Fistules recto-vaginales des deux tiers inférieurs du vagin
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Fistules recto-vaginales des deux tiers inférieurs du vagin Ph. Guillermin et B. Deval Les fistules recto-vaginales d’origine obstétricale sont exceptionnelles en France et dans les pays à haut niveau sanitaire. Elles sont très fréquentes en Afrique (plusieurs millions) et entraînent non seulement des répercussions médicales mais aussi sociales du fait de l’isolement de ces patientes souvent jeunes et rejetées par le milieu familial. Le diagnostic est confirmé par l’examen clinique. Le bilan sphinctérien nécessite en revanche une évaluation associant échographie endo-anale et manométrie. Les étiologies sont parfois congénitales le plus souvent acquises : traumatiques, infectieuses, oncologiques, mais surtout obstétricales. Leur traitement est chirurgical. INTRODUCTION La fistule recto-vaginale (FRV) est définie comme étant la communication entre la paroi rectale antérieure et la paroi vaginale postérieure. Elles représentent environ 5 % des fistules anorectales. Les fistules qui se développent dans le canal anal devraient être appelées plus justement « fistules ano-vaginales ». Ces fistules sont à l’origine de problèmes psychologiques importants et dans certaines sociétés elles conduisent à l’isolement social et sexuel de la patiente. Elles peuvent être congénitales ou acquises. Ainsi, les fistules en rapport avec un antécédent obstétrical (recto- et/ou vésicovaginales) sont devenues exceptionnelles dans les pays développés, mais il n’en est pas de même en Afrique notamment (2 millions de cas au Nigéria, 1 500 cas par an au Niger, mais aussi en Inde, au Bengladesh). Cette pathologie est souvent rencontrée chez de très jeunes femmes vivant en zone rurale (1, 2) où les accouchements sont assurés par des auxiliaires de santé peu formées aux manœuvres obstétricales en cas de dystocie. Dans ces pays, outre le traitement, la prévention doit être entreprise, mettant en œuvre un suivi prénatal destiné à transférer les primipares présentant un facteur de dystocie dans un hôpital où une équipe obstétricale formée aux extractions instrumentales pourra gérer les accouchements. La prise en charge des FRV dépend de la localisation, de la taille et de la cause de la fistule. Les principes du traitement reposent sur une excision de la fistule associée à une interposition de tissu sain résultant ou non de l’apport d’un greffon. Un éventuel déficit sphinctérien doit également être réparé. DIAGNOSTIC Clinique L’évaluation diagnostique commence par l’interrogatoire à la recherche d’une pathologie causale. Ainsi, on recherchera un accouchement difficile ou compliqué de déchirure périnéale du 3e ou du 4e degré, un antécédent de chirurgie anorectale, une colite inflammatoire, une irradiation pelvienne pour un cancer. Une petite FRV peut être entièrement asymptomatique : une perte discrète de gaz et de matières par le vagin peut être notée. Lorsque la fistule est large, le symptôme prédominant est la perte incontrôlée de gaz à travers le vagin, associée à une odeur fécale des sécrétions vaginales. Dès lors, on pourra constater des symptômes en rapport avec la maladie causale (maladie de Crohn par exemple). L’examen clinique commence par une inspection du périnée, de l’anus et de l’introïtus. Les 260 Pelvi-périnéologie touchers pelviens recherchent la présence de la fistule, évaluent l’état du sphincter, recherchent les symptômes d’une néoplasie locorégionale éventuelle. Si le trajet est invisible, on peut s’aider d’un colorant : on place une mèche vaginale et on injecte du bleu de méthylène dans le rectum. Après quinze minutes, le tampon se colore en bleu manifestant la présence de la fistule. Le trajet peut être cathétérisé par un stylet. Rosenshein (5) proposa une classification en intégrant le niveau de la fistule et le degré d’implication du périnée dans cette fistule (tableau I). Type I Type II Type III Type IV Paraclinique Quelques examens complémentaires sont utiles et dépendent essentiellement de la pathologie causale. Pour une fistule simple, post-traumatique, l’examen clinique simple suffit dans la majorité des cas à déterminer le site du trajet fistuleux ; en revanche l’état sphinctérien (3) nécessite une évaluation paraclinique (échographie, manométrie). Dans le cadre des fistules complexes, rencontrées dans des pathologies comme la maladie de Crohn ou l’entérite radique, les examens complémentaires devront faire le bilan complet de la maladie. Les examens d’opacification digestive : lavement baryté ou scanner abdomino-pelvien avec opacification digestive peuvent, d’une part montrer le trajet fistuleux, d’autre part mettre en évidence un abcès pelvien à l’origine de la FRV. L’IRM et l’échographie endovaginale ont la même valeur prédictive positive pour ce qui est de la détection du trajet exact de la fistule (4). L’anuscopie et la rectoscopie peuvent permettre de voir l’abouchement fistuleux sur la face antérieure du rectum de réaliser des biopsies en cas de maladie de Crohn ou de doute sur une récidive tumorale. Type V Lésion périnéale et fistule du tiers inférieur du vagin, résultat d’une lésion obstétricale du 3e ou du 4e degré Lésion périnéale et fistule du tiers inférieur du vagin Fistule du tiers inférieur et périnée intact ou légèrement atteint La fistule se développe au niveau du tiers moyen Le trajet fistuleux se situe au niveau du tiers supérieur du vagin Tableau I – Classification de Rosenshein. Cette classification était fondée sur l’observation de 57 patientes au John Hoskins Hospital et a permis de préciser les éléments anatomiques lésés dans ce type de pathologie et de souligner que les atteintes d’origine obstétricales concernent le tiers inférieur du vagin. Rothenberger et al. (6) font intervenir dans leur classification les éléments anatomiques et la cause des fistules (tableau II). Cela permet de mieux sélectionner une technique de réparation chirurgicale. simples concernant le tiers inférieur ou moyen du vagin < 2,5 cm de diamètre d’origine traumatique ou infectieuse complexes concernant le tiers supérieur du vagin > 2,5 cm de diamètre associées à une colite inflammatoire chronique, une irradiation pelvienne, une néoplasie Tableau II – Classification de Rothenberger. CLASSIFICATION Les FRV peuvent être classées selon leur localisation, leur taille, leur cause. Certaines classifications ne font état que de la localisation de la fistule, d’autres incluent leur étiologie. Daniels classa les FRV en « basses » lorsque situées au niveau ou juste au-dessus de la ligne dentelée, avec un abouchement vaginal juste au niveau de la fourchette vaginale, en « hautes » lorsque l’abouchement est près du col et « moyenne » entre ces deux situations. Cette dernière classification nous paraît la plus adaptée, permettant de choisir au mieux le geste thérapeutique. ÉTIOLOGIES On distingue les FRV congénitales et les fistules acquises. Fistules recto-vaginales des deux tiers inférieurs du vagin Fistules recto-vaginales congénitales Dans le cadre des malformations anorectales, l’imperforation anale peut être associée à des fistules entre le cul-de-sac rectal et un organe de voisinage. Chez la petite fille, l’abouchement de la fistule peut être périnéal antérieur, vaginal ou vulvaire. La hauteur de ces fistules est variable, au-dessous, au niveau ou au-dessus du plancher des releveurs de l’anus. Le traitement de ces fistules est du domaine de la chirurgie pédiatrique. Fistules recto-vaginales acquises Causes traumatiques Obstétricale C’est la majorité des cas rapportés. C’est la conséquence d’une complication de déchirure périnéale réparée ou non, ou celle de l’ischémie causée par la stagnation de la présentation dans l’excavation pelvienne. Venkatesh et al. (7) rapportent leur expérience : 20 500 accouchements