La contrainte pénale : une double ou une triple peine qui pousse à
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La contrainte pénale : une double ou une triple peine qui pousse à
La contrainte pénale : une double ou une triple peine qui pousse à la récidive Avant tout autre examen, la mesure de « contrainte pénale » introduite par le projet de loi « relatif à la prévention de la récidive et à l’individualisation des peines » qui sera soumis au Parlement à partir du 2 avril 2014 doit être étudiée du point de vue de sa légalité constitutionnelle. 1. Les éléments constitutifs de la contrainte pénale Le mécanisme retenu par le projet de loi établit trois phases distinctes : • • • La phase juridictionnelle, au cours de laquelle la juridiction pénale déclare la culpabilité et prononce la contrainte pénale. Elle peut d'ailleurs ajourner le jugement jusqu’à 4 mois pour faire procéder à des « investigations sur la personnalité », c’est-à-dire en pratique à une « étude d’impact » individuel de la mesure de contrainte pénale qu’elle envisage de prononcer, La phase post-sentencielle, qui est la gestion par le JAP du dispositif de suivi probatoire du condamné selon des modalités pratiques proches de celles de la mise à l’épreuve déjà existante, Enfin une nouvelle phase juridictionnelle de sanction de la précédente, qui intervient dans le cas où le condamné ne respecte pas les obligations mises à sa charge, au cours de laquelle le président du TGI fixe une peine d’emprisonnement. Ce mécanisme n’est pas simplement d’une extrême complexité, il pose un certain nombre de questions au regard des principes généraux du droit pénal. Il se différencie en effet fondamentalement du SME dont il s’inspire, en ceci que la personne condamnée à la contrainte pénale pourra être soumise à deux types d'atteintes successives à sa liberté : une peine constituée de mesures probatoires et éducatives durant la phase post-sententielle, que le législateur voudrait plus lourdes et plus nombreuses que dans le cadre du SME, suivie d'une peine d’emprisonnement en cas de révocation de la précédente. Malgré ce qu’une approche superficielle pourrait laisser penser, ce système est donc entièrement différent, du point de vue juridique, du sursis avec mise à l’épreuve. Dans le SME, il n’est fixé qu’une seule peine, l’emprisonnement assorti d’un sursis comportant des mesures probatoires dont le respect est une condition de non révocation du sursis. Ces mesures sont donc une modalité d'application de la peine d'emprisonnement et non une peine en soi, tandis que dans la contrainte pénale les mesures probatoires constituent juridiquement une peine en tant que telle qui ouvre la possibilité d'une seconde peine prononcée en cas d’échec, définitif ou provisoire, de la première. En termes de libertés publiques, il est essentiel de faire apparaître que, quelle que soit l’approche qu’on en fasse, la contrainte pénale est ainsi composée en réalité de deux peines ou d’une peine à deux étages. Bien que son introduction dans notre droit la présente comme une sorte de « super-SME » – destiné à renforcer les mesures probatoires et éducatives qui s'exercent sur le condamné par tout un dispositif serré d’encadrement, de contrôle, d’obligations et d’interdictions destiné à assurer son « amendement », son « insertion » ou sa « réinsertion » –, il importe de considérer que la CP n'est pas seulement une peine éducative qui constituerait une pénalité « douce », voire indolore, favorable aux condamnés. Elle est aussi et d’abord une peine dans tous les sens du terme, qui limite la liberté des condamnés. Les aspects éducatifs et les intentions exprimées, tendant à voir la contrainte pénale primer sur des peines plus « lourdes » comme l'emprisonnement, ne doivent pas occulter que la peine, quelle qu'elle soit, est d'abord une atteinte à la liberté individuelle, raison pour laquelle elle doit répondre à des exigences de légalité, de nécessité, de proportionnalité, de prévisibilité et de sécurité juridique. Or, en l’occurrence, la contrainte pénale comporte certes un volet probatoire et éducatif, mais celui-ci étant une peine à part entière peut être attentatoire à la liberté individuelle, et s’y ajoute également un volet punitif constitué par l’emprisonnement. 2. La nature de la contrainte pénale On peut par conséquent s’interroger en premier lieu sur la nature exacte du dispositif de la contrainte pénale : la peine de probation prononcée par le tribunal constitue-t-elle une peine principale tandis que l’emprisonnement, qui est susceptible de l’être si le condamné ne satisfait pas à ses obligations, ne serait qu’une peine subsidiaire, seulement potestative puisqu’elle dépend de la décision du JAP de la solliciter auprès du président du tribunal et de la décision de celui-ci ensuite de la prononcer ? Dans ce cas, l’emprisonnement – prononcé par le président du TGI qui, dès lors qu’il constate le non respect des mesures de la CP, ne dispose d’aucun autre choix que de la prononcer et peut tout au plus en fixer le régime d’aménagement –, est une « sanction de la sanction », et à ce titre s’analyse comme une peine à la fois subséquente, conditionnelle et alternative. Ou bien faut-il considérer que l’emprisonnement prévu en cas de non respect des mesures probatoires et éducatives fait partie intégrante de la CP au même titre que la précédente, et sur un pied d’égalité avec elle ? Ce qui reviendrait à dire que la contrainte pénale contiendrait d’emblée deux peines en une seule : l’une, active et d'application immédiate, l’autre passive dont l'application est suspendue ou différée. La partie active serait celle au cours de laquelle le condamné doit faire ses preuves par des manifestations concrètes, entraînant sa coopération à l'exécution de la peine, pour qu'il ne soit pas procédé au passage à l'étape suivante au cours de laquelle il est substitué une peine passive d'emprisonnement qui s'impose à lui purement et simplement. Dans un cas comme dans l’autre, la CP, présentée comme une seule peine à finalité probatoire et éducative, contient en réalité, du point de vue juridique, deux peines distinctes qui s’articulent l’une avec l’autre et il faut analyser la conformité constitutionnelle d’un tel dispositif en considération de cette particularité. Il est clair que le projet de loi fait d’abord de la phase post-sentencielle de suivi par le JAP une peine à part entière et qui devrait même, en principe, être la seule qui soit prononcée. C’est ce qui implique que le non respect des obligations qu’elle comporte engendre l'application d'une sanction distincte, laquelle doit être prononcée par une juridiction (le président du tribunal doté de pouvoirs propres) différente de celle qui a prononcé la condamnation et du JAP qui en assure le suivi. Toutefois, cette seconde peine est déjà en germe dans la contrainte dès le jugement de condamnation puisque le président qui la révoque ne rejuge pas la culpabilité et ne dispose comme sanction que de l’emprisonnement. Par ailleurs, l’une des limites de la peine qu’il peut prononcer est fixée par la durée de la première (au maximum la moitié de la contrainte prononcée). Ainsi, la partie probatoire de la contrainte pénale doit s'analyser soit comme une peine principale doublée d’une peine subséquente (l'emprisonnement) alternative, soit comme une peine principale suivie d’une autre peine principale d’application conditionnelle et différée. Dans les deux cas de figure la contrainte pénale est une innovation juridique sans précédent dans notre droit, puisqu’elle n’est comparable ni au SME (ou au sursis-TIG) – qui n’institue qu’une seule peine, l’emprisonnement, dont