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I° Une activité complémentaire (indispensable) aux formes traditionnellement diversifiées On trouve également des moulins à vent et à eau qui étaient à usage alimentaire2. 1 2 J. BAYLE, Les industries du Pays de Mirepoix au XVIème siècle. Histoire et patrimoine en Pays Mirepoix, 1999. Toutes ces industries avaient en commun, en plus de l'utilisation de l'eau comme force motrice, la transformation de matières premières locales substituées peu à peu par des matières premières importées. De plus, jusqu'au XIXème siècle, les activités industrielles, excepté celle de la métallurgie du bois, constituaient des activités complémentaires du secteur agricole, sources de revenus. Elles employaient bon nombre " d'ouvrierspaysans " travaillant à façon pour le compte de la bourgeoisie des négociants " fabricants ". Par ailleurs, elles se répartissaient originellement le long de tous les cours d'eau. Or, la tendance à la concentration et à la spécialisation des usines au XIXème siècle les ont faites disparaître dans les vallées les plus reculées et les plus mal desservies, telles que celle du Douctouyre ; tandis que d'autres vallées se sont spécialisées dans la fabrication de certains produits : le drap à Montferrier, Villeneuve, Lavelanet, Laroque, où les eaux talqueuses du Touyre conviennent parfaitement au travail de la laine ; le peigne à corne, substitué au peigne de buis, dans la vallée de l'Hers et ses abords, de Fougax et de Bélesta à La Bastide-sur-l'Hers, au Peyrat et à Léran. Ainsi, les deux axes industriels du pays d'Olmes ont été Des constructions économiques et sociales traditionnelles conditionnées par les entités naturelles En Pays d'Olmes, les nombreux cours d'eau, la présence d'une main-d'œuvre importante, les vastes forêts et les quelques gisements de minerais sur le Front pyrénéen et le Plantaurel, la relative facilité de desserte, ont constitué autant d'avantages pour la constitution d'une activité industrielle initialement diversifiée. De plus, le piémont pyrénéen, ne bénéficiant pas de la grande activité pastorale de la montagne, a dû se tourner vers l'industrie pour subvenir à ses besoins. De nombreux moulins ont en effet jalonné les cours d'eau, la force motrice hydraulique ayant été la seule énergie utilisée pour l'industrie jusqu'au XXème siècle. Ainsi, des " moulins à fer " sont implantés vers le milieu du XVIIème siècle, servant aux forges seigneuriales. Les moulins à jais de Lagarde, Léran, La Bastide sur l'Hers, Le Peyrat, servent à polir à la meule les pierres de lignite extraites parmi les grès et les marnes dans les mines du Plantaurel. Les scieries débitent le buis utilisé pour la fabrication de peignes, industrie florissante au XVIème siècle, centrée sur la Bastide sur l'Hers. Enfin, l'emplacement des " moulins battants ", servant aux travaux de finition de l'industrie textile, dessine la carte d'implantation du textile. Vers 1673, on en trouve sur le Touyre à Laroque, Léran et sur l'Hers à Lagarde et Mirepoix 1. Ils étaient destinés soit au commerce : " moulins de commerce " de Mirepoix et de Moulin Neuf; soit aux ménages : " moulins à façon " de Belloc, Dun, Engraviès, Manses, Mirepoix, Le Peyrat, St Quentin, Patris d'en bas. Ce dernier, qui date d’environ 1850, a été reconverti en restaurant. On peut encore y voir, dans la salle à manger, les deux meules intégrées au décor avec leurs déversoirs. Le moulin ou ancienne minoterie de Besset est une grande bâtisse, située sur les bords de l'Hers, en ruine et dont le canal d'alimentation est cassé. La toiture est en partie écroulée. Il y avait trois meules pour la minoterie, qui servait au commerce, et deux meules dans la partie plus ancienne sui servait au particulier. C'était un moulin à farine. Déjà utilisé au XVIIème siècle, son activité a cessé au début du XXème siècle. La plupart de ces moulins sont en ruine et se situent sur des terrains privés. Les fondements du paysage - C - L'INDUSTRIE VOIES D’EAU ET INDUSTRIE 5 Cours d’eau 1 2 1 : Canal d’amenée d’eau dans la partie abandonnée de l’usine de peigne en corne de Lesparrou. 2 : Le Touyre traverse Montferrier, Villeneuve-d’Olmes, Lavelanet et Laroque-d’Olmes. Le long de ce trajet, sont 3 4 implantées les usines textiles qui recevaient anciennement les eaux talqeuses, propices au travail de la laine. 3 : Chute d’eau de l’ancienne usine Dumons à Lavelanet. 4 : Canal des moulins de Mirepoix. 5 : Carte réalisée par M. CHEVALIER, correspondant à l’implantation de l’industrie dans le pays, aux alentours de 1950. En Ariège, ce sont surtout les protestants - la pénétration du protestantisme datant du XVIème siècle - qui ont lancé l'industrie du peigne ainsi que celle du jais. L'industrie du jais est très ancienne en Pays d'Olmes : dès le XVIème siècle, les mines de jais autour de Peyrat et de La Bastide sur l'Hers ont été exploitées. Ce lignite d'un noir brillant servait à faire des perles de chapelet et des ornements de deuil. Restée trop archaïque, cette industrie ne fit que végéter tout au long du XIXème siècle et ne résista pas à la concurrence des verres noirs de Bohême et d'Allemagne. Le dernier moulin à jayet a fermé ses portes en 1914. La Bastide sur l'Hers conserve encore en 1931 une fabrique de bijoux à jais. A côté du jayet, l'industrie d'extraction de minerai avait peu de consistance et la plupart des petites carrières