrocha.
Unquartd’heureplustard,elleavaitenfiléunjeanpropreetunechemiseamplequicachaitses
fessesetsesformes.Elleappelauntaxi.Avantdepartir,ellefarfouilladanssonplacardpourtrouver
son autre sac. Elle saisit la bombe lacrymogène et la maintint fermement serrée dans sa main en
quittantsonappartement.
Lestroiskilomètresetdemiquilaséparaientdulieudel’explosiondelabombeluilaisseraientle
tempsdetrouversesmots.ElleallaittoutraconteràJosé.
Elle détestait l’idée d’avoir à revivre la scène, mais n’avait nullement l’intention de laisser ce
connards’entirerets’enprendreàuneautrefemme.Etmêmes’ils’entirait,aumoinselleauraitfait
cequ’ilfallaitpouraideràlecoincer.
Kolher se matérialisa dans le salon de la demeure de Audazs. Merde ! Il avait oublié dans quel
luxelevampirevivait.
MêmesiD.étaitunguerrier,ilavaitlesgoûtsd’unaristocrate,cequisecomprenait.Princepsde
hautrang,laqualitédevieétaitimportanteàsesyeux.SademeureduXIXesiècleétaitbienentretenue
et regorgeait d’antiquités et d’œuvres d’art. En outre, elle était aussi sécurisée qu’un coffre-fort de
banque.
MaislesmursjauneclairdusalonblessaientlesyeuxdeKolher.
—Quelleagréablesurprise,Seigneur.
Fritz, le majordome, arrivé par le long vestibule, s’était incliné très bas, avant d’éteindre les
lumières pour soulager les yeux de Kolher. Comme à l’accoutumée, le vieux mâle était vêtu de sa
livréenoire.AuservicedeAudazsdepuisunecentained’annéesenviron,ilétaitundoggen:ilpouvait
doncs’exposeràlalumièredujour,maisvieillissaitplusrapidementquelesvampires.Sonespèce
servaitlesaristocratesetlesvampiresdepuisdesmillénaires.
—Serez-vousdesnôtrespendantquelquetemps,Seigneur?
Kolhersecoualatête.Pass’ilpouvaitfaireautrement.
—Quelquesheuresauplus.
—Votrechambreestprête.Jesuislàsivousavezbesoindemoi.
De nouveau, Fritz s’inclina profondément et quitta la pièce à reculons, avant de refermer les
doublesportesderrièrelui.
Kolhersedirigeaversunportraitdeplusdedeuxmètresdehautqui,d’aprèscequ’onluiavait
dit, représentait un roi de France. Il posa la main sur la bordure droite du cadre doré ; le tableau
pivotaets’ouvritsurunsombrecouloirdepierreéclairépardeslampesàgaz.
Kolhers’avançaetdescenditlesmarchesquis’enfonçaientprofondémentensous-soletdonnaient
sur deux portes. L’une ouvrait sur les quartiers somptueux de Audazs ; l’autre, sur ce que Kolher
considérait un peu comme sa deuxième maison. En général, il dormait la journée dans un entrepôt
new-yorkais,dansunesalleenacierdotéed’unsystèmedeverrouillagedignedeFortKnox.
Mais jamais il n’inviterait Marissa là-bas. Ni aucun des membres de la Confrérie. Il accordait
beaucoupdeprixàsonintimité.
Ilentra.Deschandeliersfixésaumurs’allumèrentparleseuljeudesavolonté.Leurfaiblelueur
trouaitàpeinel’obscurité.ParégardpourlesyeuxfragilesdeKolher,Audazsavaitfaitpeindreen
noirlesmursetleplafondhautdesixmètres.Dansuncoindelapiècesetrouvaitunlitimposantaux
drapsdesatinnoiragrémentésdenombreuxcoussins.Lapiècecomportaitaussiuncanapéencuir,un
téléviseuràécranlargeetuneportequidonnaitsurunesalledebainsdemarbrenoir.Sansoublier
unearmoireremplied’armesetdevêtements.
Pour une raison obscure, Audazs le tannait pour qu’il s’installe dans cette demeure. Ça restait
pour Kolher un foutu mystère. Ce n’était pas une question de sécurité, car Audazs était tout à fait
capabled’assurerlui-mêmesadéfense.Enoutre,l’idéequ’unvampirecommeD.puissesouffrirde
solitudeétaitridicule.
KolhersentitlaprésencedeMarissaavantmêmequ’ellepénètredanslapièce.Uneffluvemarin,
unebrisefraîche,laprécédait.
Finissons-en,pensa-t-il.
Illuitardaitd’arpenterdenouveaulesrues.Iln’avaiteuqu’unavant-goûtdecombat,etcesoiril
voulaitfairebombance.
Ilseretourna.
Lorsque Marissa inclina son corps élancé devant lui, il perçut de la dévotion et un malaise qui
flottaientdansl’airautourd’elle.
—Seigneur,dit-elle.
À en juger par le peu qu’il distinguait, elle portait une sorte de robe en mousseline de soie
blanche.Seslongscheveuxblondstombaientencascadesursesépaulesetlelongdesondos.Ilsavait
qu’ellechoisissaitsestenuesdansl’espoirdeluiplaire;ilauraittoutfaitpourqu’ellenesedonne
pasautantdemal.
Ilretirasonblousondecuiretleholsterdepoitrinedanslequelétaientglisséessesdagues.
Foutusparents!Pourquoiluiavaient-ilsdonnéunefemellecommeelle?Si…fragile.
Mais là encore, étant donné son état avant la transition, ils craignaient peut-être qu’une femelle
plusvigoureuseleblesse.
Kolherplialebras;sonbicepsimpressionnantsebombaetsonépaulecraqua.
Si seulement ils le voyaient maintenant. Leur petit garçon s’était mué en tueur intègre et
implacable.
Il vaut peut-être mieux qu’ils soient morts, songea-t-il. Ils n’auraient pas approuvé ce qu’il était
devenu.
Maislàencore,s’ilsavaientvécupluslongtemps,savieauraitétédifférente.
Nerveuse,Marissas’agita.
—Jesuisdésoléedetedéranger.Maisjenepeuxattendrepluslongtemps.
Kolhersedirigeaverslasalledebains.
—Tuasbesoindemoi.J’arrive.
Il ouvrit le robinet d’eau et remonta les manches de sa chemise noire. De la vapeur montait de
l’eauchaude.Ilôtalacrasse,lasueuretl’odeurdemortquisouillaientsesmains.Puisilsesavonna,
couvrant de mousse les tatouages rituels qui marquaient ses avant-bras. Il se rinça, se sécha et se
dirigeaverslecanapé.Ils’assitetattendit,lesdentsserrées.
Depuis combien de temps se livraient-ils à ce rituel ? Des siècles. Mais toujours, Marissa avait
besoin de temps pour l’approcher. Avec quelqu’un d’autre, jamais il n’aurait fait preuve de tant de
patience,maisilsemontraitplussoupleavecelle.
En vérité, il était désolé qu’elle ait été contrainte de devenir sa shellane. À de nombreuses
reprises,illuiavaitproposédeladégagerdesonengagement,afinqu’ellesoitlibredesetrouverun
véritablecompagnon,quelqu’uncapablenonseulementdetuerquiconquelamenacerait,maisaussi
del’aimer.
LeplusdrôleétaitqueMarissa,sifragilequ’ellesoit,nevoulaitpasrenonceràlui.Ilimaginait
qu’ellecraignaitqu’aucuneautrefemelleneveuilledelui,qu’aucunenenourrisselabêtelemoment
venuetquel’espèceperdesalignéelapluspure.Leurroi.Cechefquinevoulaitpasdiriger.
Ouais,quelfoutupartiilfaisait!Ilrestaitloind’ellesaufdanslesmomentsoùilavaitbesoinde
sang,cequiarrivaitassezrarementcomptetenudesalignée.Ellenesavaitjamaisoùilsetrouvaitni
cequ’ilfaisait.Ellecoulaitdesjourssolitairesdanslamaisondesonfrère,sacrifiaitsonexistence
pourgarderenvielederniervampirederacepure,leseuldépourvudelamoindregouttedesang
humain.
En toute franchise, il ignorait comment elle supportait cette situation et comment elle le
supportait,lui.
Soudainileutenviedejurer.Décidément,sonegoétaitàlafête,cesoir-là.Audazs.Etmaintenant
elle.
Kolherlasuivitdesyeuxtandisqu’elles’approchaitdeluiformantdescerclesconcentriques.Il
s’efforçadedétendresonvisage,derespirerdefaçonrégulièreetdegardersoncorpsaurepos.Il
paniquaitàl’idéeden’êtrepaslibredesesmouvementsetsavaitque,lorsqu’elleauraitcommencéà
s’alimenter,lasensationd’étouffementempirerait.
—Tuasététrèspris,Seigneur?demanda-t-elled’unevoixdouce.
Ilacquiesça,nonsanssongerqu’avecunpeudechanceilleseraitplusencoreavantleleverdu
jour.
Enfin,Marissasetintdevantlui;ilpercevaitsafaimpar-dessussonmalaise.Ilperçutaussidu
désir.Elleledésirait,maisils’empressaderepoussercetteémotion.
Pour rien au monde, il n’aurait couché avec elle. Il ne pouvait imaginer imposer à Marissa ce
qu’ilavaitinfligéauxcorpsd’autresfemmes.Sanscompterquejamaisilnel’avaitdésiréedecette
façon.Pasmêmeaudébut.
—Approche,luidit-il,accompagnantsesparolesd’ungestedelamain.(Ilposasonavant-bras
sur sa cuisse, le poignet tourné vers le haut.) Tu meurs de faim. Tu ne devrais pas attendre si
longtempsavantdem’appeler.
Marissas’agenouilla,sarobedesoieencorolleàsespieds.Desesdoigtschauds,elleeffleura
délicatementlestatouagesdesonavant-bras,leslettresnoiresenlangueanciennequidétaillaientsa
lignée.Elleétaitsuffisammentprochepourqu’ilaperçoive,danssaboucheouverte,l’éclatblancde
sescaninesavantqu’ellelesplantedanssaveine.
Kolherfermalesyeuxet,pendanttoutletempsoùelles’abreuva,gardalatêteappuyéecontrele
dossier du canapé. Une intense vague de panique le submergea d’un coup. De son bras libre, il
s’agrippa au dossier du canapé, bandant ses muscles pour garder son corps immobile. Calme. Il
devaitrestercalme.Bientôt,toutseraitterminéetilseraitlibre.
Lorsque, dix minutes plus tard, Marissa releva la tête, il se mit debout d’un bond et arpenta la
piècedanstouslessenspourchassersonangoisse,soulagédepouvoirenfinbouger.Dèsqu’ileut
reprissesesprits,ils’approchad’elle.Repue,elleabsorbaitenellelaforcequeluiapportaitlesang
deKolherensemêlantausien.Iln’aimaitpaslavoirainsiallongéesurlesol.Illasoulevaetsongea
à appeler Fritz pour lui demander de la reconduire chez son frère lorsque des coups rythmés
résonnèrentcontrelaporte.
Kolherpromenasonregarddanslapièce,portaMarissasurlelitoùill’allongea.
—Merci,Seigneur,murmura-t-elle.Jevaisrentrerchezmoi.
Ilmarquauntempsd’arrêt,avantdecouvrirlesjambesdeMarissad’undrapetdesedirigervers
laporte.
Derrière,Fritzsemblaitenproieàunegrandeagitation.
Kolher se glissa à l’extérieur de la chambre et referma la porte derrière lui. Il s’apprêtait à
demander ce qui pouvait bien mériter le dérangement, mais l’odeur qu’il sentit chez le majordome
eutraisondesonagacement.
Sansavoiràledemander,ilsutquelamortavaitencorefrappé.
EtemportéAudazs.
—Maître…
—Comment?aboya-t-il.
Sonchagrin,ils’enoccuperaitplustard.Illuifallaitd’abordsavoircequis’étaitpassé.
—Quelmalheur,lavoiture…(Manifestement,lemajordomeavaitlesplusgrandesdifficultésà
restermaîtredelui,savoixs’échappantenunmincefiletaussidécharnéquesonvieuxcorps.)Une
bombe,Seigneur.Lavoiture.Devantleclub.Tohrmentaappelé.Ilatoutvu.
Kolher songea à l’éradiqueur qu’il avait abattu. Il se demandait si celui-ci était l’auteur de ce
méfait.
Ces salauds n’avaient plus de code d’honneur. Au moins leurs prédécesseurs, il y a de cela des
siècles,avaientcombattucommedevraisguerriers.Cettenouvellegénérationn’étaitqu’unramassis
delâchesquisecachaientderrièrelatechnologie.
—ConvoquezlaConfrérie,grogna-t-il.Demandezauxmembresdevenirtoutdesuite.
— Naturellement. Maître… Audazs m’avait demandé de vous remettre ceci – le majordome lui
tendaitquelquechose–danslecasoùvousneseriezpasàsescôtésàl’heuredesamort.
Kolher prit l’enveloppe et rentra dans la pièce, incapable d’exprimer la moindre compassion à
Fritzcommeàquiconque.Marissaétaitpartie,cequiétaitpréférable.
IlenfouitladernièremissivedeAudazsdanslaceinturedesonpantalonencuir.
Etlaissaexplosersarage.
Leschandelierssebrisèrentettombèrentausoltandisqu’untourbillondehainelesubmergeait,
gonflait,enflaitJusqu’àsouleverlesmeublesetlesfairevolerencercleautourdeluidanslapièce.
Ilbasculalatêteenarrièreethurlatoutesahaine.
CHAPITRE4
Lorsque le taxi la déposa devant le Screamer’s, Beth constata que les forces de police avaient
investi la scène de crime. Des gyrophares bleus et blancs clignotaient et les véhicules bloquaient
l’accèsàlaruelle.Lefourgonblindéduservicededéminagesetrouvaitluiaussisurleslieux,qui
grouillaient de flics en uniforme et en civil. Quant à la foule des curieux passablement imbibés
d’alcool,elles’étaitmasséeauxabordsdelascènedecrime,fumantetdiscutant.
Sesannéesd’expériencedanslejournalismeavaientapprisàBethqueleshomicidesconstituaient
une véritable animation dans la petite ville de Caldwell… Aux yeux de la communauté dans son
ensemble, la victime mise à part. Beth imaginait que, pour celle-ci, la mort était un événement
solitaire, même si, en rendant l’âme, les yeux de la victime étaient rivés sur ceux de son assassin.
Certainestraverséessefontensolitaire,mêmesiquelqu’unvousconduitsurlarive.
Bethportalamainàlabouche.L’odeurdemétalcalciné,unepuanteurchimiqueetaciduléelui
emplissaitlesnarines.
—Hé,Beth!(Unpolicierluifitsigned’approcher.)Situveuxvoirleschosesdeplusprès,c’est
derrièreleScreamer’squeçasepasse.Suislecouloir…
—Enfait,jechercheJosé.Ilestdanslecoin?
Leflicsetorditlecoupourchercherparmilafoule.
—Ilétaitlàilyauneminute.Ilestpeut-êtreretournéauposte.Hé,Ricky!T’asvuJosé?
ButchO’NealseplantadevantBethet,desonregardnoir,réduisitleflicausilence.
—Envoilàunesurprise.
Beth recula. Dur-à-cuire était imposant. Corps massif, voix grave, gestuelle minimaliste. Elle
supposaitquepasmaldefemmesdevaientletrouverattirant,parcequ’ilétaitvraimentbeaugosseet
avaituncôtébadboy.MaisBethn’avaitjamaisressentilamoindreétincellepourlui.
Nonqu’elleaitdéjàressentiçapourunhomme,dureste.
—Alors,Randall,commentva?
Ilfourraunchewing-gumdanssaboucheetroulalepapierenunebouleminuscule.Samâchoire,
commemueparlafrustration,s’activa.Onauraitditqu’ilgrinçaitdesdentsplusqu’ilmâchait.
—JesuisvenuevoirJosé.Paslascènedecrime.
— Bien sûr. (Son regard se figea sur le visage de Beth. Avec ses yeux noirs enfoncés sous des
sourcils charbonneux, il avait toujours l’air un peu en colère. Soudain, son expression se durcit
encore.)Tupourraisveniravecmoiuneseconde?
—JevoudraisvraimentvoirJosé…
IlsaisitlebrasdeBethetleserraavecforce.
— Viens par ici. (Butch l’entraîna dans un coin à l’écart de la ruelle, loin de toute agitation.)
Putain,qu’est-cequiestarrivéàtonvisage?
Elleportalamainàsabouchepourcouvrirsalèvretuméfiée.Elledevaitêtreencoreenétatde
choc,carçaluiétaitcomplètementsortidelatête.
—Jevaistereposerlaquestion.Bordeldemerde,qu’est-cequit’estarrivé?
—Euh,je…(Sagorgesenoua.)J’aiété…(Ellen’allaitpassemettreàpleurer.PasdevantDur-àcuire.)JeveuxvoirJosé.
—Ilestpaslà.Alorscrachelemorceau.
Butch posa ses mains sur les épaules de Beth, comme pour l’empêcher de s’enfuir. Il ne la
dépassaitquedequelquescentimètres,maisaccusaitaumoinstrentekilosdemusclesdeplusqu’elle.
Lapeurlafigea,commesiunpieudeglaceétaitplantédanssapoitrine,maiselleavaiteuson
compted’intimidationpourlajournée.
—Lâche-moi,O’Neal.
Ellepressasesmainscontrelapoitrineimposantedupolicieretlerepoussa.Ilrecula.Unpeu.
—Beth,dis-moi…
—Situmelâchespas(ellesoutintsonregardsansciller),jemegêneraipaspourfaireunrapport
surtestechniquesd’interrogatoire.Tusais,cellesquinécessitentradiosetplâtreunefoisquetuas
fini…
O’Nealplissalesyeux.Puisilretirasesmainsetlesgardaenl’airensignedereddition.
—OK.
Illalaissaetrejoignitlesautres.
Beth s’effondra contre le mur, avec l’impression que jamais plus ses jambes ne pourraient la
porter. Elle baissa la tête, pour rassembler ses forces, quand son regard fut attiré par un éclat
métallique.Ellefléchitlesgenouxets’accroupit.C’étaitunearmeutiliséedanslesartsmartiaux,un
shuriken.
— Hé, Ricky ! s’écria-t-elle. (Le flic s’approcha en courant. Elle pointa l’objet au sol.) Une
preuve.
EllelelaissafairesonboulotetfilaversTradeStreetpourhéleruntaxi.C’enétaittroppourelle.
Demain,elledéposeraituneplainteofficielleauprèsdeJosé.Àlapremièreheure.
LorsqueKolherréapparutdanslesalon,ilavaitreprislecontrôle.Sesarmesétaientdansleurs
holsters et son blouson pesait lourd dans sa main, ses poches remplies de shuriken et de couteaux
qu’ilaimaitutiliser.
TohrmentfutlepremierdelaConfrérieàarriver.Ladouleuretlasoifdevengeancesereflétaient
avecunetelleintensitédanssonregardquemêmeKolherperçutl’éclatbleufoncédesesyeux.
Tohrs’appuyacontrel’undesmursjaunesdusalondeAudazstandisqueViszsfaisaitsonentrée.
Leboucqu’ilarboraitdepuispeuluidonnaitl’airencoreplussinistre,mêmesicetaspectmenaçant
étaitsurtoutdûautatouageautourdesonœilgauche.Cesoir-là,ilavaitvissésacasquettedesRed
Soxsursatête,desortequelesmarquagescomplexesdesestempesétaientàpeinevisibles.Comme
toujours,samainétaitgantéedenoirpourévitertoutcontactmalencontreuxaveclesautres.
Cequiétaitunebonnechose.Surtoutpourlesautres.
Rhage arriva ensuite, moins crâneur que d’habitude, compte tenu de l’événement qui les
rassemblaittous.Mâledehautestature,Rhage,massifetpuissant,étaitleplusfortdesguerriersdela
Confrérie. Dans le monde des vampires, il était aussi une véritable légende sexuelle, sorte de topmodèle doté d’une libido susceptible de rivaliser avec une écurie remplie d’étalons. Les humaines
commelesvampiresfemellesauraienttuépèreetmèresanshésiterpourunenuitaveclui.
Dumoinsjusqu’àcequ’ellesperçoiventsoncôtésombre.QuandlabêtedeRhages’éveillait,tout
lemonde,ycomprislesmembresdelaConfrérie,semettaitauxabrisetpriait.
Fhurie arriva le dernier. Sa claudication se vit à peine lorsqu’il passa la porte d’entrée. Depuis
peu, une nouvelle prothèse appareillait la partie inférieure de sa jambe, le dernier cri de la
technologie,entitaneetcarbone,dontlestigesetlesvisétaientfixéesàlabasedesabottedroite.
Avec sa magnifique chevelure multicolore, Fhurie aurait eu lui aussi un succès fou auprès des
dames s’il n’avait pas respecté mordicus son vœu de célibat. Dans sa vie, il n’y avait de place que
pourunseulamour,cequiletuaitàpetitfeudepuisdesannées.
—Oùesttonjumeau,mec?demandaKolher.
—Z.arrive.
QueZadistesoitenretardn’étaitpasunesurprise.Z.faisaitundoigtpermanentaumondeentier.
Ce fils de pute sur pattes, peu bavard mais au lexique d’injures bien étoffé, avait porté la haine,
notammentvis-à-visdelagenteféminine,àdesniveauxjusque-làinégalés.Heureusement,entreson
visagebalafréetsoncrânerasé,ilavaitl’airaussiterrifiantqu’ill’étaitenréalité,etlesgensavaient
tendanceàs’écarterdesonchemin.
Enlevéàsafamillealorsqu’iln’étaitqu’unnourrisson,ilétaitdevenuesclavedesang,etlesabus
qu’ilavaitsubisalorsqu’ilsetrouvaitentrelesmainsdesamaîtresseavaientatteintdessommetsen
matière de brutalité. Il avait fallu à Fhurie presque un siècle pour retrouver la trace de son frère
jumeau,etZ.avaitpresqueététorturéàmortavantd’êtreenfinsecouru.
Une plongée dans l’océan avait cicatrisé les blessures de Zadiste et, en plus du labyrinthe de
cicatricesquicouraitsursapeau,ilavaitencorelestatouagesdel’esclave.Sanscompterlesétranges
piercingsqu’ilavaitajoutéslui-même.
Justeparcequ’ilétaitaccroàladouleur.
Àtouspointsdevue,Z.étaitleplusdangereuxdesmembresdelaConfrérie.Aprèscequ’onlui
avaitinfligé,ilsefoutaitdetoutetdetoutlemonde.Ycomprisdesonfrèrejumeau.
MêmeKolhersurveillaitsesarrièresensaprésence.
Ouais,laConfrériedeladaguenoireétaitunsacrégroupe.Leseulrempartentrelesvampires
civilsetleséradiqueurs.
Croisantlesbras,Kolherpromenasonregardautourdelapiècesurchacundesmembresdela
Confrérie,conscientdeleurforcemaissurtoutdeleursmalédictions.
La mort de Audazs lui rappelait que, même si ses guerriers infligeaient des pertes sévères aux
bataillonsd’éradiqueurs,ilsn’étaientqu’unepoignéefaceàcevivierinépuisabledetueurs.
Carleshumainsdotésd’uneaptitudeaucrimeetàlaviolenceétaientlégion.
Lerapportdeforcen’étaittoutsimplementpasfavorableàl’espèce.Kolhernepouvaitignorerle
fait que les vampires ne jouissaient pas de la vie éternelle et que les membres de la Confrérie
pouvaientêtretuésàtoutmoment,cequirisquaitdemettreàmallefragileéquilibre.Enfaveurdes
ennemisdel’espèce.
Merde, la bascule s’était déjà produite, en fait. Depuis que l’Oméga avait créé la Société des
éradiqueursdansdestempsimmémoriaux,lapopulationvampiren’avaitfaitquedécroître,pourne
subsister désormais que dans quelques enclaves. L’espèce flirtait avec l’extinction. Même si les
membresdelaConfrérieétaienttrèsbons.
SiKolheravaitétéunsouveraind’uneautretrempe,decelledesonpère,désireuxd’êtreadulé,
sorte de pater familias pour l’espèce, peut-être l’avenir se serait-il présenté sous de meilleurs
auspices.Maislefilsnetenaitpasdesonpère.Kolherétaitunguerrier,pasunleader,plusàl’aise
campésursesdeuxpiedsunedagueàlamainqu’assissuruntrône.
Kolherreportasonattentionsurlesguerriers.Cesderniersleregardaient,attendantdeluiqu’il
leurdisequoifaire.Etleurdéférencelemettaitàcran.
—JeconsidèrelamortdeAudazscommeunaffrontpersonnel,déclara-t-il.
Desgrognementsd’approbationsefirententendre.
Kolhersortitleportefeuilleetletéléphoneportablequ’ilavaitsubtilisésaumembredelaSociété
deséradiqueursqu’ilavaittué.
—J’aiprisçasurunéradiqueurplustôtcesoirderrièreleScreamer’s.Quelqu’uns’encharge?
Illançalesobjetsenl’air.FhurielesattrapaetpassaletéléphoneàViszs.
Kolhersemitàarpenterlapièce.
—Nousdevonsreprendrenosraids.
—Ouais,commetudis,grognaRhage.
Leproposfutponctuéd’unbruitmétallique,uncouteauqu’onplantaitsurlatable.
—Nousdevonsleschoperàl’endroitoùilss’entraînent.Oùilsvivent.
CequisignifiaitquelaConfrériedevaitpartirenreconnaissance.LesmembresdelaSociétédes
éradiqueurs n’étaient pas stupides. Régulièrement, ils changeaient de lieux et déplaçaient sans cesse
leurscentresderecrutementetd’entraînement.Raisonpourlaquellelesguerriersvampiresjugeaient
plusefficacedeservird’appâtsetdecombattreceuxquiselançaientàleurpoursuite.
Parlepassé,laConfrérieavaitdéjàeffectuédesraids,aucoursdesquelsilsdescendaientenune
seule nuit des dizaines d’éradiqueurs. Néanmoins, ils ne recouraient que rarement à cette stratégie.
Ces attaques généralisées étaient efficaces mais risquées. Ces combats à grande échelle alertaient
l’attentiondesforcesdepolice,etilétaitdansl’intérêtdetoutlemondedegarderprofilbas.
—Ilyaunpermisdeconduire,murmuraFhurie.Jevaisallerfaireuntouràl’adresseindiquée.
C’estdanslecoin.
—Quelnom?demandaKolher.
—RobertStrauss.
Viszs,quiexaminaitletéléphone,lâchaunjuron.
—Ilyapasgrand-choselà-dessus.Quelquestrucsdanslejournal,desnumérosenmémoire.Je
vaisfaireunerecherchesurl’ordinateurpourtrouverquiaappeléetlesnuméroscomposés.
Kolhergrinçadesdents.L’impatienceetlafureurformaientunfoutucocktailàavaler.
—J’aipasbesoindevousdirequ’ilfautagirvite.Onaaucunmoyendesavoirsil’éradiqueur
quej’aieucesoirestceluiquiafaitlecoup.Alorsjepensequelemieuxestdenettoyertoutelazone.
Delestuertous,mêmesiçadevientsalissant.
Laportes’ouvritetZadisteentradanslapièce.Kolherluijetaunregardfurieux.
—Commec’estaimableàtoidetejoindreànous,Z.Encoreavecdesfemelles,cesoir?
—Etsitumelâchaislagrappe?
Zadistepritplacedansuncoindelapièce,àl’écartdesautres.
—Ettoi,Seigneur,qu’est-cequetuvasfaire?demandaTohrmentd’unevoixcalme.
Ce bon vieux Tohr. Toujours à essayer de maintenir la paix, que ce soit par inattention, désir
d’interventionouharcèlementdélibéré.
—Ici.Jevaisresterici.Sil’éradiqueurquiaeuAudazsestenvieetatoujoursenviedes’amuser,
jeveuxqu’ilmetrouvefacilement.
Une fois les guerriers partis, Kolher mit son blouson. Il sentit l’enveloppe de Audazs dans la
pocheetlaretira.Ildistinguaunetraînéed’encresurlerecto,qu’ilsupposaêtresonnom.Ildéchira
lerabat.Unephotographietombaausollorsqu’ilsortitunefeuilledepapierivoire.Illaramassaet
crutdistinguerdelongscheveuxnoirs.Unefemelle.
Kolherregardalepapier.Lesmotssemélangeaient,assemblagefloudelettresqu’ilnepouvait
espérerdéchiffrerquandbienmêmeilplissaitlesyeuxdetoutessesforces.
—Fritz!appela-t-il.
Lemajordomearrivaprécipitamment.
—Lisezça.
Fritzpritlafeuilleet,têtebaissée,seplongeadanslalecture.
—Àvoixhaute.
—Biensûr,pardonnez-moi,maître.(Fritzs’éclaircitlavoix.)«Sijen’aipaseul’occasiondete
parler, renseigne-toi auprès de Tohrment. 1188 Redd Avenue, appartement 1B. Elle s’appelle
ElizabethRandall.P.S.:LamaisonetFritzsontàtoisiellenesurvitpasaupassageàl’âgeadulte.
Désoléquetoutsesoitterminésivite.D.»
—Filsdepute,murmuraKolher.
CHAPITRE5
Beth s’était changée et avait passé ses vêtements de nuit, boxer et tee-shirt. Elle s’apprêtait à
déplierlefutonlorsqueBouhcommençaàmiaulerdevantlaportevitréecoulissante.Lechattournait
enrond,lesyeuxguettantquelquechoseàl’extérieur.
—TucherchesencorelachattetigréedeMmeDiGio?Tutesouviensqueças’estpasbienpassé
ladernièrefois?
Descoupsfrappésàlaporteluifirenttournerlatête.Soncœursemitàbattrelachamade.
Ellesedirigeaverslaporteetregardaparlejudas.Endécouvrantsonvisiteur,ellepressason
doscontreleslambrisbonmarché.
Lescoupsrecommencèrent.
—Jesaisquetueslà,ditDur-à-cuire.Etjevaiscontinueràtaper.
Beth déverrouilla et ouvrit. Avant même qu’elle puisse lui dire d’aller se faire foutre, il la
bousculaetentra.Bouhfitlegrosdosetsiffla.
—Moiaussi,jesuisenchanté,lapanthère.
LavoixgraveettraînantedeButchsemblaitcomplètementdéplacéechezelle.
—Commentes-tuentrédanslehall?demanda-t-elleenrefermantlaporte.
—J’aiforcélaserrure.
— Et il y a une raison pour que tu choisisses d’entrer par effraction précisément dans cet
immeuble,inspecteur?
Ilhaussalesépaulesetpritplacedanssonfauteuilbergèreélimé.
—J’aieuenviederendrevisiteàuneamie.
—Alorspourquoivenirmevoirmoi?
—Pasmal,cheztoi,dit-ilenregardantautourdelui.
—Arrêtetonbaratin!
—Aumoins,c’estrangé.Jepeuxpasendireautantdel’endroitoùjecrèche.(Ilrivasonregard
sombresurlevisagedeBeth.)Etmaintenant,onvaparlerdecequis’estpassécesoiraprèsletravail,
tuveuxbien?
Ellecroisalesbrassursapoitrine.
Ileutunpetitrire.
—Mince,ilaquoi,José,quej’aipas?
—Tuveuxunpapieretunstylo?Lalisteestlongue.
— Aïe ! Quel accueil ! (Il parlait d’un ton amusé.) Dis-moi, tu t’intéresses qu’aux mecs pas
disponibles?
—Écoute,jesuisvannée…
—Ouais,tuastravaillétard.Jusqu’àvers21h45etdesbrouettes.J’aiparléàtonboss.Dickm’a
ditquetuétaisencoreaubureauquandilestalléauCharlie’s.Tuesrentréecheztoiàpied,pasvrai?
ParTradeStreet.Jepariequetufaisçatouslessoirs.Ettuétaisseule.Entoutcaspendantunmoment.
Bethdéglutit.Unbruitlégerattirasonregardverslaportevitrée.Denouveau,Bouhdécrivaitdes
cerclesdevantlaporteenmiaulant,lesyeuxrivéssurlesténèbres.
—Bonsang,tuvasmedirecequis’estpasséàl’intersectiondeTradeStreetetdela10e?
Sonregards’adoucit.
—Commenttusais…?
—Parle-moi.Etjeteprometsquejeferaiensortequecefilsdeputeaitsoncompte.
Kolher,dansl’obscuritédelanuitcalme,observaitlasilhouettedelafilledeAudazs.Elleétait
grande pour une humaine et ses cheveux étaient noirs ; c’était tout ce que ses yeux parvenaient à
distinguer.Ilhuma,sansparveniràcaptersonodeur.Portesetfenêtresétaientverrouilléesetlevent
d’ouestapportaitunrelentaigre-douxdepoubelles.
Enrevanche,lesondesavoixluiparvenaitàtraverslesportesfermées.Elleparlaitàquelqu’un.
Unhommeàqui,manifestement,ellenefaisaitpasconfianceouqu’ellen’aimaitpas,àenjugerpar
sesréponseslaconiques.
—Jeveuxtefaciliterleschosesautantquepossible,luidisaitletype.
Kolher aperçut Beth se diriger vers la porte vitrée et regarder au-dehors. Son regard était rivé
droitsurlui,maisilsavaitqu’ellenepouvaitlevoir.Ilétaitcomplètementdissimulédansl’ombre.
Elleouvritlaporteetpassalatêtedehors,toutenempêchant,desonpied,lechatdesortir.
Kolher eut le souffle coupé quand il capta l’odeur de Beth. Une odeur magnifique. Comme une
fleur épanouie. Peut-être une rose de nuit. Il gonfla ses poumons et ferma les yeux, attentif aux
réactions de son corps et aux flux du sang dans ses veines. Audazs avait raison : la transition
approchait.Ilpouvaitlesentirsurelle.Sang-mêléoupas,cechangementallaitsurvenir.
Bethtiralestoreetseretournaverssoninterlocuteur.Parlaporteouverte,savoixluiparvenait
avecplusdeclarté.Kolherenapprécialatessituregrave.
—Ilsonttraversélaruedansmadirection.Ilsétaientdeux.Leplusgrandm’atraînéedansl’allée
et…
Kolhertenditl’oreille.
—J’aiessayédemedégager.J’aivraimentessayé.Maisilétaitplusfortquemoietsonamime
maintenaitlesbras.(Ellehoqueta.)Ilm’aditqu’ilmecouperaitlalanguesijecriaisetj’aivraiment
penséqu’ilallaitmetuer,vraiment.Puisiladéchirémonchemisieretasoulevémonsoutien-gorge.
J’aibienfailliêtre…Maisj’airéussiàmelibéreretàm’enfuir.Ilavaitlesyeuxbleus,lescheveux
châtains et une boucle d’oreille, un brillant carré, à gauche. Il portait un polo bleu foncé et un
bermudakaki.Jen’aipasréussiàbienvoirseschaussures.Sonamiétaitblond,lescheveuxcourts,
sans boucle d’oreille ; il portait un tee-shirt blanc avec le nom de ce groupe de musique du coin,
TomatoEater.
L’hommeselevaetsedirigeaverselle.Ilpassasonbrasautourd’elleettentadel’attireràlui,
contresapoitrine,maisellesedégageaetrétablitladistanceentreeux.
—Tucroisvraimentquetuvaspouvoirl’attraper?demanda-t-elle.
L’hommeacquiesça.
—Ouais.
Butchquittal’appartementdeBethRandalld’unehumeurmassacrante.
Lavisiond’unefemmeauvisageamochén’étaitpascequ’ilpréféraitdanssonboulot.D’autant
plusqu’ils’agissaitdeBeth,qu’ilconnaissaitdepuislongtempsetpourquiilressentaitunecertaine
attirance.Sabeautépeucommunenegâchaitrien.Maissalèvregonfléeetleshématomesautourde
sagorgeétaientcommeuneoffenseàlaperfectiondesestraits.
Beth Randall était canon. Positivement canon. Elle avait de magnifiques cheveux longs et noirs,
desyeuxd’unbleuimpossible,sapeauavaitlablancheurdel’ivoireetsabouchesemblaitfaitepour
les baisers d’un homme. En plus, elle était super bien foutue. De longues jambes, la taille fine, des
seinsparfaitementproportionnés.
Auposte,tousleshommesenpinçaientpourelle.MaisButchluireconnaissaitunechose:jamais
ellen’avaitutilisésaséductionnaturellepoursoutirerdesinformationsauxgars.Elles’entenaitau
planprofessionnel.Ellen’étaitjamaissortieavecaucund’eux,mêmesilaplupartauraientétéprêtsà
vendreleurmèrejustepourluitenirlamain.
Unechoseétaitsûre:sonassaillantavaitdrôlementmerdéens’enprenantàelle.Touteslesforces
depoliceallaientsemettreauxtroussesdececonnarddèsqu’ellesseraientaucourant.
EtButchavaitunegrandegueule.
Ilmontadanssavoiturebanaliséeetserenditjusqu’àl’hôpitalSt.Francis,del’autrecôtédela
ville.Ilsegaralelongdutrottoir,devantlesurgences,etentra.
Legardedefactionluisourit.
—Enroutepourlamorgue,inspecteur?
—Nan.Jeviensjustevoirunami.
Legardeluifitsignedepasser.
Butchtraversalasalled’attentedesurgencesavecsesplantesenplastique,sesmagazinesécornés
et son lot de personnes angoissées. Il poussa une double porte et entra dans la blancheur stérile et
clinique du lieu. D’un signe de tête, il salua les infirmières et les médecins qu’il connaissait et se
dirigeaversletriage.
—Eh,Doug,tusaisoùsetrouveletypequ’onaamenéaveclenezenvrac?
L’employélevalatêtedudiagrammequ’ilétaitoccupéàlire.
—Ouais,ilestprêtàsortir.Ilestdanslefond,chambre28.(L’interneeutunpetitrire.)J’teledis,
moi,sonnezétaitledernierdesesproblèmes.Iln’estpasprèsdechanterbasseavantlongtemps.
—Merci,mec.Sinon,commentvatafemme?
—Elledoitaccoucherdansunesemaine.
—Tiens-moiaucourant.
Butchsedirigeaverslefonddubâtiment.Avantd’entrerdanslachambre28,ilvérifialecouloir.
Toutétaittranquille.Pasdepersonnelmédical,pasdevisiteurs,pasdepatients.
Ilouvritlaporteetpassalatêteàl’intérieur.
Du fond de son lit, Billy Riddle leva la tête. Il avait un bandage blanc sous le nez, comme si le
pansementservaitàmaintenirsoncerveauenplace.
—Quoideneuf,inspecteur?Vousavezeuletypequim’afaitça?Jevaispastarderàsortiretje
mesentiraismieuxsijesavaisquevousl’avezchopé.
Butchfermalaporteet,calmement,laverrouilla.Toutsourires,iltraversalapièce,sansquitter
desyeuxlebrillantquiornaitlelobegauchedugars.
—Alors,cenez,Billy-boy?
—Çava.L’infirmièreétaitunechi…
Butchlesaisitparsonpolobleuetletirahorsdulit.Puisilprojetal’assaillantdeBethcontrele
muravecunetellebrutalitéquelesappareilsderrièrelelitsemirentàosciller.
Butchapprochasonvisagesiprèsqu’ilauraitpuembrasserBilly.
—Tut’esbienmarré,cesoir?
LesgrandsyeuxbleusdeBillycroisèrentlessiens.
—Dequoivous…
Denouveau,Butchlejetaavecforcecontrelemur.
—J’aiuneidentificationformelle.Lafemmequetuasessayédevioler.
—C’étaitpasmoi!
— Mon cul ! Et avec tes petites menaces – lui couper la langue et tout ça - ça pourrait même
suffirepourt’envoyerchezlesfousàDannemora.T’asdéjàeuunmec,Billy?Tusaisquoi?Jecrois
quetuvasfairefureur.Unbeaugosseblanccommetoi.
Billydevintaussipâlequelesmurs.
—Jel’aipastouchée!
— Je vais te dire un truc, Billy. Si tu la joues réglo avec moi et que tu me donnes ton pote, tu
pourrassortird’ici.Sinon,c’estsurunbrancardquejevaist’amenerauposte.
Billysemblaréfléchirpendantuncourtmoment.Puis,trèsvite,desmotssortirentdesabouche.
—Elledemandaitqueça!Ellem’asupplié…
Butchlevasongenouetl’enfonçadansl’entrejambedeBilly.Unsonaigutroual’air.
—Tuvasdevoirpisserassispendantunpetitmoment…
Comme le voyou voulait parler, Butch le lâcha et le regarda s’effondrer au sol. Lorsque Billy
aperçutlesmenottes,saplaintesefitplusforte.
Butchleretournaausoletluisaisitlespoignetssansaucunménagement.Ilfixalesmenottes.
—Tuesenétatd’arrestation.Toutcequetudiraspourraêtreretenucontretoi.Tuasledroitàun
avocat…
—Vousavezlamoindreidéedequiestmonpère?hurlaBilly,commes’iltrouvaitunsecond
souffle.Vouspouvezdireadieuàvotreplaque!
—Situn’enaspaslesmoyens,unavocatteseracommisd’office.As-tucomprislesdroitsqueje
viensd’énoncer?
—Vatefairefoutre!
ButchsaisitBillyparlanuqueetcognasonnezamochécontrelelino.
— As-tu compris les droits que je viens d’énoncer ? Billy grogna et acquiesça. Il laissa une
traînéedesangsurlesol.
—Parfait.Maintenant,onvas’occuperdelapaperasse.J’aihorreurdenepassuivrelaprocédure.
CHAPITRE6
— Bouh ! Tu veux bien arrêter ? Beth frappa son oreiller et roula sur elle-même pour jeter un
coupd’œilauchat.
L’animallaregardaetmiaula.Grâceàlalumièredelacuisinequ’elleavaitlaisséeallumée,elle
levittapoterdesapattecontrelaportevitrée.
— Alors là, tu rêves, mon vieux. Tu es un chat d’appartement. Chat d’appartement. Crois-moi,
dehors,cen’estpasaussigénialqueçaenal’air.
Ellefermalesyeuxet,lorsqu’elleentenditdenouveaulemiaulementplaintif,ellelaissaéchapper
unjuronetrepoussalesdraps.Ellesedirigeaverslaportevitréeetregardaau-dehors.
C’estalorsqu’elleaperçutl’homme.Adosséeaumurdanslefonddelacour,cetteformesombre
était bien plus massive que les ombres familières projetées par les poubelles et la table de jardin
couvertedemousse.
Lesmainstremblantes,ellevérifialeverroudelaportepuissedirigeaverslesfenêtres.Lesdeux
aussiétaientverrouillées.Elletiralesstores,saisitsontéléphoneportableetrevintseposterprèsde
Bouh.
L’hommeavaitbougé.
Merde!
Ilavançaitdanssadirection.Denouveau,ellevérifialeverroudelaporteetrecula,heurtantde
sonpiedlefuton.
Ellechancelaetlâchaletéléphone,quiallarebondirparterre.Elleheurtaviolemmentlematelas,
latêtesecouéesousl’impactduchoc.
Choseincroyable,laportevitrées’ouvritcommesileverroun’avaitpasétémis,commesielle
nel’avaitjamaisactionné.
Toujoursallongéesurledos,Bethrepoussadetoutessesforceslesdrapsavecsesjambespour
fuir le plus loin possible de lui. Il était gigantesque, les épaules aussi larges que des poutres, les
jambesaussimassivesquelebustedeBeth.Ellenevoyaitpassonvisage,maissonairmenaçantétait
commeunrevolverpointédirectementsursoncœur.
Gémissant,elleroulaausoletrampapourluiéchapper,serâpantlespaumesetlesgenouxcontre
le parquet de bois dur. Derrière elle résonnaient les pas de l’homme, lourds comme le tonnerre.
Recroquevillée comme un animal, aveuglée par la peur, elle heurta la console de l’entrée sans
ressentirlamoindredouleur.
Des larmes coulaient le long de ses joues ; implorant la pitié, elle réussit à atteindre la porte
d’entrée…
Bethseréveilla,laboucheouverte,unhorriblesonvenantdéchirerlesilencedel’aube.
C’étaitelle.Quihurlaitàpleinspoumons.
Ellefermalaboucheetlebruitinsupportablecessadeluivrillerlesoreilles.Elles’extirpadulit
et, parvenue devant la porte vitrée, accueillit les premiers rayons du soleil avec un soulagement
bienfaisant qui lui remit du baume au cœur. Les battements de son cœur commençaient à s’apaiser.
Elleprituneprofondeinspirationetvérifialaporte.
Leverrouétaitenplace.Lacour,déserte.Toutétaitnormal.
Elle eut un petit rire. Quoi de plus naturel que ce cauchemar après les événements de la nuit
précédente?Elleallaitprobablementavoirlesjetonspendantunpetitmoment.
Elle se dirigea vers la douche. Elle se sentait épuisée, mais pour rien au monde elle ne serait
restéeseuledanssonappartement.Illuifallaitl’agitationdelarédaction,lescollègues,lescoupsde
téléphone,lesjournaux.Là-bas,ellesesentiraitplusensécurité.
Alors qu’elle s’apprêtait à entrer dans la salle de bains, elle ressentit une vive douleur au pied.
Ellelevalegenouetaperçutunéclatdecéramiquefichédanslapeaurugueusedesontalon.Ellese
penchaetvitlacoupe,quihabituellementtrônaitsurlaconsoledel’entrée,enmillemorceauxausol.
Ellefronçalessourcilsetramassalestessons.
Elleavaitdûrenverserlebibelotenrentrantchezelleaprèsl’agression.
Kolherdescendaitl’escaliersouslademeuredeAudazs.Ilsesentaitépuisé.Ilfermaetverrouilla
la porte derrière lui, se débarrassa de ses armes et sortit de l’armoire une malle usée. Il ouvrit le
couvercleetgrognalorsqu’ilentiraunblocdemarbrenoird’unmètrevingtdelongetdelargeetde
huitcentimètresd’épaisseur.Illeplaçaaucentredelapièce.Ilrevintverslamalle,saisitunsacen
veloursetlejetasurlelit.
Ilôtasesvêtements,pritunedoucheetserasa,puisregagnalapièce,nu.Ilpritlesac,dénouale
ruban de satin qui le fermait et versa sur le bloc de marbre des diamants bruts aussi gros que des
galets.Illâchalesacvide,quiretombamollementausol.
Tête baissée, Kolher commença à parler dans sa langue maternelle et à rendre hommage à ses
morts.Aprèsavoirprononcélesparolesrituelles,ils’agenouillasurleblocdemarbre.Lapierrelui
fendillaitlesgenoux.Ilajustasaposition,assissurlestalons,lesmainssurlescuisses,puisfermales
yeux.
Lerituelmortuaireluiimposaitdepasserlajournéesansbouger,desupporterladouleuretde
saignerenmémoiredesonami.
LafilledeAudazsétaitprésentedanssonesprit.
Iln’auraitpasdûs’introduirechezelleainsi.Illuiavaitflanquélatrouilledesavie,alorsqu’il
souhaitaitseulementseprésenteràelleetluiexpliquerpourquoielleallaittrèsbientôtavoirbesoin
delui.Ilavaitaussienvisagédeluidirequ’ilallaitselanceràlapoursuitedel’humainquiavaitjoué
auconavecelle.
Ouais,onpouvaitdirequ’ilavaitassuré.Commeunpro.
Aumomentoùils’étaitintroduitchezlajeunefemme,lapaniques’étaitemparéed’elle;ilavait
dûeffacersessouvenirsetlaplacerdansunelégèretranseafindelacalmer.Aprèsl’avoirallongée
surlelit,ilavaitpensépartirsur-le-champ,maisilenavaitétéincapable.Ilétaitrestéàveillersur
elle,àobserverlecontrasteentrelanoirceurdesescheveuxetlablancheurdesonoreiller,àrespirer
sonodeur.Undésirintenseluitordantlesentrailles.
Avantdepartir,ilavaitvérifiéquelesportesetlesfenêtresétaientverrouillées.Puisilavaitjeté
undernierregardsurelle.EtavaitpenséàAudazs,sonpère.
Kolherseconcentrasurladouleurquimontaitdéjàlelongdesescuisses.
Tandisquesonsangcoloraitderougeleblocdemarbre,levisageduguerriermorts’imposaà
luietiléprouvatoutelaforcedulienquilesavaitunis.
Ildevaitaccéderàladernièrerequêtedesoncompagnond’armes.Illeluidevait,pourtoutesles
annéesqu’ilsavaientpasséesàservirensemblel’espèce.
Qu’ellesoitounonàdemihumaine,lafilledeAudazsn’arpenteraitplusjamaislesruesseule,la
nuit,sansprotection.Toutcommeellenetraverseraitpasseulelaphasedetransition.
QueDieuluivienneenaide.
Vers6heureslelendemainmatin,ButchenavaitfiniavecBillyRiddle.Celui-ciavaitétémalmené
par les dealers et les voyous avec lesquels il partageait la cellule de détention provisoire, et Butch
prenait tout son temps, et même plus, pour rédiger son rapport. Curieusement, les procédures
officiellesrestaientassezflouessurlesformulairesqu’ilconvenaitderemplir.
Sanscompterquelesimprimantesétaientenrade.Lesvingt-troisduposte.
Néanmoins,leséjourdeRiddleseraitdecourtedurée.Sonpère,eneffet,étaitunhommepuissant,
unsénateur.Unavocaillons’emploieraitàfairesortirBillyenmoinsdetempsqu’iln’enfallaitpour
ledire.Probablementdansl’heurequisuivrait.
C’étaitcommeça,aveclajustice.Paricilesbiffetonsetciaolespetitesfrappes.
Maisiln’yavaitchezButchniaigreurniaucunsentimentdecetordre.
En sortant du poste, il se trouva nez à nez avec l’un de leurs visiteurs nocturnes habituels.
Manifestement,CherryPievenaitd’êtrejusted’êtrerelâchéedelacellulededétentiondesfemmes.
MaryMulcahypourl’étatcivil,ellefaisaitletrottoirdepuisenvirondeuxans,d’aprèscequeButch
avaitentendudire.
—Bonjour,inspecteur,minauda-t-elle.
Sonrougeàlèvresavaitbavéauxcommissuresetsonmascaranoiravaitcoulé.Elleauraitpuêtre
assezjolie,pensa-t-il,siellelâchaitlapipeàcracketdormaitunmoisd’affilée.
—Turentresseulcheztoi?
—Commetoujours.
Illuitintlaportepourlalaisserpasser.
—Tamaingauchenefatiguepas,àforce?
Butchéclataderire.Tousdeux,immobiles,regardaientleciel.
—Alors,Cherry,commentva?
—Oh,moi,çavatoujours.
Elleglissaunecigaretteentreseslèvresetl’allumasanscesserd’observerButch.
—Tusais,sitamainsefatigueunjour,appelle-moi.Pourtoi,çaseragratuit,cartuessacrément
beaugosse.MaispasunmotàBigDaddy.
Elle souffla la fumée et, l’air absent, titilla le lobe irrégulier de son oreille gauche. La partie
supérieuremanquait.
Sonmacétaitunfoufurieux.
Ilsdescendirentlesmarchesduposte.
—Tut’esrenseignéesurleprogrammedontjet’aiparlé?luidemandaButchlorsqu’ilsfurent
surletrottoir.
Ilaidaitunamiàdémarrerungroupedesoutienpourprostituées,afindelesaideràs’affranchir
deleursmacsetàraccrocher.
—Ouais,c’estpasmal.(Elleluidécochaunsourire.)Àplus.
—Prendssoindetoi.
Elles’éloigna.
—Penses-y.Tupourraisenprofiter,ajouta-t-elleenseclaquantlafessedroite.
Pendantuncourtmoment,Butchlaregardaquis’éloignaitensedéhanchant.Puisilmontadans
une voiture banalisée et, sous l’impulsion du moment, traversa la ville en direction du quartier des
bars.Ils’arrêtadevantleMcGrider’s.Unquartd’heureplustardenviron,unefemmevêtued’unjean
étroitetd’unebrassièrenoiresortitduclub.Éblouieparlesphares,elleclignadesyeux.
Quand elle aperçut le véhicule, elle arrangea sa chevelure auburn et se dirigea vers la voiture.
Butchbaissalavitre.Lafemmesepenchaetl’embrassasurlabouche.
—Çafaitunepaiequ’ons’estvu.Tutesensseul,Butch?murmura-t-elletoutcontreseslèvres.
Elle sentait la bière sèche et les cerises au marasquin, le parfum de toutes les barmaids au petit
matin.
—Monte,luidit-il.
Ellefitletourparl’avantduvéhiculeetseglissaàcôtéduconducteur.Butchs’enquitdesasoirée
toutenconduisantendirectiondufleuve.Unefoisencore,elleétaitdéçueparlesmaigrespourboires.
Etelleavaitlespiedsenfeuàforcederesterdeboutderrièrelebar.
Butch se gara sous l’arche du pont qui surplombait l’Hudson et reliait les deux parties de
Caldwell. Il veilla à s’éloigner suffisamment des SDF qui y avaient élu domicile. Ils se passeraient
biend’unpublic.
Il devait le reconnaître : Abby savait y faire. Elle avait déboutonné le pantalon de Butch et
s’affairaitavecunrythmesoutenusursonmembreenérectionavantmêmequ’ilaitcoupélemoteur.
Butchreculalesiège.Elles’installaàcalifourchonsurluietl’embrassadanslecou.Ilregardapardelàsachevelurepermanentée,endirectiondufleuve.
L’aubeestmagnifique,pensa-t-il.Lesoleilseréfléchissaitsurlasurfacedelarivière.
—Tum’aimes,monchou?luimurmura-t-elleàl’oreille.
—Biensûr.
Il lissa ses cheveux en arrière et la regarda dans les yeux. Ils étaient vides. Il aurait pu être
n’importequi,raisonpourlaquelleleurrelationfonctionnait.
LecœurdeButchétaitaussividequeleregardd’Abby.
CHAPITRE7
M. X traversait le parking en direction de l’académie des arts martiaux de Caldwell lorsqu’il
huma l’odeur de beignets de Dunkin’ Donuts, de l’autre côté de la rue. L’odeur, cette merveilleuse
odeur,defarine,desucreetd’huilesaturaitl’airmatinal.Ilregardapar-dessussonépauleetaperçut
un homme qui sortait de l’échoppe, deux boîtes blanc et rose sous le bras et, dans la main, un
gigantesquegobeletdecafé.
Quellefaçonagréablededémarrerlajournée,songeaM.X.
M.Xmontasurletrottoirquilongeaitl’auventrougeetordel’académie.Ils’arrêtaetsebaissa
pourramasserungobeletenplastiqueabandonné.Sonprécédentpropriétaireavaitétésuffisamment
précautionneux pour y laisser un fond de soda afin que le mégot de sa cigarette puisse y flotter
agréablement en attendant que quelqu’un se donne la peine de les jeter. Il lança les détritus dans la
poubelleetouvritlesportesdel’académie.
La nuit précédente, la Société des éradiqueurs avait connu un tournant dans la guerre qui
l’opposaitauxvampires,etilenétaitleresponsable.Audazsétaitunvampireextrêmementpuissant,
membredelaConfrériedeladaguenoire.Unputaindetrophée!
Quel dommage qu’il ne reste rien du corps à accrocher au mur ! Mais la bombe de M. X avait
fonctionnéàmerveille.M.Xsetrouvaitchezlui,connectéàlafréquencedelapolice,quandilavait
entendu le rapport. L’opération s’était déroulée exactement comme il l’avait prévu et avait été
exécutéeàlaperfection,dansl’anonymatleplustotal.
Uneperfectionfatale.
M.Xtentadesesouvenirdeladernièrefoisqu’unmembredelaConfrérieavaitététué.Sûrement
bienavantqu’ilrejoignelaSociété,desdizainesd’annéesauparavant.Ils’attendaitàdesfélicitations
et des tapes dans le dos, non que ce type de démonstration le motive. Il imaginait en retirer même
quelque avantage, un élargissement de sa sphère d’influence ou encore une extension de son rayon
d’actiongéographique.
Larécompensecependant…allaitbienau-delàdetoutcequ’ilauraitpuimaginer.
L’Omégaluiavaitrenduvisiteuneheureavantl’aube.Ils’étaitvuconférertouslesdroitsetles
privilègesdegrandéradiqueur.
ChefdelaSociétédeséradiqueurs.
C’étaituneresponsabilitéimmense.CellequeM.Xvisait.
Lepouvoirétaitl’uniqueformedereconnaissancequiprésentaitunquelconqueintérêtàsesyeux.
Àgrandesenjambées,ilgagnasonbureau.Lespremierscourscommençaientà9heures:ilavait
largementletempsd’élaborerquelques-unesdesnouvellesrèglesqu’ilcomptaitbienimposeràses
subordonnés.
Aprèsledépartdel’Oméga,ilavaitététentédefaireuneannonceofficielle,maiss’étaitravisé.
Un chef rassemblait ses pensées avant de prendre la parole ; il ne se précipitait pas sur le podium
pourêtreadulé.L’ego,aprèstout,étaitlaracinedumal.
Plutôtquedecriervictoire,M.Xavaitprisplacedansunfauteuildejardinetétaitrestéàregarder
la prairie derrière sa maison. Dans la lueur naissante de l’aube, il avait réfléchi aux forces et aux
faiblesses de son organisation et laissé son intuition lui montrer comment gérer les deux. Dans cet
enchevêtrementd’imagesetdepensées,desdirectionsavaientémergé,l’avenirs’étaitclarifié.
Désormaisassisderrièresonbureau,ilseconnectaausitewebsécurisédelaSociétéetsignifia
sans ambiguïté aucune qu’un changement de direction était intervenu. Il ordonna à tous les
éradiqueursdeseprésenteràl’académiel’après-midimême,à16heures,parfaitementconscientque
cerendez-vousimpliquaitpourcertainsdesdéplacements,sanstoutefoisexcéderhuitheuresderoute.
Quiconquemanqueraitàl’appelseraitbannidelaSociétéettraquécommeunchien.
De tels rassemblements étaient exceptionnels. À l’heure actuelle, le nombre des éradiqueurs
oscillait entre cinquante et soixante, en fonction des meurtres perpétrés par la Confrérie et des
nouvellesrecrues.LaSociétéétaitprincipalementimplantéeenNouvelle-Angleterre,danslenord-est
desÉtats-Unis,enraisondelaconcentrationdelapopulationvampiredanslarégion.LaSociétése
déplaçaitelleaussienfonctiondesfluxmigratoires.
Comme cela avait été le cas pour les générations précédentes depuis la guerre qui opposait la
Sociétéauxvampires.
M.Xétaitconscientdesrisquesqu’ilcouraitàrassemblerainsitousleséradiqueursàCaldwell.
Mêmes’ilconnaissaitlaplupartdesmembresdelaSociété–etcertainsplutôtbien–,ilavaitbesoin
qu’euxlevoient,l’entendentetprennentlamesuredeleurnouveaudirigeant.Surtouts’ilmodifiait
lesorientationsdelaSociété.
Par ailleurs, l’organisation d’un tel rassemblement en plein jour leur permettait de se prémunir
contre une éventuelle attaque de la Confrérie. Sans compter qu’aux yeux des employés humains de
l’académiecerassemblementpouvaitfacilementpasserpourunséminaire.Celui-cisetiendraitdans
la grande salle de conférence au sous-sol, derrière des portes verrouillées pour empêcher toute
intrusionmalvenue.
Avantdesedéconnecter,M.Xpostasurlesiteuncompte-rendudel’assassinatdeAudazs,caril
souhaitaitquelestueurspuissentendisposerparécrit.Ildécrivitendétailletypedebombequ’ilavait
utilisé, ainsi que la méthode suivie pour brancher le détonateur au système de contact du véhicule.
Ensuite,toutavaitétéunjeud’enfant.Ilavaitsuffid’armerledétonateur;lorsquelecontactavaitété
mis,touslesoccupantsdelavoitureavaientétéréduitsencendres.
Pour cette fraction de seconde de récompense, M. X avait traqué Audazs pendant un an, à
l’observeretàsefamiliariseravecseshabitudesdevie.Deuxjoursauparavant,M.Xétaitentrépar
effractiondanslegaragedesfrèresGreene,oùlevampireavaitconduitsaBMWpourentretien.M.X
avait placé la bombe et, la nuit précédente, à proximité du véhicule, avait activé le détonateur au
moyend’untransmetteurradiosansomettrelamoindreétape.
M. X avait gardé pour lui les efforts et la concentration qui lentement avaient abouti à
l’éliminationdeAudazs.Ilvoulaitqueseséradiqueurslecroientcapabledemeneravecfacilitéune
actionaussihabile.L’imageetlaperceptionjouaientunrôledéterminantdanslacréationd’unebase
puissante,etiltardaitàM.Xdebâtirsanstardersacrédibilité.
Après s’être déconnecté du site, M. X se cala dans son fauteuil et pianota sur le bureau. Depuis
qu’il avait rejoint la Société, le principal objectif avait été de réduire la population vampire en
éliminant les civils. Naturellement, cette orientation restait valide, mais M. X comptait imposer un
changement de stratégie. Pour gagner la guerre, il fallait supprimer la Confrérie. Sans ces six
guerriers,lescivilsseretrouveraientsansdéfensecontreleséradiqueurs.
Cettetactiquen’étaitpasinédite.Àdenombreusesreprises,elleavaitététentéepuisabandonnée
quandlaConfréries’étaitmontréetropcombativeouinsaisissable.MaisaveclamortdeAudazs,la
Sociététenaitsonheuredegloire.
Désormais, il convenait de procéder différemment. En l’état actuel des choses, la Confrérie
éliminaitdescentainesd’éradiqueurstouslesans,etlesrangsdevaientsanscesseêtreétoffésparde
nouvelles recrues inexpérimentées. Le recrutement constituait un véritable problème. Les nouveaux
membres étaient difficiles à trouver et à intégrer, et restaient moins performants que les membres
aguerris.
Le renforcement des effectifs restait le point faible de la Société. Des centres d’entraînement
commel’académiedesartsmartiauxdeCaldwellétaientessentielspourrepérerdenouvellesrecrues
potentiellesetlesincorporer,maisconstituaientaussidespointsdevulnérabilité.Éviterl’interférence
delapolicehumaineetseprotégerd’unassautdelaConfrérienécessitaientunevigilancedetousles
instants et des déménagements fréquents, qui perturbaient l’organisation. Mais comment la Société
aurait-ellepusinonassurerlemaintiendeseseffectifsetéviterlesguets-apens?
M.Xsecoualatête.Tôtoutard,ildevraitnommerunsecond,maiscettenominationn’étaitpas
encoreàl’ordredujour.
Fort heureusement, aucune des tâches qui l’attendaient n’était particulièrement complexe. Il ne
s’agissaitquedestratégiemilitaireélémentaire.Mobiliserlesforces.Lescoordonner.Collecterdes
renseignementssurl’ennemi.Avancerdemanièrelogiqueetdisciplinée.
Les forces, il allait les mobiliser cet après-midi même. Quant à la coordination, il s’apprêtait à
structurer les troupes en escadrons. Il allait en outre leur imposer des réunions régulières en petits
groupes.
Etpourlesrenseignements?Sil’objectifconsistaitàéradiquerlaConfrérie,ilétaitessentielde
savoir où se trouvaient ses membres. La tâche s’avérait ardue, mais pas impossible. Ces guerriers,
méfiants et soupçonneux par nature, restaient entre eux mais entretenaient des contacts sporadiques
avec la population vampire civile. Après tout, les membres de la Confrérie devaient s’alimenter et,
pourcefaire,devaients’ouvrirsurl’extérieur.Ilsavaientbesoindesangdefemelles.
Même si, pour la plupart, ces femelles étaient séquestrées comme de précieuses œuvres d’art,
ellesavaientdesfrèresetdespèresqu’ilétaitpossibledefaireparler.Avecdesmoyensdepression
appropriés, les mâles révéleraient les allées et venues des femelles ainsi que le nom de leurs
partenaires.CettetactiquepermettraitdelocaliserlesmembresdelaConfrérie.
Cet aspect constituait la pierre angulaire de la stratégie de M. X : un programme bien pensé et
coordonné,articuléautourdelacaptureetdel’incitation,cibléautourdescivilsmâlesetdequelques
raresfemelles,finiraitparlesconduireauxmembresdelaConfrérie.Ilnepouvaitenêtreautrement.
Soit parce que les guerriers seraient furieux d’apprendre que des civils servaient ainsi d’appâts et
fondraientsureuxdagueaupoing.Soitparcequ’uncivilparleraitetrévéleraitleursplanques.
La meilleure option consistait naturellement à découvrir les lieux de résidence des guerriers
pendantlajournée.
Lesélimineraugrandjour,aumomentoùilsétaientleplusvulnérables,constituaitlamanœuvre
présentant les probabilités les plus fortes de réussite et les plus faibles en termes de pertes pour la
Société.
Toutbienconsidéré,tuerdesvampirescivilsneprésentaitguèreplusdedifficultésquetuerdes
humainsordinaires.Descoupureslesfaisaientsaigneretuneballeenpleincœursuffisaitàlestuer.
Enoutre,lalumièredujourlesréduisaitencendres.
En revanche, tuer un membre de la Confrérie présentait bien d’autres difficultés. Ces guerriers
jouissaient d’une force phénoménale, étaient extrêmement entraînés, et leurs blessures cicatrisaient
rapidement. Avec ces guerriers, pas de seconde chance possible. Si le coup porté n’était pas fatal,
l’éradiqueurnerentraitjamaischezlui.
M. X se leva et observa son reflet dans les vitres du bureau. Cheveux blonds, teint pâle, yeux
clairs.AvantderejoindrelaSociété,ilétaitroux.Désormais,ilnesesouvenaitplusdesonapparence
passée.
Son avenir, en revanche, lui apparaissait avec la plus extrême clarté. Tout comme celui de la
Société.
Ilverrouillalaportederrièreluietdescenditverslecouloircarrelémenantaudojoprincipal.Il
attenditprèsdel’entréeensaluantd’unsignedetêtelesparticipantsducoursdejujitsu.C’étaitson
groupe préféré, composé d’hommes jeunes entre dix-huit et vingt-quatre ans, qui s’avéraient très
prometteurs.Àmesurequ’arrivaientlesjeuneshommesrevêtusdeleurkimonoblancceinturéquile
gratifiaientd’un«sensei»,M.Xlesévaluaunàun:regard,posture,humeurapparente.
Unefoislesélèvesalignésetprêtspourl’entraînement,M.Xcontinuaàlesobserver,enessayant
de repérer des recrues potentielles. Les jeunes hommes qui présentaient la bonne combinaison de
force,d’intelligenceetdehainedébridée.
Danslesannées1950,lorsqu’ilavaitétéapprochéparlaSociétédeséradiqueurs,iln’étaitqu’un
voyou de dix-sept ans qui suivait un programme de réinsertion destiné aux délinquants juvéniles.
L’annéeprécédente,ilavaitpoignardésonpèreenpleincœur,aprèsquecesalaudl’avaitfrappéune
fois de trop à la tête avec une bouteille de bière. Il avait espéré que le coup de couteau tuerait son
père,maismalheureusementcelui-ciavaitnonseulementsurvécu,maisaussivécuassezlongtemps
pourrentrerchezluiettuerlamèredeM.X.
Aumoins,sonpaternelavait-ileuassezdejugeotepoursefairesauterlecaissonjusteaprès.M.X
avaitdécouvertlecorpsenleurrendantvisite,avantd’êtrearrêtéetd’êtreprisdanslesrouagesdu
système.
Cejour-là,auprèsducadavredesonpère,M.Xavaitprisconsciencequehurleraprèsunmort
n’apportaitentoutétatdecausequ’unesatisfactionlimitée.Iln’yavaitrienàtirerdequelqu’unqui
n’étaitpluslà.
Deparsesantécédentsfamiliaux,M.Xprésentaitdesdispositionsàlaviolenceetàlahaine.Tuer
des vampires constituait l’un des rares débouchés socialement acceptables pour un meurtrier de sa
trempe. L’armée était un vrai pensum. Des règlements à n’en plus finir, sans compter qu’il fallait
attendrequ’unennemisedéclarepoursemettreauboulot.Quantauxmeurtresensérie,leuréchelle
étaitpartropréduite.
AveclaSociété,leschosesétaientdifférentes.Ilavaittoutcequ’ilavaitjamaisdésiré.Desfonds
illimités. La possibilité de tuer à chaque coucher de soleil. Sans oublier, naturellement, l’occasion
inespéréedefaçonnerlesnouvellesgénérations.
Ilavaitdûvendresonâmepourendevenirmembre.Cequin’avaitpasreprésentédeproblème.
Aprèscequesonpèreluiavaitinfligé,illuienrestaitbienpeu.
M. X considérait qu’il avait fait une bonne affaire. En outre, la jeunesse et la santé lui étaient
assurées jusqu’au jour de sa mort. Quant à celle-ci, elle ne surviendrait pas à la suite d’une
quelconque défaillance physiologique – cancer ou infarctus par exemple – mais dépendait de sa
proprecapacitéàsemaintenirenvie.
Grâceàl’Oméga,iljouissaitd’unesupérioritéphysiquesurleshumains,savueétaitparfaiteet
son activité consistait à faire ce qu’il aimait par-dessus tout. Au départ, l’impuissance l’avait certes
quelquepeuennuyé,maisils’yétaithabitué.Quantaufaitdecesserdes’alimenteretdeboire…à
vraidire,iln’avaitjamaisétéàproprementparlerunbonvivant.
Enoutre,fairecoulerlesangluiprocuraitbienplusdesatisfactionsquelanourritureoulesexe.
Lorsque la porte du dojo s’ouvrit brusquement, M. X jeta un coup d’œil par-dessus son épaule.
BillyRiddlevenaitd’arriver,lesyeuxaubeurrenoiretunpansementsouslenez.
M.Xhaussaunsourcil.
—Tuneparticipespasaujourd’hui,Riddle?
—Non,sensei.(Billyinclinalatête.)Maisj’aiquandmêmevouluvenir.
—Bien,mongarçon.(M.Xpassasonbrasautourdesépaulesdujeunehomme.)Tonimplication
meplaît.Tiens,jeteproposeuntruc.Tuveuxlestesterpendantl’échauffement?
Billys’inclinaprofondément,sondoslargequasimentparallèleausol.
—Sensei.
—Va.(Illuitapotal’épaule.)Et,surtout,nelesménagepas.
Billyrelevalatête,lesyeuxbrillants.
M.Xacquiesça.
—Contentdevoirquetum’ascompris,fils.
Quand Beth quitta son immeuble, elle fronça les sourcils en apercevant le véhicule de police
banaliségaréenface.Joséendescenditets’approchaàpetitesfoulées.
—J’aiappriscequis’étaitpassé.(Sonregards’attardasursabouche.)Commenttutesens?
—Mieux.
—Monte,jetedéposeauboulot.
— Merci, mais je préfère marcher. (À en juger par la contraction de sa mâchoire, José ne
semblaitpasdumêmeavis.Bethposasamainsurl’avant-brasdupolicier.)Jenevaispaslaisserce
quis’estpassémefoutrelatrouilleetm’empêcherdevivremavie.Tôtoutard,ilfaudrabienqueje
repassedevantcetteruelle;autantypasserenpleinjour.
Ilacquiesça.
—D’accord.Maiscesoir,pourrentrer,tuprendsuntaxioututefaisraccompagnerparl’unde
nous.
—José…
—Bon,onestd’accord.(Iltraversalaruepourrejoindresavoiture.)J’imaginequetunesaispas
cequeButchO’Nealafaitlanuitdernière.
Elleauraitpresquepréférénepasavoiràdemander.
—Quoi?
—Ilarenduvisiteàcettepetitefrappe.D’aprèscequejesais,letypeadûsefaireremettrelenez
enplacepourladeuxièmefoisaprèslepassagedenotrecherinspecteur.(Joséouvritlaportièreetse
laissatombersurlesiège.)Tucomptespasserauposte,aujourd’hui?
—Oui,j’aienvied’ensavoirplussurl’attentatàlavoiturepiégée.
—Jem’endoutais.Àbientôt.
Illuiadressaunsignedelamainetdémarra.
À 15 heures, cependant, Beth n’était toujours pas passée au poste de police. Au journal, tous
avaient voulu entendre le récit des événements, puis Tony avait insisté pour qu’ils aillent tous
déjeunerensemble.Deretourdanssonbox,elleavaitpassél’après-midiàlambinersursese-mails
ensuçantdesRennie.
Elleavaitdutravail,maisn’arrivaitpasàseremettreàl’articlesurlespistoletstrouvésparles
policiers.Ellen’avaitpasàproprementparlerdedélaiàtenir.Cen’étaitpascommesiDickmourait
d’enviedeluiconfierl’ouverturedelarubriquedesfaitsdivers.
Non,ilsebornaitàluidonnerdutravailéditorial.Lesdeuxderniersarticlesqu’ilavaitdéposés
sursonbureauavaientétérédigésparles«vraismecs»;Dicksouhaitaitqu’ellevérifielesfaits.La
rigueur des méthodes de travail qu’il avait acquises au New York Times, notamment quant à
l’exactitudedesfaits,étaitl’unedesesforces.Onnepouvaitquedéplorerqu’ilsefichecommed’une
guignedelaparité.Quelquesoitlenombredecorrectionsqu’elleapportait,jamaisellen’étaitcitée
commecoauteurdesarticles.
Il était presque 18 heures lorsqu’elle eut terminé de vérifier les articles. Tandis qu’elle les
envoyaitàDick,ellesongeaàannulersavisiteaupostedepolice.Butchavaitprissadépositionla
nuitprécédenteetellenepouvaitrienfairedeplus.Plusexactement,elleétaitmalàl’aiseàl’idéede
seretrouversouslemêmetoitquesonassaillant,mêmesicedernierétaitencellulededétention.
Sanscompterqu’elleétaitépuisée.
—Beth!
EllegrimaçaausondelavoixdeDick.
—Pasletemps;jedoisallerauposte,cria-t-ellepar-dessussonépaule,mêmesiellepensaitque
cettestratégied’évitementnefonctionneraitpaslongtemps.
Aumoins,ellen’auraitpasàlesupportercesoir-là.Etellevoulaitensavoirplussurl’attentat.
Ellefiladubureauetpritendirectiondel’Estsursixrues.Lepostedepoliceétaitcaractéristique
de l’architecture urbaine des années 1960 : bâtiment moderne de deux étages, ciment gris pâle et
profusiondefenêtresétroites.Ilvieillissaitmal.Destraînéesnoirescouraientlelongdesesflancs
commesilatoiture,blessée,saignait.L’intérieursemblaitluiaussirenduauxdernièresextrémités:
linoléum vert, crayeux et laid, faux lambris, finitions bon marché. Au bout de quarante ans de
nettoyage,lacrassesolidifiéeavaitpénétrédanslamoindrefissureetseulsvaporisateursetbrosses
pouvaientveniràboutdelasaletéincrustée.
Oupeut-êtreunordred’évacuationdeslieuxémanantdutribunal.
Àsonarrivée,lespolicierssemontrèrenttrèsattentionnés.Bethavaitàpeinemisunpieddansle
bâtiment que déjà ils s’affairaient autour d’elle. Après avoir articulé quelques mots en retenant à
grand-peineseslarmes,ellesedirigeaverslecentralets’entretintaveclesdeuxpoliciersdefaction.
Ilsavaientembarquéquelquespersonnespourracolageetventededroguemais,dansl’ensemble,la
journéeavaitététranquille.Beths’apprêtaitàrepartirquandButchfitsonentréeparlaportedufond.
Ilétaitvêtud’unjeanetd’unechemise,uncoupe-ventrougeàlamain.LesyeuxdeBeths’attardèrent
surleholsterquibarraitseslargesépaules,lebalancementdesesbrasdévoilantlapoignéedeson
arme.Sescheveuxnoirsétaienthumides,commes’ilsortaitdeladoucheetcommençaitsajournée.
Cequi,comptetenudesévénementsdelanuitprécédente,devaitêtrelecas.
Butchsedirigeadroitverselle.
—T’asletempsdediscuter?
Bethacquiesça.Ilsentrèrentdansl’unedessallesd’interrogatoire.
Pourtagouverne,lescamérasetlesmicrossontdébranchés,annonça-t-il.
—N’est-cepastamanièrehabituelledetravailler?
Ilsouritetpritplaceautourdelatable.Mainsjointes.
— Je me suis dit qu’il fallait que tu saches que Billy Riddle était dehors. Il a été relâché tôt ce
matin.Elles’assit.
—Ils’appelleBillyRiddle?
—Iladix-huitans.Pasdeprécédentearrestationentantqu’adulte,maisj’aipiratésoncasierde
mineur. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il n’a pas chômé. Agression sexuelle, harcèlement,
menuslarcins.Sonpèreestunegrosselégume,alorslemômeaunepointurecommeavocat.Mais
j’aiparléauprocureur.Ellevatoutfairepourlepoursuivreavecunchefd’inculpationsérieuxpour
t’éviterdetémoigner.
—Jeleferais’illefaut.
—Bonnefille.(Butchs’éclaircitlavoix.)Alorscommenttuvas?
—Bien.(Ellen’étaitpasd’humeuràlaisserDur-à-cuireJouerlespsysavecelle.Larudessede
ButchO’Nealluidonnaitenvied’avoirl’airforte.)Encequiconcernelavoiturepiégée,j’aiappris
qu’ils’agissaitselontoutesprobabilitésd’unechargedeplastiqueetqueledétonateurasautélorsde
l’explosion.Çaressembleàdutravaildepro.
—T’asdîné?
Ellefronçalessourcils.
—Non.
Avec ce qu’elle avait avalé au déjeuner, elle ferait mieux aussi de sauter le petit-déjeuner du
lendemain.Butchseleva.
—Parfait.J’allaisjustementmangerunmorceauchezTullah.
Ilsedirigeaverslaporteetlamaintintouvertecommepourlalaisserpasser.Ellerestaimmobile.
—Jen’aipasl’intentiondedîneravectoi.
— Comme tu voudras. J’imagine que ça t’intéresse pas de savoir ce qu’on a trouvé parmi les
débrisdelavoiture.Laporteserefermadoucementsurlui.Ellen’allaitpasmordreàl’hameçon.Pas
question…
D’unbond,Bethselevaetluiemboîtalepas.
CHAPITRE8
Deboutdanssachambrevirginaleblancetivoire,Marissanesavaitquefaire.Entantqueshellane
deKolher,elleressentaittouteladouleurdecedernieretsavait,parl’intensitédesasouffrance,qu’il
devaitavoirperduunautredesescompagnonsd’armesdelaConfrérie.
S’ilsavaienteuunerelationnormale,laquestionneseseraitpasmêmeposée.Elleseraitalléele
retrouverpourtâcherdesoulagersapeine.Elleluiauraitparlé,l’auraitprisdanssesbrasouaurait
pleuréaveclui.L’auraitréchauffédesoncorps.
Auraitfaitcequelesshellanefontpourleurcompagnon.Etreçoiventenretour.
Ellejetauncoupd’œilàlapenduletteposéesurlatabledechevet.Bientôt,Kolhers’enfoncerait
danslanuit.Siellevoulaitlevoir,elledevaityallermaintenant.
Marissahésitait,parpeurdeseridiculiser.Elleneseraitpaslabienvenue.
Comme elle aurait aimé qu’il soit plus simple de le soutenir, comme elle aurait aimé savoir ce
qu’ilattendaitd’elle!Unefois,longtempsauparavant,elles’étaitconfiéeàlashellanedeTohrment,
dansl’espoirqueWellsieluiprodiguequelquesconseils,luidisecommentsecomporter.Comment
agirpourqueKolherlaconsidèredignedelui.
WellsieavaitcequeMarissadésirait.Unvéritablecompagnon.Unmâlequirentraitlaretrouver.
Quiriait,criaitetpartageaitsavieavecelle.Quilaserraitcontrelui.
Unmâlequirestaitàsescôtéspendantcesmomentsterriblesoùelleétaitfertile.Quiapaisaitles
effroyablespulsionsdesoncorpspendanttouteladuréedeschaleurs.
Kolhernefaisaitriendetoutcela.Notammentsurledernierpoint.Enfait,Marissadevaitfaire
appel à son frère, dans ces moments-là. Havers la rendait inconsciente pendant toute cette période,
situationembarrassantepourtouslesdeux.
ElleavaittantsouhaitéqueWellsiepuissel’aider,maislaconversationavaittournéaudésastre.Le
regardpeinédeWellsieetsesréponsesprudenteslesavaientrongéestouteslesdeux,soulignantavec
plusd’acuitétoutcedontMarissaétaitprivée.
Dieuqu’elleétaitseule!
Ellefermalesyeuxet,denouveau,sentitlasouffrancedeKolher.
Ilfallaitqu’elleletrouve.Parcequ’ilsouffrait.Enoutre,àpartlui,qu’avait-elled’autredanssa
vie?
Elle sentit qu’il se trouvait dans la demeure de Audazs. Elle prit une profonde inspiration et se
dématérialisa.
Avecprécaution,Kolherrelâchasapostureetsereleva.Sesvertèbrescraquèrentlorsqu’ellesse
remirentenplace.Ilôtalesdiamantsdesestibias.
Uncoupsefitentendreàlaporte,qu’ilautorisaàs’ouvrir,pensantqu’ils’agissaitdeFritz.
Lorsquel’effluvemarinluiparvint,ilcontractalamâchoire.
— Qu’est-ce qui t’amène, Marissa ? demanda-t-il sans même se tourner vers elle. Il se dirigea
verslasalledebainsetsecouvritavecuneserviette.
—Laisse-moitelaver,Seigneur,murmura-t-elle.Etsoignertesblessures.Jepeux…
—Jevaisbien.
Ilguérissaitvite.D’iciàlafindelanuit,lescoupuresseraientàpeinevisibles.
Kolher se dirigea vers l’armoire et examina sa garde-robe. Il en sortit une chemise noire à
mancheslongues,unpantalonencuiret–bordel!–qu’est-cequec’étaitqueça?Non,ça,jamais.Il
n’allaitpasportercesslipsringards.Plutôtsepasserdesous-vêtementsquedesefairechopperavec
çasurlecul.
La première chose à faire était d’entrer en contact avec la fille de Audazs. Il savait qu’il était
presquetroptard,carlemomentdelatransitionarrivaitvite.Puisildevaitsemettreenrapportavec
ViszsetFhuriepoursavoirs’ilsavaientdunouveausurlesobjetsretrouvéssurl’éradiqueur.
IlétaitsurlepointdelâchersaservietteetdesepréparerquandilpritconsciencequeMarissase
trouvaittoujoursdanslapièce.
Illuijetauncoupd’œil.
—Rentrecheztoi,Marissa,dit-il.
Elleinclinalatête.
—Seigneur,jeressenstadou…
—Jevaistrèsbien.
Ellehésital’espaced’uncourtinstant,avantdedisparaître.
Dixminutesplustard,Kolherentradanslesalon.
—Fritz?appela-t-il.
—Oui,maître?
Lemajordomesemblaitsatisfaitquesonnouveaumaîtrefasseappelàlui.
—Ilrestequelques-unsdecescigaresrouges?
—Biensûr.
Fritzsedirigeaversuncoffretancienenacajou,lerapporta,ensoulevalecouvercleetinclinala
boîte.Kolherpritdeuxcigarillosroulésàlamain.
—Sivouslesaimez,j’enferaivenirdavantage.
—Paslapeine.C’estsuffisant.
Kolhern’avaitpascetteformededépendance,maisilétaitdécidéàenfairebonusage,cesoir-là.
—Souhaitez-vousvousrestaureravantdesortir?(Kolhersecoualatête.)Àvotreretour,peutêtre?
LavoixdeFritzavaitfaibli.Ilrefermalecouvercleducoffret.
Kolher était sur le point de faire taire le vieux mâle lorsqu’il songea à Audazs. Celui-ci aurait
témoignéplusd’égardsàsonvieuxserviteur.
—OK.Ouais.Merci.
Defierté,lemajordomeredressalesépaules.
Bonsang,ondiraitqu’ilsourit,seditKolher.
—Jeprépareraidel’agneau,maître.Commentaimez-vousvotreviande?
—Bleue.
— Et je laverai vos autres vêtements. Souhaitez-vous que je passe une nouvelle commande de
vêtementsdecuir?
—Ne…(Kolhers’interrompit.)Pourquoipas.Bonneidée.Ah,oui,pouvez-vousmeprocurerdes
boxers?Noirs.XXL.
—Avecplaisir.
Kolhertournalestalonsetsedirigeaverslaporte.Bonsang,comments’était-ildébrouillépour
seretrouveravecunserviteur?
—Maître?
—Ouais?grogna-t-il.
—Faitesbienattentionàvous,dehors.
Kolhers’arrêtaetregardapar-dessussonépaule.Fritzsemblaitserrerlecoffretcommeuntrésor
contresoncœur.
C’étaitvraimenttropbizarrequequelqu’unattendesonretour,pensaKolher.
Ilquittalademeureetdescenditlalonguealléequimenaitàlaruebordéed’arbres.Deséclairs
striaientleciel,commeunepromessed’oragedontleseffluvesluiparvenaientdusud.
Bonsang,oùsetrouvaitlafilledeAudazsencemomentmême?
Ilcommenceraitparsonappartement.
Aprèss’êtrematérialisédanslacourarrièredel’appartementdeBeth,Kolherregardaàtravers
lesvitresetréponditparunronronnementaumiaulementdebienvenueduchat.CommeBethn’était
pas chez elle, Kolher s’assit sur la table de jardin. Il était décidé à l’attendre environ une heure,
ensuiteilretrouveraitsesfrèresd’armes.Ilpourraittoujoursrepasseràl’aube,mêmesi,comptetenu
des circonstances de leur première rencontre, débarquer chez elle à 4 heures du matin n’était
probablementpaslameilleureoption.
Ilôtaseslunettesdesoleiletsefrottal’arêtedunez.Commentallait-illuiexpliquercequiétait
surlepointdeluiarriver?Etcequ’elledevraitfairepoursurvivreàlatransformation?
Ilavaitl’impressionquelesnouvellesn’allaientpaslafairegrimperauxrideaux.
Kolherseremémoralescirconstancesdesapropretransition.Quellegalère!Luinonplusn’y
avaitpasétépréparé,etsesparents,désireuxdelepréserver,étaientmortsavantdel’informerdece
quil’attendait.
Sessouvenirsluirevinrentavecuneterribleacuité.
Londres au XVIIe siècle était une ville où régnait la violence, que subissaient particulièrement
ceuxquiseretrouvaientseulsaumonde.LesparentsdeKolheravaientétémassacréssoussesyeux
deuxansauparavant,etKolheravaitfuiceuxdesonespèce,pensantqueluiseuldevaitporterlahonte
delalâchetédontilavaitfaitpreuvecettenuit-là.
Au sein de la société vampire, il aurait été éduqué et protégé de par son rang de futur roi ; le
mondedeshumains,enrevanche,sefondaitsuruneméritocratiephysique.Quelqu’undeconstitution
faible,commeluiavantsatransformation,seretrouvaittoutenbasdel’échellesociale.Àl’époque,il
étaitseccommeuncoupdetrique,maigrichonetfaiblard,uneproiefacilepourlesgarçonshumains
delacapitalequicherchaientàs’amuser.Envivantdanslesbas-fondslondoniens,ilavaitétébattusi
souventqu’ils’étaithabituéàcequecertainespartiesdesoncorpsfonctionnentmal.Ilnes’étonnait
plusdenepaspouvoirplierlajambeàlasuited’unmauvaiscoupàlarotule.Oudenepaspouvoirse
servirdesonbrasparcequesonépauleétaitdéboîtéeaprèsqu’ilavaitététraînéparuncheval.
Il se nourrissait de ce qu’il récupérait dans les poubelles, toujours à deux doigts de mourir de
faim, quand il avait fini par trouver un emploi de valet d’écurie chez un marchand. Kolher avait
nettoyé des sabots, des selles et des brides jusqu’à en avoir les mains craquelées, mais au moins il
était nourri. Il dormait sur une paillasse aux écuries, au deuxième niveau du grenier à foin. Sa
paillasseétaitmoinsdurequelepavéauquelilétaithabitué,maisilnesavaitjamaisàquelmomentil
serait réveillé d’un coup de pied dans les côtes parce qu’il prenait l’envie à un garçon d’écurie de
s’envoyerenl’airavecunebonneoudeux.
Àl’époque,illuiétaitencorepossibledes’exposeràlalumièredujour,etl’aubeconstituaitla
seule joie de son existence pitoyable. La chaleur sur son visage, la brume s’insinuant dans ses
poumons,lesoulagementapportéparlalumière:cesplaisirsétaientlesseulsqu’ilconnaissaitetil
leuraccordaitbeaucoupdeprix.Savue,diminuéedenaissance,étaitdéjàfaible,maisbienmeilleure
qu’àl’heureactuelle.Ilsesouvenaitencoreavecuneclartédouloureusedelabeautédusoleil.
Ilétaitemployédepuisunanenvironchezlenégociantquandtoutesaviefutbouleversée.
Lanuitdesatransition,ils’étaitécroulésursapaillasse,fourbuetéreinté.Depuisquelquetemps
déjà,ilnesesentaitpastrèsbien,avaitdumalàaccomplirsontravail,cequiàproprementparlerne
constituaitpasunenouveauté.
Ladouleur,lorsqu’ellelefrappa,avaitétéunevéritabletorturepoursonfaiblecorps.Elleavait
prisnaissancedanssonventreetirradiéverslapériphérie,jusqu’auboutdesdoigtsetdesorteilsetla
pointe du moindre de ses cheveux. Ni fracture, ni hématome, ni fièvre ne pouvaient rivaliser avec
l’intensitédesasouffrance.Kolhers’étaitpelotonnéenchiendefusil,yeuxplissés,haletant.Ilétait
persuadéquesafinétaitprocheetilavaitpriépourquel’obscurités’abattesurlui,espérantlapaixet
lafindesonagonie.
Puisunemagnifiquejeunefemmeblondeluiétaitapparue.
Unange,envoyépourleguiderdel’autrecôté.
Réduit à l’état de loque, il avait imploré sa pitié. Il avait tendu le bras vers l’apparition, et,
lorsqu’ilavaitsentisamainsurlui,ilavaitsuquesafinétaitproche.Alorsqu’elleprononçaitson
nom,ilavaitessayédesourire,reconnaissant,maisilavaitétéincapablederemuerleslèvres.Ellelui
avaitannoncéqu’elleétaitcellequiluiavaitétépromise,cellequiavaitbuunegorgéedesonsang
alorsqu’iln’étaitqu’unenfant,cequiexpliquaitqu’elleavaitsuoùletrouver.Elleluiavaitditqu’elle
étaitvenuepourlesauver.
PuisMarissaavaitentailléelle-mêmesonpoignetavecsescaninesetl’avaitportéàlabouchede
Kolher.
Il s’y était abreuvé désespérément, mais la souffrance n’avait pas cessé pour autant. Elle s’était
simplementtransformée.Ilavaitsentisesarticulationssedéformer,sesoss’altérerdansd’horribles
craquements. Ses muscles s’étaient tendus puis ouverts, béants, et il avait eu l’impression que son
crâne allait exploser. Tandis que ses yeux saillaient de leurs orbites, sa vue avait baissé : seule lui
restaitsonouïe.
Sarespiration,sifflanteetgutturale,luimeurtrissaitlagorge.Àunmomentdonné,ilavaitperdu
connaissance,pourreveniràluidansunesouffranceplusatroceencore.Lalumièredusoleilqu’il
aimait tant filtrait par les fentes des bardeaux de la grange comme de pâles flèches d’or. Un rai de
lumièreavaitatterrisursonbras:l’odeurdechairbrûléel’avaithorrifié.Ilavaitramenésonbras
versluietregardétoutautour,enproieàlapanique.Ilnepouvaitdistinguerquedesformesvagues.
Aveugléparlalumière,ils’étaitmisdebout,pourretomberimmédiatementfacecontrelapaillasse.
Soncorpsréagissaitcommes’illuiétaitétranger,etilluiavaitfalludeuxtentativespourréussiràse
tenirsursespieds,lesjambeschancelantescommecellesd’unpoulainvenantdenaître.
Ilsavaitqu’ildevaittrouverunabripourseprotégerdelalumièredujour.Ils’étaittraînéjusqu’à
l’endroit où les échelles auraient dû se trouver. Mais il avait mal estimé ses déplacements et avait
atterri dans le foin. Étourdi par la chute, il avait songé au cellier à grain. En bas, il serait dans
l’obscurité.
Dans la grange, il s’était cogné, titubant, aux stalles et avait trébuché sur des semences, tout en
essayant de rester hors de portée des rayons du soleil et de contrôler ses membres qui ne lui
obéissaientpas.Alorsqu’ilsedirigeaitverslefonddelagrange,ils’étaitcognélatêtecontreune
poutresouslaquellesatailleluiavaittoujourspermisdepasserfacilement.Dusangluiavaitcoulé
danslesyeux.
Peuaprès,ungarçond’écurieétaitarrivé,exigeantdesavoirquiilétait.Kolhers’étaittournévers
lavoixfamilièreenpensanttrouverdel’aide.Ilavaittendulamainetcommencéàparler,maissa
voix,elleaussi,étaitétrangère.
Puis il avait entendu une fourche arriver droit sur lui. Il avait simplement voulu parer le coup,
mais, lorsqu’il avait saisi le manche épais pour l’écarter, il l’avait envoyé se fracasser contre une
porte de stalle. Le garçon d’écurie avait poussé un cri strident et s’était enfui à toutes jambes, sans
aucundoutepourallerchercherdurenfort.
Enfin,Kolherétaitparvenujusqu’aucellier.Ilavaitprisdeuxénormessacsd’avoinequ’ilavait
posés contre la porte pour empêcher quiconque d’entrer pendant la journée. Éreinté, en proie à
d’atroces douleurs, du sang coulant le long de son visage jusqu’au menton, il avait rampé dans le
cellierets’étaitadosséaumurdeterre.Ilavaitrepliélesgenouxdevantlui,conscientquesescuisses
étaientquatrefoisplusgrossesquelaveille.Ilavaitfermélesyeuxetappuyésajouecontresesbras.
Tremblant,ilavaitluttépouréviterdesedéshonorerenpleurant.Ilétaitrestééveillétoutelajournée,
àécouterlespasau-dessusdesatête,lepiétinementdessabotsdeschevaux,l’échodesvoix.Ilétait
terrifié à l’idée que quelqu’un ouvre les deux battants du cellier et le découvre. Et heureux que
Marissasoitpartieetnesoitpasexposéeàlamenacehumaine.
Revenant au présent, Kolher entendit la fille de Audazs marcher dans son appartement. Une
lumières’alluma.
Beth jeta ses clés sur la console de l’entrée. Le dîner rapide avec Dur-à-cuire s’était révélé
étonnammentfacile.Dur-à-cuireluiavaitdonnédenouvellesinformationssurl’attentatàlavoiture
piégée.UnMagnummodifiéavaitététrouvédanslaruelle.Butchavaitaussimentionnéleshuriken
qu’elleavaitsignaléàRicky.Lesenquêteursdelapolicescientifiquetravaillaientsurlesarmespour
essayerd’ypréleverdesempreintes,desfibresouunquelconqueindice.Lepistoletnesemblaitpas
devoir leur en apprendre beaucoup, mais le shuriken, sans surprise, portait des traces de sang sur
lequel une analyse ADN était en cours. Quant à la bombe, la police pensait qu’elle était liée à une
affairededrogue.LaBMWavaitétéaperçueauparavant,garéeaumêmeendroitderrièreleclub.Le
Screamer’sétaitunrepairededealersquisemontraienttrèschatouilleuxquantàleurterritoire.
Beths’étira,sechangeaetpassaunboxer.C’étaituneautrechaudenuitd’été.Elledéplialefuton,
déplorantquelaclimatisationsoitenpanne.Ellebranchaleventilateur,donnaàmangeràBouhqui,
unefoisqu’ileutvidésagamelle,seremitàtournerenronddevantlaportevitrée.
—Onvapasremettreça,dis-moi?
Deséclairsapparurent.Ellesedirigeaverslaportevitrée,l’ouvrit,tiralagrilleetlaverrouilla.
Ellenelaisseraitlaporteouvertequequelquesminutes.Pourunefois,l’airnocturnesentaitbon.Sans
relentsdedétritus.
Maiscettechaleur!
Ellesedirigeaverslasalledebains.Elleretiraseslentillesdecontact,sebrossalesdents,selava
levisage,puissefrottalanuqueavecungantpassésousl’eaufroide.Del’eaucoulasursapeau;elle
savouralasensationdefraicheurenregagnantlapièceprincipale.
Bethfronçalessourcils.L’airétaitimprégnéd’uneodeurdesplusétranges,opulenteetépicée…
Ellesedirigeaverslagrilleethumal’airplusieursfois.
Alorsqu’elleinspirait,ellesentitlatensionserelâcherdanssesépaules.
Puis elle vit Bouh, assis sur ses pattes arrière, qui ronronnait comme pour accueillir quelqu’un
qu’ilconnaissait.
Putainmais…
L’hommequ’elleavaitvuenrêvesetrouvaitdel’autrecôtédelagrille.
Bethbonditenarrièreetlâchasaserviette.
Lagrilles’ouvrit.Endépitdufaitqu’ellel’avaitverrouillée.
L’effluveextraordinaires’épaissitencoretandisquel’hommeentraitchezelle.
Beth,saisiedepanique,futpourtantincapabled’esquisserlemoindremouvement.
Bon sang, ce type était colossal. Certes, son studio était petit, mais, avec lui à l’intérieur, son
appartementprenaitdesalluresdeboîteàchaussures.Etlecuirnoirdontilétaitvêtudepiedencaple
faisaitparaîtreencoreplusgigantesque.Ildevaitmesureraumoinsdeuxmètresetpeserplusdecent
vingtkilos.
Uneminute.
Àquoijouait-elle,àlejaugercommesielleprenaitsesmesurespouruncostume?Courir,elle
auraitdûsemettreàcourir.Ets’enfuirparl’autreporte.
Maisellerestaitsimplementlààleregarderfixement.
Endépitdelachaleur,ilportaitunblousondemotard;seslonguesjambesétaientaussivêtuesde
cuir.Ilavaitdegrossesbottesdemotardàemboutmétalliqueetsedéplaçaitcommeunprédateur.
Bethtenditlecoupourregardersonvisage.
MonDieu,quelcanon!
