cursus préparatoire Serge Parmentier Chapitre 2. Les fractions
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cursus préparatoire Serge Parmentier Chapitre 2. Les fractions
Université Lyon 1 Mathématiques: cursus préparatoire Serge Parmentier Chapitre 2. Les fractions rationnelles. 1. Rappel L’ensemble Q des nombres rationnels est l’ensemble des expressions de la forme ab avec a ∈ Z, b ∈ 0 Z \ {0}, étant entendu que l’on a ab = ab0 ssi ab0 = a0 b (produit croisé). Soit x ∈ Q; tout couple (a, b) tel que x = ab est appelé un représentant de x. Tout rationnel admet une infinité de représentant: si x = ab , on a x = ac bc , pour tout c ∈ Z \ {0}. La fraction réduite ou représentant irréductible de x ∈ Q? est l’unique écriture x = pq avec p ∈ Z, q ∈ N \ {0}, pgcd (p, q) = 1. On observe ensuite que la somme ab + dc = ad+cb dépend seulement de x = ab et y = dc et non pas bd 0 0 0 0 0 0 b = a db0+c . Idem pour des représentants (a, b) et (c, d). En clair: si ab = ab0 et dc = dc0 , alors ad+cb bd d0 a c ac la multiplication b × d = bd . On dispose donc de deux lois + et × sur Q pour lesquelles (Q, +, ×) est un corps de neutre 01 pour + et 11 pour ×. L’application Z → Q : l 7→ 1l est alors un morphisme injectif d’anneaux. On convient de ne pas écrire 1 au dénominateur, i.e. on écrit a pour a1 et on voit Z comme une partie de Q. On a donc créé un corps Q où les entiers relatifs non nuls sont inversibles pour ×, l’inverse de l 6= 0 étant 1l . 2. Le corps des fractions rationnelles On va procéder à l’identique pour l’anneau des polynômes K[X] à coefficients dans un corps K: on va créer un corps noté K(X), appelé corps des fractions de K[X] ou corps des fractions rationnelles en une indéterminée X, qui est à K[X] ce que Q est à Z. Définition: L’ensemble K(X) est l’ensemble des expressions A A0 0 0 avec la convention B =B 0 ssi AB = A B. A B avec A ∈ K[X] et B ∈ K[X] \ {0}, A A , on dit que (A, B) ou encore B est Soit F ∈ K(X). Si deux polynômes A et B sont tels que F = B un représentant de F. Il y a une infinité de représentant de F : si (A, B) convient alors (AC, BC) convient pour tout C 6= 0. A C A C AC Comme pour Q, si l’on pose B +D = AD+CB et B · D = BD , alors les membres de droite sont BD indépendants des représentants (A, B) et (C, D): vérifions le pour l’addition: si AB 0 = A0 B et CD0 = C 0 D, alors (AD + CB)B 0 D0 = AB 0 DD0 + CD0 BB 0 = A0 BDD0 + 0 0 0 0 B C 0 DBB 0 = (A0 D0 + C 0 B 0 )BD, i.e. AD+CB = A DB+C . 0 D0 BD On a donc deux lois de compositions internes + : K(X)2 → K(X) · : K(X)2 → K(X) Proposition: (K(X), +, ·) est un corps de neutres pour 01 pour l’addition + et A A B est −A cation ·. L’opposé de B B et l’inverse multiplicatif de B , A 6= 0 est A . De plus, l’application K[X] → K(X) : A 7→ 1 A 1 1 1 pour la multipli- est un morphisme injectif d’anneaux conservant l’unité. Comme pour le corps Q des rationnels, on omettra toujours d’écrire 1 au dénominateur, i.e. on écrira A pour A1 et on pensera à K[X] comme inclus dans K(X). Tout polynôme non nul A ∈ K[X] ⊂ K(X) est à présent inversible pour · dans K(X) et son inverse est A1 . Degré d’une fraction rationnelle non nulle A A0 0 0 Soit A ∈ K[X] \ {0}. On observe que si B =B 0 , i.e. si AB = A B, alors dA + dB 0 = dA0 + dB , i.e. A dA − dB = dA0 − dB 0 , i.e. si F = B ∈ K(X) \ {0}, l’entier dA − dB est indépendant du représentant (A, B) choisi. Définition: L’entier dA − dB est appelé le degré de F = A B. On pose deg(0) = −∞. Exercice: pour tout (F, G) ∈ K(X)2 , on a deg(F + G) ≤ max(deg(F ), deg(G)) et deg(F G) = deg(F ) + deg(G). Représentant irréductible. Proposition: Soit F ∈ K(X) non nulle. Il existe un unique représentant (P, Q) tel que pgcd (P, Q) = 1 et Q est unitaire (i.e. normalisé). preuve: cf cours. Pôle/Evaluation P où (P, Q) est le représentant irréductible de F. Soit F = Q Définition: On appelle pôle de F toute racine α ∈ K du polynôme Q. On dit qu’un pôle α ∈ K est d’ordre m si α est racine de Q de multiplicité m i.e. si (X − α)m divise Q et (X − α)m+1 ne divise pas Q. Exemple: soient u, v ∈ C × , u 6= v. u est pôle d’ordre 2 et v est pôle d’ordre 1 de la fraction rationnelle (X−u)X2 (X−v) . Si α ∈ K n’est pas un pôle de F l’évaluation de F en α est l’élément F (α) = P (α) Q(α) ∈ K. Si α n’est pas pôle de F et G, on a (F + G)(α) = F (α) + G(α) et (F · G)(α) = F (α)G(α). P Dans la proposition qui suit, si A = 0≤j≤n aj X j ∈ K[X], on désigne par A0 le polynôme dérivé P A0 = 0≤j≤n−1 (j + 1)aj+1 X j ∈ K[X]. Proposition/définition: si F = La fraction rationnelle A A0 B−AB 0 B, B2 est indépendante du représentant (A, B) de F choisi. F0 = A0 B − AB 0 B2 est appelée la dérivée de F. Exercice: montrer que (F G)0 = F 0 G + F G0 . Cette règle est la même que pour les quotients de fonctions réelles, on aura par exemple m − (X−u) m+1 . 0 1 (X−u)m = 3. Décomposition en éléments simples. Définition: on dit qu’une fraction rationnelle F ∈ K(X) est un élément simple s’il existe deux polynômes R et S et un entier m ∈ N \ {0} tels que F = R Sm avec S irréductible unitaire (i.e. normalisé) et deg(R) < deg(S). 2 Exemples: Sur le corps C, tout élément simple s’écrit Sur le corps R, il y a deux types d’éléments simples 4c < 0, m ≥ 1. z0 (X−z)m , z0 , z ∈ C, m ≥ 1. r0 +r1 X r0 (X−r1 )m et (X 2 +bX+c)m , r0 , r1 , a, b ∈ R, b2 − Il se fait que toute fraction rationnelle est, d’une manière unique (à l’ordre des facteurs près), somme d’un polynôme et d’éléments simples. Voici un premier exemple: a 1 b 1 X = + , a, b ∈ C? , a 6= b. (X − a)(X − b) a−bX −a b−aX −b Théorème de décomposition en éléments simples: Soit F une fraction rationnelle dont le représentant irréductible est F = S1m1 A · · · Snmn avec A ∈ K[X] \ {0}, les polynômes Si irréductibles normalisés, deux à deux distincts et pour tout i ∈ {1, . . . , n}, mi ∈ N \ {0}. Alors, il existe d’uniques polynômes E; B1,1 , . . . , B1,m1 ; B2,1 , . . . , B2,m2 ; . . . ; Bn,1 , . . . , Bn,mn de K[X] tels que X F =E+ X 1≤i≤n 1≤j≤mi =E+( Bi,j Sij B1,1 Bn,1 B1,m Bn,m + . . . + m1 1 ) + . . . + ( + . . . + mnn ) S1 S1 Sn Sn et pour tout (i, j) deg(Bi,j ) < deg(Si ). Le polynôme E, appelé partie entière de F est le quotient de la division euclidienne de A par Π1≤i≤n Simi . Voici la forme de cette décomposition sur les corps C et R et deux exemples: Sur C, les irréductibles normalisés sont les X − z ∈ C[X] et les polynômes Bi,j , étant de degré deg(Bi,j ) < 1, sont constants, i.e. Bi,j = βi,j ∈ C. On a donc, pour n nombres complexes z1 , . . . , zn deux à deux distincts, F = (X − z1 )m1 X A = E + m · · · (X − zn ) n X 1≤i≤n 1≤j≤mi βi,j . (X − zi )j Le terme correspondant au i−ème facteur premier Si = (X − zi ): βi,1 βi,mi + ... + (X − zi ) (X − zi )mi est appelé la partie principale de F au pôle zi et le coefficient βi,1 est appelé le résidu de F en ce pôle. Sur R, les irréductibles normalisés sont les polynômes (X − a), a ∈ R, et les polynômes de degré 2 sans racine réelle X 2 + bX + c avec b2 − 4c < 0. 