et mines (calcaire à Troye, Manses, Teilhet, argile à Regat alimentant la tuilerie à St Quentin, pierres meulières à la carrière de léran, talc et fer à Montferrier, lignites et bauxite à Péreille) se sont vite épuisées, laissant quelques traces dans le paysage. C’est le cas notamment de celle du col de Porteille (Montferrier), qui a servi, de 1895 à 1969, à extraire le talc, dont le massif est riche. Une excavation entaille encore une " serre " calcaire à Péreille. Les lignites de Péreille ont alimenté pendant la guerre une petite exploitation destinée aux établissements industriels de la région ; elle a fermé dès le retour aux conditions normales. La bauxite des Prépyrénées a servi essentiellement à la 1 MORERE Ph. Les forgeurs, notes sur l'Ariège avant le régime démocratique. Bulletin de la Société Ariégeoise, Sciences, Lettres et Arts. 1915. p.201-223. Des constructions économiques et sociales traditionnelles conditionnées par les entités naturelles La métallurgie au bois a été l'une des principales industries de l'Ariège du XIXème siècle ; elle a même été exceptionnellement concentrée dans la seigneurie du duc de Lévis Mirepoix qui en comporte quatre à la fin du XVIIIème siècle. Pourtant, cette activité n'a laissé dans le Pays d'Olmes que peu d'héritage : quelques amas de charbon de bois et des replats dans les forêts, des vestiges de forges effondrées et embroussaillés (chaussée, canaux, bassins, bâtiments, outils (marteau, enclume)), notamment à Teilhet. La particularité de la forge à la catalane était de ne se charger que de la transformation du fer brut en acier utilisable, sous forme de barres, travaillé ensuite par les forgerons au sein de forges traditionnelles. Les forges étaient alimentées par le charbon produit directement dans les forêts de chênes et de hêtres. Le minerai provenait de la mine de Rancié (Vicdessos). Les maîtres de forges étaient des aristocrates, propriétaires de domaines sylvo-pastotaux. La plupart louaient leur forge à des fermiers. Cette industrie a disparu en 1884 car elle n'a pas pu résister à la concurrence des fers étrangers. "La disparition des forges à la catalane dans l'Ariège marque la fin d'un monde industriel, politique et social"1 Les fondements du paysage - principalement la vallée Countirou-Touyre, de Montferrier à Mirepoix, et celle de l’Hers, entre La Bastide-sur-l’Hers et Bélesta. Par ailleurs, la concentration technique, l'intensification de la production, l'élargissement des débouchés et la concurrence des nouveaux marchés ont aussi fait disparaître nombre d'entreprises pratiquant le travail à la main au profit d'usines relativement puissantes, pourvues d'un outillage moderne, telles que les filatures et tissages de Laroque-d'Olmes et quelques fabriques de peignes. En outre, les industries ont dû recourir de plus en plus à des matières premières d'origine exotique. Une forge à la catalane est un moulin à eau qui permet d'actionner une soufflerie (trompe des Pyrénées), permettant de réduire le minerai de fer en métal, et le mail de la forge, servant à former des barres de métal. LOCALISATION DES FORGES A LA CATALANE DU PAYS D’OLMES-MIREPOIX AU XIXEME SIECLE Teilhet Saint-Quentin Carla-de-Roquefort Villeneuve d’Olmes Vilhac Bélesta Source : M. SIMON, à partir de la carte de la répartition départementale des forges à la catalane au XIXème siècle, J. BONHOTE et J. CANTELAUBE. E E D A : Bâtiment où l’on tient le charbon. B : Magasin du fer. C : Laboratoire. D : Grand marteau. E : Arbre de la roue. F : Soufflet. T : Païchere ou grand bassin. U : Païcherou ou petit bassin. Plaque disposée au-dessus d’une porte de la rue principale de Camon et portant l’inscription “JAMMES - CHARBON FORGERON”. L'activité industrielle principale a toujours été, dans le Pays d'Olmes-Mirepoix, le textile. En effet, la tradition textile y est très ancienne : elle débute dès le Moyen Âge. A cette époque, elle est souvent réduite à une activité domestique réservée à une consommation privée et familiale, excepté quelques ventes sur les marchés locaux. Seule, Laroque d'Olmes se démarque grâce à ses draps de laine de grande renommée à partir du XVème siècle. Il faut attendre la fin du XVIIème siècle pour qu'une véritable industrie textile se profile. Elle est pilotée par les fabricants audois, les ouvriers-paysans du Pays d'Olmes n'effectuant qu'une partie des nombreuses étapes de la fabrication des draps. " Dans ce pays […], le monde actuel, qu'il s'agisse de la diversité et de la complexité des activités locales, est presque toujours en recul par rapport à celui d'autrefois "1. Au début du XIXème siècle, le Languedoc se tourne vers la vigne, aux dépens de la draperie qui devient la spécialité du Pays d'Olmes. L'industrie se concentre peu à peu autour de la commune de Lavelanet, alors qu'il ne fait que végéter dans le secteur de Mirepoix. De plus, l'économie industrielle a tendance à s'axer essentiellement sur le textile qui se modernise : " la grande draperie " se développe, l'électricité remplace la force hydraulique, les filatures mécaniques, puis les ateliers de teinture et d'apprêt, se multiplient ; d'abord à Lavelanet puis dans les communes voisines (Laroque d'Olmes, Montferrier…). Dans la première moitié du XIXème siècle, le déclin de l'industrie du jayet, mais surtout la surpopulation et les difficultés agricoles qui en découlent, facilite le reflux de la main-d'œuvre paysanne vers le textile, qui compte plus de 2600 salariés en 1848. Lavelanet et Laroque-d'Olmes passent de 2120 habitants en 1804 à 4350 en 1846. Encore au milieu du XXème siècle, selon Michel Chevalier, l'industrie textile fonctionne grâce à l'association de deux modes de travail : le travail à domicile (tissage) et le travail mécanique en atelier (filature et teinture/apprêt). Mais, originellement activité secondaire après l'agriculture, elle devient l'activité principale pour une part de plus en plus importante de la population. 