30 ans de mariage Pascal et Véronique Guérin C`est avant tout l

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30 ans de mariage Pascal et Véronique Guérin C`est avant tout l
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30 ans de mariage
Pascal et Véronique Guérin
C’est avant tout l’action de grâce qui nous rassemble cet après-midi, le merci profond
que vous dites au Seigneur et que vous vous dites aussi l’un à l’autre.
En effet, rien ne va de soi, rien n’est naturel, et avant tout l’amour ; il est donc bon mais aussi
nécessaire de rendre grâce pour ce qu’il nous est donné de vivre de beau et de vrai
Vous appartenez, nous appartenons à une génération et à une culture pour lesquelles la fidélité
et l’engagement ont un sens, construisent une vie.
Il faut mesurer que ceci est moins vrai pour bien de ceux et de celles qui appartiennent aux
générations suivantes.
Face à la fidélité dans l’engagement, face au devoir même, on place l’honnêteté, on place la
vérité des sentiments.
Combien de personnes, combien de couples aussi, et combien de prêtres et de consacrés même
ne font-ils pas jouer en opposition ces deux réalités que sont la fidélité et la sincérité.
Ceci s’exprime dans la vie de couples et de familles : lorsque le sentiment amoureux connaît
une épreuve, une « baisse de régime », est-il alors honnête de rester ensemble ? Ceci n’est-il
pas comme un mensonge ?
Cette attitude affecte aussi la vie avec Dieu : il vaut mieux prier peu mais avec intensité que de
satisfaire avec régularité à une obligation, même lorsqu’il s’agit de la messe dominicale,
pensent certaines personnes, pensent-elles et aussi pratiquent-elles !
Les mouvements du cœur sont-ils seuls à compter pour construire une vie, un couple, une
famille ?
Certes, on pourra alors objecter, pour la mettre en avant la parole célèbre de Blaise Pascal :
« L’amour a ses raisons que la raison ne connait pas ».
Mais, Pascal oppose-t-il le cœur et la raison ?
Bien plutôt il souligne que l’un et l’autre ont leurs propres règles de fonctionnement, qu’il serait
inutile de les expliquer l’un par l’autre, mais il ne dit en rien que la raison ne devrait compter
pour rien et que seuls auraient droit de guider notre vie les mouvements du cœur.
Non, l’un et l’autre comptent et sont nécessaires pour aimer ; parfois, ils agiront de manière
unifiée, ensemble ; d’autres fois, le cœur parlera plus fort, et à d’autres moments, lorsque le
cœur sera las, c’est la raison qui maintiendra dans la fidélité, dans la fidélité et dans l’amour.
Les deux lectures bibliques de vos noces de perle appellent aussi à vivre cela, à vivre toute la
richesse d’une vie d’amour.
C’est la poésie et les mouvements du cœur chantés par le Cantique des Cantiques, et dans
l’Evangile, d’une manière qui pourrait paraître étonnante, l’amour, et de Dieu et des frères, est
une loi, un commandement.
Là encore, il ne s’agit pas d’opposer mais de conjoindre : oui, la loi, le commandement est cette
force extérieure que Dieu nous donne pour nous appeler à aller plus loin que ce que notre cœur
nous dicterait de vivre.
La loi de l’amour appelle à marcher vers le pardon lorsqu’une offense nous a blessé, ou bien
lorsque nous-même avons blessé l’autre.
La loi d’amour appelle à regarder avec amour, en tout cas avec respect et compréhension, cette
personne vers laquelle je me sens moins tourné spontanément.
Appelé à aimer, commandé à aimer, le couple découvre qu’il a été conduit au-delà de ce que
ses propres forces, ses seules forces lui auraient permis de vivre.
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De grâce, ne limitons jamais ces capacités qui résident en chacun de nous et que la grâce de
Dieu vient révéler, vient éveiller : l’amour est du corps, l’amour est du cœur, l’amour est de la
raison ; c’est bien toute notre personne qui est appelée à le découvrir et à le vivre.
Comme au jour de votre mariage, c’est la Parole de Dieu et ce sont les sacrements qui vous le
donnent et vous le révèlent.
« Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? » interroge saint Paul dans la première Lettre aux Corinthiens.
