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CONDI/T/l979/14 LES INCIDENCES DES OHNGEMENTS TECHNOLOGIQUES SUR LES CONDITIONS DE TRAVAIL ET DE VIE DES QUELQUES REPERES TRAVAILLEURS RURAUX : par Jean-Marc CLERC Conseiller régional pour l'Afrique en conditions et milieu de travail Rapport présenté au Séminaire sur U amélioration des conditions et du milieu de travail des travailleurs ruraux en Af.rique (Cotonou, 3-7 décembre 1979) Document interne Distribution restreinte Bureau international du Travail Département des conditions et du milieu de travail Service des conditions de travail et de vie 7JU! 3 e.&- Genève Novembre 1979 II I II I I II I I II I II 48282 Les incidences des changements technologiques sur les conditios de ,tava1l, et ,de. vie des quelques repères travailleurs ruraux : Page 1 OBSERVkTIONS MNINAIRES '4 CHAPITRE : incidences des 7 II - Incidences des changements technologiques sur les temps de travail 24 CHAPITRE III - Incidences des changements technol&giques sur la pénibilité du travail agricole 32 IV - Incidences des changements technologiques sur les conditions de vie des travailleurs ruraux 40 CHAPITRE CHAPITRE CHAPITRE CHAPITRE CONCLUSION 14' I - Survie, subsistance et revenus changements technologiques V - Les changements technologiques dans leurs rapports avec l'organisation du travail et ltorganisation sociale VI - La participation des travailleurs ruraux aux changements technologiques qui les affectent . 47 55 59 OBSERVATIONS LI1'IJINAIRES Un thème aussi vaste et aussi complexe appelle d'abord quelques remarques qui se explicatives sur l'optique selon laquelle il a été abordé et les limites lequel il se compte tenu du contexte dans sont imposées ou qutil a fallu tracer, place et des difficultés qu'il présente. I - Le contexte. dans lequel s' inscrit le thème étudié Le problème du développement rural et de l'efficacité des efforts entre1. problème important; pris pour le réaliser constitue depuis de longues années un l'humanité mais il tend à devenir un des deux ou trois problèmes majeurs auxquels interAu niveau national comme au niveau déjà confrontée. va se trouver ou est prend vivant dans le secteur rural national, le sort de millions de personnes pays du désormais, une place prédominante ndn seulement dans le développement de relations économiQues internationales. tiers monde mais aussi dans les Depuis cestoutes dernières années, le problème, progressivement, se 2. essentiels, soulignée localise autour d la notion de satisfaction des besoinsdu thème de la pauvreté puis, plus récemment encore, autour par l'OIT en l976'-, l'OIT. dans le monde, thème abordé par la Banque mondiale, la FAO et directeDeux éléments distincts mais concomitants, qui intéressent très 3. récente être décelés dans cette évolution ment le sujet abordé ici, peuvent Non seulement on met en question, mais on met en cause de plus en plus fréquemment et de plus en plus nettement l'efficacité des politiques suivies de projusqu'ici, qui s'organisaient autour de la mise en place de techniques, confiance une cédés, d'espèces et de produits nouveaux et, en fait, reposaient surdésillusion quasi absolue en eux; à une période d'espoir succède maintenant la c'est un point qui sera évoqué plus loin. On s'intéresse de plus en plus, semble-t-il, au sort des travailleurs Sans, pour autant, laisser entendre qu'ils étaient oubliés, ruraux eux-mêmes. prévalu, force est d'admettre qu'un certain raisonnement implicite avait longtemps selon lequel l'accroissement de la productivité dans l'agriculture s'imposait voie de consécomme seul moyen de lutte contre la faim dans le monde et que, par de son quence, les ruraux en seraient bénéficiaires. En posant dans le cadreramené le problème de l'emploi rural, l'OIT a Programme mondial de l'emploi le Souvent encore, cependant, milieu rural. centre d'intérêt sur l'homme qui vit en l'hectare, de surc'est seulement en termes économiques globaux de rendements à abondante littérature tracteurs vendus, etc., qu'une faces emblavées, de nombre de parle de développement rural. Cette double évolution, que les faits ont dictée, aboutit à un constat 4. Un rapport dramatique qu'avec franchise la PAO t le BIT annoncent simultanément. prochaine session de la Commission consulpublié très récemment par le BIT pour la pauvreté dans le soulignant que le problème de la tative du développement rural3, "les estimations tiers monde concerne essentiellement les campagnes, rappelle que pauvreté de 75 dollars par de la BIRD pour 1969, qui se fondent sur un seuil de habitant, montrent qu'à la date considérée ... 55 pour cent de la population ruseuil de pauvreté" rale des pays en voie de développement n'atteignent même pas le 1 rapport du Directeur L'emploi, la croissance et les besoins essentiels l'emploi, la répartition du regénéral è la Conférence mondiale tripartite sur venu, le progrès social et la division internationale du travail, BIT, 1976. 2 "Survie, subsistance et revenus : incidences des changeAu chapitre I ments technologiques". : 3 Pauvreté et emploi dans les zones rurales des pays en développement. Rapport pour la Commission consultative du développement rural, neuvième session, BIT, 1979. ACRD/IX/1979/II, p. 3. 2 Puis il souligne "le sentiment de déception croissant" qu'amène la constatation des résultats des efforts de développement tentés ces vingt-cinq, dernières années, puisque "une croissance importante n'a pas forcément d'effets perceptibles sur la pauvreté et va même souvent de pair avec une aggravation de la misère"l. L'ensemble des études qu'analyse ce rapport montre en effet que,2d'une façon générale, et En ce qui concerne presque partout, "la pauvreté persiste et s'accentue" l'Afrique, et bien que les études détaillées aoient peu nombreuses, la situation peut être résumée par les trois indices suivants : la production agricole par habitant, dont le taux de croissance était de 0,2 pour cent par an pendant la période allant de 1961 à 1970, est tombée à -1,5 pour cent (moins 1,5 pour cent) par an pendant la période de 1970 à 1976 (pour l'ensem11 des pays en voie de développement, 0,7 pour cent et 0,2 pour cent); l'accroisseles chiffres ont été respectivement ment démographique dans les zones rurales a été, en Afrique, supérieur à 20 pour cent en dix ans (1965 à 1975); le rapport entre le chiffre de la population et la superficie des terres (rapport terre/homme) est tombé poir l'Afrique de 0,81 à Les indications publiées 0,72 hectare par habitant au cours de cette même période7. dans 16 des 24 pays d'Afrique au sud du Sahara par la FAO4 vont dans le même sens la sous-alimentation frappait, en 1972-1974, 30 pour cent au moins de la population; dans 13 pays, la sous-alimentation a augmenté, tandis qu'elle est restée la même dans cinq autres et n'a diminué que dans six cas. . : : C'est donc alors même que l'on sinterroge sur le bien-fondé de l'orien5. tation suivie jusqu'ici que la situation commande plus que jamais d'intensifier les efforts. C'est dans cette problématique générale qu'il faut situer le point examiné ici. II - Les conditions de travail et de vie des travailleurs ruraux et l'OIT. L'OIT s'est toujours préoccupée de la situation des travailleurs ruraux pour tenter de l'améliorer. En premier lieu, elle a adopté un certain nombre de normes internationales, qui concernent notamment les salaires minima, le sort des fermiers et métayers, les coopératives rurales, l'inspection du travail dans l'agriculture, les conditions de travail5. Cependant, "les effets pratiques de ces instruments internationaux sont trop souvent, et dans trop de pays, restés limités pour de 1 Pauvreté et emploi dans les zones rurales des pays en développement, op. cit., p. 1, paragr. 1. 2 Ibid., p. 43, paragr. 3 et 4. 3 Ibid., pp. 9 et 10. 