3e DIMANCHE DE CARÊME – C Frère Thomas J`ai entendu les cris

Transcription

3e DIMANCHE DE CARÊME – C Frère Thomas J`ai entendu les cris
3e DIMANCHE DE CARÊME – C
Frère Thomas
Ex 3, 1-8.13-15 ; Ps 102 ; 1 Co 10, 1-6.10-12 ; Lc 13, 1-9
3 mars 2013
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal
J’ai entendu les cris de mon peuple
« J’ai vu la misère de mon peuple qui est en Égypte
– disait le Seigneur à Moïse –
J’ai entendu ses cris sous les coups des chefs de corvée. »
Le peuple d’Israël a été persécuté,
Jésus a été persécuté,
les chrétiens ont été persécutés et le sont toujours.
Persécutés par jalousie, en raison des biens dont Dieu les comble…
comme si Dieu ne voulait pas aussi combler les autres !
Nos sociétés occidentales actuelles
n’aiment pas ces histoires de persécution religieuse.
Tel Pilate, ils voudraient pouvoir s’en laver les mains,
car ils prétendent que l’homme
devrait pouvoir se passer de religion.
Mais – dit Benoît XVI – est-ils concevable
que des croyants doivent se priver d’une partie d’eux-mêmes
– de leur foi – afin d’être des citoyens actifs ?
Finalement, lorsque des chrétiens sont persécutés
en raison de leur foi en Jésus-Christ,
non seulement leur foi ne leur est pas enlevée,
mais elle se trouve affermie,
elle devient féconde : « Le sang des martyrs
– écrivait Tertullien au 3e siècle – est semence de chrétiens.
Tout au long de l’Histoire Sainte,
nous voyons le peuple d’Israël persécuté.
En Égypte, lorsque les Israélites devenaient nombreux,
le roi pharaon les réduisit en esclavage,
leurs imposant travaux et corvées…
Puis, même en faisant exterminer les garçons nouveau-nés.
Lors de la prise de Jérusalem par les Babyloniens,
les Israélites furent déportés et forcés
à abandonner leur culte au Dieu unique ainsi que la loi de Moïse.
Lors de l’invasion des Grecs, avec Antiochus Épiphane,
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une terrible persécution s’installe,
avec la mise à mort de ceux qui continuaient
à pratiquer la loi de Moïse.
Tout au long des siècles, les juifs ont connu la persécution,
avec le comble de l’horreur dans la Shoah
perpétrée par les Nazis au 20e siècle.
Avec fondamentalement la jalousie devant ce peuple béni de Dieu
aux coutumes singulières devant celles des autres peuples.
Jésus, fils d’Israël, a été persécuté puis mis à mort,
par jalousie également : Lui qui multipliait dans le peuple
les signes éclatants de l’amour de Dieu.
Les chrétiens, à leur tour, sont persécutés,
comme leur Maître l’a été :
« Vous serez haïs de tous à cause de mon nom »
– avait prévenu Jésus à ses disciples.
Mais que leur reproche-t-on ?
Le plus souvent de se singulariser par rapport aux autres.
De refuser le culte aux idoles et à l’empereur,
dans l’empire romain païen.
De ne pas être juifs comme les autres,
pour les chrétiens issus du judaïsme.
De ne pas être musulmans, dans les pays musulmans.
D’être une religion venant de l’étranger, dans les pays asiatiques.
D’être attentifs aux pauvres, aux faibles :
quand des riches et des puissants veulent imposer leurs lois.
De croire en Dieu, quand l’État professe l’athéisme.
D’être conservateurs, quand beaucoup
aspirent à certains changements.
D’être moralisateurs, quand beaucoup veulent la liberté des mœurs.
Une chose est certaine est récurrente :
tout au long de l’Histoire, les chrétiens ont été et sont persécutés.
Et de nos jours plus que jamais.
Le 20e siècle a produit plus de martyrs chrétiens
que tous les autres siècles rassemblés.
Les chrétiens dérangent : ils ont pour roi le Christ
dont le Royaume n’est pas de ce monde.
Ils perturbent l’ordre établi.
De plus les chrétiens, à la suite du Christ,
ne se vengent pas quand ils sont moqués, humiliés,
spoliés, violentés ou tués :
ils constituent une victime facile pour servir d’exutoire
à toutes les colères et rancœurs accumulées par les humains.
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Mais alors… quel intérêt d’être chrétien
si c’est pour subir tant de persécutions !
Pour beaucoup de nos contemporains,
les persécutions religieuses sont un argument de poids
pour se désintéresser du fait religieux.
Vu de l’extérieur, cela leur apparaît comme des enfants
qui n’arrêteraient pas de se chicaner :
ils renoncent à chercher qui a raison et qui a tort.
Il y a ceux qui persécutent qui sont à blâmer
mais même ceux qui sont persécutés sont à blâmer – pensent-ils.
Ne pouvaient-ils pas mettre un peu d’eau dans leur vin ?
Ainsi les premiers chrétiens
ne pouvaient-ils pas sacrifier aux empereurs ?
Ce petit geste aurait évité à bien du sans de couler.
Ou bien les chrétiens en pays musulman…
ne pourraient-ils pas professer leur foi au prophète Mahomet
et suivre le Coran ?
Cela éviterait aux islamistes
de les tuer ou de les chasser de leurs pays !
Penser cela serait nier la liberté de conscience d’une personne
et la valeur de sa vie spirituelle.
Dans son message pour la journée mondiale de la paix,
le 1er janvier 2011, Benoît XVI plaidait pour
« la liberté religieuse, chemin vers la paix ».
Pour lui, la liberté religieuse est indispensable
pour un véritable respect mutuel.