Mâchoirecarrée,lèvresépaisses,pommetteshautesquicreusaientdesombrespleines.Ilavaitdes
cheveux longs et noirs qui lui arrivaient aux épaules et une barbe noire naissante. Ses lunettes de
soleilpanoramiquesluiallaientàlaperfectionetluidonnaientl’airmenaçantd’untueuràgages.
Commesicequisedégageaitdeluinesuffisaitpasàluidonnercetaird’assassin.
L’homme fumait une sorte de fin cigare rougeâtre. Il en aspira une longue bouffée et le bout
incandescentprituneteinteorangevif.Ilexpiraunnuagedefuméeodorante,qui,lorsqu’ilatteignit
Beth,accentualatorpeurquis’étaitemparéed’elle.
Il devait être venu pour la tuer, pensa-t-elle. Elle ne savait pas pourquoi un tueur à gages était
aprèselle,mais,tandisqu’ilexpiraituneautreboufféedesonétrangecigare,ellesemblaitàpeinese
souvenirdel’endroitoùellesetrouvait.
Beth sentit son corps vaciller alors qu’il se rapprochait. Elle était terrifiée à l’idée de ce qui
arriveraitlorsqu’illatoucherait,maisnotaavecstupeurqueBouhsefrottaitcontrelesjambesdeson
visiteur.
Queltraître,cechat!Si,parmiracle,elleenréchappait,elleleremettraitauxcroquettesenguise
dereprésailles!
Beth leva la tête pour fixer le regard intense et terrifiant de son visiteur. Ses lunettes de soleil
l’empêchaientdevoirlacouleurdesesyeux,maisellesentaitqu’illadévoraitduregard.
C’est alors qu’il se passa quelque chose d’extraordinaire. Alors qu’il se tenait immobile devant
elle,ellesentitundéferlementdeplaisirpurlasubmerger.Pourlapremièrefoisdesavie,ellesentit
soncorpsvibrerdedésir.Etd’excitation.
C’étaituneréactionépidermique,songea-t-ellel’airhébété.Uneréactionépidermiquepure,brute
etanimale.
Ellevoulaittoutdelui.
—Jemesuisditqu’ondevaitréessayer,déclara-t-il.
Ilavaitlavoixgrave,quigrondaitdanssapoitrine.Ellecrutydécelerunaccentqu’elleneparvint
pasàidentifier.
—Quiêtes-vous?demanda-t-elledansunsouffle.
—Jesuisicipourvous.
Levertigequilasaisitlacontraignitàprendreappuicontrelemur.
—Pourmoi?Où…?(Confuse,elleluttaitpourtrouversesmots.)Oùallez-vousm’emmener?
Aupont?Oùiljetteraitsoncorpsdanslefleuve?
Sa main franchit la distance entre leurs corps et il saisit le menton de Beth entre le pouce et
l’index.Illuiinclinalevisage.
—Vousallezmetuervite?murmura-t-elle.Oulentement?
—Pastuer.Protéger.
Tandis qu’il baissait son visage vers elle, elle se dit qu’elle devrait essayer de le repousser, en
dépit de ses paroles. Il fallait qu’elle retrouve l’usage de ses bras et de ses jambes. L’ennui, c’était
qu’ellen’avaitpasvraimentenviedelerepousser.Elleprituneprofondeinspiration.
Bonsang,ildégageaituneodeurextraordinaire.Delatranspirationfraîcheetpropre.Uneodeur
masculinemusquée.Etcettefumée!
Leslèvresdel’hommeeffleurèrentsoncou;ellesentitqu’ilhumait.Elleentenditlecraquement
ducuirdesonblousonlorsquel’airemplitsespoumonsetquesapoitrinesegonfla.
—Vousêtespresqueprête,déclara-t-ild’unevoixdouce.Etçaarrivevite.
Siceàquoiilfaisaitréférenceavaitquelquechoseàvoiraveclefaitdeseretrouvernuedevant
lui, elle le recevait cinq sur cinq. Mon Dieu, ce devait être ce à quoi les gens faisaient allusion
lorsqu’ilsévoquaientles«plaisirsdelachair».Elleneremettaitpasenquestionlebesoinqu’elle
ressentait de l’avoir en elle. Elle savait seulement qu’elle mourrait s’il ne retirait pas son pantalon.
Toutdesuite.
Bethtenditlamain,curieusedeletouchermais,lorsqu’ellerelâchasonappuicontrelemur,elle
faillit tomber. D’un seul geste, apparemment, il porta le cigarillo à ses lèvres cruelles et la prit
aisément dans ses bras. Beth s’appuya contre lui, sans même feindre de le repousser. Il la portait
commesielleétaitaussilégèrequ’uneplumeettraversalapièceendeuxenjambées.
Lorsqu’ill’allongeasurlefuton,seslongscheveuxtombèrentenavantetellelevalamainpour
encaresserlesnoiresondulations.Ilsétaientépaisetdoux.Elleposalamainsursonvisageet,bien
qu’ilaitl’airsurpris,ilselaissafaire.
Dieu,toutenluiirradiaitlesexe:soncorpspuissant,sesgestessensuels,l’odeurdesapeau.Ilne
ressemblaitàaucundeshommesqu’elleavaitcroisésauparavant.Etsoncorpss’enrendaitcompte
toutautantquesonesprit.
—Embrasse-moi,luidit-elle.
Ilsetenaitau-dessusd’elle,menacesilencieuse.
Prised’unesoudaineimpulsion,elleagrippalespansdesonblousondecuirettentadel’attirer
contreelle.D’uneseulemain,illuisaisitlesdeuxpoignets.
—Ducalme.
Ducalme?Ellen’avaitpasenviedecalme.Lecalmenefaisaitpaspartiedesonplan.
Beth lutta pour se dégager de son emprise et, comme elle ne parvenait pas à se libérer, s’arcbouta. Ses seins pointaient à travers son tee-shirt ; elle frotta ses cuisses l’une contre l’autre,
anticipantcequ’elleressentiraits’ilseglissaitentreelles.
Siseulementillatouchait…
—DouxJésus,murmura-t-il.
Elleluisourit,goûtantledésirsoudainqu’ellelisaitsursonvisage.
—Caresse-moi.
L’étrangersecoualatête.Commes’ils’efforçaitdes’éclaircirlesidées.
LeslèvresdeBeths’entrouvrirentetellepoussaungémissementdefrustration.
—Enlèvemontee-shirt.(Denouveau,elles’arc-boutaetluioffritsoncorps,brûlantedudésirde
savoirsiundésirplusfortencoreexistaitailleursenelle,undésirqu’ilpourraitfairenaîtredeses
mains.)Vas-y.
Ilôtalecigarillodesabouche.Ilfronçaitlessourcilsetelleseditvaguementqu’elleauraitdû
être terrifiée. Au lieu de quoi, elle replia les genoux et souleva son bassin. Elle imagina qu’il
embrassaitl’intérieurdesescuisses,qu’iltrouvaitsonsexeavecsaboucheetlaléchait.
Ellepoussaunautregémissement.
Kolherétaitabasourdi.
Iln’étaitpourtantpasvampireàselaisserdémonter.Putaindemerde.
Cettesang-mêléétaitlacréaturelapluschaudequ’ilaitjamaisapprochée.Or,ilétaitdéjàtombé
uneoudeuxfoissurdescréaturesquin’avaientpasfroidauxyeux.
C’étaitlafuméerouge.Ilfallaitquecesoitça.Enoutre,lasubstancedevaitcommenceràfaire
effetsurlui,carluiaussisesentaitplusqueprêtàlaprendre.
Ilregardalecigarillo.
C’estcequis’appelleunebellerationalisation, pensa-t-il. Dommage que la drogue en question
soitunrelaxantetnonunaphrodisiaque.
De nouveau, Beth gémit et laissa onduler son corps, en proie à une vague de désir, jambes
écartées.L’odeurd’excitationquimontaitd’ellelefrappadepleinfouet.S’iln’avaitpasétéassis,le
chocauraitpulemettreàgenoux.
—Caresse-moi,implora-t-elle.
LesangdeKolhersemitàpomperdanssesveinescommes’ilcouraitunmarathon;sonsexeen
érectionsemblaitavoirsaproprepulsation.
—Jenesuispaslàpourça,répondit-il.
—Caresse-moiquandmême.
Kolher savait qu’il devait refuser. Ce n’était pas juste pour elle. Sans compter qu’ils devaient
parler.
Peut-êtreferait-ilmieuxderevenirplustarddanslanuit.
Elles’arc-boutaetrepoussalamainquiluimaintenaitlespoignets.Quandsesseinspointèrentde
nouveauàtraverssontee-shirt,ildutfermerlesyeux.
Ilétaittempsd’yaller.Ilétaitvraimenttemps…Maisilnepouvaits’enallersansavoiraumoins
unavant-goût.
Peut-être,maisilneseraitqu’unégoïstedoubléd’unsalauds’ilposaitneserait-cequ’undoigtsur
elle.Unégoïstedoubléd’unsalauds’ilprenaitcequ’elleétaitprêteàoffrirsousl’effetdeladrogue.
Kolherlaissaéchapperunjuron,puisouvritlesyeux.
Bonsang!Toutétaitsifroidàl’intérieurdelui.Commegeléjusqu’àlamoelledesesos.Elle,en
revanche, était râlante de désir. Une chaleur suffisante pour faire fondre cette glace, l’espace d’un
instant.
Etçafaisaittellementlongtemps,pourlui.
Il éteignit les lampes de la pièce par la pensée. Puis, de la même manière, il ferma la porte de
derrière,envoyalechatdanslasalledebainsetverrouillatouteslesserruresdel’appartement.
Il posa soigneusement le cigarillo en équilibre sur le bord de la table de chevet et lâcha les
poignetsdeBeth.Desesmainslibérées,BethagrippaleblousondeKolherettentadedégagerses
épaules. Il se débarrassa du vêtement, qui heurta le sol dans un bruit sourd. Beth eut un petit rire
satisfait.Puiscefutautourduholsterabritantsesdagues,qu’ilgardatoutefoisprèsdufuton.
Kolhersepenchasurelle.Quandilsaisitseslèvresdesabouche,ilsavouralesouffledeBeth,au
goût sucré et mentholé. Il la sentit tressaillir et s’écarta immédiatement. Les sourcils froncés, il
effleuralacommissuredeseslèvres.
—Laissetomber,luidit-elle.
Ellelesaisitparlesépaulesetl’attiraverselle.
Commes’ilallaitlaissertomber!QueDieuvienneenaideàl’humainquiavaitoséposerlamain
surelle.Kolherallaitlemettreenpiècesetlelaisserseviderdesonsangdanslarue.
Ilembrassadoucementl’hématomequiavaitcommencéàguérir,puislaissacourirsalanguele
longdesoncou.Cettefois,lorsqu’ilvitsesseinspointer,ilglissalamainsoussontee-shirtfin,sur
sapeaudouceetchaude,sonventreplat,jusqu’àsonbassin.Avided’explorerlerestedesoncorps,il
luiôtasontee-shirtetlejeta.Elleportaitunsoutien-gorgepâle.Duboutdesdoigts,ilensuivitles
contours avant de saisir dans le creux de ses paumes les renflements ivoire. Ses seins vinrent s’y
nicherparfaitement,sesmamelons,rappelantdepetitsbourgeonsdurspointantsouslesatinsoyeux.
Kolherperditlecontrôle.
Il dévoila ses canines, chuinta et mordit dans son soutien-gorge, à l’endroit où il s’ouvrait. Il
dénudasapoitrineetsaisitdanssabouchel’undesesseins.Illesuçaets’étenditsurelle,entreses
jambes.Elleabsorbasonpoidsdansunsoupirrauque.
BethlevalesmainspoursaisirlachemisedeKolher,maisiln’eutpaslapatiencedelalaisserle
déshabiller. Il se releva et déboutonna sa chemise en hâte, faisant sauter les boutons, qui
s’éparpillèrentausol.Lorsqu’ils’allongeadenouveausurelle,ilsentitlesseinsdeBethseplaquer
contresontorseetsoncorpsseserrercontrelesien.
De nouveau, il eut envie d’embrasser sa bouche, mais son désir impérieux n’en était plus aux
préliminaires.Desalangue,ilcaressasesseinsetdescenditverssonventre.Ilfitglisserl’élastique
desonboxerlelongdesjambeslonguesetfinesdesapartenaire.
Quelque chose éclata dans sa tête lorsque l’odeur du corps de Beth le submergea dans une
nouvelle vague. Kolher était déjà dangereusement proche de l’orgasme, près d’éjaculer, le corps
tremblant du désir de la posséder. Il glissa sa main entre ses cuisses. Son sexe était si brûlant et
humidequeKolherémitungrognementdeplaisir.
Foudedésir,ilvoulutlagoûteravantdes’introduireenelle.
Il retira ses lunettes de soleil, qu’il plaça à côté du cigarillo, puis il embrassa avec fougue ses
hanches et le haut de ses cuisses. Beth lui caressait les cheveux et, de ses mains, le guidait vers
l’endroitoùluiaussivoulaitaller.
Il embrassa sa peau délicate et prit son sexe. Elle répondait à ses caresses au point où il fut
incapablederésisterpluslongtempsàsondésir.Ils’écarta,ôtasonpantalonetlacouvritdenouveau
desoncorpspuissant.
Elleenroulalesjambesautourdesonbassin;ilchuintaensentantsachaleurcontresonsexeen
érection.
Ildutrecouriràcequ’illuirestaitdevolontépours’écarteretlaregarder.
—Net’arrêtepas,murmura-t-elledansunsouffle.JeVeuxtesentirenmoi.
Kolherenfouitsatêtedanslecreuxodorantdesoncou.Lentement,ilécartasesjambes.Sonsexe
trouvasansdifficultél’entréedesonvaginetils’introduisitenelled’unmouvementpuissant.
Ilpoussaunrugissementd’extase.
Leparadis.Ilsavaitdésormaiscequ’étaitleparadis.
CHAPITRE9
Danssachambre,M.Xsechangeaetpassaunpantalondetoileetunechemiseennylonnoirs.Il
était satisfait de la façon dont la réunion de la Société t’était déroulée l’après-midi même. Tous les
éradiqueursavaientfaitactedeprésence.Laplupartd’entreeuxavaientadhéréauxnouvellesrègles.
Quelques-unsallaientcauserdesproblèmes.Enfin,unpetitnombred’entreeuxavaittentédefairede
lalèche.
Cequinelesavaitconduitsnullepart.
Àlafindelaréunion,M.Xenavaitchoisivingt-huitdepluspourintervenirdanslarégionde
Caldwell,choixfondésurlaréputationdesagentsenquestionetl’impressionqu’ilavaiteueenles
observantdeplusprès.Douzeétaientlesmeilleursdansleurdomaine;illesavaitrépartisendeux
escadronsprincipaux.Puisilavaitventilélesseizeautresenquatreescadronssecondaires.
Aucund’euxnefutsatisfaitparlanouvelleorganisation.Tousétaienthabituésàtravaillerseulset
les membres des escadrons principaux se montrèrent particulièrement réticents à l’idée de perdre
ainsi leur autonomie. Dans l’esprit de M. X, le principal intérêt était d’affecter à ces escadrons
différentsquartiersdelaville,d’établirdesquotasetdesuivredeplusprèslesrésultats.
Ilrenvoyaleresteàleursavant-postes.
Maintenant qu’il avait réparti ses troupes, il allait se concentrer sur la procédure de collecte de
renseignements.Ilavaituneidéedelafaçond’organiserleschoses,qu’ils’apprêtaitàtesterlesoir
même.
Avant de sortir pour la nuit, il jeta à chacun de ses pitbulls un kilo de viande crue. Il aimait les
affameretnelesnourrissaitqu’unjoursurdeux.Ilpossédaitceschiens,deuxmâles,depuiscinqans
environ, et les enchaînait respectivement à l’avant et à l’arrière de la maison. Cette organisation,
logique sur le plan défensif, se justifiait aussi sur le plan pratique. La seule fois où M. X les avait
enchaînésensemble,leschienss’étaientjetésàlagorgel’undel’autre.
M.Xpritsonsac,verrouillalamaisonettraversalapelouse.Leranchétaitunexempletypiquede
l’horreur architecturale du début des années 1970, avec son revêtement en fausses briques, qu’il
s’abstenaitdélibérémentd’entretenir.M.Xnetenaitpasàattirerl’attentionet,danslequartier,leprix
dumètrecarrén’atteignaitpasdessommets.
Quiplusest,lamaisonelle-mêmeluiimportaitpeu.Seulleterraincomptait.Cinqhectaresquilui
procuraienttoutel’intimitédontilavaitbesoin.Aufondsetrouvaitaussiuneveillegrangeentourée
d’arbres,qu’ilavaittransforméeenatelier,protégépardenombreuxchênesetérables.
Quiétouffaientlescris.
M.Xpalpasontrousseaudecléspourtrouverlabonne.Commeiltravaillaitcesoir-là,illaissa
son seul caprice, un gros 4 x 4 de marque Hummer, dans le garage. Le minivan Chrystler, passepartout,constituaitunebienmeilleurecouverture.Endixminutes,ilfutdanslecentre-ville.
Le quartier des prostituées de Caldwell, dans la vallée, s’étirait sur trois rues, mal éclairées et
jonchéesdedétritus,prèsdupontsuspendu.Cesoir-là,lacirculationétaitdenselelongdececouloir
d’iniquité.Ilsegarasousunréverbèrecassépourobserverlespectacle.Desvéhiculesroulaientau
pasdanslaruesombre,éclairéedetempsàautreparlesfeuxstopquandlesconducteurss’arrêtaient
pour jauger la marchandise qui arpentait le trottoir. Dans la chaleur épaisse de la nuit estivale, les
filles,perchéessurleurshautstalons,battaientlepavé,lesatoutsdeleursilhouettebienenévidence.
M. X ouvrit la fermeture Éclair de son sac et en sortit une seringue hypodermique remplie
d’héroïne ainsi qu’un couteau de chasse. Il plaça les deux objets dans la portière et abaissa la vitre
côtépassageravantdereprendresaplacedansleflotdesvoitures.
Il n’était qu’un parmi d’autres, songea-t-il. Un crétin parmi de nombreux autres, à la recherche
d’unpeudeplaisir.
—Tucherchesunpeudecompagnie?luilançaunedesprostituées.
—Çatedirait,unepetitecavalcade?demandauneautreenbalançantlascivementsoncul.
À son second passage, il trouva ce qu’il cherchait, une blonde aux longues jambes et aux gros
seins.
Tout à fait le genre de prostituée dont il se serait payé les services si son phallus était encore
opérationnel.
Ças’annonçaitprometteur,pensaM.Xenappuyantsurlapédaledefrein.Tuercequ’ilnepouvait
plusavoirluiprocuraitunesatisfactiontoutàfaitparticulière.
—Salut,monchou,dit-elleens’approchantverslui.(Elleappuyasesavant-brassurlaportièreet
sepenchapar-dessuslavitre.Ellesentaitlechewing-gumàlacannelleetlasueur.)Commentçava,
cesoir?
—Çapourraitallermieux.Combienpourunsourire?Ellejetauncoupd’œilàl’intérieurdela
voiture,àsesvêtements.
—Cinquantebilletspourtedonnerdubaumeaucœur.Delafaçondonttuvoudras.
—Tropcher.
Enfait,ilseprêtaitaujeudumarchandage.C’étaitellequ’ilvoulait.
—Quarante?
—Montre-moitesseins.
Elledénudasapoitrine.
Ilsouritetdéverrouillalaportière.
—Commenttut’appelles?
—CherryPie.Maistupeuxmedonnerlenomquetuveux.
M.Xconduisitlevéhiculedansunendroitisolésouslepont.
Iljetal’argentàsespiedset,lorsqu’ellesepenchapourleramasser,ilplantal’aiguilleàl’arrière
de sa nuque et poussa le piston. Quelques instants plus tard, elle s’effondra comme une poupée de
chiffon.
M.Xsourit,puislaredressaenpositionassise.Illançalaseringuepar-dessuslavitre,oùellealla
rejoindredesdizainesd’autres,avantdedémarrerleminivan.
Danssacliniqueensous-sol,Haverslevalatêtedesonmicroscope,saconcentrationperturbée.
L’horlogedugrand-pèrecarillonnaitdanslecoindulaboratoire,luiindiquantquel’heuredudîner
était venue, mais il ne voulait pas interrompre son travail. Il approcha de nouveau son œil du
microscopeetsedemandas’ilavaitimaginécequ’ilvenaitd’yvoir.Aprèstout,ledésespoirpouvait
beletbienaffectersonobjectivité.
Maisnon,lescellulessanguinesétaientbeletbienvivantes.
Ilsouffla,lecorpssaisidetressaillements.
Sonespèceétaitpresquelibre.
Ilétaitpresquelibre.
Enfindusangstockéquiétaitencoreviable!
Entantquemédecin,ilavaittoujourseulesmainsliéeslorsqu’ils’agissaitd’opérerdespatients
etdetraiterdescomplicationslorsd’accouchements.Destransfusionsentempsréelentrevampires
étaientcertespossiblesmais,commel’espèceétaitdisséminéeetpeunombreuse,ilétaitdifficilede
trouverdesdonneursaumomentapproprié.
Depuisdessiècles,sonsouhaitavaitétéd’établirunebanquedusang.Maislesangdesvampires
s’avéraitextrêmementinstableetlestockageàl’extérieurducorpsS’étaittoujoursrévéléimpossible.
L’air,cerideauinvisiblequiassuraitlavieetrecouvraitlaplanète,étaitl’unedescausesduproblème,
etunnombrerestreintdemoléculesSuffisaitàcontaminerunéchantillon.Uneoudeux,etleplasma
se désintégrait, laissant les globules blancs et rouges se débrouiller seuls, tâche que, bien sûr, ils
étaientincapablesd’accomplir.
Haversétaitconfrontéàunevéritableénigme.Lesangcontenaitdel’oxygène,quiluiconféraitsa
couleur rouge lorsqu’il quittait les poumons. Cette différence l’avait conduit à des découvertes
fascinantes relatives à la fonction pulmonaire des vampires, sans toutefois le rapprocher de son
objectifinitial.
Il avait essayé de prélever du sang et de le stocker immédiatement dans un contenant sous vide
d’air. Cette approche, la plus évidente, s’avéra infructueuse. La désintégration se produisait malgré
tout,maisàunrythmemoinssoutenu.Haversenconclutqu’unautrefacteurétaitàl’œuvre,auniveau
corporel,dèslorsquelesangétaitprélevé.Ilessayad’isolerdeséchantillonsdansuneatmosphère
chaude,puisdansuneatmosphèrefroide.Puisdansdessuspensionssalinesouduplasmahumain.
Ses nombreuses expériences ne firent qu’accroître sa frustration. Havers réalisa d’autres
expériences,essayadifférentesapproches.Recommença.Abandonnaleprojet.S’yremit.
Desdécenniespassèrent.Etd’autresencore.
Puisunetragédiepersonnellerenforçasadéterminationàrésoudreleproblème.Aprèslamort,
lorsdel’accouchement,desashellaneetdel’enfant,unpeuplusdedeuxansauparavant,sonprojet
tournaàl’obsessionetilrepartitdezéro.
Avec,commemoteur,sonbesoindesenourrir.
Engénéral,iln’avaitbesoindesangquetouslessixmoisenviron,carsalignéeétaitforte.Après
lamortdesamerveilleuseEvangaline,ilattenditlepluslongtempspossible,jusqu’àcequelafaimle
contraigne à s’aliter. Lorsqu’il finit par demander de l’aide, il se détesta de vouloir vivre au point
d’en être réduit à boire le sang d’une autre femelle. Il y consentit en se disant que ce ne serait pas
commeavecEvangaline.Ilnetrahiraitpassonsouvenirenprenantduplaisiràboirelesangd’une
autre.
Haversavaitaidétellementdemondequ’ilneluifutpasdifficiledetrouverunefemelledésireuse
de s’offrir à lui. Son choix s’était porté sur une amie sans compagnon, et il avait espéré pouvoir
garderpourluisatristesseetsonhumiliation.
L’entrepriseavaittournéaucauchemar.Ils’étaitretenusilongtempsque,dèsqu’ilsentitlesang,
leprédateurenluiavaitreprisledessus.Ilavaitattaquésonamieetbusiavidementqu’ildutparla
suiteluirecoudrelepoignet.
Ilavaitfailliluiarracherlamain.
Son comportement lui renvoya en pleine face les idées qu’il se faisait de lui-même. Il avait
toujoursétéungentleman,unérudit,unsoignant.Unmâlequin’étaitpasportésurlesvilsinstinctsde
sonespèce.
Maisjamaisauparavantiln’avaitrencontrédeproblèmespoursenourrir.
Lavérité,terrible,étaitqu’ilavaitaimélegoûtdecesang.Lesentircouler,douxetchaud,danssa
gorge;laforcequ’illuiavaitconférée.
Ilavaitéprouvéduplaisir.Etenavaitvouluplusencore.
Lahonteluiavaitdonnédeshaut-le-cœur.Ils’étaitalorsjurédeneplusjamaisboireàuneautre
veine.
Cettepromesse,ill’avaittenue,maisils’étaitaffaibliaupointqueseconcentrerluidemandaitun
effort incommensurable. Sans cesse, la faim lui vrillait les entrailles. Son corps, qui avait
désespérément besoin d’une substance que la nourriture ne pouvait lui apporter, s’était cannibalisé
poursemaintenirenvie.Ilavaitperdutellementdepoidsquesesvêtementsflottaientsurluietque
sonvisageétaitdevenuhagardetgrisâtre.
Maissonétatdedépérissementluiavaitmontrélavoie.
Lasolutionétaitévidente.
Ilfallaitnourrircequiétaitaffamé.
Un processus sous vide d’air associé à une quantité suffisante de sang humain, et il aurait ses
cellulesvivantes.
Souslemicroscope,ilobservalescellulesdevampire,plusgrandesetdeformeplusirrégulière
quecellesdeshumains,consumerlentementcequ’illeuravaitdonné.Dansl’échantillon,lenombre
des cellules humaines diminuait et, lorsqu’elles eurent disparu, il fut prêt à parier que les cellules
vampiresallaientdisparaîtreàleurtour.
Toutcequ’ilavaitàfaireétaitdeconduireuneétudeclinique.Ilprélèveraitundemi-litredesang
d’une vampire femelle, le mélangerait avec du sang humain dans une proportion adaptée, puis se
transfuseraitlesang.
Si l’expérience s’avérait concluante, il instaurerait un programme de don et de stockage. Les
patientsseraientsauvés.Etceuxquichoisissaientderenonceràl’intimitédes’abreuveràuneveine
pourraientvivreenpaix.
Havers releva la tête du microscope, prenant soudain conscience qu’il regardait fixement les
cellulesdepuisvingtminutes.Lasaladedurepasdevaitl’attendresurlatableenhaut.
Ilretirasablouseblancheettraversalaclinique,s’arrêtantpouréchangerquelquesmotsavecdes
infirmières et quelques patients. L’installation souterraine s’étendait sur près de deux kilomètres
carréssoussademeure.Ellecomportaittroissallesd’opération,dessallesdereposetd’examen,le
laboratoire, son bureau, ainsi qu’une salle d’attente dotée d’un accès séparé sur la rue. Havers
recevait environ mille patients par an et se déplaçait à domicile pour les accouchements et les
urgences.
Pourtant,sonactivitéavaitdiminuéaveclabaissedelapopulation.
Comparésauxhumains,lesvampiresprésentaientd’extraordinairesdispositionsphysiologiques.
Leur corps guérissait vite. Ils n’étaient pas sujets aux maladies comme les cancers, le diabète ou le
sida.MaisqueDieuleurvienneenaides’ilsavaientunaccidentenpleinjour.Personnenepouvaitles
secourir. En outre, certains vampires mouraient pendant leur transition ou peu de temps après. La
fertilitéconstituaitaussiunproblèmeimportant.Mêmesilaconceptionaboutissait,trèssouventles
vampires femelles ne survivaient pas à l’accouchement, pour cause d’hémorragies ou de prééclampsie.Lesnaissancesd’enfantsmort-nésétaientfréquentesetletauxdemortalitédesnourrissons
atteignaitdessommets.
Pour les malades, les blessés ou les mourants, les médecins humains ne constituaient pas une
solution satisfaisante, même si les deux espèces possédaient des anatomies très proches. Si un
médecin humain demandait un bilan sanguin sur un échantillon de sang vampire, il y découvrirait
toutes sortes d’anomalies et s’imaginerait avoir découvert un phénomène digne d’un article dans
Nature.Mieuxvalaitévitercegenredepublicité.
Pourtant,ilarrivaitparfoisqu’unpatientsoitamenédansunhôpitalhumain,situationquis’était
généralisée avec la mise en place des services d’urgence. Si un vampire était grièvement blessé et
perdaitconnaissance,ilcouraitlerisquedesevoirtransporterversdesurgenceshumaines.Ensuite,
lefairesortirdel’hôpitalcontrel’avisdesmédecinshumainss’avéraittoujoursardu.
Sansêtrearrogant,Haverssavaitqu’ilétaitlemeilleurmédecindesonespèce.Ilavaitsuivideux
foisl’enseignementdelaHarvardMedicalSchool,toutd’abordaudébutduXIXesiècle,puisdansles
années1980.Lesdeuxfois,ilavaitmentionnédanssondossierd’inscriptionqu’ilétaithandicapé,et
l’universitéluiavaitaccordéuneboursespéciale.Iln’avaitpaspusuivrelescoursenjournée,mais
son doggen avait été autorisé à y assister et à prendre des notes, ainsi qu’à transmettre ses devoirs.
Haversavaitlutouslesouvrages,échangéavecsesprofesseursetmêmesuividesséminairesetdes
conférencesorganiséslanuit.
Ilavaittoujoursaiméétudier.
Unefoisremontédelaclinique,ilnefutpassurprisdeconstaterqueMarissanesetrouvaitpas
danslasalleàmanger.Mêmesiledéjeunerétaitserviàuneheureprécisetouteslesnuits.
Ilsedirigeaverssesappartements.
—Marissa?(Ilfrappaunefoisàsaporte.)Marissa,àtable.
Havers passa la tête à l’intérieur. La lumière du chandelier du couloir filtrait dans la pièce et
formait un halo dans l’obscurité. Les tentures étaient encore baissées et aucune des lampes n’était
allumée.
—Marissachérie?
—Jen’aipasfaim.
Haverspassalaporte.Ilpouvaitdistinguerlelitàbaldaquinetlepetitrenflementforméparson
corpssouslescouvertures.
—Tuasdéjàsautéledéjeunerlanuitdernière.Ainsiqueledîner.
—Jedescendraiplustard.
Ilfermalesyeuxetenconclutqu’elleétaitalléenourrirsonhellrenlanuitprécédente.Toutesles
foisqu’ellevoyaitKolher,elleserepliaitsurelledesjoursdurant.
Ilsongeaauxcellulesvivantesdanssonlaboratoire.
QuandbienmêmeKolherétaitleurroiparnaissanceetqu’ilavaitlesanglepluspurd’entreeux,
iln’enétaitpasmoinsunsalaud.Ilnesemblaitpassesoucierlemoinsdumondedecequ’ilinfligeait
àMarissa.Peut-êtremêmequ’ilnesedoutaitmêmepasàquelpointsacruautél’affectait.
Ilétaitdifficilededéciderlaquelledesdeuxoffensesétaitlaplusgrave.
—J’airéalisédesavancéesimportantes,déclaraHavers.(Ilsedirigeaverslelitdesasœurets’y
assit.)Jevaistelibérer.
—Dequoi?
—Decet…assassin.
—Neparlepasainsidelui.
Ilserralesdents.
—Marissa…
—Jeneveuxpasêtrelibéréedelui.
—Commentpeux-tudireunechosepareille?Ilnetetémoignepaslemoindrerespect.Jehais
l’idéequecettebrutesenourrissesurtoidansquelquesombreruelle…
—NousallonschezAudazs.Ilyaunechambre.
L’idéequ’elleétaitexposéeàunautredecesguerriersneleconsolaitnullement.Ilsétaienttous
plusterrifiantslesunsquelesautres,etquelques-unsd’entreeuxétaientdevéritablesmonstres.
IlsavaitquelaConfrériedeladaguenoireétaitunmalnécessairepourdéfendrel’espèce,etil
devaitsemontrerreconnaissantpourleurprotection.Pourtant,ilneressentaitriend’autrequedela
terreurvis-à-visdecettebandedeguerriers.C’étaitunetragédiequedes’enremettreàeux,dansce
mondedangereuxoùlesennemisdeleurespèceétaientpuissants.
—Tun’aspasàt’infligercela.
Marissaroulasurlecôtéetluitournaledos.
—Laisse-moi.
Lesmainsàplatsursesgenoux,Haverssemitdebout.Iln’avaitquepeudesouvenirsdeMarissa
avant l’époque où elle avait commencé son service auprès de leur redoutable souverain. Seuls lui
revenaientenmémoirequelquesfragmentsdelapersonnequ’elleavaitété,etilredoutaitquelajeune
vampirefemelle,joyeuseetsouriante,aitdisparuàjamais.
Remplacéeparuneombrelugubreetaliénéequiflottaitdanssamaison,àselanguirpourunmâle
quilatraitaitsanslamoindreconsidération.
— J’espère que tu changeras d’avis, pour le déjeuner, déclara Havers d’une voix douce.
J’apprécieraisauplushautpointtacompagnie.
Ilrefermalaportedoucementetdescenditl’escaliercourberichementorné.Latabledelasalleà
mangerétaitdresséeselonsespréférences,avecunservicecompletenporcelaine,desverresetde
l’argenterie.Ilpritplaceauboutdelaluxueusetable,puisl’unedesesdoggen s’approcha pour lui
verserduvin.
Ilregardal’assiettedelaituedevantluietseforçaàsourire.
— Je me suis rendu dans une ferme aujourd’hui pour chercher cette salade spécialement pour
vous.
— J’apprécie extrêmement cette délicate attention. Tandis qu’elle quittait la pièce, Havers
commençaàcouperlesfinesfeuillesvertes.
Ilsongeaàsasœur,pelotonnéedanssonlit.
Parvocationetparprofession,Haversétaitunsoignant,unvampiremâlequiavaitconsacrésa
vie entière au service des autres. Mais si un jour Kolher était grièvement blessé au point d’avoir
besoindesonaide,Haversauraitbienenviedelaissercemonstreagoniser.
Oudel’acheverlui-mêmesurlatabled’opérationd’uncoupdescalpel.
CHAPITRE10
Lentement,Bethrepritconnaissance.C’étaitcommerefairesurfaceaprèsunsautdel’ange.Elle
ressentait une chaleur inhabituelle dans son corps, un contentement qui lui parvenait du monde
nébuleuxdessonges.
Ellesentaitquelquechosesursonfront.
Elleouvritlespaupières.Delongsdoigtsmasculinscouraientlelongdel’arêtedesonnez.Puis
descendirentlelongdesajoueetdesamâchoire.
Grâceàlalumièreambiantequifiltraitdelacuisine,elleparvenaitàdistinguerunpeul’hommeà
sescôtés.
Ilexploraitsonvisage,l’airextrêmementconcentré.Ilavaitlesyeuxfermés,lessourcilsarqués
verslebas,sescilsépaistouchaientsespommetteshautesetmajestueuses.Ilétaitallongésurlecôté,
sesépaulescommeunemontagnequiluibloquaientlavuedelaportevitrée.
Seigneur,ilétaitimmense!Etbaraqué.
Sesbrasavaientlatailledesescuisses.Sonventreétaitstriécommesidesrouleauxdepeinture
couraientsoussapeau.Sesjambesétaientépaissesetnoueuses.Quantàsonsexe,ilétaitaussigroset
magnifiquequelerestedesapersonne.
Quand,lapremièrefois,Bethavaitsentisoncorpsnucontrelesienetl’avaittouché,elleavaiteu
unchoc.Sontorse,sesbrasetsesjambesétaienttotalementdépourvusdepoils.Seulesapeaulisse
recouvraitsesmusclesvigoureux.
Ellesedemandapourquoiilserasaitentièrement,ycomprisenbas.Peut-êtreétait-ilunesortede
bodybuilder.
Entoutcas,laraisonpourlaquelleiloptaitpourlerasageintégralrestaitunmystère.
Beth n’avait qu’un vague souvenir de ce qui s’était passé entre eux. Elle ne parvenait pas à se
rappeler la manière dont il était entré dans son appartement. Ni ce qu’il lui avait dit. Mais tout ce
qu’ilsavaientfaitenpositionhorizontaleétaitd’uneincroyablevivacitédanssonesprit.
Normal,danslamesureoùelleavaitconnuavecluisespremiersorgasmes.
LesdoigtsdeKolhercoururenttoutautourdesonmentonetremontèrentversseslèvres.Deson
pouce,illuicaressalalèvreinférieure.
—Tuestrèsbelle,murmura-t-il.
Sonlégeraccentluifaisaitroulerles«r»,presquecommes’ilronronnait.
Logique,songea-t-elle.Quandillatouchait,ellesesentaitbelle.
Kolher approcha sa bouche de la sienne, mais il ne cherchait rien. Le baiser n’était pas une
demande.Plutôtunremerciement.
Quelquepartdanslapièce,untéléphoneportablesonna.Lasonnerien’étaitpascelledeBeth.
La vitesse avec laquelle il se mit en mouvement la fit sursauter. Un instant, il se trouvait à ses
côtés;celuid’après,ilétaitprèsdutéléphone.Ildécrocha.
—Ouais?
Disparue, la voix qui l’instant d’avant lui murmurait qu’elle était belle. Désormais, il n’émettait
quedesgrognements.
Elleremontaledrapsursapoitrine.
—OnseretrouvechezD.Donne-moidixminutes.
Ilraccrocha,replaçaletéléphonedanssonblousonetramassalepantalonqu’ilavaitporté.Ilétait
surlepointdeserhabiller,cequiramenaBethàlaréalité.
MonDieu,avait-ellevraimentcouché–etressentiunplaisiràluifaireperdrelatête–avecun
parfaitinconnu?
—Commenttut’appelles?demanda-t-elle.
Tandisqu’ilremontaitsonpantalonencuir,elleeutunevueimprenablesursoncul.
—Kolher.(Ilsedirigeaverslatableetpritseslunettesdesoleil.Illesportaitlorsqu’ilserassit
prèsd’elle.)Ilfautquej’yaille.Jesaispassijepourrairevenircettenuit,maisj’essaierai.
Ellenevoulaitpasqu’ilparte.Elleaimaitvoirsoncorpsoccuperplusdelamoitiédufuton.
Elletenditlamainverslui,puisseravisa.Ellenevoulaitpasparaîtreendemande.
—Si,touche-moi,dit-il.
Ilsepenchapourluidonneraccèsàtoutsoncorps.
Elle lui posa la main sur la poitrine. Sa peau était chaude, son cœur battait avec un rythme
régulier.Elleremarquaunecicatricecirculairesursonpectoralgauche.
—J’aibesoindesavoirunechose,Kolher.(Elleaimaitprononcersonnompeucourant.)Qu’estcequetufaisici?
Ilesquissaunlégersourire,commesisaméfianceluiplaisait.
—Jesuisicipourprendresoindetoi,Elizabeth.Onpouvaitdirequ’ilavaitréussisoncoup.
—Beth.Onm’appelleBeth.
Ilsecoualatête.
—Beth.
Ilselevaetpritsachemise.Sesdoigtstâtonnèrentcommes’ilcherchaitlesboutons.
Iln’allaitpasenretrouverbeaucoup,pensa-t-elle.Laplupartétaientéparpillésausol.
—Tuasunepoubelledanslecoin?demanda-t-il,commes’ilpensaitlamêmechose.
—Là-bas,danslecoin.
—Oùça?
Elleseleva,undrapenrouléautourducorps,etpritlachemise.
Lorsqu’elleleregardadenouveau,ilavaitplacéunholsternoirsursapeaunue.Deuxdaguesse
croisaientaucentredesapoitrine,manchesinclinésverslebas.
Bizarrement, la vue des armes la calma. Comme s’il existait une explication logique à son
apparence.
—C’estButch?
—Butch?
—Quit’achargédemaprotection.
Ilenfilasonblouson,quirendaitsesépaulesplusmassivesencore.Lecuiravaitlamêmenuance
noirequesescheveux;unmotifsophistiquéenfilnoirornaitl’undesesrevers.
—L’hommequit’aattaquélanuitdernière,demanda-t-il,tuleconnaissaispas?
—Non.
Elleserrasesbrasautourdesoncorps.
—Lesflicsontétébienavectoi?
—Ilslesonttoujours.
—Ilst’ontditsonnom?
Elleacquiesça.
—QuandButchmel’adit,j’aicruàuneplaisanterie.LenomdeBillyRiddlefaitpluspenseràun
personnage de la Rue Sésame qu’à un violeur, mais manifestement il avait des antécédents et un
casier…
Elles’arrêta.LevisagedeKolherétaitdevenusicruelqu’ellerecula.
MonDieu,siButchétaitduraveclessuspects,cetype-làdevaitêtreunevéritableterreur,pensa-telle.
Puissonexpressionchangea,commes’ilavaitdissimulésesémotionspournepasl’effrayer.Ilse
dirigeaverslasalledebainsetouvritlaporte.Bouhbonditdanssesbrasetundouxronronnement
s’élevadansl’airlourd.
Maisceronronnementn’étaitpasceluiduchat.
Le son guttural provenait de l’homme qui tenait le chat lové dans le creux de ses bras. Bouh
semblaitapprécieretfrottaitsatêtedanslalargepaumequilecaressait.
—Jevaistelaissermonnumérodeportable,Beth.Appelle-moisitutesensmenacée.(Ilposale
chatàterreeténuméraunesuitedechiffres.Luifitrépéterjusqu’àcequ’ellel’aitmémorisée.)Sion
sevoitpascesoir,jeveuxquetuaillesau16WallaceAvenuedemainmatin.Jet’expliqueraitout.
Puisillaregarda.
—Viensici,dit-il.
Soncorpsobéitavantquesonmentalluiintimel’ordredebouger.
Elle s’approcha de lui. Il la prit par la taille et l’attira vigoureusement contre son corps massif.
Ses lèvres chaudes se posèrent, avides, sur les siennes, et il lui caressa les cheveux. À travers son
pantalondecuir,ellesentitqu’ilétaitdenouveauprêtpourlesexe.
—Kolher,c’esttonprénomoutonnomdefamille?
—Lesdeux.(Ill’embrassadanslecou,léchantsapeau.Ellelaissatombersatêteenarrièreetla
languecourutlelongdesoncou.)Beth?
—Hmm?
—T’inquiètepasàproposdeBillyRiddle.Ilvaavoircequ’ilmérite.
Ill’embrassaàlahâtepuissortitparlaportevitrée.
Elle posa la main sur son cou, à l’endroit où la langue de Kolher l’avait léché. Elle ressentait
commeunfourmillementsursapeau.
Bethsehâtaverslaportevitréeetlevalestore.Ilavaitdéjàdisparu.
KolhersematérialisadanslesalondeAudazs.
Jamais il n’avait pensé que la soirée se déroulerait ainsi, et ces nouveaux rebondissements
n’allaientfairequecompliquerleschoses.
BethétaitlafilledeAudazs.Sonmondeétaitsurlepointd’êtrechamboulé.Pisencore,elleavait
étévictimed’uneagressionsexuellelanuitprécédente,putaindemerde!
S’ilavaitétéungentleman,ill’auraitlaisséetranquille.Ahouais,etàquandremontaitladernière
foisoùils’étaitmontrédignedesalignée?
Rhage apparut devant lui. Par-dessus son pantalon de cuir, le vampire portait un long manteau
noir qui accentuait encore le contraste avec son beau visage à la peau claire. Tous les guerriers
savaientqu’ilusaitetabusaitdesonphysiquesurlesexeopposé,etqu’aprèsunenuitdecombatil
appréciaittoutparticulièrementdegoûterunreposméritédanslesbrasd’unefemelle.Oudedeux.
Silesexeétaitdelanourriture,Rhageauraitsouffertd’obésitémorbide.Maisceguerriern’était
pas seulement une belle gueule. C’était le meilleur combattant de la Confrérie, le plus fort, le plus
rapide,leplussûr.Dotédèslanaissanced’unepuissancephysiquehorsnorme,ilpréféraitaffronter
leséradiqueursàmainnueetnerecouraitauxdaguesquepourporterlecoupfatal.Ilaffirmaitque
c’était la seule façon de tirer un quelconque plaisir de son boulot. Les combats, sinon, étaient trop
rapides.
Detouslesfrèresd’armes,Hollywood-Rhageétaitceluiquisuscitaitleplusd’admirationparmi
lesjeunesvampiresmâles,figured’adorationetd’identification.Mêmesisonfan-clubnepercevait
quel’aspectglamourdeschosesetsonaisanceaucombat.
Rhage était maudit. Littéralement. Il s’était attiré de sérieux ennuis peu après sa transition. La
Viergescribe,laforcemystiquedelanaturequirégissaitl’espècedepuisl’Estompe,luiavaitinfligé
unterriblechâtiment.Deuxsièclesdethérapieaversivequisedéclenchaittouteslesfoisqu’ilnese
tenaitpastranquille.
Commentnepasplaindrelepauvretype?
—Onfaitcomment,cesoir?demandaRhage.
L’espace d’un instant, Kolher ferma les yeux. Une image floue du corps de Beth, arc-bouté, lui
revint en mémoire. Alors qu’il se voyait encore goûter son corps, il serra les points. Ses doigts
craquèrent.
J’aifaim,pensa-t-il.
—Jesuisprêt,répondit-il.
—Attends.C’estquoiça?demandaRhage.
—Quoiça?
—Cetteexpressionsurtonvisage.Etputain,qu’est-cequet’asfaitdetachemise?
—Tagueule.
—Qu’est-ce…Ahbordel!(Rhageéclataderire).Ondiraitquetut’enespayéunebonnetranche,
cesoir.
KolherdétestaitentendreRhageparlerainsideBeth.Etpasuniquementparcequ’elleétaitlafille
deAudazs.
—Ferme-la,Rhage.Jesuispasd’humeur.
—Hé,c’estpasmoiquitejetteraislapierre.C’étaitunboncoup,aumoins?Parcequet’aspas
l’airspécialementdétendu,monfrère.Peut-êtrequ’ilfaudraitquejet’apprenneuntrucoudeux…
Calmement,KolherplaquaRhagecontrelemuretfaillitdécrocherunmiroirparlaforcequ’il
appliquasurlesépaulesduvampire.
—Tuvasfermertagrandegueuleoujetedémolis.Tucaptes,Hollywood?
Rhageplaisantait,maisilyavaitquelquechosedemalsainàcomparer,deprèsoudeloin,cequi
s’étaitpasséavecBethàlaviesexuelledeRhage.
Peut-êtreKolhersemontrait-iljusteunpeupossessif.
—Onadécidédelacible?demanda-t-ild’unevoixtraînante.
—C’estcommetulesens.(Rhagesouriait,sesdentscommeunéclairblancdanssonvisageàla
beautééclatante.)Maisbon,cool,mec!Engénéral,tuperdspastontempsavecdesfemelles,etçame
faitplaisirdesavoirquet’apristonpied,c’esttout.
Kolhern’insistapas.
—Mêmesi,putain,ellepouvaitquandmêmepasêtreaussi…
Kolhersortitunedagueetlaplantadanslemur,àdeuxcentimètresàpeineducrânedeRhage.Il
trouvaquel’échodel’acierseplantantdanslemétalétaitcool.
—Arrêtedemechercherlà-dessus.Compris?
Lentement, son frère d’armes acquiesça tandis que le manche de la dague vibrait dans l’air à
proximitédesonoreille.
—OK,jecroisqu’ons’estbiencompris.
LavoixdeTohrmentfitbaisserlatensionambiante.
—Alors,Rhage,toujoursàremuerlamerde?
Kolherrestaimmobileunbrefinstantencore,afindes’assurerquelemessageétaitbienpassé.
Puisilretiraladaguedumuretsemitàarpenterlapièceenattendantl’arrivéedesautresmembres
delaConfrérie.QuandViszsfitsonentrée,Kolherlepritàpart.
—J’aibesoinquetumerendesunservice.
—Toutcequetuveux.
—Unmâlehumain.BillyRiddle.Jeveuxsavoiroùilvit.
V.caressasonbouc.
—Ilestducoin?
—Ouais,jecrois.
—C’estcommesic’étaitfait,Seigneur.
Quandtousfurentlà,Zadisteycomprisquileurfitl’infimehonneurd’arriveràl’heure,Kolher
ouvritlebal.
—Qu’est-cequ’onarécupérésurleportabledeStrauss,V.?
ViszsôtasacasquettedesRedSoxetpassalamaindanssachevelurenoire.Ilreplaçasacasquette
etpritlaparole.
—Notretypeaimetraîneravecdesgrosbras,despseudo-militairesetdesfansdeJackieChan.
OnadesappelsversGold’sGym,unclubdepaint-balletdeuxdojos.Ahouais,ilaimelesvoitures
également.Ilyavaitaussiunatelierdemécaniquedanslejournaldesappels.
—Desappelspersonnels?
—Quelques-uns.Unversunelignefixemisehorsserviceilyadeuxjours.Lesautresversdes
portablesimpossiblesàtracer.Paslocaux.J’aiappeléplusieursfois,sanssuccès.Çacraintunmax,
l’identificationdunumérodel’appelant.
—T’asvérifiésesantécédentssurInternet?
— Ouais. Casier typique de jeune délinquant avec une tendance marquée à la violence. Il colle
parfaitementauprofild’éradiqueur.
—Etchezlui?
Par-dessussonépaule,Kolherjetauncoupd’œilauxjumeaux.
Fhurieregardasonfrèreetpritlaparole.
—Untrois-piècesquidonnesurlefleuve.Vivaitseul.Pasgrand-chosechezlui.Quelquesarmes
sous le lit. Des balles en argent. Une veste en Kevlar. Une collection de magazines porno qu’il ne
lisaitplus.
—T’asprislajarre?
—Ouais.Jel’airamenéechezmoi.Jel’apporteraiauTombeauplustarddanslanuit.
— Bien. (Kolher regarda le groupe.) On se sépare. Surveillez les lieux professionnels. Je veux
qu’onentredanslesbâtiments.Onchercheleurcentreopérationnel.
IlrépartitlesguerrierspargroupededeuxetpritViszsaveclui.Ildemandaauxjumeauxdese
rendreauGold’sGymetauclubdepaint-ball,confialescentresd’artsmartiauxàTohretàRhage.
Viszsetluiallaientinspecterl’atelierdemécaniqueetilespéraitqu’ilsauraientdelachance.
Car si quelqu’un décidait de piéger un véhicule avec une bombe, un dispositif de levage
hydrauliques’avéraitdesplusutiles.
Avantqu’ilsseséparent,Hollywoods’approchadeKolher,l’airinhabituellementsérieux.
—Kolher,tusaisjepeuxêtreunvraiconnarddesfois,déclara-t-il.Jevoulaispasteblesser.Ça
arrivera plus. Kolher sourit. Le problème de Rhage, c’était qu’il avait zéro contrôle sur lui-même.
D’oùsagrandegueuleetsonaddictionausexe.
Le problème était déjà suffisamment grave quand il était lui-même. Alors quand la malédiction
frappait,qu’ilbasculaitenmodepsychoetquelabêtesedéchaînaitenlui…
—Jesuissérieux,mec,ajoutaRhage.
Kolhertapotal’épauledesonfrèred’armes.Dansl’ensemble,cependant,cetenfoiréétaitunmec
bien.
—Çava,onoublie.
—Hésitepasàm’enfoutreunequandilfaut.
—Comptesurmoi.
M. X conduisit son véhicule dans une ruelle du centre-ville, sombre et dégagée à ses deux
extrémités.Aprèsavoirgaréleminivanenmarchearrièredevantunepoubelle,ilparcourutenviron
vingtmètresàpied,lecorpsdeCherryPiesurl’épaule.Ellegrognaunpeuquandillachargeasur
sondos,commesiellenevoulaitpasêtredérangéependantsontrip.
Illadéposaausol;ellenesedébattitpaslorsqu’illuitranchalagorge.Ilrestaquelquesinstantsà
regarderl’éclatbrillantdusangquandilgicladesoncou.Dansl’obscurité,onauraitditdel’huile
pourmoteur.Illetouchaduboutdudoigt.Sonnezpouvaitdétectertouteslessortesdemaladieetil
sedemandasiellesavaitqu’ellesouffraitd’unehépatiteCàunstadeavancé.Ilseditqu’illuiavait
renduserviceenluiépargnantunemortaussilentequedouloureuse.
Nonquelatuerluiauraitposélemoindreproblèmesielleavaitétéenparfaitesanté.
Ilessuyasondoigtsurleborddesajupepuisdéplaçaunepilededétritus.Unvieuxmatelasferait
l’affaire.Illedéposacontrelemurdebrique,puisseplaçaaupointdejonction,peuincommodépar
lapuanteurdumatelas.Ilsortitsonpistoletàflèchesetattendit.
Lesangfraisattiraitlescivilsvampirescommedescorbeauxsurleslieuxd’accidentsdelaroute.
Peu après, une silhouette apparut au bout de la ruelle. Elle l’inspecta puis s’y engouffra. M. X
savait qu’il devait s’agir de celui qui le recherchait. Cherry était bien dissimulée dans l’obscurité.
Rienn’auraitpuattirerquelqu’unici,sicen’étaitl’odeursubtiledesonsang,qu’unnezhumainétait
incapablededéceler.
LejeunemâleétaitavideetilsejetasurCherrycommes’ils’agissaitd’unbuffetdresséenson
honneur. Occupé à boire, il fut pris par surprise lorsque la première flèche fut tirée du revolver et
vintseficherdanssonépaule.Sonpremierinstinctfutdeprotégersanourriture,etiltraînalecorps
deCherryderrièrelespoubelles.
Lorsque la seconde fléchette l’atteignit, il se retourna et bondit en avant, les yeux rivés sur le
matelas.
M.Xseraidit,maislemâles’approchaavecplusd’agressivitéqued’habileté.Sesmouvements
étaientdésorganisés,cequisuggéraitqu’ilenétaitencoreàapprendreàcontrôlersesmembresaprès
satransition.
Deuxautresfléchettesneleralentirentpas.Manifestement,leDomosedan,untranquillisantpour
chevaux, ne suffisait pas. Contraint de s’engager dans un combat avec le vampire mâle, M. X
l’assommafacilementd’uncoupàlatête.Lemâlelaissaéchapperuncridedouleurets’effondrasur
l’asphaltesale.
Lebruitattiradescurieux.
Fortheureusement,cen’étaitquedeuxéradiqueurs,pasdeshumainscurieuxou,plusennuyeux,la
police. Les éradiqueurs s’arrêtèrent au bout de la ruelle et, après s’être rapidement consultés, s’y
engagèrentpourinspecterleslieux.
M.Xlaissaéchapperunjuron.Iln’étaitpasdisposéàsemontrerniàrévélersesactions.Ildevait
réfléchir à sa stratégie de collecte d’informations avant d’en parler et d’assigner leur rôle aux
éradiqueurs. Après tout, un chef ne devait jamais déléguer ce qu’il n’avait pas fait lui-même et…
réussi.
Ilyallaitaussidesonpropreintérêt.Ilnepouvaitdirequi,parmilestueurs,pourraittenterdele
court-circuiter et d’en référer directement à l’Oméga, soit en s’appropriant son idée, soit en
rapportant des erreurs préliminaires. L’Oméga savait accueillir les initiatives. Et, en matière de
loyauté,auraitgagnéàprendredelaRitaline.
Pis encore, le renvoi immédiat version Oméga était aussi expéditif qu’horrible. Comme l’avait
apprisàsesdépens,troisnuitsauparavant,feulesupérieurdeM.X.
M.Xretiralesfléchettesducorps.Ilauraitpréférétuerlevampire,maisiln’avaitpasassezde
temps. Il abandonna le mâle qui gémissait au sol et s’enfuit dans la ruelle en longeant le mur. Il
n’allumasespharesqu’aprèss’êtreglissédanslacirculation.
CHAPITRE11
LeréveildeBethsonna:ellelefittaire.Lasonnerieétaitinutile.Elleétaitlevéedepuisaumoins
uneheure,l’espritsurchauffé.L’aubeavaitchassélemystèredelanuit,laforçantàseconfronterà
sesactes.
Des relations sexuelles non protégées avec un parfait inconnu constituaient un foutu retour à la
réalité.
Qu’est-ce qui lui avait pris ? Elle n’avait jamais fait ça avant. Elle s’était toujours montrée
prudente. Dieu merci, elle prenait la pilule pour régulariser son cycle, mais son estomac se nouait
lorsqu’ellesongeaauxautresconséquencespossibles.
Lorsqu’elle le reverrait, elle lui demanderait s’il n’avait pas de MST et prierait pour que la
réponsesoitbiencellequ’elleaimeraitentendre.Etqu’ellesoitvraie.
Sisonexpériencesexuelleavaitétéplusimportante,peut-êtreaurait-elleeudequoiseprotéger
chezelle.Maisdepuisquandn’avait-ellepascouchéavecquelqu’un?Longtemps.Pluslongtempsque
laduréedeconservationd’uneboîtedepréservatifs.
Ledésertdesaviesexuelleétaitplusàmettresurlecompted’unmanqued’intérêtquesurcelui
depseudovaleursmorales.Simplement,leshommesnefiguraientpasenhautdesalistedepriorités.
Ils se situaient quelque part entre le détartrage chez le dentiste et la révision de sa voiture. Et elle
n’avaitmêmeplusdevoiture.
Souvent, elle s’était demandée s’il n’y avait pas quelque chose qui clochait chez elle, surtout
lorsqu’ellevoyaitlescouplessepromenerdanslaruemaindanslamain.Laplupartdesgensdeson
âgefréquentaientfébrilementetcherchaientàsecaser.Paselle.Ellen’éprouvaitaucundésirintense
d’être avec un homme et avait même envisagé la possibilité qu’elle puisse être lesbienne. Le
problèmeétantqu’ellen’étaitpasattiréeparlesfemmes.
Lanuitprécédenteavaitétéunerévélation.
Elle s’étira, les cuisses délicieusement endolories. Elle ferma les yeux et le sentit à l’intérieur
d’elle, sentit le va-et-vient de son sexe puissant jusqu’au moment où son corps avait convulsé à
l’intérieurdusiendansunspasmeintenseetquesesbrasl’avaientécraséecontrelui.
Son corps s’arc-bouta involontairement, le souvenir était vivace au point qu’elle ressentit une
moiteurentrelesjambes.Lesouvenirdesorgasmesqu’illuiavaitdonnésluifitsemordrelalèvre.
Ellepoussaungrognementenselevantpuissedirigeaverslasalledebains.Lorsqu’elleaperçut
danslapoubellelachemisequ’ilavaitarrachéedesontorse,ellelaramassaetlasentit.Letissunoir
portaitsonodeur.
Lamoiteurs’accrut.
CommentButchetluiseconnaissaient-ils?Appartenait-ilàlapolice?Ellenel’avaitjamaisvu
avant,maiselleneconnaissaitpastoutlemonde.
Lesmœurs,songea-t-elle.Ildevaittravaillerauxmœurs.
Oupeut-êtrecommechefd’ungrouped’intervention.Parcequ’ilétaitdéfinitivementdugenreà
chercherlesennuisetn’avaitpasfroidauxyeux.
Lorsqu’elle glissa la chemise sous son oreiller, elle se sentit aussi stupide qu’une adolescente.
Puiselleaperçutsurlesollesoutien-gorgequ’illuiavaitarraché.MonDieu,lesystèmed’agrafage
étaitdéchiré,commelacéréparquelquechosed’acéré.
Bizarre.
Aprèsunedoucherapideetunpetitdéjeunerexpéditifcomposédedeuxbiscuitsàl’avoine,d’une
poignéedecéréalesetd’unebriquedejusdefruit,ellepartitpourlebureau.Ellesetrouvaitdepuis
unedemi-heuredanssonboxàregarderfixementsonéconomiseurd’écranquandletéléphonesonna.
C’étaitJosé.
—Onaencoreétébienoccupéslanuitdernière,luiannonça-t-ilenbâillant.
—Unebombe?
—Nan.Uncadavre.OnatrouvéuneprostituéelagorgetranchéeprèsdeTradeStreetetdela3e.
Si tu passes au poste, je te montrerai les photos et les rapports. À titre confidentiel, bien sûr. Deux
minutesaprèsavoirraccroché,elleétaitdanslarue.Elleseditqu’elleallaitpasserauposteavantde
serendreàl’adressesurWallaceAvenue.
Ellenepouvaitprétendrequ’ellenemouraitpasd’enviederevoirsonvisiteurdeminuit.
Dehors, le soleil du matin l’aveuglait ; elle chercha ses lunettes de soleil dans son sac. Comme
celles-ci ne suffisaient pas à parer la morsure du soleil, elle se protégea de la main. Elle entra,
soulagée,danslepostedepolicefraisetsombre.
Josén’étaitpasàsonbureau,maiselletombasurButch,quisortaitdusien.
Illuiadressaunsourireflegmatique,quidessinadesridesaucoindesesyeuxnoisette.
—Çarisquedejasersioncontinueàsevoircommeça.
—J’aientendudirequetuétaissurunenouvelleaffaire.
—Çam’étonnepas.
—Descommentaires,inspecteur?
—Onafaitunedéclarationcematin.
—Quisûrementneditriendutout.Allez,t’aspasquelquesinfospourmoi?
—Pasofficiellement.
—Etofficieusement?
Ilsortitunchewing-gumdesapocheet,avecméthode,ôtal’emballage,plialalanguettepâledans
saboucheetmorditdedans.Bethcrutsesouvenirqu’ilfumaitàunmomentdonné,maisnel’avaitpas
vuallumerdecigaretterécemment.D’oùprobablementtousceschewing-gums.
—Officieusement,O’Neal.Juré.
Ilacquiesça.
—Danscecas,derrièreuneportefermée,ajouta-t-il.
Sonbureauétaitàpeuprèsdelatailledesonboxaujournal,maisaumoinsilavaituneporteet
une fenêtre. Le mobilier, en revanche, était de piètre qualité. Le bureau en bois usé semblait avoir
servi d’établi à un menuisier. La surface était pleine d’échardes et le vernis était si abîmé qu’il
absorbaitlalumièrefluorescentecommeunassoiffé.
O’NeallançaàBethundossieravantdes’asseoir.
—Onatrouvélafillederrièredespoubelles.Laplusgrandepartiedesonsangafinidansles
égouts, mais le médecin légiste dit y avoir décelé des traces d’héroïne. Elle avait eu des rapports
sexuels,maisc’estpasvraimentétonnant.
—Oh,monDieu,c’estMary!s’exclamaBeth.
Ellevenaitderegarderleclichémacabreetselaissatombersurunechaise.
—Vingtetunans.(Butchjuraentresesdents.)Quelputaindegâchis!
—Jelaconnais.
—Tul’asvueauposte?
—Non,c’estuneamied’enfance.Pendantunmoment,onétaitdanslamêmefamilled’accueil.
Après,jel’aicroiséequelquesfois.Ici,laplupartdutemps.
Mary Mulcahy avait été une petite fille magnifique. Elle se trouvait dans la même famille
d’accueilqueBethdepuisunanenvironquandellefutrenvoyéechezsamèrebiologique.Deuxans
plustard,elleétaitdenouveauconfiéeàlagardedel’Étataprèsavoirétélaisséeseulependantune
semaine alors qu’elle n’avait que sept ans. Elle avait déclaré s’être nourrie de farine quand les
provisionsavaientcommencéàmanquer.
— J’ai appris que tu avais été en famille d’accueil, dit Butch, le regard songeur. Je peux te
demanderpourquoi?
—Àtonavis?J’étaisorpheline.(Ellerefermaledossieretlereposasurlebureau.)T’astrouvé
unearme?
Ilplissalesyeux,sanstoutefoisprendreunairdur.Ilsemblaitsedemanders’ildevaitrépondreà
saquestionetlaissertomberlesujetprécédent.
—Unearme?Insista-t-elle.
— Un autre shuriken. Avec des traces de sang, mais pas le sien. Nous avons aussi trouvé des
résidusdepoudreendeuxendroitsdifférents,commesiquelqu’unavaitallumédesbalisesetlesavait
poséesausol.Difficiledecroire,pourtant,queletueuraitvouluattirerl’attentionsurlecorps.
—Tupensesqu’ilexisteunlienentrelamortdeMaryetl’attentatàlavoiturepiégée?
Ilhaussaseslargesépaules,indifférent.
—Possible.Maiss’ils’agissaitd’unevengeancepourl’attentat,letypeauraitpuferrerunplus
grospoisson.Ils’enseraitprisdirectementaumac.
Beth ferma les yeux et revit Mary alors qu’elle n’était qu’une fillette de cinq ans, avec, sous le
bras,unepoupéeBarbiesanstêtedansunerobetoutedéchirée.
—Mais,quisait,repritButch,c’estpeut-êtrequ’undébut.
Elle entendit sa chaise remuer et leva les yeux tandis qu’il contournait le bureau pour se
rapprocherd’elle.
—T’asprévuquelquechosecesoirpourdîner?luidemanda-t-il.
—Dîner?
—Ouais.Toietmoi.
Dur-à-cuireluidemandaitdesortiraveclui?Encore?
Bethseleva,désireused’êtresurunpiedd’égalité.
—Ahoui…non.Jeveuxdire,merci,maisnon.
Mêmesileurrelationn’étaitpasvraimentdenatureprofessionnelle,elleavaitautrechoseentête.
Ellevoulaitêtredisponibleaucasoùl’hommeencuirauraiteuenviedelarevoircesoir.
Mon Dieu, ils n’avaient couché ensemble qu’une fois et voilà qu’elle s’imaginait qu’il y avait
quelquechoseentreeux.Elleferaitmieuxderevenird’urgenceàlaréalité.
Butcheutunsourirecynique.
—Unjour,jetrouveraipourquoitum’aimespas.
—Jet’aimebien.Tutelaissespasemmerderet,mêmesijen’approuvepastesméthodes,jedois
reconnaîtrequej’aiappréciéqueturecasseslenezdeBillyRiddle.
LestraitsdursdeButchs’adoucirent.IlplantasesyeuxdansceuxdeBeth,quipensaalorsqu’elle
devaitêtredinguedenepasêtreattiréeparlui.
— Et merci d’avoir envoyé ton ami, la nuit dernière, ajouta-t-elle. (Elle mit son sac l’épaule.)
Mêmesijedoisadmettrequ’ilm’afoutuunedesestrouillesaudébut.
Justeavantqu’illuienseignelesdélicieusespossibilitésducorpshumain.
Butchfronçalessourcils.
—Quelami?
—Tusais,celuihabillécommeuncauchemargothique.Dis-moi,ilestdesmœurs,pasvrai?
—Maisputainqu’est-cequeturacontes?J’aienvoyépersonnecheztoi.
Bethdevintlivide.
L’air soupçonneux et l’inquiétude grandissante qu’elle lisait sur le visage de Butch lui firent
passertouteenviedeselancerdansdeplusamplesexplications.
Ellesedirigeaverslaporte.
—C’estpasgrave.
Butchlasaisitparlebras.
—Putain,quiétaitcheztoihiersoir?
Elleauraitaimélesavoir.
—Personne.Commejel’aidit,c’estpasgrave.Àplustard.
Elleseprécipitadanslecouloir,soncœurbattantlachamade.
Unefoisàl’extérieur,ellegrimaçadanslalumièredusoleil.
Unechoseétaitclaire:ilétaithorsdequestionqu’elleailleaurendez-vousfixéparcethomme,
mêmesile816WallaceAvenuesetrouvaitdansl’undesmeilleursquartiersdelavilleetqu’onétait
enpleinejournée.
À16heures,Kolherétaitsurlepointd’exploser.
Iln’avaitpaspuretournerchezBethlanuitprécédente.Etellen’étaitpasvenuecematin-là.
Lefaitqu’ellenesoitpasvenuepouvaitsignifierdeuxchoses:soitquelquechoseluiétaitarrivé,
soitellel’envoyaitpromener.
Ilvérifial’heuresurleréveilenbraille.Lesoleiln’étaitpasprèsdesecoucher.
Foutuesjournéesd’été.Troplongues.Vraimenttroplongues.
D’unpasraide,ilsedirigeaverslasalledebains,serafraîchitlevisageàl’eauetappuyasesbras
surl’étagèreenmarbre.Àlalueurdelabougieposéeàproximitédulavabo,ilregardafixementson
visage,sansdistinguerautrechosequ’unevaguemassedecheveuxnoirs,deuxsourcilsbroussailleux
etlecontourdesonvisage.
Il était éreinté. Il n’avait pas dormi de la journée, et la nuit précédente avait été une catastrophe
intégrale.
Àl’exceptiondecequis’étaitpasséavecBeth.Ç’avaitété…
Iljuraets’essuyalevisage.
Bordel, mais qu’est-ce qui clochait chez lui ? Coucher avec cette femelle était le pire de tout le
merdierdelaveille.Àcausedecetintermèdedesplusstupéfiants,ilétaitincapabledeseconcentrer,
soncorpsétaitdansunétatdeconstanteexcitationetilétaitd’unehumeurdemerde.
Surcedernierpoint,entoutcas,riendenouveau…souslesoleil.
BonDieu,lanuitdernièreavaitétéunecatastropheintégrale.
Après avoir quitté les membres de la Confrérie, Viszs et lui s’étaient rendus dans l’atelier de
mécanique. Celui-ci était fermé à double tour mais, après avoir inspecté les alentours et s’y être
introduits, les deux vampires avaient constaté qu’il n’était pas utilisé comme centre opérationnel.
D’unepart,lebâtimentdélabrén’étaitpasassezélevéet,d’autrepart,ilnecomportaitpasdesous-sol
dissimulé.Parailleurs,lequartiern’étaitpasidéal.Quelquespetitsrestaurantsdenuit,fréquentéspar
lesflics.L’endroitétaittropexposé.
Viszs et lui retournaient chez Audazs, après un rapide détour par le Screamer’s pour étancher
l’enviedevodkadeV,lorsqu’ilstombèrentsurunos.
C’étaitàcemoment-làqueleschoses,depasterribles,étaientdevenuescarrémentmerdiques.
Dansuneruelle,ilsétaienttombéssurunvampirecivilgrièvementblesséquedeuxéradiqueurs
s’apprêtaient à achever. Tuer les deux éradiqueurs avait pris un peu de temps, car tous deux étaient
expérimentés.Levampireétaitmortlorsquelecombats’étaitachevé.
Le jeune mâle avait été torturé avec cruauté, son corps transpercé en maints endroits. Les
écorchuresauxgenouxetlegraviersurlapaumedesesmainsindiquaientqu’ilavaittentédes’enfuir
àplusieursreprises.Ilavaitdusanghumainfraisautourdelaboucheetcetteodeurflottaitaussidans
l’air,maisViszsetKolhern’avaientpaspus’attarderpourchercherlafemellequ’ilavaitmordue.
Dumondearrivait.
Peu après la disparition des éradiqueurs, des sirènes de police avaient rugi dans l’air, éruption
acoustiquesignifiantquelapoliceavaitétéprévenueparquelqu’unquiavaitentendulabagarreou
perçuleséclairsdelumière.KolheretViszsavaienteuàpeineletempsdes’éclipseraveclecadavre
danslaCadillacEscaladedeV.
DeretourchezAudazs,V.ilavaitfouillélecadavre.Leportefeuilleduvampiremâlecontenaitun
morceau de papier sur lequel figuraient des caractères en langue ancienne. Nom, adresse, âge. Sa
transitions’étaitproduitesixmoisàpeineauparavant.Sijeune.
Une heure avant l’aube, ils avaient emmené le corps dans les faubourgs de la ville, dans une
maisonàl’aspectcossudissimuléedanslaforêt.Unvieuxcoupledecivilsavaitouvertlaporteetla
terreurqu’ilsavaientressentieenapercevantlesdeuxguerriersétaitparvenueauxnarinesdeKolher
commeuneodeurdedétrituscarbonisés.Lorsqu’ilseurentconfirméqu’ilsavaientbienunfils,Viszs
étaitrepartiverslavoiturepourensortirlesrestesducorps.Lepères’étaitprécipitéverssonfils,le
prenantdesbrasdeViszs.Kolheravaitrattrapélamèreaumomentoùelles’effondrait.
Lefaitquelamortdesonfilsaitétévengéeavaitunpeucalmélepère.Maisçanesuffisaitpas.
PaspourKolher.
Ilnetrouveraitlereposqu’aprèsavoirexterminétousleséradiqueurs.
Kolher ferma les yeux, concentré sur The Black Album de Jay-Z qu’il écoutait. Il essayait
d’oublierlanuitprécédente.
Desbruitsrythméssefirententendreàlaporte,par-dessuslamusique.Ill’ouvritparl’actionde
savolonté.
—Qu’est-cequisepasse,Fritz?
Lemajordomeentraavecunplateaud’argent.
—J’aiprislalibertédevouspréparerunrepas,maître.
Fritzdéposaleplateausurlatablebassedevantlesofa.IlsoulevalecouvercleduplatetKolher
humal’odeurdepouletauxherbes.
Àbienysonger,ilavaitfaim.
Ilsedirigeaverslesofa,surlequelils’assitetpritunelourdefourchetteenargent.Ilobservale
servicedetable.
—OnpeutdirequeAudazsaimaitlestrucsluxueux!
—Oh,oui,maître.Seulementlemeilleurpourmonprinceps.
LemajordomerestaàsadispositiondanslapiècetandisqueKolherentrepritdedétacherunpeu
deviandedel’osavecsescouverts.Ladextéritén’étaitpasaunombredesestalents,alorsilfinitpar
ymettrelesdoigts.
—Lepouletest-ilàvotregoût,maître?
Toutenmâchant,Kolheracquiesça.
—Vousenconnaissezunrayonencuisine.
—Jesuissiheureuxquevousayezdécidéderesterici.
— Pas longtemps. Mais vous inquiétez pas, vous aurez quelqu’un de qui vous occuper. (Kolher
plantasafourchettedanscequiressemblaitàdelapurée.C’étaitduriz,quis’éparpilla.Iljuraettenta
derassemblerlesgrainsduboutdudoigt.)Etelleserabienplusfacileàvivrequemoi.
— J’aime être à votre service. Maître, je ne referai pas de riz. Je veillerai aussi à ce que votre
viandesoitcoupée.Jen’yavaispaspensé.
Kolhers’essuyalaboucheavecuneservietteenlin.
—Fritz,perdezpasvotretempsàessayerdemefaireplaisir.
Fritzeutunpetitrire.
—Audazsavaitvraimentraisonàvotresujet,maître.
—Endisantquejesuisqu’unmisérablefilsdepute?Ouais,ilavaitl’œilpourjugerlesgens.(De
safourchette,Kolherchassaunefleurettedebrocoli.Ah,bordel!Ildétestaitmanger,surtoutquand
quelqu’un l’observait.) J’ai jamais compris pourquoi il tenait tellement à ce que je m’installe ici.
Personnepeutêtredésespéréàcepoint.
—C’étaitpourvous.
Kolherplissalesyeuxderrièreseslunettesdesoleil.
—Vraiment?
—Ilsesouciaitdevoussavoirsisolitaire.Àvivreseul.Sansvéritableshellane,sansdoggen. Il
aimaitàrépéterquevotreisolementétaitunepunitionquevousvousétiezimposéeàvous-même.
— Eh bien, il se gourait. (Le ton coupant de Kolher interrompit les propos aimables du
majordome.)Etsivousvoulezresterici,vousgarderezpourvousvosthéoriespsy,compris?
Fritzsursautacommes’ilavaitétégiflé.Ils’inclinaprofondémentets’apprêtaàsortirdelapièce.
—Mesexcuses,maître.Ilétaittoutàfaitprésomptueuxdemapartdem’adresserainsiàvous.
Laporteserefermadoucement.
Kolhers’appuyacontrelesofa,lafourchettedeAudazsserréedanslamain.
Ahbordel!Cefoutudoggenrendraitfouunsaint.
D’abord,iln’étaitpasseul.Nel’avaitjamaisété.
Lavengeanceluitenaitcompagnie.
M.Xregardalesdeuxétudiantsquis’entraînaient.Degabaritsimilaire,ilsavaienttouslesdeux
dix-huitansetétaientdeconstitutionvigoureuse,maisM.Xpouvaitprédirelevainqueur.
Eneffet,aprèsuncoupdepiedlatéral,vigoureuxetrapide,l’adversaireseretrouvaallongéau
sol.
M. X proclama la fin du match, sans rien ajouter, tandis que le vainqueur tendait la main au
perdantpourl’aideràseremettredebout.CettedémonstrationdecourtoisieagaçaM.Xauplushaut
point,etileutenviedelespunirtouslesdeux.
LepremiercodedelaSociétéétaitclair:l’adversaireenvoyéausoldevaitêtrefrappéjusqu’àce
qu’ilcessedebouger.C’étaitaussisimplequeça.
Néanmoins,ils’agissaitd’unentraînementetnondelavraievie.Sanscompterquelesparentsqui
laissaientleursfilstâterdelaviolencen’auraientpasmanquéderéagirsileursprécieuxrejetonsleur
avaientétéramenéslespiedsdevant.
Lesdeuxétudiantss’inclinèrentdevantM.X;levisageduperdantétaitrouge,rougeurquin’était
pasàmettresurlecomptedelafatigueuniquement.M.Xlaissalegroupelesfixer,carilsavaitquela
honteetlagêneconstituaientdesaspectsimportantsduprocessusderééducation.
Iladressaunsigneauvainqueur.
—Bontravail.Laprochainefois,tuferasensortedel’envoyeràterreplusvite.(Ilsetournavers
le perdant, le fixa de pied en cap, remarqua sa respiration lourde et les tremblements dans ses
jambes.)Tusaisoùaller.
Leperdantclignadesyeuxetsedirigeaverslacloisonvitréequidonnaitdanslehall.Commele
voulait le rituel, il resta debout face à la vitre, tête levée, pour que tous ceux qui entrent dans le
bâtiment puissent voir son visage. S’il essuyait les larmes qui coulaient sur ses joues, il devrait
recommencerlerituellorsdel’entraînementsuivant.
M. X scinda le groupe et commença à leur assigner les exercices. Il les observa, corrigea les
posturesetlapositiondesbras,maissonespritétaitailleurs.
Lanuitprécédenten’avaitpasétéuneréussite.Loindelà.
Lorsqu’il était rentré chez lui, il avait entendu sur la fréquence de la police que le corps de la
prostituée avait été trouvé peu après 3 heures du matin. Aucune mention du vampire. Peut-être les
éradiqueursavaient-ilsemportélecivilpourletorturer.
Il regrettait que les choses ne se soient pas déroulées comme il l’avait prévu, et ne souhaitait
qu’une chose, retourner sur le terrain. Il utiliserait de nouveau comme appât une femelle humaine
qu’il aurait assassinée peu de temps auparavant. Mais il devait absolument mieux doser les flèches
tranquillisantes.Ilavaitcommencéparunedoserelativementfaible,pouréviterdetuerlecivilavant
d’avoirpul’utiliser.Manifestement,ilétaitnécessaired’augmenterladose.
Maisc’étaitfoutupourcesoir-là.
M.Xregardaleperdant.
Cettesoiréeétaitconsacréeaurecrutement.Lesrangsdevaientêtreétoffésaprèsl’élimination,il
yavaitdeuxnuits,decettenouvellerecrue.
Dessièclesauparavant,lorsquelesvampiresétaientbienplusnombreux,laSociétécomptaitdes
centaines de membres, répartis sur l’ensemble du continent européen ainsi que dans les nouvelles
coloniesd’AmériqueduNord.Désormais,lapopulationvampireavaitdiminué,ainsiquel’effectifde
la Société. Question de pragmatisme. Il n’était pas bon de garder les éradiqueurs inactifs. Ceux-ci
étaientrecrutésspécifiquementsurleurpropensionàlaviolence,etleurinstinctmeurtriernepouvait
êtrelaisséenfrichedusimplefaitquelesciblessefaisaientrares.Unnombreassezélevéd’entreeux
avaitdûêtreéliminépouravoirtuéd’autreséradiqueursdansdesconflitsderivalité,quiéclataient
plusvolontiersenpérioded’inactivité.Poursedistraire,ilsavaientaussicommencéàs’enprendreà
deshumains.
Alorsquelapremièreréactionconstituaitundéshonneuretunenuisance,laseconderelevaitde
l’inacceptable. Non que l’Oméga se soucie des contingences humaines. Le contraire aurait été plus
exact.Maisladiscrétion,lesagissementsdansl’ombre,lesassassinatspromptementexécutésétaient
lasignaturedestueursdevampires.L’attentiondeshumainsétaittoujoursunemauvaisechose,etrien
detelquedesmortspourrendrelesHomosapiensnerveux.
Raison de plus qui expliquait que le management des nouvelles recrues soit si délicat. Celles-ci
faisaient généralement preuve de plus de haine que de concentration. Il était crucial de trouver le
momentopportunafindepréserverlanaturesecrètedelaguerrequiopposaitdepuisdessièclesles
vampiresàlaSociété.
Néanmoins,ilétaitnécessaired’étofferlesrangs.
M.Xregardaleperdantetsourit,attendantavecimpatiencelanuitàvenir.
Peuavant19heures,M.Xsedirigeaverslesfaubourgsettrouvafacilementle3461PillarStreet.
Il gara son minivan et attendit, passant le temps à observer la maison à deux étages. Elle était
caractéristique de l’Amérique moyenne. Quatre cent cinquante mètres carrés, nichés au centre d’un
petitterrainoùs’élevaitunarbremassif.Lesvoisinshabitaientassezprèspourlireaupetitdéjeuner
lamarquedecéréalesdesgaminsetlesoircelledelabièredesparents.
Unevienormaleetheureuse.Toutdumoinsenapparence.
Laportegrillagées’ouvritbrusquementetleperdantdel’entraînementdel’après-midis’élança
comme s’il s’échappait d’un navire en perdition. Sa mère lui emboîta le pas et resta sur le seuil à
regarderle4x4commes’ils’agissaitd’unebombeprêteàexploser.
M.Xabaissalavitreetadressaàlamèreunsignedelamain.Auboutd’uncourtinstant,ellelui
renditsonsalut.Leperdantmontantdansleminivan,lesyeuxbrillantsdeconvoitiselorsqu’ilaperçut
lessiègesencuiretlescommandesdutableaudebord.
—'Soir,ditM.Xendémarrant.
L’adolescent,avecdesgestesdésordonnés,finitparleverlesmainsetinclinerlatête.
—Sensei.
M.Xsourit.
—Contentquetuaiesputerendredisponible.
— Ouais, mais ma mère est une chieuse pas possible. Le perdant essayait d’avoir l’air cool et
accentuaitlesmotsgrossiers.
— Tu ne devrais pas parler d’elle de cette façon. Perplexe, l’adolescent eut besoin d’un peu de
tempspourajustersoncomportementdedur.
—Elleveutquejesoisrentréà23heures.Onestensemaine,etjedoistravaillerdemainmatin.
—Alorsnousveilleronsàcequetusoisrentréàl’heure.
—Oùonva?
—Del’autrecôtédelaville.Ilyaquelqu’unquej’aimeraisteprésenter.
Unpeuplustard,M.Xs’arrêtadansunelonguealléequiserpentaitentredesspécimensd’arbres
illuminés et des sculptures de marbre de facture antique. Au sol, des buissons taillés en forme
d’animauxressemblaientàdesdécorationssurungâteauenpâted’amandeverte:chameau,éléphant,
ours.Latailleavaitétéréaliséeparunexpert,etlesformesétaientextrêmementréalistes.
Siçac’estpasdel’entretien!songeaM.X.
— Waouh ! (Pour tout voir, le perdant exerça sur son cou moult torsions dignes d’une séance
d’entraînement.)Qu’est-cequec’est?Unparc?Vousavezvuça!Hé,c’estunlion!Voussavez,je
croisqueçameplairaitd’êtrevétérinaire,plustard.Çaseraitcooldesauverlesanimaux.
Le perdant se trouvait dans la voiture depuis moins de vingt minutes et M. X saturait déjà.
L’adolescentétaitcommedugravierdansdelasalade:quelquechosequ’onavaitenviederecracher
toutdesuite.
Etpasseulementparcequ’ilrépétait«voussavez»jusqu’àplussoif.
Aprèsuntournant,unedemeuremassiveenbriquesrougesapparut.
BillyRiddleétaitdehors,adosséàunecolonneblanche.Ilportaitsonjeantrèsbassurleshanches,
quidévoilaitl’élastiquedesessous-vêtements.Iljouaitavecuntrousseaudeclés,qu’ilbalançaitau
bout d’un cordon. Lorsqu’il aperçut le Hummer, il se redressa et un sourire se dessina sous le
pansementdesonnez.
Leperdantremuasursonsiègecommes’ilavaitétépiégé.
Billy se dirigea vers la portière avant du côté passager ; il bougeait son corps musclé avec
facilité. Lorsqu’il aperçut le perdant assis sur le siège avant, il lui jeta un regard noir. Le perdant
détachasaceinturedesécuritéetposalamainsurlapoignée.
—Non,déclaraM.X.Billyvas’asseoiràl’arrière.
Leperdantsecaladenouveausurlesiègeetsemorditlalèvre.
Commeleperdantnelibéraitpaslesiègeavant,Billyouvritlaportièrearrièred’uncoupsecet
monta.IlcroisalesyeuxdeM.Xdanslerétroviseuretl’hostilitésemuaenrespect.
—Sensei.
—Billy,commentvas-tucesoir?
—Bien.
—Parfait.Rends-moiserviceetremontetonpantalon.
Billyremontasaceintureetposasesyeuxsurlanuqueduperdant.Illaregardafixementcomme
s’ilvoulaityperceruntrouet,àenjugerparl’agitationdesdoigtsduperdant,celui-cilesavait.
M.Xsourit.
Toutestaffairedechimie,pensa-t-il.
CHAPITRE12
Bethsecaladanssonfauteuilets’étiralesbras.L’écrandesonordinateurscintillait.
Rienàdire,Internetétaitdrôlementpratique.
D’aprèslesrecherchesqu’elleavaiteffectuéesenligne,le816WallaceAvenueétaitlapropriété
d’un certain Fritz Perlmutter. Il l’avait acquise en 1979 pour un peu plus de 200 000 dollars.
Lorsqu’elle effectua une recherche sur le nom « Perlmutter » sur Google, elle trouva un certain
nombre de personnes dont le prénom avait pour initiale « F », mais aucune ne vivait à Caldwell.
Aprèsavoircherchépourriendansdesbasesdedonnéesgouvernementales,elledemandaàTonyde
piraterquelquessitespourelle.
Il s’avéra que Fritz était un type honnête qui respectait la loi. Sa situation financière était
irréprochable.Iln’avaitjamaiseudeproblèmesaveclesimpôtsniaveclapolice.N’avaitjamaisété
marié non plus. En outre, il appartenait au groupe privé de clients de la banque locale, ce qui
signifiaitqu’ilavaitbeaucoupd’argent.MaiscefuttoutcequeTonyréussitàdécouvrir.
Aprèsunrapidecalcul,elleenconclutqueletrèsrespectableM.Perlmutterdevaitavoirdansles
soixante-dixans.
Pourquoiquelqu’uncommeluiavait-ilaffaireàsonmaraudeurdeminuit?
L’adresseétaitpeut-êtrefausse.
Tuparlesd’unscoop!Untypevêtudecuirnoiretarméjusqu’auxdentsquibalançaitdefausses
infos?Impensable!
Quoiqu’ilensoitle816WallaceStreetetFritzPerlmutterétaittoutcequ’elleavait.
EncompulsantlesarchivesduCaldwellCourierJournal,elledécouvritplusieursarticlessurla
maison. Celle-ci figurait au registre national des demeures historiques comme un magnifique
exemple du style fédéral. Elle trouva également quelques chroniques sur les travaux réalisés après
son acquisition par M. Perlmutter. Bien évidemment, l’association historique locale essayait depuis
desannéesdevisiterlapropriétépourvoirlesrésultatsdestravaux,maisM.Perlmutteravaitdécliné
toutes les propositions. Dans les courriers au rédacteur en chef, la frustration sous-jacente des
mordusd’architecturesemêlaitàuneapprobationtimoréedesrestaurationsextérieurs.
Toutenrelisantleschroniques,BethpritunepastilleRenniequ’ellecroqualaréduisantenfine
poudrequivintselogerdanslesreplisdesesmolaires.Sonestomacfaisaitdenouveaudessiennes.
Etelleavaitfaim.Géniale,commecombinaison.
Peut-êtreétait-celafrustration.Danslefondellen’avaitrienapprisdeplus.
Quiddunumérodetéléphoneportablequel’hommeluiavaitdonné?Impossibleàtracer.
Danscenéantd’informations,elleétaitplusquejamaisdéterminéeàresteràl’écartdeWallace
Avenue.Elleéprouvaitcommeunvaguebesoind’allerseconfesser.
Elleregardal’heure.Presque19heures.
Cédantàlafaim,elledécidad’allerdîner.Autantfairel’impassesurlaSainte-Mèreetopterpour
lesnourrituresterrestres.
Ellesepenchapourregarderdel’autrecôtédelacloison.Tonyétaitdéjàparti.
Ellen’avaitpasdutoutenviederesterseule.
Suruneimpulsion,elledécrochaletéléphoneetappelalepostedepolice.
— Ricky ? C’est Beth. L’inspecteur O’Neal est dans le coin ? D’accord, merci. Non, pas de
message.Non.Lebipezpas.C’estpasimportant.
C’étaitaussibien.Dur-à-cuiren’étaitpasexactementlegenredecompagniefaciledontelleavait
besoin.
Ellejetauncoupd’œilàsamontre,l’espritabsorbéparlacoursedel’aiguilledesminutes.Les
heures de la soirée s’étiraient devant elle comme un parcours d’obstacles, heures à fuir et à
surmonter.
Sipossiblerapidement.
Peut-être qu’elle passerait chez le traiteur et irait voir un bon film après. Tout pour retarder le
moment de rentrer chez elle. En y réfléchissant, elle ferait probablement mieux de prendre une
chambredansunmotelpourlanuit.
Aucasoùl’hommereviendraitlachercher.
Elle venait de se déconnecter de son ordinateur lorsque le téléphone sonna. Elle décrocha à la
secondesonnerie.
—Ilparaîtquetumecherches.
LavoixdeButchO’Nealétaitrocailleuse,sedit-elle.Maisagréable.
—Hum,ouais.(Ellerepoussasescheveuxenarrière.)T’estoujourslibrepourdîner?
Sonriresonnacommeungrondementsourd.
—Jeseraidevantlejournaldansunquartd’heure.Ilraccrochajusteavantqu’ellepuisseglisser
uncommentaireanodindugenre«c’estjustehistoirededîner».
Aprèslecoucherdusoleil,Kolhersedirigeaverslacuisineenemportantleplateaud’argentavec
les restes de son repas. Dans la cuisine aussi, tout était top qualité. Typique de Audazs. Équipement
industriel en acier inoxydable. Profusion de placards et plan de travail en granit. Innombrables
fenêtres.
Tropdelumière.
Fritzsetenaitprèsdel’évier,occupéàrécurerquelquechose.Ilregardapar-dessussonépaule.
—Maître,vousn’aviezpasàrapporterleplateau.
—Çafaitrien.
Kolherdéposaleplateausurlecomptoirets’yappuya.Fritzarrêtal’eau.
—Désirez-vousquelquechose?
Àvraidire,etpourcommencer,ilauraitaiménepasêtreuntelabruti.
—Fritz,vousavezpasdesouciàvousfairepourvotreboulotici.Jevoulaisjustequevousle
sachiez.
— Merci, maître. (La voix du majordome était extrêmement calme.) Je ne sais pas ce que je
deviendrais si je n’avais plus personne dont m’occuper. Et j’ai la faiblesse de considérer cette
demeurecommemonfoyer.
— Elle l’est. Pour tout le temps que vous le voudrez. Kolher se retourna et se dirigea vers la
porte.IlétaitpresquesortidelapiècequandFritzpritlaparole.
—Vousaussiêtesicichezvous,maître.
Ilhochalatête.
—J’aidéjàunendroitoùcrécher.Pasbesoind’unautre.
Kolher,d’humeurbelliqueuse,s’engageadanslecouloir.Bonsang,ilvalaitmieuxqueBethsoit
saineetsauve.OuDieuvienneenaideàceluiquis’enétaitprisàelle.
Etsielleavaitdécidédel’éviter?Peuimportait.Bientôt,soncorpsallaitressentirunbesoinque
lui seul pourrait assouvir. Alors tôt ou tard, elle n’aurait d’autre choix que de revenir vers lui. Ou
mourir.
Ilsongeaàladouceurdesanuque.Ressentittoutelavoluptédesalanguecourantlelongdela
veinequipartaitdesoncœur.
Ses canines s’allongèrent comme si elle se trouvait devant lui en chair et en os. Comme s’il
pouvaitplantersesdentsdanssachairets’abreuvertoutsonsaouldesonsang.
Lecorpssaisidetremblements,Kolherfermalesyeux.Sonestomac,repudenourriture,semua
enundouloureuxpuitssansfond.
Iltentadesesouvenirdeladernièrefoisqu’ils’étaitnourri.Celafaisaitcertesuncertaintemps,
maisprobablementpasaussilongtempsqu’illepensait.
Ils’efforçaderecouvrersoncalme.Desemaîtriser.C’étaitcommetenterderalentiruntrainau
freinàmain,maisilparvintnéanmoinsàreprendresesespritsetàcalmersasoifdesang.
Lorsqu’ilrevintàlaréalité,ilfutenproieàunmalaise,commes’ilétouffait.
Cettefemelleconstituaitunvéritabledangerpourlui.Sielleavaitlepouvoirdesusciterceteffet
surluisansmêmesetrouverphysiquementdanslapièce,ellepourraitbienêtresonpyrocante…
Sondétonateur,enquelquesorte.Lavoieexpressversl’autodestructionassurée.
Kolhersepassalamaindanslescheveux.Quellefoutueironiedusortqu’ildésirecettefemelle
plusqu’aucuneautre.
Maisl’ironien’avaitpeut-êtrerienàyvoir.Peut-êtreétait-ceainsiquefonctionnaitcesystèmede
pyrocantes.Cetteenviedémentedeposséderletrucquipouvaitvousdétruireavaitdequoivousfaire
péteruncâble.
Aprèstout,oùseraitl’éclatesionpouvaitfacilementéviterd’yêtreaccro?
Ilétaitnul.IldevaitsedéchargerdelaresponsabilitédeBeth.Vitefait.Dèsquesatransitionserait
passée,illaconfieraitauxbonssoinsd’unautremâle.Uncivil.
L’imagetrashducorpsmeurtrietensanglantédujeunemâlesurgitdevantsesyeux.
Commentunfoutucivilarriverait-ilàlaprotéger?
Iln’avaitpaslaréponse.Maisquellesétaientlesautresoptions?Iln’allaitpaslagarderaveclui.
Ilpourraitpeut-êtreladonneràl’undesesfrèresd’armes.
Ah,ouais,etquichoisirait-ildanslelot?Rhage?Quil’ajouteraitàsonlongtableaudechasse
ou,pire,ladévoreraitparerreur?V.avectoussesproblèmes?
Zadiste?
Enplus,croyait-ilvraimentqu’ilpourraitsupporterl’idéequel’undecesguerriersselafaisait?
Ouais,tuparles.
Qu’est-cequ’ilétaitfatigué!
Viszs se matérialisa devant lui. Ce soir-là, il ne portait pas sa casquette de base-ball ; Kolher
parvintvaguementàdistinguerleréseaucomplexedestatouagesautourdesonœilgauche.
—J’aitrouvéBillyRiddle.(Desamaingantée,V.allumaunecigaretteroulée.Lorsqu’ilexpirala
fumée, une odeur de tabac turc se répandit dans l’air.) Il a été arrêté pour agression sexuelle il y a
quarante-huitheures.Ilhabitechezsonpapa,quisetrouveêtreunsénateurdesÉtats-Unis.
—Remarquablepedigree.
—Difficiledemieuxfaire.J’aiprislalibertéd’effectuerquelquesrecherches.NotreamiBillya
des antécédents au rayon délinquance juvénile. Violence. Agressions sexuelles. J’imagine que le
directeur de campagne du paternel se réjouit que le gamin ait dix-huit ans. Maintenant, toutes ses
infractionscommemajeursontinscritesdanssoncasier.
—T’asréussiàdégoteruneadresse?
—Ouais.(Viszssourit.)Tuvasréglersoncompteautype?
—Tul’asdit.
—Alors,allons-y.
Kolhersecoualatête.
—Jevousrejoindraitoietlesautresiciplustard.J’aiuntrucàfaireavant.
Ilsentitlesyeuxduvampirerivéssurlui,sonintelligenceviveanalysantlasituation.Detousses
frères d’armes, Viszs avait les capacités intellectuelles les plus développées, mais ce privilège lui
coûtaitcher.
Kolher, pour sûr, avait ses propres démons, mais jamais il n’aurait souhaité avoir à porter la
croixdeViszs.Lacapacitédevoirlesévénementsfutursétaitunterriblefardeau.
V.portaàseslèvreslacigaretterouléeetenexhalalentementlafumée.
—J’airêvédetoilanuitdernière.
Kolherseraidit.Ils’yattendaitplusoumoins.
—J’aipasenviedesavoir,monfrère.Vraimentpas.Levampireacquiesça.
—Souviens-toijusted’untruc,d’accord?
—Envoie.
—Deuxgardestorturéssebattrontl’uncontrel’autre.
CHAPITRE13
—Génial,ledîner,déclaraBethlorsqueButcharrêtasavoituredevantsonimmeuble.
Il acquiesça. Elle était intelligente, marrante, et belle à en tomber le cul par terre. Et s’il
franchissaitlaligne,ellen’hésitaitjamaisàlerenvoyerdanssescordes.
Elleétaitaussiincroyablementsexy.
Il gara la voiture, sans arrêter le moteur. Il se disait que couper le moteur pourrait donner
l’impressionqu’ilattendaitqu’elleluiproposed’entrer.
Cequi,biensûr,étaitlecas.Maisilnevoulaitpasqu’ellesesentemalàl’aisesicen’étaitpasce
qu’elleavaitentête.Voilàqu’ilsetransformaitenmecbien.
—T’asl’airsurprised’avoirpasséunbonmoment,déclara-t-il.
—Unpeu,oui.