4 Les PAO : La quatrième enquête mondiale sur l'alimentation, Rome, 1977. "Pauvreté et emploi conclusions de cette enquête figurent dans le rapport du BIT dans les zones rurales des pays en développement" déjà cité, pp. 18-21. Les chiffres cités ici se trouvent p. 20. S En matière de salaires minima dans l'agriculture : recommandation (n° 89) sur les méthodes de fixation des salaires minima dans l'agriculture (1951), convention minima (l970). (O 131) et recommandation (n° 135) sur la fixation des salaires recommandation (n 132) Pour les autres catégories de travailleurs du secteur rural relative aux fermiers et métayers (1968), conventhon (n° 107) et recommandation (n° 104) relatives aux populations aborigènes et tribales (1957), convention et En ce qui concerne les coopérecommandation (n° 110) sur les plantations (1958). Dans le domaine des conditions (1966). ratives des pays en voie de développement convention (n° b) sur itâge minimum dans l'agriculture de travail en général (1921), convention (n° 100) sur l'égalité de rémunération (1951) et plus généralement convention (n° 117) sur la pqlitique sociale (objectifs et normes de base) (1962), enfin la convention (n° 141) concernant les organisations de travailleurs lie domaine de la ruraux et leur rôle dans le développement économique et social. (non seulement des normes internationales, mais sécurité et de l'hygiène du travail des recueils de directives pratiques et des guides lui sont consacrés) n'est pas évoqué ici, puisqu'il fait l'objet de communications particulières. : 3 multiples raisons qui se ramènent finalement à un degré1de développement insuff iEn second lieu, la sant sur les plans économique, social et administratif" Conférence internationale du Traval a adopté, en 1960, une résolution concernant "la contribution de l'OIT à l'augmentation des revenus et à l'amélioration des conditions de vie dans les communautés rurales, en particulier dans les pays en voie de développement", sur la base de laquelle a été lancé le programme de dévela réforme agraire loppement rural de l'OIT, puis, en 1965, une résolution et, en particulier, ses aspects sociaux et ses aspects d'emploi" qui énumère, parmi les objectifs de la réforme agraire, celui qui consiste à "assurer des emplois, des niveaux de revenus et de çonditions de vie convenables à tous les éléments de la population agricole". En troisième lieu, il convient de mentionner les travaux de la Commission du travail dans les plantations, dont la septième session a notamment examiné "le logement, les soins médicaux, les services sociaux et la sécurité et l'hygiène du travail dans les p1antations". En quatrième lieu, il y a lieu de rappeler les activités pratiques menées, en particulier, au titre du Programme de développement rural de l'OIT, et comportant des études, enquêtes et projets d'assistance technique, dont une part importante concerne les questions d'emploi et de formation professionnelle en milieu rural, mais dont le caractère "global" ou "intégré" a été souligné; c'est dans la même optique, en considération du fait que les problèmes liés à la situation des revenus et aux conditions de travail et de vie dans le secteur rural touchent tous les aspects du développement rural, que l'OIT a tenu à coordonner ses travaux avec les autres institutions compétentes, notamment la PAO, et qu'elle participe activement au travail de l'"InterAgency Task Force on Rural Development" créé par le CAC (Comité administratif de Enfin, dernier-né des grands programmes de l'OIT, coordination des Nations Unies). des conditions et du milieu de travail le Programme international pour (PIACT) ne peut évidemment exclure les travailleurs ruraux; aussi le document, dont les grandes lignes ont ét5 adoptées par le Conseil d'administration du, BIT, indique"la nécessité d'une action ... tient au fait que c'est dans le secteur rural t-il que vit dans des conditions misérables la majeure partie de la population travailleuse du monde en raison de l'insuffisance des revenus retirés des activités productives, du caractère souvent pénible des conditions de travail - inséparables des conditions générales de vie, étant donné l'interpénétration des milieux de travail et de vie - et de la rareté des services sociaux disponib1est. . Ces divers travaux ont contribué à éclairer le domaine complexe de la situation des travailleurs ruraux dans les pays en voie de développement; le dernier en date, déjà évoqué, consacré à "la pauvreté et l'emploi dans les zones rurales des pays en développement", rapport préparé pour la neuvième session de la Commission consultative du développement rural, particulièrement documenté, sera plusieurs fois cité ici. III - Remarcne s int rodu ct.ive,s con o erriari t l'approche. du theme étudié et les difficultés rencontrées Comment améliorer les conditions de travail et de vie des travailleurs ruraux ? Le progrès technique et le développement rural peuvent-ils y contribuer ? Telle est la question sous-jacente au thème examiné ici. 1. "Le niveau très Il y a très peu dées encore il était courant de lire bas des revenus des petits cultivateurs tient à ce que l'agriculture reste une agriculture de subsistance où les méthodes traditionnelles de travail sont rudimentaires et la productivité très faible", ce qi laissait entendre que les méthodes traditionnelles étaient, en grande partie, sinon seules, responsables de Certes, depuis longtemps cet état de ±ait et qu'il importait donc de les changer. : 1 Commission consultative du développement rural, huitième session, troisième revenus des travailleurs agricoles, notamment dans les question à l'ordre du jour pays en voie de développement, BIT, 1974, p. 93. 2 Commission du travail dans les plantations, septième session, rapport III, BIT, 1976. 3 GB.200/PFA/10/8, p. 6, paragr. 29. 4 ACRD IX/1979/II, BIT, 1979. 4 djà le BIT signalait le danger d'une mécanisation s3rstématique1, et toutes les autorités en la matière ont toujours insisté sur la nécessité d'une tapproche globale" qui ne sous-estime, pour être efficace, aucun des facteurs en cause. Nais l'on comptait très généralement sur une dynamique du développement dont les travailleurs ruraux devraient être normalement, moyennant certaines précautions, les bénéficiaires, dynamique du développement reposant notamment sur l'emploi de techniques plus évoluées que les techniques traditionnelles (culture attelée, mécanisation), le recours \ des variétés à haut rendement (dont la découverte avait été saluée comme une "étape décisive" sur la voie d'un accroissement de la consommation aliLes résultats rappelés mentaire du tiers monde) et l'usage de pesticides divers. plus haut (n° I) soulèvent actuellement une question véritablement fondamentale bien posée dans le rapport "Pauvreté et emploi ..." déjà cité2 : "Il est, en un sens, parfaitement compréhensible que l'on répugne à reconnaître que la proportion même pas le seuil de pauvreté puisse avoir de la population rurale qui augmenté pendant cette période (les dernières décennies). En effet, il ne s'agit pas ici d'une simple question de statistiques; ce qui est en jeu, c'est une doctrine fondamentale de l'économie du développement. D'après cette doctrine, les avantages de la croissance doivent se diffuser largement et une croissance stable de la production totale est incompatible avec une aggravation de la misère. Comme les doctrines sous-tendent les politiques appliquées, il est important, pour les politiques de développement rural, de savoir comment la pauvreté a évolué dans les S'il était possible de montrer qu'elle a diminué, on pourrait soutenir campagnes. que les politiques de développement rural appliquées par le passé ont donné de bons résultats et que, pour l'avenir, il suffit de persévérer dans la même voie. En revanche, si le contraire était vrai, il faudrait alors élaborer d'urgence de nouvelles politiques fondées sur une analyse nouvelle des raisons pour lesquelles la pauvreté rurale se serait aggravée malgré la croissance." Une autre question connexe,mais distincte, est également sous-jacente au thème qu'en est-il des conditions de travail et de vie autres que les de ce séminaire s_à_djre la pénibilité du travail, sa revenus, la subsistance et la pauvreté, Suivent-elles une évolution semblable à celle de durée, le milieu de vie, etc. ? la pauvreté ou sont-elles affectées différemment ? Stagit_il, compte tenu de ce que les questions de conditions de travail et de vie sont étroitement liées dans le secteur rural, de mener les mêmes efforts, les mêmes actions pour améliorer ces conditions que pour lutter contre la pauvreté et ses conséquences ? Ou bien y aurait-il quelques actions spécifiques qui permettraient d'améliorer sur des points précis et limités la condition du paysan ? Ou bien encore - troisième éventualité s'agirait-il d'une question d'accentuation et de priorité, et serait-ce dans la mesure où serait recherchée en priorité l'amélioration des conditions de travail et de vie des travailleurs ruraux qu'il en découlerait une amélioration de la productivité du travail agricole ? dire toute l'importance du thème choisi par l'OCAM pour ce séminaire. C'est dire aussi à quel point il vient à son heure car, s'il faut sans doute déplorer que certains aspects des conditions de travail et de vie des travailleurs il faut souligner ruraux n'aient pas fait jusqu'ici l'objet d'études approfondies, posent sur les abouque c'est dans la mesure même où des questions angoissantes se tissements des énQrmes efforts engagés jusqu'ici qi'une interrogation sur tous les aspects touchant aux conditions de vie et de travail des travailleurs ruraux peut éveiller des échos, susciter un examen plus approfondi et, peut-être, aider à déC'est dire, enfin, les difficultés et finir de nouvelles approches de solutions. les. limites du présent document. 