Que ce soit le fondamentalisme,
qui voudrait imposer à tous une même religion,
ou le laïcisme qui voudrait nier toute dimension religieuse,
ils sont contraires à la dignité humaine :
ainsi, pour un chrétien, croire en Jésus Christ
et faire des choix concrets et engageants dans sa vie
en raison de sa foi,
cela n’est pas accessoire, c’est fondamental.
Sinon, il vaut mieux qu’il ne soit pas chrétien,
ou alors il se ment à lui-même, il mène une double vie.
Cela est même tellement important pour lui
qu’il doit être prêt à se laisser persécuter, malmener
– tuer même – plutôt que de renier le Christ
en qui il a mis sa foi.
Mais la persécution ne va-t-elle pas l’atteindre,
le diminuer, l’anéantir ?
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La persécution, pour les chrétiens,
n’est pas un accident de parcours.
Elle fait partie du chemin du disciple à la suite du Christ.
Si Jésus a été persécuté, le chrétien sera persécuté.
Si Jésus est mort, le chrétien devra passer par la mort.
Mais si Jésus est mort pour ressusciter à une vie nouvelle,
le chrétien mourra aussi pour ressusciter à une vie nouvelle.
La persécution, comme toute épreuve, pour le chrétien,
est occasion de conversion véritable au Christ.
C’est ainsi que Jésus se saisit
de l’affaire des Galiléens massacrés par Pilate,
pour appeler ses disciples à la conversion, à la vie véritable.
Ainsi, depuis 2000 ans d’Histoire du christianisme,
le sang des martyrs a toujours été semence de chrétiens.
Les chefs des prêtres et les Anciens d’Israël,
en faisant condamner à mort Jésus,
ont voulu mettre fin à son enseignement.
Et c’est précisément le contraire qui s’est produit.
Jésus a témoigné de son amour sans limite même en mourant :
puis Il a témoigné de la puissance de sa vie
en ressuscitant et en donnant l’Esprit Saint à ses disciples.
L’Empire romain païen a voulu éliminer la religion chrétienne
en tuant ses adeptes… et finalement c’est l’Empire romain
qui est lui-même devenu chrétien.
Les totalitarismes athées du 20e siècle
ont voulu éliminer la religion et finalement,
c’est la force spirituelle des hommes et femmes religieux
qui les a fait tomber.
De nos jours, des centaines de millions de chrétiens
subissent discriminations, harcèlement et violences,
dans beaucoup de pays musulmans,
dans certaines parties de l’Inde hindouiste,
ou dans des pays asiatiques encore sous la dictature communiste.
Humainement parlant, ils semblent anéantis.
Mais quelle force spirituelle ils reçoivent !
Ainsi, cet homme chrétien syrien de Damas,
enlevé tout récemment en raison de sa foi puis libéré :
« Catéchiste pendant huit ans, j’ai engagé avec mes ravisseurs
des discussions sur la foi chrétienne
presque tous les jours pendant un mois.
Ils m’écoutaient parler de l’Évangile,
de l’amour du prochain et du pardon
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et certains prenaient des notes.
Ils m’ont parlé à leur tout de l’Islam.
Ce dialogue fraternel a fini par nous rapprocher.
À ma libération, ils ont souhaité me revoir
pour continuer la discussion ».
Ces chrétiens persécutés ont besoin de sentir que nous,
chrétiens qui pouvons librement vivre notre foi,
sommes avec eux, par la prière, par le soutien fraternel.
Mais nous ne pourrons leur donner ce soutien
qui si notre foi à nous est vive aussi.
Le plus grand dommage qui guette les chrétiens de l’Occident,
c’est l’anesthésie de leur foi.
En fait les chrétiens de l’occident subissent aussi une persécution.
Elle est plus sournoise que la violence
ou la discrimination ouverte.
Elle consiste à nous culpabiliser d’être opposés
à ce qu’on appelle le progrès.
S’il y a les totalitarismes idéologiques,
les fondamentalismes religieux,
il y a aussi chez-nous la dictature du relativisme moral
– ainsi que l’a souvent dénoncé Benoît XVI.
Chacun fait ce qu’il veut,
les seules lois civiles sont des normes morales,
et Dieu est perçu comme s’opposant
à l’épanouissement le l’être humain.
Si nous voulons être solidaires
des chrétiens persécutés dans le monde,
nous devons aussi préserver notre foi face à ce relativisme moral.
Si nous sommes mariés,
notre fidélité et notre ouverture à la transmission de la vie
témoigneront de l’amour fidèle et total du Christ.
Si nous sommes célibataires,
notre pureté et notre ouverture à l’appel au célibat consacré
témoigneront du Christ qui nous ouvre le Royaume des cieux.
Si nous sommes dans la vie professionnelle,
notre honnêteté et notre attention à la personne
témoigneront de la charité du Christ.
Si nous sommes âgés,
notre prière, notre souci de transmettre la foi
aux jeunes générations et notre abandon entre les mains de Dieu à
la fin de notre vie sur cette terre
témoigneront de la vie éternelle.
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Tout cela nous opposera au monde,
qui nous accusera d’être fous ou rétrogrades,
ce sera pour nous occasion de témoignage –
mais le Seigneur nous donnera son Esprit Saint
et avec Lui, un langage
auquel personne ne pourra rien nous répondre.
Si donc nous sommes chrétiens,
nous ne pouvons faire l’économie de la persécution.
C’est là notre dignité d’hommes et de femmes
que de mettre notre foi en Jésus Christ,
Dieu fait homme pour nous faire partager la Vie de Dieu.
Avec tous les chrétiens persécutés du monde…
consentons à être persécutés nous aussi
alors nous connaîtrons la Résurrection !
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