par voie basse, 1 040 épisiotomies avec déchirures du 3e ou 4e degré, 0,1 % des patientes nécessitèrent ultérieurement la réparation d’une fistule recto-vaginale. Accidentelle Il s’agit soit d’un empalement soit du résultat de violences sexuelles ; il peut aussi s’agir de l’évolution d’une érosion causée par un pessaire. Chirurgicale L’hystérectomie, la résection antérieure basse du rectum, l’utilisation de l’électrocoagulation au contact de la paroi rectale antérieure, les proctocolectomies avec anastomose sur réservoir iléal (polyposes familiales) peuvent se compliquer de ces fistules, de même que la chirurgie de l’endométriose. Causes infectieuses Tout processus infectieux au contact du septum recto-vaginal peut être à l’origine d’une FRV. Un abcès pelvien, une collection abcédée du cul-desac de Douglas (appendicite ou diverticulites compliquées) peut se drainer dans le vagin. Une infection des glandes des cryptes anales peut être à l’origine d’un tel abcès ; tuberculose et lymphogranulomatose vénérienne peuvent aboutir à une FRV. 261 Entérites inflammatoires chroniques L’estimation de la part respective de la maladie de Crohn et de la rectocolite ulcéreuse hémorragique (RCUH) a varié à mesure que s’affinaient les possibilités diagnostiques et la classification de ces maladies. D’anciennes séries dans les années soixante attribuaient à la RCUH la majorité des FRV. On considère à l’heure actuelle que c’est la maladie de Crohn qui est le plus fréquemment impliquée. Les fistules compliquent de façon habituelle la maladie de Crohn (20 à 40 % des patients) (8) ; elles peuvent être internes (entéro-digestives, iléo-coliques ou iléales, plus rarement iléo-vésicales ou iléo-vaginales) ou externes entéro-cutanées. La présence d’une FRV au cours d’une maladie de Crohn diminuerait les chances de guérison des lésions ano-périnéales selon certains auteurs (9, 10). Lésions postradiques L’irradiation pelvienne réalisée dans le cadre d’un cancer du col utérin, de l’endomètre ou du rectum peut être à l’origine d’une entérite radique. Cette dernière peut entraîner rectite, sténose rectale ou FRV. La fréquence de cette complication est de 1 à 10 % des cas (11). Ces fistules apparaissent six mois à deux ans après l’irradiation sauf lorsque la tumeur envahissant la paroi se nécrose : ceci survient alors en cours de traitement. Les signes avant-coureurs sont des selles contenant du mucus, des rectorragies. À la rectite succède une ulcération de la paroi antérieure du rectum située à 4-5 cm au-dessus de la ligne dentelée. Un tiers environ de ces ulcères évoluent vers la fistule. Il faut dans ces cas faire la part de l’entérite radique et de l’évolution du cancer. Causes hématologiques Les leucémies avancées, cancers du rectum, vagin ou utérus et d’autres causes rares telles que anémie aplastique, agranulocytose, LEAD. PRISE EN CHARGE THÉRAPEUTIQUE Généralités Indépendamment du choix des techniques, certains impératifs doivent être respectés afin d’optimiser les chances de succès de l’intervention. 262 Pelvi-périnéologie La cure chirurgicale aura des résultats d’autant meilleurs que les tissus employés sont de bonne qualité. De plus, l’attente de la cicatrisation peut permettre d’obtenir une fermeture de la fistule. Dans le cas de petites fistules post-traumatiques ou post-infectieuses une cicatrisation spontanée a été observée. Trois à six mois sont en général nécessaires pour obtenir cette cicatrisation. Dans le cas des fistules inflammatoires ou post-radiques le problème est différent : on n’observe pas de cicatrisation spontanée, mais on devra attendre une stabilisation de la maladie dans le cas des maladies de Crohn, ou l’obtention de tissus souples dans les tissus irradiés. Dans tous les cas les foyers infectieux devront avoir été drainés. Lors de l’intervention les tissus devront être mobilisés de façon adéquate, les sutures réalisées sans tension, l’hémostase devra être