1 En 1974, le BIT soulignait"l'aggravation du sort des ruraux déshérités exploiqu'entraîne une mécanisation inconsidérée de l'agriculture dans les grandes notamment dans les pays en voie de tations" ("Revenus des travailleurs agricoles, développement", Commission consultative du développement rural, 1974, AORD/VIII/ 1974/111, p. 19). 2 Pauvreté et emploi dans les zones rurales des pays en développement, op. cit., p. 4. 5 2. Difficultés et limites du sujet La .piernière difficulté du sujet tient évidemment è. la variété et à la complexité des situations. Variété, car, de quelque point de vue que l'on se constitue place, le fait d'embrasser "seulement" l'Afrique au sud du Sahara ne climats, sols, ethnies, techniques, conditions de propriété guère une limitation mosaïque et d'exploitation, régime juridique, infrastructures ... constituent une à l'oeil attentif de l'observateur, puisqu'un dont les détails échappent souvent seul élément, toutes autres conditions semblables par ailleurs, peut modifier le abondance et variété de cas que connaissent bien les travail et le mode de vie variété des situations et ethnologues. Complexité du sujet, car elle découle de la Il était évidemment à la vie rurale. elle se complique des interférences propres hors de question ici de tracer un tableau à double entrée alignant les diverses techniques agricoles et les "croisant" avec les principales cultures et, pour chaC'est à juste titre que l'énoncé du cune, les divers travaux qu'elles requièrent. thème porte la mention "organisation sociale", car le travail agricole, de même c'est un que le travail artisanal en milieu rural, n'est pas seulement un travail, mode de vie; changer une technique comporte donc inévitablement beaucoup d'autres incidences que celles qui sont visibles et mesurables. En dehors du problème de la la seconde difficulté concerne les sources. subsistance et des revenus retirés du travail agricole, sur lequel on dispose d'un 1éent5 le plus souvent dispersés dans une quantité importante certain nombre de littérature, presque rien, au contraire, ne concerne les autres aspects des conditions de travail et de vie des travailleurs ruraux, qu'il s'agisse de la pénibilité du travail à la chaleur et des efforts physiques provoqués par certaines tâches, de la durée du travail, etc. C'est dire que les relations entre les changements techniques apportés à l'exploitation agricole et les conditions de travail et de vie sont encore moins défrichées. Les quelques éléments rassemblés ont été, sauf deux ou trois exceptions, glanés dans les études, des rapports ou des ouvrages et_à_djre, le plus souvent, les résultats en termes aspects, -traitant économiques de la mise en oeuvre de nouvellès techniques. Il aurait donc été nécespart, d'exploiter systématisaire, pour traiter valablement d'un tel sujet, premier lieu les rapports internes du BIT quement la littérature disponible, et en et de la FAO concernant des projets de coopération technique dans le secteur rural, d'autre part, de réaliser un certain nombre d'études ponctuelles sur le terrain et axées sur ce thème. Ej ces difficultés sont mentionnées avec quelques détails, c'est pour indiquer les limites de ce document et expliquer le caractère disproportionné des dévelopil ne s'agira ici que de tracer quelques pements concernant tel ou tel sujet repères, eux-mêmeS sujets à révisions, et dont la raison dtre est d'identifier les voies de recherche et d'action dans un domaine è. tous égards considérable. : Plan du document 3. Les incidences des changements technologiques seront examinées au cours de la lutte pour la six chapitres. Besoin essentiel s'il en est, la subsistance, ou survie, qui, pour ceux qui sont entrés dans l'économie de marché, se traduit par la recherche de revenus, constitue le premier aspect des conditions de vie, qui fera l'objet du premier chapitre, celui pour lequel on dispose d'un grand nombre les temps de travail, la pénibilité du Seront ensuite examinés de matériaux. Le cinquième chapitre ne pourra qu'évoquer un travail et les conditions de vie. les relations entre le changement problème difficile mais sans doute fondamental technique, d'une part, et, d'autre part, l'organisation du travail et l'organisation sociale et, plus généralement, les cultures africaines. Le dernier chapitre traitera de la participation des travailleurs ruraux aux changements qui les affectent. : Le terme de "changement technologique" a été pris ici dans son acception la plus large, c'est-à-dire couvrant toutes les innovations par rapport aux techniques traditionnelles, y compris la généralisation de cultures de rapport. Le cas des plantations à grande surface ne sera pas évoqué ici; il se pose en termes si particuliers qujl n'a pas paru possible de le traiter en même temps que le cas, beaucoup plus général en Afrique, des petites exploitations; les grandes plantations ont fait, du reste, l'objet d'études particulières1. 1 Cf. notamment OID. oit. Commission du travail dans les plantations, rapport III, 7 CHAPITRE I SURVIE INCIDENCES SUBSISTANCE ET REVENUS 'DES CHANGEMENTS TECHNOLOGIQUES : Un point commun à toutes les innovations introduites dans l'agriculture1, en Afrique comme dans d'autres continents du tiers monde, est qu'elles se donnent pour raison d'être deux objectifs, présentés le plus souvent, expressément ou tacitel'augmentation de la proment, comme des objectifs inséparables et solidaires duction agricole et l'amélioration des moyens d'existence des paysans par la création ou l'augmentation d'un revenu monétaire. Qu'en est-il de ce second objectif ? : Des écueils et même des échecs ont été depuis longtemps signalés qui semblent malheureusement se confirmer. S'agissant de phénomènes connus, ou se limitera à énumérer les difficultés tant qu'il s'agit de constatations générales, en renvoyant à la lecture des ouvrages qui eu traïtent et eu insistant davantage sur des cas ayant fait l'objet d'enquêtes particulières. Le décalage entre les prix des produits de l'agriculture et ceux des ou a cité le cas du café qui, au Tgo, valait, "intrants" a été souvent souligné en pouvoir d'achat en 1960, deux fois et demie ce qu'il valait eu l974. On a signalé qu'en R.-tJ du Cameroun, où la culture du cacao est le fait hales de très petite taille, le kilo de cacao était payé entre 150 à 200 francs OFA en 1954, date où le kilo de viande valait entre 60 et 75 francs OPA et le régime de bananes plantains de 25 à 50 francs OFA; en 1975 (après des fluctuations qui ont fait tomber le prix du kilo jusqu'à 50 francs OPA), le kilo de cacao était à 220 francs OFA; le gouvernement étant intervenu, le prix est actuellement fixé à 260 francs OFA; pendant ce temps, le prix du régime de bananes plantains a at1 000 francs OFA; il a donc été multiplié par vingt, et le prix du teint 800 kilo de viande davantage. Parallèlement, le prix des semences, des engrais, deS produits phytosanitaires, de l'équipement et de l'outillage s'est élevé de faQon considérable. Le multiculteur, qui valait 16 000 francs OFA eu 1971 eu Haute-Volta, contait 30 000 francs OPA deux ans plus tard tandis que le prix du coton passait aux mêmes dates de 30 à 32 francs OFA le kilo. Pourtant, il faut souligner le rôle important joué par les caisses de stabilisation et de soutien des prix agricoles, créées par la plupart des pays, qui garantissent aux agriculteurs un prix minimum tout eu assurant le placement des récoltes. Mais le niveau auquel se situent les prix sur le marché mondial joue. : Les problèmes de subsistance en devjeuuent plus aigus. Fréquemment, les rembbursements des emprunts parfois consentis par l'agriculteur s'endette la société qui vend les semences et prend les récoltes peuvent amputer le revenu monétaire du paysan dans une proportion considérable; ce dernier peut être aussi, ce qui est pire, la proie des usuriers, qui pratiquent des taux d'intérêt annuel de 100 pour cent, si ce n'est pas davantage4. Certains se trouvent contraints de D'autres vendre leurs terres à des conditions de prix qui leur sont imposées. ont mis en gage leur matériel à la suite d'une mauvaise récolte puis se les ont Une étude menée par l'ORSTON dans un village du Séuégal sur le système -v-u saisir. agricole observe que les quatre familles particulièrement suivies dans le cadre le premier de l'enquête son presque entièrement démunies d'équipement moderne chef de famille n'avait aucun matériel moderne, ayant tout vendu eu 1964; le second n'avait rieu non plus mais déclarait avoir mie eu gage deux semoirs; le troisième : : 1 Il est rarement possible de distinguer les effets de l'introduction de la culture de rapport et de l'introduction de techniques nouvelles. On y revient au point 2. 