1 M. CHEVALIER, 1953. Des constructions économiques et sociales traditionnelles conditionnées par les entités naturelles La fabrication de peignes est connue dès le XVème siècle, en particulier dans la vallée de l'Hers, en rapport avec la Suisse, à laquelle le procédé de fabrication a pu être emprunté. Le buis, matière première originellement utilisée pour la confection des peignes, s'est assez vite épuisé et a progressivement été remplacé au cours du XVIIIème siècle par la corne, importée de Turquie, de Hongrie et du Maroc. La fabrication du peigne en corne a donc été très tôt une industrie de main-d'œuvre indépendante des ressources locales et ses débouchés se sont étendus dès le XVIIème siècle à l'Espagne et l'Italie. En 1930, 35 entreprises familiales s'échelonnaient le long de l'Hers, de Bélesta à La Bastide sur l'Hers. Cette industrie a cependant décliné avec l'invention du plastique. II° Une économie reposant peu à peu sur l'industrie textile à partir du XIXème siècle Les fondements du paysage - fabrication des abrasifs. Dès 1914, l'exploitation s'était fixée à Roquefixade et à Péreille. Carrière de talc abandonnée depuis 1969, en partie revégétalisée, au col de Porteille (Montferrier). Une carrière, à fort impact visuel, entaille encore le Plantaurel, à l’embouchure des gorges de Péreille. 2 4 : Azéma-Bigou, dernière usine de peignes en corne. 5 et 6 : Exemples de peignes en corne. 5 1 3 Le buis (1) se redéveloppe largement depuis qu’il n’est plus exploité pour la confection de peignes. 2 et 3 : exemples de peignes en buis. 6 4 Les fondements du paysage - Laineuse à chardons métalliques, Archives départementales de l’Ariège Machine à fouler et à lever le drap, Archives départementales de l’Ariège. Retordage et moulinage des fils, Archives départementales de l’Ariège. Des constructions économiques et sociales traditionnelles conditionnées par les entités naturelles Carde briseuse, Archives départementales de l’Ariège. 5 1 Etapes de fabrication d’un tissu : cardage, filage, ourdissage, tissage. 1 : Cardage naturel 2 : Cardage mécanique 3 : Filage manuel 4 : Filage mécanique 5 : Ourdissage 6 : Tissage mécanique 7 : Métier à tisser “Jacquard” 8 : Cartes perforées de Jacquard, inventées dans les années 1800 et ayant permis la reproduction mécanique de la croisure, par la répétition de motifs géométriques. 8 2 3 6 Photos prises au musée du textile et du peigne en corne 4 7 Des usines et des cités ouvrières ont été bâties entre le Touyre et la route départementale 625. Les cités ouvrières ont été construites par les patrons des usines, selon une politique paternaliste appliquée jusqu'à la Seconde Guerre Mondiale, pour répondre au besoin de loger dans de bonnes conditions une population ouvrière croissante. Les cités ouvrières typiques se présentent sous forme de bandes de maisons, pourvue chacune d'un jardin. Les deux plus importantes cités ouvrières du pays étaient rattachées à l’usine de peignes Azéma-Bigou et à l’usine textile Récalens, à Laroque-d’Olmes. L'usine devient un quartier autonome, avec toutes sortes de services mis en place également par le patron. Les usines, implantées depuis le XIXème siècle, de Montferrier à Laroque-d'Olmes, se signalent de loin par leur cheminée de brique et se distinguent nettement par leurs toitures à sheds. Usine SotapCarol à Montferrier Des constructions économiques et sociales traditionnelles conditionnées par les entités naturelles C'est autour de l'axe industriel textile - s'étendant, du sud au nord, le long du Touyre, de Laroque d'Olmes à Montferrier et, d'ouest en est, de Lavelanet à Bélesta - que s'est faite l'urbanisation liée à l'essor industriel du XIXème siècle. A Laroque d'Olmes, la ville a franchi le Touyre et une ville basse s'est construite autour des Quatre Chemins, au carrefour de la route de Lavelanet à Mirepoix et celle menant à la Bastide sur l'Hers. Lavelanet a également atteint la rive gauche du Touyre ; son développement a cependant pris un autre aspect : du fait du resserrement conféré par la cluse, son extension s'est faite par divergence au sud de la cluse, le long des routes principales. Elles peuvent se mêler au tissu urbain (Lavelanet et Laroque) ou se trouver à proximité du bourg (Montferrier). Leur architecture, jusqu'au début du XXème siècle, se situe à la charnière entre tradition et innovation ; celle-ci apparaît au travers des matériaux industriels employés (fonte, fer, verre, brique) et des nouvelles formes de bâti qu'ils engendrent. L'innovation est en effet nécessaire pour répondre aux nouvelles contraintes imposées par le progrès industriel et ses attributs volumineux. Afin d'optimiser l'espace en augmentant la portée, le bois est remplacé par des matériaux plus légers (fonte ou fer) pour la confection des charpentes. En outre, le béton permet d'accorder la forme des bâtiments à des besoins très spécifiques. L'usage de ces matériaux permet aussi un coût moins élevé de construction. L'utilisation du verre associé à l'acier sous forme de sheds a eu pour finalité de résoudre la question de l'éclairage, en privilégiant la lumière du nord, constante et sans chaleur. La recherche à travers l'architecture de l'optimisation du travail industriel a conduit à l'implantation de bâtiments stéréotypés de grandes dimensions, constitués d'éléments répétitifs et préfabriqués, ayant pour seul point commun avec le reste du bâti l'usage de la brique. Les fondements du paysage - III° Essor de l’industrie textile et urbanisation 1 1 : Les toitures à sheds, motifs architecturaux répétitifs, présentent leurs ouvertures préférentiellement au nord ; laroque d’Olmes. 