Butchpromenasesyeuxsurelle,àcommencerparsesgenouxquidépassaientsousl’ourletdesa
jupe.Grâceàl’éclairagedutableaudebord,ildistinguaitlescontoursmagnifiquesdesoncorps,son
coulongetexquis,seslèvresàlaperfectioninégalée.Ilvoulaitl’embrasser,icidanslapénombre,
surlesiègeavantdesavoiturebanalisée,commes’ilsétaientdesadolescents.
Puisilvoulaitentreravecelledanssonappartementetnepasenressortiravantlepetitmatin.
—Merciencore,dit-elle.
Elleluiadressaunsourireettenditlamainverslapoignée.
—Attends.
Ilagitrapidement,pourqu’ellen’aitpasletempsdepenseretluinonplus.Ilpritsonvisagedans
sesmainsetcollasabouchecontrelasienne.
Kolhersematérialisadanslacourderrièrel’appartementdeBethetsentitcommeunpicotement
sursapeau.
Elle se trouvait tout près. Mais aucune lumière chez elle. Suivant une intuition, il fit le tour du
bâtiment.Ilaperçutuneberlinegaréedevant.Elleétaitàl’intérieur.Kolhers’engageasurletrottoir
et,commes’ilfaisaitunesimplepromenadenocturne,passadevantlavoiture.Ils’immobilisa,figé.
Savuerestreinteluisuffisaitpourvoirqu’untypeétaitvautrésurelle.Commesilepuissantdésir
sexueldumâlehumainneconstituaitpasunindicesuffisant.
Putain,ilpouvaitsentirledésirdecesalaudàtraverslacarrosserie!
Kolhers’élançaenavant.Sonpremierréflexeauraitétédedéfoncerlaportièreetdemassacrer
celuiquiavaitoséposerlesmainssurelle.Sortirletypeparlecolbacketluiarracherlagorge.
Maisauderniermoment,ilsecontraignitàopérerunreplidanslesténèbres.
Filsdepute.
Ilvoyaitrouge,littéralement,tantilétaitremonté.Qu’unautremâleembrasseceslèvres,caresse
cecorpsdesesmains…
Ungrondementsourdmontadesapoitrinejusqu’àseslèvres.
Elleestàmoi
Iljura.Bordel,maisdansqueluniversparallèlecroyait-ilvivre?Elleétaitsoussaresponsabilité
temporaire, mais elle n’était pas sa shellane. Elle pouvait se taper qui elle voulait. Où elle voulait.
Quandellevoulait.
Maisl’idéequ’ellepuisseaimercequecetypeétaitentraindeluifaire,qu’ellepuissepréférerle
goûtd’unbaiserhumain,suffisaitàfairebattrelestempesdeKolher.
Bienvenuedanslemondemerveilleuxdelajalousie,pensa-t-il.Leticketd’entréevousdonnedroit
à une migraine atroce, à une envie quasi irrépressible de commettre un meurtre et à un complexe
d’infériorité.
Super!
Bonsang,ilavaithâtederetrouversavied’avant.Àlasecondemêmeoùelleauraiteffectuésa
transition,ilsecasseraitdecetteville.Etprétendraitquejamais,augrandjamais,iln’avaitrencontré
lafilledeAudazs.
ButchO’Nealembrassaitsuperbien.
Ses lèvres étaient fermes, mais délicieusement douces. Il ne montrait pas trop d’empressement,
mais lui faisait comprendre qu’il était tout à fait prêt à aller plus loin et que ce n’était pas une
plaisanterie.
Detoutprès,ilsentaitbon,unmélanged’après-rasageetdelingepropre.Elleavançalesmains
pourletoucher.Soussespaumes,sesépaulesétaientlargesetmassives,soncorpslégèrementarqué
endirectiondusien.Toutenluiévoquaitlapuissanceet,àcemomentprécis,ellesouhaitaêtreattirée
parlui.Vraiment.
Malheureusement,elleneressentaitpascettedoucepointededésespoir,cetteenviedévorante.Pas
cequ’elleavaitéprouvélanuitprécédenteavec…
Tuparlesd’unmomentpourpenseràunautre…
Butchs’écartaetplissalesyeux.
—Çalefaitpas,pourtoi,pasvrai?
Elleeutunpetitrire.C’étaitduDur-à-cuiretoutcraché.Directcommeàsonhabitude.
—Tuembrassessuperbien,O’Neal,jetel’accorde.C’estdoncpasunequestiondetechnique.
Ilserassitderrièrelevolantetsecoualatête.
—Tuparlesd’uncompliment!
Maisiln’avaitpasl’airterriblementblessé.
Etmaintenantqu’elleavaitl’espritplusclair,elleseréjouissaitden’éprouveraucuneattirance.Si
elleenavaitpincépourlui,sielleavaitvouluêtreaveclui,illuiauraitbrisélecœur.Elleenétait
convaincue. Dans dix ans, s’il tenait jusque-là, il imploserait littéralement à cause du stress, de la
laideur et de la douleur de son boulot. Déjà, son job le dévorait. Année après année, la blessure se
faisaitplusprofondeetpersonne,personnenepouvaitl’empêcherdesombrer.
—Attentionoùtumetslespieds,Randall!S’exclama-t-il.C’estdéjàassezgravedesavoirqueje
t’excitepas.Maislapitiéquejelissurtonvisageestunevraietorture.
—Désolée,dit-elleensouriant.
—Jepeuxteposerunequestion?
—Vas-y.
—Çasepassecommententretoietleshommes?Est-ceque…t’aimesleshommes?Enfin,tu
nousaimes?
Elle éclata de rire en songeant à ce qu’elle avait fait la nuit précédente avec cet étranger. La
questiondesonorientationsexuelleavaittrouvéuneréponse.Fermeetdéfinitive.
—Ouais,j’aimeleshommes.
—Untypet’afaitquelquechose?Dumal?
Bethsecoualatête.
—Jepréfèregarderçapourmoi.
Ilbaissalesyeuxverslevolantetlaissacourirsamainautour.
—C’estvraimentmoche.Parcequet’esgéniale.Vraiment.
Ilseraclalagorgecommes’ilsesentaitmalàl’aise.
Penaud.Bonsang,Dur-à-cuireétaittoutpenaud.Sousl’impulsiondumoment,ellesepenchavers
luietl’embrassasurlajoue.
—Toiaussi,t’esvraimentgénial.
—Ouais,jesais.(Illuidécochalesourirequiétaitsamarquedefabrique.)Maintenant,bougeton
culetentredanscebâtiment.Ilesttard.
ButchregardaBethtraverserdevantlespharesdelavoiture,sescheveuxflottantauvent.
C’étaitvraimentunesupernana,pensa-t-il.Unenanavraimentbien.
Et, bon sang, il aurait pu jurer qu’elle avait vu ce qui l’attendait. Cette tristesse dans ses yeux
signifiaitqu’elleavaitvulatombeauborddelaquelleilsetenaitdéjà.Finalement,c’étaitaussibien
qu’ellenesoitpasattiréeparlui.Sinon,ilauraitpufaireensortequ’elletombeamoureusedelui,
histoiredenepasallertoutseulenenfer.
Ildémarralavoiture,sansretirersonpieddufreintandisqu’ellemontaitlesmarchesdel’entrée.
Elle avait posé la main sur la poignée et lui adressait un signe quand il aperçut quelque chose qui
bougeaitdansl’obscurité.
Ilarrêtalevéhicule.
Unhommevêtudenoirsedirigeaitversl’arrièredubâtiment.
Butchsortitdelavoitureet,ensilence,traversalapelouseencourant.
CHAPITRE14
Toute l’attention de Kolher tendait vers un seul objet Beth. Ce n’est qu’après avoir traversé la
moitiédelaCourqu’ilentenditl’humainderrièrelui.
—Police!Stop!
Puisilyeutcebruitpartropfamilierd’unrevolverpointésurlui.
—Faisvoirtesmains!
Lorsqu’il perçut l’odeur de l’homme, Kolher sourit. Au désir s’était substituée l’agressivité, et
l’enviedesebattreétaitdésormaisaussifortequ’avaitétésondésirsexuel.Décidémentcetypeétait
gonfléàbloccesoir-là.
—J’aiditstopetlesmainsenl’air!
Kolhers’immobilisaetportalamainàsonblousonpoursaisirl’unedesesarmes.Cetypeavait
beauêtreflic,ilallaitlebuteretfaireunejoliepetiteentailleàsonartère.
Àcemoment-là,Bethouvritlaportevitréecoulissante.
Kolhersentitsonodeuret,sur-le-champ,eutuneérection.
—Lesmainsenl’air!
—Qu’est-cequisepasse?demandaBeth.
— Rentre à l’intérieur, aboya l’humain. Les mains en l’air, connard ! Ou je te fais un trou à
l’arrièreducrâne.
Le flic se trouvait désormais à trois mètres et se rapprochait encore. Kolher leva les mains. Il
n’allaitpasletuerdevantBeth.Enoutre,leflingueseraitenpositionpourtireràboutportantdans
troissecondes.Mêmeluinepourraitsurvivreàunteltir.
—O’Neal…
—Bordeldemerde,Beth,barre-toi!
Une main lourde s’abattit sur l’épaule de Kolher, et celui-ci laissa le policier le pousser contre
l’immeuble.
—Tuvasmedirecequetufousàtraînerparici?ordonnal’humain.
—Jemepromène,réponditKolher.Ettoi?
LeflicsaisitlesbrasdeKolheretlestiraversl’arrière.Trèsvite,lesmenottessuivirent.Letype
étaitunvraiprodumétal.
KolherregardadansladirectiondeBeth.Decequ’ilpouvaitdistinguer,elleavaitserrésesbras
autour de son corps. L’air tout autour d’elle était alourdi par la peur, comme une couverture qui
l’enveloppaitdelatêteaupied.
C’étaitpasvraimentleplan,pensaKolher.Elleavaitdenouveaupeurdelui.
—Laregardepas,ordonnaleflic,quipoussalevisagedeKolhercontrelemur.C’estquoiton
nom?
—Kolher,réponditBeth.Ilm’adits’appelerKolher.
—T’asentenducequejet’aidit,bébé.Va-t’en,rétorqual’humaind’untonhargneux.
—Moiaussi,jeveuxsavoirquic’est.
—Jeteferaiunputainderapportdemainmatinpartéléphone,çateva?
Kolher grogna. Il ne pouvait nier que la faire rentrer était une foutue bonne idée. Mais il
n’appréciaitpasdutoutletonquelepolicierprenaitpourluiparler.
L’humainfouillalespochesdublousondeKolheretentiralesarmesuneàune.Troisshuriken,
uncouteauàcrand’arrêt,unpistolet,unechaîne.
—BordeldeDieu,murmuraleflictandisqu’illaissaittomberlachaîned’acier,quiallarejoindre
lerestedesarmes.T’asdespapiers?Maispeut-êtrequet’avaisplusdeplacepourunportefeuille,vu
tonartillerie!
Quandleflicmitlamainsuruneépaisseliassedebillets,iljuraencore.
—Jevaisaussitrouverdeladrogue,j’imagine,out’asdéjàtoutvenducesoir?
Kolher laissa le flic le retourner et le pousser violemment, dos au mur. Il le regarda fixement
tandisqu’ilretiraitlesdaguesdesonholsteretpensaàl’intenseplaisirqu’iléprouveraitlorsqu’illui
déchireraitlagorgedesesdents.Ilsepenchaenavant,coutendu.Ilnepouvaitpass’enempêcher.
—O’Neal,attention!s’écriaBeth,commesielleavaitludanssespensées.
LeflicplaqualecanondesonpistoletsurlecoudeKolher.
—Alors,tonnom?
—Tum’arrêtes?
—Toutjuste!
—Pourquelmotif?
—Voyonsvoir.Intrusiondansunepropriétéprivée.Détentiond’armes.T’asunpermis?Jeparie
quenon.Etgrâceàcesshuriken,jediraimeurtre,aussi.Ouais,çadevraitlefaire.
—Meurtre?murmuraBeth.
—Tonnom?ordonnaleflic,quilevalesyeuxverslui.
—Tudoisêtremédium,réponditKolheravecunsourirepincé.
—Quoi?
—Àproposdel’accusationdemeurtre.(Kolherritdoucementet,lavoixrauque,ajouta:)Tut’es
déjàtrouvédansunehoussemortuaire,inspecteur?
Delarage,bruteetintense,suintadesporesdel’homme.
—T’avisepasdememenacer!
—C’estpaslecas.
Lecrochetdugauchefenditl’airàlavitessed’uneballedebase-balletKolhernefitrienpour
l’éviter. Le poing puissant du flic vint s’écraser contre sa mâchoire et projeta sa tête en arrière. La
douleurexplosadanssatête.
—Butch,arrête!
Bethseprécipitaencourant,commesielleenvisageaitdes’interposerentrelesdeux,maisleflic
lamaintintàdistanceetlarepoussa.
Kolhercrachadusang.
—Ilaraison.Rentre.
Parcequeçaallaitsaigner.
Dèsledébut,aveccequ’ilavaitentrevudecepelotageenrègle,leflicneluirevenaitpas.Mais
s’il osait encore une fois parler à Beth sur ce ton, Kolher se ferait un plaisir de faire goûter à sa
denturelesjoiesdelaliberté.Après,seulement,iltueraitcefilsdepute.
—Rentre,Beth,ditKolher.
—Ferme-là!hurlaleflic.
—Quoi,tuvasencoremefrappersijelabouclepas?Leflicrapprochasonvisagedeceluide
Kolher.
—Non,jevaistedescendre.
—Çameva.J’aimelesblessuresparballe.(Kolherbaissalavoix.)Maispasdevantelle.
—Vatefairefoutre.
Mais le flic recouvrit les armes et l’argent avec son manteau. Puis il saisit le bras de Kolher et
l’embarqua.
Bethcrutqu’elleallaitvomirlorsqu’ellevitButchemmenerKolher.
Entre les deux hommes, l’agressivité avait la consistance du plomb et, alors même que Kolher
était menotté et tenu en respect par une arme, Beth craignait pour la sécurité de Butch. Elle avait
l’impressionqueKolherselaissaitarrêterdesonpleingré.
MaisButchdoitprobablementlesavoir,pensa-t-elle.Sinon,ilauraitreplacésonarmedansson
holsteraulieudelaisserlecanonappuyécontrelatempedeKolher.
Elle savait que Butch n’était pas un tendre avec les criminels, mais est-ce qu’il était dingue au
pointd’entuerun?
À en juger par l’expression meurtrière qu’elle lisait sur son visage, la réponse était un « oui »
franc et massif. En outre, il réussirait probablement à s’en tirer. Une mort brutale guettait ceux qui
avaientfaitlechoixdelaviolenceet,manifestement,Kolhern’avaitrienducitoyenmodèle.Sionle
retrouvaitavecuneballedanslanuquedansuneruelleouflottantdanslefleuve,quis’enétonnerait?
Cédantàsoninstinct,Bethsedirigeaencourantdevantlebâtiment.
Butch avançait vers son véhicule comme s’il portait une charge instable ; elle courut pour le
rattraper.
—Attends,jeveuxluiposerunequestion.
—Quoi?Tuveuxconnaîtresapointureouquoi?AboyaButch.
—Quarante-neuf,articulaKolherd’unevoixtraînante.
—Jem’ensouviendraipourNoël,connard.
Bethbonditpourseplacerdevanteuxetlescontraindreàs’arrêterouluipassersurlecorps.Elle
fixaKolherdroitdanslesyeux.
—Qu’est-cequetumevoulais?
Elleauraitjuréquesonregard,derrièreseslunettesdesoleil,s’étaitadouci.
—Jevoulaispasqueleschosessepassentcommeça.
Butchlapoussad’ungestevigoureuxdelamain.
—J’aiuneidée:situmelaissaisfairemonboulot?
—Latouchepas!grondaKolher.
—Ouais,causetoujours.
ButchpoussaKolhersansménagement.
Lorsqu’ilsatteignirentlavoiture,Butchouvritlaportièrearrièreetpoussalecorpsimposantde
Kolheràl’intérieur.
—Quies-tu?hurla-t-elle.
Kolher la regarda, parfaitement immobile, en dépit du rempart que formait le corps de Butch
devantlui.
—C’esttonpèrequim’aenvoyé,articula-t-ildistinctement.
Puisils’installasurlesiègearrière.
Betheneutlesoufflecoupé.
ElleeutvaguementconsciencequeButchclaquaitlaportièrearrièreetqu’ilsedirigeaitversle
siègeduconducteur.
—Attends!s’écria-t-elle.
Maislavoitureavaitdéjàdémarré,etsespneusavaientcrisséetlaissédesmarquessurl’asphalte.
CHAPITRE15
Butchdécrochalecombinéetdemandaaucentrald’envoyerimmédiatementunpolicierdansla
courdel’immeubledeBethpourcollecterlesarmesetl’argentquisetrouvaientsoussonmanteau.
En conduisant, il gardait un œil sur la route et l’autre sur le rétroviseur intérieur. Le suspect le
regardaitfixement,unlégersouriresursonvisagehostile.
Bon sang, ce type était gigantesque. Il occupait la quasi-totalité du siège arrière, la tête inclinée
pouréviterdesecognercontreletoitlorsquelavoitureroulaitdansdesornières.
Butchavaithâtedelefairesortirdelafoutuevoiture.
Moinsdecinqminutesplustard,ilobliquadansTradeStreetetsegarasurleparkingdupostede
police,aussiprèsquepossibledelaportedederrière.Ilsortitduvéhiculeetouvritlaportièrearrière.
—Tiens-toitranquille,OK?dit-ilensaisissantlebrasdeKolher.
Kolherseleva.Butchlepoussa.
Maislesuspectreculaets’éloignaduposte.
—Pasparici.
Butchl’agrippa,enfonçantsestalonsdanslebéton,tirantdetoutessesforces.
Maislesuspectétaitdotéd’uneforcephénoménale.Ilavançaitrésolument,traînantButchderrière
lui.
—Tucroisquejevaishésiteràtirer?demandaButchalorsqu’ilportaitlamainàsonarme.
Puistoutbasculaenuninstant.
JamaisButchn’avaitvuquelqu’unbougeràcettevitesse.L’instantd’avant,letypeavaitlesmains
menottéesderrièreledos;celuid’après,lesmenottesgisaientausol.
Avec une totale économie de mouvements, Butch se retrouva désarmé, victime d’une prise
d’étranglementfulguranteetentraînédansl’ombre.
L’obscuritélesavala.Toutensedéfendant,Butchserenditcomptequ’ilsetrouvaitdanslaruelle
étroiteséparantlepostedepolicedubâtimentdebureauxadjacent.Ellen’étaitlargequed’unmètre
cinquante,maislongued’unevingtainedemètresenviron.Sanséclairage.Nifenêtres.
Quand Butch vint heurter avec force le mur de briques, le peu de souffle qu’il avait réussi à
reprendre fut expulsé brutalement hors de ses poumons. Il fut soudain soulevé du sol ; d’une seule
main,sonadversaireletenaitparlecou.
—T’auraisdûresterendehorsdeça,inspecteur,grondal’homme.T’auraisdûpassertonchemin
etlalaisserveniravecmoi.
Butchcherchaitàs’agripperàlapoignedefer.Lamainpuissanteplaquéecontresagorgeluiôtait
peu à peu la vie. Butch s’étranglait, suffoquait. Sa vue commençait à se brouiller et il sentait qu’il
allaitperdreconscience.
Il savait qu’il ne pourrait pas s’en sortir, cette fois. On le sortirait de la ruelle dans un sac
mortuaire.Commecethommeleluiavaitpromis.
L’instantd’après,Butchcessaderésister,brasballants.Ilvoulaitlutter.Ilenavaitlavolonté.Mais
pluslaforce.
Quantàlamort,elleluiétaitindifférente.Ilallaitmourirenservice,certescommeuncrétinqui
n’avaitpasdemandéderenfort.Maiscettemortétaitplusrapideetpréférableàunelongueagoniesur
unlitd’hôpital,causéeparunemaladieincurable.Etbienplushonorablequelesuicide,optionque
Butchavaitdéjàconsidéréeunefoisoudeux.
Avec son dernier souffle de vie, il se força à regarder fixement le visage de l’homme.
L’expressionqu’ilvitfutcelled’unemaîtrisetotale.
Cetypeenestpasàsoncoupd’essai,songeaButch.Etlemeurtreluiposeaucunproblème.
Bonsang,Beth.
Qu’est-cequ’unhommecommeluiétaitcapabledefaireàBeth?
Kolhersentitlecorpsdupolicierserelâcher.Ilétaitencoreenvie,maisàpeine.
L’absence totale de peur chez cet humain était remarquable. Le flic avait eu la haine de se faire
avoircommeça,s’étaitdéfenducommeunpro,maisjamaisiln’avaiteupeur.Alorsquedésormais
l’Estompeétaitsurlui,ilétaitrésignéàmourir.Voirepeut-êtresoulagé.
Bonsang.Kolherpouvaittoutàfaitimaginerressentirlamêmechose.
Quelgâchisdetuerquelqu’uncapabledemourircommeunguerrier.Sanspeurnihésitation.De
telshommesétaientrares,vampiresethumainsconfondus.
Laboucheduflicsemitàremuer.Ilvoulaitparler.Kolhersepenchaverslui.
—Lui…faispas…demal.
—Jesuislàpourlasauver,sesurpritKolheràrépondre.
—Non!
Unevoixrésonnadanslaruelle.
Kolhertournalatête.Bethcouraitdansleurdirection.
—Lâche-le!
Ildesserrasonempriseautourducoudupolicier.Iln’avaitpasl’intentiondetuercetypedevant
elle.IlavaitplusbesoinqueBethluifasseconfiancequed’envoyerceflicrencontrersoncréateur.
Beth s’arrêta devant eux et Kolher baissa le bras ; l’humain tomba à terre. Des halètements
entravésetdesrâlesrésonnèrentdanslaruelle.
Elles’agenouillaprèsdupolicierenregardantversKolher.
—Tuasfailliletuer!
Kolherjura;ilsavaitqu’ildevaitsebarrervitefait.D’autresflicsallaientsûrementsepointer.
Ilregardaàl’autreboutdelaruelle.
—Ettupensesalleroùcommeça?
LacolèredeBethrendaitsavoixaussiacéréequ’unelame.
—Tuveuxquejerestedanslecoinpourqu’onm’arrêteencore?
—Tuméritesd’allerentaule!
Chancelant, le policier s’efforça de se mettre debout, mais ses genoux flanchèrent. Mais il
repoussalesmainsdeBethquandellevoulutl’aider.
Kolher devait trouver un endroit obscur pour se dématérialiser. Si Beth avait été secouée de le
voir s’apprêter à tuer un homme, elle aurait la trouille de sa vie en le voyant disparaître sous ses
yeux.
Kolherseretournaets’éloignaàgrandesenjambées.Iln’aimaitpasl’idéedelalaisserici,mais
quefaired’autre?S’ilsefaisaitbuter,quiveilleraitsurelle?Ilnepouvaitpassepermettred’alleren
prison. Les cellules étaient équipées de barreaux d’acier et, à l’aube, jamais il ne pourrait se
dématérialiser. Face à ces deux éventualités, si des policiers tentaient de l’appréhender ici et
maintenant,sonseulchoixseraitdetouslesmassacrer.
Quepenserait-elledeluialors?
—Resteoùtues!hurla-t-elle.
Tandisqu’ilcontinuaitàavancer,ilentenditlespasdeBeth,quis’approchaitencourant.
—Jet’aiditderesteroùtues!
Ellel’agrippaparlebrasettiraavecforce.
Kolherlaregardafixement,rendufurieuxparlatournurequ’avaientpriselesévénements.Grâce
àcettepetitescèneavecsonpotelepolicier,Bethétaitdésormaisterrifiéeparlui,etveillersurelle
allait être une vraie galère. Il doutait de disposer du temps nécessaire pour la convaincre de
l’accompagnerdesonpleingré.Ildevraitdoncpeut-êtreserésoudreàl’emmenercontresavolonté
quandviendraitlemomentdelatransition.Etçan’allaitpasêtrelajoie,nipourl’unnipourl’autre.
Lorsquel’odeurdeBethparvintjusqu’àsesnarines,ilsutimmédiatementquecechangementétait
imminent. Peut-être devait-il l’emmener avec lui maintenant. Kolher regarda autour de lui. Il ne
pouvaitpasvraimentlachargersursonépauleici,àmoinsdequinzemètresdupostedepolice.Et
passouslesyeuxdecefoutuflic.Non,ildevraitrevenirjusteavantl’aubeetl’enlever.
Puis il l’enchaînerait dans les appartements de Audazs s’il devait en arriver à cette extrémité ;
c’étaitsoitça,soitellemourrait.
—Pourquoitum’asmenti?hurla-t-elle.Tun’aspasconnumonpère.
—Si.
—Menteur,éructa-t-elle.Tun’esqu’untueuretunmenteur.
—Aumoins,lapremièrepartieestjuste.
Bethécarquillalesyeuxd’effroi,l’horreurétaitlisiblesursonvisage.
—Cesshuriken…danstespoches.TuastuéMary,pasvrai?
Ilfronçalessourcils.
—J’aipastuédefemmes.
—J’airaisonpourladeuxièmepartieaussi.
Kolherjetauncoupd’œilaupolicier,encoresonnéàterre,maisquicommençaitàrécupérer.
Merde,pensa-t-il.EtsiBethn’avaitpasjusqu’àl’aube?Etsielledisparaissaitetqu’iln’arrivait
pasàlaretrouver?
Ilbaissalavoix.
—Tuaseudenombreusesfringalesdernièrement,pasvrai?
Ellesursauta.
—Quoi?
—T’astoutletempsfaim,maistugrossispas.Ettuesfatiguée.Trèsfatiguée.Lesyeuxtebrûlent
aussi,surtoutdanslajournée.(Ilsepenchaverselle.)Turegardesdelaviandecrueettutedemandes
quelgoûtçaa.Tuasmalauxdents,surtoutàcellesduhaut.Tesarticulationstefontmalettutesensà
l’étroitdanstoncorps.Toujoursplus.
Ellecillaetouvritlabouche.
Derrièreelle,lepolicierseremitsursespieds,chancelaetretombaausolsurlecul.Kolherparla
plusvite.
—T’asl’impressiondenepasêtrecommelesautres,pasvrai?Commesilesautresavançaientà
une vitesse différente, plus lentement. Tu penses être anormale, différente, à part. Tu tiens pas en
place.Tusensquequelquechosevat’arriver,quelquechosedeprodigieux,maistuignoresceque
c’est ou comment l’arrêter. Dans ton lit, t’arrives pas à trouver le sommeil, effrayée par tes rêves,
perdue dans un environnement familier. (Il s’interrompit.) T’as presque jamais senti d’attirance
sexuelle,maisleshommestetrouventincroyablementdésirable.Lesorgasmesquejet’aidonnésla
nuitdernièreétaienttespremiers.
C’était tout ce dont il pouvait se rappeler de son existence dans le monde des humains avant sa
transition.
Elleleregardafixement,abasourdie.
—Situveuxsavoircequit’arrive,tudoisveniravecmoi.Maintenant.Tuvasêtremalade,Beth.
Etjesuisleseulàpouvoirt’aider.
Ellereculad’unpas.Regardalepolicier,quisemblaitgoûterauxjoiesdelapositionallongée.
Kolherlevalesmains.
—Jeteferaiaucunmal,jetelepromets.Sijevoulaistetuer,j’auraispulefairededixmanières
différenteslanuitdernière.
Elle tourna de nouveau la tête dans sa direction, et il ferma les yeux lorsqu’il sentit qu’elle se
souvenait avec précision de tous les événements de la nuit précédente. Son désir parvenait à ses
narinescommeundouxeffluve.Puisilcessabrusquement.
—TuallaistuerButch.
Enréalité,iln’enétaitpassisûr.Lesbonsadversairesétaientrares.
—C’estfaux.
—T’auraispu.
—Quelleimportance?Ilrespireencore.
—Seulementparcequejesuisarrivéeàtemps.
Kolhergrogna,puissedécidaàjouersameilleureCarte.
—Jevaisteconduireàlamaisondetonpère.
Bethécarquillalesyeux,puislesplissadenouveau,soupçonneuse.
Elleregardaencoreendirectiondupolicier.Ilavaitréussiàseremettredebout,unemainappuyée
contrelemur,latêteinclinéecommesielleétaittroplourdepoursoncou.
—Monpère,hein?
Savoixétaitempreinted’incrédulité.
Maisaussidecequ’ilfallaitdecuriositépourqu’ilsachequ’ilavaitréussiàl’appâter.
—Letempspresse,Beth.Ilyeutunlongsilence.
Lepolicierlevalatêteetregardaversleboutdelaruelle.
Dans une minute ou deux, ce type allait tenter une nouvelle arrestation. Sa détermination était
palpable.
—Jem’envaismaintenant,déclaraKolher.Viensavecmoi.
Elleseraplusfortsonsaccontreelle.
—Justepourqueleschosessoientclaires,j’aiaucuneconfianceentoi.
Ilacquiesça.
—Pourquoit’auraisconfiance?
—Etj’aidéjàeudesorgasmesavant.
—Alorspourquoit’asététellementsurprised’enavoir?demanda-t-ild’unevoixdouce.
—Vite,murmura-t-elle,s’éloignantdel’inspecteur.OntrouverauntaxisurTradeStreet.J’aipas
demandéàceluiquim’aconduiteicid’attendre.
CHAPITRE16
Tandis qu’elle avançait à toute allure dans la ruelle, Beth savait qu’elle jouait avec sa vie. Les
probabilitésétaientfortespourqu’ellesefasseavoir.Paruntueur.Maiscommentpouvait-ilsavoirà
cepointcequ’elleressentait?
Avantdetournerlecoindelarue,ellejetaundernierregardàButch.Lamaintendueverselle,il
cherchaitàl’atteindre.L’obscuritédissimulaitsestraits,maissonélandésespéréversellefranchitla
distancequilesséparait.Ellehésita,ralentissantlerythme.Kolherlasaisitparlebras.
—Beth.Viens.
Quelecielluivienneenaide!Elleseremitàcourir.
Àl’instantoùilsdébouchèrentdansTradeStreet,ellehélauntaxi.Dieumerci,ils’arrêtanet.Ils
s’engouffrèrent à l’intérieur, puis Kolher donna au chauffeur une adresse située à quelques rues
seulementdecellequ’ilavaitprécédemmentindiquéeàBethsurWallaceAvenue.
Manifestementunetactiquedesécurité.
Ildoitenavoiràrevendre,decestactiques,songea-t-elle.
Tandisqueletaxidémarrait,ellesentitsonregardpesersurelle.
—Ceflic,demanda-t-il,ilestimportantpourtoi?
Elle prit son téléphone portable dans son sac et composa le numéro du standard du poste de
police.
—Jet’aiposéunequestion,dit-ild’untonsec.
— Va te faire foutre. (Lorsqu’elle entendit la voix de Ricky à l’autre bout du fil, elle prit une
profondeinspiration.)Est-cequeJoséestlà?
Ilfallutmoinsd’uneminutepourmettrelamainsurluietilétaitdéjàdehorsàchercherButch
lorsqu’elle mit fin à la communication. José n’avait pas posé beaucoup de questions ; celles-ci
viendraient en temps et en heure, elle le savait pertinemment. Et comment allait-elle pouvoir lui
expliquerqu’elles’étaitenfuieavecunsuspect?
Cequi,vraisemblablement,faisaitd’elleunecomplice.
Beth remit son téléphone dans son sac. Ses mains tremblaient et elle se sentait comme prise de
vertige. Elle n’arrivait pas à reprendre son souffle non plus, alors même que le taxi avait l’air
conditionnéetqu’ilfaisaitfraisàl’intérieur.Elleouvritlavitre;del’airchaudethumides’engouffra
dansl’habitacleetluiébouriffalescheveux.
Qu’est-cequ’elleavaitfait?Avecsoncorpslanuitprécédente?Avecsavieàcetinstantmême?
Qu’est-cequiallaitsuivre?L’incendiedesonappartement?
Elle se détestait d’avoir mordu à l’hameçon, le seul auquel elle était incapable de résister. Car
manifestement cet homme était un criminel. Qui la terrifiait, mais dont pourtant elle ne pouvait
oublierl’ardeurdesbaisers.
Etellelehaïssaitd’avoircomprisquesesorgasmesétaientlespremiers.
—Arrêtez-vousici,ordonnaKolherauchauffeurdixminutesplustard.
Bethréglalacourseavecunbilletdevingtdollarsetpensaquec’étaitunechancequ’elleaitde
l’argent sur elle. L’argent de Kolher, ce gros paquet de billets, se trouvait dans la cour de son
appartement.Iln’auraitpaspuréglerlacourse.
Était-ellevraimentsurlepointd’accompagnercethommechezlui?
Letaxidémarraetilss’engagèrentsuruntrottoirbienentretenud’unquartierrésidentielluxueux.
Le changement de décor frisait l’absurde, entre la violence de la ruelle obscure et ces gazons et
massifsproprets.
Elleétaitprêteàparierqueleshabitantsdecequartiern’avaientjamaisfuilapolice.
EllejetaunregardàKolher,quilasuivaitàquelquespas.Ilinspectaitlesalentours,commes’il
s’attendait à être attaqué, même si elle se demandait ce qu’il pouvait bien voir derrière ses lunettes
noires.Ellenecomprenaitpaspourquoiils’obstinaitàlesporter.Outrenuireàsavue,ceslunettes
constituaient un signe distinctif majeur. Quiconque croisait le couple serait en mesure de décrire
l’hommeavecprécisionenunclind’œil.
Mêmesiseslongscheveuxnoirsetsahautestatureauraientsuffi.
Elle tourna la tête. Dans son dos, le bruit des bottes martelant le béton résonnait comme des
poingscontreuneportemassive.
—Alors,ceflic?(LavoixdeKolher,profonde,résonnatoutprès.)C’esttonamant?
Bethfaillitéclaterderire.Bonsang,ilavaitl’airjaloux.
—J’aiaucuneintentiondeterépondre.
—Pourquoi?
—Parcequerienm’yoblige.Jeteconnaispas.Jetedoisrien.
—T’asapprisassezbienàmeconnaîtrelanuitdernière,rétorqua-t-ild’untonsec.Etmoi,j’ai
apprisàtrèsbienteconnaître.
Terrainglissant, pensa-t-elle alors qu’elle sentit une excitation immédiate entre ses jambes. Bon
Dieu,toutesleschosesquecethommesavaitfaireavecsalangue…
Elle croisa les bras sur la poitrine et regarda fixement une demeure de style colonial très bien
conservée. De la lumière filtrait de plusieurs fenêtres, rendant l’ensemble accueillant et familier.
Probablementparcequecesdemeuresfamilialesétaientuniverselles.Etuniversellementattirantes.
Ellenediraitpasnonàunpetitséjourd’unesemainedansl’unedecesbâtisses.
—Lanuitdernièreétaituneerreur,déclara-t-elle.
—C’estpasvraimentl’impressionquej’aieue.
—Ehbientutegoures.Surtoutelaligne.
Il tendit le bras vers elle avant même qu’elle se rende compte qu’il avait esquissé le moindre
mouvement. Elle marchait et, l’instant d’après, se retrouvait dans ses bras. D’une main, Kolher la
saisitàlabaseducou;del’autre,ilattirafermementsonbassincontrelesien.Sonsexeenérection
étaitcommeunelanièreépaissetoutcontresonventre.
Ellefermalesyeux.Lemoindrecentimètredesapeaupritvie,lachaleurinondanttoutsoncorps.
Elledétestaitl’effetqu’ilproduisaitsurellemais,commelui,elleétaitincapabledecontrôlerquoi
quecesoit.
Elleattenditqu’ilplaquesabouchecontrelasienne,maisils’abstint.Ilapprochaseslèvresdeson
oreille.
—Mefaispasconfiance.M’aimepas.Jem’entape.Maismemensjamais.(Ilprituneprofonde
inspiration,commes’ill’attiraitàl’intérieurdelui.)Encemomentmême,jepeuxsentirtondésir.Je
pourraist’allongersurcetrottoiretêtresurtoienmoinsd’uneseconde.Ettumerepousseraispas,
pasvrai?
Non,probablementpas.
Parcequ’elleétaitstupide.Etquemanifestementelleavaitenviedemourir.
LeslèvresdeKolhers’attardèrentsursoncou.Puisilsemitàeffleurerlégèrementsapeauavec
salangue.
—Dedeuxchosesl’une:ouonselajouecivilisésetonattendd’êtrerentrésouonfaitçaici.Les
deuxmevont,etj’aiuneenviedingued’êtreentoi,ettoi,tudiraspasnon.
Bethagrippasesépaulesàtraverssonblousondecuir.Elleauraitdûlerepousser,maiselleen
étaitincapable.Ellel’attiraplusprèsencorecontresoncorps,poussantsesseinscontresontorse.
Il laissa échapper un râle de désespoir, à mi-chemin entre un grognement de satisfaction et une
supplicationdouloureuse.
Ah,pensa-t-elle,retrouvantunpeudepouvoir.
Elles’écartadeluisatisfaite,maisàsoncorpsdéfendant.
—Laseulechosequirendecettesituationquelquepeusupportableestlefaitquetumeveuilles
encoreplus.Ellerelevalementonetseremitàavancer.Ellesentaitsesyeuxsursoncorps,comme
s’illatouchaitdesesmains.
—T’asraison,confirma-t-il.Jetueraispourt’avoir.Bethfitvolte-face,pointantsurluiundoigt
accusateur.
—Onyest!Tunousasvus,Butchetmoi,nousembrasserdanslavoiture,c’estça?
Kolherhaussaunsourcilinterrogateur.Puisesquissaunlégersourire,ens’abstenanttoutefoisde
répondre.
—C’estpourçaquetul’asattaqué?
—J’aiseulementessayéderésisteràl’arrestation.
—Àd’autres,murmura-t-elle.Alors,c’estça?Tul’asvum’embrasser?
Kolher s’approcha d’elle, réduisant l’espace entre leurs deux corps. Tout en lui exhalait la
menace.
—Ouais,jel’aivu.Etj’aidétestélevoirtetoucher.Satisfaite?Vas-y,assènelecoupdegrâceet
dis-moiqu’ilestmeilleuramantquemoi.Çaseraitunmensonge,biensûr,maisçameferaitquand
mêmeunputaindemaldechien.
— Mais qu’est-ce que ça peut bien te faire ? demanda-t-elle. Toi et moi on a passé qu’une nuit
ensemble.Mêmepas!Justequelquesheures.
Il serra la mâchoire. Elle savait qu’il grinçait des dents, à en juger par la façon dont ses joues
creusées remuaient. Mieux valait qu’il porte ses lunettes de soleil, car elle savait qu’il l’aurait
assassinéeduregard.
Lorsqu’une voiture passa dans la rue, elle se rappela qu’il était recherché par la police et que,
techniquement,elleaussi.Maisqu’est-cequileurarrivait,desedisputersurletrottoir…commedeux
amants?
—Écoute,Kolher,jeveuxpasmefairearrêtercettenuit.(Jamaisellen’auraitpenséqu’elledirait
çaunjour.)Onaqu’àcontinueràmarcher.Avantqu’onnoustrouve.
Elleseretourna,maisilluisaisitfermementlebras.
—Tulesaispasencore,déclara-t-ild’unevoixsombre,maistuesàmoi.
Pendantunefractiondeseconde,ellesentitsoncorpsoscillerverslui.
Puiselleseressaisitetsecoualatête.Elleenfouitsonvisagedanssesmains,commepoureffacer
lavisiondelui.
Ellesesentaitmarquée,maisleplusdinguedanstoutecettehistoire,c’étaitqu’elles’enfoutait.
Carelleaussilevoulait.
Cequinelaissaitrienprésagerdebonsursonétatmental.
MonDieu,commeelleauraitaimérevenirenarrière.Siseulementellepouvaitseretrouverdeux
joursplustôt,assiseàsonbureau,avecDicketsonnumérodebosslibidineux.
Elleferaitdeuxchosesautrement.D’unepart,elleappelleraituntaxiaulieuderentreràpiedchez
elle,etjamaissaroutenecroiseraitcelledeBillyRiddle.D’autrepart,unefoisrentréechezelle,elle
ferait son sac et se rendrait dans un motel. Et ce dealer de drogue Don Juan sur les bords ne la
trouveraitjamais.
Ellevoulaitseulementretrouversaviepitoyableetennuyeuse.Ridicule,n’est-cepas?Alorsqu’il
n’yavaitpassilongtempsellepensaitquechangerdevieétaitleseulmoyendesesauverelle-même.
— Beth. (Sa voix était moins tendue.) Regarde-moi. Elle secoua la tête et ôta les mains de son
visage.
—Toutirabien.
—Ouais,c’estça.Encemomentmême,unmandatd’arrêtaprobablementétédélivrécontremoi.
J’errelanuitàtraverslavilleavecuntypecommetoi.Ettoutçaarriveparcequejesuisprêteàtout
pour en savoir plus sur mes parents décédés, et que je suis prête à risquer ma vie s’il existe une
chanceinfimedegrappillerunpeud’informations.Jet’assurequejesuistrèstrèsloindecroireque
toutirabien.
IllaissacourirsondoigtsurlajouedeBeth.
—Jeteferaipasdemal.Jenelaisseraipersonnetefairedumal.
Ellesefrottalefrontetsedemandasiellesesentiraitdenouveaunormaleunjour.
— Si seulement tu n’étais jamais apparu sur le seuil de ma porte. J’aurais aimé ne jamais te
rencontrer.
Illaissaretombersamain.
—Onestpresquearrivés,répondit-ild’untonlaconique.
Butchcessad’essayerdesereleverets’effondra.
Ilrestaassislàunpetitmoment,àrespirer.Ilsemblaitincapabledefairelemoindremouvement.
Non parce que sa tête était douloureuse, bien qu’elle le soit. Ni parce que ses jambes étaient
faibles,cequiétaitlecas.
Ilavaithonte.
Cen’étaitpastantdes’êtreprisuneracléeparunhommeplusfortquelui,mêmesisonegoavait
morfléunmax.
Non,lahontevenaitdufaitqu’ilavaitfoiréetmisendangerlavied’unejeunefemme.Lorsqu’il
avaitcontactélecentralpourfairerécupérerlesarmes,ilauraitdûdemanderquedeuxofficiersde
policel’attendentdevantlepostedepolice.Ilsavaitquecesuspectétaitparticulièrementdangereux,
maisilétaitconvaincud’arriveràlegérerseul.
Ouais,tuparles,ilavaitassurécommeunpro.Ils’étaitfaitbotterleculenrègle.Etmaintenant
Bethétaitaveccetueur.
Dieuseulsavaitcequiallaitluiarriver.
Butch ferma les yeux et appuya son menton sur ses genoux. Sa gorge le tuait, mais sa tête
l’inquiétait bien plus encore. Elle refusait de fonctionner correctement. Ses pensées étaient
incohérentes, ses processus cognitifs complètement flingués. Peut-être avait-il été privé d’oxygène
suffisammentlongtempspoursecramerlesneurones.
Ilessayadesereprendre,maisneréussitqu’àsombrerencoreplusdanslebrouillard.
Puis,parcequesoncôtémasochistesemanifestaittoujoursàpointnommé,lepasséluirevinten
mémoire.
Parmi le tas d’images nébuleuses qui affluaient dans sa tête, une s’imposa et lui fit venir les
larmesauxyeux.
Une adolescente. Âgée d’une quinzaine d’années tout au plus. Qui montait dans une voiture
inconnue.Etquiluiadressaitunsignedelamainparlavitretandisquelavoituredisparaissaitdansla
rue.
Sasœuraînée.Janie.
Soncorpsavaitétéretrouvédanslesboisderrièrelestadedebase-balllelendemainmatin.Elle
avaitétéviolée,frappéeetétranglée.Maispasdanscetordre.
Depuis son enlèvement, Butch était devenu insomniaque. Vingt ans plus tard, il n’avait toujours
pasretrouvélesommeil.
Il songea à Beth, lui adressant un dernier regard par-dessus son épaule alors qu’elle s’enfuyait
aveclesuspect.Lapenséequ’elleavaitdisparuaveccetueurfutlaseulepenséequipermitàButchde
seremettresursespiedsetdetraînersacarcassejusqu’aupostedepolice.
—Eh!O’Neal!(Josépiladanslaruelle.)Qu’est-cequivousestarrivé?
—Ilfautenvoyerunmessageàtouteslespatrouilles.(Bonsang,maisqu’est-cequec’étaitque
cette voix ? Rauque, comme s’il s’était époumoné deux heures durant pendant un match de foot.)
Hommeblanc,deuxmètres,centvingtkilos.Vêtudecuirnoir,lunettesdesoleil,cheveuxnoirslongs
auxépaules.(Butchtenditlebraspourprendreappuicontrelebâtiment.)Lesuspectn’estpasarmé.
Seulementparcequejel’aidépouillé.Maisilaurasûrementrefaitsonstockenmoinsd’uneheure.
Ilfitunpasenavantetvacilla.
—BonDieu!
Josélesaisitparlebraspourlesoutenir.
Butchs’efforçadenepasprendreappuicontresoncollègue,maisilavaitbesoindesonaide.Ilne
parvenaitpasàactionnersesjambescorrectement.
—Accompagnéd’unefemmeblanche.(Savoixsebrisa.)Unmètrequatre-vingts,longscheveux
noirs.Porteunejupebleueetunchemisierblanc.(Ilmarquaunepause.)Beth.
—Jesais.Elleaappelé.(LevisagedeJosésedurcit.)Jeneluiaipasdemandédedétails.D’après
savoix,ellen’étaitpasdisposéeàendonner.
Butchsentitsesgenouxfaiblir.
—Toutdoux,inspecteur.(Josélesoutint.)Onvayallerdoucement.
Aumomentd’entrerdanslepostedepoliceparlaportedederrière,Butchchancela.
—Ilfautquejelaretrouve.
—Reposez-vousjustesurcebanc.
—Non…
Josérelâchasonappui;Butchs’écroulacommeunemasse.
Lamoitiédesofficiersduposteoupresqueseprécipitèrentverslui.Aveclesregardsinquietsde
ceshommesenuniformeposéssurlui,Butchsesentitpitoyable.
—Jevaisbien,aboya-t-il.Puisilposasatêteentresesgenoux.
Commentavait-ilpulaisserleschosesenarriverlà?SiBethétaitretrouvéemortelelendemain
matin…
—Inspecteur?(Josés’accroupitpourplacersonvisagedanslechampdevisiondeButch.)Ona
appeléuneambulance.
—J’enaipasbesoin.Lemessageàtouteslespatrouillesabienétéenvoyé?
—Ouais,Rickys’enoccupeàl’instantmême.Butchrelevalatête.Lentement.
—Bonsang,qu’est-cequiestarrivéàvotrecou?demandaJosé,lesoufflecourt.
—Ons’enestservipourmemaintenirau-dessusdusol.(Ildéglutitplusieursfois.)Est-cequeles
armesontétérécupéréesàl’adressequej’avaisdonnée?
—Ouais.Lefricaussi.Merde,maisquic’est,cetype?
—J’enaipaslamoindreputaind’idée.
CHAPITRE17
KolhermontalesmarchesduperrondelademeuredeAudazs.Laportes’ouvritavantmêmequ’il
aittouchélapoignéedecuivre.Fritzsetrouvaitdel’autrecôté.
—Maître,jenesavaispasquevous…
Ledoggensefigealorsqu’ilaperçutBeth.
— Fritz, j’aimerais vous présenter Beth Randall. (Le majordome ne cessait de la regarder.) Tu
nouslaissesentrer?
Fritzs’inclinaprofondément.
— Naturellement, maître. Mlle Randall, c’est un honneur de finalement vous rencontrer en
personne.
Bethsembladécontenancée,maisréussitàesquisserunsourirelorsqueledoggenseredressaet
s’écartadel’encadrementdelaporte.
Lorsqu’elleluitenditlamain,Fritzeneutlesoufflecoupéetjetauncoupd’œilendirectionde
Kolher,sollicitantsonautorisation.
—Allez-y,murmuraKolherenrefermantlaporte.Iln’avaitjamaiscomprislesstrictestraditions
desdoggen.
FritzsaisitcérémonieusementlamaindeBethdanssesdeuxmainsetbaissalatête.Ilprononça
trèsvitedesmotsenlangueancienne.
Beth était au comble de l’étonnement. Mais comment aurait-elle pu savoir qu’en lui tendant la
mainelleavaitaccordéleplusgranddeshonneursàunêtredesonespèce?Entantquefilled’un
princeps,elleétait,dansleurmonde,unearistocratedehautrang.
Desjoursdurant,Fritzseraitsurunpetitnuage.
—Onseradansmesappartements,déclaraKolher,unefoislecontactrompu.
Ledoggenhésita.
—Maître,Rhageestici.Ilaeu…unpetitaccident.Kolherjura.
—Oùilest?
—Danslasalledebainsdubas.
—Aiguillesetfil?
—Enbasaussi.
—QuiestRhage?demandaBethalorsqu’ilstraversaientlevestibuledelademeure.
Kolhers’arrêtadanslesalon.
—Tuattendsici.
MaisBethluiemboîtalepas.
Ilseretourna,montrantdudoigtlapiècepar-dessussonépaule.
—C’estunordre.
—Jen’attendsnullepart.
—Putain,faiscequejetedis!
—Non.
Elleavaitrépondusanss’énerver.Elleledéfiaitavecuncalmeabsoluetunedéterminationsans
faille.Commes’iln’étaitpasplusunobstaclesursoncheminqu’unpetittapis.
—BordeldeDieu!Trèsbien.Gerbetondîner.
Tandisqu’ilsedirigeaitverslasalledebains,l’odeurdusang,toutlelongducouloir,luiemplit
lesnarines.Lablessuresemblaitmauvaise,etilauraitaiméqueBethnesoitpassiobstinée.
Rhage leva la tête lorsque Kolher poussa la porte. Le bras du vampire pendait par-dessus le
lavabo.Ilyavaitdusangpartout:unemaresombreausoletunepetitemaresurlereborddulavabo.
—Bordel,Rhage,qu’est-cequis’estpassé?
—J’aiétécharcuté.Parunéradiqueurquim’atouchédirectementdanslaveine,jusqu’àl’os.Je
pisselesang.
Kolher distingua vaguement Rhage avancer la main vers son épaule et la relever. Main vers
l’épaulepuisenl’air.
—Tul’aseu?
—Unpeumonneveu!
—Oh…mon…Dieu…,articulaBeth.OhmonDieu!Ilestvraimententraindeserecoudre…
—Salut!C’estquilamignonne?demandaRhage,interrompantsonmouvement.
Ilyeutunsonétranglé,puisKolhersedéplaçapour,desoncorps,masquerlascèneàBeth.
—Besoind’aide?demanda-t-il,mêmesitousdeuxsavaientpertinemmentqueKolhernepouvait
rienfaire.
Savueneluipermettaitmêmepasderecoudresespropresblessures,encoremoinscellesd’un
autre. Kolher méprisait cette faiblesse qui le contraignait à compter sur ses frères d’armes ou sur
Fritz,danscescas-là.
— Non, ça va aller, répondit Rhage dans un rire. Je me débrouille pas mal avec les aiguilles,
commetusais.Ettonamie,quic’est?
— Beth Randall, je te présente Rhage. L’un de mes associés. Rhage, voici Beth et elle est pas
actrice,compris?
—Reçucinqsurcinq.(Rhagesepenchapouressayerdel’apercevoir.)Enchanté,Beth.
—Vousêtessûrdenepasvouloirplutôtalleràl’hôpital?demanda-t-elled’unevoixfaible.
— Non. Cette blessure est juste moche. C’est quand on doit se servir du gros intestin comme
garrotqu’onsaitquec’estdusérieux!
UnsonétranglésortitdelabouchedeBeth.
—Jevaisl’emmenerenbas,déclaraKolher.
—Oui,s’ilvousplaît…J’aimeraisvraiment…aller…enbas.
Kolhermitsonbrasautourd’elle.Ilserenditcompteàquelpointlascènel’avaitébranléeàla
façondontelles’appuyacontrelui.C’étaitsibondesentirqu’elleavaitbesoindesaforce!
Tropbon,enfait.
—Çavaaller?demandaKolheràsonfrèred’armes.
—T’inquiète.Jeparsdèsquej’aifini.J’aitroisjarresàcollecter.
—Jolitrophée.
— J’en aurais récupéré plus si ce type n’avait pas surgi comme ça de nulle part. Je comprends
pourquoituaimestantlesshuriken. (Rhage opéra un mouvement de la main, comme s’il faisait un
nœud.)Tohretlesjumeaux(ilsaisitunepairedeciseauxsurlelavaboetcoupalefil)continuentle
travaildelanuitdernière.Ilsdevraientêtreaurapportdansdeuxheures,commetul’asdemandé.
—Dis-leurdefrapperavantd’entrer.
Rhageacquiesçaeteutlaprésenced’espritdes’abstenirdetoutcommentaire.
KolherreconduisitBethlelongducorridoretsesurpritàluicaresserl’épaule.Ledos.Puisillui
passa la main autour de la taille, laissant ses doigts s’enfoncer dans sa chair souple. Elle trouva sa
placenaturellement,latêtecontresapoitrine,tandisqu’ilscontinuaientàavancer.
Tropagréable.Tropfamilier,pensa-t-il.
Maisilnerelâchapassonétreinte.
Ilauraitaiméretirercequ’illuiavaitditsurletrottoir.Surlefaitqu’elleluiappartenait.
Car c’était faux. Il ne voulait pas faire d’elle sa shellane. Il était à bout, jaloux. À imaginer les
mains de ce flic qui la pelotait. Furieux de n’avoir pas tué cet humain, après tout. Les mots étaient
sortistoutseuls.
Ahmerde!
Cette femelle lui mettait le cerveau à l’envers. Comme si elle parvenait à lui faire perdre toute
maîtriseetàlemettreencontactavecsapartdefolie.
Contactqu’ilpréféraitéviter.
Aprèstout,lafolieétaitplutôtlaspécialitédeRhage.EtlaConfrériepouvaittrèsbiensepasser
d’unautremembredéjanté.
Bethfermalesyeuxets’appuyacontreKolher,essayantdechasserdesonespritlavisiondecette
blessure béante. C’était comme s’efforcer de bloquer la lumière du soleil avec ses mains : des
fragmentsdel’imagepassaientàtravers.Toutcesang,rougeetbrillant,lemusclerosefoncéàvif,le
contrastechoquantavecleblancdel’os.Etcetteaiguillequitransperçaitlapeau,tirantlachair,dans
laquellesefaufilaitlefilnoir…
Ellerouvritlesyeux.
Ouvert,c’étaitmieux.
Qu’importecequedisaitl’homme,cen’étaitpasunepetiteégratignure.Ildevaitalleràl’hôpital.
Etelleauraitinsistéavecplusdevigueursiellen’avaitpaseuàfairetantd’effortspourconvaincre
sondînerthaïderesteroùilétait.
Enoutre,cetypeavaitl’aircompétentpoursesoigner.
C’étaitaussiunvraicanon.Mêmesilablessuremonopolisaitl’attention,ellen’avaitpasétésans
remarquerlabeautédesonvisageetdesoncorps.Descheveuxblondscoupéscourt,desyeuxbleu
irisé,unvisagefaitpourlesécransdecinéma.IlétaitvêtucommeKolher,pantalondecuirnoiret
bottes,maisilavaitretirésachemise.Lesmusclesimpressionnantsdesontorsesaillaientàlalumière
duplafonnier.Sansparlerdutatouage–undragonmulticolore–quicouvraitlatotalitédesondos.
CommesiKolheravaitpufréquenterdescomptablesmaigrichonsbiencommeilfaut.
Desdealers.Ceshommesétaientclairementdesdealers.Pistolets,armesblanches,paquetdefric.
Iln’yavaitqu’euxpoursebattreaucouteaupuisserecoudreeux-mêmes.
Ellesesouvintquel’hommeavaitsurlapoitrinelamêmemarquecirculairequeKolher.
Ilsdoiventfairepartied’ungang,pensa-t-elle.Oudelamafia.
Elleeutsoudainbesoind’air;Kolherlalâchalorsqu’ilsentrèrentdansunepièceauxmursjaune
citron. Elle ralentit le pas. L’endroit ressemblait à un musée ou à une demeure qu’elle s’attendait à
voirenphotodansDemeuresarchitecturales.Destenturesépaissesauxcouleurspâlesencadraientde
larges fenêtres, des toiles de maîtres ornaient les murs, des objets d’art étaient disposés avec goût.
Ellebaissalesyeuxsurletapis.Ilvalaitprobablementplusquesonappartementtoutentier.
Peut-êtrequ’ilsnedealaientpasseulementducrack,del’ecstasyetdel’héroïne,pensa-t-elle,mais
qu’ilrevendaitaussidesantiquitésaumarchénoir.
Étrangecombinaison.
—C’estbeau,murmura-t-elletandisqu’ellelaissaitcourirsesdoigtssuruncoffret.Trèsbeau.
Commeellen’obtintquelesilencepourtouteréponse,ellejetauncoupd’œilàKolher.Deboutà
l’entréedelapièce,ilavaitcroisélesbrassursontorseetsemblaitsursesgardes,alorsmêmequ’il
setrouvaitchezlui.
Est-cequecetypesedétendaitjamais?s’interrogea-t-elle.
— T’as toujours été collectionneur ? demanda-t-elle en s’efforçant de gagner du temps pour
recouvrersoncalme.
Ellesedirigeaversuntableaudel’écoled’HudsonRiver.Seigneur!C’étaitunThomasColequi
valaitsûrementplusieurscentainesdemilliersdedollars.
—C’estmagnifique.
Elle regarda par-dessus son épaule. Toute l’attention de Kolher était fixée sur elle et non sur le
tableau.Sonvisageétaitdépourvudetouteexpressiondefiertéoudepossession.
Cequin’étaitpascourantchezquelqu’undontonadmiraitlacollection.
—Cettemaisonn’estpaslatienne,déclara-t-elle.
—Tonpèrevivaitici.
Ouais,c’estça.
Etpuismerde!Ellel’avaitsuiviici.Autantjouerlejeu.
—Manifestement,ilavaitpasmald’argent.Ilfaisaitquoidanslavie?
Kolher avança dans la pièce, en direction d’un magnifique portrait grandeur nature d’un
personnagequiressemblaitàunroi.
—Suis-moi.
—Quoi?Tuveuxquejetraversecemur…
Il appuya sur un côté du cadre, qui s’ouvrit vers l’extérieur pour donner accès à un couloir
sombre.
—Oh!S’exclama-t-elle.
Ilfitungestedubras.
—Aprèstoi.
Beths’approchaavecprécaution.Lalueurdelanternesàgazseréfléchissaitsurlapierrenoire.
Ellesecourbaetaperçutunescalierquidescendaitencolimaçon.
—Qu’est-cequ’ilyaenbas?
—Unendroitoùnouspouvonsparler.
—Pourquoionrestepasenhaut?
—Parcequetuaimeraisautantqueleschosessepassentenprivé.Etmesfrèresnevontpastarder
àarriver.
—Tesfrères?
—Ouais.
—T’enascombien?
—Cinqmaintenant.Tunousfaisperdredutemps.Avance.Turisquesrien,jetelepromets.
Ouais,àd’autres.
Néanmoins,elleposalepiedsurlereborddoréducadre.Ets’enfonçadansl’obscurité.
CHAPITRE18
Bethprituneprofondeinspirationet,nonsanshésitation,tenditlesmainsendirectiondelaparoi
depierre.L’airnesentaitpaslemoisi;aucunehumiditénonplus.Ilyfaisaitjustetrès,trèssombre.
Lentement, avec précaution, elle descendit les marches. Les lanternes étaient comme des lucioles, à
dispenserdelalumièrepluspourelles-mêmesquepourceuxquiempruntaientl’escalier.
Enfin,elleatteignitlepieddel’escalier.Elledistinguauneporteouvertesurladroite,ainsiquela
lueurchaudedebougies.
Lapièces’apparentaitàl’escalier,avecdesmursnoirs,unéclairagefaibleetlamêmepropreté.
Lesbougies,quidansaientàleurposte,produisaientuneffetapaisant.Enposantsonsacsurlatable
basse,ellesedemandasiKolherdormaitlà.
Lesdimensionsdulitauraientconvenu.
Etcesdraps,c’étaitvraimentdusatinnoir?
Elleseditqu’ilavaitdûattirerungrandnombredefemmesdanssonantre.Nulbesoind’êtreun
géniepourimaginercequisepassaitunefoislaportefermée.
Soncœurbonditdanssapoitrinelorsqu’elleentenditlecliquetisd’unverrou.
—Parle-moidemonpère,dit-elled’untonabrupt.Kolherpassaàcôtéd’elleetôtasonblouson.
Ilportaitendessousuntee-shirtsansmanches,etelleadmiralaforcebrutedecesbras,sesbicepset
sestricepsquisaillirentlorsqu’ilretirasoncuir.Elleaperçutlestatouagesquicouraientsurlaface
internedesesavant-braslorsqu’ilenlevaleholstervide.
Ilsedirigeaverslasalledebains;elleentenditl’eaucouler.Lorsqu’ilensortit,ilseséchaitle
visageavecuneserviette.Ilremitseslunettesdesoleilavantdeleversonregardverselle.
—Tonpère,Audazs,étaitunmâlequiméritaitlerespect.(Kolherlançalaserviettehumidedans
lasalledebainsetsedirigeaverslesofa.Ils’assit,lescoudessurlesgenoux.)C’étaitunaristocrate
duvieuxcontinentavantqu’ildevienneunguerrier.Il…ilétaitmonami.Monfrèredansleboulot
quejefais.
«Frère».Iln’avaitquecemotàlabouche.
Ils étaient dans la mafia. Pas de doute possible. Kolher esquissa un sourire, comme s’il se
remémoraitunsouvenirplaisant.
—D.étaitdoué.Rapide,intelligent,habileaucouteau.Maisaussicultivé.Ungentleman.Ilparlait
huitlangues.Ilatoutétudié,desreligionsàl’histoiredel’artenpassantparlaphilosophie.Ilpouvait
parler des heures durant de Wall Street et t’expliquer pourquoi la chapelle Sixtine est en fait une
œuvremaniéristeetnondelaRenaissance.
Kolhers’adossaausofaetposasonbraspuissantsurledossier.Illaissatombersesgenouxvers
l’extérieur,jambesécartées.
Ilavaitl’airàsonaiseetrepoussaversl’arrièreseslongscheveuxnoirs.
Sexyendiable.
—Audazsneperdaitjamaissoncalme,mêmequandçatournaitmal.Ilneperdaitjamaisdevue
sonobjectif.Ilestmortaveclerespectdesesfrères.
KolhersemblaitdéplorerladisparitiondupèredeBeth.Oudel’hommeauquelilfaisaitréférence
pourlesbesoinsde…
Àquoijouait-ilenfait?sedemanda-t-elle.Àquoiçal’avançaitdedébitertoutescesconneries?
Ilavaitdéjàréussiàl’attirerjusqu’àsachambre.
—EtFritzm’aditqu’ilt’adorait.
Bethfitlamoue.
—Àsupposerquejecroieneserait-cequelequartdecequetudis,simonpèrem’aimaitàce
point,pourquoines’est-iljamaisdonnélapeinedeseprésenter?
—C’estcompliqué.
— En effet, c’est très compliqué d’aller voir sa fille, de lui tendre la main et de décliner son
identité.Vraimenttrèsdur.(Elletraversalapièce,pourfinalementseretrouveràcôtédulit.Elles’en
éloignarapidement.)Etpuistoutcelaïussursoncôtéguerrier…Luiaussiétaitdanslamafia?
—Lamafia?Onn’estpasdanslamafia,Beth.
— Vous êtes juste des tueurs indépendants en plus d’être des trafiquants de drogue ? Hmm… À
bien y songer, la diversification est probablement une bonne stratégie commerciale. Sans compter
qu’il faut un max de fric pour entretenir une maison comme celle-là. Et la remplir de toutes ces
œuvresd’artdontlaplaceseraitaumusée.
—Toutcetargent,Audazsenahéritéetilétaittrèsdouépourlefairefructifier.(Kolherappuya
sa tête contre le dossier, comme s’il admirait la demeure.) Tu es sa fille, et tout cela t’appartient
désormais.
Elleplissalesyeux.
—Oh,vraiment?
Ilacquiesçait.
Quelleconnerie!pensa-t-elle.
—Etilestoùletestament?Etl’exécuteurtestamentaire,aveclespapiers?Attends,laisse-moi
deviner, la propriété est en cours d’expertise. Depuis une trentaine d’années. (Elle frotta ses yeux
douloureux.)Tusais,Kolher,t’aspasàmeraconterdecraquespourmemettredanstonlit.Mêmesi
j’enaihonte,t’asjusteàledemander.
Elle prit une longue et triste inspiration. Jusqu’à ce moment-là, elle n’avait pas pris conscience
qu’unepetitepartied’ellecroyaitobtenirdesréponses.Enfin.
Ledésespoirpouvaitvraimentconduireàfairen’importequoi.
—Écoute,jevaism’enaller.Toutcelaaété…
Kolherseretrouvadevantelleenunclind’œil.
—Jepeuxpastelaisserpartir.
Lapeurenserrasoncœur,maisellefitbonnefigure.
—Tupeuxpasm’obligeràrester.
Illevalesmainsverssonvisage.Ellereculad’unbond,maisiln’interrompitpassongeste.
Dupouce,illuicaressalajoue.Dèsqu’ils’approchaitunpeutrop,elleétaitcommehypnotiséeet
lamêmechosesepassait:ellesentaitsoncorpsoscillerverslesien.
—Jenetemenspas,répondit-il.Tonpèrem’aenvoyécartuvasavoirbesoindemonaide.Croismoi.
Ellereculabrusquement.
—Jeveuxplust’entendreprononcercemot.
Ilsetenaitdevantelle,uncriminelquiavaitétéàdeuxdoigtsdetuerunpolicierensaprésence,et
ilespéraitqu’elleallaitcroireneserait-cequ’unmotduramassisdeconneriesqu’illuiavaitdébité.
Tandis qu’il lui caressait le visage comme un amant. Il devait la prendre pour la dernière des
connes.
— Écoute, j’ai eu accès à mon dossier. (Sa voix ne flancha pas.) Mon certificat de naissance
indiquequejesuisnéedepèreinconnu,maisilyavaitunenotedansledossier.Mamèreadéclaréà
uneinfirmièrelorsdel’accouchementqu’ilétaitmort.Elleaétéincapablededonnerunnomcarelle
aperduconnaissanceàlasuitedel’hémorragieetestmortepeuaprès.
—Jesuisdésolé,maiscen’estpascequiestarrivé.
—T’esdésolé,ouais,tuparles.
—Jejouepas…
—Tuparles!MonDieu,penserneserait-cequ’unesecondequejepourraisenapprendreunpeu
sureux,mêmeindirectement…(Elleleregardad’unairdégoûté.)Tuesd’unecruauté!
Illaissaéchapperunjuron,unsonmauvaisetfurieux.
—Jesaispasquoifairepourquetumecroies.
— N’essaie même pas. T’as zéro crédibilité. (Elle saisit son sac.) C’est probablement mieux
commeça.Finalement,j’aimeautantqu’ilsoitmortplutôtquedesavoirquec’étaituncriminel.Ou
qu’onavécutoutcetempsdanslamêmevillesansqu’ilsoitvenumevoirneserait-cequ’unefois,
sansqu’ilsesoitdemandéquijepouvaisêtreouàquoijeressemblais.
—Illesavait.(Denouveau,lavoixdeKolherétaittrèsproche.)Ilteconnaissait.
Bethfitvolte-face.Ilétaitsiprèsqu’illadominaitdetoutesataille.
Ellebonditenarrière.
—Arrêteçatoutdesuite.
—Ilteconnaissait.
—Arrêtededireça!
—Tonpèreteconnaissait,criaKolher.
—Danscecas,pourquoiest-cequ’ilnevoulaitpasdemoi?hurla-t-elleenretour.
Kolhergrimaça.
—C’estpasça.Ilveillaitsurtoi.Toutetavie,ilaététoutprès.
Ellefermalesyeuxets’entouradesesbras.Ellen’arrivaitpasàcroirequ’unefoisdepluselle
étaitàdeuxdoigtsdeselaisseravoir.
—Beth,regarde-moi.Jet’enprie.
Elleouvritlespaupières.
— Donne-moi ta main, dit-il. Donne-la-moi. Comme elle ne réagissait pas, il prit sa main et la
posacontresapoitrine,sursoncœur.
—Surmonhonneur.Jenet’aipasmenti.
Il s’immobilisa, comme pour lui laisser l’occasion de déchiffrer la moindre expression de son
visageetdesoncorps.
Etsic’étaitvrai?sedemanda-t-elle.
—Ilt’aimait,Beth.
Necroispasça.Necroispasça.Necrois…
—Alorspourquoiest-cequ’iln’estpasvenumechercher?murmura-t-elle.
—Ilespéraitquejamaistun’auraisàfairesaconnaissance.Quetun’auraispasàvivrelegenre
deviequiétaitlasienne.(Kolherbaissalevisageverselle.)Maisilamanquédetemps.
Ilyeutunlongsilence.
—Quiétaitmonpère?demanda-t-elledansunsouffle.
—Ilétaitcequejesuis.
Kolherouvritlabouche.
Descrocs.Ilavaitdescrocs.
Ellefrissonna,saisied’effroi.Ellelerepoussa.
—Espècedesalaud!
—Beth,écoute-moi!
—Pourquetumedisesquetuesunputaindevampire?(Ellesepenchaversluietluifrappala
poitrinedesespoings.)Espècedesalaud…tordu!Situveuxmettreenscènetesfantasmes,trouve
quelqu’und’autre.
—Tonpère…
Ellelegiflaavecforce.Enpleinvisage.
—T’aventureplussurceterrain!Essaiemêmepas!
Sa main était douloureuse et elle la ramena sur son ventre. Elle avait envie de pleurer. Parce
qu’elle avait mal, qu’elle avait essayé de lui faire mal et qu’il ne semblait nullement affecté par la
giflequ’elleluiavaitdonnée.
—Merde,tuaspresquefaillim’avoir,gémit-elle.Maisilafalluquetuaillestroploinetquetu
mefasseslecoupdesfaussesdents.
—Ellessontvraies.Regardebien.
D’autresbougiess’allumèrentdanslapièce,alluméesparpersonne.
Betheneutlesoufflecoupé.Soudain,elleeutl’impressionquerienn’étaittelqu’ilparaissait.Les
règlesétaientautres.Laréalitéglissaitdansuneautredimension.
Elletraversalapièceencourant.
Ilsetrouvaitdevantlaportelorsqu’ellel’atteignit.Elleseramassasurelle-même,commedans
uneprièrepourletenirloind’elle.
—Net’approchepasdemoi.
Ellesaisitlapoignéeetl’actionnadetoutessesforces.
Lapoignéenebougeapasd’unmillimètre.
Lapaniqueaffluaitdanssesveinescommedel’essence.
—Beth…
—Laisse-moipartir!
Lapoignéedelaporteluimeurtrissaitlapaumedesmainstandisqu’elletiraitdessusdetoutesses
forces.
LorsqueKolherposalamainsursonépaule,ellesemitàhurler.
—Metouchepas!
Elle s’écarta vivement de lui. Bougea dans toute la pièce. Il la suivait, se rapprochant,
inexorablement.
—Jevaist’aider.
—Laisse-moi!
Ellesemithorsdeportéeets’élançaendirectiondelaporte.Cettefois,elles’ouvritsansmême
qu’elleaitactionnélapoignée.
Commesousl’actiondesavolontéàlui.
Elleluijetaunregardhorrifié.
—Toutçan’estpasréel.
Ellemontal’escalierencourant,netrébuchantqu’uneseulefois.Lorsqu’elletentad’actionnerle
loquet du tableau, elle se cassa un ongle, mais parvint à manœuvrer le mécanisme. Elle traversa le
salonencourant.Sortitentrombedelamaison…
Kolhersetenaitdevantelle,surlapelouse.
Beths’arrêta.
La terreur submergea son corps, l’effroi et l’incrédulité enserrant son cœur. Elle crut devenir
folle.
—Non!
Elles’enfuit,àtoutesjambes,auhasard,tantquec’étaithorsdesaportée.
Mais il la suivait, alors elle accéléra encore. Elle courut jusqu’à en perdre haleine, jusqu’à être
aveugléeparl’épuisement,lesjambesmeurtries.Maistoujours,illasuivait.
Elleselaissatomberdansl’herbe,lecorpssecouédesanglots.
Pelotonnéeenchiendefusil,commepourseprotégerd’unepluiedecoups,ellepleura.
Lorsqu’illasouleva,ellenerésistapas.
Àquoibon?S’ils’agissaitd’unrêve,ellefiniraitparseréveiller.Ets’ils’agissaitdelaréalité…
Ilallaitdevoirluiendirevachementplussurlaviedesonpère.
Bethdanslesbras,Kolherregagnaitlamaisonetsesappartements;ilsentaitlesvaguesdepeur,
deconfusionetladétressequisubmergeaientlajeunefemme.Illadéposasurlelitetlibéraledrap
du dessus pour qu’elle puisse s’y en rouler. Puis il se dirigea vers le sofa et s’y assit, en pensant
qu’elleapprécieraitqu’ilresteloind’elle.
Ellefinitparseretourner;ilsentitsesyeuxsurlui.
—J’attendsdemeréveiller.Queleréveilsonne,dit-elled’unevoixrauque.Maisc’estpascequi
vasepasser,pasvrai?
Ilsecoualatête.
—Commentc’estpossible?Comment…(Elles’éclaircitlavoix.)Desvampires?
—Onestjusteuneespècedifférente.
—Desbuveursdesang.Destueurs.
—Plutôtuneminoritépersécutée.Raisonpourlaquelletonpèreespéraitquelechangementnese
produiraitpassurtoi.
—Lechangement?
Ilacquiesçad’unairsinistre.
—MonDieu!(Elleplaquaunemainsursabouchecommesielleallaitêtremalade.)Medispas
quejevais…
Unevaguedepaniqueaffluadanssoncorps,créantuneffluvedanslapiècequiatteignitKolher
comme une bouffée d’air froid. Il ne pouvait pas supporter son angoisse et voulait faire quelque
chosepourlasoulager.Saufquelacompassionn’étaitpasvraimentsonrayon.
Siseulementilpouvaitsebattrecontrequelquechosepourelle.
Maisiln’yavaitrienàcombattrepourlemoment.Rien.Lavéritén’étaitpasunecible.Ellen’était
pasnonplussonennemie,mêmesiellelafaisaitsouffrir.Lavéritéétait…toutsimplement.
Kolherselevaets’approchadulit.Ils’yassitlorsqu’ilconstataqu’ellenecherchapasàs’écarter
delui.Seslarmesavaientl’odeurd’unepluiedeprintemps.
—Qu’est-cequivam’arriver?murmura-t-elle.
Ledésespoirdesavoixindiquaitqu’elles’adressaitàDieu,pasàlui.Ilréponditquandmême.
— Le changement va arriver très vite. Il nous frappe tous vers l’âge de vingt-cinq ans. Je
t’apprendraiàprendresoindetoi.Jetemontreraiquoifaire.
—MonDieu…
—Unefoislechangementintervenu,tuaurasbesoindeboire.
Elles’étranglaets’assitd’unbond.
—Jamaisjenetueraiquelqu’un!
—Cen’estpascommeçaqueçamarche.Tuaurasbesoindusangd’unvampiremâle.C’esttout.
—C’esttout,répéta-t-elled’unevoixatone.
—Ons’attaquepasauxhumains.C’estunevieillelégende.
—Lesvampiresneprennentpasles…humains?
— Pas pour boire leur sang, éluda-t-il. Certains vampires le font, mais leur force est de courte
durée.Pourvivre,nousdevonsnousnourrirauprèsdenotreespèce.
—Tudisçacommesic’étaitnormal.
—Çal’est.
Ellesetut.Puis,commesiellevenaitdecomprendre,elleajouta:
—Tumelaisseras…
—Tuboirasmonsang.Quandlemomentviendra.
Elle laissa échapper un son étranglé, comme si elle avait voulu hurler mais que sa gorge était
restéebloquée.
—Beth,jesaisquec’estdur…
—Non,tun’ensaisrien.
—…parcequejesuispasséparlà,moiaussi.
Elleleregarda.
—Toiaussi,t’asapprisd’uncoupquetuétaisl’und’eux?
Elle ne le défiait pas. Elle espérait seulement que quelqu’un ait une expérience similaire à la
sienne.N’importequi.
— Je savais qui étaient mes parents, répondit-il. Mais ils étaient morts au moment de ma
transition. J’étais seul. Je ne savais pas ce qui allait m’arriver. Crois-moi, je sais ce que c’est, la
confusion.
Ellelaissaretombersoncorpscontrelescoussins.
—Mamèreaussienétaitune?
—Elleétaithumaine,d’aprèscequeAudazsm’adit.Lesvampiress’accouplentparfoisavecdes
humains,bienquelesenfantssurviventrarement.
—Est-cequejepeuxarrêterlechangement?Est-cequejepeuxempêcherqu’ilarrive?Ilsecoua
latête.
—Çafaitmal?
—Tuvastesentir…
—Pasmoi.Est-cequejevaistefairemal?
Kolherdissimulasasurprise.Personnenesesouciaitdelui.Lesvampirescommeleshumainsle
craignaient. Son espèce le vénérait. Mais personne ne s’était jamais soucié de lui. Il ne savait pas
commentgérercesentiment.
—Non,çanemeferapasmal.
—Est-cequejepourraistetuer?
—Jetelaisseraipasfaire.
—Promis?demanda-t-elleavecinsistanceenagrippantsonbras.
Iln’arrivaitpasàcroirequ’ilallaitluipromettredeseprotéger.Àsademande.
—Jetelepromets.
Iltenditsamainpourlaposersurlasienne,maisarrêtasongeste.
—Çaarriveraquand?
—Jepeuxpasteledireavecprécision.Maisbientôt.Elleselaissaallercontrelescoussins.Puis
sepelotonnasurlecôté,loindelui.
—Jevaispeut-êtremeréveiller,murmura-t-elle.Jepeuxpeut-êtreencoremeréveiller.
CHAPITRE19
Butch avala d’un trait son premier scotch. Grossière erreur. Sa gorge était à vif et il eut
l’impressiond’embrasserunchalumeau.Dèsquesatouxsefutcalmée,ilencommandaunautreà
Abby.
—Onvalaretrouver,affirmaJoséenreposantsabière.
L’autreinspecteurs’entenaitàdel’alcoolléger,carilallaitrentreretretrouversafamille.Butch,
lui,étaitlibredesemettreaussiminablequ’illevoulait.
Joséjouaitavecsonverre,décrivantdescerclessurlecomptoir.
—Vousn’êtespasresponsable,inspecteur.
Butchéclataderireetavalasondeuxièmescotch.
—Ouais,ilyavaitfouledansmavoitureaveclesuspect.(Illevaledoigtafind’attirerl’attention
d’Abby.)Jesuisencoreàsec.
—Paspourlongtemps.
Elles’approchaaveclabouteilledesinglemaltetluisouritenremplissantsonverre.
José déplaça son tabouret de bar comme s’il désapprouvait la descente de Butch, et devoir la
fermerlefaisaitgrimacer.
Tandisqu’Abbys’éloignaitversunautreclient,Butchjetauncoupd’œilàJosé.
—J’ail’intentiondememettreminable,cesoir.Vousdevriezpasrester.
—Jenevouslaissepasici,réponditJoséenfourrantunepoignéedecacahouètesdanssabouche.
—Jerentreraientaxi.
— Nan. Je reste jusqu’à ce que vous ayez votre compte. Puis je vous traînerai jusqu’à votre
appartement. Vous regarderai vomir pendant une heure. Vous mettrai au lit. Avant de partir, je
programmerailacafetière.Etjelaisseraidel’aspirineàcôtédusucrier.
—J’aipasdesucrier.
—Àcôtédelaboîtedesucre,alors.
Butchsourit.
—Vousauriezfaituneépousedutonnerre,José.
—C’estcequelamiennemedit.
Ilsgardèrentlesilencejusqu’àcequ’Abbyaitversélequatrièmescotch.
—Lesshurikenquej’airécupéréssurlesuspect,ditButch.Onenestoù?
— Ce sont les mêmes que ceux qu’on a trouvés sur la scène de l’attentat et près du cadavre de
Cherry.ModèleTyphon.Centgrammesd’acierinoxydable440.Dixcentimètresdediamètre.Centre
amovible.OnpeutselesprocurersurInternetpour12dollarsouauprèsd’académiesd’artsmartiaux.
Etnon,iln’yavaitpasd’empreintes.
—Lesautresarmes?
—Unjeudecouteauxclinquants.Lesgarsdulaboenbavaientd’envie.Enmétalcompositeaussi
durquedudiamant,fabricationmanuelle.Magnifiques.Pasdefabricantidentifié.Quantaupistolet,
c’est un bon vieux Beretta neuf millimètres, modèle 92G-SD. Extrêmement bien entretenu.
Naturellement,lenumérodesérieaétélimé.Letrucbizarre,c’étaitlesballes.Jamaisrienvucomme
ça.Creuses,rempliesd’unesortedeliquide.Lesgarspensentquec’estjustedel’eau.Maispourquoi
est-cequequelqu’unjoueraitàça?
—Vousvousfoutezdemoi.
—Pasdutout.
—Etpasd’empreintes?
—Nan.
—Surrien?
—Nan.(Joséterminalescacahouèteset,d’ungestedelamain,indiquaàAbbyqu’ilenvoulait
d’autres.)Onariensurlesuspect.Nickel.Unvraipro.Jevouspariequ’ilestoriginairedelaGrosse
Pomme.RienàvoiraveclespetitsbranleursdeCaldwell.
— Vous me dites ça maintenant, après le temps que j’ai passé à vérifier auprès des services
d’urgencesdelapolicedeNewYork.
Abbyarrivaavecunsupplémentdecacahouètesetdescotch.
—Labalistiquetravaillesurlepistoletpouressayerdetrouverquelquechose,ajoutaJosésurle
même ton. On vérifie aussi l’argent. Demain à la première heure, on filera toutes nos infos aux
collèguesdeNewYork,maisçarisquedepasfairebienlourd.
Butchjuraetobservaleboldecacahouètespendantqu’Abbyleremplissait.
—SiquelquechosearriveàBeth…
Ilneterminapassaphrase.
— On les trouvera, répondit José. Et que Dieu lui vienne en aide s’il touche au moindre de ses
cheveux.Ouais,Butchtraqueraitlui-mêmesonassaillant.
—QueDieuluivienneenaide,répéta-t-iltandisqu’ilvidaitsonverrepourfairedelaplaceau
suivant.
Épuisé,Kolhers’assitsurlesofaetattenditqueBethseremetteàparler.Ilavaitl’impressionque
son corps s’affaissait sur lui-même, que ses os s’affaiblissaient sous le poids de la chair et des
muscles.
Tandisqu’ilserepassaitlascènedelaruellederrièrelepostedepolice,ilpritconsciencequ’il
n’avaitpaseffacélamémoiredupolicier.Cequisignifiaitquelapolicedisposaitmaintenantd’une
descriptionprécisepourmenersesrecherches.
Merde!Ilavaitétésiimpliquédanstoutcefoinqu’ilenavaitoubliédeseprotéger.
Ilcommençaitàserelâcher.Dangereusement.
—Commentt’assupourlesorgasmes?demandabrusquementBeth.
Ilseraidit.Toutcommesaqueue,simplementenl’entendantparler.
Tandisqu’ilremuaitpourfaireunpeuplusdeplacedanssonpantalon,ilsedemandas’ilpourrait
éviterdeluirépondre.Ilnevoulaitpasparlermaintenantdelanuitqu’ilsavaientpasséeensemble.
Pasavecelleallongéedanssonlit.Àquelquescentimètresàpeinedelui.
Ilpensaàsapeau.Douce.Lisse.Chaude.
—Commentt’assu?répéta-t-elle.
—C’estlavérité,hein?
— Oui, murmura-t-elle. C’était différent avec toi parce que t’es pas… parce que t’es… Merde,
j’arrivemêmepasàprononcerlemot.
—Peut-être.(Ilrapprochasesmainsl’unedel’autre,entremêlantsesdoigts.)J’ensaisrien.
Pourluiaussi,ç’avaitétédifférent,mêmesi,techniquementparlant,elleétaitencorehumaine.
—Butch,leflic,c’estpasmonamant.
Kolhersentitqu’ilrelâchaitsonsouffle.
—Tantmieux.
—Alorssijamaistulerevois,letuepas.
—OK.
Il y eut un long silence, puis Kolher entendit Beth remuer dans le lit. Il entendit le délicat
froissementdesdrapsdesatin.
Il imagina le frottement de ses cuisses l’une contre l’autre, puis se vit glisser sa main pour les
ouvrir. Les écarter encore plus en y enfouissant la tête. Se frayant avec des baisers un chemin vers
l’endroitoùilvoulaitdésespérémentêtre.
Ildéglutitetsentitsapeausecontracter.
—Kolher?
—Ouais?
—T’avaisvraimentpasl’intentiondecoucheravecmoilanuitdernière?
Desimagesflouesdeleurétreinteluirevinrentetilfermalesyeux.
—Non.
—Alorspourquoitul’asfait?
Comment j’aurais pu faire autrement ? pensa-t-il, mâchoire crispée. Il avait été incapable de la
laisserseule.
—Kolher?
—Parcequejedevais,répondit-il.
Il tendit les bras, cherchant à se détendre. Son cœur battait à tout rompre dans sa poitrine, ses
instincts se mettaient en branle, comme s’il livrait un combat. Il entendait le souffle de Beth au
momentoùilquittaitseslèvres,lesbattementsdesoncœur,lesangdanssesveines.
—Pourquoi?demanda-t-elleencoredansunmurmure.
Ilferaitmieuxdepartir.Delalaisserseule.
—Dis-moipourquoi.
—Tum’asfaitprendreconscienceàquelpointjesuisfroid.
Denouveau,lefroissementdesdrapsdanslelit.
—J’aimeteréchauffer.J’aimetesentir.
Undésirsauvageluitorditlesentraillesetl’estomac.Kolherretintsonsouffle.Attendantdevoir
si la sensation allait passer. Mais elle ne fit que s’intensifier. Merde, il ne s’agissait pas juste d’un
désirsexuel.Maisd’unbesoindesang.
Sonsangàelle.
Ilselevad’unbondets’éloignad’elle.Ildevaitvraimentsortirdelà.Battrelepavé.Sebattretout
court.
Etpuis,ildevaitsenourrir.
—Écoute,fautquej’yaille.Maisjeveuxqueturestesici.
—T’envapas.
—Illefaut.
—Pourquoi?
Ilouvritlabouche,dénudantsescaninesquis’allongeaient.
Ce n’était pas la seule partie de son anatomie qui demandait à entrer en action. Son membre en
érection était une élongation raide et douloureuse contre sa braguette. Lui-même se sentait tiraillé
entrecesdeuxbesoins.Sexe.Sang.
CeuxdeBethdanslesdeuxcas.
—Tuprendslafuite?murmura-t-elle.
C’étaitsurtoutunequestion.Agrémentéed’unepetitepointedesarcasme.
—Attention,Beth.
—Pourquoi?
—Jesuissurlepointdecraquer.
Elleselevadulitets’approchadelui.D’ungesteferme,elleposasamainsursapoitrine,juste
sursoncœur.Ladeuxièmes’enroulaautourdesataille.
Ilémitunchuintementlorsqu’elleplaquasoncorpsausien.
Maisaumoinsledésirsexuelpritlepassurl’autrebesoin.
—Tuvasmedirenon?demanda-t-elle.
— Je veux pas profiter de toi, répondit-il en serrant les dents. La soirée a été suffisamment
éprouvantepourtoi.Elleagrippasesépaules.
— Je suis en colère. Effrayée. Désorientée. Je veux que tu me fasses l’amour jusqu’à ce que je
senteplusrien,jusqu’àcequejesoiscomplètementengourdie.C’estmoiquit’utilise.(Ellebaissales
yeux.)MonDieu,c’esthorrible.
Tuparles.Ilétaitplusquevolontairepourselaisserutiliserparellecommeça.
Del’index,illuicaressalementon.Mêmesil’odeurpuissantequiémanaitdesoncorpsluidisait
sans la moindre ambiguïté ce dont son corps avait besoin, il aurait vraiment aimé pouvoir voir
clairementsonvisage.
—Reste,murmura-t-elle.
Illevoulait,maissasoifdesanglamettaitendanger.Elleavaitbesoindetoutessesforcespour
affronterlatransition.Quantàlui,safaimétaitsiintensequ’ellerisquaitdelalaisserexsangue.
Elleretirasamaindesataille.Pourlaposersursonmembreviril.
Kolher sentit son corps réagir violemment, il avait le souffle court. Son halètement emplit le
silencedelapièce.
—Tumeveux,dit-elle.Etjeveuxquetumeprennes.
Lorsqu’ellecaressasonsexedesapaume,une,ilsentitavecunedouloureuseacuitélefrottement
traverserlasecondepeaudesonpantalondecuir.
Justedusexe.C’étaitjouable.Ilpouvaitcontenirl’autrebesoin.Illepouvait.
Maisétait-ilprêtàparierlaviedeBethlà-dessus?
—Nedispasnon,Kolher.
Ellesehissasurlapointedespiedsetplaquaseslèvrescontrelessiennes.
Partieterminée,pensa-t-ilenl’attirantdetoutessesforcescontrelui.
Il enfonça sa langue dans sa bouche tandis qu’il l’agrippait fermement par les hanches et la
plaquait contre lui. Elle gémit de satisfaction, et il accentua encore sa pression. Il aimait sentir ses
ongless’enfoncerdanssondos,ilaimaitcettedouleurquiluiindiquaitqu’elleétaitaussiaffaméeque
lui.
Enunéclair,elleseretrouvasouslui,allongéesurlelit;ilrelevasajupeetdéchirasaculotte
avec une brutale impatience. Il réserva le même traitement à son chemisier et à son soutien-gorge.
Plustard,ilsauraientletempsdesavourer.Pourlemoment,c’étaitdusexepur.
Tandisqu’illaissaitcourirsabouchesursesseins,elleluienlevasachemised’ungesteappuyé.Il
luilaissajusteletempsdedéboutonnersonpantalonetdelibérersonsexeenérection.Puisilpassa
sonavant-brassoussesgenoux,luirelevalesjambesets’enfonçaenelle.
Ill’entenditgémirquandillapénétravigoureusement;lachaleuretlespulsationsdesoncorpsle
saisirentalorsqu’elleatteignaitl’orgasme.Ilsefigeapours’imprégneretselaissercaresserparles
vaguesdesajouissance.
Ilfutsubmergéparunpuissantinstinctdepossession.
Avec effroi, il prit conscience qu’il voulait la marquer. La marquer comme sienne. Il voulait
sentircetteodeurspécialesurtoutsoncorps,afinqu’aucunautremâlen’osel’approcher.Afinque
toussachentqu’elleluiappartenait.
Etqu’ilsredoutentlesconséquencessijamaisl’envieleurprenaitdelaposséderàleurtour.
Or,ilsavaitqu’iln’enavaitpasledroit.Ellen’étaitpassienne.
Ilsentitsoncorpss’immobilisersouslesien;illaregarda.
—Kolher?murmura-t-elle.Kolher,çava?
Ilesquissaunmouvementpourseretirer,maisellesaisitsonvisageentresesmains.
—Toutvabien?
L’Inquiétudequ’ilperçutdanssavoixagitcommeundéclencheur.
Uneterribledéferlantelesubmergeaetsoncorpssedéconnectadesonesprit.Incapabledepenser
davantage,incapabledes’arrêter,ilpritappuisursesbrasets’enfonçaauplusprofondd’elle.Latête
dulitcognacontrelemuràl’unissondesonva-et-vient.Elleluisaisitlespoignetspourtrouverun
pointd’ancrage.
Unsongraveexplosadanslapièceetenfla;ilpritalorsconsciencequelegrondementvenaitde
lui.Tandisqu’unefièvres’emparaitdetoutsoncorps,sesnarineshumèrentlaflagranceviriledela
possession.
Ilétaitincapabledes’arrêter.
Seslèvresseretroussèrent,sesmusclesétaientenfeuetilplaquasonbassincontreelle.Ensueur,
latêtesaisiedevertiges,incapabledepenser,lesoufflecourt,ilprittoutcequ’elleluioffrait.Prit
toutetenredemanda,laissantsedéchaînersesinstinctsanimauxàmesurequ’elleselaissaitelleaussi
aller,jusqu’àcequetousdeuxs’abandonnentàcettesauvagerie.
Iljouitviolemment,laremplissant,allantetvenantàl’intérieurd’elle,sonorgasmen’enfinissant
pas,jusqu’àcequ’ilprenneconsciencequ’ellejouissaitenmêmetempsquelui,tousdeuxs’agrippant
l’unàl’autre,submergéspardesvaguesdepassion.
C’étaitl’unionlaplusparfaitequ’ilaitjamaisconnue.Puistoutviraaucauchemar.
Lorsque le dernier sursaut quitta son corps pour gagner le sien, quand ce dernier instant cessa,
l’équilibredesesdésirsbascula.Sonbesoindesanglesubmergeadansunedéferlanteinouïe,aussi
puissantqueledésirsexuelqu’ilavaitressenti.
Ildénudasescaninesetplongeaverssoncou,verslaveineaffleurantdélicieusementàlasurface
de sa peau diaphane. Il était sur le point d’enfoncer profondément ses canines, la gorge sèche,
assoiffé d’elle, torturé par le spasme de la faim qui tourmentait son âme, lorsque subitement il
s’arrêta,horrifiéparcequ’ils’apprêtaitàfaire.
Ilsedégagead’elle,rampasurlelitetselaissatomberausol,surlecul.
—Kolher?
Alarmée,elleesquissaunmouvementverslui.
—Non!
Ledésirqu’ilavaitdeboiresonsangétaittropfort,soninstincttroppuissant.Sielles’approchait
trop…
Illaissaéchapperuneplainte,essayantdedéglutir.Sagorgeétaitcommedupapierdeverre.La
sueurinondasoncorps,dansunedéferlantenauséeuse.
— Qu’est-ce qui se passe ? Qu’est-ce que j’ai fait ? Kolher s’éloigna en rampant, le corps
douloureux,lapeauenfeu.Surelle,l’odeurdesexeétaitcommeuneprovocationàlamaîtrisedelui.
—Beth,laisse-moi,jedois…
Maisellecontinuaitàapprocher.Ils’effondrasurlesofa.
— Putain de merde, recule ! (Il dénuda ses canines et émit un chuintement sonore.) Si tu
t’approchesencore,jevaistemordre,compris?
Elles’arrêtasur-le-champ.Laterreurobscurcitl’airentreeux,puisBethsecoualatête.
— Tu me ferais pas de mal, affirma-t-elle avec une conviction naïve qui le frappa par sa
dangerosité.
Illuttapourarticulerquelquesmots.
— Rhabille-toi. Remonte. Demande à Fritz de te reconduire chez toi. J’enverrai quelqu’un pour
veillersurtoi.
Il haletait, maintenant, la souffrance lui nouant le ventre, avec une intensité proche de ce qu’il
avaitexpérimentélapremièrenuitdesatransition.Jamaisiln’avaiteutantbesoindeMarissa.
MonDieu,qu’est-cequim’arrive?
—Jeveuxpasm’enaller.
—Illefaut.J’enverraiquelqu’unpourveillersurtoijusqu’àcequejepuisserevenir.
Un tremblement le gagna au niveau des cuisses, les muscles en tension par la pression qu’il
imposait à son corps. Son esprit et ses besoins physiques s’étaient déclaré la guerre, avaient tiré
l’épéesurlechampdebataille.Etilconnaissaitd’oresetdéjàlevainqueursiellenes’éloignaitpas
delui.
—Beth,jet’enprie.J’aimal.Etjesaispascombiendetempsjepeuxmecontrôler.
Ellehésita.Puisserhabillaenhâte.
Ellesedirigeaverslaporteetseretournaverslui.
—VA-T’EN!
Elleobéit.
CHAPITRE20
Ilétaitunpeuplusde21heuresquandM.Xs’engageadansledrive-indeMcDonald’s.
—Jesuisheureuxquevousayeztouslesdeuxaimélefilm.Maisj’aiautrechoseentêtepource
soir,mêmesinousdevonsfairevite.L’undevousdoitêtrerentrépour23heures.
Billyjuratoutbastandisqu’ilss’arrêtèrentdevantlemenuéclairé.Ilcommandadeuxfoisplus
quesoncomparse.Quiproposadepayersapart.
—C’estpourmoi,annonçaM.X.Évitezjustederenverserquoiquecesoit.
TandisqueBillymangeaitetquel’autre,leperdant,jouaitavecsanourriture,M.Xlesconduisit
verslaWarZone.Cetendroitàl’ambiancelaserétaitleprincipallieudedraguedesmoinsdedix-huit
ans,sarelativeobscuritéétantidéalepourdissimuleraussibienl’acnéquelesémoispitoyablesdes
adolescents. Ce soir-là, l’ambiance était à son comble dans ce bâtiment à un étage bondé
d’adolescentsfébrilesetd’adolescentesboudeusesqu’ilsessayaientd’impressionner.
M.Xsortittroispistoletsettroisviseursetendonnaunàchacundesgarçons.Billyfutprêten
moinsd’uneminute,l’armedanslamaincommes’ils’agissaitd’unprolongementdesonbras.
M.Xjetauncoupd’œilauperdant,quisedébattaitencorepourfixerlesbandesduviseurautour
desesépaules.
Le garçon avait l’air pitoyable, la lèvre inférieure pendante tandis que ses doigts s’affairaient
autourdeslanièresenplastique.Billyaussileregardait.Commes’ilétaitdelanourriture.
— J’ai pensé que nous pourrions nous livrer à une petite compétition amicale, annonça M. X
lorsqu’ilspassèrentenfinlestourniquets.Pourvoirlequeld’entrevousauraledessussurl’autre.
Quand ils entrèrent dans la zone de combat, les yeux de M. X s’habituèrent rapidement à
l’intérieurtendudeveloursnoiretauxlasersdesautresjoueurs.L’espaceétaitassezgrandpourla
trentainedeparticipantsquidansaientautourdesobstacles,riantetcrianttandisqu’ilss’affrontaientà
coupdefauxlasers.
—Séparons-nous,déclaraM.X.
Billysemitenmouvementaveclarapiditéd’unanimal,tandisquesoncomparseclignaitdeses
yeuxdemyope.L’instantd’après,lecapteuraucentredesapoitrinesedéclencha.Leperdantbaissa
lesyeuxcommes’ilnecomprenaitpascequis’étaitpassé.