2 A. Provent et P. de Ravignan : Le nouvel ordre de la faim, Seuil, Paris, 1977, p. 49. En RépublLque centrafricaine, où la. culture du coton était obligatoire sur une certaine superficie au temps de la colonisation (obligation abolie théoriquement en 1946 mais maintenue en fait jusque vers les anuées 1950-1955, explique G.Gosselin), le prix de vente du coton n'est passé que de 25 francs CFA en 1952 à 27 francs CPA G. Gosseliu, Développement et tradition dans les sociétés rurales afrieu 1963 caines, BIT, 1970, p. 106. A. Provent et F. de Ravigriar (op. oit.) citent même le chiffre de 240 pour cent (p. 50). 8 était dans la même situation mais avait mis un semoir en gage; le quatri'eme, seul, possédait une houe artisanale qu'il n'avait pas encore payé?. Oet endettement paysan, très répandu semble-t-il, constitue un nouveau fléeau qui s'ajoute pour l'agriculteur chef de famille au souci de nourrir les siens. Dans l'étude citée plus haut, l'ORSTOM cite ces remarques amères d'un paysan "Je ne prendrai pas d'engrais l'année prochaine, car il est trop cher ... Je sais bien que l'engrais enrichit la terre et la conserve, mais il est trop cher et mange (sic) toute la récolte ... Par exemple, s'il existe deux champs, l'un avec et l'autre sans engrais, celui qui a reçu l'engrais donnera sans doute une meilleure récolte, mais son propriétaire sera aussi le plus endetté. Oontinuer dans ces conditions, je veux dire prendre du matériel à crédit et continuer à s'endetter, est une honte pour un homme libre, oui une honte pour un homme libre." (0es derniers mots étaient exprimés en français.)2 Souvent, incités à se lancer dans la culture de rente, les agriculteurs ont diminué les superficies consacrées aux cultures vivrières et se trouvent contraints d'acheter les produits de base qu'ils cultivaient précédemment, ce qui accroît leur dépendance, d'autant que les prix de ces produits s'élèvent en raison de la D'autres louent leurs services contre un petit salaire ou des dons de. rareté. produits vivriers et négligent leurs champs, ce qui se traduit par une baisse du revenu. Même en l'absence d'endettement, le paysan - surtout celui qui a été incité à diminuer la superficie consacrée aux cultures vivrières - se trouve contraint d'adopter des comportements qui vont à l'encontre des effets recherchés. Les semences sont généralement distribuées en fin de saison sèche, c'est-à-dire à un moment où les disponibilités alimentaires des familles sont particulièrement pour un paysan n'ayant plus qu'une faible quantité de mil et généraleréduites ment dépourvn d'argent pour acheter d'autres denrées de base comme du sucre ou du thé, il est tentant d'utiliser à son alimentation ou de vendre sur les marchés On cite également le cas du paysan qui, locaux une partie des semences reçues. ayant acquis une houe octidentale ou. un semoir, vend des sacs de semences pour acheter l'animal de trait qui lui permettra d'utiliser son matériel; d'autres écoulent une partie des semences pour payer la main-d'oeuvre salariée qu'ils utiliseron'L pour le sarclage. : Les impôts, souvent très lourds, qui pèsent sur les agriculteurs, en particulier les jeunes célibataires qui pratiquent la culture de rente, conduisent G. Gosselin3 indique qu'en pays gbeya (République souvent ceux-ci à l'exode rural centrafricaine) la parcelle de coton d'un demi-hectare cultivée par un jeune célibataire lui rapportait 3 700 francs OFA environ par an4, pour un rendement moyen de 140 kilos par hectare; déduction faite de l'impôt de 2 400 francs OFA, il ne lui restait que 1 300 francs OPA. Pressés de toucher leur argent, les petits planteurs de cacao, en R.-U duOaineroun, préfèrent vendre leà fèves, à l'état brut, laissant le commerçant réaliser les opérations de fermentation et de séchage; s'ils s'évitent ainsi des travaux (ce qui n'est pas le but recherché), ils se contraignent à une diminution de leurs revenus. Pa voie de conséquence, on assiste à un recul de certaines cultures de les pla'ntaions de café ou dè cacao sont délaissées et la production acrente au Niger, la production d'arachide cuse dans certains pays une baisse brutale (gaies décortiquées), après être passée de 18 000 tonnes en 1929 à 182 000 tonnes en 1968, est redescendue à 15 000 tonnes en 1974 (année de disette, il faut le préciser). : : ORSTON : Maintenance sociale et changement économique au Sénégal. I. Doctrine économique et pratique du travail chez les Mourides, par J. Copans, Ph. Oouty, J. Roeh, G. Rocheteau, Paris, 1972, p. 42. 2 Ibid., p. 40. G. Gosselin. Développement et tradition dans les sociétés rurales africaines, BIT, Genève, 1970, p. 105. En 1958 ou 1959. 9 I,'aggrvation des inéaiités de revenus.- Pourtant, dans certaines conditions, essentiellement lorsqu'il s'agit d'agriculteurs disposant d'exploitations de superficie assez grande ou de chefs de village disposant des revenus provenant du travail des membres de la communauté, la mécanisation et l'emploi des engrais et produits phytosanitaires s'avèrent rentables et dégagent des surplus qui permettent à leur tour des investissements utiles. Ce sont ces investissements qui sont précisément très difficiles pour les petits exploitants, malgré les aides consenties bien souvent par les autorités; la précarité même de leur situation rend risué tout changement et tend à perpétuer les cultures et les modes d'exploitation traditionnels ou même à les recréer en cas d'échec. Aussi a-t-on constaté que la mécanisation se traduit fréquemment par une aggravation des inégalités des revenus. en 1973, dans C'était là un résultat que l'on redoutait il y a quelques années son rapport "Prospérité et mieux-être"-, le Directeur général du BIT écrivait "Le progrès technique ne présente pas moins d'importance que la réforme agraire, mais les possibilités qu'il ouvre peuvent se trouver gaspillées aux dépens des petits exploitants qui ne sont pas en mesure d'en profiter, et une mécanisation trop systématique peut poser plus de problèmes qu'elle n'en résout." Et en 1974, un rapport du BIT à la Commission consultative du développement rural soulignait "A mesure que se développe le recours aux variétés à haut rendement, il est ainsi probable qu'on verra se dessiner une tendance à la polarisation plus marquée des riches et des pauvres en milieu rural. Pour la juguler et veiller à ce que les bienfaits du recours aux variétés à haut rendement atteignent les économiquement faibles, les gouvernements devront mettre en oeuvre, parallèlement aux programmes techniques de promotion des VEIR, un vaste plar de réforme agraire et d'autres changements structurels dans le secteur rurale." Ces craintes se sont malheureuseun rapport de la PAO, déjà cité, indique :"Il y a beaucoup d'exemment confirmées ples où ... la mécanisation a aggravé les inégalités de revenus en réduisant les possibilités d'emploi qui s'offrent aux petits paysans et aux trvailleurs agricoles sans terre et en relevant les revenus des gros exploitants2." Les comparaisons que publie le récent rapport du BIT, déjà cité4, concernant des estimations de la pauvreté rurale en Afrique à trois années de distance (chiffres fournis par la FAC) illustrent la dégradatio:n de la situation (voir tableaux 1 et 2); "si l'on considère l'évolution de la pauvreté au cours de la périoa.e, bien courte certes, qui sépare les deux observations, on constate que l'incidence de la sous-alimentation a augmenté dans treize pays sur vingt-quatre, et qu'elle est restée la même dans cinq autres, n'ayant diminué que dans six cas. Ainsi, dans les trois quarts des pays inclus dans l'échantillon, la misère n'a pas reculé"2. En outre, on constate que, dans les six pays situés au sud du Sahara pour lesquels on dispose de d.ounées, les tendances des indices des salaires réels sont décroissantes (voir tableau 3.)3. . : : Prospérité et mieux-être; objectifs sociaux de la croissance et du progrès économiques. Rapport du Directeur général à la Conférence internationale du Travail, 1973. 