soigneuse. La fermeture méticuleuse du rectum et l’excision du trajet fistuleux devront être réalisés. La préparation préopératoire inclut lavements et antibiotiques. a b c d Techniques Les FRV basses peuvent être traitées selon plusieurs voies d’abord en fonction des habitudes et des compétences du chirurgien. Les gynécologues préfèrent l’approche transvaginale, les chirurgiens viscéraux l’approche transanale. En 1840, Barton, à Philadelphie aurait réalisé la première cure de fistule recto-vaginale, en Seton®. le drainage en Seton® consiste à placer dans le trajet fistuleux un fil de crin qui assure le drainage ; le trajet se cicatrise et devient scléreux, diminue ou se ferme. L’opération de Tait (fin du XIXe siècle) consistait à aborder le périnée par une incision transversale, à cliver rectum et vagin, à suturer les orifices fistuleux et à reconstruire le périnée ensuite. C’était une réparation simple en trois plans, par abord vaginal, après résection des tissus lésés. De même on peut procéder à une inversion de la fistule (fig. 1) en l’abordant soit par le vagin soit par le rectum et en inversant les berges au moyen d’une bourse dans le viscère opposé. On peut classer les types d’intervention suivant la voie d’abord : transpérinéo-vaginale ou trans-anale. Voie transpérinéo-vaginale Cette voie, suivant la technique utilisée peut épargner le sphincter, permettre de le réparer (13), ou, Fig. 1 (12) – Inversion d’une FRV : a) la fistule est visualisée ; b) la muqueuse vaginale est incisée autour de l’orifice fistuleux et une suture en bourse est réalisée ; c) la suture est nouée inversant les berges vers la face rectale ; d) la muqueuse vaginale est suturée. dans la périnéoproctotomie le sacrifier exposant au risque d’une mauvaise cicatrisation de la réparation sphinctérienne. Réparation périnéale transverse (14) La patiente est en position gynécologique, en décubitus dorsal. Une incision périnéale transversale est réalisée, au-dessus du sphincter anal (fig. 2). La peau périnéale est disséquée en avant, permettant d’accéder au plan de clivage rectovaginal. La dissection entre rectum et vagin est poursuivie latéralement autour de la fistule, plusieurs centimètres au-dessus. Le tissu fistuleux cicatriciel est réséqué. La muqueuse vaginale est suturée longitudinalement (points séparés de fil résorbable 3/0) en plaçant le premier point audessus de la marge de la fistule. Un deuxième plan de points séparés renforce cette première suture. Fistules recto-vaginales des deux tiers inférieurs du vagin a b c 263 Une myorraphie des releveurs est réalisée, ceci ajoutant un plan entre vagin et rectum. Si nécessaire une réparation du sphincter anal est réalisée. Le muscle transverse superficiel et le tissu sous-cutané sont suturés par des points séparés de fil résorbable. En postopéopératoire, le régime alimentaire sera une diète liquide pendant trois jours puis un régime sans résidus et paraffine pendant trois semaines. Les soins locaux maintiendront la cicatrice propre et sèche. Périnéoproctotomie longitudinale avec réparation immédiate ou différée (intervention de Musset) Fig. 2 (12) – Fermeture transpérinéale d’une FRV : a) incision transpérinéale ; b) exposition de la fistule ; c) individualisation du trajet fistuleux. Le tissu cicatriciel du versant rectal de la fistule est à son tour réséqué aux ciseaux. Le défect est fermé par des points séparés de fil résorbable 3/0. Les premiers points sont placés en dehors des marges de la fistule. Un second plan de points séparés est réalisé pour renforcer cette suture (fig. 3). d e f Fig. 3 (12) – d) Les défects vaginal et anal sont fermés ; e) myorrahie des releveurs de l’anus ; f) fermeture de l’incision périnéale. La fistule recto-vaginale est convertie par ce procédé, décrit par Musset en 1961 (15, 16), en une déchirure périnéale du 4e degré. L’auteur réalisait la reconstruction périnéale dans un second temps après