Billysefonditdenouveaudansl’obscurité.
—Tuferaismieuxdetemettreàcouvert,fiston,murmuraM.X.
M. X resta à l’écart sans cesser d’observer la moindre de leurs actions. Billy toucha son
adversaireencoreetsousdiversangles,sejouantdesobstacles,alternantentrerapiditéetlenteurpuis
tirantdeplusloin.Laconfusionetl’angoisseduperdantaugmentaientchaquefoisquesedéclenchait
lalumièredelaciblequ’ilavaitsurlapoitrine,etledésespoirlepoussaitàbougeravecunmanque
decoordinationinfantile.Illaissatombersonfaisceaulaser.Trébucha.Secognal’épaulecontreune
barrière.
Billyexultait.Sacible,défaillante,faiblissait,maisilnefitpreuved’aucunepitié.Mêmelorsque
sonadversairelaissatombersonarmeets’appuya,fourbu,contreunmur,Billyletouchaencore.
Puisdisparutdansl’ombre.
Cette fois-ci, M. X suivit Billy, observant ses mouvements avec un tout autre objectif que celui
d’évaluersesperformances.Riddleétaitrapide,semouvaitentrelesobstaclesenmousse,serepliaità
l’endroitoùsetrouvaitsonadversairepourluitendreuneembuscadeàrevers.
M.Xanticipal’endroitverslequelBillysedirigeait.Ilobliquarapidementàdroiteetsuivitlespas
deRiddle.
Puisiltirasurluiàboutportant.
Abasourdi,Billybaissalesyeuxverslacibleentourantsapoitrine.C’étaitlapremièrefoisque
soncapteursedéclenchait.
—Beauboulot,cesoir,déclaraM.X.Tuasbienjoué.Jusqu’àmaintenant.
Billyrelevalatêteetposasamainsurlacibleclignotante.Sursoncœur.
—Sensei.
Ilprononçalemotcommeunamant,aveclacrainteetl’adorationd’unamant.
Bethn’avaitpasdutoutl’intentiondedemanderaumajordomedelareconduirechezelle,parce
qu’elle était trop ébranlée pour mener une conversation normale avec quiconque. Dans la rue, elle
pritsontéléphoneportablepourappeleruntaxi.Ellecomposaitlenumérolorsqueleronronnement
d’unmoteurdevoitureluifitleverlatête.
LemajordomesortitdelaMercedesetinclinalatête.
— Le maître m’a appelé. Il aimerait que je vous raccompagne chez vous, maîtresse. Et je…
j’aimeraisvousreconduire.
Il semblait si sérieux, si plein d’espoir, comme si elle lui faisait une faveur en le laissant
s’occuper d’elle. Mais elle avait besoin d’être seule. Après tout ce qui s’était passé, son esprit
bouillonnait.
—Merci,maisnon.(Elleseforçaàsourire.)Jevaisjuste…
L’hommeserembrunit.Ilressemblaitàunchienquivenaitdesefairebattre.
Alorsquelesbonnesmanièresluiavaientfaitdéfaut,laculpabilité,enrevanche,lasaisit.
—Bond’accord.
Sansluilaisserletempsdefaireletour,elleouvritlaportièrepassageretseglissaàl’intérieur.
Lemajordomesemblatroubléparsoninitiative,maisserepritrapidement,unlargesouriresurson
visageridé.
Tandisqu’ilseglissaitderrièrelevolantetdémarraitlemoteur,elledéclara:
—J’habite…
—Oh,jesaisparfaitementoùvoushabitez.Nousavonstoujourssuoùvousétiez.Toutd’abordà
l’hôpital St. Francis dans l’unité néonatale de soins intensifs. Puis vous avez été recueillie par
l’infirmière.Nousavionsespéréqu’ellevousgarde,maisl’hôpitalainsistépourqu’ellevousrende.
Vousêtesalorsentréedanslesystème.Cequenousavonsdéploré.Vousavezd’abordétéplacéechez
les McWilliams sur Elmwood Avenue, mais vous êtes tombée malade et vous avez été de nouveau
hospitaliséepourunepneumonie.
Ilmitleclignotantettournaàgaucheaprèsunstop.Ellepouvaitàpeinerespirer;ellebuvaitses
paroles.
—PuisvousavezétéplacéechezlesRyan,maisilyavaittropd’enfantslà-bas.Puiscefurentles
Goldrich, qui habitaient une maison à deux niveaux sur Raleigh Street. Nous avons pensé que les
Goldrichvousgarderaient,maislafemmeesttombéeenceinte.Vousavezensuiteétéplacéedanscet
orphelinat.Nousdétestionsvousvoirlà,parcequ’onnevouslaissaitpassuffisammentjouerdehors.
—Vousnecessezdedire«nous»,murmura-t-elle,effrayéeàl’idéed’ycroire.Maistellement
désireuseaussi.
—Oui.Votrepèreetmoi.
Beth se couvrit la bouche du dos de la main et chercha à capturer du regard le profil du
majordomeafindes’enimprégnercommepourlegarderenmémoire.
—Ilmeconnaissait?
—Ohoui,maîtresse.Toutescesannées.Delamaternelleaulycéeenpassantparl’écoleprimaire.
(Il croisa son regard.) Nous étions si fiers de vous lorsque vous avez obtenu cette bourse
universitaire.J’étaisprésentàlaremisedesdiplômes.J’aiprisdesphotospourlesmontreràvotre
père.
Lemajordomejetaunregardobliqueverslesiègepassageretsourit.
—Nousavonstouslesarticlesquevousavezécrits.Mêmeceuxquidatentdevosannéesdelycée
etd’université.LorsquevousavezdébutéauCaldwellCourierJournal,votrepèrerefusaitd’allerse
coucherlematintantquejeneluiavaispasapportélejournal.Mêmes’ilavaiteuunenuitdifficile,il
refusaitdeprendredurepostantqu’iln’avaitpaslucequevousaviezécrit.Ilétaitsifierdevous.
Ellefarfouilladanssonsacàlarecherched’unmouchoirenpapier.
—Tenez,ditlemajordome.
Illuitenditunpaquetdemouchoirs.
Bethsemouchaaussidélicatementqu’elleleput.
—Maîtresse,vousdevezsavoirlecrève-cœurquec’étaitpourluideresterloindevous.Ilsavait
quesinonilvousmettraitendanger.Lesfamillesdesguerriersdoiventêtreprotégées;vous,vousne
l’étiezpascarvousétiezélevéecommeunehumaine.Ilespéraitaussiquevousn’auriezpasàvivrela
transition.
—Avez-vousconnumamère?
— Peu. Ils ne sont pas restés longtemps ensemble. Elle s’est enfuie peu de temps après leur
rencontreaprèsqu’elleadécouvertqu’iln’étaitpashumain.Elleneluiapasditqu’elleétaitenceinte,
et ce n’est que lorsqu’elle fut sur le point d’accoucher qu’elle a repris contact avec lui. Je pense
qu’elleétaiteffrayéeenpensantàl’êtrequ’elleallaitmettreaumonde.Malheureusement,letravaila
commencé et elle a été conduite dans un hôpital humain avant que nous puissions nous mettre en
rapportavecelle.Maisvousdevezsavoirqu’ill’aimait.Profondément.
Bethenregistralesinformations,sonespritlesabsorbaitetremplissaitlestrous.
—MonpèreetKolherétaientproches?
Lemajordomehésita.
— Votre père adorait Kolher. Comme nous tous. Il est notre maître. Notre roi. C’est pourquoi
votrepèrel’aenvoyéversvous.Vousnedevezpaslecraindre.Ilnevousferapasdemal.
—Jesais.
Lorsqu’ils arrivèrent en vue de son immeuble, elle regretta de ne pas pouvoir passer plus de
tempsaveclemajordome.
—Noussommesarrivés,déclara-t-il.1188ReddAvenue,appartement1B.Mêmesi,sivousmele
permettez,nivotrepèrenimoin’approuvionsquevoushabitiezenrez-de-chaussée.
Lavoitures’arrêta.Ellenevoulaitpasensortir.
—Pourrais-jevousposerd’autresquestions?Plustard?demanda-t-elle.
—Faitesdonc,maîtresse,jevousenprie.Ilyatantdechosesquej’aimeraisvousraconter.
Ilsortitduvéhicule,maisellerefermaitdéjàlaporteaumomentoùilarrivaàsonniveau.
Ellesongeaàluitendrelamainetàleremercierdemanièreformelle.
Aulieudequoi,ellesejetaaucouduvieilhommeetleserradanssesbras.
QuandBetheutquittélachambre,lebesoindesangdeKolherserappelaàluid’autantplusfort
quec’étaitluiquiavaitdemandéàlajeunefemmedepartir.
Il passa son pantalon et se traîna jusqu’au téléphone, appela Fritz, puis Tohrment. Sa voix ne
cessaitdeflancheretildutrépéterplusieursfoissespropospoursefairecomprendre.
Dès qu’il eut mis fin à sa conversation avec Tohr, les haut-le-cœur commencèrent. Il gagna en
titubantlasalledebainset,mentalement,appelaMarissa.Ilsepenchaau-dessusdestoilettes,maisson
estomacnecontenaitpasgrand-chosed’autrequedelabile.
Il avait attendu trop longtemps, pensa-t-il. Ignoré les signaux que son corps lui avait envoyés
depuis un certain temps déjà. Puis il avait rencontré Beth et sa chimie interne avait été toute
chamboulée.Pasétonnantqu’ilsoitdevenufou.
L’odeurdeMarissaluiparvintdelachambre.
—Seigneur?appela-t-elle.
—J’aibesoin…
Beth,songea-t-il,enproieàunehallucination.Illavoyaitdevantlui,entendaitsavoixdanssatête.
Iltenditlebras.Sansrienrencontrer.
—Seigneur?Tuveuxquejeterejoigne?demandaMarissadepuisl’autrepièce.
Kolheressuyalasueurdesonvisageetsortitdelasalledebains.Iltitubaitcommeunivrogne.Il
cherchaàprendreappui,maisbasculaenavant.
—Kolher!
Marissaseprécipitaverslui.
Ilselaissatombersurlelitetl’entraînaaveclui.LecorpsdeMarissaseplaquacontrelesien.
IlsentitceluideBeth.
Kolher enfouit son visage dans les draps marqués de l’odeur de Beth. Tandis qu’il prenait une
profondeinspirationpourtenterderecouvrersesesprits,touteslesodeursluirappelaientBeth.
—Seigneur,iltefauttenourrir.
LavoixdeMarissaluiparvintdetrèsloin,commesiellesetrouvaitdansl’escalier.
Il dirigea son regard en direction du son mais ne distingua rien. Il était totalement aveugle
désormais.Curieusement,lavoixdeMarissasefitplusforte.
—Seigneur,ici.Prendsmonpoignet.Maintenant.Ilsentitunepeauchaudetoutcontresapaume.Il
ouvritlabouche,maisneparvintpasàactionnercorrectementsesbras.Iltenditlamain,touchaune
épaule,uneclavicule,lacourbured’uncou.
Beth.
Lafaimpritledessusetilseredressa,entourantlecorpsdesacompagne.Avecungrognement,il
enfonça ses dents dans la chair délicate au-dessus d’une artère. Il but avec avidité, submergé par la
vision de la femme aux cheveux noirs qui était sienne, l’imaginant se donnant à lui, Imaginant que
c’étaitellequisetrouvaitdanssesbras.
Marissaeutlesoufflecoupé.
LesbrasdeKolherluibrisaientpresquelesos,soncorpsmassifformaitcommeunecageautour
d’ellependantqu’ils’abreuvait.Pourlapremièrefois,ellesentittouteslescourburesdesoncorps.
Y compris ce qu’elle identifia comme une érection, quelque chose qu’elle n’avait jamais senti
auparavant.
Lespossibilitéss’avéraientexcitantes.Etterrifiantes.
Marissa sentit son corps se détendre et essaya de reprendre son souffle. C’était ce qu’elle avait
toujoursattendudelui,mêmesisapassionavaitquelquechosedechoquant.Maisàquoipouvait-elle
s’attendre?Ilétaitunmâlederacepure.Unguerrier.
Quiavaitfinalementprisconsciencequ’ilavaitbesoind’elle.
Lecontentementsesubstituaàlasensationd’inconfort;timidement,ellelaissacourirsesmains
sur ses larges épaules nues, liberté que jamais elle n’avait prise auparavant. Il émit un son rauque,
comme s’il voulait qu’elle continue. Avec ravissement, elle enfouit ses mains dans sa chevelure. Si
douce. Qui l’aurait cru ? Un mâle si viril… mais quelle douceur dans ces noires ondulations !
Commecelledesesrobesensatin.
Marissa voulait lire dans son esprit, ce qu’elle ne s’était jamais risquée à faire par le passé, de
peur qu’il s’en offusque. Mais tout était différent maintenant. Peut-être irait-il même jusqu’à
l’embrasser après. Lui faire l’amour. Peut-être pourrait-elle rester à ses côtés désormais. Elle
aimeraitvivreavecluidanslademeuredeAudazs.Oun’importeoùailleurs.Peuimportait.
EllefermalesyeuxetseconcentrasurlespenséesdeKolher.
Pourdécouvriràquellefemelleilpensaitréellement.Lafemellehumaine.
C’étaitunebeautébruneauxyeuxmi-clos.Elleétaitallongéesurledos,lapoitrinedénudée.De
sesdoigts,Kolhercaressaitlapointedurcieetrosedesesseinstandisqu’ilembrassaitsonventreet
progressaitverslebas.
Marissalâchal’imagecommeduverrebrisé.
Kolhern’étaitpaslàavecelleàcetinstantmême.Cen’étaitpasàsoncouqu’ils’abreuvait.Ce
n’étaitpassoncorpsqu’ilseraittoutcontrelesien.
Quantàsonérection,ellen’étaitpasdesonfait.Neluiétaitpasdestinée.
Tandisqu’ilbuvaitsonsang,quesesbrasvigoureuxleserraienttoutcontrelui,Marissasemità
pleurersurcetteinjustice.
Sursesespoirs.Sursonamour.Surlui.
Quelle ironie finalement qu’il la vide de son sang ! Elle souhaitait désormais qu’il termine le
travail.Qu’ils’abreuvejusqu’àladernièregoutte.Etlalaissemourir.
Illuiavaitfalludesannées,uneéternité,avantdeprendreconsciencedelavérité.
Jamaisilneluiavaitappartenu.Jamaisilneluiappartiendrait.
MonDieu,ilneluirestaitplusrienàprésentquecetteillusions’étaitévanouie.
CHAPITRE21
Bethdéposasonsacsurlatabledel’entrée,ditbonjouràBouhetsedirigeaverslasalledebains.
Ellejetauncoupd’œilàladouche,maisseravisa.Mêmesilejetchaudauraitfaitdubienàsoncorps
raidi,ellepréféraitconserversursapeaul’odeurdeKolher.Unefragrancemerveilleuse,érotiqueet
épicée.Quineressemblaitàriendecequ’elleavaitconnuparlepasséetqu’ellenepourraitjamais
oublier.
Ellesedirigeaverslelavabo,selava,lapeauentresescuissesdélicieusementsensiblesetunpeu
àvif.Maisladouleurluiimportaitpeu.Kolherpouvaitrecommencerquandilvoulait.
Ilétait…
Aucunmotneluivintàl’esprit.Seulementl’imagedeluis’abandonnantenelle,sesépaulesetsa
poitrine massives, en sueur, s’immobilisant lorsqu’il s’était donné à elle. Lorsqu’il l’avait marquée
commesienne.
C’est l’impression qu’elle avait eue. Comme si elle avait été dominée par un homme qui avait
laissésurellesonempreinte.Prise.
Etelleenredemandait.Toutdesuite.
Ellesecoualatête,pensantqu’elledevaitcesserd’avoirdesrelationssexuellesnonprotégées.Il
étaitdéjàsuffisammentgravequ’ellesesoitlaisséallerdeuxfois.Laprochainefois,ilsprendraient
leursprécautions.
Ensortantdelasalledebains,ellesurpritsonrefletdanslemiroiretsefigea.Ellecourbaledos
etapprochasonvisagedumiroir.
Elleétaitexactementtellequ’elleétaitlematinmême.Maisellesesentaitétrangèreàelle-même.
Elle ouvrit la bouche et examina ses dents. Lorsqu’elle toucha les deux canines de la mâchoire
supérieure,pasdedoutepossible,ellesétaientdouloureuses.
MonDieu,elleétaitqui?Elleétaitquoi?
EllesongeaàKolheraprèsl’amour.Ils’étaitécartéd’elle,soncorpsàdeminutenduàl’extrême,
comme si ses muscles allaient transpercer sa peau. Lorsqu’il avait dévoilé ses dents, ses canines
étaientpluslonguesquelapremièrefoisqu’ellelesavaitaperçues.Commesiellesavaientpoussé.
Sonbeauvisageétaitdéforméparlasouffrance.C’étaitçaquil’attendait?
Des petits coups secs se firent entendre de l’autre côté, comme si quelqu’un frappait à sa vitre.
ElleentenditBouhmiaulerenguisedebienvenue.
Prudemment,Bethpassalatêteparl’encadrementdelaporte.
Quelqu’unsetrouvaitderrièrelaportevitrée.Unepersonneimposante.
—Kolher?
Elleseprécipitaetouvritlaporteavantmêmed’avoirvérifiél’identitéduvisiteur.
Lorsqu’elledécouvritcequisetenaitsurleseuil,elleregrettasonimprudence.
Cen’étaitpasKolher,mêmesil’hommeluiressemblait.
Des cheveux noirs mais coupés court. Un visage dur. Des yeux bleus à l’éclat intense.
Intégralementvêtudecuir.
Lesnarinesdesonvisiteurfrémirentetilfronçalessourcils,laregardantfixement.Puisilsembla
seressaisir.
—Beth?
Savoixgravesemblaitamicale.Levisiteuresquissaunsourirequidénudasescanines.
Ellenesursautamêmepas.
MonDieu,àquellevitesseelles’habituaitàtoutescesbizarreries!
— Je m’appelle Tohrment ; je suis un ami de Kolher. (Le type lui tendit la main.) Vous pouvez
m’appelerTohr.
Elleluiserralamain,sanstropsavoirquedire.
—Jevaisrestericiunpetitmoment.Jeseraidehorssivousavezbesoindequoiquecesoit.
L’homme… le vampire – ou quoi qu’il puisse être – fit demi-tour et se dirigea vers la table de
jardin.
—Attendez,dit-elle.Pourquoine…Entrez,jevousenprie.
Ilhaussalesépaules.
—OK.
Aumomentoùilentra,Bouhsemitàmiaulerbruyammentetdonnadescoupsdepattessurles
bottes du visiteur. Le chat et le vampire se saluèrent comme des amis de longue date et, lorsque
Tohrmentseredressa,sonblousondecuirs’ouvrit.Desdagues.SemblablesàcellesdeKolher.Elle
supposa aussi que le type d’armes dont Butch avait délesté Kolher se trouvait également dans les
pochesdecethomme.
—Voulez-vousquelquechoseàboire?
Ellegrimaça.Pasdesang.Jevousenprieneditespas«dusang».
Illuisourit,commes’ildevinaitcequ’elleavaitentête.
—Vousavezdelabière?
Delabière?Ilbuvaitdelabière?
—Euh,jecroisqueoui.
Elledisparutdanslacuisine.RapportadeuxBudweiser.Elleaussiavaitbienbesoind’unebière.
Aprèstout,ellejouaitleshôtessesavecunvampire.Sonpèreavaitétéunvampire.
Sonamantétaitunvampire.
Ellerenversalacanetteetbutavecavidité.
Tohrmenteutunpetitrire.
—Lanuitaétérude?
—Vousn’avezpasidée,répondit-elleens’essuyantlabouche.
—Jecroisquesi.(Levampirepritplacedanssonfauteuilbergère,soncorpsmassifdébordantde
lastructureetrendantminusculeledospourtanthautdusiège.)Jesuisheureuxdevousrencontrer
enfin.Votrepèreparlaitbeaucoupdevous.
—C’estvrai?
—Ilétaitsacrémentfierdevous.Ilfautquevoussachiez…qu’ilestrestéàdistancepourvous
protéger,etpasparcequ’ilnevousaimaitpas.
—C’estcequeFritzm’adit.Kolheraussi.
—Commentçasepasseaveclui?
—Kolher?
—Oui.
Ellesesentitrougiretsedirigeaverslacuisinepourqu’ilnevoiepassaréaction.Elleattrapaun
paquetdegâteauxau-dessusdufrigoetendisposaquelques-unssuruneassiette.
—Ilest…commentdire?
Elles’efforçaitdetrouverlesmotsjustes.
—Enfaitjecroisquejesais.
Ellerevintetluitenditl’assiette.
—Vousenvoulez?
—Avoineetraisins,dit-ilenenprenanttrois.Mespréférés.
—Voussavez,jecroyaisquelesvampiresnebuvaientquedusang.
—Non.Lesangcontientdesnutrimentsnécessaires,maisonaaussibesoind’aliments.
—Etl’ail?
— J’adore. (Il s’appuya contre le dossier du fauteuil et mordit joyeusement dans les gâteaux.)
J’adorel’ailfritdansunpeud’huiled’olive.
Çaalors.Cetypeestpresquecool,pensa-t-elle.
Non,c’étaitfaux.Sonregardacérénecessaitdescruterlesfenêtresetlaportevitrée,commes’il
surveillaitlesenvirons.Ellesutsansl’ombred’undouteque,s’ilapercevaitquelquechosequinelui
plaisaitpas,ils’extirperaitdufauteuilenunefractiondeseconde.Paspourvérifierlesverrous.Mais
pourattaquer.
Ilenfournaunautregâteaudanssabouche.
Maisaumoins,saprésenceétaitapaisante.Enquelquesorte.
—Vousn’êtespascommeKolher,déclara-t-ellesoudain.
—Personnen’estcommelui.
—Ouais.
Ellemorditdanssongâteauets’assitsurlefuton.
— C’est une force de la nature, ajouta Tohr en inclinant son verre. Quelqu’un d’implacable, ne
vousytrompezpas.Maispersonneneveilleramieuxsurvous,àsupposerqu’ildécidedelefaire.Ce
quiestlecas.
— Comment vous le savez ? murmura-t-elle en se demandant ce que Kolher avait bien pu lui
raconter.Tohrs’éclaircitlavoixetrougitlégèrement.
—Ilvousamarquée.
Ellefronçalessourcilsetbaissalesyeuxpours’inspecter.
—Jesensl’odeur,expliquaTohr.L’avertissementsesentsurtoutvotrecorps.
—L’avertissement?
—Commesivousétiezsashellane.
—Saquoi?
—Sacompagne.L’odeursurvotrepeauestporteused’unmessagepuissantpourlesautresmâles.
Alorselleavaitvujuste.Surlerapportsexuelqu’ilsavaienteuensembleetsasignification.
Jenedevraispasm’enréjouir,etpourtantc’estlecas,pensa-t-elle.
—Vousn’êtespascontre,hein?demandaTohr.Êtreàlui.
Ellepréféranepasrépondreàlaquestion.Suruncertainplan,ellevoulaitapparteniràKolher.
Surunautre,ellesesentaitplusensécuritéenrestantcellequ’elleavaittoujoursété.Seule.
—Vousenavezune?demanda-t-elle.Unecompagne?Uneexpressiondeprofondattachement
illuminalevisageduvampire.
— Elle s’appelle Wellsie. Nous avons été promis l’un à l’autre avant notre transition. Tomber
amoureuxl’undel’autrefutinespéré.Entoutefranchise,jel’auraischoisiesijel’avaisrencontrée
danslarue.Pasmalledestin!
—Detempsàautre,leschosessegoupillentbien,murmura-t-elle.
—Ouaip!Certainsmâlesontplusieursshellane,maisj’arrivepasàm’imagineravecuneautre
femelle.C’estpourçaqueKolherafaitappelàmoi.
Ellehaussaunsourcilinterrogateur.
—Pardon?
—Lesautresfrèresontdesfemellesauprèsdequiilss’abreuvent,maisilsn’ontpasavecellesde
liens émotionnels. Rien ne les empêcherait… (Il s’interrompit et mordit dans un autre gâteau.)
Commevousêtes…
—Jesuisquoi?
Elle avait le sentiment de savoir à peine qui elle était. Dès lors, elle se sentait prête à entendre
l’opiniondeparfaitsétrangers.
—Belle.JamaisKolhernevousauraitconfiéeauxsoinsd’unautredesfrèrescar,s’ilsavaient
essayédetenterquoiquecesoit,ilsseseraientattiréunpaquetd’ennuis.(Tohrhaussalesépaules.)Et
puis certains des frères sont vraiment dangereux. Personne n’oserait laisser une femelle seule avec
eux,entoutcasunefemelleàquiontient.
Ellen’étaitpastrèssûredevouloirrencontrercettebande.
Uneminute,pensa-t-elle.
—Kolheradéjàuneshellane?demanda-t-elle.Tohrfinitsabière.
—Jepensequ’ilvaudraitmieuxquevousenparliezdirectementaveclui.
Cequin’équivalaitpasàun«non».
Unsentimentdedéceptionpritnaissancedanssapoitrine;elleretournadanslacuisine.
MonDieu!Voilàqu’elledevenaitsentimentaleàproposdeKolher.Ilsavaientcouchéensemble
deuxfois,etdéjàelleétaittoutetourneboulée.
Jevaissouffrir,pensa-t-elleendécapsulantuneautrebière.Lorsqueleschosessegâteraiententre
eux,elleallaitatrocementsouffrir.
Sansparlerdufaitdesemétamorphoserenvampire.MonDieu.
—Vousvoulezquelquechosed’autreàgrignoter?demanda-t-elle.
—Ouais,çaseraitgénial.
—Delabière?
—Non,c’estbon.
Ellesortitdelacuisineaveclepaquet.Ilsgardèrentlesilencetandisqu’ilsfinissaientlesbiscuits.
Mêmeceuxquiétaientcassésaufonddupaquet.
— Vous auriez autre chose à manger ? demanda-t-il. Elle se leva, consciente qu’elle aussi avait
encoreunpetitcreux.
—Jevaisvoircequejepeuxnouspréparer.
—Vousavezlecâble?
Ildésignaitsonpostedetélévision.
Elleluilançalatélécommande.
—Oui.Jecroisqu’ilyaunesoiréespécialeGodzillasurTBScesoir.
—Super!(Levampireétenditlesjambes.)Jesuistoujoursducôtédesmonstres.
Elleluisourit.
—Moiaussi.
CHAPITRE22
Butchseréveillaaveclasensationquequelqu’unluivrillaitunclouàtêteplatedanslatête.
Ilouvritunœil.
Non,c’étaitletéléphonequisonnait.
Ildécrochalecombinéetleplaçaàproximitédesonoreille.
—Ouais?
—Bonjour,trésor.
LavoixdeJoséréveillaladouleurlancinantedansNoncrâne.
—Quelleheure?Croassa-t-il.
—Onzeheures.J’aipenséquevousaimeriezsavoirqueBethvenaitd’appeler.Ellevoulaitvous
parler.Elleavaitl’aird’allerbien.
Soulagé,Butchsentitsoncorpsserelâcher.
—Letype?
— Elle n’en a pas parlé. Mais elle a dit qu’elle aimerait vous parler à un moment donné
aujourd’hui.J’aiannulél’alertecarelleappelaitdechezelle.
Butchs’assit.
Avantdeserecoucherimmédiatement.
—Jemesenspassuperbien,murmura-t-il.
—J’imagine.C’estpourquoijeluiaiditquevousseriezpasjoignableavantl’après-midi.Juste
pourquevoussachiez,j’aiquittévotreappartementà7heurescematin.
Ahbordel!
Butchretentalapositionverticaleenseforçantàresterbiendroit.Lapièceseremitàtanguer.Il
étaitencoresaoulcommeuncochon.Avecunefoutuegueuledebois.
Maisilavaitduboulot.
—J’arrive.
— J’éviterais si j’étais vous. Le capitaine va vous tomber dessus. Les affaires internes se sont
pointéespouravoirdesinfossurcequis’estpasséavecBillyRiddle.
—Riddle?Pourquoi?
—Allons,inspecteur.
Ouais,illesavaitpertinemment.
—Écoutez,vousêtespasvraimentenétatd’affronterlecapitaine.(LavoixdeJoséétaitégaleet
pragmatique.)Vousdevezdessaouler.Reprendrevosesprits.Venezplustard,jevouscouvre.
—Merci.
—J’ailaissél’aspirineàcôtédutéléphoneavecungrandverred’eau.J’aipenséquevousseriez
pas en état d’aller jusqu’à la cafetière. Prenez-en trois, décrochez votre téléphone et dormez. S’il
arrivequelquechosed’intéressant,jepassevousprendre.
—Jet’aime,chérie.
—Alorsachète-moiunvisonetdesbouclesd’oreilleendiamantpournotreanniversaire.
—Çamarche.
Il raccrocha au bout de deux tentatives et ferma les yeux. Dormir encore un peu. Après, il se
sentiraitpeut-êtredenouveauunêtrehumain.
LedernierarticlequeBethcorrigeaittraitaitd’unevagued’usurpationd’identité.Onauraitditque
l’articlesaignait,tantelleavaitapportédecorrections.
Dernièrement,les«vraismecs»deDickserelâchaientetsereposaientdeplusenplussurelle.Il
nes’agissaitplusd’erreursdefond,maisdefautesdegrammaireetd’erreursstructurelles.Comme
s’ilsn’avaientjamaisentenduparlerduCodetypographique.
Dans le cadre d’une collaboration, la correction ne la dérangeait pas. À condition que le
journalistequiavaitrédigélepremierjetdel’articleaitfaitunminimumderelecture.
Beth plaça l’article dans sa boîte d’envoi et regarda fixement l’écran de son ordinateur. Elle
affichaunfichiersurlequelelleavaittravaillétoutelajournée.
OK,qu’avait-ellebesoindesavoird’autre?
Ellerelutsalistedequestions.
Pourrai-je sortir dehors en plein jour ? À quelle fréquence devrai-je me nourrir ? Combien de
tempsvivrai-je?
Sesdoigtscoururentsurleclavier.
Contrequivousbattez-vous?
Puis,As-tuune…
Quelétaitlemotdéjà?«shellane»?
Elletapa«femme».
Mon Dieu, elle redoutait la réponse de Kolher. Même s’il n’en avait pas, auprès de qui se
nourrissait-il?
Etqu’est-cequ’elleressentirait?S’ilselaissaitalleràsafaimavecelle?
Instinctivement,ellesavaitqueceseraitcommefairel’amouraveclui.Sauvage.Dévorant.Àla
laissermeurtrieetsansforces.
Etdansunétatd’extasecomplet.
—Çabossedur,Randall?demandaDickd’unevoixtraînante.
Ellequittalefichierafindefaireapparaîtreàl’écransaboîtedemessagerie.
—Toujours.
—Tusaisqu’onracontedestrucssurtoi?
—Ahouais?
—Ouais,quetuétaissortieaveccetinspecteurdelacriminelle,O’Neal.Deuxfois.
—Etalors?
Dicksepenchasurlebureaudesonemployée.Bethportaitunelargechemiseàcolrond,desorte
qu’iln’yavaitpasgrand-choseàvoir.Ilseredressa.
— Bon boulot. Fais-lui ton petit numéro. Vois ce que tu peux apprendre. On pourrait peut-être
fairelaunesurlesbrutalitéspolicièresavecluienfigurecentrale.Continuecommeça,Randall,etje
pourraisbienmelaisserconvaincredetefilerunepromotion.
Dicks’éloignad’unpasnonchalant,ravidejouerauchefpaternaliste.
Quelconnard!
Sontéléphonesonna,elleaboyasonnomdanslecombiné.
Àl’autrebout,unsilence.
—Maîtresse,vousallezbien?
Lemajordome.
—Désolée,etoui,jevaisbien.
Elle appuya sa tête contre sa main libre. Comparée aux manières de Kolher, Tohr et consorts,
l’arrogancemasculineetgrossièreversionDicksemblaitabsurde.
—S’ilyalamoindrechosequejepuissefaire…
—Non,non,toutvabien.(Elleéclataderire.)Riendontjenesachemedébrouiller.
—J’auraisprobablementmieuxfaitdem’abstenird’appeler(lavoixdeFritzs’évanouitdansun
murmure),maisjenevoulaispasquevoussoyezpriseaudépourvu.Lemaîtreacommandéundîner
spécialcesoir.Pourvousetlui,seuls.J’aipenséquejepourraispeut-êtrepasservousprendreetnous
irionsvoustrouverunerobe.
—Unerobe?
Pourunesortederendez-vousavecKolher?
L’idéeluiparutgéniale,maiselleessayadefreinersatendanceauromantisme.Ellenesavaitpas
vraimentdequoiétaientfaitesleschoses.
Niquiilsefaisaitenl’occurrence.
—Maîtresse,j’aiconsciencedememontrerprésomptueux.Ilvavousappelerenpersonne…
Aumêmemoment,ellereçutunappelsursadeuxièmelignetéléphonique.
—Jevoulaissimplementquevoussoyezprêtepourcesoir.Surl’écrans’affichalenuméroque
KolheravaitfaitmémoriseràBeth.Ellesouritbêtement.
—J’adoreraisça.Vraiment.
—Bien.Danscecas,nousironsaucentrecommercial.IlyaunmagasinBrookslà-basaussi.Le
maîtreapassécommandedevêtements.Jecroisqu’ilveutêtreàsonavantagepourvousaussi.
Elleraccrocha,unsourireidiotauxlèvres.
KolherlaissaunmessagesurlaboîtevocaledeBethetseretournadanssonlitpouratteindrele
réveil en braille. Quinze heures. Il avait dormi environ six heures, soit plus que de coutume, mais
c’étaitgénéralementcedontsoncorpsavaitbesoinaprèss’êtreabreuvédesang.
MonDieu,ilvoulaittellementqu’ellesoitlàaveclui.
Tohr avait appelé à l’aube pour lui faire son rapport. Beth et lui avaient veillé toute la nuit et
regardédesfilmsdeGodzillaet,àenjugerparletondesavoix,Tohrétaitàmoitiétombéamoureux
d’elle.
Kolheravaitbeaulecomprendre,çaluifoutaitquandmêmelahaine.
Mais,c’étaitsûr,ilavaitfaitlebonchoixenenvoyantTohr.Rhageauraitsûrementtentéquelque
chose,etKolherauraitdûsévir.Luicasserunbras,ouunejambe.Oulesdeux.EtViszs,sansavoirla
beautéravageusede«Hollywood»,avaitlalibidoautop.LevœudecélibatprononcéparFhurieétait
fort,maispourquoil’attirersurlechemindelatentation?
Zadiste?
Iln’avaitpasmêmeconsidérécetteoption.Lacicatricequicouraitsursonvisageauraitfoutuà
Bethlatrouilledesavie.Bordel,mêmeKolherarrivaitàlavoir.Etpuislaterreurqu’ilinspiraità
une femelle était ce qui excitait le plus Z. Il marchait au truc comme la plupart des mâles avec la
lingerieVictoria’sSecret.
Non,Tohrreprendraitduservicesilebesoinsefaisaitdenouveausentir.
Kolhers’étira.Lecontactdesdrapsdesatincontresoncorpsnulefitdenouveauselanguirde
Beth.Maintenantqu’ils’étaitabreuvédesang,soncorpsétaitplusfortquejamais,commesisesos
étaient en carbone et ses muscles en acier. Il était redevenu lui-même et tout en lui réclamait d’être
pousséàfond.
Sicen’estqu’ilregrettaitamèrementcequis’étaitpasséavecMarissa.
Il repensa aux événements de la nuit. Dès qu’il avait relevé la tête de son cou, il avait compris
qu’ilavaitfaillilatuer.Etnonparcequ’illuiavaitpristropdesang.
Elles’étaitécartée,lecorpstremblant,enproieàladétresse,ets’étaitprécipitéehorsdulit.
—Marissa…
—Seigneur,jetelibère.Detonengagement.Vis-à-visdemoi.
Ilavaitjuré,seméprisantpourtoutlemalqu’illuiavaitinfligé.
—Jenecomprendspastacolère,avait-elleajoutéd’unevoixfaible.C’estcequetuastoujours
désiréetjetel’accordedèsmaintenant.
—J’aijamaisvoulu…
—Êtreavecmoi,complétaMarissa.Jesais.
—Marissa…
—Jet’enprie,nedisrien.Jenesupporteraipasd’entendrelavérité,mêmesijelaconnais.Tuas
toujourseuhonted’êtreliéàmoi.
—Putain,maisdequoituparles?
—Jetedégoûte.
—Quoi?
—Tucroisquejen’airienremarqué?Tun’espèresqu’unechose,êtrelibérédemoi.Unefois
quej’aibu,tuterefermescommesitudevaisteforcerpoursupportermaprésence.(Elles’étaitmise
àpleurer.)Jemesuistoujoursefforcéed’êtresoignéequandjevienstevoir.Jepassedesheuresdans
lasalledebains,àmelaver.Maisjenetrouvepaslasaletéquetusemblesvoir.
—Marissa,arrête.Arrête.Çan’arienàvoiravectoi.
—Oui,jesais.J’aivulafemelle.Danstonesprit.Ellehaussalesépaules.
—Jesuisdésolé,déclara-t-il.Etjamaistunem’asdégoûté.Tuesbelle…
— Ne dis pas ça. Pas maintenant. (La voix de Marissa était devenue dure.) Contente-toi de
regretterqu’ilm’aitfallutoutcetempspourvoircequiatoujoursétélà.
—Jecontinueraiàteprotéger,promit-il.
—Non.Tun’asplusàtesoucierdemoi.Nonquetul’aiesjamaisfait.
Elles’enétaitallée,sonodeurfraîchedebrisemarineflottantdansl’airavantdedisparaître.
Kolhersefrottalesyeux.Ilétaitrésoluàsefairepardonnerleschosesd’unefaçonoud’uneautre.
Il ne savait pas quoi faire pour se racheter, compte tenu de l’enfer qu’il lui avait fait vivre. Mais il
n’étaitpasdisposéàlalaisserruminerlapenséesordidequ’ellen’avaitjamaiscomptépourlui.Ou
qu’illatrouvaitsaled’unemanièreoud’uneautre.
Certes, il ne l’avait jamais aimée. Mais jamais il n’avait voulu la faire souffrir, raison pour
laquelleilluiavaitdemandésisouventdelequitter.Sielleseretirait,sielleluisignifiaitclairement
qu’elle ne voulait pas de lui, elle serait toujours en mesure de maintenir son rang dans le cercle
aristocratique qui était le sien. Au sein de cette classe sociale, une shellane rejetée était considérée
commeunbienendommagé.
Maintenantqu’ellel’avaitquitté,touteignominieluiseraitépargnée.Etilavaitl’impressionque,
lorsquelanouvelles’ébruiterait,personneneseraitsurpris.
Bizarrement, il n’avait jamais réellement songé à la façon dont Marissa et lui se sépareraient,
peut-êtreparcequ’aprèstantdesièclesilsupposaitqueçan’arriveraitjamais.Maisjamaisiln’aurait
penséquecemomentarriveraitparcequ’ilselieraitàuneautrefemelle.
Etc’étaitcequiarrivait.AvecBeth.Aprèsl’avoirmarquéelanuitprécédente,ilnepouvaitplus
prétendrequ’ilnes’attachaitpasémotionnellementàelle.
Iljuraàvoixhaute,carilensavaitsuffisammentlongsurlecomportementetlapsychologiedes
vampires mâles pour se rendre compte qu’il s’était fourré dans le pétrin. Bordel, tous deux étaient
maintenantdanslepétrin.
Un mâle avec ce type d’attachement était dangereux. Surtout lorsqu’il allait devoir quitter sa
femelle.
Etlaconfierauxsoinsd’unautre.
Ilessayad’oublierlesconséquences,décrochalecombinéetappelaàl’étage,pensantqu’ilavait
besoindemangerquelquechose.Commepersonnenedécrochait,asupposaqueFritzétaitpartifaire
lescourses.
Bonne initiative. Kolher avait demandé aux frères de passer dans la soirée et ils aimaient
beaucoupmanger.Ilétaittempsdefairelepointsurcequ’ilsavaienttrouvé.
LebesoindevengerAudazsbrûlaitenlui.
Brûlaitd’autantplusfortqu’ilserapprochaitdeBeth.
CHAPITRE23
Butch se dirigea vers le bureau du capitaine. Son holster, dépourvu de son arme, lui semblait
étrangementléger.Sonportefeuille,tropplatsanssonbadge.Ilavaitl’impressiond’êtrenu.
—Qu’est-cequis’estpassé?demandaJosé.
—Jeprendsdesvacances.
—Bordel,qu’est-cequeçaveutdire?
Butchs’engageadanslecouloirendirectiondelasortie.
—LapolicedeNewYorkatrouvéquelquechosesurlesuspect?
Josélesaisitparlebrasetl’entraînadansunesalled’interrogatoire.
—Qu’est-cequis’estpassé?
—Jesuissuspendu,sanssolde,jusqu’auxrésultatsdel’enquêteinterne.Quiconclura,onlesait
touslesdeux,quej’aifaitunusageinappropriédelaforce.
Josésepassaunemaindanslescheveux.
—Jet’avaisditdetetenirloindessuspects.
—CeRiddleméritaitbienpire.
—C’estpaslaquestion.
—Marrant,c’estjustementcequem’arépondulecapitaine.
Butchsedirigeaverslemiroirsanstainetseregarda.BonDieu,ilvieillissait.Oupeut-êtreétait-il
seulementfatiguéduseulboulotqu’ilaitjamaisvoulufaire.
Brutalitépolicière.Moncul.Ilprotégeaitlesinnocentspaslespetitesfrappesquijouaientlesgros
durs. Le problème était qu’il existait bien trop de lois en faveur des criminels. Si seulement les
victimesquivoyaientleurviebriséeparlaviolenceavaientlamoitiédecettechance.
—Jesuispasàmaplaceicidetoutefaçon,murmura-t-ilàvoixbasse.
—Quoi?
Iln’yavaitjusteplusdeplacepourdestypescommeluidanslemonded’aujourd’hui,pensa-t-il.
Butchseretourna.
—Alors,lapolicedeNewYork.Qu’est-cequ’onadécouvert?
Joséleregardapendantunlongmoment.
—Suspendudetesfonctions,c’estça?
—Jusqu’àcequ’onmevireofficiellement.
Les mains sur les hanches, le regard au sol, José secoua la tête, comme s’il adressait des
remontrancesàseschaussures.Ilréponditnéanmoins.
—Nada.C’estcommes’ilavaitsurgidenullepart.Butchjura.
—Cesshuriken.Jesaisqu’onpeutselesprocurersurleWeb,maisonpeutaussilesacheterdans
desboutiques,pasvrai?
—Dansdesacadémiesd’artsmartiaux.
—IlyenadeuxàCaldwell.
Lentement,Joséacquiesça.
Butchsortitdesclésdesapoche.
—Àplustard.
—Attends.Onadéjàenvoyéquelqu’unserenseigner.Lesdeuxacadémiesontdéclaréqu’ellesne
sesouvenaientdepersonnecorrespondantàladescriptiondususpect.
—Mercidutuyau.
Butchs’avançaverslaporte.
—…Inspecteur.Hé,O’Neal.(JosésaisitButchparl’avant-bras,)Bordel,tuveuxbienattendreune
minute?
Butchleregardapar-dessussonépaule.
—C’estlemomentoùtuvasmeconseillerderesterendehorsdel’enquête?Gardetasalive.
— Pour l’amour de Dieu, Butch, je suis pas un ennemi. (José le fixa de son regard brun et
pénétrant.)Lesgarsetmoi,onestderrièretoi.Pournous,tufaiscequetuasàfaireettut’esjamais
trompé.Tousceuxquetuastabassésl’avaientmérité.Maispeut-êtrequetuaseudelachance.Situ
avaisblesséquelqu’unqui…
—Laissetomberlesermon.Jesuispaspreneur.Ilposalamainsurlapoignéedelaporte.
Joséaugmentalapressiondesamain.
—Tuessuspendu,O’Neal.Temêlerd’uneenquêtequit’aétéretiréeneramènerapasJanie.
Butchaccusalecoup.
—Toiaussi,tuvisessouslaceinture?
Joséretirasamain,avecsurlevisageuneexpressionquisemblaitdirequ’iljetaitl’éponge.
—Jesuisdésolé.Maistudoissavoirqu’ent’obstinantturéussisjusteàt’attirerplusd’ennuis.Ça
aiderapastasœur.Çal’ajamaisaidée.
Lentement,Butchsecoualatête.
—Jelesais,merde!
—Tuessûr?
Ouais,ill’était.IlavaitprissonpiedenfoutantuneracléeàBillyRiddle,etc’étaitpourvenger
Beth.Rienàvoiravecsasœur.Janieétaitpartie.Ilyavaitdeçatrès,trèslongtemps.
MaisleregardtristedeJoséluidonnaitl’impressionqu’ilsouffraitd’unemaladieincurable.
—Çavaaller,sesurprit-ilàdire,mêmes’iln’encroyaitpasuntraîtremot.
—Évitedetenterlediable,inspecteur.
—J’aijamaisriensufaired’autre,José.
M. X se renversa dans son fauteuil et pensa à la nuit qui l’attendait. Il était prêt à refaire une
tentative,mêmesilecentre-villeétaitsoushautesurveillanceaprèsl’attentatàlavoiturepiégéeetla
découverte du cadavre de la prostituée. Il allait être plus dangereux de patrouiller à proximité du
Screamer’s,maislerisquedesefaireprendrerendaitledéfiencoreplusexcitant.
Etpuislesrequinsnesepêchaientpaseneauxclaires.Pourtraquerlesvampires,ildevaitallerlà
oùilssetrouvaient,ils’endélectaparanticipation.
Ilavaitfignolésestechniquesdetorture.Cematinmême,avantdepartirpourl’académie,ilavait
faituntourdansl’atelierqu’ilavaitaménagédanssagrange.Sesoutils,bienrassemblés,brillaientde
tout leur éclat : une roulette de dentiste, des couteaux de différentes tailles, un marteau à panne
sphérique,unburin,unescieSawzall.
Unecuilleràmelon.Pourlesyeux.
Biensûr,toutl’artconsistaitàrestersurlalignedecrêteentresouffranceetmort.Ilétaitpossible
defairesouffrirquelqu’undesheures,desjoursdurant.Lamortétaitl’interrupteurultime.
Uncoupretentitàlaporte.
—Entrez,ditM.X.
La réceptionniste apparut, une femme robuste aux bras aussi massifs que ceux d’un homme et,
pourainsidire,pasdepoitrine.Sescontradictionsnecessaientd’étonnerM.X.Endépitdufaitqu’une
envieaiguëdepénislapoussaitàprendredesstéroïdesetàsouleverdelafontecommeungorille,
elle persistait à se maquiller. Et à être impeccablement coiffée. Avec son tee-shirt dévoilant son
nombriletsesleggings,elleressemblaitàunedrag-queenaurabais.
Elleledégoûtait.
Ondevraittoujourssavoirquionest,songea-t-il.Etquionn’estpas.
—Yauntypequidemandeàvousparler.(Savoixétaittropbassed’environuneoctaveetdemie.)
O’Neal,jecroisquec’estlenomqu’iladonné.M’atoutl’aird’unflic,maisapasmontrédebadge.
—Dites-luiquej’arrivedansuneminute.Espèced’erreurdelanature,ajouta-t-ilmentalement.
M.Xneputs’empêcherderirelorsquelaporteserefermasurelle.Lui.Peuimporte.
Lui, un homme dépourvu d’âme chargé d’éradiquer les vampires, qui la traitait d’erreur de la
nature?Aumoins,luiavaitunemission.Etunplan.Cesoir,elleallaitretournerauGold’sGym.Juste
aprèsavoirrasésabarbenaissante.
Unpeuavant18heures,Butcharrêtalavoiturebanaliséedevantl’immeubledeBeth.Tôtoutard,
il devrait rendre le véhicule de police, mais sa suspension n’équivalait pas encore à un renvoi. Il
attendraitquelecapitaineluidemandederendrelafoutuebagnole.
Ils’étaitrendudanslesdeuxacadémiesd’artsmartiauxetavaitparléauxdirecteurs.L’und’eux
s’étaitmontréodieux.Leprototypemêmedudingueàquilesartsmartiauxétaientmontésauciboulot
etquiseprenaitpourunAsiatique.Mêmes’ilétaitaussiblancqueButch.
Quantàl’autre,ilavaitjusteéténormalementbizarre.Ilressemblaitàunlaitierdesannées1950,
lescheveuxblondsmanifestementdécolorésparunesortedelotion,etunlargesourireénervantqui
auraitfaitlesheuresdegloired’unemarquededentifriceilyapresquecinquanteans.Letypes’était
montréonnepeutplusconciliant,maisquelquechoseclochait.LedétecteurdeconneriesdeButch
avaitflairéquelquechosedepasnetàlaminuteoùM.Pommadeavaitouvertlabouche.
Et puis le type cocottait comme une vraie poule. Butch monta quatre à quatre les marches du
perronetsonnachezBeth.
Il lui avait laissé un message sur sa boîte vocale au bureau pour l’avertir qu’il passerait. Il
s’apprêtait à actionner de nouveau la sonnette quand, par la porte vitrée, il l’aperçut qui s’avançait
dansl’entrée.
BordeldeDieu!
Elleportaitunerobeportefeuillenoirequiauraitpuluirefilerlamigraine,tantelleluiallaitàla
perfection. L’échancrure plongeante dévoilait la naissance de ses seins. La taille bien prise mettait
merveilleusement en valeur ses hanches minces. La fente laissait apparaître l’éclat de ses cuisses à
chacundesespas.Sestalonshautssoulignaientladélicatessedeseschevillesravissantes.
Ellelevalatêtedusacdanslequelellefarfouillaitetsemblasurprisedelevoir.
Elleouvritlaporte.
—Butch.
—Salut.
Ilsesentitaussiintimidéqu’unadolescent.
—J’aieutesmessages,dit-elled’unevoixdouce.Ilreculapourqu’ellepuissesortir.
—T’asunpeudetempspourparler?
Mêmes’ilconnaissaitdéjàlaréponse.
—Là,non,désolée.
—Oùtuvas?
—J’aiunrendez-vous.
—Avecqui?
Elleleregardaavecunecalmedétermination;ilsutquesaréponseseraitunmensonge.
—Personneenparticulier.
Ouais,tuparles.
—Qu’est-cequis’estpasséavecletypedelanuitdernière,Beth?Oùilest?
—Jesaispas.
—Tumens.
LesyeuxdeBethrestèrentrivéssurlessiens.
—Situveuxbienm’excuser…
Ill’attrapaparlebras.
—Vapaslerejoindre.
Le ronronnement grave d’un moteur emplit le silence qui s’était installé entre eux. Une grande
Mercedesauxvitresteintéess’arrêta.Unevoituredecaïddeladrogue.
—Ah,putain,Beth!(Ilpressasonbras,cherchantdésespérémentàattirersonattention.)Faispas
ça.Tudevienscompliced’unsuspect.
—Lâche-moi,Butch.
—Ilestdangereux.
—Pastoi,peut-être?
Butchrelâchasonemprise.
—Demain,ajouta-t-elle.Onseverrademain.Viensmevoiraprèsleboulot.
Dansunetentativedésespérée,Butchsemitentraversdesonchemin.
—Beth,jepeuxpastelaisser…
—Tucomptesm’arrêter?
Pascommeflic;cen’étaitplusensonpouvoir.Pasàmoinsd’êtreréintégré.
—Non,jevaispast’emmener.
—Merci.
—C’estpasunefaveurquejetefais,ajouta-t-ild’untonamertandisqu’ellepassaitdevantlui.
Beth,jet’enprie.Elles’arrêta.
—Cen’estpascequetucrois.
—J’ensaisrien.Pourmoientoutcas,c’estonnepeutplusclair.Tuprotègesuntueur,etilyade
forteschancesquetuteretrouvesdansunejolieboîteenpin.Tusaisquic’est,cetype?J’aivuson
visage de près. Quand d’une main il me serrait le cou et voulait me tuer. Un type comme lui a le
meurtredanslesang.C’estdanssanature.Commenttupeuxallerlerejoindre?Putain,commenttu
peuxaccepterqu’unmeccommeluisoitenliberté?
—Ilestpascommeça.
Mais ses mots avaient l’intonation d’une interrogation. La portière de la voiture s’ouvrit ; un
hommedepetitetaillevêtud’unsmokingensortit.
—Maîtresse,ya-t-ilunproblème?luidemandal’hommed’untonempreintdesollicitude,tout
enjetantàButchunregardnoir.
—Non,Fritz.Aucunproblème.(Elleesquissaunsourirepeuassuré.)Demain,Butch.
—Situvisjusque-là.
Ellepâlit,maisseprécipitaaubasdesmarchesetseglissadanslavoiture.
Quelquesinstantsplustard,Butchmontadanslasienne.Etlesfila.
LorsqueHaversentenditdespassedirigerverslasalleàmanger,illevalesyeuxdesonassiette,
sourcilsfroncés.Ilavaitespérépouvoirdînersansêtreinterrompu.
Maiscen’étaitpasundoggenvenantl’informerqu’unpatientréclamaitsonassistance.
—Marissa!
Ilselevadesonsiège.
Elleesquissauntimidesourireàsonintention.
—Jemesuisditquejeferaismieuxdedescendre.J’enaiassezdepassertantdetempsdansma
chambre.
—Jesuisraviquetumefassesl’honneurdetacompagnie.
Il lui tira une chaise tandis qu’elle s’approchait de la tête. Il se félicitait d’insister pour que le
couvertdeMarissasoittoujoursdressé,mêmeaprèsavoirperdul’espoirqu’elleviendraitprendre
sesrepasaveclui.Cesoir-là,l’effortnesemblaitpasporteruniquementsurlefaitdedescendredîner.
Elle portait une magnifique robe de soie noire sous une veste au col officier. Ses cheveux étaient
lâchéssursesépaulesetsetissaientdefilsd’oràlalueurdesbougies.Elleétaitmagnifique;Havers
sentitl’animositélegagner.QuelleinsultequeKolhernesachepasappréciertoutcequ’elleavaità
offrir,quecettefemelleexquisedesangnoblenesoitpasassezbienpourlui.
Justebonneàlenourrir.
—Commentvatontravail?demanda-t-elletandisqu’undoggenluiversaitduvin.
Unautreplaçadevantelleuneassiettedenourriture.
—Merci,Philipp.Karolyn,çaal’airdélicieux.
Ellepritunefourchetteetrepoussadoucementlerôtidebœuf.
Grandsdieux,songeaHavers.Toutétaitpresquenormal.
— Mon travail ? Bien. On ne peut mieux, même. Comme je te l’ai dit, j’entrevois une avancée.
Boiredusangappartiendrapeut-êtrebientôtaupassé.
Illevasonverreetbut.Lebourgogneauraitdûsemarieràlaperfectionaveclebœuf,maisilne
letrouvapasàsongoût.Toutdanssonassietteprenaitungoûtaigresursalangue.
—Jemesuistransfusédusangstockécetaprès-midietjemesensmerveilleusementbien.
Enréalité,cetteaffirmationtenaitquelquepeudel’exagération.Ilnesesentaitpasmalade,mais
quelquechoseclochait.Iln’avaitpasencoreressentil’affluxnormaldeforce.
—Oh,Havers,dit-elled’unevoixdouce.Evangalinetemanquetoujours,n’est-cepas?
—Atrocement.Etboiredusang…nem’esttoutsimplementpasagréable.
Non, il était résolu à ne plus rester en vie à la manière ancienne. Désormais, le procédé serait
clinique.Uneaiguillestériliséereliéeàunepocheetperfusée.
—Jesuistellementdésolée,réponditMarissa.Haverstenditlamain,paumeretournée.
—Merci.
Ellemitsamaindanslasienne.
— Je suis désolée de m’être montrée aussi… préoccupée. Mais les choses vont aller mieux
maintenant.
—Oui,répliqua-t-ilavecconviction.
Kolher était tout à fait le genre de barbare qui s’obstinerait à boire du sang à la veine, mais au
moinsMarissan’auraitplusàsubircetoutrage.
—Toiaussi,tupourraisessayerlatransfusion.Turetrouveraistaliberté.
Elleretirasamainetpritsonverredevin.Elleportalebourgogneàseslèvresmaisenrenversa
unpeusursaveste.
— Oh, zut ! murmura-t-elle, essuyant le vin qui tachait la soie. J’ai de terribles problèmes de
coordination.
Elleretirasavesteetladéposasurlachaisevideàcôtéd’elle.
—Tusais,Havers,jecroisquej’aimeraisessayer.Boiredusangn’estplusàmongoûtnonplus.
Une délicieuse sensation de soulagement, comme l’esquisse d’une ouverture, le submergea. La
sensationluisemblaitlégèrementétrangère;ilnel’avaitplusressentiedepuissilongtemps.L’idée
mêmed’uneaméliorationpossibleluiétaitdevenueunconceptétranger.
—Vraiment?murmura-t-il.
Elleacquiesça,repoussasescheveuxpar-dessussonépauleetpritsafourchette.
—Oui,vraiment.
C’estalorsqu’ilvitlesmarquesàsoncou.
Deuxtrousenflammés.Unetraînéerougeàl’endroitdelasuccion.Descontusionsviolettessurla
peaudesaclaviculeoùelleavaitétéagrippéeparunemainvigoureuse.
L’horreurluicoupal’appétitetluibrouillalavue.
—Commentpeut-iltetraiterainsi?murmuraHaversdansunsouffle.
Marissaportalamainàsoncouet,d’ungestevif,ramenasescheveuxversl’avant.
—Cen’estrien.Vraiment,cen’estrien.
Haversregardaittoujoursl’endroitdésormaisrecouvertcommes’ilcontinuaitàvoircequ’elle
s’évertuaitàcacher.
—Havers,jet’enprie.Dînons.(Ellerepritsafourchettecommesielles’apprêtaitàluifaireune
démonstration.)Jet’enprie.Dînons.
—Commentlepourrais-je?
Iljetasescouvertssurlatable.
—Parcequec’estterminé.
—Qu’est-cequil’est?
—J’airompumonengagementavecKolher.Jenesuisplussashellane.Jenelereverraiplus.
Haverslaregardafixementpendantuninstant,avantdedemander:
—Pourquoi?Qu’est-cequiachangé?
—Ilatrouvéunefemellequ’ildésire.
Sousl’effetdelacolère,lesangdeHaverssefigea.
—Etquiose-t-iltepréférer?
—Tunelaconnaispas.
—Jeconnaistouteslesfemellesdenotremilieu.Quiest-ce?
—Ellen’estpasdenotremilieu.
—Alors,c’estunedesÉluesdelaViergescribe?
Danslahiérarchiesocialedesvampires,ellesseulesavaientunrangplusélevéqu’unefemellede
l’aristocratie.
—Non,elleesthumaine.Outoutdumoinsàdemihumaine,d’aprèscequej’aipuendéduireen
lisantlesimagesmentalesdeKolher.
Haverssefigea.Humaine.Unehumaine?
Marissaavaitétédélaisséepourune…Homosapiens?
—LaViergescribea-t-elleétécontactée?demanda-t-ild’unevoixblanche.
—C’estsondevoir,paslemien.Maissoissûrqu’ilvaallerlatrouver.Toutest…terminé.
Marissapritunpetitmorceaudebœufetleportaàsabouche.Ellemâchasoigneusement,comme
si elle avait oublié comment faire. Ou peut-être que l’humiliation qu’elle ressentait rendait la
déglutitiondifficile.
Havers se cramponna aux bras de son siège. Sa sœur, sa sœur magnifique et pure, avait été
ignorée.Utilisée.
Maisaussibrutalisée.
Et tout ce qui subsistait de son union avec leur roi était la honte d’être rejetée au profit d’une
humaine.
L’amour de Marissa n’avait jamais eu la moindre signification pour Kolher. Ni son corps ni sa
lignéeimmaculée.
Et désormais, ce guerrier avait sali son honneur. Non, les choses bien étaient loin d’être
terminées.
CHAPITRE24
KolherenfilalavestequivenaitdechezBrooks.Elleétaitunpeuserréeauxépaules,maisilavait
dumalàtrouverdesvêtementsàsatailleetiln’avaitdonnéaucuneindicationàFritz.
Mêmesilavesteavaitététailléesurmesure,ilseseraitnéanmoinssentiàl’étroit.Ilétaitmille
foisplusàsonaisedanssonblousondecuiravecsesarmesquedanscevêtementdelainepeignée.
Ilsedirigeaverslasalledebainsetclignadesyeuxpoursevoirdanslemiroir.Lecostumeétait
noir.Toutcommelachemise.C’étaittoutcequ’ilpouvaitdistinguer.
Grandsdieux,ilavaitprobablementl’aird’unavocat.
Ilretiravivementsavesteetlaposasurlecomptoirenmarbre.D’ungesteimpatient,iltirases
cheveuxenarrièreetlesnouaaumoyend’unlienencuir.
OùétaitFritz?ÇafaisaitaumoinsuneheurequeledoggenétaitpartichercherBeth.Bethetlui
auraientdûêtrerentrésmaintenantmais,au-dessus,lamaisonsemblaitvide.
Ah,merde!
Kolherauraitétéaucombledel’agitationmêmesilemajordomenes’étaitabsentéquedepuisune
minute.Ilbrûlaitd’impatiencedevoirBeth,netenaitpasenplaceetavaitdumalàseconcentrer.Tout
ceàquoiilpensait,c’étaitenfouirsonvisagedanslescheveuxdeBethetintroduirelapartielaplus
duredesonanatomieauplusprofondd’elle.
BonDieu,lescrisqu’ellepoussaitlorsqu’ellejouissait.
Iljetauncoupd’œilàsonreflet.Etremitsaveste.
Mais le sexe n’était pas tout. Il voulait la traiter avec respect, pas seulement la mettre dans son
pieu.Ilvoulaitallerdoucement.Luiparler.Bordel,luioffrirtoutcequelesfemellesdésiraient:un
peud’amouretdetendresse.
Ilmimaunsourire.L’accentua.Ilavaitl’impressionquesesjouesétaientsurlepointdecraquer.
Ouais,leromantismeàdeuxballesn’étaitpassaspécialité.Maisilpouvaitapprendre.Pasvrai?
Ilsefrottalajoue.Putain,qu’est-cequ’ilyconnaissaitenromance?
Soudain,ilsesentitridicule.
Non,c’étaitpireencore.Cenouveaucostumel’exposaitetluidonnaitàvoirunevéritéquinelui
plaisaitpas.
Ilchangeaitpourunefemelle.Simplementpouressayerdelasatisfaire.
Unlienseformait,pensa-t-il.Raisonpourlaquelleiln’auraitjamaisdûlamarquer,etjamais,au
grandjamais,selaisseralleràunetelleintimitéavecelle.
Ilsereditqu’unefoislatransitiondeBethterminéetoutseraitfinientreeux.Ilretourneraitàsa
vie.Quantàelle…
MonDieu,cettedouleurintense,commes’ilavaitétéfrappéenpleinepoitrine…
—Kolher,mec?LavoixdeTohrmentretentitdanslapièce.
La voix de baryton de son frère d’armes était un soulagement qui arrivait à point nommé et
l’aidaitàserecentrer.
Ilpassadanslachambreetgrimaçalorsqu’ilentenditsonfrèresifflertoutbas.
—Hében,regardez-moiça!s’exclamaTohr.
IltournaautourdeKolher.
—Vatefairefoutre.
—Merci,maisnon.Jepréfèrelesfemelles.(Iléclataderire.)Maisjedoisadmettrequet’asun
sacréstyle.
Kolher croisa les bras sur sa poitrine, mais la veste le serrait tellement aux entournures qu’il
craignitdefairecraquerlacouturedansledos.Ilrelâchalesbras.
—Pourquoit’eslà?
—J’aiappelésurtonportablemaist’aspasdécroché.T’asditquetuvoulaisqu’onseretrouve
touscesoir.Àquelleheure?
—Jesuisoccupéjusqu’àuneheuredumatin.
—Uneheure?répétaTohrd’unevoixtraînante.
Kolher posa ses mains sur ses hanches. Il ressentit un profond sentiment de malaise, comme si
quelqu’uns’étaitintroduitchezlui.
Quelleboulette,pensa-t-il,cerendez-vousavecBeth.Maisc’étaittroptardpourtoutannuler.
—OK,onaqu’àdireminuit,répondit-il.
—Jeprévienslesautres.
Ilavaitl’impressionqueTohraffichaitunsourireamusé,maissavoixnetrahitrien.Ilyeutun
silence.
—Hé,Kolher?
—Quoi?
—Elleestaussibellequetulepenses.Justepourquetusaches.
Sin’importequelautremâleavaitosédireça,ilauraitétébonpoursefairerefairelenez.Mais
mêmesilaremarquevenaitdeTohr,Kolhersentitl’agacementlegagner.Iln’aimaitpasqu’onlui
rappelleàquelpointBethétaitirrésistible.Ilnepouvaitalorss’empêcherdepenseraumâleauquel
elles’uniraitpourlavie.
—Tuveuxenvenirquelquepartouc’estjustepourparler?
Ilnes’agissaitnullementd’uneinvitationàpoursuivre,maisTohrs’engageanéanmoinsdansla
brèche.
—T’esvraimentaccroàelle.
Kolherpensaqu’ilauraitdûs’entenirà«Vatefairefoutre».
—Etjecroisqu’elleressentlamêmechose,ajoutaTohr.
Ouais,génial.Ilsesentaitmieux.Commeça,ilrisquaitenplusdeluibriserlecœur.
Bordel,cerendez-vousétaitvraimentunemauvaiseidée.Maisqu’est-cequ’ilimaginaitavecson
romantismeàdeuxballes?
Kolherdénudasescanines.
—Jeresteprèsd’elleletempsdelatransition.C’esttout.
—Ouais,tuparles.
Kolherémitungrondementsourd,maisl’autrevampirehaussalesépaules.
—Jet’aijamaisvuavanttemettresurtontrenteetunpourunefemelle.
—C’estlafilledeAudazs.TuveuxquejesoiscommeZadisteavecsesputes?
—BonDieu,non!Siseulementilpouvaitarrêtersesconneries,celui-là.Maisçameplaîtquetu
soisavecBeth.T’esrestéseultroplongtemps.
—C’esttonopinion.
—Etcelledecertainsautres.
Kolhersentitlasueurperlersursonfront.
LafranchisedeTohrluidonnaitl’impressiond’êtrepiégé.Toutcommelefaitqu’iln’étaitcensé
que protéger Beth, alors qu’il s’évertuait à lui donner l’impression qu’elle avait une importance
spécialepourlui.
—T’asriend’autreàfaire?
—Non.
—C’estbienmaveine.
Sentant l’impatience le gagner, Kolher se dirigea vers le sofa et prit son blouson de motard. Il
devait refaire son stock d’armes et, puisque Tohr ne semblait pas du tout pressé de partir, cette
distractionavaitleméritedeluiChangerlesidées.
—Lanuitoùilestmort,déclaraTohr,Audazsm’aditquet’avaisrefusédet’occuperdesafille.
Kolherouvritleplacardetatteignitlecoffrequirenfermaitlesshuriken,lesdaguesetleschaînes.
Ilfitsonchoix.
—Et?
—Qu’est-cequit’afaitchangerd’avis?
Kolherserralamâchoiredetoutessesforces,àdeuxdoigtsd’exploser.
—Ilestmort.Jeleluidois.
—Tuluidevaisaussidesonvivant.
Kolherfitvolte-face.
—Yaautrechosequetuveuxvoiravecmoi?Sinon,dégage!
Tohrlevalesmains.
—Toutdoux,monfrère.
—Vatefairefoutre!J’aipasl’intentiondeparlerd’elle,niavectoiniavecpersonne.Compris?
Etferme-ladevantlesautres.
—C’estbon,c’estbon.(Tohrserepliaverslaporte.)Maisaccorde-toiunefaveur.Reconnaisce
quisepasseaveccettefemelle.Unefaiblessequ’onnieestfatale.
Kolhergrognaetadoptaunepostureoffensive,lapartiesupérieureducorpsinclinéeversl’avant.
—Unefaiblesse?Etc’estunmâleassezconpourtomberamoureuxdesashellanequimefaitla
leçon?Tutefousdemoi!
Ilyeutunlongsilence.
— Je suis heureux d’avoir trouvé l’amour, reprit Tohr d’une voix douce. Tous les jours, je
remercielaViergescribequeWellsiefassepartiedemavie.
Kolherneputretenirsacolère,déclenchéeparquelquechosequ’ilneparvenaitpasàidentifier.
—T’espathétique.
Tohrémitunchuintement.
— Et toi, t’es mort depuis des siècles. T’es juste trop minable pour trouver une tombe et te
coucher.
Kolherjetasonblousondecuir.
—Aumoins,jenesuispasàlabotted’unefemelle.
—Tul’aurasvoulu.Approche.
En deux enjambées, Kolher franchit la distance qui les séparait. L’autre vampire se campa, tête
baissée.Tohrmentétaitunmâleénorme,auxépauleslargesetauxbrasrobustes.Uneatmosphèrede
menacecirculaitentrelesdeuxvampires.
Kolheresquissaunsourirefroidetsescaniness’allongèrent.
— Si tu passais moitié moins de temps à courir après ta femelle et deux fois plus à défendre
l’espèce,onauraitpeut-êtrepasperduAudazs.T’yasdéjàpensé?
LasouffrancedeTohr,aussipalpablequelesangquis’écoulaitd’uneplaieenpleincœur,emplit
l’air.Kolhereninspiral’effluve,laissaladétressepénétrerenprofondeursespoumonsetsonâme.Il
se haïssait d’avoir porté un coup aussi bas à un mâle aussi honorable et courageux. Alors qu’il
attendait que Tohr porte son attaque, il accueillit la haine pour lui-même comme une vieille
connaissance.
—J’arrivepasàcroirequet’aiesditça,déclaraTohr,lavoixvibranted’émotion.Tudevrais…
—Gardetonputaindeconseil.
—Vatefairefoutre.(Tohrluiassenauncoupvigoureuxàl’épaule.)Tul’entendrasquandmême.
Tuferaismieuxd’apprendrequisonttesvéritablesennemis,espècedeconnardarrogant.Avantdete
retrouvertoutseul.
Kolherentenditàpeinelaporteclaquer.Lavoixqui,danssatête,luihurlaitqu’ilétaitladernière
desmerdesétaitplusfortequelereste.
Ilprituneprofondeinspirationetvidasespoumonsdansuncripuissant.Lesonvibradanstoute
la pièce, résonna contre les portes, les armes au sol, le miroir de la salle de bains. Les bougies
flamboyèrent furieusement, leurs longues langues de feu léchant les murs, avides de liberté et de
destruction.Kolherhurlajusqu’àcequ’ilsentequesagorgeallaitexploseretquesapoitrinelebrûle.
Lorsqu’ilrefermalabouche,ilneressentitpasdesoulagement.Justeduremords.
IlsedirigeaversleplacardetsortitleBerettaneufmillimètres.Aprèsl’avoirchargé,illeplaça
dans la ceinture de son pantalon, dans le dos. Puis il se dirigea vers la porte et monta les marches
deuxpardeuxpourgagnerlepremierétage.
Ilentradanslesalonetécouta.Lesilenceétaitprobablementunebonnechosepourtoutlemonde.
Ildevaitseressaisir.
Ilarpentalademeureets’arrêtadevantlatabledelasalleàmanger.Elleavaitétédresséecomme
ill’avaitdemandé.Deuxcouverts.Cristaletargenterie.Bougies.
Etilavaittraitésonfrèred’armesdemâlepathétique?Siçan’avaitpasétéàAudazs,ilauraittout
bazardéd’ungestedubras.Iltenditlamaincommes’ilétaitsurlepointdepasseràl’acte,maisla
veste le serrait. Il en saisit les revers, prêt à la déchirer et à la brûler, quand la porte de la maison
s’ouvrit.Ilseretourna.
Ellevenaitd’arriver.Elleétaitsurleseuilets’engageaitdanslevestibule.
Kolherlaissaretombersesbraslelongducorps.
Elleétaitvêtuedenoir.Lescheveuxremontés.Ellesentait…larosedenuitépanouie.Ilhumale
délicatparfum,soncorpsseraidit,sespulsionsluiordonnantuneseulechose,secouchersurelle.
PuisilperçutlesémotionsdeBeth.Elleétaitsursesgardes,nerveuse.Ilressentitclairementsa
méfiance,ainsiqu’unesatisfactionperverseàlavoirhésiteràleregarder.
Sacolèrelereprit,viveetintense.
Fritzétaitoccupéàrefermerlaporte,maislecontentementdudoggenétaitperceptibledansl’air
autourdelui,brillantcommelesoleil.
—J’aipréparéduvindanslesalon.Jeservirailepremierplatdansunedemi-heure,sicelavous
convient.
—Non,ordonnaKolher.Nousdîneronstoutdesuite.
Fritzsemblatroublé,puisperçutl’étatémotionneldeKolher.
—Àvotreconvenance,maître.Toutdesuite.
Lemajordomedisparutcommesiquelquechosebrûlaitdanslacuisine.
KolherregardafixementBeth.
Ellerecula.Probablementàcausedesonregardnoir.
—Tuasl’air…différent,déclara-t-elle.Danscesvêtements.
—Vapascroirequejesuisdevenucivilisé.
—C’estpascequejecrois.
—Tantmieux.Finissons-enalors.
Kolhersedirigeaverslasalleàmanger,pensantqu’ellelesuivraitsiellelevoulait.Etdanslecas
contraire,bordel,C’étaitprobablementmieux.Iln’étaitpasdutoutpressédesesentirpiégéautour
d’unetable.
CHAPITRE25
BethregardaKolhers’éloignerd’unpasnonchalantcommes’ilsefoutaitroyalementdesavoirsi
elleallaitdîneraveclui.
Sielleneseledemandaitpasdéjàelle-même,elleseseraitsentiecomplètementinsultée.Ill’avait
invitée.Pourquoi,alors,toutcecinémaquandellesepointait?Elleeutenviedeprendresescliqueset
sesclaquesetdeleplanterlà.
Maisellelesuivit,sentantqu’ellen’avaitpaslechoix.Elleavaittantdequestionsauxquelleslui
seulpouvaitrépondre.
S’il avait été possible d’obtenir les informations de quelqu’un d’autre, Dieu lui en était témoin,
ellel’auraitfait.
Tandisqu’illaprécédait,elleregardafixementsanuqueets’efforçadenepastenircomptedela
hâte avec laquelle il avançait. Ce qui venait de se passer était un raté. Il était magnifique à voir.
L’impact vigoureux de ses talons sur le sol faisait vibrer ses épaules sous sa luxueuse veste pour
contrebalancer la poussée de ses jambes. Ses bras se balançaient légèrement et elle savait que ses
cuissessecontractaientetserelâchaientàchacundesespas.Ellel’imaginanu,lesmusclesbandés.
LavoixdeButchrésonnadanssatête.«Unhommecommeluialemeurtredanslesang.C’est
danssanature.»
Pourtant,Kolherl’avaitrenvoyéechezellelanuitprécédentequandilétaitdevenuundangerpour
elle.
Elleseditqu’elleferaitmieuxderenonceràconcilierlescontradictions.C’étaitcommetenterde
liredansdumarcdecafé.Elledevaitsefieràsestripesetcelles-ciluidisaientqueKolherétaitson
seulrecours.
Lorsqu’elle entra dans la salle à manger, elle fut surprise par la magnifique table dressée pour
eux, avec des fleurs en son centre, des tubéreuses et des orchidées. Des bougies ivoire. De la
porcelaineétincelanteetdel’argenterie.
Kolherfitletourdelatableettiraunechaise,attendantqu’elleprenneplace.Leregardmenaçant.
MonDieu,commeilétaitsexydanscecostume!Lecolouvertdesachemisedévoilaitsoncou,la
soienoiredonnantàsapeauunlégerhâle.Dommagequ’ilsoitd’unehumeurdechien.Sonvisage
était aussi fermé que son humeur était massacrante et, avec ses cheveux tirés en arrière, le contour
agressifdesamâchoireressortaitd’autantplus.
Quelquechoseavaitdûlemettredanscetétat.Ungrostruc.
Superrencard,pensa-t-elle.Unvampiredansunétatdefureur,prêtàtoutcasser.
Prudemment, elle s’approcha. Pendant qu’il rapprochait le siège, elle aurait juré qu’il s’était
penchéverssescheveuxpourleshumerprofondément.
—Pourquoit’estantenretard?demanda-t-iltandisqu’ilprenaitplaceenboutdetable.
Commeellegardaitlesilence,illuijetauncoupd’œil,l’arcbrundesonsourcilhaussévisible
au-dessusdeslunettesdesoleil.
—Fritzadûtepersuaderdevenir?
Poursedonnerunecontenance,Bethpritsaservietteetladépliasursesgenoux.
—Non,c’estpasça.
—Alorsdis-moi.
—Butchnousasuivis.Onadûlesemer.
Ellesentitl’espaceautourdeKolhers’assombrircommesisacolèreabsorbaitlalumière.
Fritzentra.Ilportaitdeuxpetitesassiettesdesaladequ’ilposadevanteux.
—Duvin?demanda-t-il.
Kolheracquiesça.
Lorsque le majordome eut rempli les verres et se fut retiré, Beth prit sa lourde fourchette en
argentetseforçaàmanger.
— Pourquoi t’as peur de moi maintenant ? demanda Kolher avec, sembla-t-il, une pointe de
sarcasmedanslavoix,commesilapeurdeBethl’agaçait.
Desafourchette,Bethpiqualasalade.
—Hmm?Peut-êtreparcequ’ondiraitquet’esprêtàétranglerquelqu’un?
—T’avaisdéjàpeurquandt’esarrivée.Avantmêmedemevoir.Jeveuxsavoirpourquoi.
Ellegardalesyeuxrivéssursonassiette.
—Peut-êtreparcequ’onm’arappeléquet’asfaillituerundemesamislanuitdernière.
—Putain,tuvaspasremettreça!
—T’asvoulusavoir,non?rétorqua-t-elle.T’enprendspasàmoisilaréponseteplaîtpas.
Kolhers’essuyalabouched’ungesteimpatient.
—Jel’aipastué,pasvrai?
—Justeparcequejet’enaiempêché.
—Etc’estçaquitetravaille?Lesgens,engénéral,aimentjouerleshéros.
Ellereposasafourchette.
—Tusaisquoi?J’aipasdutoutenvied’êtreavectoilàmaintenant.
Ilcontinuaàmanger.
—Alorspourquoit’esvenue?
—Parcequetum’asinvitée!
—Crois-moi,jepeuxsupporterunrefus.
Commesiellenecomptaitpaspourlui.
—C’étaituneerreur.
Elleposasaservietteàcôtédesonassietteetseleva.Iljura.
—Assieds-toi.
—Medispascequej’aiàfaire.
—Jereprends:assieds-toietboucle-la.
Elleleregardabouchebée.
—Espècedeconnardarrogant!
—T’esladeuxièmeàmedireçacesoir,mercibeaucoup.
Fritzchoisitcemoment-làpourfairesonentréeavecdespetitspainschauds.
BethjetaunregardfurieuxàKolheretfitsemblantdes’êtrelevéepourprendrelabouteillede
vin.Ellen’avaitpasl’intentiondepartirdevantFritz.Etpuiselleavaitsoudainenviederester.
Pours’engueulerencoreunpeuavecKolher.
—Tucherchesquoi,àmetraitercommeça?reprit-ellequandilssefurentdenouveauseuls.
Ilterminasasalade,reposalafourchettesurleborddesonassietteet,desaserviette,setamponna
lescommissuresdeslèvres.Commes’ilavaitprisdescoursdemaintien.
—Onvajouerfranc-jeu,répondit-il.T’asbesoindemoi.Alorsarrêtedegambergersurceque
j’aurais pu faire à ce flic. Ton pote Butch est toujours en vie, pas vrai ? Alors c’est quoi le
problème?
Bethleregardad’unairfurieux.Elles’efforçaitdeliresonregardderrièreseslunettesdesoleil,
cherchait un peu de douceur, quelque chose à quoi se raccrocher. Mais les verres sombres
dissimulaientcomplètementsesyeuxtandisquesestraitstendusnelaissaientrienparaître.
—Commentlaviepeutavoirsipeud’importancepourtoi?sedemanda-t-elleàvoixhaute.
Illuidécochaunsourirefroid.
—Pourquoilamortenatantpourtoi?
Beths’enfonçadanssonsiège.Ellevoulaitêtreleplusloinpossibledelui.Commentavait-ellepu
fairel’amour–non,couché–aveclui?Iln’avaitpasdecœur.
Soudain,ellesesentitblessée.Nonparcequ’ilsemontraitdurvis-à-visd’elle,maisparcequ’elle
était déçue. Elle avait vraiment voulu qu’il soit différent de ce qu’il semblait être. Elle avait voulu
croirequelesélansdetendressefaisaientautantpartiedeluiquesescôtésdurs.
Ellefrottalarougeurquiluiétaitapparuesurlesternum.
—Siçatefaitrien,jepréféreraisrentrer.
Ilyeutunlongsilence.
—Ah,merde…,murmura-t-ildansunsouffle.C’estpascommeçaqueç’auraitdûsepasser.
—Non,eneffet.
— J’avais pensé que tu méritais… je sais pas… une sorte de rendez-vous. Un truc normal. (Il
éclatad’unriredurtandisqu’elleleregardaitavecsurprise.)C’estcon,hein?Ilvaudraitmieuxque
jem’entienneàcequejesaisfaire.Jem’entireraimieuxent’apprenantàtuer.
Au-delà de la fierté apparente, elle sentit autre chose. De l’insécurité ? Non, pas ça. Comme il
fallaits’yattendreaveclui,c’étaitquelquechosedeplusintense.
Delahainedesoi.
Fritz entra, débarrassa les assiettes de salade et réapparut avec de la soupe, de la vichyssoise
froide.Tiensdonc,pensa-t-ellel’airabsent.Engénéral,onsertd’abordlasoupe,puislasalade.Mais
peut-êtrequelesvampiresavaientd’autresmœurs.Commecettecoutume,pourunhomme,d’avoir
plusieursfemmes.
Sonestomacsecontracta.Non,ellen’allaitpasypenser.Ellerefusaitsimplementd’ypenser.
—Écoute,justepourquetusaches,déclaraKolherenprenantsacuiller,jemebatspourprotéger,
non parce que je prends mon pied à tuer. Mais j’ai tué des milliers de gens. Des milliers, Beth. Tu
comprends?Jepeuxpasfairecommesilamortmetouchait.Jepeuxpas.
—Desmilliers?répéta-t-elle,abasourdie.
Ilacquiesça.
—Ettutebatscontrequi?
—Dessalaudsquitetueraientjusteaprèstatransition.
—Deschasseursdevampire?
— Des éradiqueurs. Des humains qui ont vendu leur âme à l’Oméga en échange d’un règne de
terreur.
—L’Oméga,c’estqui,ouquoi?
Lorsqu’elle prononça le nom, les bougies se mirent à flamboyer furieusement, comme si elles
étaienttourmentéespardesmainsinvisibles.
Kolherhésita.Lesujetsemblaitlemettremalàl’aise.Luiquin’avaitpeurderien.
—Tuveuxdirelediable?reprit-elle.
— Pire. C’est pas comparable. Le premier est une métaphore. L’autre est réel. Très réel.
Heureusement,l’Omégaaunhomologue,laViergescribe.(Ilesquissaunsourireironique.)Peut-être
«qu’heureusement»esttropfort.Maisilyaunéquilibre.
—DieuetLucifer.
— Peut-être dans ton langage. D’après notre légende, les vampires ont été créés par la Vierge
scribecommeseuleetuniquedescendance.L’Omégaluienviaitlepouvoirqu’elleavaitdedonnerla
vie et méprisait les pouvoirs qu’elle avait donnés aux vampires. Alors il inventa la Société des
éradiqueurs. Il se sert d’humains car il est incapable de créer et les humains ont un potentiel de
violencefacilementmobilisable.
Tout ça est vraiment trop bizarre, pensa-t-elle. Vendre son âme. Les morts-vivants. Tout ça
n’existaitpasdanslemonderéel.
Pourtant,elledînaitbeletbienavecunvampire.Toutçaétait-ilréellementimpossible?
Ellepensaaubelhommeblondqu’elleavaitvuserecoudre.
—Vousêtesplusieursàvousbattre,pasvrai?
—Mesfrères.(Ilbutunegorgéedevin.)Quandlesvampiresontprisconsciencequ’ilsétaient
menacés, ils ont fait appel aux mâles les plus robustes et les plus vigoureux. Entraînés à se battre.
Entraînés à combattre les éradiqueurs. Pendant des générations, ces guerriers ont été unis aux
femelles les plus fortes jusqu’à l’émergence d’une sous-espèce distincte de vampires. Les plus
puissantsontétéenrôlésdanslaConfrériedeladaguenoire.
—Vousêtesdesfrèresdesang?
Ileutunpetitsourire.
—Façondeparler.
Sonvisagesereferma,commesilaquestionétaitpersonnelle.Ellesentitqu’iln’étaitpasdisposé
àendireplussurlaConfrérie;maislaguerrequ’ilslivraientsuscitaitbeaucoupdecuriositéchez
elle.
Surtoutparcequ’elleétaitsurlepointdedevenirl’unedeceuxqu’ilprotégeait.
—Donc,tutuesdeshumains.
—Oui,mêmesienfaitilssontquasimentdéjàmorts.Pourdonneràsescombattantslalongévité
et la force dont ils ont besoin pour combattre, l’Oméga leur prend leur âme. (Une expression de
dégoût se forma sur son visage.) Même si avoir une âme n’a jamais empêché un humain de nous
pourchasser.
—Tu…nenousaimespas,hein?
— Premièrement, la moitié de ce qui coule dans tes veines vient de ton père. Deuxièmement,
pourquoijedevraisaimerleshumains?Ilsm’ontbattucommeunchienavantmatransitionet,s’ils
me cherchent pas d’embrouilles, c’est parce qu’ils sont morts de trouille devant moi. À ton avis,
qu’est-ce qui se passerait si le monde connaissait l’existence des vampires ? Les humains nous
pourchasseraientmêmesansappartenirauxéradiqueurs.Leshumainssesententmenacéspartoutce
quiestdifférentetilscherchentàl’éliminer.Cesontdegrossesbrutesquis’enprennentauxfaibleset
chientdansleurfrocdevantlespuissants.(Kolhersecoualatête.)Etpuisilsm’énervent.Ilsuffitde
voirlafaçondontleurespècedécritlamienne.IlyaDracula,cesuceurdesangimpitoyablequis’en
prend aux faibles. Il y a les films de série B et les pornos. Sans parler de tout ce cirque autour de
Halloween : canines en plastique, capes noires. Les seules choses sur lesquelles ces crétins ont vu
juste,c’estqu’onboitdusangetqu’onnepeutpass’exposeràlalumièredujour.Toutleresten’est
qu’un amas de conneries concocté pour nous aliéner et susciter la peur parmi les masses. Sans
compterquetouscesmythessontpropagéspardeshumainslassésdevivrequis’imaginentqueles
ténèbresc’estl’éclate.
—Maisvousnenouschassezpasvraiment,hein?
—Arrêteaveccemot.C’esteux,Beth.Pasnous.Pourlemoment,t’espascomplètementhumaine,
etbientôttuleserasplusdutout.(Ilmarquaunepause.)Etnon,jeleschassepas.Maiss’ilssemettent
entraversdemonchemin,làilsontdegrosproblèmes.
Elle réfléchit à ce qu’il venait de dire en s’efforçant d’ignorer la panique qui s’emparait d’elle
chaquefoisqu’ellesongeaitàlatransitionquil’attendait.
—Lorsquetut’enesprisàButchcommeça…C’estquandmêmepasun…euh…éradiqueur?
—Ilaessayédem’éloignerdetoi.(LamâchoiredeKolherseserra.)Jeferaitoutpourqueça
arrivepas.Etmêmes’ilesttonamant,s’ilessaieencore…
—Tum’aspromisdenepasletuer.
—Jeletueraipas.Maisjeleménageraipas.
Dur-à-cuireavaitdusouciàsefaire,pensa-t-elle.
—Pourquoitumangespas?demandaKolher.Ilfautquetumanges.
Ellebaissalesyeuxsursonassiette.Manger?SavieressemblaitsoudainàunromandeStephen
Kingetils’inquiétaitdesonalimentation?
—Mange.(Ilfitunsignedetêteendirectiondesonboldesoupe.)Ilfautquetusoisaussiforte
quepossiblepourlechangement.
Bethpritsacuiller,justepourqu’illuifoutelapaix.Lasoupeavaitungoûtdecolle,mêmesielle
devaitêtreparfaiteetparfaitementassaisonnée.
—T’esarméencemomentmême,n’est-cepas?demanda-t-elle.
—Oui.
—Tugardestoujourstesarmes?
—Oui.
—Etquandona…
Ellesetutavantquelesmots«faitl’amour»luiéchappent.
Ilsepenchaenavant.
—J’aitoujoursunearmeàportéedemain.Mêmequandjeteprends.
Bethdéglutit.Lesimagesérotiquess’évanouirentquandellepritconsciencequ’ellesedemandait
toujourssielleavaitaffaireàunvraiparanoouunvraitueur.
Ahbordel,pensa-t-elle.Kolherétaittoutsaufsimple.Maissûrementpashystérique.
Unlongsilences’installaentreeux,jusqu’àcequeFritzdébarrasselesbolsdesoupeetapporte
les assiettes d’agneau. Elle remarqua que la viande destinée à Kolher avait été coupée en petits
morceaux.Bizarre,sedit-elle.
—Ilyaquelquechosequejeveuxtemontreraprèsledîner.
Ilpritsafourchetteetduts’yprendreàdeuxfoisavantd’arriveràpiquerquelquesbouchéesde
viande.
C’estàcemoment-làqu’elleremarquaqu’ilnes’étaitpasmêmedonnélapeinedejeteruncoup
d’œilàsonassiette.Sonregardétaitdirigéverslatable.
Unfrissonlaparcourut.Untrucclochaitvraiment.Elleregardaattentivementleslunettesdesoleil
qu’ilportait.
Elle se souvint de ses doigts qui exploraient son visage lors de leur première nuit, comme s’il
essayaitdelavoirparletoucher.Puisellepritconsciencequ’iln’enlevaitjamaisseslunettes,comme
siellesneservaientpasuniquementàbloquerlalumièremaisàluirecouvrirlesyeux.
—Kolher?dit-elled’unevoixdouce.
Iltenditlebrasverssonverredevin;samainneserefermaquelorsqu’iltouchalecristaldesa
paume.
—Quoi?(Ilportaleverreàseslèvres,maislereposa.)Fritz,apportez-nousduvinrouge.
—Toutdesuite,maître.(Fritzapportauneautrebouteille.)Maîtresse?
—Oui,merci.
— Tu voulais me poser une question ? demanda Kolher quand la porte de la cuisine se fut
refermée.
Elles’éclaircitlavoix.Elledevaitdécoderleschoses.Cherchantdésespérémentunefailleenlui,
elleessayaitmaintenantdeseconvaincrequ’ilétaitaveugle.
Si elle était maligne, ce qui restait encore à démontrer, elle ferait mieux de lui poser toutes ses
questions.Puisderentrerchezelle.
—Beth?
—Oui…c’estvraiquevousnepouvezpassortirpendantlajournée?
—Lesvampiresnesupportentpaslalumièredujour.
—Qu’est-cequisepassedanscecas?
—Desbrûluresdusecondoudutroisièmedegrédèsl’exposition.Lacombustionseproduitpeu
après.Vautmieuxpasjoueravecça.
—Maismoi,jepeuxsortirpendantlajournée.
—Lechangementnes’estpasencoreproduit.Etpuis,vasavoir!Peut-êtrequetupourrasencore
lefaireaprès.C’estdifférentpourceuxquiontunparenthumain.Lescaractéristiquesvampiressont
diluées.(Ilbutunegorgée,humectantseslèvres.)Maistuvaspasserparlatransition,cequisignifie
quelesangdeAudazsestfortdanstesveines.
—Touslescombienjedevrai…menourrir?
—Audébut,assezsouvent.Peut-êtredeuxoutroisfoisparmois.Mêmesi,làencore,pasmoyen
delesavoiràl’avance.
—Aprèslapremièrefois,oùtuseraslà,jeferaicomment…
Kolherémitungrognementquilafittaire.Ellelevalesyeuxetsetassasursachaise.Denouveau,
ilavaitl’airfurax.
—Jemechargeraidetetrouverquelqu’un,déclara-t-il,sonaccentplusmarquéquedecoutume.
Jusqu’àcequecemomentarrive,tuteservirasdemoi.
— J’espère que ça durera pas trop longtemps, murmura-t-elle en pensant qu’il n’avait pas l’air
raviàl’idéedel’avoirsurlesbras.
UnrictussedessinasurleslèvresdeKolherlorsqu’ilregardadanssadirection.
—T’ashâtedetrouverquelqu’und’autre?
—Non,jepensaisjusteque…
—Quoi?Tupensaisquoi?
Sontonétaitdur,aussidurqueleregardqu’illuijetaitderrièreseslunettesdesoleil.
Difficilededireclairementqu’elleavaitl’impressionqu’iln’étaitpasravideseretrouveravec
elle.Lerejetlablessaitmêmesiellepensaitqu’elleseraitsûrementmieuxsanslui.
—Je…Tohraditquetuétaisleroidesvampires.Jemedisaisquetudevaisêtretrèsoccupé.
—Mesgarsferaientmieuxdelaboucler.
—C’estvrai?C’esttoileroi?
—Non!Aboya-t-il.
Siçacen’étaitpasuneportequ’illuiclaquaitenpleinefigure…
—T’esmarié?Jeveuxdire,t’asunefemme?Deux,peut-être?demanda-t-elle.
Lesmotsseprécipitaienthorsdesaboucheetelleseditqu’elleferaitmieuxdevidersonsac.Il
étaitdenouveaud’humeurmassacrante.Cen’étaitpascommesiellerisquaitd’empirerleschoses.
—Bordel,non!
Sa réponse lui procura une sorte de soulagement. Bien qu’elle soit sans ambiguïté sur ce qu’il
pensaitdesrelations.
Ellebutunegorgéedevin.
—Ilyaunefemmedanstavie?
—Non.
—Alorscommenttufaispourtenourrir?
Unlongsilence.Quin’avaitriend’encourageant.
—Ilyaeuquelqu’un.
—Eu?
—Oui.
—Jusqu’àquand?
—Dernièrement.(Ilhaussalesépaules.)Onajamaisétéproches.Onallaitpastrèsbienensemble.
—Tufaiscommentmaintenant?
—Putain!T’esunevraiejournaliste,toi!
—Comment?
Illaregardapendantunlongmoment.Puissonvisagechangea,commesil’agressivitélequittait.
Ilreposadoucementsafourchetteàcôtédesonassietteetplaçasonautremainsurlatable,paume
retournée.
—Etmerde!
Endépitdesonjuron,l’airautourdeluisemblaitplusdoux.
Toutd’abord,ellenecrutpasàsonchangementd’humeur,maisilretiraseslunettesdesoleiletse
frottalesyeux.Lorsqu’illesremit,elleremarquaquesapoitrines’élargissait,commes’ilcherchaità
reprendrelecontrôle.
—Beth,jecroisquejevoulaisquecesoittoi.Mêmesijeresteraipaslongtempsdanslesparages
aprèstatransition.(Ilsecoualatête.)Putain,jesuisvraimentqu’unpauvrecrétin!
Beth cligna des yeux. Elle ressentait une sorte d’excitation sexuelle à l’idée qu’il pourrait boire
sonsangpoursurvivre.
—Maist’inquiètepas,dit-il.Çaarriverapas.Etjetetrouverairapidementunautremâle.
Ilrepoussasonassietteenporcelaineencoreàmoitiéremplie.
—Tut’esnourriquandpourladernièrefois?demanda-t-elle.
Ellerepensaitàlaterriblepulsiondontelleavaitététémoin.
—Lanuitdernière.
Bethressentitcommeunepressiondanslapoitrine,commesisespoumonsétaientcongestionnés.
—Maistum’aspasmordue.
—Ças’estpasséaprèstondépart.
Elleimaginauneautrefemmedanssesbras.Lorsqu’ellepritsonverredevin,samaintremblait.
Ouah ! Ses émotions battaient toutes sortes de records, ce soir. Terreur, colère, jalousie
maladive…
Etmaintenant?
Dubonheur?Ellen’ycroyaitpastrop.
CHAPITRE26
Bethreposasonverredevin,souhaitantêtreenmesuredemieuxsecontrôler.
—Çateplaîtpas,hein?
—Quoi?
—Quejeboivelesangd’uneautrefemelle.
Elleéclatad’unriresinistre.Elleseméprisait.Leméprisait.Méprisaittoutelasituation.
—Tucherchesàenfoncerleclou?
—Non.(Ils’interrompit.)L’idéequ’unjourtumarquerasdetesdentslapeaud’unautremâleet
quetuprendrassonsangentoimedonneenviedejouerducouteau.
Bethleregardafixement.
Danscecas,pourquoiturestespasavecmoi?
Kolhersecoualatête.
—Maisj’aipasledroitdepensercommeça.
—Pourquoi?
—Parcequetupeuxpasêtreàmoi.Peuimportecequej’aiditauparavant.
Fritzentra,débarrassapuisservitledessert.Desfraisessurdesassiettesenargent.Accompagnées
d’unesauceauchocolatetd’unpetitbiscuit.
Entempsnormal,BethauraittoutavaléàvitessegrandV,maiselleétaittropchambouléepour
manger.
—T’aimespaslesfraises?demandaKolheralorsqu’ilenportaituneàsabouche.
Sesdentsd’unblancéclatantmordirentlachairrouge.Ellefrissonnaetseforçaàdétournerle
regard.
—Si.
— Tiens. (Il prit une fraise dans son assiette et se pencha vers elle.) Laisse-moi te donner à
manger.
Desesdoigtseffilés,Kolhermaintenaitfermementlaqueuedufruit,lebrassuspenduenl’air.
Ellevoulaitprendrecequ’illuioffrait.
—Jesuiscapabledemangertouteseule.
—Jesais,dit-ild’unevoixdouce.Maisc’estpaslaquestion.
—T’ascouchéavecelle?
Kolhercilla.
—Lanuitdernière?