Le mariage et l’amour sont bien de l’ordre d’un don, et d’un don où les donateurs sont multiples.
C’est l’homme qui donne à la femme et la femme qui donne à l’homme ; c’est Dieu qui leur
donne l’un à l’autre – le mariage est bien un sacrement ; c’est le Christ et l’Esprit Saint qui
donnent, en particulier dans l’eucharistie célébrée et reçue, et ce sont tous ceux qui sont présents
et qui donnent leur prière au nouveau couple.
Mais, et ce jour le signifie davantage, c’est ce couple, cette nouvelle famille qui donne sa vie,
son témoignage, son engagement, pour le bien de toute l’Eglise et pour celui de la société à
laquelle ils prennent part.
En vous mariant, vous avez été confortés dans votre être et votre mission, comme aime à dire
le pape François, de disciples-missionnaires.
Vous avez été appelés à recevoir le don de Dieu et à en manifester la grandeur et la nécessité
autour de vous, en particulier cela ce sur quoi j’insistais, la nécessaire convergence du cœur et
de la loi, des sentiments et du commandement.
Il est vrai que vous vous êtes mariés une fois pour toutes ; ce 25 juin 2016 n’est pas un nouveau
mariage, il est la mémoire célébrée d’un événement inscrit dans votre histoire, mais d’un
événement qui donne sens à votre présent et au chemin qui s’ouvre toujours devant vous.
Pour cette raison, je ne suis pas toujours d’accord avec cette expression selon laquelle il faudrait
se marier, se remarier chaque jour ; non, cela vous l’avez fait une fois pour toutes.
Sinon, c’est un peu comme si nos engagements souffraient de toujours pouvoir être remis en
cause.
Ce qui a été dit une fois, votre oui l’un à l’autre et le oui de Dieu pour vous, demeure ; tel est le
sens et le fruit de la fidélité.
Cependant, c’est vrai, de temps à autre, de manière plus solennelle, il faut pouvoir se remettre
devant cet engagement, comme les prêtres le font une fois par an, lors de la messe chrismale :
ils disent à leur évêque leur volonté de fidélité à l’appel de Dieu et à leurs engagements.
De même, dans un couple, une famille ; vous le faites aujourd’hui, après trente ans, et sans
doute chaque année, au jour anniversaire de votre mariage.
Vous savez alors que le oui du premier jour demeure mais qu’il est désormais un oui buriné, un
oui parfois marqué par la poussière du chemin, un oui qui s’y est musclé aussi, qui a dû trouver
et recevoir des forces nouvelles lorsque cela fut nécessaire ; c’est donc un oui fort, et humble,
un oui qui vous envoie encore de l’avant.
Enfin, recevons ce que vous dit, ce que nous dit, ce si beau lieu où nous sommes aujourd’hui,
l’église de Dercé.
Nichée dans le vallon elle est une invitation à savoir, dans la vie personnelle comme dans la vie
de couple, à savoir cultiver et respecter l’intimité, le secret.
La mode actuelle veut que tout soit dit sur tout, les réseaux dits sociaux servent de déversoir et
d’exposition à la vie la plus privée.
Une société qui ne sait plus respecter l’intimité est en grand péril.
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En retrait du bourg, l’église Saint Jean-Baptiste est aussi un appel à savoir nous aussi nous
mettre en retrait, parfois ; à nous donner du temps, seul, en couple, en famille, pour le
recueillement, le silence, la prière ; sans cette mise à distance du quotidien, nous finirons par
nous faire happer, nous serons toujours à la remorque de l’événement, sans le maîtriser, et
parfois sans le comprendre.
Enfin, cette église est comme une forteresse, elle est un lieu défensif, elle est forte de ses pierres
et de ses murailles ; elle est donc ce roc et cet abri sur lesquels nous pouvons édifier nos vies.
Mes amis, recevez encore aujourd’hui ce message que vous adresse encore le Seigneur à travers
cette belle église, comme il le fit il y a trente ans, au jour de votre mariage. Dieu soit loué, toutes
grâces lui soient rendues.
Mgr Pascal Wintzer
Archevêque de Poitiers
Samedi 25 juin 2016

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