la durée d’exécution est fixée irrévocablement lors de la condamnation et qui contient une modalité d’application suspensive dont la condition est le respect par le probationnaire des obligations fixées par le JAP durant la mise à l’épreuve –, ni au TIG peine principale dont l’inexécution constitue une nouvelle infraction, ni aux jours-amende qui sont automatiquement convertis en emprisonnement en cas de non paiement. Il ne s’agit pas non plus d’une conversion de peine comme peut le faire le JAP pour les peines inférieures ou égales à 6 mois d’emprisonnement (article 132-57 CP), dans la mesure où cette conversion consiste en réalité à introduire un sursis à l’exécution de l’emprisonnement ferme en cas de conversion en TIG ou en la substitution a posteriori d’une peine moins élevée dans l’échelle des peines quand il s’agit de jours-amende. Or, dans le cas de la CP, la peine d’emprisonnement est évidemment plus élevée dans l’échelle des peines et elle intervient comme sanction du non respect d’une autre peine. Cette différence entre les peines existantes et la CP a des conséquences sur l’appréciation que l’on doit faire de l’articulation entre la peine de probation et la peine d’emprisonnement au sein de la contrainte pénale. On assiste à une dissociation des fonctions traditionnelles de la peine – la fonction « distributive » ou « correctrice » d’un côté et la fonction « commutative » ou « punitive » de l’autre –, cette dernière étant incluse dans la contrainte pénale mais potentialisée, différée et reléguée à l’arrière-plan, pour ne réapparaître et ne devenir effective en remplacement de la première que si le condamné ne coopère pas à l’exécution de la peine censée le mener à sa réhabilitation. La question se pose de savoir par conséquent si, du point de vue de la légalité constitutionnelle, cette construction pénale à deux niveaux de sanctions est compatible avec les principes généraux de notre droit. Le dispositif qui est retenu par le projet de loi conduit en effet à rendre incertaines et indéterminées les deux sanctions (probation et emprisonnement), posant des problèmes de légalité, de sécurité juridique, d'égalité devant la loi et de proportionnalité de la peine. 3. La contrainte pénale à l’épreuve des principes généraux du droit La contrainte pénale soulève de nombreuses questions de compatibilité avec les principes de la légalité républicaine garantis par la Constitution. 3.1 Le principe "non bis in idem" Que l’on considère que la CP pénale institue deux peines principales alternatives ou une peine principale assortie d’une peine subsidiaire potestative, elle instaure en tout état de cause deux peines distinctes pour une seule infraction, appelées à pouvoir se succéder en alternance. La question posée est alors la suivante : la loi peut-elle prévoir deux peines dont le régime de l’une seulement serait fixé initialement (la partie de la peine correspondant à la fonction correctrice) et qui ne serait également déterminée que dans son quantum (puisque les mesures fixées par le tribunal ne sont, pour certaines, que provisoires, les autres étant en tout état de cause modifiables par le JAP), la fixation de l’autre (la peine à finalité punitive) étant différée et subordonnée à l’appréciation par le juge du respect de la première ? Dans les deux hypothèses ci-dessus, on est tenté de considérer que le jugement de condamnation initial qui a prononcé la CP a suspendu l’appréciation des circonstances de l’infraction (la fonction punitive). Le nouvel article 130-1 du CP énonce en effet que la peine a deux fonctions : − sanctionner le condamné, − favoriser son amendement, son insertion ou sa réinsertion. Si l’article 132-1 dans sa nouvelle rédaction mentionne que « la juridiction détermine la nature, le quantum et le régime des peines prononcées en fonction des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur, de manière à assurer les finalités énoncées à l’article 130-1 », il ne précise ni ce que signifient les termes « circonstances de l’infraction », ni comment la juridiction doit les prendre en considération. Il faut certes admettre que, dans le cadre de l’individualisation des peines dont le juge a la charge, le législateur lui laisse une importante latitude d’appréciation. Toutefois, l’expression « circonstances de l’infraction » est trop vague pour permettre de déterminer ce qu’elle recouvre. Cette approximation de langage n’est pas un inconvénient lorsque le juge doit apprécier toutes les autres peines que la contrainte pénale, dans la mesure où chacune d’elle vide la compétence de la juridiction. Par conséquent, quelle que soit la peine prononcée, la juridiction est censée avoir fait une appréciation complète à la fois des circonstances de l’infraction (fonction punitive) et de la personnalité de son auteur (fonction correctrice), dans la perspective à la fois de le sanctionner et de l’amender. Le choix d’une autre peine que l’emprisonnement ferme (seul celui-ci devant être spécialement motivé) indique suffisamment, même implicitement, que le juge a pris en considération les deux fonctions de la peine. Mais la situation qui résulte de la création de deux peines alternatives au sein de la contrainte pénale introduit une situation complètement différente et nouvelle qui découle des termes mêmes de l’article 131-8-2 ainsi que de l’économie globale de cette nouvelle peine. Certes, ce texte enjoint à la juridiction de prendre en compte pour le choix et le prononcé de la peine de contrainte pénale, « la personnalité de son auteur et les circonstances de la commission des faits ». Mais on doit relever deux points qui la distinguent de toutes les autres peines : premièrement, la personnalité de l’auteur est située avant l’appréciation des circonstances des faits, ce qui est une manière de rappeler que le législateur souhaite faire prévaloir celle-ci dans le choix de la contrainte pénale, à la différence des autres peines où l’appréciation des circonstances de l’infraction est placée en premier critère d’évaluation de la peine. Mais surtout, en second lieu, on doit relever que les « circonstances des faits » de l’article 131-8-2 ne sont pas équivalentes aux « circonstances de l’infraction » de l’article 132-1. L’appréciation des seuls faits par le juge paraît manifestement exclure l’aspect pénal de ceux-ci, pour n’en retenir que ce qui serait en relation avec les éléments de personnalité de l’auteur. La question posée est donc de savoir si la juridiction qui prononce la contrainte pénale a statué également sur l’ensemble des circonstances de l’infraction, qui impliquent aussi le trouble à l’ordre public et la gravité des faits, ou si elle a différé cette appréciation dans le prononcé de la première partie de la peine constituée des seules mesures probatoires et éducatives puisqu’elle ne prononce pas la peine punitive (l’emprisonnement). On trouve à l’appui de cette seconde interprétation des arguments à la fois de texte – ceux qui viennent d’être évoqués, auxquels il faut ajouter que l’article 131-8-2 prescrit à la juridiction de les assujettir à l’appréciation de la finalité de la peine de contrainte pénale qui est « l’accompagnement socio-éducatif individualisé et renforcé » – et l’économie globale de cette peine qui tend explicitement à faire prévaloir la sanction correctrice sur la sanction punitive. Enfin, si l’on devait faire l’interprétation inverse, on voit mal comment prendre en considération, pour l’appréciation d’une même durée de peine, des éléments aussi hétérogènes que cet accompagnement socio-éducatif et la punition motivée par la gravité des faits (à la différence, là encore, du SME, qui fixe le niveau