Elleacquiesça.
—Quandtuboisdusang,est-cequetufaisl’amouravecelle?
—Non.Etlaisse-moirépondreàtaprochainequestion.Jecoucheavecpersonned’autrequetoià
l’heureactuelle.
Àl’heureactuelle,serépéta-t-elle.
Bethbaissalesyeuxendirectiondesesmains.Ellesesentaitbêtementblessée.
—Laisse-moitedonneràmanger,murmura-t-il.Jet’enprie.
Bonsang,grandisunpeu!sesermonna-t-elle.
Ilsétaientadultes.Aulit,c’étaitgénialentreeux,cequineluiétaitjamaisarrivéavecunhomme
avant.Allait-ellevraimentpartirjusteparcequ’elleallaitleperdre?
Quand bien même il lui aurait promis un avenir radieux, un homme comme lui n’était pas du
genreàseposer.C’étaitunguerrierquibattaitlepavéavecdestypesdesatrempe.Dansladouceur
d’unfoyer,ils’ennuieraitcommeunratmort.
Pourlemoment,ilétaitlà.Pourlemoment,ellelevoulait.
Beth se pencha en avant, entrouvrit les lèvres et prit le fruit entier dans sa bouche. Kolher la
regarda faire. Ses narines se dilatèrent. Lorsque le jus du fruit coula le long du menton de Beth, il
chuinta.
—J’aienviedelécherça,murmura-t-ildansunsouffle.
IlsepenchaenavantetsaisitlamâchoiredeBethdanslecreuxdesapaume.Ilpritsaserviette.
Bethposasamainsurlasienne.
—Aveclalangue.
UnsongraveetprofondquivenaitdelapoitrinedeKolherenfladanslapièce.
Kolhersepenchaverselleetinclinalatête.Bethaperçutsescanineslorsqu’ilouvritlaboucheet
sortitlalangue.Illéchalejusàmêmelapeaupuiss’écarta.
Ilséchangèrentunlongregard.Lesbougiesvacillèrent.
—Viensavecmoi,dit-ilenluiprenantlamain.
Beth n’hésita pas. Elle posa sa main dans la sienne et le laissa l’entraîner loin de la table. Il la
conduisit dans le salon, vers le portrait et à travers le mur. Ils descendirent l’escalier, l’obscurité
emplieparl’immensitédelaprésencedeKolher.
Lorsqu’ils atteignirent le bas des marches, Kolher conduisit Beth dans ses appartements. Beth
regardalelit.Ilavaitétéfait;lesoreillersétaientbienalignéscontrelatêtedulit,lesdrapsdesatin
semblaient aussi vaporeux qu’une eau calme. Beth sentit tout son corps vibrer au souvenir de ce
qu’elleavaitressentilorsqu’ilétaitsurelleetqu’ilallaitetvenaitàl’intérieurd’elle.
Ilssedirigeaientdenouveauverslelit,constata-t-elle.Etellemouraitd’impatience.
Ungrondementrauqueluifitleverlatêteetregarderpar-dessussonépaule.Kolherlafixaitde
sonregardcommesielleétaitunecible.
Ilavaitludanssespensées.Ilsavaitcequ’ellevoulait.Etétaittoutdisposéàlasatisfaire.
Ils’avançaverselle.Elleentenditlaportesefermeretseverrouiller.Elleregardaautourd’elle,
sedemandants’ilyavaitquelqu’und’autredanslapièce.Ilsétaientseuls.
Kolherposasamainsursoncouet,desonpouce,l’inclinaversl’arrière.
—J’aieuenviedet’embrassertoutelasoirée.
Elles’étaitpréparéeàuneétreintevigoureuse,àprendretoutcequ’illuidonnerait.Or,seslèvres
effleurèrent sa peau dans un baiser langoureux. Elle sentait son désir dans tous ses muscles tendus,
maismanifestementilvoulaitprendresontemps.Ilrelevalatêteetluisourit.
Elles’étaittotalementhabituéeauxcanines,pensa-t-elle.
— Ce soir, on va prendre notre temps, déclara-t-il. Elle l’arrêta avant qu’il l’embrasse de
nouveau.
—Attends.J’aiquelquechoseàte…T’asdespréservatifs?
Ilfronçalessourcils.
—Non,pourquoi?
—Pourquoi?T’aspasentenduparlerdesMST?
—Jesuispasporteurdecesmaladies;ettoi,tupeuxrienmerefiler.
—Qu’est-cequet’ensais?
—Lesvampiresnesontpasréceptifsauxvirushumains.
—Cequiveutdirequetupeuxavoirtouslesrapportssexuelsquetuveux?Sansrienrisquer?
Ilacquiesça,etellesesentitsaisied’unlégermalaise.MonDieu,aveccombiendefemmesilavait
dû…
—Enplus,t’espasfertile,ajouta-t-il.
—Qu’est-cequet’ensais?
— Crois-moi. On le saurait tous les deux si c’était le cas. Et puis t’auras pas tes premières
chaleursavantcinqansenvironaprèslatransition.Etmêmeàcemoment-là,laconceptionn’estpas
garantiecar…
—Attends.C’estquoiencorecettehistoiredechaleurs?
—Lesfemellessontfertilesàpeuprèstouslesdixans.C’estunevraiechance.
—Pourquoi?
Ilseraclalagorge.Semblamêmeunpeugêné.
— C’est une période dangereuse. Tous les mâles sont réceptifs à différents stades quand ils se
trouventprèsd’unefemmependantcettepériode.Ilssontincapablesdesecontrôler.Ilpeutyavoir
desbagarres.Etlafemelle,elle…euh…lespulsionssonttrèsintenses.C’estcequel’aientendudire.
—T’aspasd’enfants?
Ilsecoualatête.Puisfronçalessourcils.
—MonDieu!
—Quoi?
—Jet’imaginaispendantcettepériode.(Soncorpsvacillacommes’ilavaitfermélesyeux.)Je
m’imaginaisêtrel’undeceuxquetuutiliserais.
Undésirsexuelintenseémanadelui.Ellesentitcommeunebourrasquedansl’air.
—Çadurecombiendetemps?demanda-t-elled’unevoixrauque.
—Deuxjours.Silafemelleest…biensatisfaiteetbiennourrie,ellerécupèrevite.
—Etl’homme?
—Lemâleesttotalementépuiséàlafin.Commeasséché.Vidédesonsangaussi.Illuifautplus
de temps pour récupérer, mais j’ai jamais entendu personne s’en plaindre. Jamais. (Il marqua une
pause.)Çameplairaitd’êtreceluiquitesoulage.
Ilreculabrusquement.Ellesentitcommeuncourantd’airfroidquandsonhumeurchangeaetque
s’évanouitlachaleurdudésir.
—Maisceseraledevoird’unautremâle.Etsonprivilège.
Sontéléphoneportablesemitàsonner.
Alorsqu’illesortaitdesapocheintérieuredansungrondementféroce,ellesesentitdésoléepour
lapersonnequisetrouvaitauboutdufil.
—Quoi?
Ilyeutunepause.
Ellesedirigeaverslasalledebainspourluilaisserunpeud’intimité.Etaussiparcequ’elleen
avaitbesoinégalement.Lesimagesquisesuccédaientdanssatêteluidonnaientunesortedevertige.
Deuxjours.Deriend’autrequelui?
Quand elle regagna la chambre, Kolher était assis sur le sofa, les coudes sur les genoux, à
ruminer. Il avait enlevé sa veste et ses épaules paraissaient très larges dans la chemise noire qu’il
portait.Elles’approchaetentraperçutl’éclatd’unrevolversouslaveste.Ellefrissonnaunpeu.
Il releva la tête quand elle prit place à ses côtés. Elle aurait aimé pouvoir mieux lire en lui et
regrettaqu’ilporteseslunettesdesoleil.Elletenditlamainverssonvisage,caressalalignedurede
sajoue,samâchoirevigoureuse.IlentrouvritleslèvrescommesilacaressedeBethluicoupaitle
souffle.
—Jeveuxvoirtesyeux,dit-elle.
Ilsereculaunpeu.
—Non.
—Pourquoi?
—Àquoibon?
Ellefronçalessourcils.
—Avecceslunettes,c’estdurdesavoircequetupenses.Etlà,maintenant,j’aimeraissavoirce
quetupenses.
Oucequetusens,cequiestencoreplusimportant.
Ilhaussalesépaules.
—Commetuvoudras.
Commeiln’esquissaitaucungestepourlesretirer,elleapprochalamainetfitglisserleslunettes
sur son visage. Il avait les paupières baissées et ses cils noirs contrastaient fortement avec la
blancheurdesapeau.Iln’ouvritpaslesyeux.
—Tuveuxpasquejelesvoie?
Ilcontractasamâchoire.
Elle regarda les lunettes. Lorsqu’elle les leva devant la flamme d’une bougie, elle ne voyait
quasimentrienàtravers,tantellesétaientfoncées.
—T’esaveugle,c’estça?demanda-t-elled’unevoixdouce.
Seslèvresseretroussèrent,maispasdansunsourire.
—Tutedemandesmaintenantsijepourraisprendresoindetoi?
Son hostilité ne la surprit nullement. Elle imaginait qu’un homme comme lui devait détester la
moindredesesfaiblesses.
—Non,c’estpasçadutout.Jevoudraisjustevoirtesyeux.
D’ungestesoudain,Kolherl’attiracontrelui.Ellefutdéséquilibréeetseulelaforcedesbrasdu
vampirel’empêchadetomberausol.Elleremarqualerictussinistredesabouche.
Lentement,ilsoulevalespaupières.
Betheneutlesoufflecoupé.
LesirisdeKolherétaientd’unecouleurexceptionnelle,d’unvertpâleluminescent,sipâlesqu’ils
en étaient presque blancs. Bordés par ses cils noirs et épais enfoncés dans leurs orbites, ses yeux
étincelaientcommes’ilsétaientallumésdel’intérieurdesoncrâne.
Puiselleremarquasespupilles.Malformées.Deminusculestachesnoiresentêted’épingle.
Elleluicaressalevisage.
—Tesyeuxsontmagnifiques.
—Ilssontinutiles.
—Magnifiques.
Elleleregardatandisqu’ilexaminaitsonvisage.Ilplissafortementlesyeux,commes’ilessayait
detoutessesforcesdevoir.
—Çaatoujoursétécommeça?murmura-t-elle.
— Mon handicap visuel remonte à ma naissance. Ma vue a empiré après la transition et va
probablementdevenirencoreplusmauvaiseaufildutemps.
—Donctupeuxvoir?
—Oui.(IlpassasamaindanslescheveuxdeBeth.Quandlesbouclesroulèrentsursesépaules,
elle prit conscience qu’il retirait une à une les épingles de son chignon.) J’aime quand tes cheveux
sontlâchés,parexemple.Etjesaisquetuestrèsbelle.
Desesdoigts,KolhersuivitlescontoursduvisagedeBeth,puisdescenditlégèrementlelongde
soncouetdesaclavicule.Sesdoigtscontinuèrentleurexplorationetouvrirentuncheminentreses
seins.
Bethsentitsoncœurbattreàtoutrompre.Sespenséesralentirent.Lemondes’évanouitetiln’y
eutplusqueKolher.
— On fait tout un plat autour de la vue, murmura-t-il tandis qu’il posait sa paume contre le
sternum de Beth. (Elle en ressentit tout le poids. Sa chaleur. Un avant-goût du poids de son corps
lorsqu’ilseraitallongésurelle.)Letoucher,legoût,l’odorat,l’ouïe.Lesquatreautressenssonttout
aussiimportants.
Il se pencha vers elle et plaqua sa bouche dans son cou. Elle ressentit comme une légère
égratignure.Sescanines,pensa-t-elle.Quicouraientlelongdesagorge.
Ellevoulaitqu’illamorde.
Kolherinspiraprofondément.
—Leparfumdetapeaumefaitbander.Instantanément.Ilmesuffitdesentirtonodeur.
Ellesecabradanssesbras,sefrottacontresescuisses,poitrinedressée.Ellelaissatombersatête
enarrièreetémitunpetitgrognement.
—Ah,j’aimeceson,dit-il.(Ilremontasamainetlaposasurlabasedesagorge.)Encore,Beth.
Illuiléchalecou.Ellegémitdenouveau.
—Ouais,c’estça.C’estça.
Denouveau,illaissacourirsesdoigts,cettefoissurlenœuddesarobe,qu’ildéfit.
—J’aipasvouluqueFritzchangelesdraps.
—Quoi?murmura-t-elle.
—Dulit.Aprèstondépart.Jevoulaissentirtonodeurquandj’yétaiscouché.
Sarobes’ouvrit.Elleressentitdel’airfraissursapeautandisquelamaindeKolherremontaitle
longdesonbuste.Auniveaudusoutien-gorge,ildécrivitdescerclesautourdubonnetendentelle,de
plusenpluspetits,jusqu’àcaressersonmamelon.
Beth, le corps agité d’une secousse, agrippa les épaules de Kolher. Ses muscles étaient tendus à
l’extrêmeàforcedelamaintenirdanscetteposition.Elleregardasonvisageterribleetmagnifique.
SesyeuxétincelaientlittéralementetlalumièresereflétaitsurlapoitrinedeBeth.Lapromesse
d’unrapportsexuelaussipassionnéqu’intenseetlafaimqu’ilavaitdelaposséderétaientmanifestes
dans la crispation de sa mâchoire. Dans la chaleur de son corps. Dans la tension qui saisissait ses
jambesetsapoitrine.
Maisilrestaitpleinementmaîtredelui-même.Etd’elle.
—Tusais,j’aiététroppressantavectoi,dit-il.
Ilbaissalatêteverslaclaviculedelajeunefemme.Illamorditlégèrement,sansécorchersapeau.
Puisilpassasalangueàl’endroitdélicatoùill’avaitmordue.Ildescenditverssonsternum.
—Jet’aipasencoreprisecommeilfaut.
—J’ensuispassisûre,répondit-elled’untonbrusque.
Il éclata de rire, un long grondement, son souffle chaud et humide sur la peau de Beth. Il lui
embrassa les seins, puis saisit son mamelon dans sa bouche à travers la dentelle. De nouveau, elle
s’arc-bouta,aveclasensationqu’unbarrageavaitrompuentresesjambes.
Kolherrelevalatête,unsourired’anticipationsurleslèvres.
D’ungestedoux,ilfitglisserlabretelledesonsoutien-gorgeetretiraladentelle.Sonmamelon
devint plus dur encore. Elle le regarda enfouir sa tête brune contre sa peau blanche. Sa langue,
brillanteetrose,commençaàlalécher.
Sesjambess’écartèrentd’elles-mêmes,etilritdenouveau,unriremasculindesatisfaction.
Ilglissalamaindanslesplisdesarobe,caressasahancheetprogressaverssonventre.Iltrouva
laceinturedesaculotteetglissasondoigtsousladentelle.Unpeu.
Il imprima à son doigt un mouvement d’aller et retour, chatouillement sensuel à quelques
centimètresdel’endroitoùelledésiraitqu’ilaille.Oùelleavaitbesoinqu’ilaille.
—Encore,dit-elle.Encore.
LamaindeKolherdisparutentièrementsousladentellenoire.Bethpoussauncrilorsquesamain
touchasonsexechaudethumide.
—Beth?
Elleétaitàpeineconsciente.Consuméetotalementparsacaresse.
—Hmm?
—Tuveuxsavoirquelgoûttuas?murmura-t-il,latêtecontresesseins.
Sonlongdoigts’introduisitdanssoncorps.Commes’ilvoulaitqu’ellesachequ’ilneparlaitpas
desabouche.
Ellel’agrippaàtraverssachemiseensoie,legriffantdesesongles.
—Lapêche,dit-il.(Desabouche,ildescendaitlelongdesonventreetembrassaitsapeau.)C’est
commegoûterunepêche.Delachairsoyeusesurmeslèvresetmalanguequandjetelèche.Douceet
sucréedansmagorgelorsquej’avale.
Prochedel’orgasme,elleémitungémissement,commesielleperdaitlaraison.
D’ungesterapide,illapritdanssesbrasetl’entraînaverslelit.Lorsqu’ill’allongea,ilécartases
jambesdesatêteetposalabouchecontreladentellenoireentresescuisses.
Elle gémit et enfouit ses mains dans la chevelure de Kolher. Kolher retira le lien de cuir. Des
vaguesnoiresroulèrentsurleventredeBeth,commelebattementdesailesd’unfaucon.
—Lapêche,répéta-t-il.(Illuienlevasaculotte.)Etj’adorecefruit.
L’éclatterribleetmagnifiquedesesyeuxparcouruttoutlecorpsdeBeth.PuisKolherbaissade
nouveaulatête.
CHAPITRE27
Haversdescenditdanssonlaboratoireetfitlescentpas,sespantouflesclaquantcontrelelinoléum
blanc.
Aprèsavoirfaitdeuxfoisletourdelapièce,ils’arrêtadevantsonpostedetravail.Ilcaressale
cou émaillé et gracieux de son microscope. Jeta un regard à l’armée de vases en verre et aux
bataillonsdefiolessurlesétagères.Ilentenditleronronnementdesréfrigérateurs,lebourdonnement
del’unitédeventilationauplafond.Captal’odeuraseptiséedudésinfectant.
Cetenvironnementscientifiqueluirappelasesobjectifsderecherche.
Lafiertéqu’ilretiraitdesescapacitésintellectuelles.
Il se considérait comme un être civilisé. Capable de gérer ses émotions. De réagir de façon
logiqueauxstimuli.Maiscettehaine,cettecolère,nepouvaitpasêtreainsirégentée.L’émotionétait
tropviolente,tropénergisante.
Iléchafaudaitdesplansdanssatête,desplansviolents.
Maisqu’est-cequ’ilcroyait?S’ilosaitbrandirneserait-cequ’uncouteausuissesouslenezde
Kolher,c’estbienlui,Havers,quiseretrouveraitàpisserlesang.
Ilavaitbesoindequelqu’unrompuàtuer.Quelqu’unsusceptibled’approcherleguerrier.
La solution s’imposa à lui dans toute son évidence. Il sut vers qui se tourner et comment le
trouver.
Haverssedirigeaverslaporte,unsouriredecontentementsurleslèvres.
Maislorsqu’ilaperçutsonrefletdanslemiroirquisurplombaitlelavaboévasédulaboratoire,il
se figea instantanément. Ses yeux fuyants brillaient d’un éclat trop vif et trop intense. Le sourire
mauvaisqu’ilaffichaitluiétaittotalementétranger.L’échauffementsursonvisageétaitl’anticipation
d’uneissueterrible.
Ilnesereconnutpassouscemasquedevengeance.Ilhaïssaitcequ’ilvoyait.
Oh,monDieu!
Comment pouvait-il ne serait-ce que nourrir de telles pensées ? Il était médecin. Soignant. Il se
consacraitàsauverdesvies,pasàlesprendre.
Marissaavaitditquetoutétaitfini.Elleavaitrompul’engagement.EllenereverraitplusKolher.
Pourtant,neméritait-ellepasd’êtrevengéepourlafaçondontelleavaitététraitée?
Le moment était venu de frapper. L’action à l’encontre de Kolher devait être pensée
indépendammentdeséventuellesrépercussionssurMarissa.
Havers sentit un frisson le parcourir et supposa que c’était de l’horreur face à l’ampleur de ce
qu’il envisageait. Puis son corps vacilla, et il dut se retenir pour ne pas tomber. Le vertige qui le
saisissaitchamboulaittoutautourdelui;Haverstitubaets’effondrasurunechaise.
Lesoufflecourt,ildéfitsonnœudpapillonpourmieuxrespirer.
Lesang,songea-t-il,latransfusion.
Çanefonctionnaitpas.
Saisi de désespoir, il tomba à genoux. Terrassé par son échec, il ferma les yeux et se laissa
sombrerdanslenéant.
Kolherroulasurlecôté,sanscesserd’enlacerBeth,leursdeuxcorpsunis.Tandisquesonsexeen
érection était encore en elle, il repoussa vers l’arrière les cheveux de son amante, humides de sa
sueurdélicate.
Elleestàmoi.
Ilembrassaseslèvresetconstataavecplaisirqu’ellecontinuaitàrespirerfort.
Illuiavaitfaitl’amourcommeilfallait,pensa-t-il,lentementetdefaçondéterminée.
—Tuvasrester?demanda-t-il.
Elleéclatad’unrirerauque.
—Jesuispassûredepouvoirbougerpourlemoment.Alorsoui,jecroisquerestercouchéeici
estunebonneoption.
IlappuyaseslèvrescontrelefrontdeBeth.
—Jeseraideretourjusteavantl’aube.
Alorsqu’ilseretiraitducoconchauddesoncorps,ellerelevalatête.
—Oùtuvas?
—J’aiunrendez-vousavecmesfrères;puisondoitsortir.
Il sortit du lit et se dirigea vers le placard, s’habilla de cuir et fixa son holster autour de ses
épaules.Ilglissaunedaguedechaquecôtéetpritsonblouson.
—Fritzresteici,ajouta-t-il.Sit’asbesoindequelquechose,décrochelecombinéetcomposele
40.Çasonneenhaut.
Bethenroulaledrapautourdesoncorpsetseleva.
—Kolher,dit-elleenluitouchantlebras.Reste.Ilsepenchapourluidonnerunrapidebaiser.
—Jevaisrevenir.
—Tuvastebattre?
—Oui.
—Maiscommentc’estpossible?T’es…Elles’interrompit.
—Jesuisaveugledepuistroiscentsans.
Betheneutlesoufflecoupé.
—T’essivieuxqueça?
Kolheréclataderire.
—Ouais!
—Jedoisadmettrequet’esbienconservé!(LesouriredeBeths’évanouit.)Etmoi,combiende
tempsjevaisvivre?
Kolhersentitlefroidl’envahiretsoncœurmanquaunbattement.
Etsiellenesurvivaitpasàlatransition?
Ilsentitsonestomacseretourner.Lui,quiétaitcommeculetchemiseaveclaGrandeFaucheuse,
éprouvaitsoudaindesnœudsàl’estomacetunepeurdelamort.
Maiselles’ensortira,pasvrai?Pasvrai?
Ilpritconsciencequ’ilavaitlevélesyeuxversleplafondetsedemandaàquiils’adressait.La
Viergescribe?
—Kolher?
IlattiraBethcontreluietlaserrafort,commes’ilpouvaitphysiquementlaprotégerd’undestin
funeste.
— Kolher, dit-elle dans le creux de son épaule. Kolher, mon cœur, je peux plus… je peux plus
respirer.
Immédiatement,ildesserrasonétreinteetbaissalesyeuxsurelle,essayantdefixersonregardsur
elle.L’effortfitsaillirsestempes.
—Kolher,qu’est-cequisepasse?
—Rien.
—T’aspasréponduàmaquestion.
—Parcequej’aipaslaréponse.
Elle sembla décontenancée, mais se reprit et se hissa sur la pointe des pieds. Elle lui déposa un
baisersurleslèvres.
—Quelquesoitletempsquej’aie,j’aimeraisqueturestesavecmoicettenuit.
Onfrappaàlaporte.
—Hé,Kolher?(LavoixdeRhagesepropageaàtraversl’acier.)Onesttouslà.
Bethreculaetserralesbrasautourd’elle.Ilsentitque,denouveau,elleserefermait.
Ilétaittentédel’enfermerdanslapièce,maisnepouvaitsupporterl’idéedelatraitercommeune
prisonnière. Et son intuition lui disait que, même si elle souhaitait vivement que les choses soient
autrement, elle était résignée à son destin, tout comme au rôle que Kolher y jouait. À ce stade, les
éradiqueursneconstituaientpasundangerpourelle,carilslapercevaientcommeunehumaine.
—Tuseraslàquandjerentrerai?demanda-t-ilenpassantsonblouson.
—Jesaispas.
—Situpars,j’aibesoindesavoiroùtetrouver.
—Pourquoi?
—Lechangement,Beth.Lechangement.Écoute,tuseraisplusensécuritésiturestais.
—Peut-être.
Ilgardapourluilejuronquiluimontaitauxlèvres.Iln’allaitpaslasupplier.
— L’autre porte dans le couloir, dit-il. Elle mène à la chambre de ton père. Peut-être que tu
aimeraisyjeteruncoupd’œil.
Kolherpartitavantdeseridiculiser.
Lesguerriersnesuppliaientpas.Ilsdemandaientmêmerarement.Ilsprenaientcequ’ilsvoulaient
ettuaients’ilsledevaient.
Maisilespéraitvraimentqu’elleseraitlààsonretour.Ilaimaitl’idéequ’ellerestedormirdans
sonlit.
Bethserenditdanslasalledebainsetpritunedouche,laissantl’eauchaudecalmersesnerfsàvif
Lorsqu’elleensortit,elleseséchaetremarquaunpeignoirnoirsuspendu.Ellelepassa.
Elle renifla les revers et ferma les yeux. L’odeur de Kolher l’imprégnait complètement, un
mélangedesavon,d’après-rasageetde…
Unvampiremâle.
MonDieu.Toutçaétaitvraimentréel?
Elleregagnalachambre.Kolheravaitlaisséleplacardouvert;elles’ydirigeapourjeteruncoup
d’œilàsesvêtements.Elledécouvritàlaplaceunecachetted’armesquilasaisitd’effroi.
Elleregardalaportequimenaitàl’escalier.Ellepensaits’enallermais,mêmesiellelesouhaitait
vivement,ellesavaitqueKolheravaitraison.Elleétaitplusensécuritéici.
Sanscompterquelachambredesonpèreconstituaitunattraitindéniable.
Elle irait y faire un tour, en espérant que ce qu’elle y découvrirait ne lui donnerait pas de
palpitations.Avecsonamant,elleavaitdéjàplusquesoncomptedechocs.
Arrivéesurlepalierdubas,elleresserralesreversdupeignoir.Leslanternesàgaztremblotaient
etdonnaientl’impressionquelesmursétaientvivants.Elleregardalaporteenface.Avantdeperdre
toutcontrôled’elle-même,ellesedirigeaverselle,ensaisitlapoignéeetl’ouvrit.
Del’autrecôté,ellefutaccueillieparl’obscurité;unmurnoirsemblableàunpuitssansfondou
l’espace infini. Elle franchit le montant et toucha la paroi, espérant trouver un commutateur et non
unebêtequilamordrait.
Pasdechancecôtélumière.Maisuneminuteplustard,samainétaittoujoursàl’extrémitédeson
bras.
Elle avança dans le vide, se déplaçant lentement sur la gauche, puis son corps heurta un objet
volumineux. Avec les poignées en laiton et l’odeur de cire citronnée, elle en déduisit qu’il devait
s’agird’unecommode.Ellepoursuivitsonexploration,àtâtons,jusqu’àcequ’elletrouveunelampe.
Celle-cis’allumaenproduisantuncliquetis;lalueurluifitclignerdesyeux.Labasedelalampe
étaitenfineporcelaineorientale;latablesurlaquelleelleétaitposée,enacajou,présentaitderiches
ornements.Nuldoutequel’appartementdesonpèreétaitmeublédanslemêmestyleluxueuxqueles
piècesàl’étage.
Lorsquesesyeuxsefurentadaptésàl’obscurité,Bethregardaautourd’elle.
Oh…Mon…Dieu…
Partout,desphotosd’elle.Noiretblanc,portraits,photoscouleur.Dessus,elleavaittouslesâges,
de l’enfance à la vingtaine, à l’université. Une des photos était très récente et devait avoir été prise
alors qu’elle quittait les locaux du Caldwell Courier Journal. Elle se souvenait de ce jour-là. Il
neigeaitpourlapremièrefoisdel’hiveretelleriait,lesyeuxlevésversleciel.
Laphotodataitdehuitmois.
Lapenséequ’elleauraitpurencontrersonpèrequelquesmoisauparavantlafrappadanstoutesa
véritétragique.Quandétait-ilmort?Quellevieavait-ileue?
Une chose était claire : il avait un goût sûr. Du style. Et, de toute évidence, il appréciait le
raffinement. La chambre de son père était resplendissante. Sur les murs d’un rouge profond était
exposée une autre collection spectaculaire de paysages de l’école d’Hudson River dans des cadres
dorés.Ausol,destapisorientauxbleu,rougeetor,quirayonnaientcommedesvitraux.Maislejoyau
delapièceétaitsanscontestelelit.Sastructuremassive,sculptéeàlamain,étaitornéedetenturesen
veloursd’unrougeprofondquipendaientd’unbaldaquin.Surlechevetàcôtédulitsetrouvaientune
lampeetuneautrephotod’elle.Surladroite,unréveil,unlivreetunverre.
Ilavaitdormidececôté-là.
Beth s’approcha et saisit le livre relié. Il était en italien. Sous le livre était placé un magazine.
Forbes.
Elleremitlelivreetlemagazineenplaceetregardaleverre.Ilcontenaitencoreunpeud’eau.
Elle inspecta la pièce autour d’elle, à la recherche de vêtements ou d’une valise qui auraient pu
suggérer la présence d’un invité. Son regard fut attiré par le bureau d’acajou de l’autre côté de la
pièce. Elle s’y dirigea et prit place dans une chaise à l’allure de trône, dont les bras massifs
l’enveloppèrent.Prèsdusous-mainencuirsetrouvaitunepetitepiledepapiers.Desfacturespourla
maison.L’électricité.Letéléphone.Lecâble.ToutesaunomdeFritz.
Toutétaitsi…normal.LebureaudeBethétaitluiaussiencombrédefacturessimilaires.
Bethjetauncoupd’œilauverreposésurlatabledechevet.
Savieavaitprisfinbrutalement,songea-t-elle.
Se faisant l’effet d’une intruse, mais incapable de résister, elle ouvrit le mince tiroir sous le
bureau. Des stylos Montblanc, des attache-lettres, une agrafeuse. Elle referma le tiroir, puis en
inspecta un autre, plus grand. Il était rempli de dossiers. Elle en prit un. Il s’agissait de dossiers
financiers…
Bordel de Dieu ! Son père était plein aux as. Blindé. Elle jeta un coup d’œil à une autre page.
Blindé;desmillionsdemillionsdemillions.
Elleremitledossierenplaceetrefermaletiroir.L’étatdesesfinancesexpliquaitlamaison.Les
œuvresd’art.Lavoiture.Lemajordome.
Près du téléphone se trouvait une photo d’elle dans un cadre en argent. Elle la prit en essayant
d’imaginersonpèreentraindelaregarder.
Yavait-ilquelquepartunephotodelui?sedemanda-t-elle.
Est-ilseulementpossible,techniquementparlant,deprendreunvampireenphoto?
Ellerefitletourdelapièceetregardachacundescadres.Elle.Ellen’yavaitqu’elle.
Bethserapprocha.
D’unemaintremblante,ellesaisituncadredoré.
Ilcontenaitunephotoennoiretblancd’unefemmeauxcheveuxnoirsquiregardaittimidement
endirectiondel’appareil.Elleavaitlamainportéeàsonvisage,commesielleétaitgênée.
Cesyeux,songeaBethavecperplexité.Touslesjoursdesavie,elleavaitregardélesmêmesdans
lemiroir.
Samère.
Ellepassaledoigtsurleverreducadre.
Elle s’assit machinalement sur le lit et leva la photo aussi près que possible sans que sa vue se
brouille. Comme si la proximité avec cette photo avait pu abolir la distance, le temps, la conduire
auprèsdelafemmesurlaphoto.
Samère.
CHAPITRE28
Voilà qui était mieux, songea M. X en portant sur son épaule un vampire civil inconscient. Il
avançaitàpasrapidesdanslaruelle,puisouvritl’arrièreduminivanetydéposasaproiecommeun
sacdepommesdeterre.Iljetaunecouvertureenlainesurlecorps.
Ilsavaitquesonsystèmed’approvisionnementfonctionnaitetqu’opterpouruntranquillisantplus
fort(l’acépromazineaulieuduDemosedan)faisaittouteladifférence.Sonintuitionavaitétébonne,à
savoirprivilégierlestranquillisantspourchevauxaulieudessédatifsmisaupointpourleshumains.
Ilavaitnéanmoinsfalludeuxfléchettesd’acépromazineavantquelevampires’effondreausol.
M.Xjetauncoupd’œilpar-dessussonépauleavantdes’installerderrièrelevolant.Laprostituée
qu’ilavaittuéegisaitdansuncollecteurd’eauxpluviales,sonsangsaturéd’héroïnes’infiltrantdans
les eaux usées. La fille avait même poussé la gentillesse jusqu’à lui filer un coup de main pour
l’injection.Biensûr,elles’attendaitàunedosed’héroïnepure.
Outoutdumoinsàunedosesuffisantepourendormirunélan.
Lapolicelaretrouveraitaupetitmatin.Commetoujours,M.Xavaitfaitleschosesproprement:
gantsenlatex,chapeaurivésurlatêtequidissimulaitsescheveux,vêtementsennylondensequine
laisseraientpasdefibres.
Et,Dieuluienétaittémoin,lafillenes’étaitpasdutoutdébattue.
Calmement,M.XmitlemoteurenmarcheetrejoignitTradeStreet.
Par anticipation, de la sueur perla au-dessus de sa lèvre supérieure. L’excitation, la décharge
d’adrénaline qu’il avait ressentie dans son corps lui faisait regretter l’époque où il pouvait encore
avoir des rapports sexuels. Même si le vampire ne lui donnait aucune information, le reste de la
soirées’annonçaitplaisant.
Ilcommenceraitparlemarteau,pensa-t-il.
Non,lafraisededentisteseraitplusappropriée.Souslesongles.
Le mâle reviendrait immédiatement à lui. Ça ne rimait à rien de le torturer alors qu’il était
inconscient. C’était comme donner des coups de pieds dans un cadavre ; ce ne serait qu’un
échauffement.Despluslégers.Illesavaitpertinemment,comptetenudecequ’ilavaitinfligéaucorps
desonpèrequandill’avaitdécouvert.
Il entendit un son à l’arrière. Il regarda par-dessus son épaule. Sous la couverture, le vampire
bougeait.
Bien.Ilétaitvivant.
M.Xdirigeadenouveausonregardsurlarouteetfronçalessourcils.Ilsepenchaversl’avantet
agrippalevolant.
Devant,desfeuxstops’étaientallumés.
Lesvéhiculesétaientàl’arrêt,l’underrièrel’autre.Descônesorangeétaientdisposéssurlaroute.
Deséclairsbleusetblancsannonçaientuneprésencepolicière.
Unaccident?
Non. Un barrage routier. Deux flics, lampes torches à la main, inspectaient les voitures. Un
panneauaveclamention«POINTDECONTRÔLEDEL’ALCOOLÉMIE».
M. X écrasa la pédale de frein. Il fouilla dans son sac noir, en sortit le pistolet à fléchettes et
décocha une autre flèche au vampire pour le réduire au silence. Avec les vitres foncées et la
couverturenoire,lesflicsauraientdumalàledécouvrir.Tantquelemâlenebougeaitpas.
Quandcefutàsontour,M.Xabaissalavitretandisquelepolicierapprochait.Salampetorche
éclairaletableaudebord.
—Bonsoir,officier,ditM.Xd’untonaimable.
—Vousavezbucesoir,monsieur?
Le flic était un quidam d’âge moyen. Autour de la cinquantaine. Avec une moustache qui aurait
méritédessoinsplussoutenus.Descheveuxgrisquijaillissaientdesoussonchapeaucommedela
mauvaiseherbe.Sicen’étaitlecollierantipucesetlaqueue,ilavaittoutduchiendeberger.
—Non,officier.
—Maisjevousconnais!
—Ahbon?
Le sourire de M. X s’élargit tandis que son regard se rivait sur la gorge de l’homme. La
frustrationluifitsongeraucouteauqu’ildissimulaitdanslaportièredelavoiture.Iltenditlebraset,
dudoigt,effleuralapoignéedelaportièrepoursecalmer.
—Oui,vousenseignezlejujitsuàmonfils.
Quandlepoliciersepenchaenarrière,lalueurdesalampetorchesedéportasurlecôtéetvint
éclairerlesacnoirposésurlesiègepassager.
—Darryl,approchequejeteprésentelesenseidePhillie.
Tandis que l’autre policier s’approchait d’un pas tranquille, M. X s’assura que le sac était bien
fermé.Cen’étaitpaslapeinedelaisservoirlepistoletàfléchettesouleGlockneufmillimètresqu’il
renfermait.
Pendant cinq bonnes minutes, il échangea des amabilités avec les hommes en bleu tout en
imaginantlesmultiplesfaçonsdelesfairetaire.
Lorsqueenfinilredémarra,ilserenditcomptequ’iltenaitlecouteaudanslamain,quasimentsur
sesgenoux.Ilavaitsoncompted’agressivitéàévacuer.
Kolherfixalecontourfloudubâtimentcommercialàunétage.Depuisdeuxheures,Rhageetlui
étaient en planque devant l’académie des arts martiaux de Caldwell, pour repérer une éventuelle
activité nocturne. L’académie occupait l’extrémité d’un petit centre commercial, devant une rangée
d’arbres.Rhage,quiavaitsurveilléleslieuxlanuitprécédente,enestimaitlatailleàquelquesixcents
mètrescarrés.
Largementdequoiabriteruncentred’éradiqueurs.
Leparkingavaitétéaménagéàl’avantdubâtiment,surtoutelalongueur,etoffraitdechaquecôté
entredixetquinzeplacesdestationnement.Unedoubleportevitréeàl’entrée.Uneentréelatéraleà
deuxportes.Deleurposted’observationdanslesbois,KolheretRhageavaientvuesurleparkinget
lesentréesdubâtiment.
Lesautressitesavaientmenéàdesimpasses.DanslasalledefitnessGold’sGymseregroupaient
desférusdegonflette.Leclubfermaitàminuit,rouvraità5heuresdumatinetn’avaitconnuaucune
activité suspecte au cours des nuits précédentes. Idem pour le club de paint-ball, où un calme plat
régnait dès la fermeture des portes. Les académies d’arts martiaux constituaient les pistes les plus
sérieuses;Viszsetlesjumeauxsurveillaientlaseconde.
Bienqueleséradiqueurspuissents’exposeràlalumièredujour,ilschassaientlanuit,carc’étaità
cemoment-làquesortaientleurscibles.Àmesurequel’aubeapprochait,lescentresderecrutementet
d’entraînement de la Société étaient souvent utilisés comme lieux de rassemblement, mais pas
toujours.Enoutre,commeleséradiqueurschangeaientfréquemmentd’endroit,unlieupouvaitêtre
trèsactifpendantunmois,unesaisonouuneannéeettotalementdésertéparlasuite.
LamortdeAudazsneremontaitqu’àquelquesjours,etKolherespéraitquelaSociétén’avaitpas
encoredéménagé.
Iltouchasamontre.
—Bonsang,ilestpresque3heures.
Rhagebougeaderrièrel’arbreoùilsecachait.
—J’imaginequeçaveutdirequeTohrneviendrapascesoir.
KolherhaussalesépaulesetespéravivementqueRhagechangedesujet.
Cequ’ilnefitpas.
—Çaluiressemblepas.(Rhagemarquaunepause.)Maisçaapastropl’airdetesurprendre.
—Non.
—Pourquoi?
Kolherfitcraquersesarticulations.
—Jeluiaicherchédesembrouilles.J’auraispasdû.
—J’aipasbesoindesavoir.
—C’estmieuxcommeça.(Puis,pourquelqueraisonobscure,ilpoursuivit.)Jedoism’excuser
auprèsdelui.
—Çaseraitunepremière.
—Jesuissiterriblequeça?
— Non, répondit Rhage sans fanfaronner comme à son habitude. C’est juste que tu te trompes
rarement.
—Maisj’aicarrémentmerdéavecTohr.
Rhageluiadministraunetapedansledos.
— Pour être celui qui s’embrouille souvent avec les autres, laisse-moi te dire un truc : presque
toutpeuts’arranger.
—J’aiparlédeWellsie…
—C’étaitpeut-êtrepasunebonneidée.
—Etdecequ’ilressentpourelle.
—Merde!
—Ouais,tul’asdit.T’imaginespasàquelpoint.
—Pourquoi?
—Parcequeje…
Parcequ’ilsesentaitstupideàl’idéededétruireneserait-cequ’unemiettedecequeTohravait
réussiàfairedepuisdeuxsiècles.Endépitdesamissiondeguerrier,Tohravaitétabliunerelation
avecunefemelledevaleur.Leurunionétaitforteetaimante.IlétaitleseuldelaConfrérieàyêtre
parvenu.
KolherpensaàBeth.L’imaginaquis’avançaitverslui,luidemandantderester.
Ah, il espérait vraiment la retrouver dans son lit à son retour. Et pas parce qu’il voulait la
posséder.Pourdormiràsescôtés.Goûterunpeudereposensachantqu’elleétaitensécuritéetavec
lui.
Ah,bordel!Ilavaitlaterribleimpressionqu’ilallaitdevoirresterauxcôtésdecettefemelle.Pour
untemps.
—Parceque?demandaRhage.
Kolhersentitunchatouillementdanssesnarines.Unelégèreodeuracidulée,commedutalcpour
bébé,flottaitdansl’air.
—Sorslematosdebienvenue,dit-ilenouvrantsonblouson.
— Combien ? demanda Rhage en se retournant. Ils entendirent des brindilles craquer et des
feuillesbruisser.Lebruits’amplifia.
—Trois.Aumoins.
—Yipiii!
Les éradiqueurs arrivaient droit sur eux par une clairière du bois. Bruyants, ils parlaient et
marchaientsansprendredeprécautions.Puisl’und’euxs’arrêta,devenantsilencieux.Lesdeuxautres
l’imitèrent.
—Bonsoir,lesgars,ditRhageensemontrantàdécouvert.
Kolher opta pour une approche plus discrète. Tandis que les éradiqueurs, corps incliné et
couteauxtirés,encerclaientsonfrèred’armes,Kolherlongeal’oréedesbois.
Puisilsurgitdel’ombre,soulevadusoll’undeséradiqueursetengagealecombat.Illuitrancha
la gorge, mais n’avait pas le temps de l’achever. Rhage se battait contre le deuxième, mais le
troisièmeétaitsurlepointdefrapperlevampireàlatêteavecunebattedebase-ball.
Kolhersejetasurlemort-vivantSammySousa,l’entraînaausoletlepoignardaàlagorge.Des
sonsétranglésmontèrentdansl’air.Kolherregardaauxalentours,aucasoùd’autresseraientarrivés
ouquesonfrèreaiteubesoind’aide.
Rhagesedébrouillaitcommeunchef.
MêmepourdesyeuxaussifaiblesqueceuxdeKolher,Rhageétaitmagnifiqueàvoiraucombat.
Coups de poing. Coups de pied. Mouvements rapides. Réflexes animaux. Puissance et endurance. Il
étaitexpertducombatàmainnue.Sanscesse,ilenvoyaitleséradiqueursàterre,quimettaientdeplus
enplusdetempsàserelever.
Kolherretournaauprèsdupremieréradiqueurets’agenouillaprèsducorps.Celui-ciétaitsaiside
convulsions.Kolherfouilladanssespochesetprittouslespapiersqu’iltrouva.
Ils’apprêtaitàlepoignarderenpleinepoitrinelorsqu’ilentendituncoupdefeu.
CHAPITRE29
—Alors,Butch,tucomptesresterjusqu’àlafindemonservice,cesoir?
Abbysourittandisqu’elleluiversaitunautrescotch.
—Possible.
Iln’enavaitpasenviemais,aprèsquelquesverresdeplus,ilpourraitchangerd’avis.Àcondition
qu’ilréussisseàseleverquandilseraitsaoul.
Laserveusesedéportaverslagauchepourregarder,par-dessusl’épauledeButch,unautreclient.
Elleluiadressaunclind’œiltoutenmontrantsondécolleté.
Elleassuraitsesarrières.C’étaitprobablementunebonneidée.
LetéléphoneportabledeButchvibracontresaceinture.Illeprit.
—Ouais?
—Onaretrouvéuneautreprostituéemorte,annonçaJosé.J’aipenséqueçat’intéresserait.
—Où?(Ilsautadesontabouretdebarcommes’ilavaitunendroitoùaller.Puis,lentement,se
rassit.)
—Àl’intersectiondeTradeStreetetdela5e.Maisvienspas.Tuesoù?
—McGrider’s.
—Dixminutes?
—Çamarche.
Enproieàunegrandefrustration,Butchrepoussasonverredescotch.
Alorsc’estcommeçaqu’ilallaitfinir?Àsesaoulertouslessoirs?Peut-êtresedégotterait-ilun
boulotdedétectiveprivéoud’agentdesécuritéjusqu’àcequ’onlevirequandilneseraitplusqu’une
épave?Àvivreseuldanssondeux-piècesjusqu’àcequesonfoielelâche?
Iln’avaitjamaisétédugenreàfairedesprojets,maispeut-êtrequ’ilétaittempsdes’ymettre.
—C’étaitpasbon?demandaAbbyenencadrantleverredesesseins.
D’ungesteabsent,iltenditlamainendirectionduverre,leportaàseslèvresetlereposa.
—Ça,c’estleButchquejeconnais.
Mais,alorsqu’elles’apprêtaitàremplirdenouveauleverre,ilposasamaindessus.
—Jecroisquej’aimoncomptepourcesoir.
—OK.(Ellesourittandisqu’ilsecoualatête.)Maistusaisoùmetrouver.
Ouais,malheureusement.
Il fallut plus de dix minutes à José. Une bonne demi-heure s’était écoulée lorsque Butch vit
l’inspecteur se frayer un chemin parmi les buveurs, silhouette sinistre dans ses vêtements
décontractés.
—Onlaconnaissait?demandaButchavantmêmequel’inspecteursesoitassis.
—UneautrefilledeBigDaddy.CarlaRizzoli.Pseudo:Candy.
—Mêmemodeopératoire?
Josécommandaimmédiatementunevodka.
—Oui.Gorgetranchée.Dusangpartout.Destracessurleslèvrescommesielleavaitbavé.
—Del’héroïne?
—Probable.Lemédecinlégisteferal’autopsiedemainenarrivant.
—Desindicessurlascènedecrime?
— Une fléchette. Comme celles avec lesquelles on anesthésie les animaux. Elle est en cours
d’analyse. (José avala la vodka d’un trait, tête rejetée en arrière.) Et on m’a dit que Big Daddy est
furax.Ilveutsevenger.
— Ouais, ben espérons qu’il s’en prendra au petit ami de Beth. Peut-être qu’une guerre le fera
sortir de sa cachette. (Butch posa ses coudes sur le bar et frotta ses yeux douloureux.) Bon sang,
j’arrivepasàcroirequ’elleleprotège.
—Ouais,sijem’attendaisàça.Quefinalementellesetrouvequelqu’un…
—Uncaïd.
Josélevalatête.
—Onvadevoirlaconvoquer.
—Ouais,jesais.(Butchplissalesyeuxpourmieux,voir.)Écoute,jedoislavoirdemain.Laissemoid’abordtenterlecoup,d’accord?
—Jepeuxpas,O’Neal.Tun’espas…
—Si,tupeux.Tuasqu’àl’interrogerlelendemain.
—L’enquêteavance…
—S’ilteplaît.(Butchn’arrivaitpasàcroirequ’ilenétaitarrivéàsupplier.)Allez,José.Jesuisle
mieuxplacépourlafaireparler.
—Pourquoi?
— Parce qu’elle était là lorsqu’il a failli me tuer. José baissa les yeux sur la surface sale du
comptoir.
—Jetedonneunjour.Etqueçaresteentrenous,sinonlecapitaineauramatête.Après,quoiqu’il
arrive,ilfaudraquejel’interrogeauposte.
Butchacquiesçatandisqu’Abbyrevenaitverseuxd’unpasdansant,unebouteilledescotchdans
unemainetunebouteilledevodkadansl’autre.
—Vousavezl’airàsec,lesgars,dit-elleengloussant.
Danssonlargesourireetsesyeuxvides,lemessagesefaisaitplusfort,plusdésespéré,àmesure
quelanuitavançait.
Butchpensaàsonportefeuillevide.Àsonholstervide.Àsonappartementvide.
—Ilfautquejesorted’elle,murmura-t-ilendescendantdutabouret.D’ici,jeveuxdire.
Le bras de Kolher absorba le choc du coup de feu. Le torse du vampire se tordit comme de la
corde.Laforceducouplefitbasculerenavant,maisilserelevavite.D’unmouvementrapide,ilse
mitàl’abri,pournepaslaisserautireurunedeuxièmechance.
Lequatrièmeéradiqueuravaitsurgidenullepart.Quantàsonfusilàcanonscié,ilétaitchargéà
bloc.
Derrièreunpin,Kolherinspectarapidementsablessure.Ellen’étaitpastropprofonde.Delapeau
etdumusclearrachésdesonbiceps.L’osétaitintact.Ilpouvaitcontinueràsebattre.
Iltirauneétoiledejetetsortitàdécouvert.
Puisunelumièreintenseilluminalaclairière.Ilbattitenretraitedanslebois.
Ah,merde!
Désormais,tousallaientypasser.LabêtesortaitdeRhage.Etallaitleurpéteràlagueule.
Les yeux de Rhage lançaient une lueur aussi blanche que des phares tandis que son corps se
métamorphosaitdansdesdéchirementsetdesruptures.Unechosehorriblepritsaplace,lesécailles
luisant sous la lune, les griffes déchirant l’air. Les éradiqueurs ne comprirent pas ce qui les frappa
quand la créature les attaqua, tous crocs dehors, les pourchassant jusqu’à ce que leur sang coule à
flots.
Kolher resta en arrière. Il avait déjà assisté à ce type de combat et savait que la bête n’avait
nullementbesoind’aide.S’ils’approchaittropprès,ilrisquaitluiaussid’ylaisserdesplumes.
Quandtoutfutterminé,lacréatureémitungrognementsisonorequelesarbressepenchèrent,les
branchessecouéesparlesouffleanimal.
C’étaitunvéritablecarnage.Iln’yavaitaucunechanced’identifierleséradiqueurscariln’yavait
mêmeplusdecorps.Mêmeleursvêtementsavaientétédévorés.
Kolhers’avançadanslaclairière.
Lacréature,haletante,fitvolte-face.
Kolherparlad’unevoixbasse,enveillantàgardersesmainslelongducorps.Rhagesetrouvait
quelquepartàl’intérieurmais,jusqu’àcequ’ilrefassesonapparition,onnepouvaitpastropcompter
surlefaitquelabêtesesouviennedesmembresdelaConfrérie.
—Toutvabien,déclaraKolher.Toietmoi,onadéjàconnuça.
Le poitrail de la bête se levait et s’abaissait et ses narines s’élargissaient quand elle prenait de
l’air. Ses yeux luisants étaient rivés sur le sang qui coulait le long du bras de Kolher. Elle laissa
échapperungrognement,toutesgriffesdehors.
—Laissetomber.T’aseucequetuvoulais.T’esrepue.Maintenant,laisserevenirRhage.
Lacréaturesecouad’avantenarrièresatêteimmense,maissesécaillescommencèrentàvibrer.
Uncriaigudeprotestations’élevadesagorge,puisilyeutuneautreillumination.
Rhageretombanuausol,facecontreterre.
Kolher se précipita et s’agenouilla, main tendue. La peau du guerrier ruisselait de sueur et il
tremblaitcommeunnouveau-nédanslefroid.
LecontactprovoquaunmouvementchezRhage.Ilessayadeleverlatête.Envain.
Kolherpritlamainduguerrieretlaserra.Ladouleurdelaréintégrationétaittoujoursintense.
—Détends-toi,Hollywood.Toutvabien.Toutvabien.
Ilretirasonblouson,dontilrecouvritlevampire.
—Tuvasrestericietdemelaisserm’occuperdetout.
Rhage murmura quelque chose et se recroquevilla. Kolher ouvrit son téléphone portable et
composaunnuméro.
—Viszs?Onabesoind’unevoiture.Toutdesuite.Tutefousdemoi?Non,ilfautquejeramène
Rhage.Onvientd’avoirunevisitedel’autrecamp.MaisdisàZadistedenepasfairen’importequoi.
IlraccrochaetregardaRhage.
—Jedétesteça,déclaralevampire.
—Jesais.(Kolherécartalescheveuxdétrempésdesangduvisageduvampire.)Onvateramener
àlamaison.
—J’aipasaimévoirqu’ontediraitdessus.
Kolhersouritdoucement.
—C’estcequ’ondirait.
Bethremua.Elleenfonçasatêteplusprofondémentdansl’oreiller.
Quelquechoseclochait.
Elleouvritlesyeuxtandisqu’unevoixmasculineetgravebrisaitlesilence.
—Hé,hé,voyonsvoirquiestlà…
Bethserelevad’unbond.Et,saisiedepanique,regardaendirectionduson.
L’hommeprèsd’elleavaitdesyeuxnoirssansvie.Unvisageduravecunecicatricequilebarrait
toutdulong.Descheveuxsicourtsqu’ilssemblaientras.Etdelonguescaninesdénudées.
Bethpoussaunhurlement.
Ilsourit.
—Lesonquej’aimeleplusaumonde.
Elleposaunemainsursabouche.
MonDieu,cettecicatrice.Ellecouraitlelongdesonfront,sursonnez,sursajoueettoutautour
de sa bouche. Le jambage du « S » déformait sa lèvre supérieure, soulevant l’un des côtés dans un
rictuspermanent.
—T’admireslechef-d’œuvre?demanda-t-ild’unevoixtraînante.Etencoret’aspasvulereste.
Bethjetaunregardàsontorsemassif.Ilportaituntee-shirtnoirmoulantàmancheslongues.Au
niveau de ses pectoraux, de petits anneaux étaient visibles sous le tissu, comme si ses mamelons
étaient percés. Quand elle releva la tête vers son visage, elle remarqua qu’il avait un anneau noir
tatouéautourducouetunélargisseurdanslelobedesonoreillegauche.
—Jesuispasmal,non?
Sonregardfroidétaitcommelaréminiscenced’uncauchemar,froidcommedesendroitsobscurs
d’oùl’espoirétaitbanni,froidcommel’enferlui-même.
Oublielacicatrice,pensa-t-elle.Sesyeuxétaientbienpluseffrayants.
Ilsétaientrivéssurellecommes’illajaugeaitpoursoncercueil.Oupourcoucheravecelle.
Beth s’écarta de lui. Et commença à regarder tout autour d’elle à la recherche d’un objet
susceptibledefaireofficed’arme.
—Quoi,jeteplaispas?
Bethjetauncoupd’œilverslaporte;iléclataderire.
— Tu crois que tu pourrais courir assez vite ? dit-il. (Il sortit le bas de son tee-shirt de son
pantalondecuir.Ilportasesmainsàsabraguette.)Jesuisprêtàparierquetupeuxpas.
—Éloigne-toid’elle,Zadiste.
La voix de Kolher retentit aux oreilles de Beth comme un soulagement bienvenu. Jusqu’à ce
qu’elleremarquequ’ilneportaitpasdechemiseetqu’ilavaitlebrasenécharpe.
Illuijetaàpeineunregard.
—Ilesttempsdepartir,Z.
Zadisteluidécochaunsourirefroid.
—Tuveuxpaspartagerlafemelle?
—Tupréfèreslesrapportstarifés,Z.
—Jeluilaisseraivingtdollars.Siellesurvit.
Kolher n’avait cessé d’avancer en direction de l’autre vampire, jusqu’à ce que tous deux se
retrouventnezànez.L’aircraquaautourd’eux,surchargéd’agressivité.
—Tulatouchespas,Z.Tularegardesmêmepas.Tuvasdireaurevoiretfoutrelecampd’ici.
Kolherdégageasonbrasdel’écharpe,dévoilantunbandageautourdesonbiceps.Ilyavaitune
tache rouge au centre, comme s’il saignait, mais il semblait disposé à faire son affaire de l’autre
vampire.
—Jesuissûrqueçat’afoutulesboulesdedemanderqu’onteramènecesoir,ditZadiste.Etque
cesoitmoileplusprès.
—Melefaispasregretterdavantage.
Zadistesedéportasurlagauche.Kolherl’imita,protégeantBethdesoncorps.
Zadisteeutunpetitrire,profondetmauvais.
—Tuveuxtebattrepourunehumaine?
—C’estlafilledeAudazs.
Zadistepenchalatête,examinantlestraitsdeBethdesesyeuxnoirscommeunpuits.Auboutd’un
instant,sonvisagebrutals’adoucitlégèrementetsonrictuss’effaça.Ilrentrasontee-shirtdansson
pantalonsanslaquitterdesyeux.Commes’ils’excusait.
MaisKolhernes’écartapas.
—Tut’appellescomment?demandaZadisteàBeth.
—Elles’appelleBeth.(KolherseplaçadanslechampdevisiondeZadiste.)Disaurevoiràla
dame.
Ilyeutunlongsilence.
—C’estbon.Commetuveux.
Zadistesedirigeaverslaporte,delamêmedémarchemeurtrièrequeKolher.Avantdesortir,il
s’arrêtaetseretourna.
Il avait dû être très beau avant, songea Beth. Bien que son manque de séduction ne soit pas à
imputerdirectementàsacicatrice.Maisauxflammesquileconsumaientàl’intérieur.
—Enchanté,Beth.
Bethsoupiraquandlaporteserefermaetquelesverrousfurentactionnés.
— Tout va bien ? demanda Kolher. (Elle sentait le regard de Kolher courir sur tout son corps,
puislevampireposalamainsurlasienne.)Ilt’apas…touchée,aumoins?Jet’aientenduecrier.
—Non,non,j’aijusteeupeur.Jemesuisréveilléeetilétaitlà.
Kolher s’assit sur le lit, ne cessant de la caresser de la main comme s’il avait du mal à croire
qu’elleétaitsaineetsauve.Untremblementagitaitsesmains.
—T’esblessé,dit-elle.Qu’est-cequ’ils’estpassé?
Ilplaçasonbrasautourd’elleetl’attiracontrasontorse.
—C’estrien.
—Alorspourquoit’aslebrasenécharpe?Etcebandage?Etpourquoitusaignesencore?
—Chut…
IlposasonmentonsurlefrontdeBeth.Ellesentaittremblerlecorpsdesonamant.
—Tuvasbien?demanda-t-elle.
—J’aijustebesoindeteserrercontremoi,d’accord?
—Absolument.
Dèsquelestremblementsdesoncorpss’apaisèrent,Beths’écarta.
—Qu’est-cequ’ilsepasse?
KolherpritlevisagedeBethdanssesmains.Appuyaseslèvrescontrelessiennes.
—Jel’auraispassupporté…s’ilt’avaitpriseàmoi.
—Cetype?T’inquiètepas,jen’irainullepartaveclui.(PuisellecompritqueKolherneparlait
pasd’unrendez-vous.)Tucroisqu’ilallaitmetuer?
Nonquelapossibilitésoitàexclure.Sifroids.Sesyeuxétaientsifroids.
Sansrépondre,KolherplaquasabouchecontrecelledeBeth.Ellel’arrêta.
—Quic’est?Qu’est-cequiluiestarrivé?
—JeveuxplustevoirprèsdeZ.Jamais.
Ilreplaçaunemèchedecheveuxderrièrel’oreilledeBeth.Soncontactétaittendre.Maispassa
voix.
—Tum’entends?
Elleacquiesça.
—Maisque…
—S’ilentredansunepièceetquejesuisdanslamaison,viensmechercher.Sijesuispaslà,tu
t’enfermesdansl’unedespiècesdusous-sol.Lesmurssontenacier,etilnepeuts’ymatérialiser.Et
letouchepas.Jamais.Mêmeparinadvertance.
—C’estunguerrier?
—Tucomprendscequejetedis?
—Oui,maisçam’aideraitsij’ensavaisunpeuplus.
— C’est l’un des membres de la Confrérie, mais il est quasiment dépourvu d’âme.
Malheureusement,onabesoindelui.
—Pourquoi,s’ilestaussidangereux?Ouc’estseulementvis-à-visdesfemmes?
—Ilhaittoutlemonde.Saufpeut-êtresonfrèrejumeau.
—Oh,génial!Ilssontdeux?
—HeureusementpourFhurie.Ilestleseulàpouvoircommuniqueraveclui,mêmesi,làencore,
rienn’estgaranti.(KolherembrassaBethsurlefront.)Jeveuxpast’effrayer,maistudoisprendreles
chosesausérieux.Zadisteestunanimal,maisjecroisqu’ilrespectaittonpère;ilestpossiblealors
qu’il te foute la paix. Mais je veux courir aucun risque avec lui. Ni avec toi. Promets-moi que tu
resterasloindelui.
—Jetelepromets.
Ellefermalesyeuxets’appuyacontreKolher.Ilpassasonbrasautourd’elle,puisl’enleva.
—Viens.(Ill’attirapourqu’elleselève.)Viensdansmachambre.
Lorsqu’ils entrèrent dans la chambre de Kolher, Beth entendit la douche s’arrêter. Quelques
instantsplustard,laportes’ouvrit.
Le guerrier qu’elle avait rencontré auparavant, celui à la tête de jeune premier qui se recousait
toutseul,ensortitlentement.Ilavaituneservietteautourdelatailleetsescheveuxgouttaient.Ilse
déplaçait comme s’il avait quatre-vingts ans, comme si tous les muscles de son corps étaient
douloureux.
MonDieu,pensa-t-elle.Iln’avaitpasdutoutl’airdanssonassietteetquelquechoseclochaitau
niveau de son ventre. Celui-ci était gonflé, comme s’il avait avalé un ballon de basket. Elle se
demandasisablessureétaitinfectée.Ilavaitl’aird’avoirdelafièvre.
Ellejetaunregardàsonépauleetfronçalessourcilsquandelleparvintàpeineàdistinguerune
cicatrice.Commesicetteblessureluiavaitétéinfligéedesmoisauparavant.
—Rhage,commenttutesens?demandaKolherens’écartantdeBeth.
—J’aimalauventre.
—Ouais,j’imagine.
Rhagevacillaenregardanttoutautourdeluidanslapièce,lesyeuxàpeineouverts.
—Jerentrechezmoi.Mesfringuessontoù?
—Tulesasperdues.(Kolherpassasonbrasvalideautourdel’épauledesonfrèred’armes.)Ettu
restesici.TuvaspieuterdanslachambredeD.
—Non.
—Commencepas.Etc’estpasunevalse.Appuie-toisurmoi,bordel!
Le vampire s’affaissa sur lui ; les muscles de Kolher se raidirent pour accuser le poids de son
frèred’armes.Lesdeuxmâlesprogressèrentlentementendirectiondupalier,puisdelachambrede
Audazs.Bethrestaenarrière,àunedistanceraisonnable,etregardaKolheraiderRhageàsemettre
aulit.
Leguerrierposalatêtesurl’oreilleretfermalesyeux.Ilplaçasamainsursonventre,grimaçaet
lalaissaretomber,commesilamoindrepressions’apparentaitàunevéritabletorture.
—Jemesensmal.
—Ouais,l’indigestion,c’estunevraiesaloperie.
—VousvoulezdesRennie?LâchaBeth.Del’Alka-Seltzer?
Lesdeuxvampiresregardèrentdanssadirection,etelleeutl’impressiond’êtreimportune.
Detoutesleschosesstupides…
—Ouais,murmuraRhagetandisqueKolheracquiesçait.
Beth retourna à l’endroit où elle avait laissé son sac et opta pour l’Alka-Seltzer, qui contenait
aussi de l’aspirine. Elle se dirigea vers la salle de bains de Kolher, prit un verre et prépara le
médicament.
Lorsqu’ellerevintdanslachambredesonpère,elletenditleverreàKolher.Ilsecoualatête.
—T’enrenverserasmoinsquemoi.
Ellerougit.Ilétaitsifaciled’oublierqu’ilnepouvaitpasvraimentvoir.
EllesepenchaversRhage,maisneparvintpasàatteindresabouche.Enmaintenantlespansde
son peignoir, elle prit place sur le matelas et s’agenouilla près de lui. Elle se sentait mal à l’aise à
l’idéed’êtreaussiproched’unhommeviriletnuenprésencedeKolher.
ComptetenudecequiétaitarrivéàButch.
Mais Kolher n’avait rien à craindre dans ce cas précis. Peu importe que l’autre vampire soit si
sexy:elleneressentitaucundésirenseglissantauprèsdelui.
Etpuisiln’allaitpasluifairedesavances.Pasdansl’étatdanslequelilétait.
Doucement,ellesoulevalatêtedeRhageetportaleverreàseslèvresexquises.Illuifallutcinq
minutespouravalerlemédicament.Quandileutfini,Beths’apprêtaàdescendredulit.Ellen’allapas
trèsloin.Subitement,RhagesetournasurlecôtéetposalatêtesurlesgenouxdeBeth,passantson
brasmuscléautourd’elle.
Ilcherchaitduréconfort.
Bethnesavaitpascequ’ellepouvaitfairepourlui;maisellereposaleverreetluicaressaledos,
passant la main sur son effroyable tatouage. Elle lui murmura des choses qu’elle aurait aimé que
quelqu’unluidisequandelleavaitétémalade.Luichantonnaunechanson.
Au bout d’un moment, la tension se relâcha dans sa peau et ses os. Il commença à respirer
profondément.
Lorsqu’ellefutcertainequ’ils’étaitendormi,ellesedégageaavecprécautiondesonétreinte.Elle
rassemblasesforcespoursetournerversKolher.Sûrementqu’ilcomprendraitqu’iln’yavaitrien…
Lechoclasaisitsur-le-champ.
Kolhern’étaitpasfurieux.Loindelà.
—Merci,dit-ild’unevoixrauque.(Lafaçondontilinclinaitlatêtetraduisaitpresquel’humilité.)
Mercideprendresoindemonfrère.
Ilenlevaseslunettesdesoleil.
Etlaregardaavecunairdetotalevénération.
CHAPITRE30
M.XjetalascieSawzallsursonétabliets’essuyalesmainssuruneserviette.
Ah,merde!songea-t-il.Lefoutuvampireétaitmort.
Ilavaittoutessayépourluifairereprendreconnaissance,mêmeleburin,etavaitmislagrange
dansunétatépouvantable.Ilyavaitdusangdevampirepartout.
Aumoins,çaallaitêtrefaciledetoutnettoyer.
M.Xsedirigeaverslesdoublesportesetlesouvrit.Devantlui,lesoleilselevaitauloinsurla
crête,illuminantd’orlepaysage.Ilreculatandisquel’intérieurdelagranges’illuminait.
Le corps du vampire s’enflamma, la mare de sang sous la table se transformant en nuage de
fumée.Ladoucebrisematinaleemportaauloinlapuanteurdelachaircalcinée.
M.Xsortitdanslalumièredupetitmatinetobservalabrumequinimbaitlaprairie.Iln’étaitpas
disposé à se déclarer vaincu. Son plan aurait fonctionné s’il n’était pas tombé sur ces flics et s’il
n’avait pas dû se servir de ses fléchettes supplémentaires pour s’assurer de la passivité de son
prisonnier.Illuifallaitjusterefaireunetentative.
Ilbrûlaitdudésirderecommenceràtorturer.
Pourlemoment,pourtant,ildevaitsecontenterdesecalmeraveclesprostituées.Cescrétinsde
flicsluiavaientrappeléqu’ilnetravaillaitpasenvaseclos.Qu’ilpouvaitsefaireprendre.
Même si les éventuels démêlés avec la loi ne constituaient qu’une gêne mineure, il tirait une
grandefiertédufaitquesesopérationssedéroulentsansaccroc.
Raisonpourlaquelleilavaitchoisilesputescommeappât.Toutd’abord,ils’étaitditquesiune
ou deux mouraient, leur mort susciterait peu d’émotion. Il était peu probable qu’elles aient une
famille pour les pleurer, et les flics ne subiraient aucune pression pour épingler au plus vite un
suspect. Les suspects, quant à eux, ne manqueraient pas, parmi les souteneurs et les voyous qui
arpentaientlesruessombres.Lapolicen’auraitquel’embarrasduchoix.
Mais ce n’était pas une raison pour qu’il se relâche. Ou qu’il recoure de façon excessive à la
valléedesputes.
Il rentra dans la grange, rangea ses outils et se dirigea vers la maison. Il vérifia ses messages
avantdeprendreunedouche.
Ilenavaitplusieurs.
Le plus important était de Billy Riddle. Manifestement, le jeune homme avait fait une rencontre
perturbantelanuitprécédenteetavaitappeléunpeuaprèsuneheuredumatin.
C’étaitunebonnechosequ’ilchercheduréconfort,songeaM.X.Lemomentétaitsansdoutevenu
d’avoiravecluiuneconversationsursonavenir.
Uneheureplustard,M.Xpritsavoiturepourserendreàl’académie,enouvritlesportesetles
laissadéverrouillées.
Leséradiqueurssommésaurapportcommencèrentàarriverpeudetempsaprès.Illesentendait
parleràvoixbassedanslecouloirquijouxtaitsonbureau.Ilsétaientvêtusdetreillisnoirs,levisage
austère ; un seul seulement avait encore un teint assez coloré. Les cheveux bruns de M. O se
détachaientdesautres,commesesyeuxmarron.
Plus un éradiqueur restait au sein de la Société, plus il perdait ses caractéristiques individuelles
physiques.Lescheveuxbruns,noirsourouxdevenaientgriscendrépâle;lesteintsjaunes,rougesou
hâlésviraientaublanc.Engénéral,leprocessusprenaitunedizained’années,etlespremièresmèches
blondesn’étaientpasencoreapparuesdanslacheveluredeO.
M.Xselivraàunrapidecalcul.Quandtouslesmembresdesdeuxescadronsprincipauxfurent
arrivés,ilverrouillalaported’entréedel’académieetconduisitlegroupeausous-sol.Leursbottes
résonnaient lourdement et bruyamment sur les marches métalliques, en écho à la puissance de leur
corps.
M.Xn’avaitpasagencédefaçonparticulièrelasalledesopérations.Ils’agissaitd’uneancienne
salle de classe équipée d’une douzaine de chaises, d’un tableau noir, d’un poste de télé et d’une
estrade.
L’agencementbanalnerelevaitpasuniquementdusubterfuge.M.Xnesouhaitaitpasincorporer
de gadgets high-tech susceptibles de détourner l’attention de l’auditoire. La dynamique de groupe
étaitaucentreetaucœurdecesréunions.
— Parlez-moi de la nuit dernière, dit-il en jetant un regard à ses tueurs. Comment cela s’est-il
passé?
M. X écouta les rapports, sans se laisser impressionner par les excuses. Il y avait eu deux
assassinatslanuitprécédente.Illeuravaitfixéunquotadedix.
Enoutre,queldéshonneurquecesoitO,l’unedesdernièresrecrues,quiaitétél’auteurdesdeux
meurtres.M.Xsecroisalesbrassursapoitrine.
—Quelestleproblème?
—Onn’enapastrouvé,réponditM.M.
—J’enaibientrouvéun,moi,rétorquaM.X.Sansgrandedifficulté,quiplusest.QuantàM.O,il
enatrouvédeux.
—Maispasnousautres.(M.Mregardalesautres.)Leseffectifsontdiminuédanscettezone.
—Ilnes’agitpasd’unproblèmegéographique,murmuraunevoixdanslefond.
Les yeux de M. X balayèrent l’auditoire avant de se fixer sur la chevelure foncée de O dans le
fonddelasalle.Iln’étaitpassurprisquecesoitluiquiaitprislaparole.
O était l’un de leurs meilleurs éléments, en dépit de sa qualité de nouvelle recrue. Grâce à ses
réflexes et à son endurance extraordinaires, il était un excellent combattant mais, comme tous les
éléments au-dessus du lot, il était difficile à contrôler. Raison pour laquelle M. X l’avait mis avec
ceux qui avaient des siècles d’expérience. O risquait de dominer tout groupe composé d’individus
inférieurs,mêmelégèrement,àlui.
— Pourriez-vous développer, M. O ? M. X n’était pas du tout intéressé par l’opinion de cet
homme.Maisilétaittoutàfaitdisposéàmouchercettenouvellerecruedevantlesautres.
Ohaussalesépaulesets’exprimasuruntonquifrisaitl’affront.
—C’estunproblèmedemotivation.Iln’yaaucuneconséquenceencasd’échec.
—Etqueproposez-vous?demandaM.X.
Osepenchaenavant,saisitMparlescheveuxetluitranchalagorgeavecuncouteau.
Lesautreséradiqueurss’écartèrentetadoptèrentunepostured’attaque,alorsqueOs’étaitrassiset
essuyaitcalmementdesesdoigtslalamedesoncouteau.
M.Xdénudasesdents.Puisrepritlecontrôledelui-même.
Il traversa la pièce pour se rendre auprès de M. L’éradiqueur était encore en vie, haletant, et
essayaitdefreinerl’hémorragiedesesmains.
M.Xs’agenouilla.
— Vous allez tous vous en aller. Sur-le-champ. Nous reprendrons demain matin, lorsque vous
aurezdemeilleuresnouvellesàm’apporter.M.O,vousrestez.
Quand O défia l’ordre qui venait de lui être donné et initia un mouvement pour se lever, M. X
figeal’hommesursachaise,prenantlecontrôledesmusclespuissantsdesoncorps.Surlemoment,
Osemblasouslechocets’évertuaàcombattrel’empriseexercéesursesbrasetsesjambes.
Maiscettebataillen’étaitpasdecellesqu’ilpouvaitgagner.L’Omégaconféraittoujoursquelques
avantages supplémentaires au grand éradiqueur. La capacité de domination mentale sur les autres
tueursenfaisaitpartie.
Dèsquelapiècefutvide,M.XprituncouteauetpoignardaM.Menpleinepoitrine.Ilyeutun
éclairdelumière,puisunbruitseclorsquel’éradiqueursedésintégra.
M.XjetaunregardfurieuxàO.
—Sivousrefaitesencorequelquechosedecegenre,jevousdéfèredevantl’Oméga.
—Non,vousneleferezpas.(Bienqu’ilsoitàlamercideM.X,M.On’enavaitpaspourautant
abandonné son arrogance.) Vous n’aimeriez pas donner l’impression que vous êtes incapable de
contrôlervoshommes.
M.Xseleva.
— Attention, O. Vous sous-estimez le goût de l’Oméga pour les sacrifices. Si je vous offrais
commeprésent,ilseraitdesplusreconnaissants.(M.XsedirigeaversM.Oetlaissacourirundoigt
le long de sa joue.) Si je devais vous attacher et l’appeler, il prendrait le plus grand plaisir à vous
déballer.Etmoiàregarder.
Openchalatêteenarrière,plusencolèrequ’effrayé.
—Nemetouchezpas.
—Jesuisvotrechef.Jepeuxfairedevoustoutcequimechante.
D’une main, M. X saisit la mâchoire de O et enfonça son pouce entre les lèvres et les dents de
l’homme.Iltiralevisagedel’éradiqueurenavant.
—Alorssoignezvosmanières,netuezplusjamaisunmembredelaSociétésansmapermission
expresseetnousseronsbonsamis.
LesyeuxmarrondeOlancèrentdesflammes.
—Etmaintenantqu’est-cequevousmedites?demandaM.X.
Iltenditlamainetlapassasurlachevelurecouleurchocolatdel’éradiqueur.
Omarmonnaquelquechose.
—Jenevousaipasentendu.
M.XappuyasonpoucecontrelacavitérebondiesouslalanguedeO,jusqu’àcequedeslarmes
perlent au coin de ses yeux. Lorsqu’il relâcha sa pression, il passa son doigt humide sur la lèvre
inférieuredeO.
—J’aiditquejenevousavaispasentendu.
—Oui,sensei.
—Bongarçon.
CHAPITRE31
Marissa n’arrivait pas à trouver une position confortable dans son lit. Peu importe de quel côté
ellesetournaitoùlafaçondontelledisposaitlesoreillers,rienn’yfaisait.
C’étaitcommesisonmatelasétaitenpierreetsesdrapsenpapierdeverre.
Ellerejetalescouvertures,selevaetsedirigeaverslesfenêtresferméesetdissimuléesderrière
d’épaissestenturesensatin.Elleavaitbesoind’air,maisimpossibledelesouvrir.C’étaitlematin.
Elles’allongeasurlaméridienneetremontasespiedsnussoussachemisedenuitensoie.
Kolher.
Ellenecessaitdepenseràlui.Chaquefoisqu’unenouvelleimaged’euxluivenaitàl’esprit,un
juronluimontaitauxlèvres.Choquant.
Toujours, elle avait été docile. Adorable. La perfection et la douceur faites vampire. La colère
étaitentotaleoppositionavecsanature.
ÀceciprèsqueplusellepensaitàKolher,pluselleavaitenviedecogner.
Àsupposerqu’ellesachefermerlepoing.
Ellebaissalesyeuxverssamain.Oui,ellesavait.Mêmesisonpoingparaissaitridiculementpetit.
Surtoutcomparéausien.
Être la shellane vieille fille et vierge du plus puissant des vampires était l’enfer sur terre. Son
échec comme femelle avait réduit à néant le peu d’estime qu’elle avait d’elle-même. L’isolement
mettaitendangersasantémentale.Lahontefaceàl’obligationdevivrechezsonfrèrecarellen’avait
pasd’endroitàellel’avaitpiquéeauplusprofondd’elle-même.
Elleétaithorrifiéedelafaçondontlesautreslaregardaientetparlaientd’ellederrièresondos.
Elle avait parfaitement conscience d’être un sujet constant de conversation, qu’elle était enviée,
plainte, épiée, un personnage de légende. Elle savait que son histoire était racontée aux jeunes
femelles,mêmesielleignorait–etpréféraitqu’ilensoitainsi–sic’étaitenguised’avertissementou
d’encouragement.
Kolhern’avaitpasdutoutconsciencedelasouffrancequ’illuiavaitinfligée.
Pourpart,elleétaitresponsabledecetétatdefait.Secoulerdanslerôledelafemelledouceet
aimanteluiavaitsemblélachoseàfaire,laseulefaçondesemontrerdigne,laseulechancedefinir
parpartagersavieaveclui.
Pourenarriveràquoi?
Àcequ’ilsedégotteunehumaineauxcheveuxbrunspourlaquelleiléprouvaitdessentiments.
MonDieu,larécompenseàtousseseffortssetrouvaitquelquepartentreinjusticeetcruauté.
Sanscompterqu’ellen’étaitpaslaseuleàsouffrir.Depuisdessiècles,Haverss’angoissaitàson
sujet.
Enrevanche,toutallaittoujoursbienpourKolher.Commeàcetinstantmême.Encemoment,il
étaitprobablementallongé,nu,auprèsdecettefemelle.Faisantbonusagedesonmembreviril.
Marissafermalesyeux.
Elle pensa à la sensation éprouvée lorsqu’on était plaqué contre son corps, tenu dans ses bras
vigoureux,consuméparlui.Elleavaitététropchoquéeparl’imagepourressentirlemoindredésir.Il
étaitsimassif,allongé,surlafemellebrune,lesmainsenfouiesdanssescheveux,saboucheaspirant
vigoureusementàsagorge.Enoutre,sonmembrevirilluifaisaitunpeupeur.
Qu’elleironie.
Elle avait rêvé pendant si longtemps de ce qu’elle ressentirait à ce moment-là. Quand il la
prendrait. Quand elle lui donnerait sa virginité et qu’elle connaîtrait la sensation d’avoir un mâle à
l’intérieurdesoi.
Touteslesfoisqu’ellelesavaitimaginésensemble,elleavaitressentidelachaleurdanstoutson
corpsetunchatouillementsursapeau.Maislaréalitél’avaitsubmergée.Ellen’yavaitpasdutoutété
préparée ; elle avait souhaité que cela dure un peu plus longtemps et que cela soit un peu moins
intense.Elleavaitl’impressionqu’unpeuplusdedouceurluiauraitconvenu.
Maislàencore,cen’étaitpasàellequ’ilpensait.Denouveau,Marissaserralepoing.
Elle ne voulait pas le récupérer. Elle voulait qu’il goûte un peu de cette douleur qu’il lui avait
infligée.
KolherenlaçaBethetl’attiraplusprèsdelui,regardantRhagepar-dessuslatêtedesonamante.
Lavoirsoulagerlasouffranceduvampireavaitromputoutessortesdebarrièresenlui.
Sollicitude vis-à-vis de ses frères, sollicitude vis-à-vis de lui, pensa-t-il. C’était le code le plus
anciendesguerriers.
—Viensmerejoindreaulit,luimurmura-t-ilàl’oreille.
Ellelelaissalaprendreparlamainetlaconduiredanssachambre.Unefoisàl’intérieur,ilferma
etverrouillalaporte,puiséteignittouteslesbougiesàl’exceptiond’uneseule.Ensuite,ildénouala
ceinturedupeignoirqu’elleportaitetlaissaglisserlesatinlelongdesesépaules.Sapeaunueluisait
àlalueurdeladernièrebougie.
Kolherretirasonpantalonencuir.Puistousdeuxs’allongèrentl’uncontrel’autre.
Ilnevoulaitpascoucheravecelle.Pasmaintenant.Ilvoulaitjustequ’ilssedonnentl’unàl’autre
du réconfort. Sentir sa peau chaude contre la sienne, son souffle qui venait soulever légèrement le
duvetdesapoitrine,soncœurbattreàquelquescentimètresdusien.Ilvoulaitluioffrirlamêmesorte
d’apaisement.
Ilcaressaseslongscheveuxsoyeuxetrespiraprofondément.
—Kolher?
Savoixétaitdélicieusedanslesilencedelachambre,etilaimasentirsagorgevibrercontreses
pectoraux.
—Ouais.
Ill’embrassasurlehautducrâne.
—Tuasperduqui?
Ellechangeadeposition,posantsonmentonsurlapoitrineduvampire.
—Perdu?
—Quileséradiqueurst’ont-ilspris?
Laquestionsemblaittotalementincongrue.Maisellenel’étaitpas.Elleavaitvulesconséquences
d’uncombat.Savaitplusoumoinsqu’ilnecombattaitpasuniquementpoursonespèce,maispourlui.
Unlongmoments’écoulaavantqu’ilpuisserépondre.
—Mesparents.
IlsentitBethpasserdelacuriositéàlapeine.
—Jesuisdésolée.
Ilyeutunlongsilence.
—Qu’est-cequis’estpassé?
C’étaitunequestionintéressante,pensa-t-il.Parcequ’ilexistaitdeuxversions.Danslestraditions
vampires, cette nuit sanglante avait pris toutes sortes d’implications héroïques, y compris
l’avènementd’unguerrierd’exception.Maislafictionn’étaitpasdesonfait.Sonpeupledevaitcroire
enlui,etilavaitcréécedontcelui-ciavaitbesoinpoursoutenirsafoimalplacée.
Luiseulconnaissaitlavérité.
—Kolher?
KolherregardalebeauvisagedeBethquiluiapparaissaitbrouillé.Ilétaitquasimentimpossible
d’ignorerladouceuraveclaquelleelles’étaitexprimée.Ellevoulaitluioffrirdelacompassionet,
pouruneraisonmisérable,ilenvoulait.
—Ças’estpasséavantmatransition,murmura-t-il.Ilyatrèslongtemps.
IlposasamainsurlescheveuxdeBeth,sessouvenirsluirevenantdanstoutelavivacitédeleur
cruauté.
—EntantquePremièrefamille,onpensaitêtreàl’abrideséradiqueurs.Nosfoyersétaientbien
défendus,biencachésenforêt,etondéménageaittoutletemps.
KolherserenditcomptequecontinueràcaresserlescheveuxdeBethluipermettaitdepoursuivre
sonrécit.
— C’était l’hiver. Une froide nuit de février. L’un de nos domestiques avait révélé l’endroit où
nous nous trouvions. Les éradiqueurs arrivèrent à quinze ou vingt et massacrèrent tout sur leur
passageavantdefranchirnosremparts.Jamaisjen’oublierailebruitdeleurscoupscontrelaporte
de nos appartements personnels. Mon père s’empara de ses armes tout en me forçant à me cacher
dans un réduit. Il m’y enferma juste avant qu’ils défoncent la porte avec un bélier. Mon père était
habileàl’épée,maiseuxétaientnombreux.
BethportasamainauvisagedeKolher.Vaguement,ilentenditlesmotsdouxqu’elleprononçait.
Kolherfermalesyeuxetvitlesimagesépouvantablesquiavaienttoujourslepouvoirdeletirer
dusommeil.
—Ilsmassacrèrentlesdomestiquesavantdetuermesparents.Jevistoutgrâceàuntroudansle
bois.Commejetel’aidéjàdit,mavueétaitmeilleureàl’époque.
—Kolher…
— Pendant le massacre, ils firent tellement de bruit que personne ne m’entendit hurler. (Il
tressaillit.)J’aiessayédesortir.J’aiactionnéleverrou,maisilétaitrobusteetmoi,faible.J’aiessayé
decreuserleboisjusqu’àcequemesonglessoientensang.J’aidonnédescoupsdepieds…(Son
corpsréagissaitausouvenirhorribled’êtreconfiné,sarespirations’accélérait,soncorpsétaitgagné
parunesueurfroide.)Unefoisleséradiqueurspartis,monpèreessayademerejoindre.Ilsl’avaient
poignardéenpleincœuretil…Monpèremourutàdeuxpasduréduit,alorsqu’ilvenaitversmoi.
J’aicontinuéàl’appelerencoreetencorejusqu’àcequejen’aieplusdevoix.Jel’aisuppliédevivre
alorsmêmequejevoyaislaviediminuerpuiss’éteindredanssesyeux.Desheuresdurant,jerestai
piégé dans le réduit avec leurs corps, à observer les mares de sang qui s’élargissaient. La nuit
d’après,desvampirescivilsarrivèrentetmefirentsortir.
Ilsentitunecaresseréconfortantesursonépaule;ilportalamaindeBethàseslèvresetembrassa
sapaume.
—Avantdepartir,leséradiquèrentenlevèrenttouteslestentures.Quandlesoleilselevaetentra
danslapièce,touslescorpsbrûlèrent.Jen’avaisplusrienàenterrer.
Quelquechosetouchasonvisage.Unelarme.CelledeBeth.
Iltenditlamainetcaressasajoue.
—Pleurepas.
Maisilchérissaitlacompassionqu’elletémoignaitàsonégard.
—Pourquoi?
—Çanechangerien.J’aipleuréenassistantàtoutelascèneetilssontmortsquandmême.(Ilse
tournasurlecôtéetl’attiratoutcontrelui.)Siseulementj’avaispu…Jecontinueàrêverdecettenuitlà.J’aiététellementlâche.J’auraisdûêtreavecmonpère,àmebattre.
—Maistuauraisététué.
—Commeilconvientàunmâle.Enprotégeantlessiens.Cequiesthonorable.Aulieuderester
cachédansunréduit.
Ilchuintadedégoût.
—Tuavaisquelâge?
—Vingt-deuxans.
Ellefronçalessourcils,commesielleavaitpenséqu’ilétaitbeaucoupplusjeune.
—C’étaitavanttatransition?
—Ouais.
— De quoi avais-tu l’air à l’époque ? (Elle caressa les cheveux de son amant.) C’est difficile
d’imaginerquetupouvaistenirdansunréduit,avectatailleactuelle.
—J’étaisdifférent.
—T’asditquetuétaisfaible.
—C’étaitlecas.
—Alorspeut-êtrequetuavaisbesoind’êtreprotégé.
—Non!(Illaissaexplosersacolère.)Unmâleprotège.Jamaisl’inverse.
D’ungestebrusque,elles’écartadelui.
Tandisquelesilences’installaitentreeux,ilsutqu’ellepensaitàcequ’ilavaitfait.Dehonte,il
retirasesmainsducorpsdelajeunefemme.Ilrouladecôtépourseretrouverloind’elle,allongésur
ledos.
Jamaisiln’auraitdûluiraconter.
Ilpouvaittrèsbienimaginercequ’ellepensaitdeluimaintenant.Aprèstout,commentaurait-elle
punepasêtrerévoltéeparsalâcheté?Parlefaitqu’ils’étaitmontréfaibleaumomentoùsafamille
avaitleplusbesoindelui.
Avec un pincement au cœur, il se demanda si elle allait encore le désirer. Si elle l’accueillerait
encore dans la chaleur de son corps. Ou tout cela était-il désormais révolu ? Maintenant qu’elle
savait?
Ilattenditqu’elleserhabilleets’enaille.
Ellerestacouchée.
Naturellement,pensa-t-il.Ellecomprenaitquesatransitionétaitinévitable,etelleavaitbesoinde
sonsang.C’étaitparnécessité.
Ill’entenditsoupirerdansl’obscurité.Commesielleserésignait.
Ilignoraitcombiendetempsilsrestèrentainsi,allongéscôteàcôtesanssetoucher.Desheures,
probablement.Ils’endormitbrièvement,etseréveillaquandBethremuacontrelui,posantsajambe
nuepar-dessuslasienne.
Uneboufféededésirleparcourut,qu’ilrefrénaavecdureté.
BethlaissacourirsamainsurletorsedeKolher.Descenditlelongdesonventreetdesahanche.
Ilretintsonsouffletandisqu’ilavaituneérection,lamaindeBeths’approchantdelazonedélicatede
sonanatomie.
Bethserrasoncorpscontrelesien,sesseinscontresonflanc,sonsexecontresescuisses.
Peut-êtrequ’elledormaitencore.
Puisellelepritdanssamain.
Kolhergémit,ledosarqué.
Ellelecaressaitdesamainassurée.
Instinctivement,ilsetenditverselle,avidedecequ’ellesemblaitluioffrir,maisellel’arrêta.Elle
passaàgenouxet,enappuyantsursesépaules,leforçaàs’allongersurlematelas.
—Cemomentestpourtoi,murmura-t-elleenl’embrassanttendrement.
Ilpouvaitàpeineparler.
—Tuveux…encoredemoi?
Perplexe,ellefronçalessourcils.
—Pourquoijenevoudraisplusdetoi?
Avecungémissementpitoyabledesoulagementetdegratitude,Kolhervoulutl’attirerplusencore
àlui.Maisellenelelaissapasfaire.Ellelerepoussasurlematelas,saisitsespoignetsetramenases
brasau-dessusdesatête.
Ellel’embrassadanslecou.
— La dernière fois que nous avons été ensemble, tu t’es montré très… généreux. Tu mérites le
mêmetraitement.
— Mais ton plaisir est le mien. (Il s’était exprimé d’une voix râpeuse.) Tu sais pas à quel point
j’aimetefairejouir.
—J’ensuispassisûre.
Illasentitremuer,puissamainenserrasonsexeenérection.Ils’arc-boutasurlematelasetlaissa
échapperungémissementgrave.
—J’enaipeut-êtreunepetiteidée.
—T’espasobligéedefaireça,ajouta-t-ild’unevoixrauque,essayantdenouveaudelatoucher.
Elles’appuyadetoutsonpoidscontresespoignetspourl’immobiliser.
—Détends-toi.Laisse-moifaire.
Kolher, incrédule et le souffle court, la regarda tandis qu’elle appuyait ses lèvres contre les
siennes.
—Jeveuxtefairel’amour,murmura-t-elle.
Dansunfroissementsoyeux,lalanguedeBeths’introduisitdanslabouchedeKolher.Lapénétra.
Effectuadesallersetretourscommesiellelepossédait.
Kolhersentittoutsoncorpsseraidir.
À chacune de ses poussées, elle s’enfonçait plus profondément en lui, sous sa peau et dans son
cerveau.Danssoncœur.Elleleprenait,prenaitpossessiondelui.Apposaitsamarquesurlui.
Quand sa langue quitta sa bouche, elle continua à explorer son corps. Beth lécha son cou. Ses
mamelons.Griffalégèrementsonventre.Mordillasonosiliaque.
Kolher saisit la tête de lit et tira, imprimant à tout le lit un mouvement et un craquement de
protestation.
Lesvaguesdechaleurquilesubmergeaientluidonnaientl’impressionqu’ilallaits’évanouir.La
sueurperlaitsursapeau.Soncœurbattaitsivitequ’ilcommençaitàs’emballer.
Des mots se bousculèrent sur ses lèvres, flux de conscience en langue ancienne, expression
gutturaledecequ’elleluifaisait,delabeautéqu’elleavaitàsesyeux.
Lorsqu’elle prit son sexe en érection dans sa bouche, il faillit jouir. Il cria, le corps saisi de
spasmes.Elleseretira,luilaissantunpeudetempspourrécupérer.
Puisellelesoumitàunevraietorture.
Ellesavaitparfaitementquandagiretquands’arrêter.Sabouchehumidesurleglandépaisdeson
sexe, ses mains qui s’activaient le long de son pénis lui procuraient des sensations auxquelles il
pouvaitàpeinerésister.Ellel’amenaencoreetencoreauborddelajouissance,jusqu’àcequ’illa
supplie.
Alorsellel’enfourcha.Ilbaissalatêteetvitquesescuissesétaientécartéesau-dessusdesonsexe
enérection.Ilfaillitéjaculer.
—Prends-moi,gémit-il.Jet’enprie.
Elle le prit à l’intérieur d’elle ; la sensation se répercuta dans tout le corps de Kolher. Tendue,
humideetchaude,ellel’enveloppait.Ellecommençaàbougerdansunrythmelent.Ilnerésistapas
longtemps.Lorsqu’iljouit,ileutl’impressiond’êtrecoupéendeux,l’énergielibéréecréantuneonde
dechocquiserépercutadanslapièce,fittremblerlesmeubles,éteignitlesbougies.
Lorsqu’ilrevintlentementàlui,ilpritconsciencequec’étaitlapremièrefoisquequelqu’unen
avaitfaitautantpourlesatisfaire.
Ilavaitenviedepleurerdejoiequ’elleaitencorevouludelui.
Dans l’obscurité, Beth sourit en entendant les gémissements de Kolher tandis que son corps
bougeaitaurythmedusien.L’intensitédel’orgasmedesonamantfutsurlepointdedéclencherle
sien.Elles’appuyacontresontorselorsquelesondesdeplaisirlaparcoururent.
Commeellecraignaitd’êtretroplourde,elleébauchaunmouvementpours’écarter,maisill’en
empêchaenlamaintenantparleshanches.Ilprononçadessonsmerveilleuxqu’ellenecompritpas.
—Quoi?
—Resteoùt’es,répéta-t-ildanssalangue.
Ellerepritplaceau-dessusdeluietsedétenditcomplètement.
Ellesedemandaitcequ’illuiavaitditpendantqu’elleluifaisaitl’amour,maisletondesavoix,
déférent,laudateur,étaitexplicite.Quelsqu’aientétésesmots,c’étaientlesmotsd’unamant.
—Lalanguequetuparlesestmagnifique,dit-elle.
—Aucunmotn’estdignedetoi.
Savoixsemblaitdifférente.Ilavaitl’airdifférentavecelle.
Pas de barrières, pensa-t-elle. Il n’y avait plus de barrières entre eux à cet instant même. Cette
méfianceimplacable,cetteattitudedeprédateurtoujourssursesgardesavaitdisparu.
Defaçonétonnante,ellesesentitdevenirprotectriceàsonégard.
C’étaitbizarred’éprouvercessentimentspourquelqu’undetellementpluspuissantphysiquement.
Maisilavaitbesoindeprotection.Àcetinstantoùilselaissaitaller,ellesentaitsavulnérabilité.Son
cœurétaitàportéedesamain.
MonDieu,cettehistoirehorriblesurlamortdesesparents.
—Kolher?
—Hmm?
Ellevoulaitleremercierdeluiavoirdit.Maisellenevoulaitpasanéantirlafragilecommunion
quis’étaitétablieentreeux.
—Quelqu’unt’adéjàditàquelpointtuesbeau?dit-elle.
Ilhaussalesépaules.
—Lesguerriersnesontpasbeaux.
—Tul’es.Pourmoi.D’unebeautéàcouperlesouffle.
Il cessa de respirer. Puis il l’écarta d’elle. D’un mouvement rapide, il sortit du lit et, quelques
instantsplustard,lalumières’allumadanslasalledebains.Elleentenditl’eaucouler.
Elleauraitdûsavoirqueçan’allaitpasdurer.Cequinel’empêchaitpasd’avoirenviedepleurer
saperte.
Bethcherchasesvêtements,lestrouvaetlespassa.
LorsqueKolhersortitdelasalledebains,ellesedirigeaitverslaporte.
—Oùtuvas?demanda-t-il.
—Travailler.Jesaispasquelleheureilest,maisj’arrivegénéralementvers9heures.Jedoisdéjà
êtreenretard.
Elleneparvenaitpasàdistinguerlapièceautourd’elle,maisellefinitpartrouverlaporte.
—Jeveuxpasquetupartes.
Kolhersetrouvaittoutprèsd’elleetsavoixlafitsursauter.
—J’aiunevie.Jedoislareprendre.
—Tavieestici.
—Non.
Bethtâtonnapourtrouverlesverrous,maiselleneparvintpasàlesactionner,mêmelorsqu’elley
mittoutessesforces.
—Tuvasmelaissersortird’ici?murmura-t-elle.
— Beth. (Il prit sa main dans la sienne, forçant la jeune femme à s’arrêter. Les bougies
s’allumèrentcommes’ildésiraitqu’ellelevoie.)Jesuisdésolédenepasêtre…plusfacile.
Elles’écartadelui.
—Jevoulaispastemettremalàl’aise.Jevoulaisquetusachescequejeressentais.C’esttout.
—C’estdurpourmoidecroirequejetedégoûtepas.Bethleregarda,incrédule.
—MonDieu,maispourquoi?
—Parcequetusaiscequis’estpassé.
—Avectesparents?(Elleleregardabouchebée.)Jevaisêtreclaire.Tucroismedégoûterparce
quetuasétéforcéd’assisteraumassacredetamèreetdetonpère?
—J’airienfaitpourlessauver,aboya-t-il.
—Tuétaisenfermé.
—J’aiétélâche.
—Non,c’estfaux.(Elleavaitprobablementtortdesemettreencolèreaprèslui,maispourquoi
n’arrivait-ilpasàvoirlepasséplusclairement?)Commenttupeuxdire…
—J’aiarrêtédecrier!
Savoixricochadanstoutelapièce,lafaisantsursauter.
—Quoi?murmura-t-elle.
—J’aiarrêtédecrier.Quandilseneurentfiniavecmesparentsetledoggen,j’aiarrêtédecrier.
Leséradiqueursfouillaientnosappartements.Ilsétaientàmarecherche.Jesuisrestésilencieux.J’ai
mismamainsurmabouchepourm’empêcherdecrier.J’aipriépourqu’ilsmetrouventpas.
—Biensûr,dit-elled’unevoixdouce.Tuvoulaisvivre.
—Non,rétorqua-t-il.J’avaispeurdemourir.
Ellevoulutletoucher,maiselleétaitcertainequ’ils’écarterait.