2 Revenus des travailleurs ngriooles, notamment dans les pays en voie de développement. Commission consultative du développement rural, 8e session, AURD, vIII/l974/III La mécanisation agricole et la répartition des revenus; l'emploi et le progrès dans les pays en développement, op. oit., p. 10. Voir aussi Z. Svejnar Emploi et tec1nologie dans le milieu rural et dans le secteur industriel au "En Afrique, les changements Sénégal; BIT (PE0A), 20.12.1978 (rapport interne) de technologiont abouti souvnt à un accroissement considérable du chômage et à une inégalité dans la distribution des revenus"(p. 2). : Pauvreté et emploi dans les zones rurales des pays en développement, op. cit., pp. 18-20. - 10 - Pab1eau 1. Estimations de la PAO concernatat les pourcentages de dénutris dans la population totale 1969-1971 1972-1974 Botswana République-Unie du Cameroun 33 36 14 Côte-d'Ivoire Ethiopie 9 26 16 8 38 G-hana 22 38 24 42 Guinée Kenya Libéria 20 41 30 37 17 Madagascar Malawi Mali Mauritanie 14 19 38 36 14 49 48 Mozambique 34 36 Niger Sénégal 36 47 25 25 Sierra Leone 20 Somalie Soudan 42 21 40 30 30 Swaziland 35 33 Tanzanie 35 35 Tchad Zare 34 24 34 Zambie 35 54 24 44 34 Togo Tableau 2. Diverses estimations de la pauvreté rurale établies à partir de dormées provenant d'enquêtes sur les ménages Pays ou régions Années Pourcentages des ménages vivant dans la pauvreté Normes de pauvreté utilisées Ghana (région orientale) 1965-66 74 Au moins 50 pour cent du revenu total sont consacrés à la nourriture. Kenya 1974-75 88 Au moins 70 pour cent du revenu total du ménage sont consacrés à la nourriture Lesotho 1967-1969 91 250 rands, soit un seuil de pauvreté correspondant à une ration quotidienne e 2 813 calories et à un budget dans lequel 55 pour cent des dépenses totales sont consacrés à la nourriture Nigéria (Nord) 1970-71 51 Dépenses de nourriture s'élevant à 70 pour cent au moins des dépenses totales Sierra Leone autour 70 Au moins 70 pour cent du revenu total du ménage sont consacrés à la nourriture 88 Plus de 60 pour cent du revenu total sont consacrés à la nourriture de Tanzanie 1970 1969 Sources et observations Les données figurant dans le tableau 1 sont tirées de PAO : La quatrième en9uête mondiale sur l'alimentation (Rome, 1977), annexe M, pp. 133-134. Les sont d.éfinjs comme les personnes ayant un apport aalorique inférieur Comme la même méthode a été employée pour à 1,2 MB, soit environ 1 500 calories, les deux années, les chiffres sont comparables. Les chiffres du tableau 2 sont tirés de l'étude de Charles Elliot Rural Poverty in Africa (document polycopié) (enève, BIT, novembre 1978), pp. 9-15. - 12 - cc N I N t N N cc r1 N H w N I O p-' cc cc H N w N N o-' H '-O C', ('J N cc H H N '-o cc O oH o" O O O" C-' '-o O H H C', o C-' H o N O O H H N o-' H O O H O O N C' o-' I te' o H w oH N I oN w O I LC\ I H U] W H o o H o o-' N o-' 0 o-' O H I I-I N I '-O cc H w C'J O N I I o-' I I Cet N o-' W 1H I t I I I I t I t I I I I I I H H H cl) 'cl) w t I I C N H tÇ O LC\ N cc cc Ce' N Lr\ H 0 cc N cc C-t N c'J LI-' cc I I cc C' Ce' LC\ cc cc N w w H N N co O O H H H 4 o- cc - O O O O H '-o N C', w w cc O' I I I I I I ri] H O] I U) I I o CQU]O] -4Hr-1 H U] H W (DH+ 'dlHU) 'r-1W kW-U] WOH E-I+'H (U U] 'dU]C'] (DC) U]H C']H H H cli c0 H (U]H WU]d -iH H- (UO'G) U] 'dU]U] (DO W 'd U]'d I g WO DHO] H(U . 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Preuve en est que la plupart des organismes créés en vue du développement rural ont en charge à la fois la vulgarisation de techniques agricoles nouvelles, la répartition des semences et des produits phyto-sanitaires et la commercialisation des récoltes. Pourtant une telle analyse s'impose. Elle ne peut être effectuée dans le cadre de ce rapport et on ne peut que renvoyer au rapport, déjà cité, que le BIT a consacré ?preté et emploi dans les zones rurales des pays en dévelçppement". au sujet On se Ce rapport contient un examen des causes de la pauvreté en milieu ruraiL. "Les distorsions en mabornera à citer ici le passage relatif à la technologie tière de progrès technique, jointes à la diffusion et à l'adoption des nouvelles techniques, n'ont pas peu contribué à aggraver le chômage et la pauvreté, mais les mécanismes qui sont à l'origine dê ce phénomène ne peuvent être compris que dans le contexte socio-économique du secteur rural. Avec une structure différente de la propriété des avoirs productifs et une autre organisation de la production agricole, les mêmes progres techniques pourraient aboutir à des résultats totalement différents du point de vue de la croissance et de la répartition des revenus2." Le rapport souligne notamment que les pays importateurs paient des prix excessifs pour ces techniques, car la production, le commerce et la recherche et le développement sont contrôlés par des sociétés gigantesques (on estime que, hors du monde communiste, dix grandes sociétés seulement fabrip.ient plus de 80 pour cent des pesticides, des tracteurs et des gros accessoires); d'autre part, même de "bonfles" innovations risquent d'aggraver l'inégalité si la situation initiale se caractérise par une répartition très inégale de la propriété foncière3. : enquête.- L'jncjdenoe de l'introduction d'un changement de Résumé technique, toutes choses égales par ailleurs, nécessiterait d'effectuer dans chaque Une telle enquête a été réalisée dans un pays africas une enquête particulière. cain par un fonctionnaire du BIT. Elle avait pour objet d'évaluer les résultats d'un projet de développement rural et en particulier d'examiner comment ce projet avait pu contribuer à l'amélioration des conditions de travail et de vie des populations concernées4. L'enquêteur a, notamment, cherché à savoir dans quelle mesure l'introduction de la culture arachidière avait favorisé la formation de revenus monétaires additionnels au profit des paysans, et en effectuant la distinction entre les paysans travaillant en culture traditionnelle et ceux utilisant du matériel de culture attelée; bien que cette enquête soit limitée au territoire d'une sous-préfecture et qu'elle porte seulement sur une période de quatre ans, elle est Les tableaux 4 à 7 doivent être examinés à la intéressante à plusieurs égards. lumière des indications suivantes le cas des paysans utilisant la culture attelée a été considéré en partant la première suppose que ces paysans ont effectivement versé de deux hypotheses l'apport personiiel et payé les échéances annuelles (ce qu'un petit nombre d'entre eux a fait en réalité) du matériel agricole acheté à crédit; la seconde hypothèse n'opère, au contraire, aucune déduction à ce titre afin de juger quelle sera l'incidence qu'aura la culture attelée de l'arachide au moment où le matériel utilisé Nais, dans les deux cas, le revenu monétaire brut aura été complètement remboursé. a été diminué des frais normaux d'exploitation, tels que les dépenses de maind'oeuvre, le remboursement des prêts "désherbage", des sommes déboursées pour acquérir un animal de trait ou pour amortir les prêts "boeuf" accordés par le crédit Les conclusions suivantes agricole, la valeur des semences non restituées, etc. résultent de l'analyse de ces tableaux. : 1 Pauvreté et emploi dans les zones rurales des pays en développement, op. cit., chap. II, pp. 43-64. 2 Ibid., pp. 45-46. 3 Ibid., pp. 61 et 63. 4 Rapport de mission de C. Dumont. Document interne du BIT. - 16 - Si l'on ne déduit pas du revenu monétaire créé par la culture arachidière les sommes normalement dues au crédit agricole au titre du remboursement du matériel utilisé, on constate, à lexamen du tableau 4, que la campagne arachidière s'est soldée, en 1969 et en 1970, par un gain pour toutes les familles enquêtées (huit et dix-huit familles respectivement) et pour 27 des 28 familles en 1971. Par contre, 22 des 28 familles ayant cultivé de l'arachide en 1972 ont perdu de l'argent. En prenant comme référence une période plus longue que l'année, on observe que les 13 familles ayant fait de l'arachide de 1970 à 1972 et que 16 des 20 familles en ayant cultivé au cours des campagnes 1971 et 1972 s'en sortent 0es résultats reflètent la diversité des conditions ayant avec un solde positif. 