2 : maisons de contre-maîtres à Lavelanet. 3 : Fonte, fer, verre et brique : les premiers matériaux industriels ont permis la construction de bâtiments de gros gabarits. 4 : Cheminée d’évacuation en briques, symbole d’une technicité remarquable. 2 3 4 UN TERRITOIRE ENCORE EMPREINT DE SON PASSÉ MOYENÂGEUX L'héritage moyenâgeux du Pays d'Olmes ne se limite pas aux centres des paroisses et aux villages, fixés dès la fin du XIIIème siécle, mais à de nombreux vestiges, témoignant des grands évènements historiques qu'a connus le Pays d'Olmes. A - CATHARISME 1 J. DUVERNOY, 1976. Un territoire encore empreint de son passé moyenâgeux L'Eglise, qui est à l'origine du progrès agricole du XIIème siècle, n'a pas su remplir avec la même efficacité sa mission spirituelle. Au contraire, sa puissance, acquise en tant que grand propriétaire de domaines et de fiefs, a suscité une vague d'anticléricalisme. Tout au long du XIIème siècle, les hérésies se sont multipliées. L'une d'elle, le catharisme, s'est propagée avec une grande force dans le Midi. Cette religion, dite des "bons chrétiens" ou des "pures", se fonde sur une interprétation dualiste de l'Evangile, en totale contradiction avec l'orthodoxie romaine : "l'homme procède par son âme du royaume du Dieu bon et par son corps du monde visible, transitoire, où le mal se manifeste. Pour libérer son âme, il doit pratiquer l'ascèse en se détachant du monde matériel."1 Les ministres de ce culte, les "bonshommes" ou "parfaits", observant une rigoureuse chasteté et vivant dans la pauvreté, donnaient l'exemple du retour aux pratiques de l'Eglise chrétienne primitive. C'est sans doute la raison principale de l'efficacité de leur prédication qui a fait de nombreux adeptes, les "croyants". Le catharisme a gagné toutes les couches de la société. Mais sa prospérité dépendait beaucoup de la protection que lui accordait une nombreuse aristocratie avide de biens d'Eglise. C'est le cas dans le Pays d'OlmesMirepoix à l'époque complètement gagné par l'hérésie. Les co-seigneurs de Mirepoix, les Péreille et les Rabat, les Congoust de Villefort, Hugues de Léran, les seigneurs de Roumengoux, d'Arvigna et de Dun, qualifiés de "chevaliers de Dun" figurent dans les registres de l'Inquisition pour avoir été adeptes ou protecteurs de l'hérésie. C'est Mirepoix, plus que Lavelanet, lieu de rencontre entre le Pays de Sault et le comté de Foix, qui semble en être le centre principal. Une croisade est lancée contre les " albigeois " en 1209 par le Pape Innocent III, afin d'extirper l'hérésie, mais ça n'a pas été la seule raison: les motivations économiques - essentiellement pillage et acquisition de terres - des seigneurs du Nord ont joué un rôle déterminant. C'est lors de "La croisade des chevaliers", conduite par Simon de Montfort, que les croisés s'emparent de Mirepoix le 22 septembre 1209. Le premier décembre 1212, l'établissement des chevaliers du Nord est officiel et Guy de Lévis reçoit en fief la seigneurie de Mirepoix. A partir de 1216, c'est la Reconquête. La guerre, qui s'est muée en une lutte inégale du Midi contre le Nord, tourne en faveur des cathares. Le déclin du catharisme commence réellement en 1226, quand Louis VIII, dépositaire des droits de Montfort, dirige une nouvelle croisade qui lui permet de récupérer ses possessions perdues. Les comtes de Toulouse et de Foix capitulent et l'unification peut commencer. Les cathares se Les fondements du paysage - Troisième chapitre : VESTIGES MEDIEVAUX EN PAYS D’OLMES-MIREPOIX St félix-de-Tournegat Ste-Foi Manses Vals Mirepoix Teilhet La Bastide de bousignac Lagarde Dun Camon Queille Léran Dreuilhe Roquefixade Lavelanet Montségur Source fond : conseil général de l‘Ariège, 2001. Source graphique : M. SIMON. La Bastide-sur-l’Hers Un territoire encore empreint de son passé moyenâgeux La répression a poussé les hérétiques à se réfugier dans les forteresses les plus élevées et les plus inaccessibles, les plus puissamment fortifiées. Roquefixade (roca fisada, roche fissurée) : La forteresse, qui fut rattachée aux comtes de Toulouse jusqu'au milieu du XIème siècle, constituait un site de défense privilégié : perchée sur un éperon rocheux, elle comportait une double enceinte et concentrait un certain nombre d'éléments de défense sur le côté le plus vulnérable, c'est-à-dire le Nord-Est. Ayant servi de refuge à quelques cathares lors de la croisade contre les albigeois, Roquefixade fut rasé par les troupes de Simon de Montfort. Le château est repris en 1272 par le roi Philippe le Hardi, qui y voit, comme à Montségur, un site stratégique essentiel, situé à la frontière du royaume de France et de