punitif par la durée de la peine d’emprisonnement et le besoin éducatif par la durée de la probation). Plus encore, ces éléments sont non seulement hétérogènes, ils peuvent être contradictoires ou incompatibles : une infraction de faible gravité peut révéler une désinsertion profonde et inversement. Il convient par conséquent de considérer que, très logiquement, la contrainte pénale sollicite de la juridiction qu’elle ne prenne en considération, pour fixer la durée de la contrainte et les mesures correctrices (qui sont modifiables à tout moment par le JAP), que la personnalité de l’auteur et celles des circonstances de l’infraction qui sont en rapport non avec la fonction punitive de la peine, mais seulement avec ses propriétés correctrices. On assiste ainsi à une dichotomie – là encore logique avec la finalité de cette peine – entre les deux fonctions de la peine énoncées dans l’article 130-1 : la première partie de la contrainte pénale, constituée des mesures probatoires et éducatives, viserait à déterminer uniquement la fonction correctrice de la peine, tandis que la fonction punitive serait suspendue à l’éventualité du prononcé ultérieur de la peine d’emprisonnement. La question posée est alors la suivante : quels éléments le président du TGI appelé à prononcer la peine punitive, qui n’est encore que potentielle, doit-il prendre en considération ? Est-ce seulement le non respect des mesures probatoires et éducatives ou doit-il, s’agissant de prononcer pour la première fois la peine punitive de l’infraction initiale, statuer également sur les « circonstances de l’infraction » ? Dans cette hypothèse d’interprétation – la seule cohérente avec la lettre et l’esprit du texte –, il fait peu de doute que le président du TGI, appelé à se prononcer sur la révocation demandée par le JAP, devra procéder à un rejugement au moins partiel, non de la culpabilité – définitivement acquise –, mais de la peine, qui avait été initialement limitée à sa fonction correctrice, pour y introduire la fonction punitive en plus de l’appréciation du non respect de la première peine. Autrement dit, il aura à prendre en considération la fonction punitive qui avait été laissée en suspens lors du prononcé de la partie probatoire de la peine et sanctionner à la fois l’infraction initiale et le non respect des obligations de la contrainte. On aboutit ainsi à faire juger deux fois (ou plus si le président du TGI est saisi à plusieurs reprises) les mêmes faits, pour leur appliquer des peines de nature différente dont la seconde, plus élevée dans l’échelle des peines de surcroît, est destinée à se substituer à la première : la première fois, lors du jugement, le tribunal fixe la peine la moins élevée dans l’échelle des peines, la seconde ou les suivantes c’est le président du TGI qui fixe la peine la plus élevée dans l’échelle des peines en reprenant les « circonstances de l’infraction » c’est-à-dire en appréciant à la fois la gravité de l’infraction et le trouble à l’ordre public en même temps que le non respect des mesures probatoires et éducatives. Peut-on admettre que le prononcé de la peine soit ainsi découpé en fonction de finalités différentes et en séquences successives conduisant à juger deux ou plusieurs fois les mêmes faits, la première fois sous l’angle d’une peine purement correctrice, les fois suivantes sous celui d’une peine punitive qui intègre en outre dans la sanction le non respect de la première ? Est-il garanti que le jugement sur la seconde peine ne chevauchera pas néanmoins le premier en reprenant des éléments qui ont déjà été inclus dans celui-ci, sachant au demeurant que le mécanisme de rejugement peut être renouvelé plusieurs fois ? A moins de considérer que le rejugement ne doive pas non plus avoir de visée punitive par rapport à l’infraction, mais cela poserait incontestablement un autre problème, puisqu’on introduirait dans notre droit une forme de peine qui dispenserait de plein droit le citoyen de l’obligation d’assumer la responsabilité de ses actes quand il commet une infraction (à la différence de la dispense de peine, qui est une forme d’absolution accordée a posteriori au condamné qui a préalablement réparé l’infraction et dont la réinsertion est acquise). Nous verrons plus loin un autre problème posé dans le prolongement de celui-ci, qui est celui du parallélisme des formes puisque la peine d’emprisonnement n’est pas prononcée par une juridiction de même nature et de même niveau que celle qui a prononcé la première partie de la peine. 3.2 Une atteinte à l’autorité de la chose jugée L’article 713-45 autorise le JAP, sur réquisitions conformes du parquet, à mettre fin de façon anticipée à la contrainte pénale. En cas de réquisitions non conformes, il peut saisir le président du TGI d’une demande aux mêmes fins. Cette disposition permet au JAP (ou au président du TGI) de modifier une condamnation en diminuant la peine. Il ne s’agit pas en effet simplement de modifier le régime d’exécution, mais de raccourcir la peine elle-même, dont de revenir sur l’autorité de la chose jugée. 3.3 L’indétermination de la peine Outre la difficulté précédente, le régime de double peine successive instituée par la contrainte pénale comporte une indétermination de chacune des peines qui les rend imprévisibles et inconnaissables pour le citoyen. 3.3.1 L’incertitude de la peine probatoire et éducative Tout d’abord, selon le principe de légalité des délits et des peines, c’est la loi qui fixe la peine encourue pour chaque infraction et ce même principe impose à la loi d’avoir une précision suffisante pour que le citoyen connaisse la peine encourue avant de commettre l’infraction qu’elle sanctionne. Or, la contrainte pénale ne permet de savoir ni quelle sera la durée de la peine, laquelle peut être comprise entre 6 mois et cinq ans pour toute infraction dont la peine encourue est un emprisonnement inférieur ou égal à 6 mois, ni en quoi consiste son contenu effectif. − Une durée incertaine : Certes, nul n’ignore que l’individualisation des peines est le principe (lui aussi à valeur constitutionnelle) qui permet au juge – et même qui lui en fait le devoir – d’adapter la peine, prévue in abstracto et erga omnes par la loi, tant aux faits de l’espèce qu’il juge qu’à la personnalité de la personne qu’il condamne. Mais le principe de légalité impose néanmoins que toute personne sache avant la commission de l’infraction quelle est la peine encourue pour cette infraction, d’abord en ce qui concerne sa durée. Or, dans le cas de la contrainte pénale, elle se trouve exposée ab initio, c’est-à-dire avant que le tribunal ne prononce sa décision, à une incertitude complète puisque la durée de la peine ne doit être fixée ni en considération de la peine encourue pour l’infraction déterminée, ni à raison des circonstances de celle-ci (gravité de l’infraction trouble à l’ordre public), mais de l’appréciation subjective par le juge de la personnalité de son auteur et de la durée prévisible des mesures à mettre en place pour assurer son amendement, son insertion ou sa réinsertion. Le nouvel ajournement prévu par l’article 132-70-1 pour permettre au tribunal de procéder à des investigations de personnalité confirme bien l’indétermination intrinsèque de cette peine dont la durée ne dépend pas de l’infraction commise. Le texte est muet sur une autre question d’importance : combien de peines de contrainte pénale un condamné peut-il cumuler ? Non seulement la peine de contrainte pénale n’est pas de droit révocable par une nouvelle condamnation quelle qu’elle soit (le tribunal a seulement la faculté de la révoquer après avis du JAP et, si l’on extrapole les pratiques en