cicatrisation des tissus. La technique telle qu’il l’a décrite lui-même consiste : – dans un premier temps en une périnéoproctotomie médiane (l’incision dite de « Musset ») avec mise à plat du trajet fistuleux. Ceci permet, dans les étiologies infectieuses, de drainer l’abcès et de débrider de façon économique, les tissus nécrosés. L’hospitalisation est brève. Le temps requis pour la cicatrisation et l’entreprise du second temps sont de deux à trois mois. Les fistules simples d’origine traumatique peuvent être traitées en un temps (15) ; – le second temps est celui de la réparation : - La voie d’abord est transpérinéale ; on expose la cicatrice (fig. 4) au moyen de quatre fils disposés aux quatre « angles » de la cicatrice (créés artificiellement par traction des bords). L’incision est menée de façon transversale d’un bord à l’autre de cette cicatrice. La dissection est menée de façon à aborder l’espace rectovaginal qui est disséqué plus latéralement que sur la hauteur, car le point important est de réaliser des sutures sans tension. Les berges anales sont avivées. Ensuite on commence la reconstruction plan par plan (fig. 5) en commençant par la paroi rectale… Cette suture longitudinale se fait au moyen de fils à résorption lente (par exemple PDS 3/0), par des points séparés noués en dehors de la lumière intestinale, sans tension ; 264 Pelvi-périnéologie Fig. 5 (39) – Conversion de la FRV en une déchirure périnéale du 4e degré et suture (intervention de Musset). Fig. 4 (16) – Mise en place de quatre fils repères au-dessous de l’extrémité postérieure des grandes lèvres et à hauteur des fossettes latérale qui marquent les extrémités du sphincter rompu. – suit le temps de préparation périnéale et sphinctérienne : - on doit tout d’abord repérer dans la cicatrice les fibres puborectales des muscles pubococccygiens et les deux chefs sphinctériens. Les fibres puborectales sont repérées au moyen de points séparés de fil résorbable. Afin de repérer et d’aiguiller les chefs sphinctériens sans dissection nocive dans les tissus cicatriciels, on peut utiliser l’artifice décrit par Musset. La peau en regard du dernier pli radié est saisie et attirée vers le pubis ; le chef sphinctérien est adhérent à cette peau et en transfixiant les tissus de façon perpendiculaire au pli radié, de dedans (au contact de la face profonde de la peau) en dehors, on aiguille le chef sphinctérien. Les sutures seront réalisées plus tard. Le temps de colporraphie précède ces dernières : on suture le vagin par des points séparés de fil résorbable comme on l’a fait pour le rectum. On serre ensuite les fils de la myorraphie, puis on suture le périnée superficiel au moyen d’un fil de suture à résorption lente. L’expérience de cette technique est suffisante pour en faire celle qui est volontiers utilisée par les gynécologues en France, tant dans les fistules en rapport avec un évènement obstétrical que dans le cadre d’une maladie de Crohn (17, 18). Voie d’abord transanale Lambeau d’avancement musculo-muqueux (fig. 6) Méthode décrite initialement par Noble en 1902, puis par Mengert et Fish en 1955, elle consiste en l’utilisation d’un lambeau de paroi rectale comprenant muqueuse, sous-muqueuse et couche des fibres musculaires lisses circulaires. La technique a été également décrite par Kodner (19) : un lambeau en U composé des trois couches citées ci-dessus, est créé, la base de ce lambeau étant plus large que le sommet. La pointe de ce lambeau va au-delà de l’orifice interne (rectal) de la fistule. Le lambeau est suffisamment mobilisé pour reposer sans tension audessus de l’orifice interne de la fistule. L’hémostase doit être rigoureuse. La partie musculaire exposée de la fistule est curetée. Des points de 3/0 résorbables ferment le defect musculaire. La pointe du lambeau portant l’orifice interne de la fistule est réséquée. Le lambeau est fixé par de points séparés de fil résorbable 3/0 et l’orifice