l'Aragon. Il devient alors un site militaire de surveillance de la route qui mène à Foix en contrebas du château, et ce, pendant plus de quatre siècles. Puis, abandonné en 1632 par Louis XIII et Richelieu, il ne sert plus que de carrière de pierres. Montségur (Mons securus, la montagne sûre) : Le château se dresse comme un étrange cercueil de pierre, nu, vide, sur un " pog ", piton calcaire de 1060 mètres d'altitude. Il comporte uniquement une cour pentagonale très allongée, de 54 mètres d'ouest en est, au bout de laquelle se rattache à l'ouest un donjon rectangulaire dont il ne reste que le rez-de-chaussée et les murs du premier étage, si tant est qu'il ne fut jamais plus élevé. Sa façade est plus celle d'un temple que celle d'une forteresse, on n'y trouve aucun aménagement défensif, son enceinte est totalement dépourvue d'archères. En effet, cet édifice a été construit sur le site d'un château abandonné, à la demande de cathares, en 1204, époque où il n'était pas encore question de répression (déposition devant le tribunal d'Inquisition du seigneur de Montségur, Raymond de Péreilhe). Il reste au Nord-Est du château des tas d'énormes boulets de calcaires taillés sur place, munitions inutilisées lors du siège de Montségur mené par les croisés, du 13 mai 1243 au 14 mars 1244; et à la fin duquel de nombreux cathares, refusant de se convertir, furent brûlés. Ce bûcher, bien que remis en doute par certains historiens, est un tournant politique et militaire qui marque traditionnellement la fin de la résistance armée des cathares. Le château a été remis à Guy de Lévis II, qui en fit hommage l'année suivante au roi de France. Montségur fut pourvu d'une garnison royale et d'un chapelain. Puis, n'étant plus d'un grand intérêt stratégique, il fut peu à peu abandonné. Il n'en reste maintenant que ce qui n'a pas pu être emporté : les fondations. Autour de Montségur rayonnent une certaine fierté occitane, ainsi que mystères, mythes et légendes. Ainsi, l'orientation et les dimensions des murs et la situation des archères du donjon ont mené à une stupéfiante hypothèse de la part de l'ingénieur et historien Fernand Niel : tout se passe comme Les fondements du paysage - retrouvent privés de la protection des seigneurs, désormais ralliés au roi. Ils doivent passer à la clandestinité. C'est alors que pour démanteler cette dernière et rétablir la foi catholique, le pape Grégoire IX prêche l'Inquisition en 1233, à la fois sous la forme de la répression, mais aussi de "l'exemple" et de l'action missionnaire des "ordres mendiants". Les bûchers successifs - de Montségur, de Vérone et de Pèire Autier - ont peu à peu forcé les cathares à la reconversion. Roquefixade Montségur 1 1 : A gauche, Roquefixade; à droite, Montségur : les forteresses, en covisibilité, pouvaient communiquer à distance. 2 : Le sentier “cathare”, reliant Foix à Roquefixade et Roquefixade à Montségur, se poursuit jusqu’à l’Aragon. 3 : Roquefixade sur son éperon rocheux : une vue imprenable sur la vallée de Lesponne et la route départementale 117. 4 : Le “pog” de Montségur “lance son appel” de toutes parts. 2 3 4 Peinture de J. COTTE LIGNÉE LÉVIS A la fin de l'Inquisition, par l'article 10 du traité de paix de Paris de 1229, qui règle le sort du comté de Toulouse, le pays tombe presque entièrement sous les mains de Guy de Lévis I, maréchal des croisés. En réalité, la "terre du Maréchal" déborde largement sur d'autres circonscriptions. Mais elle exclut St-Quentin, Queille, Belloc, Camon et Montbel. A partir de 1300, les héritages successifs donnent lieu à d'importants remaniements de ce territoire, ayant finalement conduit à deux principales baronnies : les Lévis-Mirepoix et les Lévis-Léran, qui constituent les marquisats les plus puissantes du XVIIème et XVIIIème siècles. Après plus de quatre siècles d'aléas successoraux, la "terre du Maréchal" est finalement reconstituée à la fin du XVIIIème siècle. Cependant, la Révolution l'a faite éclater sur trois départements : l'Ariège, l'Aude, la Haute Garonne. Le régime seigneurial appliqué par les Lévis sur leur domaine, empreint du droit féodal du Nord, est le plus contraignant des pays d'Ariège : peu de droits d'usage, droit de prélation (préemption), banalités (taxes) omniprésentes, aucune délégation de la justice sauf à Mirepoix (C. Pailhès). Ce régime a été source, jusqu'à la Révolution, de combats pour la défense des libertés communales et pour l'assouplissement des droits féodaux. Au XVIIème siècle, les Lévis-Mirepoix, face aux oppositions des communautés d'habitants et du pouvoir épiscopal, se sont appliqués à donner à leurs attributs une superbe apparence afin d'affirmer leur pouvoir : le château de Lagarde, " petit Versailles du Languedoc ". A la Révolution, ce dernier et impressionnant symbole de la Un territoire encore empreint de son passé moyenâgeux " Et de la pierre qui monte, toujours un avec le rocher que je contemple, s'arcboutent, transpercés de tous les rayons de la lune, les contreforts des vieux châteaux d'Aquitaine et d'ailleurs, en arrière plan desquels celui de montségur, qui brûle toujours. " (A. BRETON, Arcane 17) B - LA Les fondements du paysage - si Montségur était un immense calendrier astronomique, une sorte de temple solaire. En effet, tous les points privilégiés de construction - angles, diagonales, milieu des murs… - permettent de repérer avec précision la position du soleil levant