— Kolher, tu ne comprends pas ? Tu es une victime, tout comme eux. La seule raison pour
laquelletuesencorelàaujourd’huiestquetonpèret’aimaitsuffisammentpourtemettreensécurité.
Tut’estucartuvoulaissurvivre.Iln’yapasdehonteàça.
—J’aiétélâche.
—Nesoispasridicule!Tuvenaisdevoirtesparentsmassacréssoustesyeux!(Beth,quiavait
parléd’unevoixdurcieparlafrustration,secoualatête.)Tuferaismieuxderepensertafaçondevoir
cesévénements.Cesheuresterriblest’ontmarqué,cequiestcompréhensible,maistuprendstoutde
travers.Toutdetravers!Laissetombertonlaïussurl’honneurduguerrieretfous-toiunpeulapaix.
Silence.
Ah,bordel!Ilmanquaitplusqueça.Letypes’ouvreàelleetelleluirenvoiesahonteenpleine
figure.Super,pourencouragerl’intimité.
—Kolher,jesuisdésolée.J’auraispasdû…
Illuicoupalaparole.Savoixcommesonvisageétaientaussidursquedelapierre.
—Personnem’ajamaisparlésurceton.
Etmerde!
—Jesuisvraimentdésolée.Jecomprendspas…
Kolherlapritdanssesbrasetlaserrafortcontrelui,enluiparlantdenouveaudanscettelangue
étrange.Lorsqu’ils’écarta,ilterminasonmonologueparunmotquiressemblaità«leelane».
—C’estcommeçaqu’ondit«salope»enlanguevampire?
—Non,pasdutout.(Ill’embrassa.)C’estjusteunefaçondedirequej’aivachementderespect
pourtoi.Mêmesijenesuispasd’accordavectafaçondevoirmonpassé.
Bethposasamainsurlecoudesonamantetlesecoualégèrement.
—Maistupeuxaumoinsaccepterl’idéequecequis’estpassénechangepasl’opinionquej’aide
toi.Mêmesij’aiénormémentdepeinepourtoiettafamilleetpourcequevousavezdûendurer.
Ilyeutunlongsilence.
— Kolher, répète après moi : oui, Beth, je comprends et j’ai confiance en la sincérité de tes
sentimentspourmoi.(Denouveau,elleluisecoualecou.)Allez,répèteaprèsmoi.(Unautresilence.)
Maintenant.
—Oui,dit-il,lèvresserrées.
MonDieu,s’ilseraitencoreplusseslèvres,ilallaitfairesautersesdentsdedevant.
—Oui,quoi?
—Oui,Beth.
—J’aiconfianceenlasincéritédetessentimentspourmoi.
Ilmarmonnalesmots.
—Bien.
—T’esdure,tusaisça?
—Ilvautmieuxsijedoisresteravectoi.
Soudain,ilpritlevisagedeBethdanssesmains.
—Jeleveux,déclara-t-ilavecfougue.
—Quoi?
—Queturestesavecmoi.
Elleeneutlesoufflecoupé.Unespoirténus’enflammadanssoncœur.
—C’estvrai?
Ilfermalesyeuxetsecoualatête.
—Ouais.Etc’estcomplètementstupide.C’estdingue.Etdangereux.
—Çadoitpastechangerbeaucoup.
Iléclataderireetlaregarda.
—Ouais,t’asraison!
MonDieu!Latendressequ’ellelisaitdanslesyeuxdeKolherluibrisaitlecœur.
—Beth,jeveuxresteravectoi.Maistudoiscomprendrequetuvasdevenirunecible.Etjesais
pascommentteprotéger.Jesaispascomment…
—Ontrouvera,répondit-elle.Onyarriveraensemble.Ill’embrassa.Unbaiserlong.Langoureux.
Amoureux.
—Turestesalors?demanda-t-il.
—Non.Ilfautvraimentquej’ailletravailler.
— Je veux pas que tu partes. (Il prit le menton de Beth dans sa main.) Je déteste l’idée de pas
pouvoirêtreavectoidehorspendantlajournée.
Maislesverrouss’actionnèrentetlaportes’ouvrit.
—Commenttufaisça?demanda-t-elle.
—Tuserasrentréeavantlecrépuscule.
Cen’étaitpasunerequête.Loindelà.
—Jeseraideretourunpeuaprèslecoucherdusoleil.Ilgrogna.
—Jeprometsd’appelers’ilyalemoindretrucbizarre.(Ellefitlesyeuxronds.Bonsang,ilallait
falloirqu’elleredéfinissecemot.)Jeveuxdiredeplusbizarre.
—J’aimepasça.
—Jeseraiprudente.
Ellel’embrassapuismontalesescaliers.Ellesentaitencoresesyeuxsurellelorsqu’elleouvritle
tableauetentradanslesalon.
CHAPITRE32
Beth se rendit à son appartement, donna à manger à Bouh et arriva au bureau juste après midi.
Pourunefois,ellen’étaitpasaffaméeettravaillapendantl’heuredudéjeuner.Plusoumoins.Ellene
parvenaitpasvraimentàseconcentreretselivrasurtoutàunerotationdespilesdedocumentsqui
encombraientsonbureau.
Butchluilaissadeuxmessagespendantlajournée,confirmantleurrendez-vousàl’appartement
deBethvers20heures.
À16heuresenviron,elledécidad’annulersonrendez-vousaveclui.
Rien de bien n’en sortirait. En aucun cas, elle ne dénoncerait Kolher à la police et, si elle
s’imaginait que Dur-à-cuire prendrait des gants avec elle parce qu’il l’aimait bien et qu’ils se
trouvaientdanssonappartement,ellenefaisaitquesementiràelle-même.
Néanmoins,ellen’avaitnulleenviedejouerlesautruches.Ellesavaitqu’elleallaitêtreconvoquée
pouruninterrogatoire.Commentpourrait-ilenêtreautrement?TantqueKolherrestaitsuspect,elle
seraitdanslecollimateurdelapolice.Elledevaitprendreunbonavocatetattendred’êtreconvoquée
auposte.
Enrevenantdelaphotocopieuse,ellejetauncoupd’œilparlafenêtre.Lecieldefind’après-midi
étaitcouvert,annonciateurd’oragesdansl’airépaisetlourd.Elledutdétournerleregard.Sesyeux
luifaisaientmaletl’inconfortnedisparaissaitpasquandelleclignaitdesyeux.
Revenueàsonbureau,elleavaladeuxaspirinesetappelalepostedepolicepourparleràButch.
Lorsque Ricky l’informa qu’il était en congé administratif, elle demanda à parler à José. Il prit
immédiatementlecombiné.
—LasuspensiondeButch.C’estarrivéquand?demanda-t-elle.
—Hieraprès-midi.
—Ilvaêtreviré?
—Officieusement?Probablement.
Butchn’allaitdoncpaspasseràsonappartement,aprèstout.
—Oùtues,mam’zelleB?demandaJosé.
—Aubureau.
—C’estvrai?
Savoixétaitplustristequ’agressive.
—Vérifielenumérod’appel.
Josésoupiralonguement.
—Jedoisteconvoquer.
—Jesais.Tupeuxmelaisserletempsdeprendreunavocat?
—Tucroisquetuvasenavoirbesoin?
—Ouais.
Joséjura.
—Tudevraisresterloindecethomme.
—Jeterappelleplustard.
—Uneautreprostituéeaététuéelanuitdernière.Mêmemodeopératoire.
Illuifallutquelquesinstantspourdigérerl’information.EllenesavaitpascequeKolheravaitfait
lorsqu’ilétaitsorti.Maispourquoiaurait-iltuéuneprostituée?
Àfortiori,deuxprostituées.
L’angoisselagagnaetbattitàsestempes.
MaisellenepouvaitsimplementpasimaginerKolhertrancherlagorged’unepauvrefemmesans
défenseetlalaisseragoniserdansuneruelle.C’étaitunguerrier,pasuntueur.Etmêmes’ilagissait
endehorsducadredelaloi,ellenepouvaitpasl’imaginertuerquelqu’unquinel’avaitpasmenacé.
Surtoutaprèscequiétaitarrivéàsesparents.
—Écoute-moibien,Beth,repritJosé.J’aipasbesoindetedireàquelpointlasituationestgrave.
Cethommeestnotresuspectprincipaldanstroismeurtres,etfaireobstructionàlajusticeestundélit
sérieux.Mêmesiçadoitmedéchirerlecœur,jet’arrêterai.
—Ilatuépersonnelanuitdernière.
Sonestomacseretourna.
—Tuadmetssavoiroùilest.
—Jedoisyaller,José.
—Beth,jet’enprie.Arrêtedeleprotéger.Ilestdangereux…
—Ilapastuécesfemmes.
—C’estcequetucrois.
—T’étaisunvraiami,José.
—Bordel!(Ilajoutaquelquesmotsenespagnol.)Grouille-toideprendreunavocat,Beth.
Elle raccrocha, prit son sac et éteignit son ordinateur. La dernière chose qu’elle souhaitait était
que José vienne lui passer les menottes au bureau. Elle devait repasser chez elle, prendre des
vêtements,etallerchezKolheraussivitequepossible.
Peut-être pouvaient-ils disparaître purement et simplement tous les deux. Peut-être était-ce leur
seuleoption.Cartôtoutard,lapolicelestrouveraitàCaldwell.
DansTradeStreet,ellefutsaisiedecrampesd’estomacetlachaleurluipompaittoutesonénergie.
Dès qu’elle fut arrivée chez elle, elle se versa un verre d’eau glacée mais, quand elle essaya de le
boire,sesintestinsseretournèrent.Elles’étaitpeut-êtrechopéunegastro.ElleavaladeuxRennieet
pensaàRhage.Illuiavaitpeut-êtrerefiléquelquechose.
MonDieu,sesyeuxlafaisaientatrocementsouffrir.
Ellesavaitqu’elledevaitcommenceràfairesonsac,maiselleretirasesvêtements,passaunteeshirt et un short et s’assit sur le futon. Elle voulait juste se reposer un petit moment mais, une fois
assise,ellen’arrivaplusàseremettreenmouvement.
Auradar,commesisesneuronessebouchaientdanssoncerveau,ellerevitlablessuredeKolher.
Il ne lui avait pas dit comment il s’était fait ça. Et s’il avait attaqué une prostituée et que la femme
s’étaitdéfendue?
Desesdoigts,Bethcommençaàsemasserlestempestandisquelanauséelasaisissaitetfaisait
remonterdelabiledanssagorge.Deslumièresdansèrentdevantsesyeux.
Non,cen’étaitpasunegastro.Ellesepayaitunemigraineinfernale.
Kolherrecomposalenuméro.
Manifestement,Tohrmentvisualisaitlenumérodel’appelantetl’évitaitcommelapeste.
Merde!Kolherdétestaitavoiràs’excuser,maisilvoulaitvraimentréglercettehistoire.Sinonles
chosesallaientdégénérer.
Ilpritletéléphoneportableavecluidanslelitets’appuyacontrelatêtedulit.Ilvoulaitappeler
Beth.Justepourentendresavoix.
Ouais, tu parles qu’il disparaîtrait après sa transition ! Il supportait à peine d’être loin d’elle
pendantdeuxpetitesheures.
Bon sang, il était drôlement accro à cette femelle. Il n’arrivait pas à croire ce qu’il avait dit
pendantqu’elleluifaisaitl’amour.Puisilavaitdécrochélegroslotenl’appelantleelaneaumoment
oùellepartait.
Ilferaitmieuxdel’admettre.Ilétaitprobablemententraindetomberamoureux.
Etcommesiçanesuffisaitpas,elleétaitàdemihumaine.
Enplusd’êtrelafilledeAudazs.
Maiscommentnepasl’adorer?Elleétaitsiforte,lamêmevolontéquelasienne.Ilpensaàla
façondontelleluiavaittenutêteàproposdesonpassé.Peuauraientosé,etilsavaitdequielletenait
soncourage.Sonpèreauraitprobablementfaitlamêmechose.
Sontéléphoneportablesonnaetildécrocha.
—Ouais?
— On a des problèmes. (C’était Viszs.) Je viens de lire le journal. Une autre prostituée a été
retrouvéemorte.Dansuneruelle.Vidéedesonsang.
—Et?
—J’aipiratélabasededonnéesdulégiste.Danslesdeuxcas,lesfemmesavaientdesblessuresau
cou.
—Merde,Zadiste!
—C’estcequejepense.J’arrêtepasdeluidired’arrêtersesconneries.Fautquetuluiparles.
—Cesoir.Disauxfrèresdeveniricid’abord.Jevaisleconfronterdevanttoutlemonde.
—Bonneidée.Etnous,onenlèveratesmainsdesagorgequandill’ouvrira.
—TusaisoùestTohr?J’arrivepasàlejoindre.
—Aucuneidée,maissituveuxjepeuxpasserchezluienallantchezD.
—D’accord.J’aibesoinqu’ilsoitlàcesoir.
Kolherraccrocha.
Merde!Quelqu’unallaitdevoirmettreunemuselièreàZadiste.
Ouluienfoncerunedaguedanslapoitrine.
Butchlaissalavoitures’arrêterdoucement.Iln’espéraitpasvraimenttrouverBethchezelle,mais
sedirigeaquandmêmeverslaporteetsonna.Pasderéponse.
Surprise,surprise.
Ilfitletourdubâtimentetpénétradanslacour.Lanuitétaittombéedepuislongtemps,maistout
était éteint chez elle, ce qui n’était pas encourageant. Il posa ses mains contre la porte vitrée pour
tenterdevoiràl’intérieur.
Beth!MonDieu!
Ellegisaitsurlesol,facecontreterre,lebrastendudevantelleversuntéléphonequirestaithors
deportée.Elleavaitlesjambesécartées,commesielles’étaittorduededouleur.
Non!
Ilcognacontrelavitre.
Elleremualégèrement,commesiellel’avaitentendu.
Butch se dirigea vers une fenêtre, enleva l’une de ses chaussures et passa son poing dedans. Il
frappalavitreavecjusqu’àcequecelle-cisefissureetsebrise.Ententantd’atteindreleverrou,ilse
coupa, mais se foutait royalement de même perdre un bras pour la sauver. Il s’engagea dans
l’ouvertureetrenversaunetableenplongeant.
—Beth,tum’entends?
Elleouvritlabouche.Laremualentement.Sansréussiràarticulerunson.
Ilcherchadusangmaisn’entrouvapas,alorsillafitroulersurledos.Elleétaitaussipâlequ’une
épitaphe de pierre tombale, moite et à peine consciente. Elle ouvrit les yeux : ses pupilles étaient
complètementdilatées.
Il lui étendit les bras, à la recherche de traces de piqûres. Il n’en vit aucune, mais n’allait pas
perdreplusdetempsàluienleverseschaussurespourregarderentresesorteils.
Butchouvritsontéléphoneportableetappelalesurgences.
Lorsqu’ilobtintuneréponse,iln’attenditpaslesformulesdepolitesse.
—J’aiuneoverdoseprobable.
Bethtentadeleverlebrasetsecoualatête.Elleessayaitdeluienleverletéléphonedesmains.
—Ducalme,mabelle.Jevaism’occuperde…Lavoixdel’opérateurl’interrompit.
—Monsieur?Allô?
—Conduis-moichezKolher,gémitBeth.
—Qu’ilaillesefairefoutre.
—Pardon?ditl’opérateur.Monsieur,vouspouvezmedirecequisepasse?
—Overdose.Jecroisquec’estàl’héroïne.Sespupillessontfixesetdilatées.Ellen’apasencore
vomi…
—Kolher,ilfautquej’aillechezKolher.
—…maisnecessedeperdreetdereprendreconnaissance…
Bethserelevabrusquementetluifittomberletéléphonedesmains.
—Jevaismourir…
—Non,putain!hurla-t-il.
EllesaisitButchparlachemise.Toutsoncorpstremblait,delasueurmaculantsontee-shirt.
—J’aibesoindelui.
Butchlafixadroitdanslesyeux.
Ils’étaitgouré.Surtoutelaligne.C’étaitpasuneoverdose.C’étaitunecrisedemanque.
Ilsecoualatête.
—Non,mabelle.
—Jet’enprie.J’aibesoindelui.Jevaismourir.
Soudain, elle passa en position fœtale, comme si une vague de douleur venait de la couper en
deux.Letéléphoneluiéchappa,horsdeportée.
—Butch,jet’enprie.
Putain!Elleavaitl’airmalenpoint.Commesielleallaityrester.
S’il la conduisait aux urgences, elle risquait de mourir pendant le transport. La méthadone était
censéesoulagerlescrisesdemanque,pasprovoquerdesdescentescommeça.
Putain.
—Aide-moi.
—Ahputain!s’exclamaButch.C’estloin?
—Wallace.
—Avenue?
Elleacquiesça.
Butchneselaissapasletempsdepenser.Illapritdanssesbrasettraversalacour.
Ilallaitfoutreunebelleracléeàcefilsdepute.
Kolher croisa les bras et s’appuya contre le mur du salon. Autour de lui, les membres de la
Confrérieattendaientqu’ilprennelaparole.
Tohr, lui aussi, était là mais, dès l’instant où il avait passé la porte, il s’était refusé à croiser le
regarddeKolher.Parfait,songeaKolher.Onvafaireçaenpublic.
—Mesfrères,onadeuxchosesàrégler.(IlfixalevisagedeTohr.)J’aigravementoffensél’un
devous.C’estpourquoij’octroieunhonorisàTohrment.
Tohrmentfutsaisidesurprise.Toutcommelerestedel’assemblée.
C’était une action sans précédent, et il le savait. Un honoris était avant tout un coup porté en
représailles,etceluiàquiilétaitaccordéavaitlechoixdel’arme.Poing,dague,pistolet,chaînes.Ce
rituelavaitpourobjectifdelaverl’honneurdel’offenséaussibienquedel’offenseur.
Le choc perceptible dans la pièce n’était pas dû à l’acte en soi. Les membres de la Confrérie
avaient l’habitude de ce rituel. Compte tenu de leur nature agressive, chacun d’entre eux avait à un
momentoffenségravementl’undesfrères.
MaisKolher,endépitdetoutessesactions,n’avaitjamaisaccordéd’honorisàcejour.Carselon
laloivampire,quiconquelevaitlamainsurluioulemenaçaitd’unearmeétaitpassibledelapeinede
mort.
— Devant ces témoins, écoute-moi, dit-il d’une voix forte et claire. Je t’absous de toutes les
répercussions.Tuacceptes?
Tohrbaissalatête.Lesmainsdanslespochesdesonpantalondecuir,ilsecoualentementlatête.
—Jepeuxpastefrapper,Seigneur.
—Ettupeuxpasnonplusmepardonner?
—Jesaispas.
—Jepeuxpast’envouloir.
Mais,bonsang,ilauraitaiméqueTohraccepte.Ilsavaienttouslesdeuxbesoindedépasserça.
—Jereferaimapropositionàunautremoment.
—Etjecontinueraiàladécliner.
— Qu’il en soit ainsi. (Puis Kolher jeta un regard furieux à Zadiste.) Passons maintenant à ta
putaindevieamoureuse.
Z.quisetenaitderrièresonfrèrejumeau,avançad’unpasnonchalant.
—Siquelqu’uns’esttapélafilledeAudazs,c’esttoi,pasmoi.C’estquoileproblème?
Desfrèreslaissèrentéchapperdesjurons.
Kolherdénudasescanines.
—Jevaispasrelever,Z.Maisjusteparcequejesaisàquelpointtuaimeslescoupsetquejesuis
pasd’humeuràtefaireceplaisir.(Ilseredressa,pourparerunéventuelmouvementdeZ.)Jeveux
quetutecalmesaveclesputes.Ou,aumoins,quetunettoiesaprèstoi.
—Dequoituparles?
—Onapasbesoindetoutecettepub.
ZadisteregardaFhurie,quidéclara:
—Lescorps.Lesflicslesonttrouvés.
—Quelscorps?
Kolhersecoualatête.
—Bordel,Z.!Tucroisvraimentquelesflicsvontpaschercheràrésoudrelemeurtrededeux
femmesqu’onalaisséseviderdeleursangdansuneruelle?
Zadisteavançasiprèsqueleurstorsessetouchèrent.
—Jesaispasdequoituparles.Sens-moi.Jedislavérité.
Kolherinspiraprofondément.Ilhumal’odeurdel’outrage,uneodeuraciduléesemblableàcelle
d’undéodorantcitronné.Maisilnesentitniangoissenisubterfuge.
Lehic,c’étaitqueZ.n’étaitpasseulementuntueurassoiffédesang,maisaussiunfieffémenteur.
—Jeteconnaistropbien,déclaraKolherd’unevoixcalme,pourcroireuntraîtremotdeceque
tudis.
Z.commençaàgrogner.Fhuries’avançarapidement,entourantdesonavant-braspuissantlecou
desonfrèrejumeauettirantlevampireenarrière.
—Toutdoux,Z.,ditFhurie.
Zadistesaisitlepoignetdesonjumeauetsedégagea.Sonregardbrûlaitdehaine.
—Undecesquatre,Seigneur,jevais…
Un bruit semblable à un tir de canon l’interrompit. Quelqu’un cognait de toutes ses forces à la
ported’entrée.
Ensemble, les frères sortirent du salon et se dirigèrent vers le vestibule, leurs pas lourds
accompagnésducliquetisdeleursarmes.
Kolhercontrôlalemoniteurinstallédanslemur.
Lorsqu’il vit Beth dans les bras du flic, il en eut le souffle coupé. Il ouvrit la porte et saisit le
corpstandisquel’hommeseprécipitaitàl’intérieur.
C’estlemoment,pensa-t-il.Lemomentdelatransition.
LeflicvibraittoutentierdecolèrequandillaissapasserBethdesesbrasàceuxdeKolher.
—Espècedefilsdepute!Commenttupeuxluifaireça?
Kolhernesedonnapaslapeinederépondre.Bethdanslesbras,ilsedirigead’unpasrapidevers
sesfrères.Ilsentaitleurétonnement,maiscen’étaitpaslemomentdedonnerdesexplications.
—Qu’onmelaissetuercethumain,aboya-t-il.Jeveuxpasqu’ilquittelamaisontantquejeserai
pasrevenu.
Kolhertraversalesalonàtoutevitesse.Poussaletableau.Descenditlesescaliersaussivitequ’ille
put.
Letempsétaitcompté.
ButchregardaledealerdedroguedisparaîtreavecBeth.Latêtedelajeunefemmesebalançait
tandisqu’ilss’éloignaienttouslesdeux,sescheveuxflottantdansl’aircommeundrapeausoyeux.
Pendantuninstant,ilfutcommeparalysé,tirailléentresonenviedecrieretsonbesoindepleurer.
Quelgâchis.Quelterriblegâchis.
Puisilentenditlaporteserefermeretseverrouillerderrièrelui.Etserenditcomptequ’ilétait
entouréparlescinqfilsdeputelesplusmenaçantsqu’ilaitjamaisvus.
Unemainatterritsursonépaule,aussilourdequ’uneenclume.
—Çatediraitderesterdîner?
Butchlevalesyeux.Letypeportaitunecasquettedebase-balletavaitunesortedemarque–un
tatouage?–surlevisage.
—Çatediraitd’êtreledîner?demandaunautre,auxalluresdetop-modèle.
Denouveau,Butchsentitlacolèrelegagner,épaissirsesmusclesettendresesos.
Ilremontasonpantalon.
Cesgarsavaientenviedes’amuser?pensa-t-il.Parfait.C’estpartipouruneputaindedanse!
Pourmontrerqu’iln’avaitpaspeur,Butchlesfixal’unaprèsl’autredanslesyeux.Lesdeuxqui
venaientdeparler.Puisletypeàl’allurerelativementnormalequisetenaitderrièreeux.Ainsiqu’un
autre type avec une tignasse pour laquelle des femmes auraient payé sans hésiter des centaines de
dollarsdansunsalonchicos.
Puisledernier.
Butchfixalevisagebalafré.Desyeuxnoirsluirendirentsonregard.
Cetype,pensaButch,c’estdeluiqu’ilfallaitseméfier.
D’unhaussementd’épaules,ilsedégageadel’emprise.
—Dites-moiuntruc,lesgars,commença-t-ild’unevoixtraînante.Vousportezducuirparceque
çavousexcite?Voustrempezvotrequeueentrevous?
Butchheurtasiviolemmentlaportequesesdentsdufonds’entrechoquèrent.
Letop-modèleplongeasonvisageparfaitdansceluideButch.
—Àtaplace,jeferaisgaffeàcequejedis.
—Pourquoi,mec,quandtugardesunœildessus?Tuvasmeroulerunepellemaintenant?
UngrognementcommeButchn’enavaitjamaisentendusortitdelagorgedutype.
—C’estbon,c’estbon.(Celuiquisemblaitleplusnormals’avança.)Recule,Rhage.C’estbon.
Onsecalme.
Ilfallutautop-modèleprèsd’uneminutepourlâcherButch.
—C’estbon.Onrestecool,murmuraM.Normal,tapotantsonpotedansledosavantderegarder
Butch.Toi,rends-toiserviceetboucle-la.
Butchhaussalesépaules.
—Qu’est-cequej’ypeux,moi,sileblondrêvedemetripoter?
Letypes’élançadenouveauetM.Normal,cettefois,necherchapasàretenirsonami.
Le poing qui vint heurter la mâchoire de Butch résonna dans toute sa tête. Sous l’effet de la
douleur,Butchlaissalibrecoursàlaragequil’animait.LapeurdecequipouvaitarriveràBeth,la
hainerefouléedecesvoyous,lafrustrationrelativeàsonboulot,toutsortitdelui.Ilplaqualeplus
granddeshommesausol.
Surlemoment,legarsfutsurpris,commes’ilnes’attendaitpasàautantdevitesseoudeforce
chezButch,quienprofita.Enguisedereprésailles,ilfrappaleblondauvisage,puislesaisitparla
gorge.
L’instant d’après, Butch était allongé sur le dos, l’homme, à califourchon sur sa poitrine,
l’immobilisantfermementausol.
Le type prit le visage de Butch dans sa main et le pressa comme un citron. Butch avait les plus
grandesdifficultésàrespirer;ilhaletait.
— Peut-être bien que je vais rendre une petite visite à ta femme, déclara le type, et me la faire
plusieursfois.Qu’est-cequet’endis?
—J’aipasdefemme.
—Tacopine,alors.
Butchaspiraunpeud’air.
—J’enaipasnonplus.
—Silesnanasveulentpasdetoi,qu’est-cequitefaitcroirequetupourraismebrancher?
—Jevoulaistefoutrelahaine.
Letypeplissasesyeuxbleusélectriques.
Ildevaitporterdeslentilles,pensaButch.Personnen’avaitlesyeuxdecettecouleur.
—Ahouais?demandaleblond.
— Si j’avais attaqué le premier (Butch inspira plus profondément encore) tes gars seraient
intervenus tout de suite. Ils m’auraient réglé mon compte. Sans que j’aie la moindre chance de
t’atteindre.
Le blond relâcha un peu son emprise et éclata de rire tandis qu’il délestait Butch de son
portefeuille,desesclésetdesontéléphoneportable.
—Hélesmecs,jecroisquecetypemeplaîtbien!s’exclamaleblond.
Quelqu’unseraclalagorge.Discrètement.
Le blond se remit debout. Butch, haletant, roula sur le côté. Lorsqu’il leva les yeux, il crut
halluciner.
Deboutdanslevestibulesetrouvaitlepetithommeâgéenlivrée.Ilportaitunplateaud’argent.
—Excusez-moi,messieurs.Ledînerseraservidansenvironunquartd’heure.
—Dites,cesontdescrêpesauxépinards?demandaleblondensedirigeantversleplateau.
—Oui,Monsieur.
—Génial!
Lesautreshommesseregroupèrentautourdumajordomeetseservirent.Etprirentdesserviettes
àcocktail.Commes’ilsnevoulaientpasrisquerderenverserquoique,cesoit.
Putain,maisqu’est-cequec’estquetoutcecirque?
—Puis-jevousdemanderunefaveur?ditlemajordome.
M.Normalacquiesçavigoureusement.
—Apportezunautreplateauetontueratoutcequevousvoudrez.
Ouais,finalement,cetypeestpeut-êtrepassinormalqueça.
Lemajordomesouritcommesilaréponseletouchait.
— Si vous envisagez de saigner l’humain, seriez-vous assez aimable de le faire dans la cour
arrière?
—Aucunproblème,réponditM.Normalenenfournantuneautrecrêpedanslabouche.Bonsang,
Rhage,t’asraison!Cescrêpessonttropbonnes!
CHAPITRE33
Kolhersentaitledésespoirlegagner.Iln’arrivaitpasàfairereprendreconnaissanceàBeth.
Sapeaunecessaitderefroidir.
Denouveau,alorsqu’elleétaitallongéesurlelit,illasecoua.
—Beth,Beth!Tum’entends?
Bethremualesmains,maisKolhereutl’impressionqu’ils’agissaitd’unspasmeinvolontaire.Il
colla son oreille contre sa bouche. Beth continuait à respirer, même si les intervalles entre deux
expirationsétaientd’unelongueuralarmante.Alarmante,aussi,lafaiblessedesonsouffle.
Merde!
Il dénuda son poignet et était sur le point de s’ouvrir une veine lorsqu’il prit conscience qu’il
voulaitlatenirdanssesbrassielleétaitcapabledeboire.
Quandelleseraitcapabledeboire.
Ilretirasonholster,entiraunedagueetenlevasachemise.Iltâtasoncoujusqu’àcequ’iltrouve
lajugulaire.Ilplaçalapointedeladaguecontresapeauetsecoupa.Lesanggicla.
Ilpassasondoigtsurl’entailleetleportaauxlèvresdeBeth.Lorsqu’ill’enfonçadanssabouche,
lalanguedelajeunefemmerestainerte.
—Beth,murmura-t-il,reviens.
Illuidonnaencoredesonsang.
—Bordel,meurspas!(Lesbougiess’illuminèrentdanslapièce.)Jet’aime,bordel!Lâchepas!
La peau de Beth commençait à virer au bleu, même lui pouvait percevoir le changement de
couleur.
Il se mit à prier avec frénésie, des prières anciennes dans la vieille langue des vampires. Des
prièresqu’ilcroyaitavoiroubliées.
Bethneremuaitpas.Elleétaitbeaucouptropimmobile.L’Estompeplanaitsurelle.
Saisidefurie,KolhersemitàhurleretagrippalecorpsdeBeth.Illesecouasifortqueleslongs
cheveux de la jeune femme s’emmêlèrent. Il berçait son corps, fixant de ses yeux aveugles le mur
noirdevantlui.
Marissa accorda le plus grand soin à sa toilette, résolue à paraître à son avantage lorsqu’elle
descendraitpourlepremierrepasdelanuit.Aprèsavoirinspectésagarde-robe,elleoptapourune
longue robe de mousseline de soie ivoire. Elle l’avait achetée la saison précédente chez Givenchy,
mais ne l’avait encore jamais portée. Le corsage était plus moulant et plus échancré que ce qu’elle
portaithabituellement,maislaformeempiregarantissaituneffetgénéraldesplusdécents.
Elle se brossa les cheveux, qu’elle laissa détachés. Ils étaient si longs désormais qu’ils lui
arrivaientauxhanches.
Enlesregardant,ellepensaàKolher.Unefois,illuiavaitditàquelpointilsétaientsoyeux.Elle
lesavaitlaissépousserensupposantqu’ilapprécierait.Etqu’ilnel’apprécieraitellequedavantage.
Peut-êtreallait-ellecoupersesondulationsblondes.Lestailleràgrandscoupsdeciseaux.
Lacolère,quis’étaitcalmée,bouillonnadenouveauenelle.
Soudain,Marissapritunedécision.C’enétaitterminédegardertoutpourelle.Ilétaittempsde
partager.
Puisl’imagedeKolherluirevint.Sahautestature.Sestraitsfroidsetdurs.Saprésenceterrifiante.
Serait-ellevraimentcapabledel’affronter?
Jamais elle ne le saurait si elle n’essayait pas. Et puis elle n’avait nullement l’intention de le
laisservoguerverssonavenirquelqu’ilsoitsansluidirecequ’elleavaitsurlecœur.
Ellejetauncoupd’œilàsonréveil.Siellenedescendaitpaspourledîneretn’aidaitpassonfrère
àlacliniquecommeelleleluiavaitpromis,Haversauraitdessoupçons.Elleferaitmieuxd’attendre
unpeuavantdeserendrechezKolher.Elleavaitsentiqu’ildemeuraitchezAudazs;elleiraitplus
tard.
Etattendraitqu’ilrevienne.
Certaineschosesvalaientlapeinequ’onattende.
—Mercid’avoiracceptédemevoir,sensei.
—Billy,commentvas-tu?(M.Xposalemenuqu’ilavaitlupourpasserletemps.)Tonappelm’a
inquiété.Etjenet’aipasvuaucours.
Riddlepritplacedanslebox;ilavaitl’airpluscalme.Sesyeuxétaienttoujoursbleusetnoirset
l’épuisementselisaitsursestraits.
—Quelqu’unm’enveut,sensei.
Billycroisalesbrassursapoitrine.Ilmarquaunepause,commes’iln’étaitpassûrdecequ’il
devaitraconter.
—Çaaunrapportavectonnez?
—Possible.Saispas.
—Entoutcas,jesuiscontentquetusoisvenumetrouver,mongarçon.(Autresilence.)Tupeux
mefaireconfiance,Billy.
Riddleprituneprofondeinspiration,commes’ils’apprêtaitàplongerdansunepiscine.
—MonpèreestàWashington,commed’habitude.Alorshiersoir,j’aifaitunepetitefêteavecdes
potes.Onafuméquelquesjoints…
—Tunedevraispas.Lesdroguesillicitesnesontpasunebonnechose.
Malàl’aise,Billyremuasursonsiègeetcommençaàjoueraveclachaîneenplatinequ’ilportait
autourducou.
—Jesais.
—Continue.
—Mespotesetmoi,onétaitprèsdelapiscine.Ilyenavaitunquivoulaitpasserunpetitmoment
seulavecsacopine.Jeleuraiditd’allerdanslacabine,maiselleétaitfermée.Jemesuislevépour
allerchercherlacléet,quandjesuisrevenu,untype,surgidenullepart,setenaitdevantmoi.Ilétait
immense,bordel.Delongscheveuxnoirs.Vêtudecuir.
Laserveuses’approcha.
—Quedésirez-vous?
—Plustard,aboyaM.X.
Tandisqu’elles’éloignait,M.XfitunsigneàBilly.Riddlepritleverred’eaudeM.Xetlebut.
—Ilm’afoutulatrouilledemavie.Ilm’aregardécommes’ilvoulaitmebouffertoutcru.Puis
mon pote s’est pointé ; il se demandait où j’étais passé avec la clé. Le type a dit mon nom et s’est
volatilisé, juste au moment où mon pote arrivait. (Billy secoua la tête.) Sauf que je me demande
encorecommentilafaitpourpasseràtraverslemur.Monpèreenafaitposerunl’annéedernière
toutautourduterrainparcequ’ilavaitreçudesmenacesterroristesouuntrucdugenre.Lemurdoit
faire, je sais pas, près de quatre mètres de haut. Et la maison était fermée et le système de sécurité
branché.
M.XbaissalesyeuxverslesmainsdeBilly.Ellesétaientpresséesl’unecontrel’autre.
—J’ai…jedoisreconnaîtrequej’aiunpeulesjetons,sensei.
—Ilyadequoi.
LemalaisedeRiddlesemblas’accroîtreàmesurequ’ilvoyaitsescraintesconfirmées.
—Billy,dis-moi.J’aibesoindesavoir.Tuasdéjàtuéunanimal?
LechangementbrusquedeconversationsuscitachezRiddleunfroncementdesourcils.
—Dequoivousparlez?
—Tusais.Unoiseau.Unécureuil.Peut-êtreunchatouunchien?
—Non,sensei.
—Non?(M.XregardaBillydanslesyeux.)Jen’aipasdetempsàperdreaveclesmensonges,
mongarçon.Billyseraclalagorge.
—Ouais,peut-être.Quandj’étaisplusjeune.
—Qu’est-cequetuasressenti?
Billysentitdelachaleurgagnersanuque.Ildesserralesmains.
—Nada.J’airienressenti.
—Allons,Billy.Tudoismefaireconfiance.
LesyeuxdeBillyétincelèrent.
—D’accord.Peut-êtrequeçam’abienplu.
—Ouais?
—Ouais.
Riddleavaitpéniblementarticulésaréponse.
—Bien.(M.Xlevalamainpourattirerl’attentiondelaserveuse.Ellepritsontempspourvenir.)
Onreparleradecethommeplustard.D’abord,j’aimeraisquetumeparlesdetonpère.
—Monpère?
—Vousêtesprêtsàpassercommande?demandalaserveused’untonsnob.
—Qu’est-cequetuveux,Billy?C’estpourmoi.Riddlerécitalamoitiédumenu.
Quandlaserveusesefutéloignée,M.Xreposalaquestion.
—Tonpère?
Billyhaussalesépaules.
—Jelevoispasbeaucoup.Mais…c’est…voussavez.Unpaternel.Qu’est-cequeçapeutfaire?
—Écoute-moibien,Billy.(M.Xsepenchaverslui.)Jesaisquetuasfuguétroisfoisdecheztoi
avantl’âgededouzeans.Jesaisquetonpèret’aenvoyéeninternatàlaminutemêmeoùtamèreaété
enterrée. Et je sais que, quand tu t’es fait renvoyer de Northfield Mount Hermon, il t’a envoyé à
Groton. Quand là encore tu t’es fait renvoyer, il t’a placé dans une académie militaire. J’ai
l’impressionqu’ilasurtoutessayédesedébarrasserdetoicesdixdernièresannées.
—Ilestsuperoccupé.
—Ettun’aspasétéfacile,pasvrai?
—Possible.
—Ondiraitquelesrelationsnesontpasidylliquesentretoiettoncherpèreadoré.(M.Xmarqua
unepause.)Dis-moilavérité.
—Jelehais,lâchaRiddle.
—Pourquoi?
Denouveau,Billycroisalesbrassursapoitrine.Sesyeuxperdirenttoutechaleur.
—Pourquoiest-cequetulehais,mongarçon?
—Parcequ’ilrespire.
CHAPITRE34
Bethfixaitunesortedenéantvaporeuxquis’étendaitdevantelle.Ellesetrouvaitdansunpaysage
onirique,auxcontoursnébuleuxquisuggéraientquecequ’elleavaitdevantlesyeuxétaitinfini.
Une silhouette, éclairée par l’arrière, émergea de la brume et s’approcha. Elle sentit qu’il
s’agissaitd’unêtremasculin,quelqu’ilsoit,etnesesentaitpasmenacée.Elleavaitl’impressiondele
connaître.
— Père ? murmura-t-elle, sans réellement savoir si elle s’adressait à son père ou à Dieu luimême.
L’hommeétaitencoreassezloin,maisillevalamainpourlasaluer,commes’ill’avaitentendue.
Bethavança,labouchesoudainemplied’ungoûtqu’elleneparvintpasàidentifier.Elleportale
doigtàseslèvres.Quandelleleleva,ellevitdurouge.
Lasilhouettebaissalamain.Commes’ilsavaitcequelatachesignifiait.
Bethréintégrasoncorps.C’étaitcommeêtrecatapultéeetatterrirsurdugravier.Toutsoncorps
étaitdouloureux.
Ellehurla.Quandelleouvritlabouche,ellesentitdenouveaucegoûtdanssabouche.Parréflexe,
elleavala.
Quelquechosedemiraculeuxseproduisit.Commeunballonqu’onregonflait,sapeausegorgea
devie.Sessensdevinrentvivants.
Sansriendistinguer,elleagrippaquelquechosededur.Etfitsiennelasourcedugoût.
KolhersentitlecorpsdeBethsaisidesecoussescommesielleavaitétéélectrocutée.Puisellese
mitàboireaucoudeKolheravecfrénésie,avecdesmouvementsintensesdelabouche.Ellepassales
brasautourdesépaulesduvampireetplantasesonglesdanssachair.
Avecungrognementdetriomphe,ill’étenditdenouveausurlelitpourfaciliterlacirculationdu
sang.Ilinclinalatêtepourluidonnerlibreaccèsàsoncou.Ellesehissasursapoitrine,samassede
cheveuxinondantlapoitrinedeKolher.Lebruitmouillédelasuccionainsiquelefaitdesavoirqu’il
luidonnaitlavieprovoquèrentchezluiuneérectionphénoménale.
Il la tint serrée tout contre lui, lui caressant les bras. L’encourageant à prendre plus de lui. À
prendretoutcedontelleavaitbesoin.
Trèslongtempsaprès,Bethlevalatête.Passalalanguesurseslèvres.Ouvritlesyeux.
Kolheravaitlesyeuxrivéssurelle.
Ilavaituntroubéantdanslecou.
—Oh,monDieu…qu’est-cequejet’aifait?
Elletenditlamainpourarrêterlesangquis’écoulaitdesaveine.
KolhersaisitlesmainsdeBethetlesportaàseslèvres.
—Veux-tudemoicommehellren?
—Quoi?
Elleavaitdumalàpenser.
—Épouse-moi.
Elleregardaletroudanssagorgeetsentitsonestomacsenouer.
Ladouleurlasaisitbrusquementdanstoutesonintensité.Lasubmergea.Lamenaauxportesde
l’agonie.Ellesecourbaetroulasurlematelas.
Kolherselevad’unbondetposalatêtedeBethsursesgenoux.
—Jesuisentraindemourir?murmura-t-elle.
—Non,leelane.Tuvaspasmourir.Çavapasser,répondit-il.Maisçanevapasêtreunepartiede
plaisir.
Parvagues,toutsonsystèmedigestifétaitsaisideconvulsions;elleseretournad’unmouvement
brusque, pour se retrouver sur le dos. La douleur l’empêchait quasiment de distinguer le visage de
Kolher, mais ses yeux étaient élargis par l’angoisse. Il prit sa main dans la sienne et la serra fort
lorsquelavaguesuivantedetorturelasaisit.
Savuebaissa.Revint.Baissaencore.
Toutsoncorpsétaitensueuretmouillaitlesdraps.Elleserralesdentsets’arc-bouta.Setourna
d’uncôtépuisdel’autre.Essayadefuir.
Ellenesavaitpascombiendetempstoutçadura.Desheures.Desjours.
Kolherrestatoutletempsàsescôtés.
Kolhersoupiradesoulagementpourlapremièrefoisunpeuaprès3heuresdumatin.
Bethavaitfinipars’apaiser.
Elles’étaitmontréesicourageuse.Elleavaitsupportéladouleursansgémirnipleurer.Mêmelui
avaitsuppliéquesatransitionprennefin.
Elleémitunsonrauque.
—Quoi,maleelane?
IlapprochasonoreilledeslèvresdeBeth.
—Douche.
—D’accord.
Ilsortitdulit,fitcoulerl’eauetrevintlachercher.Illasoulevadoucementetlaportadansses
bras jusqu’à la salle de bains. Elle ne pouvait pas tenir debout, alors il l’assit sur le comptoir en
marbre,luienlevasesvêtementspuislarepritdanssesbras.
Il entra dans la douche, protégeant le corps de Beth de son dos. Il voulait s’assurer que le
changementdetempératureetd’humiditéneluiseraitpasdésagréable.Commeelleneprotestaitpas,
illaissal’eaucoulersursespieds,aucasoùlasensationseraittropforte.Peuàpeu,illaplaçasousle
jetd’eau.
Ellesemblaaimerlasensationdel’eau,puisqu’elletenditlecouetouvritlabouche.
Ilvitsescanines:illestrouvamagnifiques.D’unblanclumineux.Acérées.Ilserappelacequ’il
avaitressentitandisqu’elles’abreuvaitàlui.
Kolherlaramenacontreluiuncourtmoment,latenantdanssesbras.Puisildéposasespiedsau
soletlasoutintd’unseulbras.Desamainlibre,ilpritlabouteilledeshampoingetenversaunpeu
surlehautdesatête.Ilfitmousserpuisrinça.Ilpritensuitelesavonetmassadoucementsapeaudu
mieuxqu’ilputsanslalâcheretenveillantbienàrincertoutelamousse.
Il la reprit dans ses bras, arrêta l’eau, sortit de la douche et attrapa une serviette. Il l’enveloppa
dedans et l’adossa contre le comptoir, l’appuyant contre le mur et le miroir. Avec précaution, il
essuyasescheveux,sonvisage,soncou,sesbras.Puissespieds,sesmollets,sesgenoux.
Sapeauseraitultrasensiblependantunmoment.Ainsiquesavueetsonouïe.
Pendantlatransition,ilavaitcherchélessignesquesoncorpschangeait,maisn’enavaitvuaucun.
Elle avait la même taille qu’auparavant. Elle lui arrivait à la même hauteur. Il se demandait si elle
pourraittoujourss’exposeràlalumièredujour.
—Merci,murmura-t-elle.
Il l’embrassa et la porta sur le sofa. Puis il retira les draps mouillés et l’alèse. Il eut du mal à
refairelelit.Illuifallutdutempspourtrouverl’autreparureetileuttouteslesdifficultésdumondeà
lesmettrecorrectement.Lorsqueenfinileutterminé,ildéposaBethsurlesdrapsdesatinpropres.
Sonprofondsoupirfutleplusgrandcomplimentqu’onluiaitjamaisadressé.
Kolhers’agenouillaàcôtédulitetpritsoudainconsciencequesonpantalonencuiretsesbottes
étaienttrempés.
—Oui,murmura-t-elle.
Ill’embrassasurlefront.
—Oui,quoi,maleelane?
—Jeveuxt’épouser.
CHAPITRE35
De nouveau, Butch fit les cent pas dans le salon et s’arrêta devant la cheminée. Il regarda les
bûchesdansl’âtre.Ilimaginaitladouceurd’unfeudanscettepièceenhiver.Leplaisiràregarderles
flammesassissurlesofaensoie.Lemajordomeservantdesgrogsoud’autresdouceurs.
Qu’est-cecettebandedebrutespouvaitbienfoutredansunendroitpareil?
Butchentendaitlebruitdeshommesdanslevestibule.Ilsavaientpassédesheuresdanscequ’il
supposait être une salle à manger, à actionner leurs mâchoires. Au moins, ils avaient bon goût en
matièredemusique.Duraphardcorerésonnaitdanstoutelamaison:2Pac,Jay-Z,D-12.Detempsen
temps,ilpercevaitdeséclatsderirepar-dessuslamusique.Desvannesdemacho.
Pourlamillionièmefoisaumoins,iljetauncoupd’œilàlaporteprincipale.
Lorsqueceshommesl’avaientpoussédanslesalonavantdesedirigerverslasalleàmanger,ily
avaitdecelauneéternité,Butchavaittoutd’abordpenséàs’enfuirmêmes’ildevaitpourçabriser
unevitreavecunechaise.IlappelleraitJosé.Rameuteraittoutelabrigade.
Maisavantqu’ilesquisselemoindremouvement,ilentenditunevoixàsonoreille.
—J’attendsqueça,quetuessaiesdeprendrelatangente.
Butch avait fait volte-face. Le balafré au crâne rasé était campé à ses côtés, mais le policier ne
l’avaitpasentenduapprocher.
— Vas-y, mec. (Ce barge aux yeux noirs fixait Butch avec l’intensité d’un requin.) Défonce la
porte. Pars, cours ! Va chercher de l’aide. Mais tu peux être sûr d’une chose : je te lâcherai pas.
Commeuncorbillard.
—Zadiste,laisse-letranquille.(Letypeaveclachevelureabondantevenaitdepasserlatêtepar
l’encadrementdelaporte.)Kolherveutqu’ongardel’humainenvie.Pourlemoment.
LebalafréavaitjetéundernierregardàButch.
—Essaie.Essaie,justepourvoir.Jepréfèretetraquerquedîneraveceux.
Puisilsortitd’unpasnonchalant.
Malgrélesmenaces,Butchavaitcherchéàobserverleplusdechosespossible.Iln’avaitaperçu
aucun téléphone et, à en juger par le panneau de sécurité qu’il avait vu dans le vestibule, toutes les
fenêtresetlesportesdevaientêtresurveillées.Impossibledesefairelamallesanssefaireremarquer.
EtpuisilnevoulaitpasabandonnerBeth.
MonDieu,sijamaisellemourait…
Butchinhala.Fronçalessourcils.
Bordel,qu’est-cequec’étaitencorequeça?
Lestropiques.Ilsentaitl’océan.
Ilseretourna.
Unefemmed’uneextraordinairebeautésetenaitdansl’embrasuredelaporte.Éléganteetracée,
elleportaitunerobevaporeuseetsesmagnifiquescheveuxblondsluidescendaientparvaguesjusque
danslebasdudos.Sonvisageétaitd’uneperfectionremarquable;sesyeuxavaientlacouleurbleu
pâleduverreroulé.
Ellerecula,commesielleavaiteupeurdelui.
—Non,dit-il.(Ils’avança,pensantauxhommesdanslapièceauboutduvestibule.)N’yretournez
pas.
Elleregardaautourd’elle,commesiellevoulaitappeleràl’aide.
—Jenevousferaiaucunmal,ajouta-t-il.
—Commentpourrais-jelesavoir?
Elleavaitunlégeraccent.Commetouslesautres.Russe,peut-être?
Iltenditlesmains,paumesverslehaut,pourluimontrerqu’iln’avaitpasd’armes.
—Jesuisflic.
Ouais,c’étaitplustoutàfaitvrai,maisilvoulaitlarassurer.
Ellerelevalebasdesarobe,commesielles’apprêtaitàdécoller.
Putain, il n’aurait jamais dû dire ça ! Si elle était la nana d’un des mecs, elle allait sûrement se
tirer,maintenantqu’ellesavaitqu’ilappartenaitàlapolice.
—Jenesuispasenservice,dit-il.Pasd’arme,pasdebadge.
Brusquement, elle lâcha le bas de sa robe. Ses épaules se raidirent comme si elle cherchait à
rassembler son courage. Elle s’avança un peu, se déplaçant de manière fluide et gracieuse. Butch
gardalesilenceetessayadesefairepluspetitqu’ill’était,moinsmenaçant.
—Engénéral,onnemelaissepasapprocherceuxdevotreespèce,dit-elle.
Ouais,ilpouvaittoutàfaitimaginerquelesflicsn’étaientpasleshôteshabituelsdelademeure.
—J’attends…uneamie.
Elle pencha la tête. Alors qu’elle s’approchait, il se sentit presque aveuglé par sa beauté. Son
visageétaitfaitpourlesunesdesmagazinesdemode,soncorpslongetadmirable,faitpourarpenter
lespodiums.Quantàsonparfum…Ils’insinuaitparsesnarines,danssoncerveau.Ellesentaitsibon
quedeslarmesluimontèrentauxyeux.
Elleétaitirréelle,pensa-t-il.Sipure,sipropre.
Ilavaitl’impressiondedevoirselaverlesdentsetseraserpourpouvoirluidireunmotdeplus.
Qu’est-cequ’unenanacommeellefaisaitàtraîneraveccettebande?
Le cœur de Butch se serra à l’idée de ce à quoi elle pouvait bien leur servir. Mon Dieu. Sur le
marché du sexe, juste une heure avec une femme comme elle pouvait apporter des milliers et des
milliersdedollars.
Pasétonnantquecettemaisonressembleàunmusée.
Marissaseméfiaitdel’humain,surtoutenraisondesataille.Elleavaitentendutantd’histoiressur
eux.Qu’ilshaïssaientlesvampires.Qu’ilspourchassaientceuxdesonespèce.
Maiscelui-cisemblaittoutfairepournepasl’effrayer.Ilnebougeaitpas;ilrespiraitàpeine.Ilse
bornaitàlaregarder.
Cequiétaitperturbant,etpasseulementparcequ’ellen’avaitpasl’habituded’êtreregardée.Ses
yeuxnoisettebrillaientdanssonvisagedur,nelaissantrienpasser,observanttoutd’elle.
Celui-ciétaitintelligent.Intelligentet…triste.
—Commentvousappelez-vous?demanda-t-ildoucement.
Elle aimait sa voix. Profonde et grave. Un peu dure, comme s’il était en permanence un peu
enroué.
Ellesetrouvaitmaintenanttrèsprèsdelui,àquelquespas.Alorselles’arrêta.
—Marissa.Jem’appelleMarissa.
—Butch.(Ilportalamainàsalargepoitrine.)Euh…Brian.O’Neal.Maisonm’appelleButch.
Illuitenditlamain,puislaretira,l’essuyavigoureusementcontrelajambedesonpantalon,puis
latenditdenouveau.
Elleperditcontenance.Letoucherétaittroppourelleetellerecula.
Ilbaissalentementlamain,sanssemblerdutoutsurprisqu’ellel’aitrejeté.
Pourtant,ilnecessaitdelafixer.
—Queregardez-vous?
Elleramenasesmainslelongducorsetdesarobe,commepoursecouvrir.
Butchsentitl’embarrasmonterlelongdesanuqueetluifairerougirlesjoues.
—Désolé.Vousenavezprobablementmarredetouscesmecsquivousreluquentavecdesyeux
demerlansfrits.Marissasecoualatête.
—Aucunmâlenemeregarde.
—J’aibeaucoupdemalàlecroire.
C’étaitvrai.TousétaientterrifiésdecequeKolherpourraitleurfaires’ilsposaientlesyeuxsur
elle.
MonDieu,sitousavaientsucommeelleavaitétépeudésirée.
—Parceque…(Lavoixdel’humainsebrisa.)MonDieu,vousêtessi…tellement…belle.
Ilseraclalagorgecommes’ilétaitdésireuxderetirercequ’ilvenaitdedire.
Elle pencha la tête et l’étudia. Le ton de sa voix avait un je-ne-sais-quoi qu’elle ne pouvait
déchiffrer.Unenotedouloureuse.
Ilsepassalamaindanssescheveuxbrunsépais.
—Jeferaismieuxdemetaire.Avantdevousmettreencoreplusmalàl’aise.
LesyeuxdeButchnequittaientpassonvisage.
Ilavaitvraimentdebeauxyeux,pensa-t-elle.Sichaleureux.Avecunepointedenostalgiedèsqu’il
laregardait.Commes’ilnepouvaitavoirquelquechosequ’ildésirait.
Elleconnaissaitçasurleboutdesdoigts.
L’humainéclataderire;c’étaitunsonquivenaitdutréfondsdesapoitrine.
—Etsij’essayaisdeneplusvousfixer?Çapourraitêtrepasmal.(Ilfourralesmainsdansles
pochesdesonpantalonetregardalesol.)Voyez.Jenevousfixeplus.Jenevousfixeplusdutout.Eh,
envoilàunbeautapis!Vousaviezremarqué?
Marissasourittimidementetfitunpasdeplusdanssadirection.
—Jecroisquej’aimelafaçondontvousmeregardez.Lesyeuxnoisetterevinrentimmédiatement
sefixersursonvisage.
— Je n’ai vraiment pas l’habitude, expliqua-t-elle. Elle porta la main à son cou, puis la laissa
tomber.
—Bonsang,vousnepouvezpasêtreréelle,ditl’humaind’unevoixdouce.
—Pourquoi?
—C’estjustepaspossible.
Elleeutunpetitrire.
—Pourtant,jelesuis.
Denouveau,ils’éclaircitlavoix.Luidécochaunsouriredebiais.
—Çavousembêtesijevousdemandedemeleprouver?
—Comment?
—Jepeuxtouchervoscheveux?
Denouveau,sapremièrepenséefutdes’enfuir.Maispourquoi?Ellen’étaitengagéeauprèsde
personne.Sicethumainvoulaitlatoucher,pourquoinelepourrait-ilpas?
Surtoutqu’elleaussiledésirait.Plusoumoins.
Ellepenchalatêtepourlaissersescheveuxtomberenavant.Ellepensaluitendreunemèche.Mais
non.Elleallaitlelaisserapprocher.
Cequ’ilfit.
Il tendit la main. Elle était grande. Marissa reprit son souffle. Mais l’humain ne toucha pas la
boucleblondequisebalançaitdevantlui.Sesdoigtss’attardèrentsurunebouclereposantsurl’épaule
deMarissa.
Ellesentitdelachaleursursapeau,commes’ill’avaittouchéeavecuneallumette.Enuninstant,
lasensationsepropageaàtoutsoncorps,commesiunefièvrelagagnait.
Qu’est-cequiluiarrivait?
De son doigt, l’humain écarta la boude, puis lui caressa l’épaule. Sa paume était chaude.
Vigoureuse.Forte.
Ellelevalesyeuxverslui.
—Jenepeuxplusrespirer,murmura-t-elle.
Butchfaillittomberàlarenverse.
MonDieu,pensa-t-il.Elleledésirait.
L’innocent étonnement qu’elle exprimait à son contact lui était plus précieux que les rapports
sexuelslesplusintensesqu’ilaitjamaiseus.
Butchsentitsoncorpss’emballer,sonérectiontendresonjean,demandantàsortir.
Toutçan’estpasréel, pensa-t-il. Ça devait être un jeu. Une femme de sa beauté ne fricotait pas
aveccestypessansconnaîtretouteslessubtilités.Etêtrepasséemaîtredanscertaines.
Illaregardareprendreunerespirationmalassurée.Puisellesepassalalanguesurleslèvres.Le
boutétaitrose.MonDieu!
Quelleremarquableactrice!Sansdoutelameilleureputequ’ilaitjamaisrencontrée.MaisButch
avaitmorduàl’hameçon.Alorsqu’ellelevaitlesyeuxverslui,ilétaitprêtàachetertoutcequ’elle
avaitàvendre.
ButchlaissacourirsondoigtlelongducoudeMarissa.Sapeauétaitsidouce,sipâle,qu’ilavait
peurdelaisserunemarquejusteenlatouchant.
—Vousvivezici?demanda-t-il.
Ellesecoualatête.
—Jevischezmonfrère.
Ilfutsoulagé.
—Super.
D’ungesteléger,illuicaressalajoue.Fixasabouche.Quelgoûtaurait-elle?
Butchlaissasonregards’aventurerplusbas,verssesseins.Ilssemblaientavoirgonfléetpousser
contrelecorsetdesarobedélicate.
—Vousmeregardezcommesivousaviezsoif,ditMarissad’unevoixincertaine.
MonDieu.Elleavaitraison.Ilmouraitdesoif!
—Maisjecroyaisqueleshumainsnes’abreuvaientpas,ajouta-t-elle.
Butch fronça les sourcils. Elle parlait de façon bizarre, mais la langue de Butch n’était
manifestementpassalanguematernelle.
Butch tendit les doigts vers la bouche de Marissa. Il s’arrêta et se demanda si elle aurait un
mouvement de recul s’il essayait de toucher ses lèvres. Probablement, pensa-t-il. Pour continuer le
jeu.
—Votrenom,dit-elle,c’estButch?
Ilacquiesça.
—Vousavezsoifdequoi,Butch?murmura-t-elle.
Butchfermalesyeuxensentantsoncorpsvaciller.
—Butch?demanda-t-elle.Est-cequejevousaiblessé?
Ouais,sionconsidèreledésirincontrôlablecommeuneformededouleur,pensa-t-il.
CHAPITRE36
Kolhersortitdulitetpassaunpantalondecuirettee-shirtnoirspropres.
Beth dormait profondément, allongée sur le côté Quand il se pencha sur elle pour l’embrasser,
elleremua.
—Jemonte,luidit-ilenluicaressantlajoue.Maisjequittepaslamaison.
Elle acquiesça, caressa la paume de sa main de ses lèvres et retomba dans le repos bienfaisant
dontelleavaittantbesoin.
Kolhermitseslunettesdesoleil,verrouillalaportederrièreluietmontal’escalier.Ilsavaitqu’il
arboraitsourirestupideetsatisfaitetquesesfrèresnemanqueraipasdesepayersatête.
Maisils’enfoutaitroyalement!
Il allait faire d’elle sa shellane. Il allait avoir une compagne Et ils pouvaient tous aller se faire
voir.
Ilouvritletableauetentradanslesalon.
Iln’encrutpassesyeux.
Marissa vêtue d’une longue robe ivoire. Le flic devant elle, qui lui caressait le visage,
manifestementtroublé.Toutautourd’eux,dansl’air,leparfumdélicieuxdusexe.
Rhagearrivaentrombedanslapièce,dagueaupoint.Indubitablement,ilétaitprêtàfairedupetit
boisdel’humainquiosaittoucherlasupposéeshellanedeKolher.
—Enlèvetesmains…
Kolherbonditenavant.
—Rhage!Arrête!
RhageseressaisittandisqueButchetMarissaregardaientautourd’eux,paniqués.
RhagesouritetlançaladagueàKolheràtraverslapièce.
—Tue-le.Ilméritelamortpouravoiroséposerlamainsurelle,maisest-cequ’onpeuts’amuser
unpeuavecluiavant?
Kolherattrapalecouteau.
—Retournedanslasalleàmanger,Hollywood.
—Ah,allez!Tusaisbienquec’estmieuxdevantunpublic.
Kolhereutunsouriresatisfait.
—Pourtoiseulement,monfrère.Maintenant,laisse-nous.
Illuirenvoyaladague,queRhageremitdanssonétuienquittantlapièce.
—Mec,Kolher,desfois,t’esvraimentlourd.Lourddechezlourd.
KolherregardaMarissaetleflic.Ilapprouvaitlafaçondontl’humainavaitcherchéàlaprotéger
desoncorps.Peut-êtrecetypeétait-ilplusqu’unbonadversaire.
Butchfixalesuspectd’unregardnoiret,desesbras,tentadeprotégerMarissa.Celle-cirefusade
resterderrièrelui.Luipassadevant,seplaçantenpremièreligne.
Commesielleessayaitdeleprotéger,lui?
Illasaisitparsonbrasmince,maisellerésista.
Le meurtrier aux cheveux noirs s’avançait, et elle lui adressa la parole d’un ton sec dans une
langue que Butch ne reconnut pas. Elle commença à s’enflammer. L’homme acquiesça à de
nombreusesreprises.Peuàpeu,ellerecouvrasoncalme.
Puisl’hommeposasamainsurl’épauledeMarissaettournalatêteversButch.
MonDieu,cetypeavaituneplaiebéantedanslecou,commesiquelqu’unl’avaitmordu.
L’hommepritlaparole.Hésitante,Marissarépondit,puisrépétasaréponsed’untonplusassuré.
—Qu’ilensoitainsi,déclaralesalaudavecunpetitsourire.
MarissasedéplaçadesorteàsetrouveràcôtédeButch.Elleleregardaetrougit.
Unedécisionavaitétéprise.Unedécision…
D’ungestebrusque,l’hommesaisitButchparlagorge.Marissacria.
—Kolher!
Ah,merde!Pasçaencore,seditButchtandisqu’ilsedébattait.
— Tu sembles l’intriguer, murmura le meurtrier à l’oreille de Butch. Alors je vais te laisser la
vie.Maissituluifaisdumal,jet’écorchevif.
Marissaparlaitvitedanscettelangueétrangère;nuldoutequ’elleinjuriaitletype.
—Ons’estcompris?demandal’homme.
Butchfixasonregardsurleslunettesdesoleil.
—Ellen’arienàcraindredemoi.
—T’asintérêtàcequeçarestecommeça.
— Toi, en revanche, c’est une autre histoire. L’homme le lâcha. Rajusta la chemise de Butch.
Sourit.
Butchfronçalessourcils.
Merde,ilyavaitquelquechosequiclochaitvraimentaveclesdentsdutype.
—OùestBeth?demandaButch.
—Ensécurité.Ellevabien.
—Pasgrâceàtoi.
—Uniquementgrâceàmoi.
—T’asunefaçonbienàtoidevoirleschoses.Jeveuxenjugerparmoi-même.
—Plustard.Etuniquementsiellesouhaitetevoir.
De nouveau, Butch sentit la colère le gagner ; le salaud sembla percevoir le mouvement qui
s’emparaitdesoncorps.
—Faisgaffe,leflic.T’esdansmonunivers,maintenant.
Ouais,vatefairefoutre,monpote.
Butchétaitsurlepointderépliquerquandilsentitqu’onluiagrippaitlebras.Ilbaissalesyeux.
DelapeurselisaitdanslesyeuxdeMarissa.
—Butch,jevousenprie,murmura-t-elle.Non.Lesuspectacquiesça.
— Tu vas te montrer poli et rester avec elle, dit l’homme sur un ton plus doux alors qu’il
regardaitMarissa.Elleseréjouitdetacompagnie,etellemériteunpeudebonheur.Onverrapour
Beth.Plustard.
M.XreconduisitBillyàlademeuredesRiddledesheuresplustard,qu’ilsavaientpasséàparler
toutenconduisantauhasarddanslaville.
LepassédeBillyétaitparfait,etpasuniquementenraisondelaviolencedontilavaitfaitpreuveà
l’égard des autres. Son père était tout à fait le genre de modèle que M. X aimait. Un dingue qui se
prenaitpourDieu.LetypeétaitunancienjoueurdelaLiguedefootballnationale,massif,agressifet
portésurlacompétition,quiavaittourmentéBillydepuislejouroùlegarçonétaitvenuaumonde.
Riendecequefaisaitsonfilsn’étaitjamaisassezbien.M.Xavaitunfaiblepourl’histoiredela
mortdelamèredugarçon.Samèreétaittombéedanslapiscineunaprès-midioùelleavaittropbuet
Billy l’avait retrouvée, flottant à la surface, le visage dans l’eau. Il l’avait sortie de l’eau et avait
essayédelaranimeravantd’appelerlessecours.Àl’hôpital,tandisquelecadavre,uneétiquetteau
doigtdepied,étaitconduitàlamorgue,ledistinguésénateurdugrandÉtatdeNewYorkavaitdéclaré
quesonfilsl’avaittuée.Naturellement,Billyauraitdûcommencerparappeleruneambulanceplutôt
qu’essayerdejouerlessecouristes.
M. X ne remettait pas en question les vertus du matricide. En l’occurrence cependant, Billy, qui
avaitreçuuneformationdesecouriste,avaitvraimentessayédesauverlaviedesamère.
— Je hais cette maison, murmura Riddle en fixant les briques illuminées, les colonnes et les
volets.
—Dommagequetusoissurtoutesceslistesd’attente.L’universitét’auraitpermisd’enpartir.
— Ouais, j’aurais pu entrer dans une université ou deux. S’il ne m’avait pas forcé à faire des
dossierspourlesuniversitéscotées.
—Qu’est-cequetuvasfairealors?
Billyhaussalesépaules.
—Ilveutquejedéménage.Quejemedégotteunboulot.C’estjuste…quejesaispasoùjepeux
aller.
—Dis-moiBilly,est-cequetuasunepetiteamie?
Billysourit,unesortederictusauxcommissuresdeslèvres.
—J’enaiplusieurs.
Oui,M.Xpouvaitparfaitementsel’imaginer,unbeaugarçoncommelui.
—Quelqu’unenparticulier?
LesyeuxdeBillyglissèrentsurlui.
— C’est bien pour prendre son pied. Mais elles sont tout le temps après moi. À m’appeler. À
vouloirsavoiroùjesuis,cequejefais.Ellesenveulenttropet,euh…je…
—Tuquoi?
Billyplissalesyeux.
—Vas-y,mongarçon.Iln’yarienquetunepuissesmedire.
—Je…euh…préfèrequandellessontdifficilesàavoir…(Ils’éclaircitlavoix.)J’aimequand
ellesessaientdes’échapper.
—Tuaimeslesattraper?
—J’aimelesprendre.Vousvoyezcequejeveuxdire?M.Xacquiesça,enpensantquec’étaitun
pointdeplusenfaveurdeRiddle.Pasdeliensavecsafamille.Pasdeliensavecunepetiteamie.Quant
àsondysfonctionnementsexuel,lacérémonied’intégrationpermettraitd’yremédier.Riddleposala
mainsurlapoignéedelaportière.
—Entoutcas,merci,sensei.C’étaitgénial.
—Billy.
Riddles’arrêtaetjetaunregardpar-dessussonépaule.Ilattendait.
—Oui,sensei?
—Quedirais-tudetravaillerpourmoi?
LesyeuxdeBillyétincelèrent.
—Vousvoulezdireàl’académie?
—Plusoumoins.Jevaisteparlerdecequetuaurasàfaireettupourrasyréfléchir.
CHAPITRE37
Bethroulasurlecôté,cherchantKolher,avantdesesouvenirqu’ilétaitmonté.
Elles’assit,lesbrasautourd’elleaucasoùladouleurreviendrait.Commeellenesentitrien,elle
se leva. Elle était nue et regarda son corps. Tout semblait comme avant. Elle remua un peu. Tout
semblaitfonctionner.
Àceciprèsqu’ellevoyaitmal.
Ellealladanslasalledebains.Retiraseslentillesdecontact.Savueétaitparfaite.
Ilyaaumoinsunavantage.
Waouh!Descanines.Elleavaitdescanines.
Ellesepencha,appuyaunpeudessus.Ilallaitluifalloirunpeudetempspours’habitueràmanger
aveccesexcroissances,pensa-t-elle.
Suivantsonimpulsion,ellelevalesmains,lesdoigtsécartéscommedesgriffes.Chuinta.
Cool.
Désormais,Halloween,çaallaitvraimentêtrelepied!
Ellesebrossalescheveux,passalepeignoirdeKolheretsedirigeaverslesescaliers.Arrivéeen
haut,ellen’étaitpasdutoutessoufflée.
Aumoins,ellenesueraitplussangeteauàlagym!Quandellesortitparletableau,elleaperçut
Butchassissurlesofaenfaced’uneblondeàlabeautéstupéfiante.Auloin,elleentendaitdesvoix
masculinesetdelamusiqueforte.
Butchlevalatête.
—Beth!(Ilseprécipitaverselle,laserranttrèsfortdanssesbras.)Tuvasbien?
—Jevaisbien.Toutàfait.
Cequiétaitsurprenant,comptetenudeceparquoielleétaitpassée.
Butchs’écartaetpritsonvisagedanssesmains.Ilfixasesyeux.Fronçalessourcils.
—T’aspasl’airdeplaner.
—Ben,nonpourquoi?
Ilsecoualatêted’unairtriste.
—T’espasobligéedemementir.C’estmoiquit’aiconduiteici,tutesouviens?
—Jem’envais,ditlablondeenselevant.Immédiatement,Butchsetournaverselle.
—Non,nepartezpas.
Ilretournaverslesofa.Ilregardalafemme,etjamaisBethn’avaitvuunetelleexpressionsurle
visagedeButch.Ilétaitlittéralementcaptivé.
—Marissa,permets-moideteprésentermonamie(ilaccentualemot)BethRandall.Beth,jete
présenteMarissa.
Bethlevaunemain.
—Salut.
Lablondelafixaitdesyeuxdel’autrecôtédelapièce,l’examinantdelatêteauxpieds.
—C’esttoilafemelledeKolher,ditMarissa,suruntonderespectmêlédecrainte.(Commesi
Bethavaitréussiunesorted’exploit.)Cellequ’ilveut.
Bethsentitdelachaleurluimonterauxjoues.
—Euh…ouais,jecroisquec’estmoi.
Ilyeutunsilencegêné.LeregarddeButchallaitd’unefemmeàl’autre,sourcilsfroncéscomme
siluiaussivoulaitêtredanslesecret.
Bethaussiauraitaimésavoirdequoiilretournait.
—VoussavezoùestKolher?demanda-t-elle.
Butchserenfrogna,commes’ilnevoulaitpasqueBethsoitaucontactdecethomme.
—Ilestdanslasalleàmanger.
—Merci.
—Attends,Beth.Onaà…
—Jem’envaispas.
Butchprituneprofondeinspirationetexpiradansunsifflementlent.
—Jesavaisquetuallaisdireça.(Ilregardalablonde.)Maissituasbesoindemoi…euh…je
seraiici.
BethsouritintérieurementtandisqueButchreprenaitplaceàcôtédelafemme.
Danslevestibule,lebruitdesconversationsd’hommesetletempogravedurapaugmentèrent.
—Alors,qu’est-cequetuluiasfait,àl’éradiqueur?demandal’un.
—J’aiallumésaclopeavecunfusilàcanonscié,réponditunautre.Ilestpasredescendupourle
petit-déjeuner,çajetelegarantis.
Laréponsefutponctuéederiressonores.Etde«boum»,commedespoingsvigoureuxmartelés
surunetable.
Bethresserralespansdesonpeignoir.Ilauraitprobablementétéplusintelligentdecommencer
pars’habiller,maisellenevoulaitpasattendrepourvoirKolher.
Elletournaàl’angleduvestibule.
Quand elle fit son apparition dans l’encadrement de la porte, toutes les conversations cessèrent.
Des têtes se tournèrent ; des yeux la fixèrent. Le rap hardcore emplit le silence, martèlement des
bassesetpsalmodiedesvoix.
MonDieu.Jamaisdesavieellen’avaitvuautantd’hommesaussigrandsvêtusdecuir.
Ellereculad’unpasaumomentoùKolher,auboutdelatable,seleva.Ilsedirigeaverselle,le
regardintense.Nuldoutequ’ellevenaitd’interrompreunesortedemomentsacréentrehommes.
Elle essaya de penser à ce qu’elle pourrait lui dire. Il allait probablement vouloir la jouer cool
devantsesfrères,dugenre«je-suis-un-dur-cette-nana-est-juste-une…»
Kolherlaserradanssesbrasetenfouitsonvisagedanssescheveux.
—Leelane,murmura-t-ilàl’oreille.(Desamain,illuicaressaledos.)Mabelleleelane.
Il s’écarta d’elle et l’embrassa sur la bouche. Son sourire se fit plus tendre tandis qu’il lui
caressaitlescheveux.
Beth sourit. Manifestement, son homme n’avait aucun problème avec les manifestations
d’affectionenpublic.Bonàsavoir.
Ellepenchalatêtepourregarderpar-dessussonépaule.Effectivement,ilsavaientunpublic.Les
hommesrestaientbouchebée.Positivementabasourdis.
Ellefaillitéclaterderire.Voirunebandedetypesàlaminepatibulairedînantautourd’unetable
dresséeavecargenterieetporcelaineétaitdéjàassezincongruensoi.Maislesvoirtotalementsidérés
relevaitdel’absurde.
—Tumeprésentes?dit-elleavecunsignedetêteendirectiondugroupe.
KolherpassalebrasautourdesépaulesdeBeth,laserrantcontrelui.
—VoicilaConfrériedeladaguenoire.Mescamaradesdecombat.Mesfrères.(Ilfitunsigneen
directionduplusbeau.)TuconnaisdéjàRhage.AinsiqueTohr.Celuiavecleboucetlacasquettedes
Sox, c’est Viszs. Celui aux cheveux longs, là-bas, c’est Fhurie. (D’une voix hargneuse, il ajouta :)
QuantàZadiste,ils’estdéjàprésenté.
LesdeuxhommesqueBethconnaissaitdéjàluisourirent.Lesautresluiadressèrentunsignede
tête,àl’exceptiondubalafré,quisebornaàlafixer.
Cetypeaunjumeau,sesouvint-elle.Maiselleauraiteudumalàdirelequel.
Mêmesiceluiàlacheveluresplendideetauxmagnifiquesyeuxjaunesluiressemblaitunpeu.
— Messieurs, déclara Kolher. Je vous présente Beth. Puis il se mit à parler dans cette langue
qu’ellenecomprenaitpas.
Lorsqu’ileutterminé,legroupesemblareprendresonsouffle.
Kolherlaregarda,sourireauxlèvres.
—Tuasbesoindequelquechose?Est-cequetuasfaim,leelane?
Bethportalamainàsonventre.
—Enfait,oui.Etj’aiuneenviebizarredebaconetdechocolat.Vasavoir…
—Jevaisteservir.Assieds-toi.
Illuidésignalachaisequ’iloccupaitprécédemmentpuisdisparutparuneporteàdoublesbattants.
Bethjetaunœilauxhommes.
Super. Elle se tenait là devant eux, nue sous son peignoir, seule devant une demi-tonne de
vampires. Impossible de prendre un air détaché. Elle se contenta de se diriger vers la chaise de
Kolher.Ellen’allapasloin.
Il y eut le grincement au sol de cinq chaises qu’on repoussait. Les membres de la Confrérie se
levèrentcommeunseulhomme.Lescinqvampiressedirigèrentverselle.
Beth regarda le visage des deux qu’elle connaissait, mais leur expression grave n’avait rien
d’encourageant.
Puisilstirèrentleurcouteau.
Dansuncliquetismétallique,cinqdaguesnoiresétincelèrenthorsdeleurfourreau.
Paniquée, Beth recula, les mains levées devant elle. Elle se cogna contre un mur et était sur le
pointd’appelerausecoursKolherlorsqueleshommess’agenouillèrentencercleautourd’elle.D’un
mêmemouvement,commedansunechorégraphie,ilsplantèrentleurdaguedanslesolàsespiedset
inclinèrentlatête.Lesondel’acierheurtantleboissonnaitautantcommeunengagementquecomme
uncridebataille.
Lesmanchesdesdaguesvibrèrentdansl’air.
Lemartèlementdurapsepoursuivait.
Leshommessemblaientattendreuneréponsedesapart.
—Mmm,merci,dit-elle.
Ilsrelevèrentlatête.Danslestraitsdursdeleurvisageétaitgravéeuneexpressiondecomplète
vénération.Mêmelevisagedubalafréexprimaitlerespect.
Surcesentrefaites,Kolherarrivaavecunchocolatbienchaud.
—Lebaconarrive.(Ilsourit.)Hé,ondiraitqu’ilst’aimentbien!
—Dieumerci,murmura-t-elle,l’œilfixésurlesdagues.
CHAPITRE38
Marissasouritetpensaquel’humaindevenaitdeplusenplusséduisantàmesurequ’ellepassaitdu
tempsaveclui.
—Commeça,votremétierconsisteàprotégervotreespèce.C’estbien.
Àsescôtés,Butchremualégèrement.
— En fait, je ne sais pas ce que je vais faire maintenant. J’ai comme l’impression d’être entre
deuxboulots.
En entendant le carillon de la pendule, Marissa se demanda combien de temps ils avaient passé
ensemble.Lesoleilselevait.
—Quelleheureest-il?
—Unpeuaprès4heuresdumatin.
—Jedoisyaller.
—Quandpourrai-jevousrevoir?
Elleseleva.
—Jenesaispas.
—Quediriez-vousdedînerensemble?(Ilbonditsursespieds.)Dedéjeuner?Vousfaitesquoi
demain?Elleéclataderire.
—Jenesaispas.
Jamaisauparavantellen’avaitétécourtisée.C’étaitagréable.
—Ah,bordel,murmura-t-il.Jesuisentraindetoutfairefoirer,pasvrai?
Lesmainssurleshanches,ilfixaitletapiscommes’ilsedégoûtaitlui-même.
Marissas’approcha.Butchrelevalatête.
—Jevaisvoustoucher,maintenant,dit-elled’unevoixdouce.Avantdepartir.
LesyeuxdeButchétincelèrent.
—Jepeux?Butch?
—Oùvousvoudrez,répondit-ildansunsouffle.Marissalevalamainensongeantqu’elleallait
simplementlaposersursonépaule.MaisleslèvresdeButchlafascinaient.Ellelesavaitregardées
remuertandisqu’ilparlaitetsedemandaitquelletextureellesavaient.
—Votrebouche,dit-elle.Elleest…
—Quoi?
Savoixétaitrauque.
—Adorable.
MarissaposasondoigtsurlalèvreinférieuredeButch.Sonsoufflepuisaitdel’airsursapeauet,
quandilexpirait,l’airrevenaitchaudethumide.
—C’estdoux,dit-ellesanscesserdepasserledoigtsurseslèvres.
Butchfermalesyeux.
De son corps émanait l’odeur la plus enivrante qu’elle ait jamais connue. Elle avait perçu la
fragrancecapiteuselapremièrefoisqu’ellel’avaitvu.Maintenant,ellesaturaitl’air.
Curieuse,MarissaintroduisitsondoigtdanslabouchedeButch.Celui-ciouvritbrusquementles
yeux.
Elle tâta ses dents et trouva étrange l’absence de canines. Lorsqu’elle enfonça son doigt plus
profondémentencore,c’étaithumideetchaud.
Lentement, les lèvres de Butch se refermèrent autour de son doigt. Puis sa langue commença à
décriredescercles.
Marissasentitcommeunevaguedanstoutsoncorps.Ellesentitlapointedesesseinssedurciret
quelquechosesepassaitentresesjambes.Commeunedouleur.Unefaim.
—Jeveux…
Ellenesavaitpascommentcontinuer.
ButchpritlamaindeMarissaetpenchalatêteenarrière,suçantsondoigtsurtoutelalongueur
jusqu’àcequ’ilressortedesabouche.Sesyeuxplongésdanslessiens,ilretournasamain,léchala
paumeetpressaseslèvrescontresapeau.
Marissaselaissaallercontrelui.
— Que voulez-vous ? demanda-t-il à voix basse. Dites-moi, mon cœur. Dites-moi ce que vous
voulez.
—Je…nesaispas.Jen’aijamaisressenticelaavant.
Sa réponse sembla briser l’enchantement. Le visage de Butch se durcit et il lâcha la main de
Marissa.Illaissaéchapperunjurontandisqu’ils’écartaitd’elle.
Marissalefixa.
—J’aifaitquelquechosequivousadéplu?
Dieuétaittémoinqu’ellesemblaitexcellerdanscedomainedèsqu’ils’agissaitdeshommes.
—Déplu?Non,vousfaitesexactementcequ’ilfaut.Vousêtesunevraiepro.(Ilsepassalamain
danslescheveux.Ilparaissaitluttercontrelui-même,commes’ilétaitperdu.)C’estjustequecepetit
jeudel’innocencemefaitpéterlesplombs.
—Jeu?
—Voussavezbien,cepetitjeudelaviergeinnocente.Elles’avançatoutenessayantdeformuler
saréponse,maisillevalesmains.
—Onestassezprèspourl’instant.
—Quoi?
—S’ilvousplaît,bébé.Çasuffit.
Marissaserembrunit.
—Cequevousditesn’apasdesens.
—Ah,vraiment?répondit-il.Écoutez.Votresimpleprésencesuffitàm’exciter.Vousn’avezpasà
faire comme si vous étiez quelqu’un d’autre. Et… euh… ce que vous faites ne me pose pas de
problème.Jenevaispasnonplusvousarrêterpourça.
—Pourquoiest-cequevousm’arrêteriez?
Ilécarquillalesyeux,maisMarissan’avaitpaslamoindreidéedecedontilparlait.
—Jem’envais,dit-elled’untonbrusque.
Butchsemblaitdeplusenpluscontrariéàmesurequeletempspassait.
—Attendez.(IltenditlamainpoursaisirlebrasdeMarissa.Etbaissasamainaumomentoùilsse
touchèrent.)J’aitoujoursenviedevousrevoir.
Marissafronçalessourcilsetregardalamainaveclaquelleill’avaittouchée.Illafrottaitcomme
s’ilcherchaitàsedébarrasserd’unesensation.
— Pourquoi ? demanda-t-elle. Manifestement vous n’appréciez pas mon contact à cet instant
même.
—Euh…Ouais.(Illaregarda,l’aircynique.)Écoutez,combienest-cequeçavamecoûterpour
quevousvouscomportieznormalement?
Elle lui jeta un regard furieux. Avant l’épisode avec Kolher, elle aurait peut-être simplement
boudé.Maisplusmaintenant.
—Jenevouscomprendspas,dit-elle.
—Commevousvoudrez,bébé.Maisdites-moi,ilyadestypesquionttellementdemalàbander
quevousêtesobligéedefairecepetitnuméro?
Marissa ne comprenait pas tout de la langue courante qu’il utilisait, mais elle finit par saisir sa
pensée.Épouvantée,elleseredressa.
—Jevousdemandepardon?
Illafixa,mâchoirecrispée.Puisilsoupira.
—Ahbordel!(Ilsefrottalevisage.)Écoutez,oubliezça,d’accord?Onaqu’àfairecommesion
nes’étaitjamaisrencontrés…
—Jen’aijamaisétéprise.Monhellrenn’appréciaitpasmacompagnie.Enconséquencedequoi
jen’aijamaisétéembrassée,touchéeoumêmeserréedanslesbrasd’unhommequiéprouvaitdela
passionpourmoi.Maisjenesuispas…jenesuispasindigne.(Savoixsebrisa.)Jen’aijamaisété
désiréeauparavant.
Butchécarquillalesyeux,commesiellevenaitdelegifler.
Marissadétournalatête.
—Etjen’aijamaistouchéunmâle,murmura-t-elle.Jenesaispasquoifaire.
L’humainexpiralonguement,commes’ilexpulsaittoutl’oxygènedesoncorps.
—SainteMarie,mèredeDieu,murmura-t-il.Jesuisdésolé.Jesuis,vraiment,vraimentdésolé.
Je…suisqu’unconnard,jemesuiscomplètementtrompésurvous.
L’horreurqu’ilressentaitàlapenséedecequ’illuiavaitditétaitsipalpablequ’elleesquissaun
faiblesourire.
—Vousêtessincère.
—Ouais,bordel.Euh…oui,jelesuis.J’espèrenepasvousavoirtotalementoffensée.Maisc’est
impossible.MonDieu…jesuissiconfus.
Ilétaitlivide.
MarissaposalamainsurlebrasdeButch.
—Jevouspardonne.
Incrédule,iléclataderire.
—Vousnedevriezpas.Vousdevriezêtreencolèreaprèsmoi.Aumoinsunesemaine,peut-être
unmois.Ouplus.J’aicomplètementfranchileslimites.
—Maisjeneveuxpasêtreencolèreaprèsvous.Ilyeutunlongsilence.
—Onpeutsevoirdemain?
—Oui.
Butchsemblaitabasourdiparsabonnefortune.
— Vraiment ? Mince, vous êtes bien partie pour la sainteté, vous savez ? (De son doigt, il lui
caressalajoue.)Où?Qu’est-cequivousirait?
Marissaréfléchit.Haversseraitfouderages’ilsavaitqu’ellevoyaitunhumain.
—Ici.Jevousverraiici.Demainsoir.
Ilsourit.
—Parfait.Etmaintenant,commentvousrentrez?Vousvoulezquejevousdépose?Vousvoulez
untaxi?
—Non,jem’encharge.
—Attendez…avantdepartir.
Ils’avançaverselle.SonodeurdélicieusearrivaauxnarinesdeMarissaetellel’aspiraenelle.
—Jepeuxvousembrasser?Mêmesijeneleméritepas?Commelevoulaitlacoutume,ellelui
tenditledosdesamain.
ButchlapritetattiraMarissacontrelui.Denouveau,ellesentitcettevibrationdanssonsanget
entresesjambes.
—Fermezlesyeux,murmura-t-il.
Elleobtempéra.
Doucement,seslèvreseffleurèrentsonfront.Puissatempe.
Elleécartaleslèvresquandladoucesuffocationrevint.
—Jamaisvousnepourrezmedéplaire,dit-ildesavoixrâpeuse.
Puisseslèvreseffleurèrentsajoue.
Elleattenditlasuite.Lorsqueriennevint,elleouvritlesyeux.Ils’étaitécartéetlaregardaitde
loin.
—Partez,dit-ilvousverraidemain.
Elleacquiesça.Puissedématérialisajustedevantsesyeux.
Butchhurlaetrecula.
Bordeldemerde!
Ilregardasamain.Ilpouvaitencoresentirsapaumedanslasienne.Encoresentirsonparfum.
Maiselles’étaitbeletbienvolatilisée.Pfiff!Ellesetenaitlàdevantluiet,l’instantd’après…
Betharrivaencourantdanslapièce.
—Tuvasbien?
—Non,jevaispasbien,aboya-t-il.
Lesuspectentra.
—OùestMarissa?
—Commentlesaurais-je?Elles’estvolatilisée!Devant…elleétait…Jeluitenaislamainet…
Il avait l’air d’un crétin absolu et ferma son clapet. Mais pourquoi n’aurait-il pas le droit de
paniquer?Ilcroyaitenlesloisdelaphysiquetellesqu’illesconnaissait.
Laloidelagravitéetdelapesanteur.E=mc2quiluidonnaitlavitesseàlaquelleilarrivaitaubar
ducoin.
Lesgensnesevolatilisaientpascommeçad’unepièce!
—Jepeuxluidire?demandaBethàsonhomme.
Lesuspecthaussalesépaules.
—Engénéral,jepréfèrepas,parcequ’ilvautmieuxqu’ilssachentrien.Maisétantdonnécequ’il
avu…
—Medirequoi?Quevousêtesunebandede…
—Vampires,complétaBeth.
Butchlaregarda,agacé.
—Ouais,c’estça.Essaieencore,chérie.
AlorsBethcommençaàparleretàluiraconterdeschosesqu’iln’arrivapasàcroire.
Quand elle se tut, il la regarda en silence. Son intuition lui disait qu’elle ne mentait pas. Mais
c’étaitjustetropdifficileàaccepter.
—J’arrivepasàlecroire,luidit-il.
—Moiaussi,j’aieudumal.
—Jem’endoute.
Il commença à arpenter la pièce, en pensant qu’un verre serait le bienvenu. Les deux autres le
fixaient.
Puisils’arrêtadevantBeth.
—Ouvrelabouche.
Ilentenditungrognementméchantderrièrelui,commeunventfroiddanssondos.
—Kolher,toutvabien,ditBeth.Restecalme.
Beth ouvrit la bouche, révélant deux longues canines qui n’étaient pas là avant. Butch sentit ses
genouxvacillerquandiltenditlamainpourlestoucher.
Une main épaisse s’abattit sur son bras, exerçant une pression si forte que les os du poignet
manquèrentdesebriser.
—Ypensemêmepas,grognalecompagnondeBeth.
— Laisse-le, ordonna-t-elle d’une voix douce. (Mais elle ne rouvrit pas la bouche après que
Kolhereutrelâchélapression.)Ellessontvraies,Butch.Toutça…estonnepeutplusréel.
Butchlevalesyeuxverslesuspect.
—Alorscommeçat’esunvampire,c’estça?
—Tuferaismieuxdelacroire,leflic.
Cetteespècedesalaudsouriait,dévoilantsescaninesmonstrueuses.
Tuparlesd’unmatos,pensaButch.
—Tul’asmordueettransforméeenvampire?
—Çanemarchepascommeça.Onnaîtvampire.
Ehben,cetteinfoallaitdécevoirtouslesfansdeDracula.Pasdedentsquipoussaient.
Butchselaissatombersurlesofa.
—T’astuécesfemmes?Pourboireleur…
—Sang?Non.Cequicouledanslesveinesdeshumainsnemepermettraitpasderesterenvie
longtemps.
—Tumedisquetun’asrienàvoiraveccescrimes?Onatrouvédesétoilesdejetsurlesscènes
decrime,lesmêmesquecellesquetuavaissurtoilanuitoùjet’aiarrêté.
—Jelesaipastuées,leflic.
—Etletypedelavoiture?
Letypesecoualatête.
—Jechassepasleshumains.Ceuxquejecombatsn’ontrienàvoiravectonmonde.Quantàla
bombe,onaperdul’undesnôtresdansl’attentat.
Bethétouffaunson.
—Monpère,murmura-t-elle.
L’hommelapritdanssesbras.
—Etonrecherchelesalaudquiafaitça.
— Des idées sur qui a appuyé sur le bouton ? demanda Butch, ses instincts de flic refaisant
surface.
Letypehaussalesépaules.
—Onaunepiste.Maisc’estnotreproblème,pasletien.
Ouais,etButchn’avaitaucuneraisondeposerlaquestion.Cariln’appartenaitplusàlapolice.
LetypecaressaledosdeBethetsecoualatête.
—Jevaispasderaconterdecraques,leflic.Detempsentemps,ilarrivequ’unhumainsemêle
denosaffaires.Etsiquelqu’unmenacenotreespèce,jeletue,peuimportequiilest.Maisjenesuis
plusdisposéàtolérerlesperteshumainescommeavant,etpasuniquementparcequ’ellesnousfont
courirunrisque.
IlposaunbaisersurleslèvresdeBethetlaregardadanslesyeux.
Aumêmeinstant,lesautresmembresdugangfirentleurentréedanslapièce.Leurregardfroid
luidonnaitl’impressiond’êtreuninsectesousunmicroscope.Ouunrôtidebœufsurlepointd’être
découpé.
M.Normals’avançaetluitenditunebouteilledescotch.
—Ondiraitquet’enasbienbesoin.
Ouais,tucrois?
Butchenavalaunegorgée.
—Merci.
—Onpeutletuer,maintenant?demandaceluiquiportaitleboucetunecasquettedebase-ball.
Bethrépliquad’unsonsec.
—Laissetomber,V.
—Pourquoi?C’estjusteunhumain.
—Etmashellaneestàdemihumaine.L’hommevapasmourirjusteparcequ’ilestpasdesnôtres.
—Bonsang,t’aschangédediscours.
—Tuferaisbiendet’yfaire,monfrère.
Butchseleva.Puisqu’ilsdiscutaientdubien-fondédesamort,ilvoulaitêtredelapartie.
—J’apprécietonaide,dit-ilaucompagnondeBeth.Maisjepeuxm’enpasser.
Ilsedirigeaversletypeàlacasquette,lamainserréeautourdugoulotdelabouteilledescotchau
casoùildevraitlaluibrisersurlecrâne.Ils’approchatoutprès,etleursnezsetouchaientpresque.Il
sentaitquelevampires’échauffait,prêtàsebattre.
— Je suis ton homme, connard, dit Butch. C’est probablement moi qui perdrai, mais je te
préviens,jecogneméchamment,etjeteferaisouffriravantquetumetues.(Puisillevalesyeuxvers
lacasquettedutype.)MêmesijedétestefoutreuneracléeàunautrefandesRedSox.
Ilyeutunéclatderirederrièrelui.
—Çavaêtresympaàregarder,ditquelqu’un.LetypequisetenaitdevantButchplissalesyeux.
—TudisvraiàproposdesSox?
—JesuisunpurproduitduSud.Etlavictoirede2004m’afiléunesacréepatate.
Ilyeutunlongsilence.
Levampiregrogna.
—J’aimepasleshumains.
—Ouais,ben,j’aimepastroplessuceursdesang.Autresilence.
Letypesecaressaitlebouc.
—CommentonappellevingttypesquiregardentlaCoupedumondedebase-ball?
—LesNewYorkYankees,réponditButch.
Le vampire éclata d’un rire sonore, retira sa casquette de base-ball et se tapa la cuisse avec. La
tensions’étaitévanouie.
Butchlaissaéchapperunprofondsoupir,commes’ilavaitfaillisefaireécraserparuntrente-huit
tonnes.Ilbutuneautregorgéedescotchetseditqu’ilvenaitdevivreuneputaindenuit.
—Dis-moiqueCurtSchillingétaitpasundieu,ditlevampire.
Ilyeutungrognementcollectif.
—S’ilnousrefaitl’articlesurVaritek,jemebarre,murmural’undeshommes.
—Schillingétaitunvraiguerrier,réponditButchenavalantuneautregorgéedesinglemalt.Il
tenditlabouteilleauvampire,quienavalaunebonnelampée.
—Amen,ditlevampire.
CHAPITRE39
LorsqueMarissapénétradanssachambre,elletournoyaautourd’elleetlaissavirevoltersarobe.
—Oùétais-tu?
Elles’immobilisasur-le-champ.Larobeserabattitsursestalonsdansunbruissement.
Havers,assissurlecabriolet,avaitlevisagedansl’ombre.
—Jet’aidemandéoùtuétais.
—Jet’enprie,n’emploiepasceton…
—Tuasétévoircettebrute.
—Cen’estpas…
—Neledéfendspasdevantmoi!
Cen’estpascequ’elles’apprêtaitàfaire.ElleallaitdireàsonfrèrequeKolheravaitécoutéses
récriminations et accepté toute la responsabilité. Qu’il s’était excusé et que ses regrets étaient
tangibles.Mêmesisesmotsnepouvaientpasréparercequis’étaitpassé,elleavaiteulesentiment
d’êtreentendue.
Et même si son ancien hellren avait constitué le motif de sa visite chez Audazs, elle n’était pas
restéepourlui.
—Havers,jet’enprie.Leschosesontchangé.
Aprèstout,Kolherluiavaitannoncéqu’ilallaitprendreunecompagne.Quantàelle,elleavait…
rencontréquelqu’un.
—Tudoism’écouter.
—Non.Jesaisquetucontinuesàlevoir.Çamesuffit.
Haversseleva.Ilsedéplaçaitsanslagrâcehabituellequilecaractérisait.Quandilapparutenpleine
lumière,Marissafuthorrifiée.Sapeauavaitprisuneteintegrisâtreetilavaitlesjouescreusées.Il
avaitperduénormémentdepoidsdernièrement.Iln’avaitplusquelapeausurlesos.
—Tuesmalade,murmura-t-elle.
—Jevaisparfaitementbien.
—Latransfusionn’apasfonctionné,n’est-cepas?
—N’essaiepasdechangerdesujet!(Illuilançaunregardfurieux.)MonDieu,jen’auraisjamais
penséquenousenarriverionslà.Àcequetufassesleschosesencachette.
—Jenet’airiencaché!
—Tum’asditquetuavaisbrisél’engagement.
—C’estlecas.
—Tumens.
—Havers,écoute-moi.
—Jeneveuxplust’écouter!(Ilnelaregardapastandisqu’ilquittaitlapièce.)Tuestoutcequi
mereste,Marissa.Nemedemandepasderestertranquillementassisetd’êtreletémoinsilencieuxde
tadestruction.
—Havers!
Laporteclaqua.
Résolue,Marissaluiemboîtalepas.
—Havers!
Il se trouvait déjà en haut des escaliers et ne lui adressa pas un regard. Il agita furieusement la
mainderrièreluidansl’air,commepourlachasser.
Marissaretournadanssachambreets’assitdevantsacoiffeuse.Illuifallutunlongmomentavant
quesarespirationredeviennenormale.
LacolèredeHaversétaitcompréhensible,maiseffrayantedeparsonintensitéetsarareté.Jamais
ellen’avaitvusonfrèredansuntelétat.Ilétaitclairqu’ellenepourraitpasluiparlertantqu’ilnese
seraitpascalmé.
Demain,elleluiparlerait.Elleluidiraittout,mêmequ’elleavaitrencontréunnouveaumâle.Elle
leva la main devant elle, la sensation encore présente de cet homme lui léchant le doigt. Elle en
voulaitdavantage.
Sescaniness’allongèrentlégèrement.
Quelgoûtavaitsonsang?