externe (vaginal) de la fistule est laissé ouvert, permettant un drainage. S’il reste une fistule visible au bout de trois mois on considère qu’il s’agit d’un échec. La technique de lambeau d’avancement endoanal a été utilisée avec succès dans le traitement de fistules simples comme complexes (20, 21). Fistules recto-vaginales des deux tiers inférieurs du vagin a b c d e 265 La reconstruction du périnée est menée en interposant au-dessus de la portion intacte du mur rectal une périnéorraphie constituée dans sa portion craniale de fibres des muscles pubococcygiens, et dans sa partie caudale des muscles transverses profond et superficiel. Une fois le périnée reconstruit, les chefs sphinctériens sont affrontés directement ou en « paletot » autour du canal anal en se servant des fils déjà mis en place. La paroi rectale autour du trajet fistuleux est réséquée. La paroi rectale antérieure (selon la technique de Noble) est mobilisée et suturée au sphincter anal externe au moyen de points séparés de fils résorbables 2/0. Voie abdominale La voie abdominale s’adresse en général aux fistules hautes qui ne sont pas traitées ici ou aux FRV complexes, telles que rencontrées dans certaines maladies de Crohn, d’irradiation pelvienne, de cancer. Les techniques employées peuvent être la résection rectale avec anastomose colorectale basse ou avec anastomose. Fig. 6 (12) – Lambeau d’avancement : a) tracé de l’incision (futur lambeau) ; b) dissection d’un lambeau comprenant muqueuse, sous-muqueuse rectales et la couche musculaire lisse des fibres circulaires ; c) fermeture de l’orifice fistuleux ; d) le lambeau est mobilisé pour couvrir le site de la fistule et la fistule est otée du lambeau ; e) le lambeau a été suturé. Intervention de Noble-Mengert-Fish (22) Il s’agit d’une variante permettant, par une incision transpérinéale de réparer également un défect associé sphinctérien, ou du noyau fibreux central. On pratique une incision arciforme de 180° de 9 h à 3 h, autour du sphincter, ou s’il s’agit d’un « cloaque », à travers la cicatrice périnéale. La dissection est menée jusqu’à ce que l’espace rectovaginal soit atteint. La dissection sera étendue de façon que le lambeau prélevé à partir de la paroi rectale antérieure (selon la technique de Noble) soit suffisamment mobile pour être mobilisé et suturé sans tension au niveau du sphincter anal externe. Les temps complémentaires, dans cette variante se font en profitant du jour offert par cette incision. Ainsi on pourra repérer les chefs rétractés d’un sphincter rompu en poursuivant latéralement la dissection sur 2 cm environ. Les deux chefs sont mobilisés au moyen de pinces d’Allis et repérés au moyen d’un fil résorbable (PDS 2/0) qui serviront à la suture du sphincter. Apport de lambeaux Dans certaines situations où le défect dépasse les possibilités des interventions précédemment décrites, on peut utiliser l’apport de tissus bien vascularisés que constitue un lambeau. Diverses techniques ont été décrites selon l’origine de l’apport tissulaire : musculaire (droit interne (23, 24, 15), couturier, fessier (25) ou graisseux (grande lèvre). Colle biologique L’utilisation de colle biologique de source autologue (pour éviter la transmission d’agents infectieux) ou non, a été employée par quelques équipes dans des fistules ano- ou recto-vaginales complexes ou ayant récidivé. Les résultats (26, 27, 28) peuvent faire proposer cette technique peu invasive dans les fistules récidivantes complexes. Les résultats sont hétérogènes, mais même si l’étude de Buchanan est peu convaincante (14 % de cicatrisation au terme de 16 mois), il ressort que cette technique peut être utile dans ces cas de fistule complexe dans la mesure où elle est peu invasive. Indications des méthodes Les méthodes employées dépendent de l’étiologie de la fistule. La classification de Rothenberger montre ici son intérêt. 