chaque fois qu'il entre dans un nouveau signe du zodiaque. Les archères des murs Nord-Est et Sud-Ouest, qui ne sont pas en face, sont traversés par les rayons du soleil uniquement le matin du solstice d'été. Ceci est à mettre en rapport avec le dualisme symbolique de la Lumière et des Ténèbres, qui est resté au cœur de toutes les idéologies manichéennes et de toutes les doctrines initiatiques. Le château de Lagarde se composait de quatre tours d’angle, de forme carrée, reliées entre elles par des courtines et des bâtiments d’habitation auxquels on accédait par une tour ronde. Quatre bastions défendaient l’entrée des grandes tours et des souterrains faisaient communiquer toutes les défenses entre elles. Un double fossé protégeait l’approche du château qui reposait sur une terrasse. Archives départementales de l’Ariège Le château de Lagarde (à gauche) et celui de léran (à droite) sont tous deux visibles de loin, dans les coteaux valonnés de l’est du pays. Lagarde intrigue par la disposition de ses tours en “couronne”, tandis que Léran impose sa masse au village qui l’entoure. Le style néogothique des parties hautes du château de Léran. L’encadrement du château de lagarde par son double fossé est encore net. Une partie des dépendances (à droite de la photo), ainsi que le jardin-potager, ont été restaurés. Mais seules deux tours du château devraient être prises en charge par les Monuments Historiques. (photo de J. JANY) CITÉ MÉDIÉVALE " Mirepoix, petite capitale historique, est une capitale déchue, sans grand rayonnement. […] La ville restaure et met en valeur son héritage architectural exceptionnel : elle reste Mirepoix la médiévale. "1 Née au XIème siècle au pied du château fort de Terride - dominant au nord la vallée de l'Hers pour surveiller la route de Carcassonne à Pamiers et pour commander le débouché de l'ancienne vallée du Touyre - Mirepoix fut détruite en 1289 par une crue (provoquée par la destruction du barrage naturel de Puivert) et reconstruite 1 F. TAILLEFER, 1985. Un territoire encore empreint de son passé moyenâgeux C - MIREPOIX, sur la basse terrasse de l'Hers, du côté sud de la vallée, selon les plans réguliers d'une bastide, à l'intersection de deux axes principaux de communication. Elle forma un carré de 400 mètres de côté que des rues d'égale largeur divisent en îlots rectangulaires. Au lieu où devait se trouvait l'îlot central, une place fût aménagée, bordée au sud par l'église. Celle-ci fut érigée en cathédrale de 1317 à 1506, dans le contexte de reconquête catholique et donc marquée par l'influence gothique du Nord. Elle témoigne donc d'un nouvel élan de la foi, mais aussi d'une certaine prospérité économique. Elle concrétise aussi l'élévation de la commune, par le pape Jean XXII en 1317, au rang d'évêché. L'évêque Philippe de Lévis est à l'origine du somptueux clocher de plus de 60 mètres de la cathédrale de Mirepoix et du palais épiscopal, édifiés à la fin du XVème et au début du XVIème siècle. Il a également agrandi la nef, qui, avec ses 22 mètres, est l'une des plus larges de France. La cathédrale a aussi bénéficié de la riche décoration intérieure dans le goût baroque du XVIIème siècle, dont les églises se sont parées suite aux guerres de religion entre protestants et catholiques. Pierre de Donnaud a fait réaliser un autel et une balustrade de marbre rougen, un jubé et un ensemble de statues dorées et a mis en place sept grands tableaux de peintres flamands. Les troubles liés aux conflits franco-anglais de la Guerre de Cent Ans et aux guerres féodales ont rendu nécessaires certaines fortifications, telles que celle de Mirepoix (et de Camon), où un quadrilatère défendu par quatre portes et entouré de fossés a été aménagé. Il en reste une partie près de la porte d'Aval, du côté de Pamiers. Des promenades plantées de platanes occupent l'emplacement des fossés, comblés en 1680. Au XVème siècle, la place centrale fut entourée de couverts, galeries de bois formant des portiques sous le premier étage des maisons. Les fondements du paysage - domination de l'Ancien Régime va subir les ressentiments populaires et la volonté de rupture avec le passé. Après avoir été pillé en 1792, il est démoli en 1794, avant d'être vendu comme bien d'émigré en février 1795. Il devient alors peu à peu une carrière de matériaux. Au XIXème siècle, les Lévis-Mirepoix n'ont pas cherché à relever les ruines de Lagarde, mais se sont plutôt retranchés au château de Léran, possédé par la branche cadette des Lévis-Léran et construit à la fin du XIVème siècle. Entre 1875 et 1883, le duc de Lévis fit refaire les parties hautes de l'édifice dans le style néo-gothique (mâchicoulis, tourelles en poivrières, girouettes). Ce château qui renfermait le second fonds d'archives privées de France, fut habité jusqu'en 1982. Après la mort du duc Antoine de Lévis-Mirepoix, il a été vendu, son mobilier dispersé et ses archives remises aux Archives Nationales. Ainsi a pris fin une histoire qui, pendant plus de sept siècles, avait lié la famille de Lévis et le Pays d'Olmes-Mirepoix. 2 3 1 : La cathédrale St Maurice, gigantesque, avec son clocher de 60 mètres et sa nef de 22 mètres ; photographie de Mas, photographe du Service des archives photographiques (décennies 1920 à 1950). 2 : La porte d’Aval, vestiges des fortifications de Mirepoix. 3 : Le château de Terride, surplombant au nord la cité médiévale. 