1969 et 1970 ont été des caractérisé les campagnes arachidières de 1969 à 1972 années jugées bonnes sur le plan arachidier (pluviométrie moyenne mais bien ré-. partie), 1971 a été une année normale pour les deux zones considérées et 1972 une année franchement désastreuse (sécheresse persistante). Si l'on omet de considérer les sommes dont elles étaient redevables au crédit agricole, les familles ayant fait de l'arachide en culture attelée ont obtenu, en 1970 et en 1971, un revenu monétaire moyen supérieur de 116,3 et de 77,7 pour cent respectivement à celui enregistré par celles ayant cultivé l'arachide à la main. Déduction faite des sommes dues au crédit agricole, leur gain moyen dépasse de 62,2 et 23,2 pour cent respectivement celui obtenu en culture Par contre, la perte monétaire moyenne est, en 1972, nettement traditionnelle. plus forte en culture attelée, quelle que soit l'hypothèse considérée, qu'en culture traditionnelle (voir tableau 4); cette situation &explique par le1fait que, la production ayant été quasiment nulle dans les deux types de culture , le bilan des familles en culture traditionnelle ne comportait pas certaines dépenses d'exploitation inhérentes à la culture attelée de l'arachide (main-doeuvre salariée, restitution au secteur ONDR d'une plus grande quantité de semences, etc.). Calculé sur une période couvrant les années 1970, 1971 et 1972, le revenu e) monétaire moyen créé par la culture araohidière s'élève, par année, à 6 896 francs CPA pour les cinq familles enquêtées en culture traditionnelle; il atteint 5 289 francs OFA ou 11 563 francs OPA pour les huit familles en culture attelée selon que leurs gains aient été ou non diminués des sommes dues au crédit agricole. Calculé sur la même période, le revenu monétaire moyen créé par hectare d'arachide cultivé (voir tableau 5) est de 4 764 francs OFA en culture traditionIl est, pour les deux hypothèses considérées en culture attelée, de nelle. 2 081 et de 4 566 francs CPA respectivement. Ces chiffres permettent apparemment de déduire que le revenu monétaire moyen créé à l'hectare d'arachide est, sur une longue période, sensiblement égal dans les deux types de culture, attelée et traPar ailleurs, ce n'est q'en 1970, année relativement bonne, que la ditionnelle. culture attelée de l'arachide a fourni un revenu monétaire moyen à l'hectare supérieur (de 22,5 pour cent) à celui obtenu en culture traditionnelle (9 374 et 7 670 francs CFA respectivement). Ce revenu présente enfin, quels que soient l'année considérée et le type de culture, de fortes variations d'une famille à celles-ci reflètent les grandes différences marquant la considératiàn l'autre que les paysans témoignent à la culture arachidière. : En résumé, l'arachide semble rapporter plus en culture attelée qu'en culture traditionnelle, non pas en raison d'une rentabilité supérieure à l'hectare de la culture attelée, mais en raison des superficies plus grandes que cette dernière permet de cultiver. Les superficies moyennes d'arachide cultivées par les familles enquêtées en 1970, 1971 et 1972 s'élevaient, en effet, à 1,6, 1,4 et 1,33 hectare respectivement en culture traditionnelle2 et à 2,4, 2,67 et 2,95 hectares en culture attelée. 1 En fait, il semble que la production arachidière en culture traditionnelle ait été en 1972, bien que faible, supérieure à celle enregistrée en culture attelée (densité moins forte à l'hectare en culture traditionnelle, ce qui a permis à de résister mieux, bien que mal, à la sécheresse). 2 En fait, la superficie moyenne d'arachide en culture traditionnelle dépasse rarement un hectare. Les chiffres plus élevés enregistrés au cours de l'enqête s'expliquent par le fait que plusieurs des paysans enquêtés sont des chefs de village ayant les moyens de se faire aider et pouvant donc cultiver une surface supérieure à la normale. 17 N O o-' ko H E CI) o Pi k Q) Fi H O w H H CI) \ w \ I N LÇ\ O ir o- H w N N' N 0 I O w C(\ 'Q) u) N '-C) OHwO O w O 03 N N H c- N H IZ Pi'U) Q, W Q) C/) CI) Fi F-i E r-1 N I O O Q) E Q, F-i Fi Cl) Q, I I w I> r-1 LC\ w I W (1) LC CX) O N + + I H 1Pi H N w w N L(\ o N o C') N Q, Q) Fi Fi + -I-' ri ri +' cd cd W rdCJ) Q) Q,. WH F-iH Od w OC LC\ k' o u) Lr- E. w I C,) O O Q,O H Q, F-i C,) 'Q) : ' H H, Pi'a Q) Fi ra O O "l- "t "d- ir H I N H w H N 0 0 LÇ- N H H I w N O N - H N ' cd cd o o ri O w o- H 'd 0 'Q) 'Q) Lr' F-i F-i C) Q) cd cd CI) CI) W W O - X H 4-' I I O N u) o H w H O N I Q) H H I Pi F-i C') c Q, H o o O O't N w N N Lf\ '-O O O O O o-' i- '- E H W ct5 o N LC E H W N N o N o 1:1 H Q) C/) CI) Q). 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C) o) I H - H -v)Q) Q) 0' '--o 0' r-1 tH Ht-0' H0' 0 0' H C'-J t-- Q)H Q)H Q)0C'J Q)I (DHC'J 0 0' QHH 0 t1 0' 0' CIHH 0 4Q)U) 1H 1H C.- t- o t- t- H r-1 p- +) -P .d: Q) - 21 - Pour préciser davantage le revenu monétaire additionnel apporté par l'arachide aux familles de paysans, les chiffres cités précédemment doivent être interprétés par rapport au revenu monétaire annuel moyen dont disposaient ces familles avant de se livrer à la culture arachidière. Constatant qu'il lui était impossible de faire préciser valablement aux paysans enquêtés l'origine et l'importance de leurs revenus au cours des années ayant précédé l'implantation de la culture arachidière, le consultant a d, pour avoir une base de référence, interroger douze paysans stagiaires se trouvant actuellement au centre de formation. Il résulte de ses calculs que le revenu monétaire de ces stagiaires et de leur famille s'est é1vé, au cours de la période 1970-71, à quelque 15 000 francs CPA en moyenne par an-'-. Supposant que ces 15 000 francs OPA représentaient le revenu monétaire annuel moyen des familles enquêtées avant l'introduction de l'arachide, il en conclut que ce revenu a été amélioré, par l'entremise de la culture arachidière, dans une proportion qui s'établit à 35,3 pour cent en culture attelée (lre hypothèse), à 45,9 pour cent en culture traditionnelle et à 77,1 pour cent en culture attelée (2e hypothèse). Voir à ce sujet, le tableau qui suit (tableau 8). Tableau 8. Type de culture Revenu monétaire annuel moyen avant l'introduction de 1 tarachde Revenu monétaire annuel moyen créé par l'arachide au cours des années l9,7 Culture traditionnelle 15 000 Augmentation de revenu annuel rede- vable à l'arachide (en pourcentage) à 197 2 PA 6 896 CPA 45,9 Culture attelée ire hypothèse (remboursement effectif du matériel au crédit agricole) 15 000 CFA 5 289 CFA 35,3 11 563 CPA 77,1 Culture attelée 2e hypothèse (n on -rembourse - ment du matériel au crédit 15 000 OPA agricole) On pourrait déduire du paragraphe précédent que la culture arachidière a exercé une influence nettement favorable sur le revenu monétaire annuel des faEn fait, cette influence a été moins forte qu'il n'apparaît milles paysannes. de prime abord si l'on tint compte des facteurs suivants a) Avant l'introduction de l'arachide, et pour gagner quelqe argent, les familles cultivaient une superficie de mil généralement plus grande que celle strictement nécessaire à la satisfaction de leurs besoins alimentaires. Le surplus de2production, vendu sur les marchés locaux, leur permettait au moins de payer Pendant la saison sèche, le paysan se livrait au commerce de détail ou l'imp6t à une activité artisanale ou il s'engageait comme manoeuvre salarié de façon à couvrir certains besoins prioritaires, tels que l'achat de sucre, de thé, de vête. ments,, de, pétrole, etc. 1 Ces 15 000 francs CPA provenaient à concurrence de 25 pour cent des activités purement agricoles (surtout de la vente de mil) et de 75 pour cent d'activités de saison sèche (travail salarié, petit commerce, artisanat, etc.). 2 Il convient de Cet imp6t s'élève à 1 000 francs CPA par personne adulte. lui ajouter l'impôt à payer pour les animaux possédés (moins élevé). - 22 Pour de nombreux paysans en culture traditionnelle et pour une partie non négligeable de ceux utilisant du matériel de culture attelée, l'introduction réduction correspondante des de la culture arachidière s'est accompagnée superficies de mil.. Gagnant de l'argent avec l'arachide, les familles ont cessé ainsi qe plusieurs d'entre elles ayant de prouie d mil pour la vente; lorsque des seautrefois trois hectares de mil n'en ont plus cultivé que deux D'autres familles, mences leur furent distribuées pour un hectare d'arachide. conservant la même superficie de mil, n'ont pu lui apporter les mêmes soins l'introduction de l'arachide s'est qu'autrefois. La concurrence faite au mil par perte de revenu monétaire sur le donc traduite chez de nombreux paysans par une en mil qui peut être estimée grossièrement à quelque 2 000 francs CPA par laanquantité Certaines familles en sont même arrivées à ne plus produire moyenne. sur les marchés locaux. de mil nécessaire à leur alimentation et ont dt en acheter C'est ainsi que huit des 28 familles enquêtées durent acheter du mil en 1971 pour une somme globale de 55 440 francs CPA (ce qui représentait 13 pour cent du revenu monétaire total créé par l'arachide pour ces 28 familles). Enfin, les paysans qui abandonnaient autrefois leur famille et leur vilplus autant ressenti lage en saison sèche à la recherche d'un emploi salarié fltremjse de le besoin de le faire dès qu'ils eurent gagné quelque argent par d'attitude, certes l'arachide. Dans la mesure où s'est manifesté ce changement revenu monétaire favorable sur le plan de la vie familiale et villageoise, le donc guère subi de modifications. D'aucuns objecteront que annuel des paysans dans un petit commerce certains paysans ont investi l'argent gagné avec l'arachide qui, en saison sèche, leur a rapporté de nouveaux revenus monétaires. En réalité, sont une minorité; pour les les paysans appartenant à cette deuxième catégorie a restreint leurs motiautres, il n'est pas douteux que le programme arachidier vations à rechercher un revenu monétaire en cours de saison sèche. En résumé, les résultats du programme arachidier en termes d'amélioration du relativement maigres dans revenu monétaire des familles paysannes apparaissent défavorables prél'ensemble; ils s'expliquent par les conditions climatologiqes valant dans la région ainsi que par les déficiences ayant caractérisé leducontrôle matériel exercé sur le déroulement de l'action arachidière et sur l'utilisation de culture attelée. 