AprèsavoirinstalléBethdanslelitdesonpère,Kolherretournaàsesappartementsetpassaune
chemiseblancheetunpantalonlargeblanc.Ilpritunrangdeperlesnoiresénormesdansuncoffret
d’ébèneets’agenouillasurlesolàcôtédulit,assissursestalons.Ilpassalecollierautourdeson
cou,posasesmains,paumesretournées,sursescuissesetfermalesyeux.
Tandisqu’ilmaîtrisaitsarespiration,sessenss’aiguisèrent.IlentendaitBethremuerdanslelitde
l’autrecôtéducouloiretsoupirertandisqu’elleenfouissaitsatêtedanslesoreillers.Lerestedela
maisonétaitasseztranquilleetseulesdesubtilesvariationsluiparvenaient.Quelques-unsdesfrères
dormaientenhautetilentendaitdespas.
IlauraitpariéqueButchetV.discutaientencorebase-ball.
Kolhersourit.Cethumainvalaitlecoup.L’undesplusagressifsqu’ilaitjamaisrencontrés.
Etquantàl’attirancedeMarissapourleflic,ilfaudraitvoiroùçamènerait.Ilétaitdangereuxde
nouercetypederelationavecquelqu’undel’autreespèce.Naturellement,lesfrèresdelaConfrérie
couchaientavecdenombreuseshumaines,maisengénéralpourunenuit,etlessouvenirspouvaient
s’effacer rapidement. Lorsque les émotions s’en mêlaient, et avec le temps, il était plus difficile
d’effacerlessouvenirsd’uncerveauhumain.Leschosessegravaient.Etremontaientàlasurfaceplus
tard.Créaientdesproblèmes.
Peut-êtreMarissaallait-ellejouerunpeuaveccetypeavantdeleviderdesonsang.Cen’étaitpas
unproblème.Maisenattendantqu’elleletueouqu’elleleprennecommecompagnon,Kolherdevait
surveillerdeprèslasituation.
Kolher fit taire ses pensées et commença à psalmodier en langue ancienne, se servant des sons
pourmettreaurepossesfonctionscognitives.Ilétaitunpeurouilléetbutasurlesmots.Ladernière
fois qu’il avait prononcé ces prières, il avait dix-neuf ou vingt ans. Le souvenir de son père à ses
côtésàluisoufflerlesmotsétaituneagréablediversion,maisils’efforçadegardersonespritvide
detoutepensée.
Lesperlescommencèrentàseréchaufferaucontactdesapeau.
Ilseretrouvadansunecour.L’architecturedestyleitalienétaitblanche;lafontaine,lescolonnes
etlesolenmarbrebrillaienttousd’unefaiblelueur.Laseuletouchedecouleurétaitapportéepardes
oiseauxchanteursperchésdansunarbreblanc.
Kolherarrêtasesprièresetseleva.
—Celafaitlongtemps,guerrier.
Lamajestueusevoixdefemmeluiparvenaitdanssondos.
Ilseretourna.
Laminusculesilhouettequis’approchaitdeluiétaitentièrementdrapéedansdelasoienoire.Sa
têteetsonvisageétaientrecouverts,ainsiquesesmainsetsespieds.Elleglissaverslui,sedéplaçant
dansl’airimmobile.SaprésencemettaitKolhermalàl’aise.
Kolherinclinalatête.
—Viergescribe,commentallez-vous?
—Ouplusexactement,commentvontleschosespourvous,guerrier?Vousêtesvenudemander
unchangement,n’est-cepas?
Ilacquiesça.
—Je…
—Voussouhaitezbriserl’engagementquivouslieàMarissa.Vousaveztrouvéuneautrefemelle
quevoussouhaitezprendrecommeshellane.
—Oui.
—Cettefemelleestlafilledevotrefrèred’armesAudazs,quisetrouvedansl’Estompe.
—Vousl’avezvu?
LaViergescribeeutunpetitrire.
—Nemeposezpasdequestions.Jen’airienditquantàvotrepremièrequestioncarvousvous
êtesmontrépoli,maissurveillezvosmanières,guerrier.
Merde.
—Jevousprésentemesexcuses,Viergescribe.
—Jevouslibère,Marissaetvous,devotreengagement.
—Merci.
Ilyeutunlongsilence.
Kolherattenditqu’elleseprononcesurlasecondepartiedesarequête.Iln’allaitpasserisquerà
poserlaquestion.
—Dites-moi,guerrier.Pensez-vousquevotreespècesoitindigne?
Kolher fronça les sourcils puis, très vite, reprit un visage neutre. La Vierge scribe n’allait pas
tolérerlesregardsnoirs.
—Alors,guerrier?
Iln’avaitpaslamoindreidéedelàoùellevoulaitenvenir.
—Monespèceestféroceetfière.
—Jenevousaipasdemandédedéfinition.Jevousaidemandécequevouspensiezd’elle.
—Jeconsacremavieàlaprotéger.
—Pourtant,vousnevoulezpasdirigervotrepeuple.Jenepeuxqu’endéduirequevousneleur
accordezpassuffisammentdevaleuretquevouscombattezsoitparcequevousaimezcela,soitparce
quevousvoulezmourir.Qu’enest-il?
Cettefois-ci,Kolhernecherchapasàresterimpassible.
—Monespècesurvitgrâceàl’actiondemesfrèresd’armesetàlamienne.
—Àpeine.Enfait,ellenecessededéclineraulieudecroître.Laseulecolonieestcelledelacôte
estdesÉtats-Unis.Etmêmelesmembresquilacomposentviventisoléslesunsdesautres.Iln’existe
pasdecommunauté.Iln’yaplusdefestivals.Lesritessontpratiquésenprivé,danslemeilleurdes
cas. Personne ne sert de médiateur dans les conflits ; personne n’est là pour leur insuffler un peu
d’espoir.QuantàlaConfrériedeladaguenoire,elleestmaudite.Tousceuxquilacomposentsont
tourmentés.
—LesmembresdelaConfrérieontleurs…problèmes.Maisilssontforts.
— Vous devriez être plus fort encore. (Elle secoua la tête.) Vous avez failli à votre lignée,
guerrier. Vous avez failli à votre mission. Alors dites-moi, pourquoi devrais-je accéder à votre
requête de prendre cette sang-mêlé comme reine ? (La tunique de la Vierge scribe remuait tandis
qu’elle secouait la tête.) Mieux vaut que vous continuiez à la servir avec votre personnel que de
donner à votre peuple une autre figure insignifiante. Maintenant, partez, guerrier. Nous en avons
terminé.
—Jesouhaiteraisparlerpourmadéfense,répondit-il,dentsserrées.
—Vousn’yêtespasautorisé.
Ellesedétourna.
—J’implorevotrepitié.
Il détestait avoir à prononcer ces mots et, quand il l’entendit rire, devina qu’elle le savait. La
Viergescriberevintverslui.
Elles’exprimad’unevoixdure,aussidurequelescontoursdesatuniquenoirecontrelemarbre
blanctoutautour.
—Sivousavezl’intentiond’implorer,guerrier,faites-lecorrectement.Agenouillez-vous.
Kolherseforçaàobtempérer.Illadétestait.
—Jepréfèrecela,murmura-t-ellesuruntonquiétaitredevenuaimable.Qu’avez-vousàdire?
Ilravalalesmotshostilesetseforçaàprendreuneattitudeimpassiblequin’étaitqu’unmensonge
éhonté.
—Jel’aime.Jeveuxl’honorer,passimplementl’avoirpourréchauffermonlit.
—Alorstraitez-laconvenablement.Maisiln’yaaucuneraisond’organiserunecérémonie.
—Permettez-moid’exprimermondésaccord,répondit-il.Avectoutlerespectquejevousdois.
Ilyeutunlongsilence.
—Aufildessiècles,vousnem’avezjamaisdemandéconseil.
Ilrelevalatête.
—Est-cecequivousadéplu?
— Ne me posez pas de questions ! rétorqua-t-elle d’un ton sans appel. Ou je ferai en sorte que
cettesang-mêlévoussoitenlevéeplusvitequevotreprochainsouffle.
Kolherbaissalatêteetenfonçasespoingsdanslemarbre.
Ilattendit.
Attenditsilongtempsqu’ileutlatentationdereleverlatêtepourvoirsielleétaitpartie.
—Jevaisvousdemanderunefaveur,dit-elle.
—Parlez.
—Vousallezdirigervotrepeuple.
Kolherrelevalatête,lagorgeserrée.Iln’avaitpusauversesparents,ilavaitàpeineréussiàfaire
ce qu’il fallait pour Beth, et la Vierge scribe voulait qu’il assume la responsabilité de toute son
espèce?
—Querépondez-vous,guerrier?
Commesi«non»étaituneoptionpossible.
—Qu’ilsoitfaitselonvosdésirs,Viergescribe.
— Cela est mon ordre, guerrier. Ce n’est ni un désir ni une faveur que je vous demande. (Elle
laissaéchapperunsonexaspéré.)Relevez-vous.Voussaignezsurmonmarbre.
Ilserelevaetlaregarda.Ilgardalesilence,sedisantqu’elleallaitprobablementajouterd’autres
conditions.
Elles’adressaàluid’unevoixdure.
—Vousnedésirezpasêtreroi.C’estuneévidence.Maisc’estvotreobligationparnaissanceetil
estgrandtempsquevousl’assumiez.
Kolhersepassalamaindanslescheveux,lesmusclesdesoncorpstendusparl’angoisse.
LavoixdelaViergescribes’adoucit.Unpeu.
— Ne vous inquiétez pas, guerrier. Vous ne serez pas seul. Vous viendrez vers moi et je vous
aiderai.Vousconseillerfaitpartiedemonrôle.
Ce qui était une bonne chose, car il allait avoir besoin d’aide. Il n’avait aucune idée de ce que
dirigerimpliquait.Ilsavaittuerd’unecentainedemanièresdifférentes,ilmaîtrisaittouteslesformes
de combat et gardait la tête froide quand tout autour de lui s’enflammait. Mais parler devant des
milliersdepersonnes?Ilsentitsonestomacsenouer.
—Guerrier?
—Oui,jeferaiappelàvous.
—Maisilnes’agitpasdelafaveurquevousmedevez.
—Quelleest…(Ilbattitl’airdesamain.)Jeretirecequejeviensdedire.
LaViergescribeeutunpetitrire.
—Vousaveztoujoursapprisvite.
—Illefallaitbien.
S’ildevaitêtreroi.
Elleserapprochaenflottant;ellesentaitlelilas.
—Tendezvotremain.
Ilobtempéra.
Lesplisdelatuniquenoirebruissèrenttandisqu’elletendaitlebras.Quelquechoseatterritdansla
maindeKolher.Unanneau.Unlourdanneaud’orsertid’unrubisdelatailled’unenoix.Ilétaitsi
chaudqueKolherfaillitlelaissertomber.
LeRubisdesténèbres.
—Vousleluidonnerezdemapart.Etj’assisteraiàlacérémonie.
Kolherserrasifortl’anneauquecelui-ciluimorditlapeau.
—C’estunimmensehonneur.
—Oui,maismaprésencerépondàunautreobjectif.
—Lafaveur.
Elleéclataderire.
—Bienvu.Unequestionposéesousformed’affirmation.Vousneserezpassurprisalorssijene
vousrépondspas.Maintenantpartez,guerrier.Rendez-vousauprèsdevotrefemelle.Espéronsqu’elle
constitueunbonchoixpourvous.
Lasilhouetteseretournaets’éloigna.
—Viergescribe?
—Nousenavonsterminé.
—Merci.
Elles’arrêtaprèsdelafontaine.
Les plis de sa tunique bruissèrent alors qu’elle tendait le bras vers l’eau qui coulait. Par
l’ouverture de la soie, une lumière éclatante apparut, comme si ses os luisaient et que sa peau était
translucide. Au moment où sa main toucha l’eau, un arc-en-ciel apparut à l’endroit du contact,
emplissantlacourblanche.
Kolhersentitqu’ilrecouvraitlavue;lechocluitiraunchuintement.Lacour,lescolonnes,les
couleurs, elle : il pouvait tout distinguer clairement. Il se focalisa sur l’arc-en-ciel. Jaune, orange,
rouge,violet,bleu,vert.Lescouleursavaientl’éclatdesjoyaux;ellesfendaientl’airetleurlumière
neluiblessaitpaslesyeux.Ils’absorbadanscettevision,enimprégnasonesprit,s’yaccrocha.
LaViergescribeseretournaversluietabaissalamain.Immédiatement,lescouleursdisparurent
etlavuedeKolhersebrouilladenouveau.
Elleluiavaitfaitcecadeau,sedit-il.Toutcommeelleluiavaitoffertl’anneaupourBeth.
— Vous avez raison, dit-elle d’une voix douce. J’avais espéré que nous serions plus proches.
Votrepèreetmoiavionsunlien,etcessièclesontétélongsetpénibles.Sansculte,sanspsalmodie,
sanshistoireàpréserver.Jesuisinutile.Oubliée.
Mais pire encore, poursuivit-elle, je peux voir l’avenir, et il est sombre. La survie de l’espèce
n’estpasassurée.Vousn’yparviendrezpasseul,guerrier.
—J’apprendraiàdemanderdel’aide.
Elleacquiesça.
—Nousallonsrepartirdezéro,vousetmoi.Etnousallonstravaillerensemble,commeilsedoit.
—Commeilsedoit,répéta-t-ilpoursefamiliariseraveclesmots.
— Je viendrai ce soir, dit-elle. Et la cérémonie aura lieu comme il convient. Nous vous
prépareronsunengagementapproprié,guerrier,etnousferonsleschosescommeilconvient.Sicette
femelleveutdevous.
IlavaitlesentimentquelaViergescribesouriait.
—Monpèrem’avaitditvotrenom,dit-il.J’aimeraisl’employer,sivouslepermettez.
—Vousavezmapermission.
—Nousvousverronsdonccesoir,Analisse.Lespréparatifsserontfaits.
CHAPITRE40
M.XobservaBillyRiddleentrerdanslebureau.Riddleportaitunpolobleumarineetunbermuda
decoton.Bronzé,ilparaissaitfortetenbonnesanté.
Unsolidegaillard,pourreprendreuneexpressiondésuètequidataitdujeunetempsdeM.X.
—Sensei.
Billyinclinalatête.
—Commentvas-tu,mongarçon?
—J’airéfléchi.
M.Xattenditlaréponse,surprisdeserendrecomptedel’importancequ’illuiaccordait.
—Jeveuxtravaillerpourvous.
M.Xsourit.
—Bien,mongarçon.C’esttrèsbien.
—Qu’est-cequej’auraiàfaire?Dois-jeremplirdesformulairespourl’académie?
—C’estunpeuplusqueça.Etl’académieneserapasàproprementparlertonemployeur.
—Maisjecroyaisquevousaviezdit…
— Billy, tu vas devoir comprendre un certain nombre de choses. En outre, il y a une sorte
d’initiation.
—Commeunbizutage?Pasdeproblème.J’enaipasséplusieursdéjà.Pourlefootball.
—C’estunpeuplusdurquecela,j’enaipeur.Maisnet’inquiètepas,jesuispasséparlàetjesais
quetut’ensortirastrèsbien.Jetediraicequ’iltefaudraapporteretjeresteraiàtescôtés.Toutle
temps.
Aprèstout,assisterauriteeffectuéparl’Omégan’étaitpasunévénementàmanquer.
—Sensei, je… euh… (Riddle s’éclaircit la voix.) Je voulais vous dire que je vous laisserai pas
tomber.
M.Xesquissaunsourireensongeantqu’ils’agissaitdelapartielaplusagréabledesontravail.
Ilselevaets’approchadeBilly.Illuiposaunemainsurl’épaule,appuyasursesosetfixales
grandsyeuxbleusrivéssurlui.
Billyentradansunesortedetranse.
M.Xsepenchaet,avecprécaution,enlevalaboucled’oreilledeBilly.Ilpritensuitelelobeentre
lepouceetl’indexetlemassalégèrement.
Ils’exprimaitd’unevoixdouceetcalme.
—Jeveuxquetuappellestonpèreetquetuluidisesquetudéménages,aveceffetimmédiat.Disluiquetuastrouvédutravailetquetuvassuivreunprogrammedeformationintensive.
M.XretiraàRiddlesaRolexenacierinoxydable,puisouvritlecoldesonpolo.Ilintroduisitsa
main,suivantlachaînedeplatinequeBillyportaitautourducou.Ildéfitl’attacheetlaissaglisserles
maillonsdanssamain.Parlecontactaveclapeau,lemétalétaitchaud.
—Quandtuparlerasàtonpère,tugarderastoncalmequoiqu’iltedise.Tulerassurerassurton
avenir et tu lui diras que tu as été sélectionné parmi de nombreux candidats pour une mission très
importante.Tuluidirasqueturestesjoignablesurtontéléphoneportable,maisqu’ilnepourrapaste
voir,cartuserasendéplacement.
M. X passa la main sur la poitrine de Billy, sentant les muscles, la chaleur de la vie, le
bourdonnementdelajeunesse.Tantdepouvoirdanscecorps,songea-t-il.Tantdeforce.
—Tuneparleraspasdel’académie.Tuneparleraspasdemoi.Ettuneluidiraspasquetuvas
venirvivreavecmoi.(M.Xluiparlaitàl’oreille.)Tudirasàtonpèrequetuesdésolépourtoutce
quetuasfait.Tuluidirasquetul’aimes.Puisjepasseraiteprendreetjet’emmènerai.
Tandis que Billy respirait profondément, dans un abandon total, M. X se remémora sa propre
cérémonied’intégration.Unbrefinstant,ilsouhaitaavoirréfléchiplussoigneusementàl’offrequ’il
avaitacceptéeilyadesdécennies.
Ilseraitunvieilhommemaintenant.Unvieilhommeavecdespetits-enfants,peut-être,sijamaisil
avaittrouvéunefemmeauprèsdequiilauraitpurester.Ilauraitmenéuneviemoyenne,auraitpeutêtretravaillédansl’unedesusinesdepapeterieoudansunestationessence.Ilauraitétéunhomme
anonyme,unparmidescentainesdemillionsasticotésparleurfemme,quibuvaientavecleurspotes
et passaient leurs précieuses journées dans une atmosphère de vague frustration car ils n’étaient
personne.
Maisilauraitétévivant.
EnregardantlesyeuxbleusbrillantsdeBilly,M.Xsedemandas’ilavaitenfaitgagnéauchange.
Parce qu’il n’était plus maître de sa vie. Il était au service de l’Oméga et de ses désirs. Le plus
importantdesserviteurs,maisriendeplusqu’unserviteur.
Dontonnepleureraitjamaislaperte.
Soit parce qu’il ne cesserait jamais de respirer… soit peut-être parce qu’il ne manquerait à
personne,unefoissonderniersoufflerendu.
Ilfronçalessourcils.
Nonquecelaaitunequelconqueimportance,carilétaitimpossiblederevenirenarrière.Ceque
Riddleapprendraitparlui-mêmecesoir.
M.Xrelâchasonemprisesurlecorpsetl’espritdeBilly.
—Noussommesd’accord?demanda-t-il.
Billyacquiesça,encoreétourdi.Ilregardasoncorps,commes’ilsedemandaitcequis’étaitpassé.
—Bien.Maintenant,donne-moitontéléphoneportable.(Billyleluitendit.M.Xsourit.)Qu’est-ce
quetumeréponds,mongarçon?
—Oui,sensei.
CHAPITRE41
Beth se réveilla dans le lit de Kolher. À un moment donné de la journée, il avait dû venir la
chercheretlaporterjusquedanssesappartements.
Elleétaitallongéecontrelui,lapoitrinedeKolherdanssondos.Ilavaitpasséunbrasautourde
sataille.Etsamainentresescuisses.
Sonsexeenérection,lourdetchaud,reposaitcontresahanche.
Bethseretourna.Kolher,lesyeuxclos,respiraitlentementetprofondément.Ellesouritenpensant
qu’illadésiraitmêmependantsonsommeil.
—Jet’aime,murmura-t-elle.
Ilouvritlespaupières.C’étaitcommeêtreaveuglépardesspots.
— Quoi, leelane ? Tu vas bien ? (Puis il enleva sa main, comme s’il venait juste de prendre
consciencedel’endroitoùellesetrouvait.)Désolé.Je…euh…T’asprobablementpasenvie…Sipeu
detempsaprès…
Elleluipritlamainetlaguidaentresescuisses,enappuyantsesdoigtscontresoncorps.
Sescaniness’allongèrentsursalèvreinférieuretandisqu’ilprenaitunerespirationprofonde.
—Pourtoi,jesuistoujoursprête,murmura-t-elle.Ellesaisitdanslamainsonmembreviril.
Lorsqu’ilgémitets’approchad’elle,ellesentitbattrelecœurdesonamant,lesangcoulerdans
sesveines,sespoumonsseremplir.C’étaittrèsbizarre.Ellesentaitl’intensitédesondésirpourelle,
etpasjusteparcequ’ellelecaressait.
Lorsqu’ilbougealesdoigtsetglissaenelle,sonproprecorpsrépondit,etellesentaitqueledésir
qu’ilressentaitnefaisaitquecroître.Àchaquebaiser,àchaquecaresse,àchaquecoupdelangue,à
chaquefrisson.
Kolher les força l’un et l’autre à prendre leur temps. Alors qu’elle voulait se mettre sur lui, il
l’allongea sur le dos et lui donna du plaisir alors même que son propre corps était au bord de
l’extase.Ilsemontraitsitendre,siaimant.
Ilsesurélevaau-dessusdesescuissesouvertes,sesbraspuissantssupportantsoncorps.Seslongs
cheveuxnoirssemêlaientauxsiens.
—J’aimeraistantvoirtonvisageclairement,dit-il,yeuxplissés,tentantdedistinguerlestraitsde
sonamante.Justeunefois,j’aimerais…
ElleposasesmainssurlesjouesdeKolher,aucontactrugueuxdesabarbenaissante.
—Jevaistedirecequetuverrais,murmura-t-elle.Jet’aime.C’estcequetuverrais.
Ilfermalesyeuxetsourit.L’expressiontransformasonvisage.Ilirradiaitdebonheur.
—Ah,leelane,situsavaistoutlebonheurquetumedonnes.
Il l’embrassa. Puis, lentement, s’introduisit en elle. Lorsqu’il l’eut remplie, emmenée au bout
d’elle-même, rejointe, il s’immobilisa. Il lui parla en langue ancienne, puis dans celle qu’elle
comprenait.
Son«Jet’aime,mafemme»futaccueilliparunsourireradieux.
Butchseretourna,àdemiréveillé.Celitn’étaitpaslesien.Ilétaitallongédansunlitjumeau,pas
dans son lit king size. Les oreillers n’étaient pas non plus les siens. Ils étaient d’un moelleux
incroyable,commesisatêtereposaitsurunebrioche.Lesdraps,euxaussi,étaientbienplusfinsque
lessiens.
Leronflementàsescôtésvintconfirmersasupposition.C’étaitsûr:iln’étaitpaschezlui.
Il ouvrit les yeux. D’épaisses tentures étaient suspendues aux fenêtres, mais la lueur provenant
d’unelumièredelasalledebainsétaitsuffisantepourluipermettrededistinguerlapièce.Elleétait
décoréeavecstanding.Antiquités,tableaux,papierpeintchic.
Il regarda dans la direction d’où provenait le ronflement. Dans l’autre lit jumeau, un homme
dormaitàpoingsfermés,drapsetcouverturesremontésjusquesouslementon.
Toutluirevint.
Viszs.Sonnouveaupote.
FandesRedSox,commelui.Hackerdegénie.Etputaindevampire.
Butchposalamainsursonfront.Illuiétaitarrivédenombreusesfoisdesesaouleret,auréveil,
dedécouvriravecstupéfactionquisetrouvaitàsescôtés.
Maiscettefois-ci,c’étaitletop.
Comment en étaient-ils… ? Ah oui. Ils s’étaient effondrés après avoir descendu la bouteille de
scotchdeTohr.Tohr.DiminutifdeTohrment.
MonDieu,ilconnaissaitmêmeleursnoms.Rhage,Fhurie.EtceZadiste,àvousfoutrelesjetons
devotrevie.Ouais,pasdeTom,DicketHarrychezlesvampires.Mais,sérieusement,imaginezun
suceurdesangrépondantaunomdeHoward.Oud’Eugène.
Oh,non,Tom,jet’enprie,memordspas.
DouxJésus,ilperdaitlespédales.
Quelleheureétait-il?
—Eh,leflic,ilestquelleheure?demandaViszs,encoresonné.
Butchtenditlebrasverslatabledechevet.ÀcôtédesamontreétaientposésunecasquettedesRed
Sox,unbriquetenoretungantdeconduitenoir.
—Dix-septheurestrente.
— Cool. (Le vampire se retourna.) Ouvre pas les tentures avant deux heures. Sinon, je crame !
Mesfrèress’occuperontdetoiettufinirasdansunsacmortuaire.
Butch sourit. Vampires ou pas, il comprenait ces types. Ils parlaient le même langage que lui.
Avaientlamêmevisiondumondequelui.Ilsesentaitàl’aiseaveceux.
Cequiavaitdequoifilerlesjetons.
—Tusouris,ditViszs.
—Commenttulesais?
—J’yconnaisunrayonenémotions.T’eslegenredemecàavoirlapatatelematin?
—Bordel,non.Etc’estpaslematin.
—Çal’estpourmoi,leflic.(ViszsseretournaetregardaButch.)Tusais,t’assuyfairelanuit
dernière. Je connais pas beaucoup d’humains qui s’en seraient pris à Rhage ou à moi. Qui plus est
devanttouslesautresfrères.
—Eh,mefaispaslegrandjeu.Onsortpasensemble.
MaisButchn’enétaitpasmoinstouchéparcetémoignagederespect.
Viszsplissalesyeux.Sonintelligenceétaitsivivequ’êtrejaugéparluiéquivalaitàseretrouverà
nu.
—T’asvraimentenviedemourir.
Cen’étaitpasunequestion.
—Çasepeut,réponditButch.
IlattenditqueViszsluidemandeuneexplication.Commelaquestionnevintpas,Butchluifitpart
desasurprise.
—Onesttousdanslemêmecas,murmuraViszs.C’estpourquoijedemandepasdedétails.
Ilsgardèrentlesilencependantunmoment.
Denouveau,Viszsplissalesyeux.
— Tu peux pas retourner à ton ancienne vie, le flic. Tu le sais, ça ? Parce que t’as vu trop de
choses.Onpourraitpaseffacertoustessouvenirs.
—T’esentraindemediredemechoisiruncercueil?
—J’espèrequenon.Maisçadépendpasdemoi.Maisdetoi,pourbeaucoup.(Ilyeutunepause.)
T’aspasl’aird’avoirtropdechosesquit’attendent,pasvrai?
Butchlevalesyeuxversleplafond.
QuandlesmembresdelaConfrérieluiavaientpermisdevérifiersesmessageslematin,iln’yen
avaitqu’un.Ducapitaine,quiluidisaitdeseprésenterpourlesrésultatsdel’enquêteinterne.
Tuparles.Commesic’étaitunrendez-vousauquelilmourraitd’envied’assister.Ilenconnaissait
l’issue.Ilallaitêtreviréetsacrifiécommesymboledelaluttecontrelabrutalitépolicière.Oumutéà
untravaildebureau.
Quantàsafamille,sonpèreetsamère,Dieumerci,étaientencoredecemonde,dansleurmaison
duSud,entourésdeleursenfantsencoreenviequ’ilschérissaienttant.Sanscesserdeporterledeuil
deJanie,ilscoulaientpourtantdesannéesderetraiteheureuses.LesfrèresetsœursdeButchétaient
préoccupésparleursenfants–enavoir,lesélever,enfaired’autres–etétaienttotalementprispar
leurs obligations familiales. Dans le clan O’Neal, Butch n’était qu’une note en bas de page. Le
mauvaisélémentquin’avaitpasréussiàprocréer.
Lesamis?Joséétaitleseulquiauraitpuvaguements’apparenteràunami.Abbyn’enétaitpas
mêmeune.Justeunefillequ’ilbaisaitdetempsàautre.
EtaprèslarencontreavecMarissalanuitdernière,cetypederapportsexuelnel’intéressaitplus.
Iljetauncoupd’œilauvampire.
—Non,j’airienquim’attend.
—Jesaiscequec’est.
Viszsremuacommes’ilessayaitdetrouveruneplaceconfortable.Ils’allongeasurledosetposa
unbraspuissantsursesyeux.
Butch fronça les sourcils quand il aperçut la main gauche du vampire. Elle était recouverte de
tatouages,defiguresdensesetsophistiquéesquicouraientsurledosdelamain,lapaumeetautourde
chacundesesdoigts.Ilavaitdûsouffrirlemartyrepourselesfairefaire.
—V.?
—Ouais?
—C’estquoi,touscestatouages?
—Jet’aipasprislatêteavecmesquestions,leflic.(Viszsretirasonbras.)Sijesuispasdeboutà
20heures,réveille-moi,d’accord?
—Çamarche.
Butchfermalesyeux.
CHAPITRE42
Dans les appartements du bas, Beth arrêta la douche, prit une serviette et cogna sa bague de
fiançaillessurlecomptoirenmarbre.
—Oh,non…Pasbon…Vraimentpasbon…
Ellepritdélicatementsamain,enpensantqu’ilvalaitmieuxqueKolhersoitenhaut,às’occuper
des préparatifs de la cérémonie. Sauf si le bruit qu’avait fait la bague en cognant contre le marbre
s’étaitpropagéjusqu’aupremierétage.
Elle serra son corps de ses bras avant de regarder, persuadée qu’elle avait descellé le rubis ou
cassélapierre.Maislejoyauétaitintact.
Non qu’elle soit pressée de recommencer. Elle n’était pas du genre à porter des bijoux et il lui
faudraitunpeudetempspours’habitueràl’anneauautourdesondoigt.
Tous les petits ajustements de la vie quotidienne allaient-ils être aussi difficiles ? se demanda-telle.Sonfiancéluiavaitglisséunecaillassehorsdeprixaudoigt.
Tuparlesd’uneplaie!
Tandis qu’elle se séchait, un sourire se dessina sur son visage. Kolher avait été si fier de lui
glisserl’anneauautourdudoigt.Illuiavaitditqu’ils’agissaitd’uncadeaud’unepersonnedontelle
feraitlaconnaissancecesoir-là.
Lorsdesonmariage.
Elles’interrompit.MonDieu,cemot.«Mariage».
Quiauraitcruqu’elle…
Quelqu’unfrappaàlaporte.
—Beth?Vousêteslà?
Lavoixféminine,inconnue,étaitassourdie.
BethpassalepeignoirdeKolheretsedirigeaverslaporte,sansl’ouvrir.
— C’est Wellsie. Je suis la shellane de Tohr. J’ai pensé que vous aimeriez que quelqu’un vous
aidepourcesoir;j’aipenséàunerobepourvous,aucasoùvousn’enauriezpasdéjàune.Etpuisje
suisjustecommetoutlemonde,j’aienviedefairevotreconnaissance.
Bethouvritlaporte.
Waouh!
Wellsie n’était pas comme tout le monde : chevelure d’un roux flamboyant, visage de déesse
gréco-romaine,aurademaîtrisetotaled’elle-même.Sarobebleuviffaisaitressortirsonteintcomme
uncield’automnesurdesfeuillesauburn.
—Euh,salut,ditBeth.
—Salut.
Les yeux de Wellsie, couleur de sherry, étaient pénétrants sans être froids. Surtout dès qu’elle
souriait.
—MonDieu,vousêtessuperbe.PasétonnantqueKolhersoittombéfollementamoureuxdevous.
—Vousvoulezentrer?
Wellsieentradanslapièce.Elleportaitunelongueboîteplateetungrandsac.Elledégageaitun
airresponsable,sansparaîtrepourautantarrogante.
—Tohrafaillinepasmedirecequisepassait.LuietKolhersontenbisbille.
—Bisbille?
Wellsie roula des yeux, ferma la porte depuis l’autre bout de la pièce, puis posa la boîte sur la
tablebasse.
—Detempsentemps,lesmâlescommeeuxs’échauffentàproposdebroutilles.C’estinévitable.
Tohrneveutpasmediredequoiils’agit,maisjel’imagine:honneur,faitsd’armes,ounous,leurs
femelles.(Wellsieouvritlaboîte,révélantdesplisdesatinrouge.)Ilsontboncœur,maisilpeutleur
arriverdetempsentempsdeperdreleurcalmeetd’allertroploin.
ElleseretournaetsouritàBeth.
—Assezparléd’eux.Vousêtesprête?
En général, Beth se montrait assez réservée avec les inconnus. Mais tout chez cette femme au
franc-parleretauxyeuxpleinsdebonsensinspiraitconfiance.
— Pas sûr. (Beth éclata de rire.) Je ne connais pas Kolher depuis longtemps, mais j’ai
l’impressionqu’onestfaitsl’unpourl’autre.J’yvaisàl’instinct,pasdefaçonraisonnée.
—J’airessentilamêmechosepourTohr.(LevisagedeWellsies’adoucit.)Ilm’asuffideposer
lesyeuxsurluipoursavoir.
Elleposaunemaindistraitesursonventre.
Elleestenceinte,pensaBeth.
—C’estpourquand?
Wellsierougit,apparemmentplussouslecoupdel’inquiétudequedubonheur.
—Danslongtemps.Unan.Sijepeuxlegarder.(Ellesepenchaetsortitlarobedesaboîte.)Ça
vousdiraitdepassercetterobe?Onfaitàpeuprèslamêmetaille.
Larobeétaitancienne,avecunhautdedentellenoireornédeperlesbrodéesetunejupeample.Le
satinrougereflétaitlalumièredesbougies,dontilconservaitl’éclatdanssesplis.
—Elleest…spectaculaire.
Bethtenditlamainpourtoucherlesatin.
—Mamèrel’avaitfaitfairepourmoi.Jemesuismariéeilyaprèsdedeuxcentsansdanscette
robe. Vous n’êtes pas obligée de mettre le corset, mais j’ai apporté les jupons. Ils sont si mignons.
Maissurtout,sivousn’aimezpaslarobeousivousaviezprévuautrechose,jenem’enoffusquerai
absolumentpas.
— Vous avez perdu la tête ! Vous croyez que je vais refuser votre proposition et me marier en
short?
Bethpritlarobeetcourutpresquejusqu’àlasalledebains.Passerlarobeétaitcommeremonter
letempset,lorsqu’ellerentradanslapièce,elleneputs’empêcherd’enfairebruisserlesjupons.Elle
était un peu serrée en haut, mais la jeune femme se fichait bien de ne pas pouvoir prendre
d’inspirationample.
—Vousêtesmagnifique,ditWellsie.
— C’est la plus belle chose que j’aie jamais portée. Vous pouvez m’aider pour les derniers
boutonsdansledos?
LesdoigtsdeWellsieétaienthabilesetrapides.Quandelleeutterminé,ellepenchalatête,mains
jointes.
—Vousluifaiteshonneur.Lerougeetlenoirsemarientmerveilleusementbienàlacouleurde
voscheveux.Kolhervaavoiruneattaquequandilvavousvoir.
—Vousêtessûredevouloirmelaprêter?
Etsiellerenversaitquelquechosedessus?
—Lesvêtementssontfaitspourêtreportés.Cequin’estpaslecaspourcetterobedepuis1814.
(Wellsiejetauncoupd’œilàsamontreincrustéedediamants.)Jevaisremonterpourvoircomment
se passent les préparatifs. Fritz va probablement avoir besoin d’aide. Les membres de la Confrérie
aimentmanger,maisilsnesontpasdouéslemoinsdumondepourlacuisine.Onauraitpupenser
qu’ilss’entireraientmieuxavecuncouteau,comptetenudeleurmétier.
BethseretournaversWellsie.
—Aidez-moiàdéfairecesboutonsetjevousaccompagne.
Aprèsl’avoiraidéeàenleverlarobe,Wellsiesemblaithésiter.
— Écoutez, Beth… je suis heureuse pour vous. Vraiment. Mais je dois me montrer honnête. Il
n’estpassimpled’avoirl’undecesmâlespourcompagnon.J’espèrequevousm’appellerezsivous
avezbesoindequelqu’unàquivousconfier.
—Merci,ditBeth,enpensantqu’ellepourraitbienlefaire.
Elles’imaginaitassezbienWellsiedonnerdebonsconseils.Probablementparcequecettefemme
avaitl’airdetoutcontrôlerdanssavie.Ellesemblaitsi…compétente.
Wellsiesourit.
— Et peut-être que je pourrais aussi vous appeler de temps en temps. Mon Dieu, j’ai attendu si
longtempsd’avoirquelqu’unàquiparleretquipuissemecomprendre.
—AucundesmembresdelaConfrérien’adefemme?
—Iln’yaquevousetmoi,machère.
Bethsourit.
—Danscecas,onferaitbiendeseserrerlescoudes.
Kolhermontaaupremier,ensedemandantquiavaitdormioù.Ilfrappaàlaportedel’unedes
chambres d’amis. Butch répondit. L’humain se séchait les cheveux avec une serviette. En avait une
autreautourdelataille.
—TusaisoùestV.?demandaKolher.
—Ouais,ilserase.
Delatête,leflicpointapar-dessussonépauleets’écartapourlelaisserpasser.
—T’asbesoindemoi,chef?demandaV.depuislasalledebains.
Kolhergloussa.
—Sic’estpasmignon,toutça.
«Vatefairefoutre»luiarrivadesdeuxcôtéstandisqueViszssortaitdelasalledebains,vêtu
d’uncaleçon.Ilavaitlesjouesblanchesetunrasoiranciencontresajoue.Ilavaitlesmainsnues.
Bordel.
La main gauche de V. était levée, ses tatouages sacrés énonçant les terribles conséquences qui
guettaientceuxquientreraientencontactavec.Kolhersedemandaitsil’humainavaitlamoindreidée
decequeV.pouvaitfaireavec.
Probablementpas,carsinonleflicnesepromèneraitpasàmoitiénu,l’airdétendu,danslapièce.
—V.,j’aiuntrucàrégleravantlacérémonie.
En général, Kolher travaillait seul mais, s’il devait régler son compte à Billy Riddle, il voulait
Viszs pour le seconder. Les humains n’avaient pas l’obligeance de se désintégrer quand on les
poignardait,maislamaingauchedesonfrèresauraitprendresoinducorps.Enquelquesinstants,le
cadavreauraitdisparu.
V.sourit.
—Donne-moicinqminutesetj’arrive.
—Çamarche.(KolhersentaitlesyeuxdeButchsurlui.Manifestement,letypevoulaitsavoirce
quisepassait.)Vautmieuxqueturestesendehorsdeça,leflic.Surtoutcomptetenudetonmétier.
—Jesuisplusflic.Autantquetulesaches.
Intéressant,pensaKolher.
—Tuveuxbienm’expliquer?
—J’aiexplosélenezd’unsuspect.
—Dansunebagarre?
—Lorsd’uninterrogatoire.
Dansunsens,cen’étaitpassurprenant.
—Pourquoi?
—Ilavaitessayédeviolertafuturefemme,vampire.Jemesuispassentid’humeuràmemontrer
conciliantquandiladitqu’elledemandaitqueça.
Kolhersentitungrognementluimonterdelagorge.Lesonétaitcommeunorganismevivantqui
auraitprisnaissancedanssesentrailles.
—BillyRiddle.
—Betht’aparlédelui?
Kolherfilaverslaporte.
—Magne-toiletrain,V.,aboya-t-il.
Lorsqu’ilarrivaenbas,KolhersentitlaprésencedeBethetl’accueillitlorsqu’ellearrivaparle
tableau.Ils’avançaetlapritdanssesbras,laserrantcontrelui.Illavengeraitavantqu’ilssoientunis.
Ellen’enméritaitpasmoinsdesonhellren.
—Tuvasbien?murmura-t-elle.
Ilacquiesça,levisageenfouidanssescheveux,puisregardalashellanedeTohr.
—SalutWellsie.C’estbienquetusoislà.
Lafemellesourit.
—J’aipenséqu’elleauraitbesoind’unpeudesoutien.
—Jesuisheureuxquetusoislà.
Il s’écarta de Beth pour faire un baisemain à Wellsie. Viszs entra dans la pièce, complètement
armé.
—Kolher,c’estbon?Onyva?
—Vousallezoù?demandaBeth.
—J’aiquelquechoseàrégler.(IllaissacourirsamainlelongdubrasdeBeth.)Lesautresrestent
icipouraideràtoutpréparer.Lacérémoniecommenceraàminuitetjeserairentréavant.
Elle semblait vouloir protester, puis regarda Wellsie. Quelque chose semblait passer entre elles
deux.
—Prendssoindetoi,finitparrépondreBeth.S’ilteplaît.
—T’inquiètepas.(Illuidonnaunbaiserlongetlangoureux.)Jet’aime,leelane.
—Ilveutdirequoi,cemot?
—Quelquechosecomme«machérie».
Il prit son blouson sur une chaise et posa un autre baiser sur les lèvres de sa leelane avant de
partir.
CHAPITRE43
Butch se peigna, se mit un peu d’eau de toilette et revêtit un costume qui ne lui appartenait pas.
Toutcommel’armoiredelasalledebainsregorgeaitd’après-rasageetdecrèmesàraserdifférentes,
lesplacardsétaientremplisdevêtementsd’hommesdanstouteslestailles.Neufsetdemarque.
Iln’avaitjamaisportédeGucciavant.
Mêmes’iln’aimaitpasjouerlesparasites,ilnepouvaitpasseprésenterdevantMarissadansles
vêtements de la veille. Même s’ils avaient été particulièrement chic – et ce n’était pas le cas –, ils
auraientmaintenantempestéautantqu’unbar:unmélangedutabacturcdeV.etd’alcool.
Pourelle,ilvoulaitêtreproprecommeunsouneuf.
Butchseregardadevantlemiroirenpied;ilsefaisaitl’effetd’unetapette,maisilnepouvaits’en
empêcher.Lecostumenoirrayéluiallaitbien.Lachemiseblancheaucolouvertfaisaitressortirson
bronzage.QuantàlapairedemocassinsFerragamoqu’ilavaittrouvéedansuneboîte,elleapportait
lapetitetouchetendancequ’ilfallait.
Il était presque beau, pensa-t-il. Tant qu’elle ne regardait pas de trop près ses yeux injectés de
sang.
Quitrahissaientlesquatreheuresdesommeiletlaquantitédescotchavalée.
Ilentenditunpetitgrattementàlaporte.
Ilsefaisaitl’effetd’unegravuredemodeetespéraitquederrièrelaportenesetrouvaitpasl’un
desmembresdelaConfrérie.Ilouvritlaporte.
Lemajordome,enlevoyant,esquissaunsourire.
—Monsieur,vousêtessuperbe.Excellentschoix.Excellentschoix!
Butchhaussalesépaules,jouantaveclecoldelachemise.
—Ouais,ouais.
—Maisilvousmanqueunepochette.Vouspermettez?
—Biensûr.
Levieilhommesedirigeaversunbureau,tirauntiroiretfarfouilladedans.
—Cecidevraitêtreparfait.
Ses mains noueuses s’affairèrent auprès du morceau de tissu blanc, qu’il plia avec la dextérité
d’unorigamisteavantdeleplacerdanslapochepoitrineducostumedeButch.
—Vousvoilàprêtpourvotreinvitée.Elleestici.Voulez-vouslarecevoir?
Larecevoir?
—Euh…oui.
Tandisqu’ilsavançaientdanslevestibule,lemajordomeeutunpetitrire.
—J’ail’airridicule,pasvrai?demandaButch.LevisagedeFritzpritunairsérieux.
— Non, pas du tout, Monsieur. Je pensais juste que Audazs aurait aimé tout ça. Il aimait que la
maisonsoitremplie.
—QuiestDa…
—Butch?
Ilss’arrêtèrenttouslesdeuxenentendantlavoixdeMarissa.Ellesetenaitenhautdesescaliers.
En la voyant, Butch en eut le souffle coupé. Elle avait relevé ses cheveux et portait une robe en
mousselinedesoierosepâle.Auplaisirmêléderéservequ’elleexprimaenlevoyant,Butchsentitsa
poitrinesegonfler.
—Salut,baby.
Butchs’avançaverselle,conscientdusourireradieuxquiéclairaitlevisagedumajordome.
Marissajouaitavecsarobe,commesielleétaitunpeunerveuse.
— J’aurais probablement dû attendre en bas. Mais tout le monde est si occupé. J’avais
l’impressiondegêner.
—Vousvoulezresterunpeuici?
Elleacquiesça.
—Sicelanevousgênepas.C’estpluscalme.
Lemajordomeintervint.
—Ilyaunevérandaaudeuxièmeétage.Suivezlecouloir.C’estaubout.
Butchluioffritsonbras.
—Çavousdit?
Marissa glissa sa main sous le bras de Butch. Elle détourna les yeux, avec un rougissement
enchanteur.
—Oui,oui,toutàfait.
Ellevoulaitseretrouverseuleensacompagnie.
C’étaitbonsigne,pensaButch.
Tandis qu’elle portait un plateau de crudités dans la salle à manger, Beth songea que Fritz et
Wellsieauraienttoutàfaitpudirigerensembleunpetitpays.Ilsorganisaientlesalléesetvenuesdes
membresdelaConfrérie,leurassignaientdifférentestâches–dresserlatable,installerdesbougies
neuves, aider à préparer les plats. Et Dieu seul savait ce qui se passait dans les appartements de
Kolher.Lacérémoniedevaits’ydérouler,etRhages’ytrouvaitdéjàdepuisplusd’uneheure.
Bethdéposaleplateausurlebuffetetfitdemi-tourverslacuisine.ElleytrouvaFritz,quitentait
d’attraperungrandsaladierencristalenhautd’unplacard.
—Laissez-moifaire.
—Oh,merci,maîtresse.
ElleleposasurleplandetravailpuisregardaFritzleremplirdesel.
Waouh,bonjourl’hypertension,songea-t-elle.
— Beth ? (Wellsie l’appelait.) Vous pouvez prendre à l’office trois bocaux de pêches pour
accompagnerlejambon?
Beth se rendit dans la petite pièce et alluma la lumière. Des boîtes et des bocaux emplissaient
l’espacedusolauplafond,dansuneinfinievariétédedimensions.Ellecherchaitoùsetrouvaientles
pêchesquandelleentenditlaportes’ouvrir.
—Fritz,voussavezoù…
Ellefitvolte-face.EtseheurtadepleinfouetaucorpsmassifdeZadiste.
Ilchuintaettousdeuxreculèrenttandisquelaporteserefermaitsureux.
Ilfermalesyeuxcommepourchasserunesensationdouloureuse,leslèvresdévoilantsescanines
etsesdents.
—Jesuisdésolée,murmura-t-elleententantdes’écarterdavantage.
Iln’yavaitpasbeaucoupdeplaceetaucuneissuepossible.Ilsetenaitdevantlaporte.
—Jenevousavaispasvu.Jesuisvraimentdésolée.
Ilportaitunautredesestee-shirtsmoulantsàmancheslongueset,quandilserralespoings,les
musclesdesesbrasetdesesépaulessedessinèrentclairement.Certes,ilétaitgrand,maissoncorps
vigoureuxdonnaitl’impressionqu’ilétaitimmense.
Ilouvritlesyeux.Quandsesyeuxnoirsseposèrentsurelle,Betheutunmouvementderecul.
Froids.Sesyeuxétaientsifroids.
—Bordel,jesaisbienquejesuislaid,aboya-t-il.Maisc’estpaslapeined’avoirpeurdemoi.Je
suispasunsauvage.
Puisilpritquelquechoseets’enalla.
Beths’affaissacontrelesboîtesetlesbocaux,fixantl’espacevidequ’ilavaitlaissésurl’étagère.
Chutney.Ilavaitprisduchutney.
—Beth,vousaveztrouvé…(Wellsies’arrêtanetdansl’embrasuredelaporte.)Qu’est-cequ’il
s’estpassé?
—Rien…ils’estrienpassé.
Wellsielafixaduregardtandisqu’elleajustaitletabliersursarobebleue.
—Vousmementez,maisc’estlejourdevotremariage,alorsjevaisvouslaisservousentirer
commeça.(Elletrouvalejambonetenpritquelquesboîtes.)Dites,pourquoivousn’iriezpasvous
reposer un peu dans la chambre de votre père ? Rhage a terminé, et vous pourrez souffler un peu.
Vousdevezvousfairebellepourlacérémonie.
—Voussavez,jecroisquejevaissuivrevotreconseil.
Butchs’adossaaufauteuilàbascule,jambescroisées,repoussantlesoldesonpied.Lerockingchaircraquait.
Au loin, des éclairs de chaleur zébraient le ciel. La nuit apportait les effluves du jardin en
contrebas.
Souslavéranda,Marissatenditlecoupourregarderleciel.Unelégèrebriseestivalesoulevaitles
bouclesdesescheveux.
Butchseditqu’ilpourraitpassersavieentièreàlaregardersansjamaisselasser.
—Butch?
—Désolé.Vousdisiez?
—Jedisaisquevousétiezbeaudanscecostume.
—Cevieuxtruc?Jel’aipassésansréfléchir.
Elleéclataderire,exactementcommeill’avaitsouhaitémais,tandisquesonrirerésonnaitàses
oreilles,ilredevintsérieux.
—C’estvousquiêtestrèsbelle.
Marissaportalamainàsoncou.Ellesemblaitnepassavoirquefairedescompliments,commesi
ellen’avaitpasl’habituded’enrecevoir.
Ilavaitvraimentdumalàlecroire.
—Jemesuiscoifféepourvous,dit-elle.Jemesuisditquepeut-êtrevousaimeriezmescheveux
coiffésainsi.
—J’aimecommevouslescoiffez.Toujours.
Ellesourit.
—J’aiaussichoisicetterobepourvous.
—Ellemeplaît.Mais,voussavez,Marissa,vousn’avezpasàfairetantd’effortspourmoi.
Ellebaissalesyeux.
—C’estdansmonhabitude.
—Alorsdéshabituez-vous.Vousêtesparfaite.
Elleluirenvoyaunsourireradieux.Lui,subjugué,lafixaitdesyeux.
La brise, qui enflait légèrement, s’engouffra dans les pans de sa robe, autour de la courbe
gracieusedeseshanches.Soudain,Butchpritconsciencequ’ilnepensaitplusuniquementàlabeauté
deMarissa.
Ilfaillitéclaterderire.Jamaisiln’avaitpenséqueledésirpouvaitruinerunmoment,etilaurait
bien aimé laisser de côté pour la nuit ses besoins physiques. Ou pour plus longtemps encore. Il
voulaitvraimentlatraiteravecrespect.Marissaétaitunefemmedigned’êtreadoréeetdeconnaîtrele
bonheur.
Il fronça les sourcils. Ouais, et il comptait s’y prendre comment au juste ? Pour la rendre
heureuse.Pourl’adoration,ils’entiraitplutôtbien.
C’étaitjusteque…lesvampiresviergesétaientunecatégoriedefemmesdontilignoraittout.
—Marissa,voussavezquejesuispasdesvôtres.Elleacquiesça.
—Jel’aisudèsl’instantoùjevousaivu.
—Etçanevousrepoussepas?Nevousennuiepas?
—Non.J’aimecequejeressensquandjesuisauprèsdevous.
—Etvousressentezquoi?demanda-t-ild’unevoixdouce.
— Je me sens en sécurité. Je me sens belle. (Elle marqua une pause et regarda ses lèvres.) Et
parfoisaussijeressensd’autreschoses.
—Lesquelles?
Endépitdesesbonnesintentions,ilvoulaitvraimentl’entendrenommercesautreschoses.
—Jeressensdelachaleur.Surtoutici–ellesetouchalesseins–etici.
Ellepassalamainsurlazonesituéeentresescuisses.
Butchvoyaitdouble,tantsoncœurbattaitlachamade.Tandisqu’ilexpiraittoutsonsouffle,ilétait
persuadéquesatêteallaitexploser.
—Etvous,vousressentezquelquechose?demanda-t-elle.
—Ouais,vouspouvezmecroiresurparole.
Lescotchingurgitérendaitsavoixrauque.C’estcequeledésespoirfaitàuntype.
Marissatraversalavérandaets’avançadanssadirection.
—Jevaisvousembrassermaintenant.Sicelanevousgênepas.
Legêner?Ilauraitpulasupplierjustepouravoirledroitdecontinueràlaregarder.
Ildécroisalesjambesetseredressa,etsongeaquel’éventualitéquequelqu’unlessurprenneàtout
momentl’aideraitàgarderlecontrôledelasituation.IlétaitsurlepointdesereleverquandMarissa
s’agenouilladevantlui.
EtplaçasoncorpsentrelesjambesdeButch.
—Ouah!Doucement.
Ill’arrêtaavantqu’elletouchesonsexeenérection.Iln’étaitpassûrqu’ellesoitprêtepourça.Il
n’étaitsûrlui-mêmedel’être.
—Siondoitfaire…Prenonsnotretemps.Jeveuxquetoutsepassebienpourvous.
Ellesouritetilaperçutlapointedesescanines.Sonmembresedurcitplusencore.
Bordel,quiauraitcruqueçal’exciteraitcommeça?
—J’airêvéquejevousfaisaiscelalanuitdernière,murmura-t-elle.
Butchseraclalagorge.
—Ahbon?
—Vousveniezmerendrevisitedansmachambre.Vousvouspenchiezsurmoi.
Ilarrivaitparfaitementàsel’imaginer.Àceciprèsque,danssonfantasmeàlui,ilsétaienttousles
deuxnus.
— Vous étiez nu, ajouta-t-elle en se penchant vers lui. Moi aussi. Votre bouche était dure sur la
mienne. Vous aviez un goût acidulé, comme le scotch, et j’aimais ça. (Les lèvres de Marissa
s’approchèrentàquelquescentimètresdessiennes.)Jevousaimais.
Grandsdieux.Ilétaitsurlepointdejouir.Etilsnes’étaientpasmêmeembrassés.
Elle s’approcha encore pour réduire la distance entre eux, mais il la retint au dernier moment.
C’étaittroppourlui.Elleétaittropbelle.Tropsexy.Bientropinnocente.
Ilavaitlaissétombertantdegensdanssavie.Ilnevoulaitpasl’ajouteràlaliste.
Etpuiselleméritaitunprincepoursapremièrefois.Pasunex-flicminable,danslesfringuesde
gigolod’unautre.Iln’avaitaucuneidéedelafaçondontlesvampiresmenaientleurvieprivée.Mais
ilcroyaitdurcommeferqu’ellepouvaitsetrouverquelqu’undebienmieuxquelui.
—Marissa?
—Hmm?
Elle ne détournait pas les yeux de ses lèvres. En dépit de sa totale inexpérience, elle donnait
l’impressiond’êtreprêteàledévorer.
Etluiétaittoutdisposéàselaissermanger.
—Cen’estpasvotredésir,Butch?murmura-t-elleens’écartant.(Elleparaissaitinquiète.)Butch?
—Oh,non,bébé.C’estpasça.
IlremontasesmainsdesépaulesdeMarissaàsoncou,enluimaintenantfermementlatête.Puisil
penchalasienneetposaseslèvressursabouche.
Marissa haleta, aspirant le souffle de Butch dans ses poumons, le prenant à l’intérieur d’elle. Il
émit un grognement de satisfaction, mais resta maître de lui et caressa sa bouche avec sensualité.
Tandis que le corps de Marissa se balançait vers le sien, il caressa de la pointe de sa langue le
pourtourdesabouche.
Elledevaitavoirsibongoût,pensa-t-il,ensepréparantàintroduiresalangueplusprofondément
toutenrestantmaîtredelui.
MaisMarissaledevança.EllecapturalalanguedeButchdanssaboucheetlasuça.
Butchgrognaetserelevad’unbond.
Marissainterrompitlebaiser.
—Vousn’aimezpas?J’aiaiméquandvousavezfaitcelahieravecmondoigt.
—Si,j’aime,répondit-ild’unevoixgutturale.Croyez-moi,j’aimemêmebeaucoup.
—Alorsjevaisrecommencer.
Ellesepenchaversluietluipritlabouchedansunbaisertorride,leplaquantcontrel’osieravec
une force équivalente à celle d’une tonne de briques. Comme en état de choc, Butch ne put
qu’agripperlesbrasdufauteuil.Sonattaqueétaitpuissante.Érotique.PluschaudequelesEnfers.Elle
s’aplatitcontrelapoitrinedeButchtandisqu’elleexploraitsabouche;ilsecampaplusfermement,
s’appuyantdetoutsonpoidssurlesbrasdufauteuil.
Soudain,uncraquementsonoresefitentendre.
ButchroulaausolavecMarissa.
—Qu’est-cequec’estquecep…?
Butchlevalamaingauche.Quitenaitlebrasdufauteuilqu’ilavaitagrippé.
Ill’avaitcassé.
—Vousallezbien?demanda-t-il,lesoufflecourt,enjetantlemorceaudebois.
—Oh,oui.
Elleluisourit.SarobeétaitprisedanslesjambesdeButch.Soncorpstoutcontrelesien.Presque
àl’endroitidéal.
Illaregardaetsutqu’ilétaitprêtàtout,prêtàallervoirsouscetterobe,àécartersescuissesde
sonbassinetàpénétrerlachaleurdesoncorpsjusqu’àcequ’ilsseperdenttouslesdeux.
Àceciprèsque,danssonétatd’excitationactuel,ilnepourraitquelaprendreavecfougue,non
luifairel’amourcommeilfallait.Etilétaittellementfoudedésirqu’ilsesentaitcapabledelefaire
ici,souslavéranda,dehors.L’interruptionfaitdoncbienvenue.
—Relevez-vous,dit-ild’untonsec.
Marissafutplusrapidequeluiet,d’unbond,seretrouvasursespieds.Lorsqu’elleluitenditla
mainpourl’aideràserelever,illapritpourluifaireplaisir.Pourseretrouversoulevédusolcomme
s’ilnepesaitpaspluslourdqu’unjournal.
Ilesquissaunsouriretandisqu’ilépoussetaitsaveste.
—Vousêtesplusfortequevousenavezl’air.
Ellesemblagênéeets’absorbadanslavérificationdesarobe.
—Pasvraiment.
— Ce n’est pas une mauvaise chose, Marissa. Elle releva les yeux vers les siens puis lentement
parcourutsoncorps.
Soudain mal à l’aise, Butch prit conscience que son sexe en érection faisait remonter son
pantalon.Ilsetournapourréajustersesvêtements.
—Quefaites-vous?
—Rien.
Ilseretournapourluifaireface,nonsanssedemandersilesbattementsdesoncœurallaientfinir
parseralentir.
Bordel, il n’aurait pas besoin de test d’endurance avant longtemps. Si son cœur supportait un
baiserdeMarissa,Butchpouvaitprobablementcourirlemarathon.
Entirantunevoiturederrièrelui.
Surlebas-côté.
—Çam’aplu,déclara-t-elle.
Iléclataderire.
—Àmoiaussi.Maisj’aidumalàcroirequevoussoyezvier…
Butchlaboucla.Etsefrottalessourcilsaveclepouce.Pasétonnantqu’ilnesorteavecpersonne.
Ilavaitautantdemanièresqu’unchimpanzé.
—Justepourquevouslesachiez,murmura-t-il.Çam’arriveparfoisdemeprendrelespiedsdans
letapis.Maisjevaisfaireattention.
—Lespiedsdansletapis?
—Dediredesconneries.Destrucs.Euh…etmerde!(Iljetauncoupd’œilverslaporte.)Dites,
quediriez-vousderedescendrepourvoiroùensontlespréparatifsdelafête?
Cars’ilrestaituneminutedeplusici,ilallaitsecouchersurelle.
—Butch?
Ilseretournapourlaregarder.
—Oui,baby?
Lesyeuxbrillants,ellepassasalanguesurseslèvres.
—J’enveuxplus.
Butcheneutlesoufflecoupé.Etsedemandasiellepensaitàsonsang.
Enfixantsonvisagemagnifique,ilrevécutcequ’ilavaitsentilorsqu’ellel’avaitplaquécontrele
fauteuil.Etilimaginaqu’aulieudel’embrasserelleplantaitsescaninesnacréesprofondémentdans
soncou.
Ilpensaitqu’iln’yavaitpasdemeilleurefaçonpourluidepartirquedanssesbras.
—Toutcequevousvoulezdemoi,murmura-t-il,vouspouvezleprendre.
CHAPITRE44
KolherobservaBillyRiddlesortirdelamaisonetprendrelapose,adosséauxcolonnes.Riddle
posaàterresonpaquetageetregardaleciel.
—Parfait,déclaraKolheràViszs.Onasuffisammentdetempspourletueretrentrer.
Mais avant que V. et lui aient pu sortir de l’ombre, un Hummer noir remonta l’allée circulaire.
Quandlavoiturepassadevanteux,l’odeuraciduléedetalcpourbébéleurparvintparlavitreouverte.
—C’estlameilleure,murmuraKolher.
—C’estunéradiqueur,monfrère.
—Qu’est-cequetupariesqu’ilvientchercherunenouvellerecrue?
—Boncandidat.
Billygrimpaàl’intérieuretle4×4seremitenmarche.
—Onauraitdûprendremavoiture,soufflaV.Onauraitpulessuivre.
—Onapasletempsdelesfiler.LaViergescribearriveàminuit.Ons’enoccupemaintenant.Ici.
Kolher bondit devant le Hummer, les mains plantées sur le capot pour forcer le véhicule à
s’arrêter. Il regarda à travers le pare-brise tandis que Viszs approchait de côté, se glissant vers la
portièreconducteur.
Kolher sourit quand la voiture s’arrêta. De l’intérieur lui parvenait une odeur de peur et
d’anticipation.IlsavaitlaquelleémanaitdeBillyRiddle.Letypeétaitàcran.L’éradiqueur,quantàlui,
étaitprêtàsebattre.
Mais il y avait autre chose. Quelque chose clochait. Kolher jeta un rapide coup d’œil aux
alentours.
—Soissurtesgardes,V.
Lebruitd’unmoteurdéchiralanuitettousseretrouvèrentépinglésdanslalumièredesphares.
Uneberlinebanales’arrêta,etdeuxhommesensortirentd’unbond,revolveraupoing.
—Policed’État.Hautlesmains.Vousdanslavoiture,descendez.
Kolheravaitlesyeuxfixéssurlaportièreconducteur.Cequiensortitétaitmassifetviolent.Sous
l’odeurdetalcpourbébés’exhalaitlapuanteurdumal.
Tandisqu’illevaitlesmains,lemembredelaSociétédeséradiqueursobservaitl’insignesurle
blousondeKolher.
—MonDieu.Jecroyaisquetuétaisunmythe.LeRoiaveugle.
Kolherdénudasescanines.
—Riendecequetuasentendudiresurmoiestunmythe.
Lesyeuxdel’éradiqueurbrillèrent.
—Jesuisimpressionné.
— Et moi, ça me brise le cœur qu’on doive se séparer si vite. Mais on vous reverra, toi et ta
nouvellerecrue.Trèsbientôt.
KolherfitunsignedetêteàViszs,effaçalessouvenirsdeshumainsetsedématérialisa.
M.Xétaitaucombledelastupéfaction.
LeRoiaveugleétaitenvie.
Depuisdessiècles,onracontaitdeshistoiressurlui,ouplutôtdeslégendes,maisiln’yavaiteu
aucun témoignage attesté de son existence depuis que M. X avait rejoint la Société. En fait,
d’innombrablesrumeurs,alimentéesparladésintégrationdelasociétévampire,prétendaientquele
guerrierroyalétaitmort.
Maisnon,leroiétaitbeletbienenvie.
Grandsdieux.Quelleoffrandeàdéposerdevantl’auteldel’Oméga!
—Jevousavaisditqu’ilviendrait.(Billys’adressaitauxhommesdelapoliced’État.)C’estmon
professeurd’artsmartiaux.Pourquoivousnousavezarrêtés?
Lespoliciersreplacèrentleurarmedansleurholster,leregardfixésurM.X.
—Pouvez-vousnousmontrervospapiers,monsieur?demandal’und’eux.
M.Xsouritettenditsonpermisdeconduire.
—Billyetmoisortonsdîner.Avantpeut-êtred’alleraucinéma.
Lepolicierobservaattentivementlaphoto,puislevisagedel’hommequisetenaitdevantlui.
—M.Xavier,jevousrendsvotrepermis.Désolépourledérangement.
—Àvotreservice,officier.
M.XetBillyremontèrentenvoiture.
Riddlejura.
—Quellebandedecrétins!Pourquoiilsnousontarrêtés?
Parce que deux vampires nous sont tombés dessus, pensa M. X. Tu ne t’en souviens pas, tout
commecesflics.
Jolitourdeforce.Joli.
—Quefabriqueicilapoliced’État?demandaM.Xenremettantenmarchelevéhicule.
—Monpèreaencorereçuunemenaceterroriste,etilestdécidéàquitterWashingtonpendantun
petitmoment.Ilrentrecesoir,etlesflicsvontgrouillericijusqu’àcequ’ilretourneàlacapitale.
—Tuasparléàtonpère?
—Ouais.Enfait,ilasemblésoulagé.
—Jesuissûrqu’ill’est.
Billyfouilladanssonsac.
—J’aiapportécequevousm’avezdemandé.
Iltenaitunejarreencéramiquedotéed’uncouvercle.
—C’estbien,Billy.C’estexactementlabonnetaille.
—Qu’est-cequ’onvamettrededans?
M.Xsourit.
—Tulesaurastrèsvite.Tuasfaim?
—Nan.Tropvannépourmanger.(Billyserrasespaumesl’unecontrel’autreetappuya,muscles
bandés.) Je voulais vous dire, je craque pas facilement. Peu importe ce qui se passera ce soir, je
tiendrailecoup.
Nousverronstoutça,songeaM.Xtandisqu’ilsedirigeaitverssondomicile.Lacérémonieallait
se dérouler dans la grange, et la table de torture serait bien utile. Il pourrait facilement y attacher
Billy.
Tandisquelacampagnesesubstituaitàlavillelelongdelaroute,M.Xserenditcomptequ’il
souriait.
LeRoiaveugle.
ÀCaldwell.
M.XjetaunregardendirectiondeBilly.
ÀCaldwellàpourchasserBilly.
Tiensdonc!Pourquoi?
CHAPITRE45
Denouveau,Bethavaitrevêtularobe.Elleenétaitfolle.
—Jen’aipasdechaussures,dit-elle.
WellsieretirauneautreépingledesaboucheetlapiquadanslechignondeBeth.
—Vousn’êtespascenséeenporter.Bon,laissez-moivousregarder.
Wellsie sourit en voyant Beth se mettre à danser dans la chambre de son père, la robe de satin
rougescintillantautourd’elle.
—Jevaispleurer.(Wellsieportalamainàsabouche.)Jelesais.Dèsqu’ilvavousvoir,jevais
memettreàpleurer.Vousêtestellementbelle,etc’estlepremierévénementheureuxdepuis…jene
saisplusquand.
Beths’arrêta;larobes’immobilisa.
—Merci.Pourtout.
Wellsiesecoualatête.
—Nemeditespasçaoujevaismemettreàpleurertoutdesuite.
—Jesuissincère.C’estcomme…jenesaispas,commesij’épousaisunefamilleentière.Etje
n’aijamaisvraimenteudefamille.
LenezdeWellsieseteintaderouge.
—Noussommesvotrefamille.Vousêtesl’unedesnôtres.Maintenant,çasuffit,d’accord.
Onfrappaàlaporte.
—Toutvabienàl’intérieur?demandaunevoixmasculinedel’autrecôté.
Wellsiesedirigeaverslaporteetpassalatêteàl’extérieur,sansouvrirlaporteengrand.
—Oui,Tohr.Lesfrèressontprêts?
—Qu’est-cequi…tuaspleuré?demandaTohrment.Tuvasbien?MonDieu,c’estàcausedu
bébé?
— Tohr, tout va bien. Je suis une femelle. Je pleure aux mariages. C’est dans la description du
poste.
Ilyeutlesond’unbaiser.
—C’estjustequejeneveuxpasquetusoiscontrariée,leelane.
—Danscecas,dis-moiquelesfrèressontprêts.
—Onl’esttous.
—Bien.Jevaisl’escorter.
—Leelane?
—Quoi?
Desmotsfurentprononcésdansleurmerveilleuselangue.
—Oui,Tohr,murmuraWellsie.Etaprèsdeuxsiècles,jet’épouseraiencore.Mêmesituronfleset
quetulaissestraînertesarmespartoutdanslachambre.
LaportesefermaetWellsieseretournaversBeth.
—Ilsvousattendent.Vousêtesprête?
Bethtirasurlecorsagedelarobe.Regardal’allianceenrubis.
—Jamaisjen’auraispenséfaireunechosepareille.
—Lavieestpleinedemerveilleusessurprises,n’est-cepas?
—Eneffet.
Les deux femmes sortirent de la chambre de Audazs et pénétrèrent dans les appartements de
Kolher.
Touslesmeublesavaientdisparuet,àl’endroitoùsetrouvaitprécédemmentlelit,setenaientles
membresdelaConfrérie,alignéscontrelemur.Ilsétaientmagnifiquesàvoir,dansleurvesteetleur
pantalondesatinnoirs,unedagueornéedejoyauxàlataille.
Dès qu’elle aperçut Beth, toute l’assemblée retint son souffle. Les membres de la Confrérie
s’agitèrent, puis baissèrent les yeux. Relevèrent la tête. Des sourires timides se dessinèrent sur les
visagesrudes.
SaufsurceluideZadiste.Ilnelaregardaqu’unefoisavantdebaisserlesyeux.
Butch, Marissa et Fritz se tenaient du même côté. Elle leur fit un petit signe. Fritz sortit un
mouchoir.
Ilyavaitquelqu’und’autredanslapièce.
Unepersonneminusculedrapéedenoirdelatêteauxpieds.Mêmesonvisageétaitcouvert.
Beth fronça les sourcils. Sous les plis de tissus noirs, il y avait comme une mare de lumière.
Commesilasilhouettebrillait.
MaisoùétaitKolher?
WellsieescortaBethjusquedevantleshommes.Celuiauxbeauxcheveux,Fhurie,s’avança.
Bethbaissalatête,essayantdereprendrelecontrôled’elle-mêmeetnotaquelevampireavaitune
prothèseàlaplaced’unpied.
Ellerelevalatêteverslesyeuxjaunes,nevoulantpassemontrerimpolie.Ilsourit,cequil’aidaà
recouvrerunpeusoncalme.
Ils’exprimad’unevoixpleineetrégulière.
—Nousallonsconduirelacérémonieenanglaisautantquepossible,pourquevouscompreniez.
Vousêtesprête?
Elleacquiesça.
—Avance,Seigneur,dit-il.
Bethregardapar-dessussonépaule.
Kolher se matérialisa dans l’embrasure de la porte. Beth porta la main à sa bouche. Il était
magnifique,vêtud’unetuniquenoireceinturéebrodéedefilnoir.Unelonguedagueàpoignéed’or
étaitfixéeàsaceintureet,sursatête,uncerclederubissertisdansunmétalaufinimat.
Ils’avançaaveclagrâcequ’elleaimaittant,etsescheveuxretombaientendoucesondulationsle
longdesesépaulesmassives,danssondos.
Ilneregardaitpersonned’autrequ’elle.
Lorsqu’ilsetintdevantelle,ilmurmura:
—Tuesbelleàcouperlesouffle.
Bethcommençaàsangloter.
LevisagedeKolherseteintad’inquiétudetandisqu’illuitendaitlamain.
—Leelane,qu’est-cequisepasse?
BethsecoualatêteetsentitqueWellsieluimettaitunmouchoirenpapierdanslamain.
—Toutvabien,réponditWellsie.Crois-moi,toutvabien.N’est-cepas?
Bethacquiesçaetsetamponnalesyeux.
—Oui.
Kolherluicaressalajoue.
—Onpeuttoutarrêter.
—Non!S’exclama-t-elle.Jet’aimeetnousallonsnousmarier.Maintenant.
DespetitsriressefirententendredanslarangéedesmembresdelaConfrérie.
—Jecroisqu’onesttousd’accord,ditl’und’euxd’untonrespectueux.
QuandBetheutreprislecontrôled’elle-même,KolheradressaunsignedetêteàFhurie.
—NouscommenceronsparlaprésentationàlaViergescribe,ditlefrère.
KolherpritBethparlamainetlaconduisitdevantlasilhouetteennoir.
— Vierge scribe, voici Elizabeth, fille de Audazs, guerrier de la Confrérie de la dague noire,
petite-filleduprincepsMarklon,arrière-petite-filleduprincepsHorusman…
L’énumération se poursuivit. Lorsque Kolher se tut, Beth, spontanément, tendit la main vers la
silhouette.
IlyeutuncrietKolherluipritlebras,letirantenarrière.Plusieursdesfrèresbondirentenavant.
— C’est ma faute, déclara Kolher, les bras écartés comme pour la protéger. Je ne l’ai pas
suffisammentpréparée.Ellenevoulaitpasvousoffenser.
Unrire–grave,chaudetféminin–montadelasilhouette.
—Necrainsrien,guerrier.Toutvabien.Approche,femme.
Kolhers’écarta,toutenrestantàproximité.
Beth s’approcha de la silhouette, angoissée à l’idée de commettre le moindre impair. Elle se
sentaitexaminée.
—Cethommedemandeàcequetuleprennespourhellren,monenfant.Veux-tudeluis’ilenest
digne?
—Oh,oui.(BethregardaKolher.Ilétaitencoretendu.)Oui,jeleveux.
Lasilhouetteacquiesça.
—Guerrier,cettefemmeestdisposéeàteprendrepourépoux.Es-tudisposéàfairetespreuves
pourelle?
—Oui,jelesuis.
LavoixgravedeKolherrésonnadanstoutelapièce.
—Es-tudisposéàtesacrifierpourelle?
—Jelesuis.
—Es-tudisposéàladéfendrecontretousceuxquivoudrontluinuire?
—Jelesuis.
—Donne-moitamain,monenfant.
Hésitante,Bethluitenditlamain.
—Paumeverslehaut,murmuraKolher.
Bethretournasonpoignet.Lesplisremuèrentetluirecouvrirentlamain.Elleressentitunétrange
chatouillement,commeunechargeélectriquedefaibleintensité.
—Guerrier.
Kolhertenditlamain,quielleaussidisparutdanslesplisnoirsdelatunique.
Soudain,Bethsesentitentouréeetenveloppéedechaleur.ElleregardaKolher.Quiluisourit.
—Ah!s’exclamalasilhouette.Cetteunionestpositive.Trèspositive.
Lasilhouettelâchaleurmain,puisKolherenlaçaBethetl’embrassa.
Lespersonnesprésentescommencèrentàapplaudir.Quelqu’unsemoucha.
Bethseserraitdetoutessesforcescontresonnouvelépoux.C’étaitfait.C’étaitréel.Ilsétaient…
—C’estpresqueterminé,leelane.
Kolhers’écartaetretiralaceinturedesatunique.Puisilenlevalevêtement,révélantsontorsenu.
Wellsies’avançaetpritlamaindeBeth.
—Toutvabiensepasser.Respirezavecmoi.
Bethjetauncoupd’œilnerveuxautourd’elletandisqueKolhers’agenouillait,têtebaissée,devant
sesfrères.Fritzapportaunepetitetablesurlaquelleétaientposéslerécipientencristalremplidesel,
unpichetd’eauetunpetitcoffretlaqué.
FhurieseplaçadevantKolher.
—Seigneur,quelestlenomdetashellane?
—SonnomestElizabeth.
Dansungrincement,Fhuriedégainasadaguenoire.EtsepenchasurledosnudeKolher.
Bethhaletaets’avançatandisquelalamedescendait.
—Non…
Wellsielaforçaàresterimmobile.
—Restezici.
—Quefait…
—Vousépousezunguerrier,murmuraWellsied’unevoixfière.Laissez-leprouversonhonneur
devantsesfrères.
—Non!
— Écoutez-moi. Kolher vous donne son corps, se donne tout entier à vous. Tout son être vous
appartientdésormais.C’estl’objetdelacérémonie.
Fhurierecula,etBethaperçutunfiletdesangcoulerduflancdeKolher.
Viszss’avança.
—Seigneur,quelestlenomdetashellane?
—SonnomestElizabeth.
Tandisquelefrèresepenchaitladagueàlamain,Bethfermalesyeuxetserratrèsfortlamainde
Wellsie.
—Iln’apasbesoindefaireçapourprouversavaleuràmesyeux.
—Vousl’aimez?demandaWellsie.
—Oui.
—Alorsvousdevezacceptersescoutumes.
Àsontour,Zadistesortitdurang.
—Doucement,Z.,luiditFhurieàvoixbasseenrestantprèsdesonjumeau.
MonDieu,faitesqueçacesse.
Lesfrèresrépétèrentencoreetencorelerituelenposantlamêmequestion.
Quandilseurentterminé,Fhuriepritlepichetd’eauetleversadanslerécipientcontenantlesel.
PuisilversaleliquidesaumâtresurledosdeKolher.
Bethsecrispaenobservantlesspasmesquisaisissaientlesmusclesdesonépoux.Ellenepouvait
pasmêmeconcevoirl’intensitédeladouleurmais,siKolherroulaàterre,ilnelaissaéchapperaucun
cri.Tandisqu’ilsupportaitladouleur,sesfrèresluisignifièrentleurapprobation.
Fhuriesepenchaetouvritlecoffretlaqué,duquelilsortituntissud’unblancimmaculé.Ilsécha
lesblessures,puisroulaletissuetlerangeadanslecoffret.
—Lève-toi,Seigneur.
Kolhersemitdebout.Surtoutelalargeurdesesépaules,lenomdesashellaneétaitimprimédans
sachairenlettresgothiques.
FhurieprésentalecoffretàKolher.
—Portececiàtashellanecommesymboledetaforce,pourqu’ellesachequetuesdigned’elleet
quetoncorps,toncœurettonâmedésormaisluiappartiennent.
Kolher s’avança vers Beth, qui, anxieuse, fouillait son visage. Il allait bien. Mieux que bien. Il
irradiaitl’amour.
Ils’agenouilladevantelle,baissalatêteettenditlecoffret.
—Acceptes-tudemeprendrepourépoux?demanda-t-ilenlaregardantpar-dessusseslunettesde
soleil.Sesyeuxpâlesetaveuglesbrillaient.
Lesmainstremblantes,Bethpritlecoffret.
—Oui.
Kolhersereleva;Bethlepritdanssesbrasenveillantànepastoucherleszonesendoloriesde
sondos.
Lesfrèrescommencèrentàpsalmodierdanslalanguequ’ellenecomprenaitpas.
—Toutvabien?luidemanda-t-ilàl’oreille.
Elleacquiesçaensedisantqu’elleauraitmieuxfaitdes’appelerMary.OuSue.
Non,ilavaitfalluquecesoitElizabeth,unprénomàneuflettres.
—Dis-moiquejamaisplusonauraàrevivreça?dit-elleenenfouissantsatêtedanslecreuxde
sonépaule.Kolhereutunpetitrire.
—Tuferaismieuxdetepréparersijamaisonadesenfants.
Lesvoixmasculinesenflèrentetlechants’éleva,plusfortencore.
Beth regarda les frères, ces hommes fiers qui désormais faisaient partie de sa vie. Kolher se
retournaetluipassalebrasautourdelataille.Tousdeux,ilssebalancèrentaurythmeduchantqui
emplissait l’air. Les frères ne faisaient plus qu’un tandis qu’ils leur rendaient hommage dans leur
langue.
Puis soudain une voix s’éleva au-dessus des autres, encore et encore. La voix de ténor était si
claire, si pure, qu’elle donnait des frissons et réchauffait le cœur. Les notes claires s’envolèrent
toujoursplushaut,transformantlapièceencathédraleetlesfrèresentabernacle.
Voieroyaleverslescieux.
C’étaitZadiste.
Lesyeuxfermés,latêteinclinéeenarrière,labouchegrandeouverte,ilchantait.
Lebalafré,leguerriersansâmeavaitunevoixd’ange.
CHAPITRE46
Lorsdurepasdenoces,Butchlimitasaconsommationd’alcool.Cequineluifutpasdifficile.Il
étaittropoccupéàsedélecterdelacompagniedeMarissa.
Ainsi qu’à observer Beth en compagnie de son nouvel époux. Mon Dieu, elle était si heureuse.
Tout comme ce vampire terrifiant qu’elle s’était choisi. Lui ne la lâchait pas une seconde et ne
détachaitpassonregardd’elle.Toutelanuit,illagardasursesgenoux,luidonnantàmangerdansle
creuxdesamaintandisqu’illuicaressaitlecou.
Lafêtetiraitàsafin,etMarissaseleva.
—Jedoisrentrerchezmonfrère.Enfait,ilm’attendpourdîner.
Ce qui expliquait pourquoi elle n’avait rien mangé. Butch fronça les sourcils ; il ne voulait pas
qu’elles’enaille.
—Quandvousreverrai-je?
—Demainsoir?
Butchreposasaserviette.
—Jeserailà.Jevousattendrai.
Ilétaitraidedingued’elle,pensa-t-il.
Marissasalual’assembléeetdisparut.
Butch saisit son verre de vin en essayant d’occulter le fait que sa main tremblait. Le sang, les
canines:ilarrivaitpresqueàs’yfaire.Maissevolatilisercommeça…Ilallaitluifalloirunpeude
temps.
Dixminutesplustard,ilserenditcomptequ’ilrestaitseulautourdelatable.
Iln’avaitnulleenviederentrerchezlui.Enl’espaced’unejournée,ilavaitréussiàmettredecôté
savieréelle,àlarepousserdansuncoindesonesprit.Commeunebreloquecasséedelaquelleilse
désintéressaitcomplètement.
Il regarda les chaises vides et songea aux gens – euh, aux vampires – qui les avaient occupées
quelquesminutesplustôt.
Iln’appartenaitpasàleurmonde.Ilétaitunintrus.
Maiscettesituationn’avaitriendenouveaupourlui.Lesautresflicsétaientdestypesbienmais,
misàpartleboulot,ilnepartageaitrienaveceux.MêmeavecJosé.Iln’étaitjamaisallédîneravec
euxchezDeLaCruzparexemple.
Tandis qu’il fixait les assiettes vides et les verres à demi pleins, il prit conscience qu’il n’avait
nullepartoùaller.Nullepartoùilavaitenvied’être.Lasolitudenel’avaitjamaisgênédanslepassé.
En fait, elle lui procurait comme une sensation de sécurité. Ça devenait presque comique qu’il le
regrettemaintenant.
—Dis,leflic.OnvaauScreamer’s.Tuveuxvenir?
Butchlevalesyeuxverslaporte.Viszssetenaitdanslevestibule,RhageetFhuriederrièrelui.Le
visagepleind’attente,lesvampiressemblaientvéritablementdésireuxqu’ilsejoigneàeux.
Butch sourit, du sourire du nouveau à l’école qui finalement n’allait pas se retrouver seul à
déjeuner.
—Ouais,jeseraisbienpartantpourunetournéedesbars.
En se levant, il se demanda s’il devait se changer. Les frères avaient revêtu leurs vêtements de
cuir,maisiln’avaitpasenvied’enleverlecostume.Ill’adorait.
Etmerdeaimaitcesfringues;ilallaitlesporter.Mêmesiellesn’étaientpasvraimentsonstyle.
Butchboutonnalavesteetlalissadevant.Ilvérifiasilapochetteétaittoujoursbienpliéedanssa
pochepoitrine.
—Maisoui,leflic,t’esbeau,déclaraRhageavecunsourire.Moi,çamedémangedemetrouver
unpeudecompagnie,situvoiscequejeveuxdire.
Ouais,ilvoyaittoutàfait.
Butchfitletourdelatable.
—Jedoisvousprévenir,lesgars.Ilyadestypesquej’avaisenvoyésàSingSingquitraînentau
Screamer’s.Ilpeutyavoirduvilain.
Rhageluidonnaunetapedansledos.
—Àtonavis,pourquoitucroisqu’onveutquetuviennes?
—Ouais,jem’endoute.(VsouritetabaissasacasquettedesRedSox.)Lesbagarresdebars,c’est
parfaitpoursepréparerlegosier.
Butchfronçalessourcilset,l’airsérieux,regardaFhurie.
—Tonfrèreestoù?
Fhurieseraidit.
—Z.nevientpas.
Tantmieux.Butchn’avaitaucunproblèmepoursortiraveclesautres.Ilétaitsûrque,s’ilsavaient
voululetuer,ilseraitd’oresetdéjàmort.MaisceZadiste…c’étaitàsedemanderquandilallaitpéter
lesplombs.Etàquiils’enprendraitlemomentoùçaarriverait.
Maisbordel,quellevoix!
—Ilauneputaindevoix,cetenfantdesalaud,murmura-t-iltandisqu’ilsavançaientverslaporte.
Les autres acquiescèrent. Rhage passa son bras charnu autour des épaules de Fhurie. Celui-ci
baissa la tête, comme s’il pliait sous le poids d’une charge trop lourde et qu’il cherchait
désespérémentàsoulagersondos.
Ils sortirent et se dirigèrent vers une Escalade ESV noire. Les phares s’allumèrent à la
désactivationdusystèmedesécurité.
—Oh,bordel,j’aioublié!(Butchs’immobilisa.Lesvampiress’arrêtèrentetleregardèrent.)À
l’arrière!
Tandis qu’il courait autour de la voiture, Fhurie et Rhage se remirent en mouvement tout en
l’insultantetluidisantdemonterderrière.MaisButchavaitlamainsurlaportièreavantetn’étaitpas
disposéàchangerd’avis.
—Leshumainsàl’arrière!
—Surlecapot!
—Écoutez,bandedesuceursdesang,j’ai…
—V.,jecroisquejevaislemordre!
LeriresonoredeViszsrésonnadanslanuittandisqu’ilseglissaitderrièrelevolant.Sonpremier
gestefutd’allumerlasonosifortquele4×4vibrait.
EllecrachaitletubedeNotoriousBIG,Hypnotize.Avecunvolumepareil,onpouvaitl’entendre
jusqu’àMontréal,pensaButchenmontantdanslavoiture.
—Çaalors!s’exclamaRhageens’installantàl’arrière.C’estunenouvellesono?
— Respect, messieurs ! (V. alluma une cigarette roulée. Referma son briquet en or.) Je vous
laisseraipeut-êtrejoueraveclesboutons.
—Pourça,jeseraisprêtàmeprosternerdevanttoi!Lespharess’allumèrent.
Zadisteapparutdanslalumière.
Immédiatement,Fhurieouvritlaportièredesoncôtéetluifitdelaplace.
—Tut’esdécidéàvenirfairelabringueavecnous,aprèstout?
ZadistelançaunregardhaineuxàButchtandisqu’ilprenaitplaceàl’arrière,cequeButchneprit
paspourlui.Levampiren’avaitpasl’airtrèsheureuxdevoirlesautresnonplus.
V.passalamarchearrièreetenfonçalapédaled’accélérateur.
Laconversationsepoursuivitpar-dessuslamusique,maisl’ambianceavaitchangé.
Normal,puisqu’ilsavaientaveceuxdanslavoitureunegrenadedégoupillée.
Butch jeta un coup d’œil à Zadiste. Un éclat noir lui fut renvoyé. Sur le visage du vampire, le
souriretrahissaitl’aviditédelaluxureetdumal.
HaversreposasafourchettequandMarissapénétradanslasalleàmanger.Ils’étaitinquiétéquand
ilnel’avaitpasvueàtable,maisilavaiteupeurdemonterdanssachambre.Danssonétatd’esprit,il
auraittrèsmalprissonabsence.
—Pardonnemonretard,dit-elleenl’embrassantsurlajoue.
Elles’installasursachaisecommeunpetitoiseau,enarrangeantsarobeavecgrâce.
—J’espèrequenouspourronsparler.
Quelleétaitcetteodeursurelle?sedemanda-t-il.
— Ce plat d’agneau a l’air délicieux, murmura-t-elle tandis que Karolyn apportait une autre
assiette.
Del’après-rasage,sedit-il.Sasœursentaitl’après-rasage.
Elleavaitétéavecunmâle.
—Oùas-tupassélasoirée?demanda-t-il.
Ellehésita.
—ChezAudazs.
Ilposasaserviettesurlatableetseleva.Sarageétaitsitotalequ’elleleparalysaitpresque.
—Havers,pourquoipars-tu?
—Commetulevois,j’aifinidedîner.Jetesouhaitedegoûterunreposréparateur.
Elleluisaisitlamain.
—Tunerestespas.
—J’aiquelquechoseàrégler.
—Nuldoutequecelapeutattendre.
Sesyeuxl’imploraient.
—Non,plusmaintenant.
Haverssedirigeaverslevestibule,fierducalmedontilfaisaitpreuve.Ils’efforçadesemaîtriser
encoreplusetsedématérialisa.
Quandilrepritforme,ilfrissonna.
Certainespartiesdelavilleétaientimmondes.Vraimentimmondes.
Laruellequ’ilavaitchoisiejouxtaitl’undesclubs,leScreamer’s.Certainsvampirescivilsqu’il
avait soignés l’avaient informé qu’il s’agissait d’un des lieux de ralliement de la Confrérie. Tandis
qu’ilobservaitleshumainsquifaisaientlaqueuepourentrer,ilcompritpourquoi.C’étaituntroupeau
agressif,quisuaitlaluxure.Ladépravation.
ToutcequelesmembresdelaConfrérierecherchaient.
Haverss’appuyacontrelebâtiment,puisseravisa.Lesbriquesétaientdégoûtantesethumidesde
condensation.Ilimaginaittoutàfaitletypedeculturequiproliféraitdanscettecrasse.
Ilobservalaruelle.Tôtoutard,iltrouveraitcequ’ilcherchait.
Oul’inverse.
M. X verrouilla la porte d’entrée et sortit dans la nuit. Il était satisfait de la façon dont s’était
dérouléelacérémonie.Billyavaiteulechocdesavie,surtoutquandilsutquel’autreoptionétaitde
mourir.Maisilavaitsurvécuàl’initiation.
Mon Dieu, l’expression sur le visage de Billy lorsqu’il avait vu l’Oméga avait été une
récompenseinestimable.Personnenes’attendaitquelemalaitcetteapparence;ilyavaitdequois’y
tromper.Dumoins,jusqu’àcequesonregardseposesurvousetqu’ilvousdonneunavant-goûtde
votrepropremort.
Unepetitegorgéeenattendantledernierverre.
Quandlacérémoniefutterminée,M.XavaitportéBillydanslamaison.Riddlesereposaitdansla
chambred’amis.Enquelquesorte.Ilétaitentraindevomir,cequidureraitquelquesheures,letemps
quelesangdel’Omégaremplaceceluiquicoulaitdepuisdix-huitansdanslesveinesdeBilly.Riddle
avaitaussiuneplaieàlapoitrine.Lablessurecouraitdelagorgeausternum,referméeparledoigt
de l’Oméga. La douleur allait être terrible, au moins jusqu’au matin. Demain à la nuit tombée, en
revanche,ilauraitassezdeforcespoursortir.
M. X monta dans le Hummer et se dirigea vers le sud. Il avait demandé à l’un des escadrons
principaux de surveiller le centre-ville, et il voulait les observer. Il détestait avoir à le reconnaître,
maispeut-êtrequeM.Oavaitraisonàproposdelamotivation.Enoutre,ilvoulaitvoircommentse
comportaitlegroupeensituationdecombat.AveclamortdeM.M,ilsongeaitàincorporerRiddle,
maisilvoulaitsentirladynamiquedel’escadronavantdeprendrelamoindredécision.
Enoutre,Billydevaitêtreévalué.Commeilavaitétésonentraîneurd’artsmartiaux,M.Xavait
confiancedanslesaptitudesaucombatdeRiddle.Maisilsedemandaitcommentlegarçonréagiraità
son premier assassinat. M. X supposait que la réaction prédominante serait l’excitation, mais ne
pouvaitenêtresûr.IlespéraitqueRiddlelerendraitfierdelui.
M.Xsouritetserepritimmédiatement.
IlespéraitqueM.Rlerendraitfierdelui.
Havers sentait l’agitation le gagner. Les noctambules humains ne représentaient aucune menace
pourlui,maisiln’avaitpaslamoindretolérancepourleursvices.Aufonddelaruelle,deuxd’entre
eux se pelotaient et un autre fumait du crack. Entre les gémissements et l’odeur écœurante, Havers
n’avaitqu’unehâte,rentrerchezlui.
—Tiensdonc,envoilàunbeaugosse.
Haverseutunmouvementderecul.Lafemellehumainequisetenaitdevantluiavaitunetenuequi
ne laissait aucun doute quant à son activité, brassière en élasthanne sur les seins et jupe si courte
qu’elleluicouvraitàpeinelesexe.
Unepublicitéambulantepourlapénétration.Haverseneutlachairdepoule.
—Besoindecompagnie?demanda-t-elleensepassantlamainsursonventreetdanssescheveux
courtsetgras.
—Non,merci.(Haverss’enfonçaplusloindanslaruelle.)Mercibeaucoup.Non.
—Beaugosseetgentleman,àcequejevois.
Grandsdieux!Elleétaitsurlepointdeletoucher.
Illevalesmains.Continuaàavancer.Plusils’enfonçaitdansl’allée,pluslamusiqueétaitforte,
carilserapprochaitdelaportedederrièreduclub.
— S’il vous plaît, laissez-moi tranquille, dit-il tandis que démarraient les premières notes d’un
morceaudesplusobscènes.
Soudain,lafemmeblêmitetdécampacommesiellecherchaitàfuirunescènedecrime.
—Bordel,maisqu’est-cequetufousici?
Derrièrelui,lavoixmasculineétaitchargéed’intonationsmauvaises.
Lentement,Haversseretourna.Soncœurcommençaàbattrefort.
—Zadiste.
CHAPITRE47
Kolheravaitdécidéd’ignorerlescoupsfrappésàlaportedesesappartements.Lebrasautourde
latailledesashellane,ilavaitlatêteenfouiedanssoncou.Iln’iraitnullepartsaufsiquelqu’unétaità
demimort.
—Bordel!
Ils’extirpadulit,saisitseslunettesdesoleilet,nu,traversalapièce.
— Kolher, lui fais pas de mal, dit Beth d’un ton amusé. Celui qui vient te déranger ce soir a
probablementunebonneraisondelefaire.
Kolherprituneprofondeinspirationavantd’ouvrirgrandlaporte.
—Tuferaismieuxdepisserlesang…(Ilfronçalessourcils.)Tohr.
—Onaunproblème,Seigneur.
Kolher jura et fit un signe de tête, sans toutefois inviter son frère d’armes à entrer. Beth était
couchée,nue,dansleurlit.
Illuidésignalecouloir.
—Attends-moiici.
Kolherpassaunboxer,embrassaBethetverrouillalachambre.Puisilserenditdanslachambre
deAudazs.
—Qu’est-cequisepasse,monfrère?
Il ne se réjouissait pas de l’interruption ou du quelconque problème dont Tohr souhaitait
l’entretenir.Maisc’étaitunebonnechosequeTohrsoitvenu.Peut-êtrequeleschosescommençaient
às’arrangerentreeux.
Tohrs’appuyacontrelebureaudeD.
—JesuisallérejoindrelesfrèresauScreamer’s.Jesuisarrivétard.
—Ett’asmanquélesébatsdeRhagedansquelquecoinsombre?Queldommage.
—J’aivuHaversdansuneruelle.
Kolherfronçalessourcils.
—Quefabriquaitnotrebondocteurdanscettepartiedelaville?
—IldemandaitàZadistedetetuer.
Kolherrefermadoucementlaporte.
—C’estcequetuasentendu?T’essûr?
—Oui.Ilyavaitbeaucoupd’argentsurlatable.
—Qu’est-cequeZ.arépondu?
— Qu’il le ferait pour rien. Je suis rentré ici tout de suite au cas où il ait décidé d’agir sur-lechamp.Tusaiscommentilest.Ilvapasprendresontemps.
—Ouais,ilestefficace.C’estl’undesespointsforts.
—Etilrestequ’unedemi-heureavantleleverdujour.Pasassezpouragirsaufs’ilsepointedans
lesdixprochainesminutes.
Kolher baissa les yeux, les mains sur les hanches. Selon la loi des vampires, Z. était désormais
passibledelapeinedemortpourmenacecontrelavieduroi.
—Ildevraenrépondredesavie.
SilaConfrérienes’enchargeaitpas,laViergescribeleferait.
Merde,Fhurie.Iln’allaitpasbienprendrelanouvelle.
—ÇarisquedetuerFhurie,murmuraTohr.
—Jesais.
Puis Kolher songea à Marissa. Havers aussi devrait en répondre de sa vie, ce qui risquait
d’anéantirMarissa.
Ilsecoualatête,redoutantd’avoiràtuerquelqu’unqu’elleadoraitaprèstoutcequ’elleavaitdéjà
endurécommeshellane.
—IlfauteninformerlaConfrérie,finit-ilpardire.Jevaislesconvoquer.
Tohrappuyasesmainscontreleborddubureau.
—Écoute,tuveuxqueBethhabiteavecWellsieetmoiletempsquetoutsoitterminé?Ellesera
peut-êtreplusensécuritécheznous.
Kolherlevalatête.
—Merci,Tohr.Jel’enverraichezvousdèslecoucherdusoleil.
Tohrmentacquiesçaetsedirigeaverslaporte.
—Tohr?
Levampireregardapar-dessussonépaule.
—Quoi?
—Avantd’épouserBeth,j’aivraimentregrettécequejet’avaisdit.SurWellsieettoietlelien
entre vous deux. Maintenant… euh, je comprends. Beth est tout pour moi. Elle est même plus
importanteàmesyeuxquelaConfrérie.
Kolhers’éclaircitlavoix,incapabledepoursuivre.
Tohrsedirigeaversluietluitenditlamain.
—Tuespardonné,Seigneur.
Kolhersaisitlamaintendueetpritsonfrèred’armesdanslesbras.Ilssetapèrentvigoureusement
dansledos.
—Ah,oui,Tohr.Ilyaquelquechosequejeveuxquetusaches,maisilfautquetulegardespour
toipourlemoment.UnefoisquelamortdeAudazsseravengée,jeraccroche.
Tohrfronçalessourcils.
—Pardon?
—Jenecombattraiplus.
—Qu’est-cequeturacontes?Turaccrochesettutemetsautricot?(Tohrsepassalamaindans
sescheveuxcourts.)Commentest-cequ’onva…
—JeveuxquetudirigeslaConfrérie.
Tohrrestabouchebée.
—Quoi?