266 Pelvi-périnéologie Fistules recto-vaginales d’origine obstétricale L’évaluation sphinctérienne doit précéder le choix de la technique opératoire (29). Il s’agit de fistules basses et associées parfois à des lésions sphinctériennes (48 % des patientes avant cure chirurgicale de FRV postobstétricales dans une série nord-américaine) (30). Les lésions sphinctériennes infracliniques après un accouchement par voie basse ne sont pas rares (évaluées à 28 % des cas selon Sultan et al.) (31). Les différentes techniques, intervention de Musset ou lambeau d’avancement endo-anal, ont des résultats équivalents concernant la fistule, mais dans le cas où il n’y a pas d’atteinte sphinctérienne, la technique du lambeau d’avancement présente l’avantage de ne pas léser le sphincter. Maladie de Crohn Le problème ici est de traiter la patiente en dehors de toute poussée évolutive de la maladie. Or, l’inflammation spécifique de la maladie est présente chez 80 % environ de ces patientes (10). En cas d’échec de traitement d’une FRV la maladie de Crohn doit être suspectée. Parmi les patientes présentant les conditions de stabilisation requises pour une cure chirurgicale, bien que l’intervention de Musset donne des résultats thérapeutiques satisfaisants (16-32), compte tenu de l’éventualité de survenue d’une incontinence sphinctérienne c’est la technique du lambeau d’avancement endo-anal qui est recommandée par certaines équipes, d’autres préférant l’approche endovaginale en raison de la mauvaise qualité du tissu rectal dans cette maladie (33, 34). Dans tous les cas la présence d’un sepsis implique un drainage et une cicatrisation préalable (35). Dans les formes sévères, une amputation rectale peut s’imposer ; une stomie de dérivation peut être nécessaire (36). Fistules d’origine radique L’irradiation pelvienne peut entraîner une entérite radique de divers degrés de gravité depuis la rectite jusqu’à la sténose rectale ou rectosigmoïdienne, ou la fistule recto-vaginale. C’est l’étendue et la sévérité des symptômes qui guident l’indication thérapeutique. Cela peut aller jusqu’à la résection du bas rectum avec mucosectomie et anastomose colo-anale protégée par une colostomie temporaire (33). L’apport de tissu bien vascularisé et indemne d’atteinte radique améliore les résultats thérapeutiques (37). CONCLUSION La prise en charge des fistules recto-vaginales post-traumatiques (souvent d’origine obstétricale) est du domaine de compétence des chirurgiens viscéraux comme des gynécologues. Le taux de succès des FRV est plus grand lorsqu’elles sont d’origine post-traumatiques ou infectieuses que lorsqu’elles surviennent dans le cadre d’une maladie de Crohn ou d’une rectite radique (13). Les techniques se valent, mais celle à adopter doit être taillée sur mesure en fonction de la fistule et des atteintes associées périnéales et sphinctériennes (38, 39). La classification de Rothenberger nous paraît la plus adaptée à l’évaluation des FRV (fig. 7). (FKRJUDSKLHHQGRDQDOH 0DQRPpWULHHQGRUHFWDOH QRUPDO GpILFLW /DPEHDXG¶DYDQFHPHQWHQGRUHFWDO ,QYHUVLRQGHODILVWXOH ,QWHUYHQWLRQGH0XVVHW Fig. 7 – Algorithme décisionnel dans le cas des FRV simples. Références 1. Arrowsmith S, Hamlin EC, Wall LL (1996) Obstructed labor injury complex: obstetric fistula formation and the multifaceted morbidity of maternal brith trauma in the developping world. Obstet Gynecol Surv 51(9): 568-74 2. Steiner AK (1996) The problem of post-partum fistulas in developing countries. ActaTrop 30 ; 62 (4): 217-23 3. Yee LF, Birnbaum EH, Read TE et al. (1999) Use of endoanal ultrasound in patients with rectovaginal fistulas. Dis Colon Rectum 42(8): 1057-64 4. Stoker J, Rocius E, Schouten WR et al. (2002) Anovaginal and rectovaginal fistulas: endoluminal sonography versus endoluminal MR imaging. AJR Am J Roentgenol 178(3): 737-41 5. Neil B, Rosenshein MD, Rene R et al. (1990) An anatomic classification of rectovaginal septal defects. 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