6. Le rôle des travailleurs ruraux dacis la mise en oeuvre des changements par son application : c'est une évidence. techniques.- Un changement ne vaut que concerné à titre principal par un changeLe travailïeur rural, paysan ou artisan, ment dont il doit normalement être le premier bénéficiaire en est aussi le princonstituent un point cipal moteur. Sa participation et les problèmes qu'elie pose On se bornera ici à recapital qui a semblé justifier un chapitre particulier lever quelques observations qui concernent plus directement le présent chapitre. la denUne amélioration technique que l'on s'est efforcé de vulgariser concerne à 20 pour cent en doublant cette densité, on estime : sité des semis d'arachide des rendements obtenus. L'échec recontré dans l'adoption de ce procédé tient, a-t-on observé, "à une méconnaissance des bases de calcul qu'utiqui s'impose est la lise le paysan local pour celui-ci, en effet, la donnéenon de considérations quantité de semences qu'il possède, quantité qi dépend étantpas limité, il n'a donc agronomiques mais de l'argent dont il dispose; celui-ci généralement que peu de semences et, dans ces conditions, son principal souci est tout 1 fait logiquement d'obtenir le meilleur rapport possible entre le poids de graines semées et le poids de graines récoltées"2. observe que les gains relativeDans l'enquête rnentionn'e plus haut, ment faibles obtenus par de nombreux paysans faisant de l'arachide en culture disponible, attel6e s'expliquent en partie par une sous-utilisation du matériel trait, soit par soit parce qu'ils disposaient du matériel mais non de attelée, de soit parce que le suite de mésentente au sein des groupements de culture dépannage du matériel intervenait trop tard, soit encore parce que le paysan n'avait, pas été formé suffisamment à l'utilisation et à l'entretien de son matériel. 1 Chap. VI : La participation des travailleurs ruraux aux changements tecimo- logiques qui les affectent. 2 Sécheresses et famines au Sahel, II, Paysans et nomades, sous la direction de Jean Copans, éd. Naspero, chap. I, le cas de la région de Maradi, Niger, par Cl. Raynaut, p. 25. - 23 - Nais, plus généralement, nombreux sont ceux qui pensent que le morcellement des exploitations et leur exiguïté ne permettent qu'exceptionnellement l'utilisation à pleine capacité de la culture attelée, ce que les paysans ont compris; ceux qui les plus noml'ont acquise, cependant, l'ont fait pour des raisons de prestige breux louent le matériel, ce qui, en effet, semble-t-il, est la solution la plus rentable car elle permet la pleine utilisation et l'amortissement du matériel. Sur l'efficacité de l'engrais, les spécialistes notent que "sa rentabilité reste très aléatoire en l'absence d'autres améliorations (densité de semis, semences sélectionnées, sarclage); par ailleurs, en l'absence d'une méthode pratique d'épandage permettant effectivement de réaliser le dosage de 75 kg/ha, des surdosages ont entratné la brêlure des plants, provoquant ainsi une contre-démonstration" les effets de l'engrais sont en général tres faibles si la pluviosité est insuffisante ou irrégulière. : D'une façon générale, de plus en plus nombreux sont ceux qui considèrent que les paysans sont fort capables d'apprécier la valeur des innovations qui leur sont proposées; preuve en est quils n'hésitent pas à adopter des techniques nouvelles telles que la greffe des arbres fruitiers, de la même façon que, dans d'autres domaines, ils ont admis les vêtements, outils et ustensiles importés. Il faut ici dire un mot des techniques qi concernent les opérations annexes à la culture qui sont notamment le stockage et le transport. L'amélioration des réseaux routiers et des transports a facilité la circulation et la commercialisation des récoltes; la constitution de stocks, une meilleure organisation de la distribution représentent des éléments positifs du point de vue de la sécurité alimentaire. Par contre, on cite des échecs dus à la "méfiance à l'égard de tout ce qui stockage du mil en grain dans les cuves pouvait être technique traditionnelle" closes,qui germait et était dévasté par les insectes,au lieu du stockage traditionnel des épis non égrenés dans des cuves d-e vannerie ou de poterie, permettant une conservation de plusieurs années. : Il faut à cet égard relever les efforts qi sont actuellement menés pour redonner à l'agriculture un élan nouveau en reprenant, tout en les améliorant avec on y revient plus loin (cf. chap. V). soin, les tecmiques traditionnelles : Ce bref panorama est certes incomplet pour bien des raisons; l'étendue du sujet en est une; une autre raison est que la question du revenu ou de la subsistance du travailleur rural s'inScrit dans un ensemble où il est à la fois effet et certains de ces aspects seront évoqués au chapitre consacré à l'"organisacause tion sociale". Il demeure qu'au seul point de vue du revenu il n'est pas certain que la majorité des travailleurs ait été bénéficiaire des transfo'mations qui lui ont été bien souvent imposées et qui concernaient à la fois le type de culture et les techniques utilisées; on se demande même si ce n'est pas l'inverse ui se constate le plus fréquemment. la disette qi sévit périodiqueDeux problèmes majeurs restent non résolus ment et qu'on est très loin d'avoir vaincu; l'endettement qui est une véritable psychose de lagriculteur africain d'aujourd'hui et à propos duquel on peut affirmer, avec un spécialiste sénégalais du développement rural, qu'aucun progrès ne sera résolu tant qu'il n'aura pas été supprimé. 1 Commissariat général au développement, République du Niger, 1972, p. 33, rapport cité par Cl. Raynaut, Sécheresses et famines au Sahel, op. oit., p. 27. - 24 - CHkP1TRE II INCIDENCES DES CHANGE SUR TES TELS D TS TEOIflWIiOGIQUES TEAVAL[4 Dans toutes les agricultures du monde, le climat impose ses lois; c'est 1. lui qui fixe la période des divers travaux. En Afrique au sud du Sahara, ces périodes optimales, dont dépendent dans une très large mesure la quantité et la qualité des récoltes, sont très brèves. C'est d'ailleurs l'un des principaux objectifs de l'introduction de nouvelles techniques - mécanisation et culture attelée notamment - que de faire en sorte que la très courte période pendant laquelle les travaux doivent si possible être faits soit utilisée au maximum. Il n'est pas douteux que le temps des opérations agricoles est raccourci par l'emploi de ces techniques. IL para±t difficile de fixer, d'une façon générale, les gains de temps obtenus. La PÂ0, pourtant, donne les chiffres suivants la préparation d'un hectare de terre en vue de la plantation exige approximativement : - 500 h'uros/homine si le travail est fait à la main, à la bêche ou à la houe; - 60 heures/hoinme avec une paire de boeufs et une charrue; - 25 heures/homme avec un tracteur à deux roues de six chevaux et un cultivateur; - 4 heures/homme avec un tracteur à quatre roues de 50 cv et une charrue'. La FAO limite la portée de ces chiffres en ajoutant que chaque pays, chaque région, chaque village et chaque exploitation étant caractériséspar une situation particulière, définie par un certain nombre de facteurs, "la décision d'utiliser les animaux, des tracteurs ou les deux ensemble ... dépend des circonstances locales; d'où la nécessité d'une analyse préalable de la situation locale pour que les politiques de développement qui ont des incidences sur la mécanisation 2 correspondent à la situation particulière à laquelle elles doivent s'appliquer" Sans doute, en effet, ne convient-il de prendre ces chiffres que comme des indications vilables pour les circonstances les meilleures pour la mécanisation, c'est-à-dire des exploitations présentant des superficies d'un seul tenant. En région arachidière, au Sénégal, ôn estime que la culture attelée a diminué de moitié le temps consacré aux semailles et a réduit au tiers le temps du sarclage; mais, dans certains cas, cela peut aller jusqu'à des temps de six à huit fois moindres3. Les informations que l'on trouve concernant différents pays et différentes cultures sont généralement concordantes, sans pourtant comporter d'indications chiffrées. En Haute-Volta, l'introduction de la houe améliorée à traction amine "a permis au chef de concession d'éviter les principaux goulets d'étranglement du calendrier agricole représentés par la période des sarclages ...4. Dans une série de monographies consacrées à l'étude du travail au Sénégal, l'ORSTON a, Comité de l'agriculture, Organisation des Nations Unies pour l'agriculture. cinquième session, Rome, 18-27 avril 1979, point 8 de l'ordre du jour provisoire La mécanisation agricole et la répartition des revenus, l'emploi et le progrès dans les pays en développement, COAG/79/8, janvier 1979, p. 4. 