usage pour les SME, cette révocation sera la plupart du temps très improbable), mais apparemment rien n’interdit au tribunal de prononcer des peines de contrainte pénale successives, autant de fois qu’il le souhaite, alors même que le condamné est en train d’exécuter une telle peine. Comme le projet de loi ne le précise pas, la question se pose de savoir comment doivent s’apprécier les durées respectives de contrainte fixées lors de chaque condamnation. Ainsi, si plusieurs contraintes pénales s’exécutent en même temps, faut-il considérer que les peines ne se cumulent que dans la limite de la durée maximale de 5 ans prévue par l’article 131-8-2 ou, par analogie avec le SME, que chaque contrainte s’exécute séparément, s’agissant de la partie probatoire et éducative de la peine dont la durée est fixée par le tribunal ? On peut soutenir qu’il y a, à ce stade d’exécution, une autonomie de chaque peine de contrainte (elles s’exécutent alors en parallèle), mais on peut aussi objecter que, la contrainte étant une peine dès l’exécution de sa partie probatoire, le principe du non cumul au-delà du maximum de la peine encourue doit prévaloir conformément aux dispositions de l’article 132-3 du code pénal aux termes duquel « lorsque plusieurs peines de même nature sont encourues, il ne peut être prononcé qu’une seule peine de cette nature dans la limite du maximum légal le plus élevé » et de l’article 132-5 qui le complète et impose une limite du cumul, en cas de peines prononcées séparément, dans la limite du maximums encouru. Ainsi, deux TIG peines principales dont le total serait par exemple de 300 heures, seraient automatiquement ramenées à 210 heures dès lors qu’elles sont en concours. Dans le sens de cette interprétation milite une différence de nature entre le SME et la contrainte qui fait que la durée de la probation, dans le SME, n’est pas la peine ellemême et que le maximum légal s’apprécie donc par rapport à la durée d’emprisonnement prononcée et non par rapport à la durée de la probation. Tout laisse à penser par conséquent que les contraintes successives ne peuvent, ajoutées les unes aux autres, excéder 5 ans. Si tel n’était pas le cas, la durée des contraintes successives pourrait devenir disproportionnée, d’autant que l’esprit du texte est de considérer que la durée de 5 ans doit être suffisante pour assurer le but qui lui est assigné. Il faut considérer qu’en fixant la durée de la contrainte à 5 ans, le législateur n’entend pas vouloir que, en cas de contraintes multiples, la durée totale excède ce délai probatoire. Dans ce cas, la durée de la peine, en cas de cumul, redevient curieusement moins incertaine puisque le prévenu peut au moins savoir qu’il n’encourt pas un total de contraintes dont la durée d’exécution dépasserait 5 ans. Mais une autre incertitude renaîtrait en cas de révocation partielle de contraintes ou de révocation de certaines contraintes seulement. En effet, les peines qui étaient alors confondues pourraient revivre si le maximum de 5 ans n’est plus atteint du fait de la conversion d’une partie des peines en emprisonnement. On aurait ainsi des peines à géométrie variable, dont la durée pourrait faire de l’accordéon et augmenter ou diminuer au gré des révocations, celles-ci ayant pour effet d’augmenter à la fois la durée d’emprisonnement accompli et la durée de probation restant à accomplir… A moins, bien entendu, que la durée de 5 ans ne s’applique alors également en incluant les différentes peines d’emprisonnement, ce qui est logique et d’ailleurs prévu par le nouvel article 713-47 dernier alinéa qui prévoit que lorsque le maximum de l’emprisonnement est atteint, il est mis fin à la contrainte. Mais en cas de contraintes multiples, le calcul risque d’être d’une extrême complexité. On pourrait assister à une situation paradoxale dans laquelle la fin d’une des contraintes, mettant fin à la confusion légale, ferait revivre les durées initiales des autres et allongerait par conséquent la durée totale des peines successives. A chaque révocation, la peine d’emprisonnement ferait augmenter la durée des autres peines de probation, et à chaque nouvelle condamnation à une peine de contrainte, le délai serait ramené automatiquement au maximum légal de 5 ans ce qui raccourcirait même, selon toute vraisemblance, le maximum révocable (voir infra § 3.3.3). Supposons ainsi qu’une personne soit condamnée à trois contraintes d’une durée respective de 3 ans, 2 ans et 3 ans. On applique dans un premier temps à l’ensemble de ces durées la confusion légale qui limite l’ensemble des mesures à 5 ans (au lieu de 8). Le président du TGI révoque la première en totalité (3 ans), fixant par conséquent une peine d’1,5 an de prison. Cette peine pourrait faire revivre séparément les autres avec lesquelles elle était confondue, et la personne exécuterait une peine d’1,5 an d’emprisonnement tout en retrouvant une durée de contrainte de 5 ans. Si l’on pense qu’il faut procéder autrement, on considère que les peines restent confondues et que la révocation de la première contrainte ne fait pas revivre les deux autres séparément et par conséquent que la durée d’emprisonnement prononçable pour l’ensemble des contraintes n’était plus de 4 ans d’emprisonnement (1,5 + 1 + 1,5) mais de 2,5 ans, maximum légal résultant de la confusion. Autrement dit, quand le plafond légal de 5 ans est atteint pour la durée de la contrainte, il se créerait une forme d’immunité pour le condamné, les peines d’emprisonnement ne pouvant plus être prononcées au-delà de 2,5 ans. Toute la question est ainsi de savoir si les peines de contrainte pénale se confondent ou non si la durée maximale est atteinte et si cette confusion s’applique automatiquement ou non à la deuxième peine, l’emprisonnement. En l’état, toutes ces questions demeurent sans réponse, ce qui rend les durées de la contrainte pénale et de l’emprisonnement en cas de non respect, en cas de cumul, totalement incertaines. − Un contenu indéterminé : De la même manière, le citoyen doit savoir quel est le contenu de la ou des peines auxquels il s’expose. Or, la liste des obligations et interdictions qui constituent la peine de contrainte pénale est aléatoire puisqu'une peine de contrainte pénale peut comporter des mesures complètement différentes d'une autre peine de contrainte pénale. Le problème ainsi posé est que le contenu de la peine correspond en même temps aux mesures d’exécution de la peine. Autrement dit, on ne peut plus distinguer ce qui, dans la partie probatoire et éducative de la contrainte pénale, relève de la peine ellemême, soumise aux principes constitutionnels, de l’exécution de la peine, qui eux, ne le sont pas. Ainsi, un condamné peut se voir interdire de rencontrer la victime et être obligé de suivre des soins, tandis qu'un autre aura l'obligation d'exercer un emploi et d’exécuter un travail d’intérêt général, ainsi que l’interdiction de détenir une arme. La personne condamnée ne peut alors jamais connaître, avant de commettre l'infraction mais aussi tout au long de l’exécution de la peine elle-même, quelles seront les obligations et les interdictions qu’elle sera susceptible de recouvrir et qui la constituent, puisque cellesci dépendent au mieux du tribunal qui prononce la sanction et même plus vraisemblablement du JAP qui, en pratique, détermine les obligations réelles en modifiant à sa guise celles qui ont été fixées par le tribunal. Là encore, se pose d’ailleurs un problème de parallélisme des formes : est-il légitime que le contenu de la peine soit légalement indéterminé, une juridiction de rang inférieure pouvant à son gré aggraver ou alléger le contenu de la peine fixée par le tribunal (comme si, par exemple, le JAP pouvait modifier le nombre d’heures de TIG fixé par le tribunal soit pour le diminuer, soit pour l’augmenter) ? Cela fait apparaître en tout cas que la contrainte pénale est un cadre vide, dont le contenu dépend des mesures que le tribunal et surtout le JAP décident ou non d’y mettre. Avant la commission de l’infraction, comme dans sa phase probatoire et éducative, la contrainte pénale est donc totalement aléatoire pour le condamné et ainsi totalement incertaine, puisqu’il ne peut jamais connaître d'avance le contenu effectif de la peine auquel il sera soumis, perpétuellement modifiable au gré de l’évaluation de sa propre personnalité, dans le sens de l’aggravation comme dans celui de l’allègement. 