3 Les polynômes Bi,j sont des constantes αi,j ∈ R pour les irréductibles de degré 1 et des polynômes βi,j + γi,j X ∈ R[X] de degré 1 pour les irréductibles de degré 2. On a donc F = )lr (X 2 )l1 (X − a1 . . . (X − ar X X αi,j =E+ + (X − ai )j 1≤i≤r 1≤j≤li A + b1 X + c1 )m1 . . . (X 2 + bs X + cs )ms X X βi,j + γi,j X 1≤i≤s 1≤j≤mi Voici comment décomposer une fraction rationnelle F = A S (X 2 + bi X + ci )j sur K = C ou K = R: 1. Si deg(A) ≥ deg(S), effectuer la division euclidienne de A par S dans K[X]: A = ES + R, deg(R) < deg(S). Dans K(X), on a alors A R =E+ , S S deg( R ) < 0. S 2. Factoriser S en irréductibles normalisés, i.e. écrire mi S = λ Πi=n i=1 Si , avec λ ∈ K ? , Si ∈ K[X] irréductibles normalisés deux à deux distincts. 3. Ecrire la forme de la décomposition en éléments simples de Voici un exemple sur C: R S donnée par le théorème. X β1,1 β2,1 β2,m R = = + + ... + , m S (X − z1 )(X − z2 ) (X − z1 ) (X − z2 ) (X − z2 )m z1 , z2 ∈ C? , z1 6= z2 , m ≥ 2, βi,j ∈ C. Voici un exemple sur R: R X α1,1 β1,1 + γ1,1 X β1,m + γ1,m X = = + 2 + ... + , 2 m S (X − a)(X + bX + c) (X − a) X + bX + c (X 2 + bX + c)m a ∈ R? , b, c ∈ R, b2 − 4c < 0, m ≥ 2, α1,1 , β1,i , γ1,i ∈ R. 4. Déterminer les coefficients de la décomposition: Dans l’exemple sur C, pour obtenir β2,m , commencer par multiplier par (X − z2 )m : (X − z2 )m R X (X − z2 )m = = β1,1 + β2,1 (X − z2 )m−1 + . . . + β2,m−1 (X − z2 ) + β2,m S (X − z1 ) (X − z1 ) et ensuite évaluer en z2 : z2 = β2,m (z2 − z1 ) Pour obtenir β2,m−1 prendre la dérivée dans l’identité (1): on a X 0 (X − z1 ) − X z1 = =− , 2 X − z1 (X − z1 ) (X − z1 )2 4 (1) (X − z2 )m 0 m(X − z2 )m−1 (X − z1 ) − (X − z2 )m (X − z2 )m−1 = = (m(X − z1 ) − (X − z2 )), X − z1 (X − z1 )2 (X − z1 )2 et la dérivée de l’identité (1) s’écrit − (X − z2 )m−1 z1 = β1,1 (m(X − z1 ) − (X − z2 )) + β2,1 (m − 1)(X − z2 )m−2 + . . . + β2,m−1 . 2 (X − z1 ) (X − z1 )2 Evaluer ensuite en z2 : − z1 = β2,m−1 . (z2 − z1 )2 Si m ≥ 3, prendre la dérivée seconde et évaluer en z2 pour obtenir β2,m−2 , etc. Pour obtenir β1,1 , multiplier R S par (X − z1 ) et évaluer en z1 : z1 = β1,1 . (z1 − z2 )m Dans l’exemple sur R, α1,1 s’obtient comme sur C. Pour les autres coefficients, utiliser le fait que X 2 + bX + c a deux racines z, z ∈ C \ R. Pour obtenir β1,m et γ1,m , multiplier par (X 2 + bX + c)m : X (X 2 + bX + c)m = α1,1 + (β1,1 + γ1,1 X)(X 2 + bX + c)m−1 + . . . + (β1,m + γ1,m X) (X − a) (X − a) et évaluer en z: (2) z = β1,m + γ1,m z. (z − a) C’est un système de deux équations réelles pour β1,m , γ1,m ∈ R. Ensuite, poursuivre comme dans C, i.e. pour obtenir les coefficients β1,i , γ1,i , 1 ≤ i ≤ m − 1, dériver l’identité (2) et évaluer en z. En général, il s’agit de traiter chaque facteur irréductible séparément, en procédant, par exemple, comme on vient de le faire. 5