— La Confrérie doit être transformée radicalement. Il faut davantage de centralisation et un
fonctionnementdetypemilitaire.Finislescombatsindividuels.Etpuis,ilfautrecruter.Jeveuxdes
soldats.Jeveuxdesbataillonsentiersdesoldatsetdesinstallationsd’entraînement,lesmeilleuresqui
soient.(Kolherleregardasansciller.)Tuesleseulcapabledemeneràbiencettetâche.Tuesleplus
senséetleplusstabled’entreeux.
Tohrsecoualatête.
—Jepeuxpas…MonDieu,c’estimpossible.Jesuisdésolé…
— C’est pas une requête. Je t’informe de ma décision. Et quand je l’aurai annoncée lors du
premierforum,elleauraforcedeloi.
Tohrlaissaéchapperunchuintement.
—Seigneur?
— Oui. J’ai pas été à la hauteur comme roi. En fait, j’ai jamais assumé la fonction. Mais ça va
changer.Toutvachanger.Onvaconstruireunecivilisation,monfrère.Ouplutôt,lareconstruire.
LesyeuxdeTohrbrillèrent,puisildétournaleregardetsefrottalesyeuxdesonpouce.Comme
siderienétait,commes’ilréagissaitàunelégèreirritation.Ils’éclaircitlavoix.
—Tuaccèdesautrône.
—Oui.
Tohrmitungenouàterre.Etinclinalatête.
— Dieu merci ! S’exclama-t-il d’une voix rauque. Notre espèce va retrouver son unité. Tu vas
nousguider.
Kolher sentit la nausée le gagner. C’était exactement ce dont il ne voulait pas. Il ne pouvait pas
supporterlatragédieinhérenteaufaitd’assumerlaresponsabilitédetantd’individus.Tohrnesavaitil pas qu’il n’était pas assez bien ? Pas assez fort ? Il avait laissé ses parents mourir et avait agi
commeuncouard,noncommeunmâledigne.Qu’est-cequiavaitchangé?
Seulementsoncorps.Passonâme.
Ilvoulaitfuircettecharge,partir…
Tohrfrissonna.
—Nousavonstellementattendu…tellementattenduquetunoussauves.
Kolherfermalesyeux.Lesoulagementdésespérédanslavoixdesonfrèreluidisaitàquelpoint
ilsavaientbesoind’unroi.Àquelpointleurespèceétaitenproieaudésespoir.TantqueKolherétait
vivant,laloinepermettaitàpersonned’autred’assumercettecharge.
Kolher posa une main hésitante sur la tête de Tohr. Le poids de ce qui l’attendait, de ce qui les
attendaittous,étaitimmense.
—Onvasauverl’espèceensemble,murmura-t-il.Tousensemble.
Desheuresplustard,Bethseréveilla,affamée.Ellesedégageadel’étreintedeKolher,passaun
tee-shirtet,par-dessus,lepeignoirdesonépoux.
—Tuvasoù,leelane?
Kolhers’étaitexpriméd’unevoixgraveetdétendue.Elleentenditsonépaulecraquer,commes’il
s’étirait.
Comptetenudunombredefoisqu’illuiavaitfaitl’amour,elleétaitétonnéequ’ilpuissemême
bouger.
—Mechercherquelquechoseàmanger.
—AppelleFritz.
—Ilenafaitassezlanuitdernièreetabienméritéunpeuderepos.J’enaiquepourquelques
instants.
—Beth–letondeKolhers’étaitdurci–ilest17heures.Ilfaitencoresoleil.
Elles’arrêta.
—T’asditquejepourraispeut-êtresortirpendantlajournée.
—Enthéorie,c’estpossible.
—Autantquejem’enassure.
EllesetrouvaitdevantlaportequandKolherapparutdevantelle,leregardféroce.
—Yapasd’urgence.
—C’estrien.Jevaisjuste…
—Tuvasnullepart,grogna-t-il.(Del’agressivitéémanaitdesoncorpspuissant.)Jet’interdisde
quittercettepièce.
Lentement,Bethrefermalabouche.
M’interdire?Ilm’interdit?
Il va falloir tuer cette velléité dans l’œuf, pensa-t-elle en enfonçant son index dans la joue de
Kolher.
—Laisse-moipasser,Kolher,etsupprimecemotdetonvocabulairequandtut’adressesàmoi.
Onabeauêtremariés,ilesthorsdequestionquejemelaissecommandercommeuneenfantpartoi.
Onestd’accord?
Kolherfermalesyeux.Del’inquiétudeselisaitsurlestraitsdursdesonvisage.
—Hé,toutvabien,dit-elleenl’attirantàelle.(Elleluilevalesbraspourqu’illespasseautourde
ses épaules.) Je vais juste au salon. S’il se passe la moindre chose, je redescends immédiatement.
D’accord?
Ils’agrippaàelle,lamaintenantserréetoutcontrelui.
—Jedétesteêtreséparédetoi.
—Tupourraspasmeprotégerdetout.
Denouveau,illaissaéchapperungrognement.
Ellel’embrassasouslementonetmontalesmarchesavantqueladisputerecommence.Arrivée
surlepalier,elles’arrêta,lamainsurletableau.
En bas, elle entendit la sonnerie d’un téléphone portable. Kolher se tenait toujours dans
l’embrasuredelaporteetlaregardait.
Elle poussa le tableau. La lumière troua l’obscurité. En bas, elle l’entendit jurer et refermer la
porte.
Kolherfixasontéléphoneportablejusqu’àcequelasonneries’arrête.
Ilarpentalapièce.S’assitsurlesofa.Arpentaencorelapièce.
Puislaportes’ouvritsurBeth,souriante.
—Jesuisapte!S’exclama-t-elle.
Ilseprécipitaversellepourtouchersapeau,quiétaitfraîcheetsansbrûlures.
—Çabrûlait?T’avaischaud?
—Non.J’aieumalauxyeuxàcausedelalumièredehors…
—Tuessortiedehors?
—Euh,oui.(BethsaisitKolherparlebrasenvoyantquesesgenouxchancelaient.)MonDieu,t’es
toutpâle.Vienst’allonger.
Ilobtempéra.
DouxJésus!Elleétaitsortiedehorsenpleinjour.Enpleinsoleil.Oùjamaisiln’auraitpuallerla
secourir.Aumoins,sielles’étaitcontentéedusalon,ilauraitpuavoirunechance…
Elleauraitpuêtreincinérée.
Desmainsfraîchesécartèrentlescheveuxquiétaienttombésdevantsesyeux.
—Kolher,jevaisbien.
Illaregarda.
—Jecroisquejevaism’évanouir.
—Cequi,surleplanphysiologique,estquasimentimpossible.Parcequetuesallongé.
— Bordel, leelane, je t’aime tellement que je suis mort de trouille à l’idée de ce qui pourrait
t’arriver.
Quandelleposaseslèvressurlessiennes,illasaisitparlanuque,pouréviterqu’ellebouge.
—Jenepourraispasvivresanstoi.
—Tantmieux,carc’estpasleplan.Maintenant,dis-moiuntruc.Commentondit«époux»dans
talangue?
—Hellren,j’imagine.
Denouveau,sontéléphoneportablesonna,cequiluitiraunchuintement.
—Répondspendantquejevaisàlacuisine,dit-elle.Tuveuxquelquechose?
—Toi.
—Tum’asdéjà.
—EtjeremercieDieupourcela.
IlregardaBethquitterl’appartement,laissacourirsonregardsurlebalancementdeseshanches,
et pensa qu’à son retour il voudrait de nouveau la posséder. Il n’en avait jamais assez. Donner du
plaisiràcettefemelleétaitlapremièreaddictiondontilsouffrait.
Ilsaisitletéléphoneportablesanssedonnerlapeinedevérifierlenumérodel’appelant.
—Quoi?
Ilyeutunsilence.
PuislegrognementdeZadisteluirésonnaauxoreilles.
—Alors,onestpasauseptièmeciel?Lemariageapastenusespromesses?
Tiensdonc.Voilàquis’annonçaitintéressant.
—T’asuntrucàmedire,Z.?
—J’aicrucomprendrequetuavaisconvoquélesfrèrestôtcematin.Toussaufmoi.T’aspaumé
monnuméro?Ouais,j’imaginequec’estça.
—Jesaisexactementcommenttejoindre.
Z.laissaéchapperunsoupirdefrustration.
—Tusaisquoi?J’enaivraimentmarred’êtretraitécommeunchien.
—Alorsnetecomportepascommeunchien.
—Vatefairefoutre.
—Tusaisquoi,Z.?Onestarrivésauboutdelaroute,nousdeux.
— Et c’est arrivé comment ? (Z. éclata d’un rire cynique.) Tu sais quoi, laisse tomber. Je m’en
fousetonapasletempsdeseprendrelatête.Tudoisretournerauprèsdetafemelleetmoi,j’appelle
paspourmeplaindred’êtremissurlatouche.
—Pourquoit’appellesalors?
—Ilyauntrucquetudoissavoir.
—Ettucomptesmel’apprendre?ditKolherd’unevoixtraînante.
— Ouais, répondit Z. Le frère de Marissa veut ta tête. Il était prêt à me payer deux millions de
dollarspourlefaire.Àplus.
Ilraccrocha.
Kolherjetaletéléphoneportablesurlelitetsemassalefront.
IlauraitaimécroirequeZ.avaitappelédesonproprechefPeut-êtreavait-ilprisunengagement
qu’ilnevoulaitpastenir.Peut-être,aprèsunbonsiècledetotaleimmoralité,ilavaitenfindécouvert
qu’ilavaituneconscience.
Sicen’estqu’ilavaitattendudesheures,cequisignifiaitqueFhuriel’avaitprobablementtravaillé
au corps. L’avait convaincu de passer aux aveux. Comment Z. aurait-il pu sinon savoir qu’il avait
contactélesfrères?
KolhersaisitsontéléphoneetcomposalenumérodeFhurie.
—Tonjumeauvientd’appeler.
—Ahouais?ditFhurieavecunsoulagementmanifestedanslavoix.
—Tuvaspaspouvoirlesauvercettefois,Fhurie.
—Jeluiaipasditquetuétaisaucourant.Kolher,tudoismecroire.
—Jecroissurtoutquetuferaistoutpourlesauver.
— Écoute-moi. Tu m’as donné un ordre clair, celui de rien dire, et j’ai obéi. Ça m’a été
extrêmementdifficile,maisj’aitenumalangue.Z.t’acontactédesapropreinitiative.
—Alorscommentilpouvaitsavoirquej’avaisconvoquélesautres?
—Montéléphoneasonnéetpaslesien.Iladeviné.Kolherfermalesyeux.
—Jedoisl’éliminer,tulesais.LaViergescriben’enexigerapasmoinspoursatrahison.
—Qu’est-cequ’ilypeut,s’ilaétéapproché?Ilt’aditcequis’étaitpassé.Siquelqu’unméritede
mourir,c’estHavers.
— Et il mourra. Mais ton jumeau a accepté un contrat pour me tuer. S’il l’a fait une fois, il est
capabledelerefaire.Etlaprochainefois,ilviendrapasmetrouveraprèsquetul’aurasconvaincude
lefaire.
—Surmonhonneur,ilt’acontactédesapropreinitiative.
—Fhurie,j’aimeraisvraimenttecroire.Maistuasdéjàétécapabledet’estropierunefoispourle
sauver.Dèsqu’ils’agitdetonjumeau,tuescapabledefaireetdediren’importequoi.
LavoixdeFhuriefutsaisiedetressaillements.
—Faispasça,Kolher.Jet’ensupplie.Z.s’estaméliorédernièrement.
—Etcesfemmesmortes?
— Tu sais que c’est la seule façon dont il se nourrit. Il doit bien rester en vie. Et, malgré les
rumeurs,ilajamaistuéavantleshumainesdontilsenourrit.Jesaispascequiestarrivéàcesdeux
prostituées.
Kolherjura.
—Seigneur,ilneméritepasdemourirpourquelquechosequ’iln’apasfait.Cen’estpasjuste.
Kolherfermalesyeux,avantdedéclarer:
—Amène-leavectoicesoir.Jeluidonnerail’occasiondes’expliquerdevantlaConfrérie.
—Merci,Seigneur.
—Meremerciepas.Lefaitqu’ilparlegarantitpasqu’ilauralaviesauve.
Kolherraccrocha.
Cen’étaitpaspourZadistequ’illefaisait,maispourFhurie.LaConfrérieavaitbesoindelui,et
Kolheravaitlesentimentqueleguerrierneresteraitques’ilpensaitquesonjumeauavaitététraitéde
façonjuste.Mêmedanscecas,riennegarantissaitqu’ilneprendraitpassescliquesetsesclaques.
KolhersongeaàZadisteetinvoqual’imageduguerrierdanssonesprit.
Havers avait choisi le bon assassin. Il était de notoriété publique que Z. n’était lié à rien ni
personne,etlebondocteuravaitraisondesupposerqueleguerriern’auraitaucuncasdeconscience
s’ils’agissaitdetrahirlaConfrérie.Touslesobservateurss’accordaientaussiàdirequeZ.comptait
parmilesraresmâlesdelaplanèteassezviolentspourtuerKolher.
Pourtant, quelque chose clochait. Z. se foutait des biens matériels. Comme esclave, il n’avait
jamais rien eu à lui. Comme guerrier, il n’en avait jamais voulu. Il était difficile de croire que
l’argentpuisseexercersurluiunemotivationaussipuissante.
Maislàencore,ilétaittoutàfaitcapabledetuerpourl’amusement.
Kolhers’immobilisaquandsesnarinescommencèrentàlechatouiller.
Sourcils froncés, il se dirigea vers l’un des systèmes de ventilation qui rafraîchissaient ses
appartements.Ilprituneprofondeinspiration.
Unéradiqueursetrouvaitsurlapropriété.
Celui-làmêmequiétaitauvolantduHummerdevantlademeuredeBillyRiddle.
Bethplaçaunetranchedefiletmignonetunpeudesauceauraifortentredeuxtranchesdepain.
Ellemorditdedansavecappétit;c’étaitmerveilleux,mêmelanourritureavaitmeilleurgoût.
Pendantqu’ellemastiquait,elleregardaitparlafenêtredelacuisineetavaitfixésonregardsurun
érable.Sesfeuillesvertsombreétaienttotalementimmobiles.Commeécraséesparlachaleur.Iln’y
avaitpaslamoindrebrise,commesil’airlui-mêmeétaitépuiséparlachaleur.
Non,quelquechosesedéplaçait.
Un homme émergea la haie. Il venait de la propriété voisine. Beth sentit sur sa peau comme un
frémissementd’avertissement.
Cequiétaitridicule.Letypeportaitunecombinaisondelacompagniedugazetdel’électricitéde
Caldwell et avait un bloc-notes à la main. Il n’avait pas l’air particulièrement menaçant, avec ses
cheveux pâles et son allure détendue. Il était massif, mais se déplaçait tranquillement. Encore un
employéchargédereleverlescompteursqui,aveccettechaleur,auraitvolontierstroquésonposte
contreunemploidebureau.
Letéléphonemuralsonna.Bethsursauta.
Elledécrocha,sansquitterl’hommeduregard.Ils’arrêtaquandill’aperçut.
—Allô?dit-elledanslecombiné.
Letypedugazseremitàavancer;ilsedirigeaitverslaportedufond.
—Beth,redescendsimmédiatement,aboyaKolher.
Au même instant, l’employé du gaz jeta un œil à travers la porte vitrée de la cuisine. Leurs
regardssecroisèrent.Ilsouritetlevalamain.
Bethsentitdesfrissonsluiparcourirlapeau.
Iln’estpasvivant,pensa-t-elle.
Ellenesavaitpastropcommentellelesavait;ellelesavait,c’esttout.
Il y eut un fracas quand la porte du fond vola en éclats, puis Beth entendit un bruit sec. Une
aiguillelatouchaàl’épaule.Puiselleressentituneautrepiqûre.
Soncorpscommençaàs’engourdir.
Elles’effondratêtelapremièrecontrelelinoléum.
KolherhurlaquandilentenditBethheurterlesol.Ilmontal’escalierquatreàquatreets’élança
danslesalon.
Lesoleilluibrûlalapeaucommedel’acide,leforçantàsereplierdansl’obscurité.Ilredescendit
danssesappartements,décrochaletéléphoneetappelaenhaut.Illaissasonner.Encoreetencore.
Haletant, il respirait vite, la poitrine agitée de spasmes. Piégé. Il était piégé. Piégé au sous-sol
tandisqu’elle…
Ilhurlasonnom.
Ilsentaitl’auradeBeths’affaiblir.Elleétaitemmenéeloind’ici,loindelui.
Une furie dévastatrice le gagna, qui fissura le miroir de la salle de bains dans une suite de
craquementssinistres.Fritzfinitpardécrocher.
—Onaétécambriolés.Butchest…
—Passez-moileflic!hurlaKolher.
Uninstantplustard,Butchpritlecombiné.Ilétaitàboutdesouffle.
—J’aipaspuattraperletype…
—T’asvuBeth?
—Elleestpasavectoi?
UnnouveauhurlementdéchiralapoitrinedeKolher.Ilnepouvaitrienfaire,piégéparlesoleil
quiinondaitlaterreau-dessusdelui.
Il s’efforça de prendre une profonde inspiration. Mais ne réussit qu’à aspirer une petite goulée
d’airavantdehaleterdenouveau.
—Leflic,j’aibesoindetoi.J’aibesoin…detoi.
CHAPITRE48
MXn’encroyaitpassesyeux.
Iln’enrevenaitpas.
Ilavaitlareine.Ilavaitenlevélareine.
C’était la chance de toute une vie. Et tout s’était passé si tranquillement, comme si c’était dans
l’ordredeschoses.
Au départ, il ne s’agissait que d’une simple opération de surveillance. C’était une pure
coïncidencequel’adressequelevampireluiavaitdonnéelanuitdernièredanslaruellesoitlamême
que celle du vampire qu’il avait fait sauter dans sa voiture. Après tout, pourquoi le Roi aveugle
habiterait-ildanslamaisond’unguerrierdécédé?
Supposant qu’il s’agissait d’un piège, M. X avait fait le plein d’armes et s’était rendu avant la
tombéedelanuitàlademeuredeAudazs.Ilvoulaitsurveillerlesalléesetvenues,voirsilesfenêtres
étaientoccultéesetvérifierlesvoituresdansl’allée.
C’estalorsqu’ilavaitaperçulafemmeauxcheveuxnoirsdanslacuisine.Lerubisdesténèbresà
sondoigt.L’anneaudelareine.
M. X ne comprenait pas pourquoi elle pouvait s’exposer ainsi à la lumière du jour. Sauf si elle
étaitàdemihumaine.Maisquellesétaientlesprobabilités?
Quoi qu’il en soit, il n’avait pas hésité un seul instant. Alors même qu’il n’avait pas envisagé
d’infiltrerlelieu,ilavaitcassélaporteetavaitététoutàlafoissurprisetsatisfaitquandlesystème
d’alarmenes’étaitpasdéclenché.Lafemmeavaitétérapide,maispasassez,etlesfléchettesavaient
fonctionnéparfaitementmaintenantqu’ilavaittrouvélebondosage.
M.Xjetaunregardpar-dessussonépaule.
Lareinegisaitsansconnaissancesurleplancherduminivan.
La nuit promettait d’être intense. Nul doute que son mâle viendrait à sa rescousse. Et comme le
sang du Roi aveugle coulait probablement dans ses veines, celui-ci serait à même de retrouver sa
compagnequelquesoitl’endroitoùM.Xlaconduirait.
Dieumerci,ilfaisaitencorejour,cequiluilaissaitletempsdeconsolidersagrange.
Ilétaittentéd’appelerdesrenforts.Mêmes’ilavaitconfianceensesaptitudes,ilsavaitdequoile
Roi aveugle était capable. Propriété détruite, maison et grange rasées, et tout ce qui se trouvait à
l’intérieur.Aubasmot.
Le problème était que, si M. X appelait des renforts, il devrait abandonner sa réputation
d’infaillibilité.
Enoutre,ilavaitsanouvellerecrue.
Non,ilsedébrouilleraitsansrenforts.Toutcequirespiraitpouvaitêtretué,mêmeceguerrier.Et
M.Xétaitprêtàparierque,aveclafemelleenotage,lerapportdeforceétaitensafaveur.
Nuldoutequeleroin’hésiteraitpasàprendrelaplacedesareine.
M.Xgloussa.M.Rallaitavoirunepremièrenuitqu’iln’oublieraitpasdesitôt.
Butchremontaquatreàquatrejusqu’àlachambred’amisoùViszsetluiavaientdormi.
V. faisait les cent pas, piégé au deuxième étage car il lui était impossible de descendre sans
s’exposer à la lumière. Manifestement, la fonction de la demeure était avant tout résidentielle ; elle
n’étaitpaspenséepourfaireofficedequartiergénéral.
Ensituationd’urgencecommemaintenant,cettefailleétaittragique.
—Qu’est-cequisepasse?demandaV.
—TonpoteKolherestdanstoussesétats,maisilaréussiàmeparlerdutypedansleHummer
quevousavezvulanuitdernière.Cetyperessembleàuninstructeurquej’airencontréilyaquelques
joursdansuneacadémied’artsmartiaux.Jem’yrendstoutdesuite.
Butchpritlesclésdelavoiturebanalisée.
—Prendsça.
Viszsluilançaquelquechose.
D’unemain,Butchattrapalepistolet.Envérifialebarillet.LeBerettaétaitchargé,maisavecdes
ballesqu’iln’avaitjamaisvuesauparavant.
—C’estquoi,cesballes?
Elles étaient noires, au bout transparent, et brillantes comme si elles étaient emplies d’une
substancehuileuse.
—C’estpasunhumainquetutraques,leflic.Sil’undeceséradiqueurss’approchedetoi,tului
tiresenpleinepoitrine.Compris?Faispasdedétail,mêmeenpleinjour.Viselecœur.
Butch releva la tête. S’il prenait ce revolver, il franchissait la ligne, il le savait. Il basculait de
l’autrecôté.
—Commentjepeuxlesreconnaître,V.?
—Ilsdégagentuneodeuracidulée,detalcpourbébé,etilsvoientàtraverstoi,directementdans
ton âme. En général, ils ont les cheveux et les yeux clairs et sont assez pâles de peau, mais pas
toujours.
Butchplaçalesemi-automatiquedanssaceinture.Etenterradéfinitivementsonanciennevie.
Bizarrement,ladécisionavaitétéfacileàprendre.
—Toutestclair,leflic?
Viszsluiadministraunetapesurlebras.
—Ouais.
AlorsqueButchfonçaitverslaporte,V.ditquelquesmotsdansunelangueétrangère.
—Quoi?demandaButch.
—Visebien,d’accord?
—J’aiencorejamaisratéunecible.
CHAPITRE49
Marissamouraitd’impatiencederevoirButch.Toutelajournée,ellen’avaitfaitquepenseràlui
etlemomentétaitenfinvenudelerejoindre.
Mêmesielleétaitpressée,ellevoulaitprendreletempsdediscuteravecHavers.Elleavaitattendu
sonretourlanuitprécédenteetpasséletempsenaidantlesinfirmièresdelacliniquepuisenlisant
dans sa chambre. Lassée d’attendre, elle avait décidé de lui laisser un mot sur son lit, où elle lui
demandaitdevenirlatrouverdèssonretour.Cequ’iln’avaitpasfait.
Cesdifficultésdecommunicationavaientassezduré.
Elle se dirigea vers la porte de sa chambre et fut surprise de ne pas parvenir à l’ouvrir. Elle
fronçalessourcils.Impossibled’actionnerlapoignée.Denouveau,Marissaessaya,mobilisanttoutes
sesforcespourmanœuvrerlapoignéedecuivre.Laporteétaitsoitcoincée,soitverrouillée.
Lesmursdesachambreétaientfaitsd’acier,desortequ’ellenepouvaitsedématérialiser.
—Hé!appela-t-elle.(Ellecognacontrelaporte.)Hé,venezm’ouvrir!Havers!Ilyaquelqu’un?
Laissez-moisortir!
Ellefinitparabandonner.Unesensationdefroidluienserralapoitrine.
Dèsqu’ellesetut,lavoixdeHaverssefitentendre,commes’ilétaitrestéàattendretoutcetemps
derrièrelaporte.
—Jeregrettequenousensoyonsarrivéslà.
—Havers,qu’est-cequetufais?dit-elleàtraverslaporte.
—Jen’aipaslechoix.Jenepeuxpastelaisserlerejoindre.
Elles’efforçadeparlerd’unevoixclaireetforte.
—Havers,écoute-moi.Cen’estpasKolherquejesuisalléevoir.Kolhervientdesemarieravec
quelqu’un qu’il aime, et je ne ressens envers lui aucune animosité. J’ai… rencontré un mâle.
Quelqu’unquej’apprécie.Quelqu’unquiveutdemoi.
Ilyeutunlongsilence.
—Havers?(Ellecognacontrelaporteavecsonpoing.)Havers!Tuasentenducequejeviensde
dire?Kolherestmarié,etjeluiaipardonné.Jen’étaispasaveclui.
Quandfinalementsonfrèrepritlaparole,ils’exprimad’unevoixétranglée.
—Pourquoitunem’asriendit?
—Tunem’enaspaslaissél’occasion!Çafaitdeuxnuitsquej’essaie.(Denouveau,ellecogna
contrelaporte.)Maintenantlaisse-moisortir.J’airendez-vousavec…quelqu’unchezAudazs.
Haversmurmuraquelquechosed’inaudible.
—Quoi?dit-elle.Qu’est-cequetuasdit?
—Jenepeuxpastelaisseryaller.
Quandl’angoissequ’ellepercevaitdanslavoixdesonfrèrepritlepassursaproprecolère,elle
sentitcommeunfrissonprémonitoireàlabasedelanuque.
—Pourquoi?
—Tuneseraisplusensécuritédanscettemaison.Je…oh,monDieu!
Marissaappuyasesmainscontrelaporte.
—Havers,qu’est-cequetuasfait?
Seullesilenceluirépondit.
—Havers,dis-le-moi!
Bethsentitunedouleurintenseauvisage.Quelqu’unvenaitdelagifler.
Sonnée, elle ouvrit les yeux. Elle se trouvait dans une grange. Maintenue sur une table par des
braceletsmétalliquesàsespoignetsetseschevilles.
BillyRiddlesetenaitau-dessusd’elle.
—Réveille-toi,salope.
Bethsedébattit,essayantdesedégager.LesyeuxdeRiddles’attardèrentsursesseins;unrictusse
dessinasursabouche.
—M.R?(Uneautrevoixmasculine.)Vousvoussouvenezquevousnefaitesplusdansleviol.
— Ouais, je sais. (Le regard de Billy se fit plus menaçant.) Quand j’y pense, j’ai envie de la
frapper.
L’homme aux cheveux blonds qui l’avait enlevée apparut dans son champ de vision. Il avait un
fusildechassesurchaqueépaule,canonpointésurelle.
—Jetelaisserailatuer,qu’endis-tu?Elleseratapremièrevictime.
Billysourit.
—Merci,sensei.
Leblondsetournaverslesdoublesportesdelagrange.Ellesétaientgrandesouvertessurleciel
quis’assombrissait.
—M.R.,nousdevonsresterconcentrés,déclara-t-il.Jeveuxquecesrevolverssoientchargéset
placéssurcetétabliavecdescartouchesdemunition.Ilnousfautaussipréparerdescouteaux.Tuiras
aussi chercher le jerrican d’essence dans le garage ainsi que la torche au butane qui est à côté du
Hummer.
BillygifladenouveauBeth.Puisobtempéra.
Peuàpeu,Bethrevenaitàelle.Elleétaitencoresousl’effetdesdrogues,quienveloppaienttout
commedansunrêve,maisàchaquerespirationlebrouillardsedissipait.Etellereprenaitdesforces.
La violence qui animait Kolher était si intense que du givre se forma sur les murs de son
appartement;sonsouffleformaitdesnuagesdanslapiècerefroidie.Lesbougiestremblotaientdans
l’airdense,sansleréchauffer.
Kolher avait toujours su qu’il était capable de ressentir une rage aussi puissante. Mais ce qu’il
feraitàceuxquiavaientenlevéBethseraitconsignédansleslivresd’histoire.
Onfrappaàlaporte.
—Kolher?
C’était le flic. Kolher ouvrit la porte par le jeu de sa volonté. L’humain sembla quelque peu
décontenancéparlatempératurequirégnaitdanslapièce.
—Je…euh,jemesuisrenduàl’académiedesartsmartiauxdeCaldwell.Letypes’appelleJoseph
Xavier.Personnenel’avudelajournée.Ilaappeléets’estfaitremplacerpoursescours.Onm’a
donnésonadresse,alorsj’ysuisallé.Unemaisonàl’ouestdelaville.J’ysuisentrépareffraction.
Tout était propre et net. Trop propre. Rien dans le frigo ni dans le garage. Pas de courrier ni de
magazines.Pasdedentifricedanslasalledebains.Pasdepreuvenonplusd’undépartencatastrophe.
Lamaisonestpeut-êtreàlui,maisilyhabitepas.
Kolheravaittouteslespeinesdumondeàseconcentrer.Toutceàquoiilpensait,c’étaitsortirde
cetrouàratetpartiràlarecherchedeBeth.Unefoisdehors,ilsauraitlalocaliser.LesangdeKolher
quicoulaitdésormaisdanslesveinesdeBethétaitcommeunepucedeGPS.Ilpourraitlatrouveroù
qu’ellesoitsurTerre.
Ilsaisitsontéléphoneetcomposaunnuméro.Butchesquissaunmouvementpourpartir.
—Reste,luiditKolher.
Leflics’installasurlesofaencuir,lesyeuxenalerte,lecorpsimmobile.Prêtàtout.
LorsquelavoixdeTohrmentsefitentendre,Kolherdonnasesordres.
—Cesoir,à22heures,lesfrèresettoivousirezàl’académiedesartsmartiauxdeCaldwell.Vous
vous y introduirez et conduirez une fouille en règle. Puis vous déclencherez le système d’alarme.
Vous attendrez l’arrivée des éradiqueurs, puis vous les massacrerez un à un, avant d’incendier le
bâtiment.Tum’ascompris?Descendres,Tohr.Jeveuxquel’endroitsoitréduitencendres.
Iln’yeutaucunehésitationàl’autreboutdufil.
—Oui,Seigneur.
— Tu surveilleras Zadiste. Fais en sorte de le garder à tes côtés tout le temps, même si tu dois
l’enchaîner. (Kolher lança un regard à Butch.) Le flic va surveiller le bâtiment dès maintenant
jusqu’aucoucherdusoleil.S’ilremarquequelquechosed’important,ilt’appellera.
Butchacquiesça;ilétaitdéjàsursespiedsetsedirigeaitverslaporte.
—Çamarchepourmoi,dit-ilpar-dessussonépaule.Auboutdelaligne,Tohrrestaitsilencieux.
—Tuveuxqu’ont’aideàretrouver…ajouta-t-ilauboutdequelquesinstants.
—Jem’occuperaiseuldenotrereine.
CHAPITRE50
Dans l’heure qui suivit, Beth observa ses deux ravisseurs se démener pour tout mettre en place
commes’ilsétaientpersuadésqueKolherallaitarriverd’uneminuteàl’autre.Maiscommentcelui-ci
aurait-ilbienpusavoiroùelleétaitretenuecaptive?Cen’étaitpascommesileblondavaitlaisséun
mot!Entoutcas,pasàsaconnaissance.
Denouveau,elletirasurlesbraceletsmétalliquespourregarderdanslagrange.Dehors,lesoleil
secouchaitetlesombress’allongeaientsurl’herbeetlegravierdel’allée.AvantqueBillyreferme
lesdoublesportes,elleaperçutunedernièrefoislecielquis’assombrissait.Riddleactionnaensuite
touteunesériedeverrous.
Kolhersemettraitàsarecherche.Ellen’avaitpaslemoindredoutelà-dessus.Maisilluifaudrait
probablementdesheurespourlaretrouver,etellen’étaitpassûrededisposerdetantdetemps.Billy
Riddle la fixait avec tant de haine qu’elle était convaincue que, tôt ou tard, il ne pourrait plus se
contrôler.Etplustôtquetard.
— On a plus qu’à attendre, déclara le blond en regardant sa montre. Ce qui ne devrait pas être
long.Jeveuxquetusoisarmé.Metsunrevolveràtaceintureetattacheuncouteauàtacheville.
Billyétaittropheureuxdesemettreenmouvement;quantauxarmes,iln’avaitquel’embarrasdu
choix.Ilyavaitassezdessemi-automatiques,defusilsdechasseetdecouteauxpouréquipertoutun
bataillon.
Iloptapouruncouteaudechassed’unequinzainedecentimètresetseretournaverslacaptive.
Beth,quiavaitlesmainsmoites,sentitlasueurcoulersursespaumes.
Riddles’avança.
Bethfronçalessourcilsetdirigeasonregardversladroite.Commelesdeuxautres.Quelétaitce
bruit?
Unesortedegrondement.Letonnerre?Untrain?
Quelquesoitcebruit,ilnecessaitdes’amplifier.
PuisBethentenditunautrebruit,pluscurieux,commeuncarillon.Elleregardadanslagrange.
Surl’établioùétaientplacéeslesmunitions,lesballesremuaientetseheurtaientlesunescontreles
autres.
Billyregardasonchef.
—Putain,maisqu’est-cequec’est?
L’hommepritunerespirationprofondetandisquelatempératurebaissaitd’unebonnetrentainede
degrés.
—Prépare-toi,Billy.
Désormais,lebruitétaitdevenuungrondement.Lagrangetremblaitviolemment,delapoussière
tombaitdeschevrons,commeuneneigefinequiemplissaitl’air.
Billycherchaàseprotégerlatête.
Les portes de la grange volèrent en éclats, comme aspirées par un souffle glacé de furie. Le
bâtimententiervacillasouslaforcedel’impact,poutresetplanchesdisjointes.
Kolhersetenaitdansl’embrasuredelaporte,l’airautourdeluilourddevengeance,demenaceet
depromessedemort.Bethsentitsonregardseposersurelle,puisunhurlementguerriertroual’air,
sisonorequ’illuivrillalesoreilles.
Decemoment-là,Kolherpritledessus.
Dans un mouvement si rapide que Beth ne parvint pas à le suivre des yeux, Kolher se campa
devantleblondetlecoinçacontrelaported’unestalle.Leblondnefutpasmêmesurprisetdécochaà
Kolherunuppercutdanslamâchoire.Lesdeuxhommesselancèrentdansuncorpsàcorpsacharné,
heurtantlesmurs,brisantlesfenêtres,cassantlestables.Endépitdeleursarmes,ilsenrestèrentau
combatàmainnue,levisagemauvais,leslèvresretroussées,utilisantleurcorpsmassifcommeune
armequiinfligeaitetaccusaitlescoups.
Bethnevoulaitpasregarder,maisneparvenaitpasàdétournerleregard.
Surtout au moment où Billy s’empara d’un couteau et s’apprêta à frapper Kolher dans le dos.
Kolherpivotaetsedégagea,projetantBillydansl’air.LecorpsdeRiddleallaatterriràl’autrebout
delagrange,surunepiled’armes.
Billy,sonné,eutquelquesdifficultésàseremettredebout,lesangluiinondantlevisage.
Kolher accusait les coups violents sans céder le moindre pouce de terrain. Il réussit à tenir à
distance le blond le temps nécessaire pour ouvrir l’un des bracelets qui maintenaient le poignet de
Beth.Celle-cis’affairaensuiteauprèsdudeuxièmeetlibérasonautremain.
—Leschiens!Lâcheleschiens,hurlaleblond.
Billysortitdelagrangeentitubant.L’instantd’après,deuxpitbullsarrivèrentàfonddetrain.
Ils se jetèrent immédiatement sur les chevilles de Kolher, juste au moment où le blond tirait un
couteau.
Bethselibéradesbraceletsquienserraientseschevillesetsautadelatable.
—Fuis!luihurlaKolherensedégageantduchienquiluiavaitagrippélajambetoutenbloquant
uncoupdepoingauvisage.
C’est ce qu’on va voir, pensa-t-elle en s’emparant de la première chose qui lui tombait sous la
main.C’étaitunmarteauàpannesphérique.
Beth attaqua le blond au moment où Kolher perdait l’équilibre et tombait. Elle leva le marteau
aussihautqu’elleleput,enymettanttoutesaforce.Avantdel’abattresurlanuquedublond.
Ilyeutlecraquementd’unosbriséetdusanggicla.C’estalorsqu’undeschiensplantasescrocs
danslacuissedeBeth.
Bethpoussaunhurlementquandlescrocsacérésluidéchirèrentlapeauets’enfoncèrentdanssa
chair.
Kolhersedégageaducorpsdel’éradiqueuretbonditsursespieds.
L’un des chiens était après Beth, la mâchoire serrée autour de sa cuisse. La bête tentait de
l’entraîner au sol pour la mordre à la gorge. Si Kolher tentait de dégager Beth, l’animal lui
déchiquetteraitprobablementlacuisse.
Les paroles de Viszs lui revinrent en mémoire : deux gardes torturés se battront l’un contre
l’autre.
Kolhersedégageaduchienquil’avaitsaisiàlachevilleetleprojetaversceluiquiattaquaitBeth.
Lesecondanimalforçalepremieràlâchersaproieetlesdeuxbêtess’enprirentl’uneàl’autre.
KolherseprécipitatandisqueBethtombaitàterre.Ellesaignait.
—Beth…
Uncoupdefusilrésonnadansl’air.
Kolher entendit un sifflement puis sentit sa nuque le brûler comme s’il venait d’être touché par
unetorche.
BethsemitàhurlerenvoyantKolherseretournerbrusquement.BillyRiddlereplaçalefusilde
chassesursonépaule.
LahainequisaisitKolherluifitoubliertoutlereste.Ilfonçaendirectiondelanouvellerecrue,
sansmêmes’arrêterquandlefusilpointaitdirectementsursapoitrine.Billyarmalechien;Kolherfit
unbonddecôtéavantdeplongerausol.Ilsaisitlecoudel’éradiqueurentresesdentsetlesectionna.
PuisilfrappalatêtedeBillyausoljusqu’àcequ’elleexplose.
Kolherfitvolte-facepourretournerauprèsdeBeth.Maistombaàgenoux.
Troublé,ilregardasoncorps.Ilavaituntroudelatailled’unmelondansleventre.
—Kolher!hurlaBeth.(Elles’approchadeluienclaudiquant.)
—Jesuis…touché,leelane.
—Oh,monDieu.(Elleôtalepeignoirquirecouvraitsoncorpsetl’appuyacontrelaplaie.)Où
esttontéléphone?
Illevafaiblementlamaintandisqu’ilseretournaitsurlecôté.
—Poche.
Beths’emparadutéléphoneetcomposalenumérodelamaison.
—Butch?Butch!Ausecours!Kolherestblessé.Auventre.Jesaispasoùonest…
—Route22,murmuraKolher.UnranchavecunHummernoirgarédevant.
BethrépétalesindicationsdeKolher,sanscesserd’appuyerlepeignoircontrelablessure.
—Onestdanslagrange.Faisvite!Ilperdbeaucoupdesang.
Ungrondementsourdluiparvintdelagauche.
Kolher et Beth regardèrent dans la direction d’où venait le bruit. Le pitbull encore en vie,
ensanglantémaistoujoursenragé,fonçaitdansleurdirection.
Bethn’hésitapasuneseconde.Elletiradesonétuil’unedesdaguesdeKolherets’accroupit.
—Amène-toi,Butch.Toutdesuite.(Elleraccrochaetjetaletéléphoneàterre.)Approche,saleté
decabot.Approche!
Lechiendécrivaitdescerclesautourd’eux;Kolhersesentaitobservé.Labêteenavaitaprèslui,
peut-êtreparcequ’ilperdaitbeaucoupdesang.Beth,brasécartés,calaitsesmouvementssurceuxdu
chien.
Ellesemitàparleràlabête.
—C’estluiquetuveux?Ilvafalloirmepassersurlecorps.
Lechienbonditsurelleet,commesielleavaitétéentraînéeàtuer,Bethsebaissaetplongeala
lamedanslepoitraildel’animal.Labêtefuttuéesurlecoup.
BethlaissalecouteauenplaceetretournaauprèsdeKolher.Elletremblaitdetoussesmembres,
lesmainsagitéesdesecoussestandisqu’elleremettaitenplacelegarrotdefortune.
—Çafaitpasmal,murmura-t-ilquandileutcaptél’odeurdeseslarmes.
—Oh,Kolher.(Elleluisaisitlamainetlaserradetoutessesforces.)T’esenétatdechoc.
—Ouais,possible.J’arrivepasàtevoir.Oùtues?
—Ici.(EllelevalesdoigtsdeKolherverssonvisage.)Tupeuxmesentir?
Àpeine,maissuffisammentpourqu’ils’accroche.
—J’aimeraisquetusoisenceinte,dit-ild’unevoixrauque.Jeveuxpasqueturestesseule.
—Tais-toi!
—DemandeàTohretàWellsied’habiterchezeux.
—Non.
—Promets-le-moi.
—Pasquestion,répliqua-t-ellefièrement.Tunevasnullepart.
Commeellesetrompait,songea-t-il.Déjà,ilpouvaitsentirqu’ils’enallait.
—Jet’aime,maleelane.
Bethsemitàsangloter.Seslarmesétoufféesfurentlederniersonqu’ilentendittandisqu’illuttait
contrelavaguequil’emporta.
Bethnelevapaslesyeux,qu’ellegardaitrivéssurKolher,quandletéléphonesonna.
—Kolher,répétait-elle.Kolher…
Elle colla son oreille contre la poitrine de son époux. Son cœur continuait à battre, mais
faiblement,etilrespiraitencore,lentement.Elleauraittantvoulul’aider,maisellenepouvaitpaslui
fairedemassagecardiaque.Pastantqu’iln’étaitpasenarrêt.
—Oh,monDieu…
Letéléphonecontinuaitàsonner.
Ellelepritsurlesolcrasseux,enessayantd’ignorerlamaredesangquis’étaitforméeautourdu
corpsdeKolher.
—Quoi?
— Beth ! C’est Butch. Je suis avec V. On sera là dans un petit instant, mais V doit d’abord te
parler.
Ilyeutungrésillementdanslefond,commesiunmoteurdevoiturehurlait.
Viszss’exprimaavecintensité.
—Beth,voilàcequevousallezfaire.Vousavezuncouteau?
Bethregardal’autredaguequeKolheravaitencoresurlui.
—Oui.
Prenez-le. Je veux que vous pratiquiez une incision dans votre poignet. Pratiquez une incision
longitudinaleetnontransversale,sinonvousneferiezquetoucherl’os.Puisposezvotrepoignetsur
seslèvres.C’estsameilleurechancedesurvivrejusqu’àcequenouspuissionslesecourir.(Ilyeut
unepause.)Posezletéléphoneetprenezlecouteau.Jevaiscontinueràvousparler.
BethsortitladagueduholsterdeKolher.Ellen’hésitapasunesecondelorsqu’illuifallutentailler
sonpoignet.Ellegrimaçadedouleur,sanss’yattarder,tandisqu’elleportaitsonpoignetgaucheàla
bouchedeKolher.Desamainlibre,ellerepritletéléphone.
—Ilboitpas.
—Vousvousêtesdéjàentaillée?Parfait.
—Il…avalepas.
—Espéronsqu’unpeudesangluicoulequandmêmedanslagorge.
—Ilestaussiblesséàcetendroit.
—MonDieu…j’arriveaussivitequepossible.
ButchaperçutleHummer.
—Là-bas!
Viszscoupaparlapelouse.Lesdeuxhommesbondirenthorsduvéhiculeetseprécipitèrentvers
lagrange.
Àl’intérieur,Butchn’encrutpassesyeux.Deuxchiensmassacrés.Dusangpartout.Unseulvrai
cadavre.MonDieu,c’étaitBillyRiddle.
PuisilaperçutBeth.
Elleportaitunlongtee-shirtcouvertdesangetdesaleté.ElleétaitagenouilléeauprèsdeKolher,
le poignet posé sur les lèvres de son mari, ses yeux étaient paniqués. Lorsqu’elle les aperçut, elle
chuintaetlevaladague,prêteàcombattre.
Viszss’avança,maisButchluibarralechemin.
—Laisse-moifaire.
Lentement,Butchs’approchad’elle.
—Beth?Beth,tunousreconnais?
Maisplusils’approchaitdeKolher,pluslesyeuxdeBethsemblaientenproieàlafolie.
Elleretirasonpoignetdelabouchedesonépoux,prêteàledéfendre.
—Toutdoux,baby.Onluiferaaucunmal.Beth,c’estmoi.
Elleclignadesyeux.
—Butch?
—Oui,bébé.C’estmoi,etViszs.
Ellelâchaladagueetéclataensanglots.
— Tout va bien, tout va bien. (Il tenta de la prendre dans ses bras, mais elle se laissa tomber à
terreauxcôtésdeKolher.)Non,baby,laisseV.l’examiner.Çaneprendraqu’uneminute.
Elle se laissa attirer à l’écart. Butch déchira sa chemise et l’enroula autour de la taille de Beth,
puisilfitunsignedetêteàV.
Viszs se baissa pour examiner Kolher. Quand il releva la tête, il avait les lèvres pincées et la
mâchoirecontractée.
Denouveau,Beths’agenouillaauprèsdeKolheretposasonpoignetcontresabouche.
—Ilvaseremettre,hein?Onvaleconduireauprèsd’unmédecin.Àl’hôpital.Hein,Viszs,hein?
Ledésespoirrendaitsavoixsuraiguë.
Puissoudain,ilsnefurentplusseuls.
Marissasematérialisa,accompagnéed’unhommeauregardpaniqué.
L’hommes’approchadeKolheretsoulevaletissuimprégnédesang.
—Ilfautleconduireàmasalled’opération.
—Mavoitureestdevantsurlapelouse,réponditV.Jereviendraifiniriciquandilseraensécurité.
L’hommeexaminalablessureaucouetlaissaéchapperunjuron.IlregardaBeth.
—Votresangn’estpasassezfort.Marissa,viensparlà.
Bethretenaitseslarmestandisqu’elleôtaitsonpoignetdelabouchedeKolher.Elleregardala
femmeblonde.Marissahésitait.
— Vous êtes d’accord pour que je lui donne mon sang ? Beth lui tendit la dague de Kolher,
poignéeenavant.
—Peum’importequilenourritpourvuqu’ilaitlaviesauve.
Marissas’entaillalepoignet,commesiellel’avaitdéjàfaitdenombreusesfoisparlepassé.Puis
ellerelevalatêtedeKolheretluiappuyalabouchecontrel’entaille.
Soncorpsfutprisdesoubresautscommes’ilvenaitd’êtrereliéàunebatteriedevoiture.
— OK, transportons-le, maintenant, déclara l’homme qui avait pris la responsabilité de la
situation.Marissa,gardetonpoignetbienenplace.
Beth prit la main de Kolher tandis que les hommes le soulevaient du sol. Ils le portèrent aussi
doucementquepossiblehorsdelagrangejusqu’au4x4deViszsetl’allongèrentàl’arrière.Marissa
etBethmontèrentauxcôtésdeKolher,tandisqueButchetViszss’installaientàl’avant.Lesautresse
dématérialisèrent.
Pendanttouteladuréedutrajet,BethcaressalebrasdeKolher,lelongdesestatouages.Sapeau
étaitfroide.
—Vousl’aimeztant,murmuraMarissa.
Bethrelevalatête.
—Ilboit?
—Jel’ignore.
CHAPITRE51
Dans l’antichambre de la salle d’opération, Havers enleva ses gants en latex et les jeta dans un
conteneur de recyclage. Après les heures penché au-dessus de Kolher, à recoudre ses intestins et la
blessureaucou,sondosétaitdouloureux.
—Est-cequ’ilvavivre?demandaMarissaquandilsortitdelasalled’opération.
Elleétaitaffaiblieparlatransfusion.Pâle,maisencolère.
—Onlesauravite,jel’espère.
—Moiaussi.
Elleluipassadevant,refusantdecroisersonregard.
—Marissa…
—Jesaisquetuesdésolé.Maiscen’estpasàmoiquetudoisexprimertesregrets.Tupourrais
commenceravecBeth.Sijamaiselleestdisposéeàt’écouter.
Laportes’ouvritdansunsifflement;Haversfermalesyeux.
Oh,monDieu.Cettedouleuràlapoitrine.Ladouleurdesactesquinepeuventêtreannulés.
Haverss’appuyacontrelemuretretirasacalottedechirurgien.
Heureusement,leRoiaveugleavaitunevéritableconstitutiondeguerrier,lecorpsvigoureuxetla
volontéforte.Mêmes’ilétaitcertainqu’iln’auraitpassurvécusanslesangpresquepurdeMarissa.
Ou,commelesupposaitHavers,sanslaprésencedesashellanebrune.Beth,c’étaitsonnom,était
restéeàsescôtéspendanttouteladuréedel’opération.Etmêmesileguerrierétaitinconscient,son
visageétaitrestétournéverselle.Elleluiavaitparlépendantdesheures,jusqu’àcequesavoixne
soitplusqu’unmincefiletrauque.
Ellesetrouvaitencoreauprèsdelui,épuiséeaupointdeteniràpeineassise.Elleavaitrefuséde
laisserexaminersesblessures,etellen’avaitrienpuavaler.
Elleétaitrestéeauprèsdesonhellren.
Havers vacilla et se retint aux lavabos, le regard fixé sur l’écoulement. Il avait envie de vomir,
maissonestomacétaitvide.
Les membres de la Confrérie étaient à l’extérieur. À attendre les informations qu’il allait leur
donner.
Toussavaientcequ’ilavaitfait.
Avantl’opération,Tohrmentl’avaitsaisiparlagorge.SiKolhermouraitsurlatable,Tohrment
enavaitfaitleserment,lesfrèresattacheraientHaversparlespiedsetlefrapperaientdeleurspoings
nusjusqu’àcequ’ilsaigneàmort.Danssapropremaison.
NuldoutequeZadisteleuravaittoutraconté.
MonDieu,siseulementilpouvaitretournerdanscetteruelle,songeaHavers.Siseulementiln’y
étaitpasallé.
Il aurait dû s’abstenir d’une telle requête auprès d’un membre de la Confrérie. Même du plus
barbare.
Après avoir fait sa proposition à Zadiste, celui-ci l’avait fixé de ses yeux noirs terrifiants, et
Haversavaitcomprissur-le-champqu’ilavaitfaituneerreur.Zadisteavaitbeauêtreemplidehaine,
iln’étaitpasuntraîtreetils’étaitsentioffenséparlapropositiondeHavers.
— Je tuerais gratuitement, avait rétorqué Zadiste, mais uniquement si le contrat était sur toi.
Disparaisavantquejetiremadague.
Tremblant, Havers avait pris la fuite, non sans découvrir qu’il était pourchassé par ce qu’il
supposaitêtreunéradiqueur.C’étaitlapremièrefoisqu’ilsetrouvaitaussiprèsdel’undecesmortsvivants, et il fut surpris par les cheveux clairs et la peau blanche du membre de la Société. Il n’en
demeurait pas moins que cette chose était le mal incarné et qu’elle était prête à tuer. Piégé dans la
ruelle, terrifié, Havers avait commencé à parler, tant pour mener à bien son plan que pour éviter
d’êtremassacré.Toutd’abord,l’éradiqueurs’étaitmontrésceptique,maisHaverssavaittoujoursse
montrer persuasif, et le mot « roi », prononcé délibérément, avait éveillé son attention. Des
informationsavaientétééchangées.L’éradiqueurétaitparti.Lesdésétaientjetés.
Haversprituneprofondeinspirationetcroisalesbrastandisqu’ilgagnaitlecouloir.
Aumoins,ilpourraitdonnersaparoleauxfrèresqu’ilavaitfaittoutcequiétaitdesonressort
poursauverleroi.
Bienquesesactesnesoientpasmotivésparsondésirdesauversaproprevie.L’acquittementétait
impossible.Ilallaitêtremisàmortpoursonacte;c’étaitjusteunequestiondetemps.
Non,danslasalled’opération,ilavaitfaittoutcequ’ilavaitpu,carils’agissaitpourluiduseul
moyenderéparerl’atrocitéqu’ilavaitcommise.Etparcequecescinqmâleslourdementarmésetcet
humainvigoureuxquil’attendaientdehorsl’avaientregardécommes’ilsavaientlecœurbrisé.
Maissavéritablemotivationétaitautre.
Elle tenait à l’intensité de la douleur qu’il avait perçue dans les yeux de cette Beth aux cheveux
noirs.Ilneconnaissaitquetropcetteexpressiond’impuissancehorrifiée.C’étaitcellequ’exprimait
sonvisagequandilavaitassistéàlamortdesashellane.
Haversselavalevisageetsortitdanslecouloir.Lesfrèresetl’humainlevèrentlatêteverslui.
— Il a survécu à l’opération. Maintenant, il faut attendre et voir s’il tient le coup. (Havers
s’approchadeTohrment.)Tuveuxm’emmenermaintenant?
Leguerrierfixasurluiunregardhaineuxetviolent.
—Onvategarderenviepourquetut’occupesdelui.Ensuite,ilpourralui-mêmetetuerdeses
mains.
Haversacquiesçaetentenditunpetitcri.IlvitMarissaporterlamainàsabouche.
Ilétaitsurlepointd’allerversellequandl’humainsecampadevantelle.L’hommehésitaavantde
luitendreunmouchoir.Ellepritcequ’illuioffraitpuiss’enalla.
Bethposasatêtesurl’extrémitédel’oreillerdeKolher.Àsasortiedelasalled’opération,Kolher
avaitétéplacédansunlit,mêmes’iln’avaitpasététransférédansunechambrenormale.Haversavait
décidé de le garder dans la salle d’opération au cas où une nouvelle intervention d’urgence
s’avéreraitnécessaire.
La salle aux murs blancs était froide, mais quelqu’un avait posé une fourrure épaisse sur elle,
ainsiqu’unecouverturesurlebasdesoncorps.Elleneserappelaitpasquiavaitfaitpreuvedetantde
sollicitude.
En entendant un cliquetis, Beth jeta un coup d’œil vers les innombrables machines auxquelles
Kolher était relié. Elle les examina une à une, sans réellement comprendre la signification des
données qu’elle y lisait. Tant qu’aucune alarme ne se mettait en route, elle supposait que tout se
passaitdumieuxpossible.
Denouveaulebruitsefitentendre.
ElleregardaKolher.Etbonditsursespieds.
Ilessayaitdeparler,maissaboucheétaitsècheetsalanguepâteuse.
—Chut…(Elleluisaisitlamain.Plaçasonvisagedanssonchampdevisionaucasoùilouvrirait
lesyeux.)Jesuislà.
LesdoigtsdeKolhersemêlèrentauxsiens.Puisilsombradenouveau,inconscient.
MonDieu,ilavaitl’airsimalenpoint.Aussipâlequelecarrelagedelasalled’opération.Les
yeuxenfoncésdansleursorbites.
Ilavaitunbandageépaisautourdelagorge.Sonventreétaitenveloppédegazeetdepansements,
etdesdrainsétaientfixésàsesblessures.Uneperfusiondistillaitdesliquidesetdesantalgiques;un
cathéterétaitsuspenduàcôtédulit.Desélectrodesd’ECGétaientposéessursapoitrineetuncapteur
d’oxygèneétaitfixéàsonmajeur.
Maisilétaitenvie.Pourlemoment.
Etilavaitreprisconnaissance,neserait-cequel’espaced’unbrefinstant.
Son état resta stationnaire pendant les deux jours qui suivirent. Il reprenait brièvement
connaissance, puis sombrait de nouveau, revenait à lui et s’enfonçait, comme s’il avait besoin de
vérifierqu’elleétaitàsescôtésavantderetourneràlatâcheherculéennedeguérirsoncorps.
Mais il fallait bien qu’elle dorme ; les frères lui apportèrent un fauteuil plus confortable, ainsi
qu’unoreilleretunecouverture.Elleseréveillaauboutd’uneheure,serrantencoredanslasiennela
maindeKolher.
Elle mangea quand on l’y contraignit, quand Tohrment ou Wellsie l’exigèrent. Elle prit une
douchedansl’antichambredelasalled’opération.Enhâte.Lorsqu’elleregagnalapièce,lesjambes
etlesbrasdeKolherbattaientl’airetWellsieavaitfaitappelerHavers.
DèsqueBethpritlamaindeKolher,celui-cisecalmaaussitôt.
Elleignoraitcombiendetempsencoreilluifaudraitencorevivrecetteattente.Maischaquefois
qu’ilrevenaitàlui,ellerecouvraitdelaforce.
Elleattendrait.Ellel’attendrait.L’éternités’illefallait.
Kolherrepritconnaissance,l’espritbouillonnant.L’instantd’avant,ilétaitinconscient;lesuivant,
sescircuitss’étaientréactivésàpleinepuissance.Ilignoraitoùilsetrouvait,etsespaupièresétaient
troplourdespourqu’ilpuisseouvrirlesyeux,alorsilselivraàunexamenrapidedesoncorps.Le
basducorpssemblaitfonctionner,ilpouvaitremuerlesorteilsetsesjambesétaienttoujoursreliéesà
soncorps.Ouah,aïe.Sonventreétaitsidouloureuxqu’ilavaitl’impressiond’avoirétéperforépar
undémonte-pneu.Maisilavaitletorsesolide.Ilressentaitunedouleurcuisanteaucou.Latêteétait
douloureuse.LesbrasétaientOK.Lesmains…
Beth.
Ilétaithabituéàsentirsapaumecontrelasienne.Oùétait-elle?
Ilouvritlesyeux.
Elle se trouvait juste à ses côtés, assise dans une chaise, la tête posée sur le lit comme si elle
dormait.Sapremièrepenséefutqu’ilnedevaitpaslaréveiller.Manifestement,elleavaitl’airépuisée.
Maisilvoulaitlatoucher.Enavaitbesoin.
Desamainlibre,ilessayadel’atteindre,maisavaitl’impressionquesonbraspesaitdeuxcents
kilos. Il recommença, déterminé à bouger son bras, le glissant sur la couverture centimètre par
centimètre.Ilnesavaitpascombiendetempsilluifallut.Desheurespeut-être.
Enfin,ilparvintàtoucheruneboucledesescheveux.Ladouceursoyeuseétaitmiraculeuse.
Ilétaitenvieetelleaussi.
Kolheréclataensanglots.
Lorsqu’ellesentitlessoubresautsdulit,Bethseréveilla,paniquée.Lapremièrechosequ’ellevit
futlamaindeKolher.Sesdoigtsétaientenroulésautourd’unelonguemèchedesescheveux.
Elleleregarda.Deslarmescoulaientdesesyeux.
—Kolher,monamour!
Elles’allongeacontreluietluicaressalescheveux.Ilsemblaitenproieàunegrandedétresse.
—Tuasmal?
Ilouvritlabouche.Aucunsonn’ensortit.Ilcommençaàpaniquer,écarquillantlesyeux.
— Du calme, mon amour. Détends-toi, dit-elle. Je veux que tu serres ma main, une fois pour
«oui»,deuxfoispour«non».Tuasmal?
Non.
Avectendresse,elleessuyaleslarmesdesesjouesrâpeuses.
—Tuessûr?
Oui.
—Tuveuxquej’aillechercherHavers?
Non.
—Tuasbesoindequelquechose?
Oui.
—Àmanger,àboire,dusang?
Non.
Ilcommençaàs’agiter,l’implorantdesesyeuxpâlesetterrifiés.
—Chut,toutvabien.(Elleluiembrassalefront.)Calme-toi.Onvatrouvercedonttuasbesoin.
Onatoutnotretemps.
Il posa ses yeux sur leurs mains jointes, avant de fixer de nouveau son regard. Puis il
recommença.
—Moi?murmura-t-elle.Tuasbesoindemoi?Illuiserralamain,sansrelâcherlapression.
—Oh,Kolher…Jesuisàtoi.Onestensemble,monamour.
Untorrentdelarmescoulaitsurlevisageduguerrier,sapoitrineétaitsecouéedesanglots,etsa
respirationétaitagitéeetrauque.
Ellepritsonvisagedanssesmainspourtenterdel’apaiser.
—Toutvabien.Jenevaisnullepart.Jenevaispastequitter.Jetelepromets,monamour…
Ilfinitpars’apaiserunpeu.Letorrentdelarmesdiminua.
Unsonrauquesortitdesabouche.
—Quoi?
Ellesepencha.
—Voulais…tesauver.
—Tuasréussi.Kolher,tum’assauvé.
Seslèvrestremblèrent.
—Je…t’aime.
Avecdouceur,elleposaunbaisersurseslèvres.
—Moiaussi,jet’aime.
—Toi.Dormir.Maintenant.
Épuisé,ilfermalesyeux.
Bethsentitsavuesebrouiller;elleesquissaunsourire.Sonmerveilleuxguerrierétaitderetour.
Àessayerdeluidonnerdesordresdepuissonlitd’hôpital.
Kolhersoupiraetsemblas’enfoncerdanslesommeil.
Lorsqu’elleeutlacertitudequ’ilavaittrouvélerepos,elles’étiraetpensaquelesmembresdela
Confrérie aimeraient savoir qu’il s’était réveillé et avait été suffisamment bien pour parler un peu.
Ellepouvaitpeut-êtretrouveruntéléphoneetappelerlamaison.
Lorsqu’ellepénétradanslecouloir,ellen’encrutpassesyeux.
Devantl’entréedelasalled’opération,lesmembresdelaConfrérieetButchétaientallongéssur
lesol,sorted’immensebarrièrehaletantetrespirant.Tousdormaientàpoingsfermésetparaissaient
aussiépuisésqu’elle-mêmesesentaitéreintée.ViszsetButchétaientadossésàunmur,l’unàcôtéde
l’autre,unpetitrécepteurdetélévisionetdeuxrevolversentreeux.Rhageétaitallongéausolsurle
dos,unedagueàlamain,etronflaitdoucement.Tohrmentavaitposésatêtesursesgenoux.Fhurie
étaitallongésurlecôté,uneétoiledejetserréecontreluicommepourl’apaiser.
OùétaitZadiste?
—Ici,répondit-il.
Bethsursautaetregardasursadroite.Zadisteétaitarméjusqu’auxdents,revolveràlaceinture,
daguescroiséessurlapoitrine,chaîneàlamain.Sesyeuxnoirsbrillantslafixèrentsansciller.
—C’estàmoidemonterlagarde.Onfaitdestours.
—C’estdangereuxici?
Ilfronçalessourcils.
—Tunesaispas?
—Quoi?
Ilhaussalesépaulesetinspectalecouloir.Uneextrémité,puisl’autre.
—LaConfrérieprotègelessiens.(Denouveau,ilposasesyeuxsurelle.)Onnelelaisseraitnilui
nitoisansprotection.
Elle savait qu’il éludait sa question, mais n’avait nullement l’intention de le forcer à répondre.
Tout ce qui lui importait était que Kolher et elle soient en sécurité le temps nécessaire pour que
Kolherguérisse.
—Merci,murmura-t-elle.
Zadistebaissapromptementlatête.
Impressionnantcommeilrepoussetouteexpressiondegentillesse,pensa-t-elle.
—Quelleheureest-il?demanda-t-elle.
— 16 heures. Au fait, on est jeudi. (Zadiste se passa la main sur son crâne rasé.) Euh… alors,
commentilva?
—Ils’estréveillé.
—Jesavaisqu’ils’ensortirait.
—Vraiment?
Sa lèvre se souleva dans un rictus narquois, comme s’il s’apprêtait à faire une plaisanterie
douteuse.Puisilsemblaseraviser.Illafixa,sonvisagebalafrédistant.
—Ouais,Beth.Vraiment.Aucunfusilnepourraitl’écarterdetoi.
PuisZadistedétournalesyeux.
Les autres commencèrent à s’agiter. L’instant d’après, tous étaient debout, à la fixer. Butch,
remarqua-t-elle,semblaittotalementàl’aiseencompagniedesvampires.
—Commentilsesent?demandaTohr.
—Assezbienpouressayerdemedirecequejedevraisfaire.
LesmembresdelaConfrérieéclatèrentderire.Unriredesoulagement.Defierté.D’amour.
—Vousavezbesoindequelquechose,touslesdeux?demandaTohr.
Bethregardaleurvisage.Tousattendaientsaréponse.Commes’ilsespéraientqu’elleallaitleur
donnerquelquechoseàfaire.
Mafamille,c’esteux,pensa-t-elle.
—Jecroisqu’onatoutcequ’ilnousfaut.(Bethsourit.)Etjesuissûrequ’ilvoudravousvoirtous
trèsbientôt.
—Ettoi?demandaTohr.Tutienslecoup?Tuveuxtereposer?
Ellesecoualatêteetrouvritlaportedelasalled’opération.
—Tantqu’ilnepourrapassortird’icisursesdeuxpieds,jenequitteraipassonchevet.
LaporteserefermasurBethetButchentenditViszsdireàvoixbasse:
—C’estunesacréefemelle,pasvrai?
Ilyeutunmurmured’approbation.
— Et quelqu’un à qui il ne faut pas chercher de noises, ajouta-t-il. Bon sang, vous auriez dû la
voirquandnoussommesentrésdanscettegrange.Elleleprotégeaitdesoncorps,prêteàledéfendre
àmainnuecontreleflicetmoisielleavaitdûlefaire.Commeunemèreavecsonpetit,sivousvoyez
cequejeveuxdire.
—Elleapeut-êtreunesœur?demandaRhage.Fhurieéclataderire.
—Tusauraispasquoifairesiturencontraisunefemelledevaleur.
—C’esttoiquimedisça,lemoine?(Hollywoodsefrottalementon,oùavaitpousséunebarbe
deplusieursjours,commes’ilréfléchissaitauxmystèresdel’univers.)Tusaisquoi,Fhurie,t’aspeutêtreraison.Maisçaempêchepasderêver.
—C’estsûr,murmuraV.
ButchpensaàMarissa.Ilnecessaitd’espérerqu’elledescende,maisilnel’avaitpasrevuedepuis
son départ, le lendemain matin de l’opération. Elle avait les traits si tirés, semblait si absente, mais
c’étaitcompréhensible.Lamortdesonfrèreétaitimminente.EtapprochaitàmesurequeKolherse
rétablissait.
Butch voulait la rejoindre, mais il n’était pas sûr qu’elle apprécierait sa compagnie. Il ne la
connaissaitpassuffisamment.Ilsavaientpassésipeudetempsensemble.
Était-ilunecuriositépourelle?Dusangfraisqu’ellevoulaitgoûter?Quelquechosedeplus?
Butchlaissasonregarderrerdanslecouloir,commes’ilpouvaitlafaireapparaître.
MonDieu,commeilluitardaitdelavoir.Neserait-cequepoursavoirqu’elleallaitbien.
CHAPITRE52
Quelques jours plus tard, Kolher batailla pour s’asseoir dans son lit avant de recevoir les
membresdelaConfrérie.Ilnevoulaitpasqu’ilslevoientallongé.Laperfusionqu’ilavaitdansle
brasettouteslesmachinesderrièreluisuffisaientamplementàsusciterl’angoisse.
Mais au moins, le cathéter lui avait été retiré la veille. En outre, il avait réussi à se raser et à
prendreunedouche.C’étaitmerveilleuxd’avoirlescheveuxpropres.
—Qu’est-cequetufais?demandaBethenlevoyants’agiter.
—Jem’assois.
—Iln’enestpasquestion.
Elleattrapalatélécommandedulitetsurélevalatête.
—Ah,bordel,leelane,maintenantjesuisallongéetassisenmêmetemps.
—C’estparfaitcommeça.
Elle se pencha pour border les draps et il aperçut la courbe de ses seins. Son corps réagit. À
l’endroitapproprié.
Maisledésirluirappelacequ’ilavaitvuenentrantdanscettegrange.Elle,attachéesurcettetable.
Peuluiimportaitdesavoirqueleséradiqueursnepuissentpasbander.
Illuipritlamain.
—Leelane?
—Oui?
—T’essûrequetoutvabien?
Ilsavaientparlédecequis’étaitpassé,maisilcontinuaitàsefairedusouci.
—Jetel’aidit.Macuisseguérit…
—Jeveuxpasdirephysiquementseulement,dit-il,désireuxd’écharperencoreetencoreceBilly
Riddle.L’espaced’uninstant,levisagedeBeths’obscurcit.
—Jetel’aidit.Jevaisbien.Carjerefusequ’ilenailleautrement.
—Tuessicourageuse.Forte.Tum’impressionnes.Elleluisouritetsepenchaau-dessusdelui
pourluidonnerunrapidebaiser.
Ill’empêchadebouger,murmurantdesmotstoutcontreseslèvres.
—Mercidem’avoirsauvélavie.Pasjustedanscettegrange.Pourlerestedemesjoursetdemes
nuits.
Il lui donna un baiser appuyé et se réjouit de l’entendre gémir de plaisir. Son sexe entra en
érection;duboutdesdoigts,ilcaressasoncou.
—Quedirais-tud’unepetitecavalcadeavecmoi?
—Jecroispasquetusoisenétat.
—Tuveuxparier?
Illuipritlamainetlaglissasouslesdraps.
Son rire grave quand elle saisit son membre viril était une pure merveille. Tout comme sa
présenceconstantedanslapièce,safaçondeleprotéger,sonamour,saforce.
Elle était tout pour lui. Tout son univers. Il était passé de l’attente fataliste de la mort au désir
furieuxdevivre.Pourelle.Poureux.Pourleuravenir.
—Sionattendaitunjourdeplus?dit-elle.
—Uneheure.
—Jusqu’àcequetupuissest’asseoirseul.
—Çamarche.
Heureusement,ilguérissaitvite.
Elleretirasamain.
—Tuveuxquejefasseentrertesfrères?
—Oui.(Ilrespiraprofondément.)Attends.Jeveuxquetusachescequejevaisdire.
Ill’attiraversluipourlafaireasseoirsurlelit.
—JequittelaConfrérie.
Ellefermalesyeuxcommepourluicacherlesoulagementqu’elleéprouvait.
—Tuessérieux?
— Oui. J’ai demandé à Tohr de prendre le relais. Mais je ne prends pas de vacances. Je dois
commenceràdirigernotreespèce,Beth.Etj’aibesoinquetum’aides.
Elleleregarda,bouchebée.
Iltouchasonvisage.
—Jeparled’unrègne.D’unroietd’unereine.Maisjevaisêtrefrancavectoi.Jesaispascequi
nousattend.J’aibienquelquesidées,maisjevaisavoirbesoindetoi.
—Tout,répondit-elle.Jeferaitoutpourtoi.
Kolherlaregarda,émerveillé.
Mon Dieu, elle le scotchait. Elle était là, prête à assumer avec lui la responsabilité du monde,
mêmes’ilgisaitsurunlitd’hôpital.Safoienluiétaitstupéfiante.
—Est-cequejet’aiditquejet’aimais,leelane?
—Ilyacinqminutesàpeuprès.Maisjemelassejamaisdel’entendre.
Ill’embrassa.
—Faisentrerlesfrères.DisàButchd’attendredanslecouloir.Maisjeveuxquetuassistesàla
conversation.Ellefitentrerlesguerriersetsereplaçaàsescôtés.Avecprécaution,lesmembresdela
Confréries’approchèrentdulit.Bienqu’ilaiteuunebrèveentrevuelematinmêmeavecTohr,c’était
la première fois qu’il voyait les autres et que les autres le voyaient. Des quintes de toux montèrent
danslapièce,commesilesfrèress’efforçaientdedégagerquelquechosequileurobstruaitlagorge.
Kolhersavaitparfaitementcequ’ilsressentaient.Luiaussiavaitunnœuddanslagorge.
—Mesfrères…
Àcetinstant,Haverspassalaporte.Ils’immobilisasur-le-champ.
—Ah,cebondocteur,ditKolher.Entre.Toietmoionauneaffaireàrégler.
Haversavaiteffectuédesvisitesrégulières,maisKolhern’avaitpaseuenvie,jusqu’àprésent,de
réglerleschoses.
—Lemomentestvenu,ajouta-t-il.
Haversprituneprofondeinspirationets’avançaverslelit.Ilinclinalatête.
—Seigneur.
—J’aicrucomprendrequetuavaisessayédemetuer.
Lemâlen’essayapasdes’enfuir,cequiétaittoutàsonhonneur.Nidelouvoyer.Etbienquesa
peineetsesregretssoientmanifestes,ilneplaidapasl’indulgence.
—Oui,Seigneur.C’estmoiquil’aiapproché.(IldésignaitZadiste.)Etquandj’aicomprisqueton
frèrenetetrahiraitpas,jemesuisadresséàl’éradiqueur.
Kolherhochalatête,s’étantdéjàentretenuavecTohrdesévénementsdecettenuit-là.Tohrn’avait
entenduqu’unepartiedelaréponsedeZ.
—Seigneur,tudoissavoirquetonfrèreétaitprêtàmetuersimplementpouravoirformulécette
requête.
Kolher jeta un coup d’œil à Zadiste, qui fixait le médecin comme s’il voulait accrocher sa tête
commeuntrophéesurunmur.
—Oui,j’enaientenduparler.Z.,jetedoisdesexcuses.
Leguerrierhaussalesépaules.
—Laissetomber.Jem’entape.
Kolhersouritetsongeaquec’étaitZ.toutcraché.Toutletempsfurax.
Haverspromenasonregardsurl’assemblée.
—Ici,devantcestémoins,j’acceptelasentencedemort.
Kolher fixa le médecin d’un regard intense. Et pensa à toutes ces années que sa sœur avait
endurées. Même si Kolher n’avait jamais souhaité qu’elle mène une vie si misérable, il était
responsabledelafaçondontleschosesavaienttourné.
—C’étaitàcausedeMarissa,c’estça?demandaKolher.
Haversacquiesça.
—Oui,Seigneur.
—Danscecas,jenevaispastetuer.Tul’asfaitàcausedelafaçondontj’aitraitéquelqu’unqui
t’estcher.Jepeuxcomprendrelavengeance.
Havers,souslechoc,semblavaciller.Puisillâchalediagrammequ’iltenaitets’effondraprèsdu
lit.IlsaisitlamaindeKolheretlaposasursonfront.
—Seigneur,tamiséricordeestinfinie.
—Tuparles.Jetelaisselaviesauveparégardpourtasœur.Siturefaisuntrucpareil,jetetue.
Pigé?
—Oui,Seigneur.
—Maintenant,laisse-nous.Tum’examinerasplustard.Maisfrappeavantd’entrer,compris?
—Oui,Seigneur.
PendantqueHaversdisparaissait,KolherembrassalamaindeBeth.
—Justeaucasoùonseraitoccupés,murmura-t-il.
Ungloussementcollectifsaisitl’assemblée.
Kolherjetaunregardnoiràsesfrères,pourlesfairetaire,puisfitsonannonce.Parlesilencequi
suivit,ilsutquelanouvelleétaitunvéritablechoc.
—Alors,vousêtesavecTohr?demanda-t-ilaugroupe.
—Oui,réponditRhage.Çameva.
ViszsetFhurieacquiescèrent.
—Z.?
Leguerrierfitlesyeuxronds.
—Qu’est-cequej’enaiàfoutre?Toi,Tohr,BritneySpears.
Kolheréclataderire.
—C’étaituneblague,Z.?Aprèstoutcetemps,t’asfinalementretrouvétonsensdel’humour?Tu
medonnesuneautrebonneraisondevivre.
Z.rougitetmontralesdentstandisquelesautressemoquaientdelui.
Kolherprituneprofonderespiration.
—Ilyaautrechose,mesfrères.J’accèdeautrône.Commejel’aiditàTohr,nousdevonsnous
reconstruire.Nousdevonsfairerenaîtrel’espèce.
Les guerriers le fixèrent. L’un après l’autre, ils s’approchèrent du lit et prêtèrent allégeance en
langueancienne,l’embrassantàl’intérieurdupoignet.Leurvénérationl’émutetletoucha.
LaViergescribeavaitraison,songea-t-il.Ilsétaientsonpeuple.Commentpouvait-ilrefuserdeles
diriger?
Quandlesguerrierseurentterminé,KolherregardaViszs.
—Tuasrécupérélesjarresdesdeuxéradiqueursdelagrange?
Viszsfronçalessourcils.
—J’enaitrouvéqu’une.Celledelarecruequetoietmoionavaitvuelanuitdelacérémonie.J’y
suisretournéetj’aipoignardélecorpspendantqu’ont’opérait.J’aiprissajarredanslamaison.
Kolhersecoualatête.
—Ilsétaientdeux.Sanslemoindredoute.L’autreétaitceluiquiconduisaitleHummer.
—T’essûrdel’avoirtué?
— Il était à terre, une balle dans la tête. (Soudain, Kolher sentit Beth s’agiter ; il sera sa main.)
Assez,onenreparleraplustard.
—Non,çava…,commença-t-elle.
—Plustard.
Illuiembrassaledosdelamainetlaportaàsajoue.Lesyeuxdanslessiens,ils’efforçadela
rassurer,enhaïssantlemondedanslequelill’avaitemmenée.
Lorsqu’elleluisourit,Kolherl’attiracontreluietluidonnaunbaiserrapideavantdeseretourner
versl’assemblée.
— Une dernière chose, dit-il. Vous allez emménager ensemble. Je veux que les membres de la
Confrériesoientregroupésaumêmeendroit.Aumoinspourlesprochainesannées.
Tohrgrimaça.
—Wellsievadétesterça.Onvientjustedefinird’installerlacuisinedesesrêves.
— On réfléchira à quelque chose pour vous deux. Surtout avec l’arrivée de l’enfant. Mais les
autres,vousallezconnaîtrelesjoiesdelacolocation.
Ilyeutdesprotestations.Desérieusesprotestations.
—Hé,çapourraitêtrepire,dit-il.Jepourraisvousdemanderd’habiteravecmoi.
—Bienvu,réponditRhage.Beth,sijamaistuasbesoindevacances…
Kolhergrogna.
— Ce que je voulais dire, reprit Hollywood, c’est qu’elle peut emménager avec nous si elle le
souhaite.Onprendratoujourssoind’elle.
KolherlevalesyeuxversBeth.MonDieu,elleétaitsibelle.Sacompagne.Sonamante.Sareine.
Ilsourit,incapablededétachersonregarddesesyeux.
—Laissez-nous,messieurs.Jeveuxresterseulavecmashellane.
Ensortant,lesfrèreseurentunrired’approbation.Commes’ilsn’avaientpaslemoindredoute
surcequ’ilavaitentête.
Kolhersedébattitdanssonlitpourseremettredroitetportersursonbassinlepoidsduhautde
soncorps.
Bethleregardafaire,sansl’aider.
Lorsqu’ilfutprêt,ilsefrottalesmainsparanticipation.Déjà,ilpouvaitsentirsapeau.
—Kolher,luidit-ellesurletondel’avertissementtandisqu’illuidécochaitunsourireradieux.
—Viensunpeuparici,leelane.Unmarchéestunmarché.
Mêmesitoutcequ’ilpouvaitfaireétaitlaprendredanssesbras,ilavaitbesoindelatenircontre
lui.
CHAPITRE53
JoséDeLaCruzserralamaindel’enquêteurspécialiséenincendiescriminels.
—Merci.J’attendsvotrerapport.
L’hommesecoualatêteenregardantlesdébrisdel’académiedesartsmartiauxdeCaldwell.
—Jen’aijamaisrienvudetel.Onjureraitqu’unebombenucléaireaexplosé.Entoutefranchise,
jenesaispasquoimettredansmonrapport.
Joséregardal’hommes’éloignerversle4x4ducomtéetdémarrer.
—Turentresauposte?demandaRickyenmontantdanssonvéhiculedepolice.
—Pastoutdesuite.Jedoispasserenville.
Rickyluiadressaunsignedemainetmitlecontact.
Restéseulsurlelieudel’incendie,Josérespiraprofondément.L’odeurdel’incendieétaitencore
prégnante,quatrejoursaprèslesfaits.
Tandisqu’ilsedirigeaitverssonvéhiculebanalisé,iljetauncoupd’œilàseschaussures.Elles
étaientrecouvertesd’unecouchegrispâleàcausedelasuieomniprésente.Lamatières’apparentait
plus à des cendres volcaniques qu’aux restes habituels d’un incendie normal. Les débris eux aussi
étaientcurieux.Engénéral,certainespartiesdelastructuresubsistaient,quellequesoitlatempérature
desflammes.Ici,ilnerestaitrien.Lebâtimentavaitétéintégralementrasé.
Josés’installaderrièrelevolant,mitlecontactetdémarra.Ilpritversl’estsurunedouzainede
kilomètres, jusqu’à une partie plus fonctionnelle de la ville. Des bâtiments apparurent, mauvaises
herbesurbainesquipoussaientdanslebétonetl’asphalte.
Il arrêta le véhicule devant l’un de ces bâtiments. Se gara. Coupa le moteur. Il mit beaucoup de
tempsàsortirdelavoiture.
Toutenessayantdemaîtriserl’agitationqu’ilressentait,ilsedirigeaversl’entréeprincipale.Un
couplesortaitaumêmemomentetluitintlaporte.Ilmontatroisétages,s’engageadansuncouloirau
tapismarronuséparlesmilliersdepasquil’avaientfoulé.
Laportedevantlaquelleils’arrêtaavaitétérepeintesisouventquesesbattantsétaientquasiment
aumêmeniveauquelemur.
Ilfrappa,sansattendrederéponse.
Ilneluifallutquequelquessecondespourforcerlaserrure.Ilouvritlaporte.
Il ferma les yeux et prit une profonde inspiration. Un corps en décomposition depuis quatre ou
cinqjourssentirait,mêmeavecl’airconditionné.
Iln’yavaitrien.
—Butch?appela-t-il.
José referma la porte derrière lui. Le sofa était recouvert de pages sportives du CCJet du New
YorkPostdelasemaineprécédente.Descanettesdebièrevidestrônaientsurlatable.Danslacuisine,
desassiettesétaientposéesdansl’évieretd’autressurleplandetravail.
Josépassadanslachambre.Pournedécouvrirquedesdrapsendésordreetdesvêtementsausol.
Ils’arrêtadevantlaportedelasalledebains.Elleétaitfermée.
Soncœursemitàbattreplusfort.
Ilouvritlaporte,s’attendantàtrouveruncorpspendudansladouche.
Maislapièceétaitvide.
L’inspecteurdelacriminelleButchO’Nealavaitdisparu.Sanslaisserdetraces.
CHAPITRE54
Audazs regarda autour de lui. Le paisible brouillard de l’Estompe s’était dissipé, révélant une
courdemarbreblanc.Aucentre,l’eaudelafontainedansaitetjouaitaveclalumièrediffuse,qu’elle
captaitetrenvoyaitenmillescintillements.Desoiseauxchanteurspoussaientlachansonnette,comme
s’ilsl’accueillaientetannonçaientsonarrivée.
Enfindecompte,cetendroitexistevraiment,pensa-t-il.
—Soislebienvenu,Audazs,filsdeMarklon.Sansseretourner,ils’agenouillaetbaissalatête.
—Viergescribe,vousm’honorezdevotrevisite.
LaViergescribeeutunpetitrire.Ellevintseplacerdevantlui,lebasdesatuniquenoireentrant
danssonchampdevision.Lalumièrequifiltraitsouslasoieétaitaussibrillantequecelledusoleil.
— Comment aurais-je pu te le refuser, Audazs ? C’est la première audience que tu aies jamais
sollicitée. (Il sentit quelque chose lui effleurer l’épaule et ses cheveux le chatouiller sur la nuque.)
Debout,jeveuxvoirtonvisage.
Audazsseleva,dominantlafrêlesilhouette.Ilgardalesmainsjointesdevantlui.
— Alors comme ça l’Estompe n’est pas à ton goût, princeps ? demanda-t-elle. Qui plus est, tu
veuxquejeterenvoied’oùtuviens?
—C’esthumblementquejevousadressecetterequête,avectoutlerespectquejevousdois.J’ai
attenduletempsimparti.Jesouhaiteraisvoirmafille.Uneseulefois.Avecvotrepermission.
Denouveau,laViergescribeeutunpetitrire.
—Jedoisreconnaîtrequetuformulestarequêtebienmieuxquetonroi.C’estunguerrierhabile
aveclesmotsquenousavonslà.
Ilyeutunsilence.
QueAudazsmitàprofitpourpenseràsesfrèresd’armes.
Kolherluimanquait.Tousluimanquaient.
MaisBethétaitcellequ’ildésiraitvoirplusquetoutaumonde.
—Elleestmariée,ditsoudainlaViergescribe.Tafilleestavecunmâletrèsdigne.
Ilfermalesyeux,refrénantlaquestionquiluibrûlaitleslèvres.Brûlantd’impatiencedesavoir.
EspérantquesonElizabethsoitheureuseaveclecompagnonqu’elles’étaitchoisi.
LaViergescribesemblaraviedesonsilence.
—Regarde-toi,jamaisunequestion.Quellemaîtrisedesoi!Maisparrespectdesconvenances,je
vaistedirecequetumeursd’enviedesavoir.Elles’estunieàKolher.Quiaccèdeautrône.Tafille
estreine.
Audazs baissa la tête, désireux de dissimuler son émotion et de lui cacher ses larmes. Peut-être
penserait-ellesinonqu’ilétaitfaible.
—Princeps,ditlaViergescribed’unevoixdouce.Ilyatantdejoieetd’émotiondanstoncœur.
Dis-moi,lacompagniedetesfilsdansl’Estompenesuffit-ellepasàréjouirtoncœur?
—J’ailesentimentdel’avoirabandonnée.
—Ellen’estplusseule.
—C’estunebonnechose.
Ilyeutunsilence.
—Etpourtant,tuveuxtoujourslavoir?
Ilacquiesça.
La Vierge scribe se dirigea vers les oiseaux, joyeux et chantants, perchés sur la branche d’un
arbreblancenfleur.
—Quedésires-tu,princeps?luirendrevisite?Unevisiterapide?Danssessonges?
—Avectoutlerespectquejevousdois.
Il avait conservé son ton formel car elle méritait la déférence qu’il lui témoignait. En outre, il
espéraitquecetonl’influenceraitdefaçonpositive.
La tunique s’écarta pour laisser apparaître une main lumineuse. Un des oiseaux, une mésange à
têtenoire,vintseposersursondoigt.
—Tuasététuédefaçondéshonorante,dit-elleencaressantlepoitraildel’oiseau.Aprèsavoir
courageusementservil’espècependantdessiècles.Tuétaisunprincepshonorableetunfinguerrier.
—Quemesactesvousaientsatisfaitmecombleauplushautpoint.
— En effet. (Elle siffla. L’oiseau siffla à son tour, comme s’il lui répondait.) Que dirais-tu,
princeps,sijet’offraisplusquetudemandes?
LecœurdeAudazss’accéléra.
—Jedirais«oui».
—Sanssavoircequejet’offre?Nicequejedemandeensacrifice?
—J’aiconfianceenvous.
— Pourquoi ne pas être roi ? demanda-t-elle d’un ton sec en reposant l’oiseau sur la branche.
(EllesetournaversAudazs.)Voicicequejet’offre.Unenouvellevie.Unrôleauprèsdetafille.Une
chancedecontinueràtebattre.
— Vierge scribe… (De nouveau, il s’agenouilla.) J’accepte, en sachant que je ne mérite pas de
tellesfaveurs.
— Je ne m’en tiendrai pas à cette réponse. Voici ce que tu devras sacrifier. Tu n’auras aucun
souvenirconscientd’elle.Tun’auraspastonapparenceactuelle.Etjerequiersengageunefaculté.
Ilignoraitàquellefacultéellefaisaitréférence,maisiln’avaitnullementl’intentiondedemander.
—J’accepte.
—Tuessûr?Tuneveuxpasyréfléchir?
—Jevousremercie,Viergescribe,maismadécisionestprise.
—Qu’ilensoitainsi.
Elle s’approcha de lui ; des mains spectrales émergèrent de la tunique noire. Simultanément, le
voilequiluicouvraitlevisageselevasousl’actiondesavolonté.Lalumièreétaitsiaveuglantequ’il
nepouvaitdistinguerlemoindredesestraits.
Elle lui saisit la mâchoire et la base de la nuque, et il trembla sous l’action de sa force
phénoménale.Elleauraitpuleréduireànéant.
—Jeteredonnelavie,Audazs,filsdeMarklon.Puisses-tutrouvercequetucherchesdanscette
incarnation.
Elleposaseslèvressurlessiennes,etilressentitlemêmechocqu’aumomentdesamort.Toutes
lesmoléculesdesoncorpsexplosèrent,soncorpsvolaenéclats,sonâmefutlibéréeets’élevaversle
ciel.
CHAPITRE55
M. X ouvrit les yeux et distingua vaguement des lignes verticales. Des barreaux ? Non, il
s’agissaitdespiedsd’unechaise.
Ilétaitallongésurunparquetdur.Étendudetoutsonlongsurleventre.Souslatable.
Illevalementonet,denouveau,savuesebrouilla.MonDieu,j’ail’impressionqu’onm’adéfoncé
latête…
Toutluirevint.LecombatavecleRoiaveugle.Lecoupassenéparcettefemellequil’avaitenvoyé
ausol.
PendantqueleRoiaveugle,blessé,étaitàterre,lafemelleàsescôtésgardaitlesyeuxrivéssur
lui,M.Xavaitrampéjusqu’auminivan.Ilétaitsortidelavilleetavaitconduitjusqu’auxmontagnesà
l’oréedeCaldwell.Parmiracle,ilavaittrouvésacabanedanslenoiretavaitpéniblementréussiày
entreravantdeperdreconnaissance.
Dieuseulsavaitcombiendetempsilétaitrestésansconnaissance.
Lafaiblelumièredel’aubefiltraitpardespetitesfenêtresménagéesdanslebois.Était-celejour
d’après?Ilendoutait.Ilavaitl’impressionquedesjoursentierss’étaientécoulés.
Avec précaution, il remua le bras et toucha la base de sa nuque. La blessure était à vif, mais
cicatrisait.
Au prix d’une grande concentration et d’efforts intenses, il parvint à se mettre debout et à
s’appuyercontrelatable.Ilsesentaitunpeumieuxdanscetteposition.
Il avait de la chance. Des blessures sérieuses pouvaient handicaper les éradiqueurs de façon
permanente. Au fil des décennies, il en avait rencontré un certain nombre, qui n’étaient plus que
l’ombre d’eux-mêmes, inaptes au combat et trop faibles pour mettre fin eux-mêmes à leurs
souffrancesd’uncoupdepoignard.
M.Xregardasesmains.EllesétaientsaliesparlesangséchéduRoiaveugleetlapoussièredusol
delagrange.
Ilneregrettaitpasd’avoirprislafuite.Parfois,lameilleureoptionpourunchefconsistaitàse
désengager d’un combat. Lorsque les pertes étaient trop élevées et la défaite quasiment assurée, la
manœuvrelaplusintelligenteétaitdeseretireretdereprendrelecombatunautrejour.
M.Xlaissaretombersesbras.Ilallaitluifalloirdutempspourrécupérer,maisildevaitreprendre
en main ses troupes. La vacance de pouvoir était dangereuse au sein de la Société. Surtout pour le
grandéradiqueurencharge.
La porte de la cabane s’ouvrit ; M. X leva la tête, se demandant comment il allait pouvoir se
défendre,avantdeserendrecomptequeleleverdujourétaittropprochepourquesonvisiteurpuisse
êtreunvampire.
Cequ’ilvitdansl’embrasuredelaporteluiglaçalesang.L’Oméga.
—Jesuisvenut’aideràreprendredesforces,dit-ildansunsourire.
Commelaporteserefermait,M.Xsentitsoncorpstrembler.
Uneaideapportéeparl’Omégaétaitplusterrifiantequ’unesentencedemort.
ÉPILOGUE
LademeureduTombeau.C’estlàoùondevraits’installer,déclaraTohrenplantantsoncouteau
dansdestranchesderoast-beefdisposéesdansleplateaud’argentqueluitendaitFritz.Merci.
Beth regarda Kolher et songea qu’il avait pleinement récupéré en un mois à peine depuis les
événements. Il était en pleine forme. Fort. Impressionnant comme toujours. Arrogant. Tendre.
Impossibleetirrésistible.
Ilsecaladanssachaiseenboutdetable,luipritlamainetlacaressadesonpouce.
Elleluisourit.
Ilsavaientemménagédanslamaisondesonpèrepoursaconvalescence,àéchafauderdesprojets
pourl’avenir.Chaquesoir,laConfrérievenaitdîner.Fritzétaitauxanges,réjouipartoutescesallées
etvenues.
— C’est une foutue bonne idée, approuva V. Je pourrai installer un système de sécurité
sophistiqué.Lamaisonestplutôtisoléesurlamontagne.Enpierre,etdoncàl’épreuvedufeu.Sion
installedesstoresmétalliquesrétractables,onpourras’ydéplacermêmependantlajournée.Cequia
étécritiquedanscettemaisonquand…(Ils’interrompit.)Enplus,lamaisonàpasmaldesurfaceen
sous-sol,jecrois,qu’onpourraitutiliserpourl’entraînement.
Rhageacquiesça.
—L’endroitestgrand.Onpourraittousyvivresanss’entre-tuer.
—Çadépendplusdetacapacitéàtetairequedelasuperficie,répliquaFhurieavecunsourire.
Leguerrierchangeadepositionsursachaise,pourfairedelaplaceàBouh,quis’étaitinstallésur
sesgenoux.
—T’enpensesquoi?demandaTohràKolher.
—C’estpasàmoidedécider.ToutescespropriétésappartenaientàAudazsetsontmaintenantà
Beth.(Bethlaregarda.)Leelane?TupourraisenvisagerdelaisserlaConfrérieutiliserl’unedetes
maisons?
L’une de ses maisons. Ses maisons. Comme, de sa vie, elle n’avait pas même possédé un
appartement,elleavaitunpeudemalàprendrelamesuredetoutcequiluiappartenaitdésormais.Il
ne s’agissait pas uniquement d’immobilier. Des œuvres d’art. Des terres. Des voitures. Quant à sa
fortune,elleétaitastronomique.
Heureusement,V.etFhurielafaisaientprofiterdeleursconnaissancesapprofondiesdesmarchés
boursiers.Etluienseignaienttouteslessubtilitésdestitres.DesbonsduTrésor.Del’or.Desmatières
premières.Lesdeuxguerriersétaientextrêmementdoués.
Etextrêmementbonsavecelle.
Elleregardaleshommesassisautourdelatable.
—LaConfrériepeutavoirtoutcedontelleabesoin.
Ilyeutunmurmuredegratitudeetdesverresselevèrentàsasanté.Zadistelaissalesiensurla
table,maisfitunsignedetêtedanssadirection.
BethregardaKolher.
—Maistucroispasqu’ondevraitaussiyvivre?
—T’enauraisenvie?demanda-t-il.Laplupartdesfemellespréféreraientavoirunemaisonàelle.
—Elleestàmoi,tutesouviens?Etpuiscesonttesplusprochesconseillers,lespersonnesenqui
tuasleplusconfiance.Pourquoiteséparerd’eux?
—Hé,protestaRhage,jecroyaisqu’onétaittombésd’accordsurlefaitqu’onn’auraitpasàvivre
aveclui.
KolherlançaunregardnoiràHollywood,avantdeposerdenouveausesyeuxsurBeth.
—T’essûre,leelane?
—L’unionfaitlaforce,pasvrai?
Ilacquiesça.
—Maisnousexposedavantage.
— On ne pourrait espérer meilleure compagnie. Je ne pourrais rêver mieux que ces hommes
merveilleuxpourassurernotreprotection.
—Excusez-moi,ditRhage.Ilyenad’autresquisontamoureuxd’elle?
—Ouais!s’exclamaV.ensoulevantsacasquettedesRedSox.Raidedingue!
Fhurieacquiesça.
—Etsiellevitavecnous,onpourragarderlechat.KolherembrassaBethetregardaTohr.
—Jecroisqu’ons’esttrouvéunemaison.
— Et Fritz sera des nôtres aussi, dit Beth tandis que le majordome entrait dans la pièce. Vous
acceptez,Fritz?
Lemajordomesemblaitauxangesetilregarda,radieux,lesmembresdelaConfrérie.
—Jevoussuivraioùquevousalliez,leroietvous,maîtresse.Etplusilyauradumondedontje
devraim’occuper,plusjeseraiheureux.
—Ilfaudraqu’onvoustrouvequelqu’unpourvousaider.
V.s’adressaàKolher.
—Etpourleflic,tucomptesfairequoi?
—Tuposeslaquestionparcequec’estunamiouunemenace?
—Lesdeux.
—Pourquoij’aicommel’impressionquet’asquelquechoseàproposer?
—Parcequec’estlecas.Ildevraitveniravecnous.
—Uneraisonenparticulier?
—J’airêvédelui.
L’assembléegardalesilence.
—Affaireconclue,ditKolher.Maisrêvesoupas,ildoitêtresurveillé.
V.acquiesça.
—J’enacceptelaresponsabilité.
Tandisquelesfrèrescommençaientàéchafauderdesprojets,Bethbaissalesyeuxverslamainde
sonmariquireposaitdanslasienneetsesentitsoudainémueauxlarmes.
— Leelane ? dit Kolher d’une voix douce. Tout va bien ? Elle acquiesça, s’émerveillant de la
facilitéaveclaquelleillisaitenelle.
—Toutvatrèsbien.(Elleluisourit.)Tusais,avantdeterencontrer,jemedisaisquemavieétait
tropbanale.
—Vraiment?
—Etj’aiétécombléeau-delàdemesespérances.J’aireçuunpasséetunavenir.Toute…unevie.
Parfois,jenesaisquefairedetoutcebonheur.
—C’estdrôle.Jeressenslamêmechose.(KolherpritlevisagedeBethdanssesmainsetposases
lèvressurlessiennes.)C’estpourquoijet’embrasseaussisouvent,leelane.
Ellepassasonbrasautourdeslargesépaulesdesonmarietposadesbaiserssurseslèvres.
—Oh,monDieu!s’exclamaRhage.Ilvafalloirqu’onlesregardesebécotertoutletemps?
—Jet’ensouhaiteautant,murmuraV.
—Ouais,soupiraRhage.Toutcequejeveux,c’estunebonnefemelle.Maisj’imaginequejevais
continueràopterpourlaquantitéjusqu’àtempsquejel’aietrouvée.
Desfois,lavie,çacraint.
Unriremonta.Quelqu’unlançauneserviette.
Fritzapportaledessert.
—Messieurs,sivousvouliezbienvousabstenirdelancerlesserviettes.Quiveutdespêches?
FINDUTOME1