3.3.2 L’incertitude de la peine d’emprisonnement Outre le problème posé par le rejugement du condamné au regard du principe non bis in idem, la question se pose de l’indétermination de la peine d’emprisonnement. Bien que le condamné y soit en permanence exposé en cas d’inexécution des mesures probatoires et éducatives du fait qu’elle est automatiquement attachée à la peine probatoire et éducative par la condamnation initiale, elle demeure en effet incertaine dans son quantum durant toute l’exécution de la partie probatoire et éducative. Certes, la loi prévoit deux maximum qui constituent des limites extrêmes : la durée de la peine encourue pour l’infraction d’une part, la moitié de la durée de la contrainte pénale prononcée d’autre part. Mais peut-on admettre qu’une personne soit condamnée à une peine d’emprisonnement suspensive ou différée dont elle ne peut connaître le quantum et qui, de ce fait, demeure indéfinie ? D’autant que cette incertitude ne résulte pas seulement du fait que la durée de l’emprisonnement qu’elle devra effectuer résultera d’une décision ultérieure et potestative, mais aussi qu’elle n’est connaissable par personne – ni la personne qui commet l’infraction, ni le tribunal qui la juge – avant que ne soit fixée la durée de la contrainte lors de la condamnation, puisque c’est cette durée qui fixe l’un des deux maximum. Ainsi, une personne condamnée à la CP sait qu’elle est aussi condamnée « en puissance » à une peine d’emprisonnement suspensive ou alternative dont le principe et les limites sont fixés automatiquement par la peine probatoire et éducative, mais la durée effective qui peut lui être imposée lui demeure inconnue jusqu’à la fin de la contrainte pénale, sachant simplement qu’elle peut être portée jusqu’au maximum de la peine d’emprisonnement encourue pour l’infraction considérée si celle-ci est inférieure à la moitié de la peine de probation ou à la moitié de sa durée de probation. 3.3.3 L’incertitude de la durée des peines d’emprisonnement successives qui résulte du cumul de contraintes pénales Le projet de loi permet au président du TGI (ou au tribunal en cas de nouvelle infraction) de révoquer une ou plusieurs fois la peine probatoire et éducative dans la double limite indiquée ci-dessus. Pour une personne qui encourt une peine d’emprisonnement de 5 ans, par exemple pour des faits d’escroquerie et qui serait condamnée à 5 ans de contrainte pénale, la durée réelle de la double peine pourrait ainsi aller jusqu’à 2,5 ans de probation et 2,5 ans d’emprisonnement. Mais la question du cumul éventuel des peines d’emprisonnement de la contrainte pénale se pose de nouveau ici puisque le texte n’en dit rien, laissant une totale incertitude planer sur le régime de leur exécution. L’esprit et les règles de notre droit pénal militent pour que les contraintes puissent se cumuler dans la limite du maximum légal. Mais il existe un maximum « objectif », fixé par la peine encourue et un maximum « subjectif » fixé par la durée de chaque contrainte prononcée : lequel doit-il prévaloir ? Nous nous trouvons en effet avec un concours possible d’au moins trois maximum : celui du maximum légal en cas de cumul de contraintes pénales (5 ans, soit un emprisonnement de 2,5 ans maximum), celui de la peine encourue (multiplié par le nombre de contraintes prononcées) et celui de la peine prononçable (la moitié de la contrainte prononcée multipliée par le nombre de contraintes prononcées). Supposons un cas élémentaire. Un tribunal fixe une peine de contrainte de 5 ans pour un vol (peine encourue : 3 ans) et un autre tribunal fixe une contrainte de 2 ans pour escroquerie (peine encourue : 5 ans). Compte tenu de l’application de la règle de la confusion légale, il semble que la révocation totale de la peine probatoire doive avoir pour effet de limiter la peine exécutable à 2,5 ans comme déjà vu plus haut (§ 3.2.1). Compte tenu ensuite de la règle du double maximum, la révocation de la peine de 5 ans pour vol ne peut entraîner une peine d’emprisonnement supérieure à 2,5 ans et celle de 2 ans pour escroquerie une peine d’emprisonnement d’1 an. Mais ces 3,5 années d’emprisonnement dépassent le maximum qu’il devrait encourir du fait que les contraintes bénéficiaient de la confusion légale à 5 ans (premier maximum), sauf à considérer que la révocation fait revivre séparément les peines qui étaient préalablement confondues. Mais la solution n’est pas trouvée pour autant car on ne sait toujours pas quel est le maximum d’emprisonnement qui devra être exécuté. Si l’on estime que le maximum n’est pas seulement déterminé par la durée de la contrainte, mais aussi par rapport au maximum légal des deux seules peines prononcées, quel est le maximum qu’il convient de prendre en compte : − celui encouru pour la peine pour vol, soit 3 ans (ramené le cas échéant au maximum de 2,5 ans), − celui encouru pour escroquerie, soit 5 ans (ramené également le cas échéant au maximum de 2,5 ans), − celui de la révocation de la peine pour vol, soit 2,5 ans, − celui de la révocation pour la peine d’escroquerie, soit 1 an puisque cette peine correspond à l’infraction pour laquelle la peine encourue est la plus élevée ? En l’état du texte, nul ne peut le dire et l’incertitude de la peine d’emprisonnement est donc totale. Encore faut-il prendre en considération que l’exemple ci-dessus ne prend en compte que des situations relativement simples et susceptibles de se rencontrer fréquemment, mais que de nombreux autres cas de figure peuvent encore compliquer les problèmes, notamment si d’autres peines d’emprisonnement, soit en peines principales, soit en révocation de SME entrent en concours avec les révocations de contraintes. 3.4 La proportionnalité de la peine La contrainte pénale ayant vocation à entraîner l’application d’une peine comprise entre 6 mois et 5 ans pour toute infraction dont la peine encourue est inférieure ou égale à 5 ans, le législateur est invité par le projet de loi à supprimer toute proportionnalité entre l’infraction commise et la peine encourue dans le cadre de la partie probatoire et éducative de cette peine pour toutes les infractions punies d’une peine inférieure ou égale à 5 ans d’emprisonnement. La personnalisation de la peine, qui doit être un principe s’appliquant au juge, devient ainsi un principe qui s’applique à la loi elle-même jusqu’à effacer toute relation entre les circonstances de l’infraction et la peine prononçable (et non seulement prononcée) : ainsi, la loi élimine toute proportionnalité de la peine à l’infraction lors du prononcé de la peine correctrice, puisqu’elle invite le tribunal à ne fixer la durée de la contrainte qu’en fonction des nécessités du suivi probatoire et éducatif. Et elle ne rétablit pas pour autant cette proportionnalité dans la peine d’emprisonnement potentielle, puisque sa durée n’est pas fixée non plus à ce stade procédural et qu’elle peut n’avoir jamais à