1 Gravure de la ville de Mirepoix datant d’entre 1835 et 1837; Archives départementales de l’Ariège. Au centre du grand couvert, sur le côté nord de la place, s'élève la maison des consuls, avec son extraordinaire décor sculpté sur les têtes de solives. D - CAMON, PRIEURÉ MÉDIÉVAL E - L'ART ROMAN Les églises romanes, construites entre le XIème et le XIIème siècles, correspondent à la naissance de la plupart des paroisses en Ariège. Les premières églises romanes méridionales, datant du XIème siècle, correspondent à un grand mouvement de reconstruction du début du Moyen Âge. Les églises sont construites selon une technique importée d'Italie par des maçons Lombards vers la Catalogne : en moellons concassés au marteau, liés dans un mortier peu couvrant et posés en assises régulières à la manière de lits de brique. Leur plan est en général simple. Les plus anciennes possèdent une nef unique s'ouvrant sur un chœur quadrangulaire, héritage préroman. Par la suite, le chœur devient semi-circulaire. Dès le milieu du XIème siècle, le plan devient plus complexe, avec l'ajout de deux chapelles latérales de même forme ; le chœur s'ouvre alors sur trois nefs ou sur une travée de chœurs qui les précèdent. La voûte, technique venue de Catalogne, a rapidement supplanté le plafond charpenté originel. En berceau plein cintre (voûte de forme semi-cylindrique), elle est associée à des murs très larges qui réduisent le problème des poussées; les ouvertures à simple ou à double ébrasement (élargissement en biais de la fenêtre permettant la diffusion de la lumière) sont peu nombreuses, ce qui explique la quasi-obscurité qui règne dans les édifices. L'utilisation de l'arc doubleau (arc qui soutient la voûte en plein cintre) a élevé la voûte et l'a rendue plus régulière. Le premier art roman se caractérise aussi par l'emploi quasi- Un territoire encore empreint de son passé moyenâgeux Le village de Camon s'est constitué autour d'une abbaye bénédictine, dépendant de l'abbaye de Lagrasse (Aude) du XIème siècle au XIVème siècle. En 1316, le Pape Jean XXII érige Camon en prieuré conventuel indépendant. Le village et l'abbaye, complètement détruits par l'inondation provoquée par la rupture du barrage de Puivert en 1279, sont reconstruits entre 1280 et 1316. Suite aux périodes de troubles des XIVème et XVème siècles, Camon connaît au XVIème siècle une période d'apogée artistique et intellectuelle. Philippe de Lévis, évêque de Mirepoix, reconstruit, de 1505 à 1526, tous les bâtiments tels qu'on peut les voir à l'heure actuelle. De 1526 à 1535, il procède à l'édification du mur d'enceinte du village et de la tour carrée. Entre 1560 et 1570, le Cardinal Georges d'Armagnac restaure et réhausse les fortifications et fait édifier une tour ronde du côté ouest. En 1791, l'ensemble des constructions, abandonnées par les moines, est vendu comme bien national et devient propriété privée familiale. Les fondements du paysage - Cette place, ainsi que le pont monumental réalisé par le même architecte-mathématicien, Mercadier, que celui de la Concorde de Paris, témoignent de l'ancienneté du rôle commercial de Mirepoix. Les belles absides romanes en grès de l’église de Manses sont surmontées d'un bandeau de corniche. Photographie tirée de l’ouvrage de A. JACQUET, 1991. Notre-Dame-du-Vals, par sa richesse architecturale et ornementale, se détache nettement des autres églises. L'accès à cette église rupestre bâtie sur un roc de poudingues se fait par un escalier étroit placé dans une faille du rocher. Ses deux nefs superposées (construites à deux époques différentes) et son clocher donjon font déjà de cette église un monument rare. Mais la partie la plus rare est sans doute celle qui, découverte seulement en 1956 dans l'abside, est tapissée de fresques de style roman catalan typique, réalisées au début du XIIème siècle par Maître de Pedret, peintre originaire de Catalogne. L’église gothique de Teilhet possède un portail conservant des éléments romans : sans tympan, il est couronné d'une corniche de modillons ornés de masques. Le clocher rappelle le style du bassin de la Garonne. Sur l’abside de l’église de St Sernin de Bensa court une corniche de modillons ornés de motifs animaux et végétaux sculptés. BASTIDES Les bastides se limitent à une aire géographique et culturelle précise : les pays de Langue d'Oc du SudOuest de la France. Le mouvement de création des bastides se situe essentiellement aux XIIème et XIVème siècles, avec une période particulièrement riche entre 1250 et 1350. Les facteurs qui entraînent la création des bastides sont nombreux: fixer les populations (en augmentation depuis le Xème siècle), développer l'agriculture et le commerce et créer des points d'appui en cas de guerre (luttes francoanglaises de la Guerre de Cent Ans). Elles se situent donc dans la continuité des Sauvetés (Camon et Lapenne), qui, un siècle avant les bastides, ont assuré sous la tutelle d'une abbaye ou d'un monastère, la distribution de l'habitat et du travail de colonies agricoles, en fixant les populations sur le territoire à cultiver, et, par làmême, ont créé un réseau d'étapes sûres pour le développement des relations commerciales et des pèlerinages de St-Jacques de Compostelle. Les bastides naissent d'un accord de paréage: contrat établi entre le seigneur du lieu, ou l'abbé, et le souverain représenté par son sénéchal; l'engagement consiste au partage équitable des charges