l’être. Ainsi, un usage de stupéfiant puni d’un an d’emprisonnement sera sanctionnable comme une escroquerie punie de cinq ans, par la même peine de contrainte pénale, faisant encourir à son auteur une probation qui peut dans tous les cas être fixée à cinq ans par le tribunal. Le projet de loi encourage d’ailleurs cette dissociation entre la peine encourue et la peine prononcée puisqu’il mentionne expressément que la contrainte pénale vise à s'appliquer pour tenir compte de la personnalité du délinquant et des nécessités de son encadrement socio-éducatif. Ce n’est que dans le cas de révocation que la règle de proportionnalité retrouve partiellement ses droits en interdisant de prononcer une peine d’emprisonnement supérieure au maximum encouru. Il n'empêche que, si l'on considère que la phase probatoire et éducative constitue le principal de la peine dont la révocation est soumise à condition potestative, la durée de la probation n'est pas proportionnée à l'infraction commise, pas plus que son contenu au demeurant, ce qui est d'ailleurs logique et cohérent avec la subjectivation de la contrainte pénale qui ne prend en considération, pour fixer la durée et le contenu de la peine, que la situation du condamné et non plus l'infraction ellemême. Et si l’on considère que la peine d’emprisonnement est aussi une peine principale au même titre que la peine probatoire, il demeure que sa proportionnalité n’est pas plus établie par rapport à l’infraction elle-même, au moins pour l’un des deux maximum, mais par rapport à la personnalité du condamné. On relèvera enfin que moins la peine encourue est élevée, plus la règle du double maximum a pour effet de la rendre proportionnellement importante. Une peine de 3 ans d’emprisonnement encourue pour vol ne pourra donner lieu à une peine supérieure à 2,5 ans d’emprisonnement, tandis qu’une peine de deux ans pour usage de stupéfiants ne verra pas son maximum d’emprisonnement prononçable diminuer pour une même durée de contrainte. La contrainte pénale conduit donc à une redistribution du montant des peines prononçables qui remet en cause la proportionnalité des peines prononçables, qui ne dépend plus de l’infraction mais de la situation personnelle du condamné.. 3.5 L’égalité des citoyens devant la peine Le principe d’égalité des citoyens devant la loi a une valeur universelle et il s’applique bien entendu aux peines que prononcent les tribunaux. Si le Conseil constitutionnel considère que « le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente les situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d’intérêt général », c’est à la condition néanmoins que « dans l’un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit ». Le principe de personnalisation des peines est à l’évidence une mise en œuvre de la double condition consistant d’une part à permettre de juger différemment des situations différentes et, d’autre part, à exiger que la différence soit en rapport avec l’objet de la loi qui a établi la sanction. Toutefois, la CP pose plusieurs problèmes à cet égard. 3.5.1 Le droit au parallélisme des formes On ne peut comprendre les raisons pour lesquelles la révocation de la peine correctrice revient au président du TGI et non au tribunal qui a prononcé la contrainte pénale. Cette solution est particulièrement choquante dans la mesure où la peine d’emprisonnement n’a justement pas encore été fixée et donc que seule une partie de la peine - celle qui ne prend en compte que son aspect correcteur – a été prononcée lors du jugement. Ne serait-il pas plus important a priori que la peine punitive soit fixée par la juridiction de rang supérieur à celle qui prononce la peine correctrice ? Or c’est précisément le contraire qui est prévu. La substitution du président du TGI, juridiction ad hoc qui statue dans des conditions simplifiées pour fixer la peine d’emprisonnement, alors que la peine de probation a requis la réunion de la juridiction de droit commun, prive le condamné d’une garantie fondamentale du procès au travers de son juge naturel, le juge de l’infraction. Elle crée de ce fait une discrimination sans fondement entre les justiciables. 3.5.2 Une rupture de l’égalité face à des peines de même nature Tout d’abord, la CP établit une différence de traitement entre deux catégories de peines comportant des mesures probatoires et éducatives communes mais relevant de deux régimes juridiques introduisant des différences de traitement majeures : le SME et le SME-TIG d’un côté, la CP de l’autre, dont les régimes sont à la fois proches (en pratique) et éloignés (en droit). Ils ont en commun les mesures de probation et de suivi. Toutefois, la CP ajoute une autre peine (le TIG) et il envisage des mesures de suivi et de contrôle plus importantes et surtout une durée différente de probation : 3 ans maximum pour le SME, mais 5 ans pour la CP. S’agissant par conséquent de peines comparables dans le régime d’exécution (indépendamment de la question de la révocation), mais différentes dans le régime juridique, dont l’une – la contrainte pénale – est manifestement plus contraignante et plus restrictive de droits que l’autre, la question qui se pose est de savoir si la loi définit suffisamment son objet pour justifier cette discrimination dans le prononcé des peines et si le juge peut trouver dans la loi les critères de discrimination qui justifieront objectivement l’application d’un régime probatoire et éducatif plus sévère selon les cas. Sachant que si la loi ne donne aucune direction objective au juge, le citoyen est alors confronté à une discrimination sans objet et abandonné à l’arbitraire d’une décision qu’il ne pourrait contester. Selon l’ « étude d’impact » du projet de loi, « la peine de contrainte pénale se définit par un accompagnement socio-éducatif individualisé et renforcé de la personne condamnée ; elle sera particulièrement adaptée aux personnes présentant des problématiques multiples, nécessitant une prise en charge pluri-disciplinaire et un contrôle rigoureux ». Si la même étude prévoit également que la « relation de suivi soutenu (…) se caractérise par l’identification précise des facteurs de risque et des facteurs de protection et la pluralité des méthodes d’intervention », l’exposé des motifs ne contient quant à lui pas de critères plus précis puisqu’il se limite à énoncer que : − « Le présent projet procède à la création d’une nouvelle peine, sans supprimer aucune des peines existantes, afin d’élargir l’arsenal des sanctions dont disposent les juridictions et leur permettre d’imposer aux condamnés, de façon plus efficace, les obligations et des interdits qu’ils seront tenus de respecter », − « Elle sera possible lorsqu’un délit est puni d’une peine n’excédant pas cinq ans d’emprisonnement, à chaque fois que la personnalité de son auteur justifie un accompagnement socio-éducatif individualisé et renforcé », − « Ces obligations ou interdictions seront ainsi justifiées par la personnalité du condamné, les circonstances de l’infraction, ou la nécessité de protéger les intérêts de la ou des victimes ». Le texte du futur article 131-8-2 du code pénal reprend les critères d’application de cette peine de la manière suivante : « Lorsqu’un délit est puni d’une peine d’emprisonnement n’excédant pas cinq ans et que la personnalité de son auteur et les circonstances de la commission des faits justifient un accompagnement socio-éducatif individualisé et renforcé, la juridiction peut prononcer la peine de contrainte pénale ». Ainsi, le raisonnement tenu pour justifier l’introduction dans notre droit de la contrainte pénale est parfaitement tautologique : le juge peut la prononcer si la personnalité du condamné le justifie et il sera établi que la personnalité du condamné le justifie si le juge la prononce… Mais surtout, ces motifs ne permettent pas de savoir dans quels cas il convient de prononcer un SME et dans quel cas s’imposerait la contrainte pénale. Si le législateur doit avoir la latitude de fixer les peines qu’il estime nécessaires, encore faut-il que, lorsque plusieurs peines imposent des contraintes identiques en termes de liberté mais prévoient des régimes de mise en œuvre différents de ces contraintes, la loi fournisse au juge les critères de distinction qui préservent suffisamment le principe d’égalité des citoyens. Or rien dans les motifs fournis ne permet d’abord de distinguer clairement, ni même approximativement, les discriminations établies entre les citoyens pour différencier ceux qui relèveraient d’un besoin de suivi et d’encadrement socio-éducatif échappant au droit commun et justifiant d’instaurer un régime renforcé, comportant des restrictions de libertés plus importantes. Les seules indications renvoient à des investigations de personnalité que les juges peuvent (mais ne sont pas obligés de) prescrire, selon des critères qui demeurent eux-mêmes indéfinis parce qu’ils n’existent pas. L’étude d’impact précitée relève elle-même l’absence de critères objectifs et même de méthode adaptée pour parvenir à leur établissement, se contentant de renvoyer à des études futures l’élaboration d’une méthodologie opérationnelle : « les pratiques des services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) sont actuellement interrogées, tant par leurs personnels que par les universitaires et professionnels étrangers. Outre les difficultés constatées de mise en œuvre d’un outil d’évaluation commun (le diagnostic à visée criminologique – DAVC), les méthodes cliniques couramment utilisées en France et dans une partie de l’Europe sont régulièrement discutées au regard d’études et de pratiques développées à l’étranger. Aussi, face à la nécessité de l’évolution des outils d’évaluation par les SPIP des personnes placées sous main de justice, et dans un objectif de prévention de la récidive, le ministère de la justice va engager un plan d’actions dont l’objectif sera l’élaboration d’un outil et de méthodes permettant un jugement professionnel structuré ainsi que la formation des personnels après une phase d’expérimentation ». On ne saurait mieux dire, dans les termes d’une phraséologie convenue et hautement contrôlée, que les supputations sur le besoin d’un encadrement renforcé de certaines catégories de justiciables ne reposent que sur des présupposés arbitraires qui ne sont vérifiés et étayés par aucune étude présentable. Au-delà de l’exercice intellectuel consistant à établir des distinctions de plus en plus subtiles, mais dénuées de toute concrétisation vérifiable, au sein des populations à risques, les propos rapportés cidessus sont l’aveu qu’il n’existe en réalité aucun moyen de les rendre objectives. On ne trouve rien non plus, dans le dispositif de la contrainte pénale, de particulièrement original qui permettrait d’identifier, d’après les mesures mises en œuvre, les problèmes spécifiques que poserait une catégorie de population supposée plus résistante à l’action éducative et qui pourrait au moins être identifiée non plus en tant que telle mais au vu des dispositifs mis en place pour la traiter. La CP se contente en effet de reprendre les mesures probatoires et éducatives du SME auxquelles elle ajoute la peine de travail d’intérêt général, le tout sur l’allongement de la durée de suivi portée de 3 à 5 ans. Il ne reste pour justifier cette différence de traitement que la promesse d’un renforcement des effectifs des SPIP affirmée dans les discours politiques accompagnant la présentation du projet de loi et l’affirmation de la mise en place d’une méthodologie de détection tout à fait hypothétique, sans évidemment la moindre garantie d’en voir un jour la réalisation et dont surtout on voit mal pourquoi ils seraient plus efficaces en agissant dans le cadre de la contrainte pénale que dans celui du SME. Le seul renforcement des mesures de contrainte qui pourraient être relevées dans la loi est l’obligation de convoquer au moins une fois par an la personne placée sous contrainte, ce qui paraît bien faible pour justifier d’une différence de traitement juridique entre le SME et la CP. De nombreux indices montrent il est vrai, malgré l’absence complète d’audit sur l’exécution des peines et en particulier sur les peines probatoires et éducatives, que le SME est devenu de son côté une peine alibi, massivement prononcée par les tribunaux et vidée de toute substance probatoire et éducative, soit en raison de l’absence de moyens soit, plus probablement, parce que sa capacité à correspondre aux finalités qui lui ont été assignées a été manifestement et très largement surestimée. C’est ainsi que l’étude d’impact accompagnant le projet de loi reconnaît elle-même, dans des termes qui dissimulent mal l’embarras de ses rédacteurs, que « le sursis avec mise à l’épreuve est devenu une peine prononcée pour des motifs très divers, parfois peu lisibles, souvent par défaut ou pour éviter une incarcération que les dispositions législatives récentes rendent prioritaire. Cette confusion se poursuit dans le cadre de la mise en œuvre de la peine par les services pénitentiaires d’insertion et de probation ». Une fois décrypté le langage administratif, on ne saurait dire plus clairement que le SME est un échec et ne répond plus (ou n’a jamais répondu) aux objectifs qu’il est censé remplir. Pourtant, la CP ne fait qu’en reprendre le dispositif en l’aggravant, en lui ajoutant la peine de TIG et en allongeant la durée de la probation, le tout assorti de l’obligation de procéder à une enquête de personnalité initiale et à une convocation par an durant la durée de l’exécution de la peine. L’échec du SME paraît donc être le véritable et seul critère de la discrimination introduite par la CP qui semble ainsi être surtout une tentative de réhabilitation non des délinquants, mais des peines éducatives. Et l’on ne voit pas dès lors ce qui pourrait justifier la différence de traitement entre le probationnaire et le condamné sous contrainte, sinon qu’il est devenu très improbable de compter sur le SME pour endiguer la délinquance et la récidive et qu’il faut une foi aveugle et beaucoup d’ingénuité pour penser que la contrainte pénale saura lui suppléer dans cette vaste entreprise. On peut, pour finir, souligner une autre incohérence contraire au principe d’égalité. Le SME peut être prononcé pour toute peine passible d’un emprisonnement, soit 10 ans, sous la seule condition que la durée de la peine prononcée n’excède pas 5 ans, et la durée de probation maximale est de 3 ans. En revanche, la contrainte pénale ne peut être prononcée pour une infraction faisant encourir une peine supérieure à 5 ans, mais la durée probatoire peut être de 5 ans, soit supérieure de 2 ans à celle du SME. Ainsi, une peine encourue supérieure ne peut donner lieu qu’à une peine prononcée dont le régime d’exécution est plus favorable a priori que celui de l’infraction sanctionnable d’une peine inférieure. 