et des bénéfices. En apportant les terres, seigneurs ou abbayes permettent l'implantation d'une population, source de richesse agricole et commerciale, tandis que le roi affermit son pouvoir dans la région et s'assure la fidélité des habitants dont il garantit la sécurité et la liberté. Ainsi, Gui de Lévis, Seigneur de Mirepoix, fut l'auteur de nombreux contrats avec le comte de Foix; ce dernier apportait, en échange des terres, sa garantie politique et sa sécurité. La position des bastides du Pays d'Olmes révèle Un territoire encore empreint de son passé moyenâgeux Plan type inspiré de celui de Saint-Hilaire d’Arquizat (Miglos) ; A. Jacquet, 1991. F - LES Les fondements du paysage - systématique d'un campanile : tours carrées à étages percées de fenêtres à arcades géminées (groupées deux à deux) qui servent à la fois de signal d'appel aux fidèles et assurent la sécurité de ceux-ci vis à vis des intempéries. L'art roman classique se développe au XIIème siècle, sous l'impulsion des grands chantiers de l'Europe romane, tels que celui de St Sernin à Toulouse. Bien que les techniques antérieures soient maintenues, il se différencie des églises du XIème siècle par son plan à chevet tripartite et l'apparition de la sculpture, d'une certaine naïveté (motifs schématisés végétaux et animaux). Roquefixade a été fondée par le Sénéchal de Briatexte, sous le nom de La Bastide de Montfort, en souvenir de la victoire de Simon de Montfort sur les quelques cathares retranchés au château, lors de la croisade contre les albigeois. Elle est construite selon un plan régulier orthogonal, comme toutes les bastides, et possède une place carrée. Celle-ci ne comporte pas de couverts, ce qui indique que, dès l’origine, la vocation de la bastide n’est pas commerciale. En revanche, c’est un site stratégique, en frontière avec le royaume d’Aragon. Plan extrait de la Charte esthétique et de préconisations pour l'embellissement des villages du Pays de Mirepoix et de la vallée moyenne de l'Hers Rares sont les bastides de plaines qui, comme Mirepoix, ont à la fois un quadrillage et une enceinte régulière. Cette bastide a été fondée par Gui de Lévis, en paréage avec le comte de Foix. La place de Mirepoix, très vaste, est rectangulaire, bordée par des couverts de bois ; la halle métallique récente s’inscrit sur un des côtés sans ampiéter l’espace central. Lagarde, bastide établie sous l’autorité de Gui de Lévis, seigneur de Mirepoix, en paréage avec le comte de Foix. DIVORNE F., GENDRE B., LAVERGNE B., PANERAI P., 1983 Mirepoix, photo de J. JANY Ainsi, il est rare de voir le tracé en quadrillage d'origine de la bastide se prolonger au-delà de l'enceinte. Il est à noter que Limbrassac et Léran ont la forme d'une bastide, sans en avoir le statut. Un territoire encore empreint de son passé moyenâgeux prolongent, ces couverts ne se rejoignent pas dans l'angle, mais laissent un passage en biais qui permet l'accès des charrettes sur la place : les cornières. Lieu des marchés, la place accueille en général une halle, au centre ou sur l'un des côtés. L'enceinte conditionne toujours le développement de l'agglomération au-delà de la bastide d'origine. En séparant la ville des terres cultivées et de la campagne, l'enceinte, qu'elle ait été maintenue ou non, constitue une limite entre deux types de rues : celles qui se raccordent aux routes et aux chemins et donnent naissance à des faubourgs quand l'agglomération se développe, et celles qui, sans communication avec l'extérieur, restent des rues de lotissement. Les fondements du paysage - un rôle plus économique que militaire. En effet, si ce n'est Roquefixade, les bastides ne sont pas implantées en hauteur, mais plutôt dans les vallées et le long des rivières. En outre, dans les régions d'habitat dispersé, les seules fermes ou métairies ne suffisent pas à constituer des villages, de réels lieux d'échange ; il leur manque marchés, foires et services. Les bastides ont répondu à ce besoin en constituant des petits centres d'approvisionnement et de distribution des produits, des lieux de commerce et de gestion administrative. Certaines bastides, telles que Mirepoix, sont aujourd'hui des chefs-lieux de canton. Les bastides ont été édifiées sur un plan régulier à trame quadrillée. La procédure d'établissement des villes en grille orthogonale n'est pas nouvelle: elle est utilisée depuis l'Antiquité, car elle est l'organisation la plus efficace des territoires coloniaux. Le plan quadrillé facilite une prise de possession rapide et ordonnée du territoire, il permet la construction de la voirie et l'attribution de lots égaux à bâtir ou à cultiver; le tracé de la ville traduit en effet l'aspect communautaire et égalitaire de la colonie. Le plan orthogonal des bastides s'articule autour d'une place carrée centrale (exceptionnellement rectangulaire, comme à Mirepoix) sous forme d'un maillage formé d'îlots, le plus souvent rectangulaires, entre lesquels circulent les rues principales. Lieu de rassemblements, la place symbolise une conception égalitaire de l'espace qui marque une rupture avec l'image de la cité médiévale rassemblée autour de l'abbaye ou dominée par le château ou la cathédrale. Elle est bordée de quatre îlots et longée par quatre rues. Les maisons construites sur arcades en avant de l'alignement des îlots courants forment des rues couvertes : les couverts. Un peu moins larges que les rues qu'ils