3.5.3 Une rupture de l’égalité face à des peines de nature différente Deux autres formes de rupture du principe d’égalité apparaissent, mais cette fois-ci vis-à-vis des personnes qui sont condamnées à des peines autres que le SME et la contrainte pénale. En vertu tout d’abord de la règle du double maximum, la durée de l’emprisonnement n’est plus calculée par rapport à la peine encourue, mais par rapport à la durée de sa période de probation initiale. Ainsi, une personne condamnée pour escroquerie (5 ans d’emprisonnement encourus) qui serait condamnée à 5 années de contrainte pénale ne pourrait en tout état de cause se voir ultérieurement condamnée à une peine supérieure à 2,5 années d’emprisonnement. Dès lors, la contrainte pénale peut avoir pour effet automatique d’entraîner une discrimination en faveur des personnes condamnées à la peine de la contrainte pénale dans la mesure où la peine d’emprisonnement qu’ils sont susceptibles de se voir appliquer ne dépend pas de la peine encourue, mais de la durée de leur probation c’est-à-dire de la peine prononcée. C’est donc en quelque sorte leur propre situation, évaluée en durée de probation, qui fixe le quantum maximum d’emprisonnement qu’ils peuvent encourir. Cette anomalie met en lumière l’étrangeté du mode de fixation de la peine d’emprisonnement, fondé sur la durée de la première peine de probation, qui constitue la base arithmétique de calcul de la peine d’emprisonnement, laquelle est pourtant d’une toute autre nature. Comment et pourquoi une durée de probation peut-elle servir à fixer le quantum d’une peine d’emprisonnement, qui est précisément de surcroît la peine « punitive » qui avait été suspendue ou différée par le prononcé de la peine probatoire qui n’a pas été respectée ? Ce mode de calcul aboutit ensuite à une autre anomalie, qui consiste non plus seulement à fixer la seconde peine par rapport à la première – qui avait été elle-même déterminée uniquement par rapport à la situation du condamné –, mais qui a de surcroît pour effet de diviser par deux la peine d’emprisonnement encourue pour les infractions les plus graves. Pour reprendre l’exemple de l’escroquerie, punie de 5 ans d’emprisonnement, le condamné sous astreinte qui prend la fuite dès sa condamnation ne pourra en effet subir une révocation dont le quantum excèderait 2,5 années d’emprisonnement, tandis que tout autre justiciable pourra être condamné jusqu’à 5 ans au moment de son jugement. 3.5.4 Une rupture de l’égalité face au principe de non cumul de certaines peines On peut enfin sérieusement se demander si la contrainte pénale ne rompt pas le principe d’égalité en incluant le TIG comme mesure supplémentaire dans son dispositif, dans la mesure où le TIG constitue une peine principale aux termes de l’article 131-8 du code pénal. Or, le TIG peine principale ne se cumule pas avec d’autres peines. Même si les articles 132-54 et suivants du code pénal permettent de le prononcer dans le cadre d’un sursis comportant les autres obligations de la mise à l’épreuve, la différence de régime entre le SME et la CP ne s’oppose-t-elle pas à cette introduction du TIG dans la CP ? En effet, le sursis-TIG n’est qu’une modalité d’exécution de la peine d’emprisonnement prononcée, tout comme les autres mesures probatoires qui peuvent l’accompagner, tandis que la contrainte pénale est une nouvelle catégorie de peine qui a son régime propre. Par conséquent, le TIG-CP ne peut se rattacher à l’exécution d’une autre peine (l’emprisonnement) dont il ne serait qu’une modalité d’exécution alternative, il est une composante de la peine elle-même. Dès lors, ajouter le TIG à la CP revient à ajouter une autre peine à celle-ci, outre les mesures probatoires prévues par ailleurs, ce que le tribunal ne pourrait faire s’il prononçait un TIG peine principale (pas plus, bien entendu, qu’il ne pourrait cumuler un SME avec un TIG peine principale). Une contrainte pénale comportant une exécution de TIG constituerait ainsi soit une aggravation de la contrainte dont rien ne justifie dans la loi le critère d’aggravation, soit une aggravation du TIG peine principale qui ne peut comporter d’autres obligations. Certes, même si le texte ne le précise pas, le prévenu doit pouvoir refuser le TIG, mais il doit pour ce faire exprimer un choix dont le prévenu est dispensé quand le tribunal prononce un SME. Ainsi, non seulement la peine n'est plus fixée par la loi, qui n'offre qu'un cadre juridique à l’intérieur duquel le juge a toute latitude pour « piocher » dans un vaste arsenal de mesures mises à sa disposition, mais en outre elle peut être aggravée par l'acceptation que le prévenu peut être conduit à faire, dans des conditions où sa liberté de choix peut être soumise à un fort doute, d'une peine supplémentaire (le TIG) incluse dans la précédente. On ne fera par ailleurs qu'évoquer les multiples difficultés pratiques que cela poserait. Par exemple, la possibilité pour le prévenu de refuser un TIG entraînera-t-elle comme conséquence que le tribunal devra s'abstenir d'ajouter le TIG au panel déjà étendu de mesures probatoires de la contrainte pénale, ou aura-t-elle pour effet que le tribunal ne pourra alors prononcer la contrainte pénale ? Mais dans le premier cas – le plus probable –, quelle garantie le prévenu peut-il avoir que le tribunal n'aggravera pas sa peine de contrainte pénale, soit en augmentant le nombre d'obligations à sa charge, soit en allongeant la durée de la contrainte, soit les deux ? La question du TIG posée au prévenu devra-t-elle préciser que le tribunal l'envisage en tant que SME ou que peine principale ou en tant que mesure incluse dans la contrainte pénale ? Cette distinction semble s'imposer par loyauté dans le prononcé de la peine, puisqu'il n'existe aucune comparaison possible entre un TIG peine principale ou SME d’un côté, et de l’autre un TIG dans le cadre d'une contrainte qui dure par ailleurs plusieurs années et comporte un nombre indéfini pour le condamné d'autres mesures obligatoires. Dans ce cas, le tribunal devrait aussi avertir le prévenu de ce qu'il aggrave ainsi la sanction encourue et il devrait donc lui-même, au préalable s'être posé la question de savoir dans quel cadre il l'envisage et l’on peut même supputer que la question devrait, pour permettre une réponse éclairée, préciser les autres modalités envisagées par le tribunal pour la contrainte pénale. Ce qui revient finalement à dire que celui-ci devrait avoir pris sa décision avant même d’avoir statué... * Quelle que soit par conséquent la manière dont on analyse la contrainte pénale, les principes constitutionnels paraissent sérieusement malmenés. Le fait qu'une telle réforme soit guidée par l'intention apparemment généreuse de réduire l'emprisonnement, en tentant de faire prévaloir une peine censée assurer la réinsertion des catégories les plus difficiles de la population pénale, ne doit pas conduire à renoncer aux principes fondamentaux de notre droit. Hélas, les bonnes intentions passent, mais les mauvaises pratiques, elles, demeurent. On ne saurait se satisfaire enfin de la nomination toute récente par le garde des sceaux d’une mission de modernisation et de simplification de l’exécution des peines, confiée à M. Bruno Cotte. En effet, il est demandé au Parlement de créer une nouvelle catégorie de peine totalement inédite dans notre droit pénal, qui oblige à reconsidérer tout le droit de l’exécution des peines, lequel a toujours été particulièrement complexe, sans lui fournir le moindre élément d’interprétation du nouveau régime d’exécution qu’il instaure. Il serait ainsi demandé au législateur de créer de nouvelles règles dont il ne connaîtrait pas lui-même le sens ni la manière dont elles s’appliqueraient en reportant sur une réforme ultérieure, à date indéterminée, la signification réelle et la portée effective de la nouvelle peine qui serait adoptée par le Parlement. Montesquieu disait dans L’esprit des lois que « les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires » : les grands auteurs mériteraient d’être plus souvent relus et l’on pourrait même ajouter que les lois dangereuses nuisent à la démocratie…