2 Ibid. Rapport au gouvernement de la République du Sénégal sur les travaux de la mission multidisciplinaire du PIAOT, BIT, 1977, p. 46. Les auteurs du rapport ajoutent cependant ces précisions, qui font appara±tre des résultats plus modestes et nous ramènent aux ordres de grandeurs cités plus haut et qui restent importants "On estime que l'on passe de 60 heures à l'hectare en semis de l'arachide à la main à 16 heures èn culture attelée. Le temps de binage et de désherbage d'un hectare d'arachide serait de 190 heures en culture manuelle et de 90 heures en culture attelée. G. Gosselin op. oit., p. 37. Développement et tradition dans les sociétés rurales africaines, - 25 - notamment, examiné les temps de travaux agricoles réalisés par plusieurs villages d'ethnies différentes; bien que l'objet de cette recherche soit plus large que la question traitée ici, le soin apporté à ces études ainsi que l'aspect1global comparant qu'elles revêtent paraissent écarter le danger de conclusions hâtives les quantités de travail fournies pendant la période des cultures dans deux villages, ltun habité par des paysans dépourvus de matériel, l'autre par des paysans mieux équipés, ils obtiennent les résultats suivants (hommes seulement), par rapport à un coefficient 100 qui équivaudrait à 48 heures de travail par semaine, y compris les déplacements ; village non équipé village équipé : 0,67 0,45. : Les surfaces cultivées pour chacune des principales cultures (arachide et mil) étant très voisines, les chercheurs concluent que deux facteurs sont essend'une part, la tiellement susceptibles d'expliquer la différence constatée quasi-absence de matériel oblige les habitants du premier village à fournir par hectare cultivé un temps de travail supérieur à celui que consentent les paysans du second village; d'autre part - mais ce second facteur n'influe "que dans des limites as,sez étroites" -, il existe, dans le premier village, un marabout influent auquelles paysans consacrent environ 10 pour cent de leur temps, alors que, dans le second cas, les paysans n'en donnent que 3 pour cent. L'incidence de l'emploi du matériel est particulièrement nette dans le cas du sarclage : Nombre d'heures consacrées en moyenne au sarclage d'un hectare cultivé Village équipé Village non équipé Mil 106 h 156 h Arachide 125 h 184 h Il convient d'ajouter qu'il s'agit, dans les deux villages, d'exploitations de taille réduite, mais assez représentatives des surfaces cultivées au Sériégal et plus généralement en Afrique de l'Ouest (village équipé : 0,45 ha par actif2 pour le mii, 0,84 ha pour l'arachide; village non équipé : 0,56 ha et 0,83 ha) Ainsi s'explique que le gain de temps ne soit pas de plus d'un tiers du total. Certaines opérations restent encore maruelles, telles que la récolte du Provent et Ravignan notent, à propos du temps total consacré à la culture du coton dans l'année "Pour produire une tonne de coton, il faut compter de 100 à 160 jours de travail, suivant qu'on travaille entièrement à la main ou en culture attelée. Le gros travail est évidemment la récolte, exclusivement manuelle, des..bourres de coton sur les plantes. O'es pourquoi ily a peu de différence entre les temps de travaux en culture manuelle et attelée'." coton. : 1 Il s'agit, dans le cadre d'une recherche menée en Afrique, à Madagascar et en Polynésie, d'examiner le comportement économique dans ses relations avec la religion et la structure sociale. Les résultats mentionnés ici sont tirés de Maintenance sociale et changement économique au Sénégal I. Doctrine économique et pratique du travail chez les Mourides, par J. Oopans, Ph. Couty, J. Roch et G. Rocheteau, ORSPOM, Paris, 1972. : 2 o oit., Conclusion, pp. 251-252. A.Proven-b et P. de Ravignan : Le nouvel ordre de la faim, op. cit., p. 46. - 26 2. La question se pose, du point de vue des conditions de travail (abstraction faite des incidences sur les rendements obtenus), de savoir comment est utilisé le temps ainsi économisé. D'une part, il convient de préciser qu'il n'y a pas toujours, en fait, gain de temps pour les paysans concernés, si l'emploi de matériel plus perfectionné conduit à étendre la surface cultivée, dans le but tout à la fois d'accroître la C'est ce qui a été constaté dans la zone production et d'amortir l'équipement. si l'emploi de la examinée au Tchad au cours de l'étude mentionnée plus haut culture attelée et d'un matériel plus évolué a réduit, à travail égal, la pénibilité et la durée du temps qui y était consacré, les paysans ont, en fait' étendu la superficie consacrée à la culture de l'arachide, ce qui s'est traduit 0e n'est pas alors le temps du seul par un accroissement du temps de travail. paysan qui se trouve accru, mais c'est aussi celui des membres de sa famille, "Rural development is a femmes et enfants, et c'est ce que déplore K. Rhodesl societal effort requiring the extended participation of ail individuals and in consquence of ah fainihies. Where the f amily influence has been overlooked, efforts to iinprove levels of living have frequently been unsuccessful A specific example is the introduction of agricultural teclmology which, while aimed at increasing the area under crops, often resuits in increasing the hours of agriculturai work for f amily members. This reduces the time available for child care and socialization, food processing and preparation, fuel arid water collection, and generahly damages the ecological interdependence of humans and their surroundings." : : Dans de nombreux autres cas, la superficie cultivée n'est pas extensible et les périodes d'inactivité, en saison sèche, sont déjà longues : c'est le cas dans toute la zone soudano-sahélienne. Alors le temps gagné doit, semble-t-il - encore que cela puisse dépendre du moment où il se place, mais on manque d'indications concernant la fatigue du paysan et donc son besoin de repos -,être considéré, non comme un temps de repos, utile pour réparer les forces, mais comme un temps mort, qui s'ajoute à nie saison sèche déjà longue (cinq mois environ) pendant laquelle les ruraux, particulièrement les jeunes, émigrent vers les villes ces migrations des "navétanes", ainsi qu'on les nomme au Sénégal et qui concersans emploi en nent tous les pays de la zone de savane, sont évidemment un mal ville, ils gonflent les effectifs d'oisifs dépourvus de ressources; en outre, une proportion, importante semble-t-il, perd ses attaches avec son milieu d'origine e-t finalement émigre définitivement en ville, aggravant le problème de la croissance des villes et du chômage des jeunes. La proportion des migrations définitives est considérable, puisqu'une étude récente relève qu'au Sénégal, depuis l'indépendance, six villes ont connu une croissance de 8 à 10 pour cent par an, quatr autres, de 3 à 5 pour cent2. C'est, plus encore, une menace de "destructuration" du milieu rural dont les autorités nationales se préoccupent. C'est pourquoi certains organismes publics, telle la SODEVA (Société d'Etat pour la vulgarisation agricole) au Sénégal, adoptent comme politique de créer des occupations complémentaires de façon simultanée à leurs in'berventions de diffusion des techniques agricoles : maraîchage, élevage, artisanat, selon la nature des sols, les traditions et les aptitudes des habitants. : Ailleurs - en Côte-d'Ivoire et en ambie notamment -, on s'est efforcé de diversifier les cultures en les choisissant de telle sorte qu'il y ait une complémentarité dans le temps : tel est le cas du riz et du coton, cultures dont la complémentarité permet une bonne utilisation de la main-d'oeuvre et du matériel au cours de l'année (voir tableau 9)3. 1 Training for Agriculture and Rural leadership, dans Kath,leen Rhodes Rural Developnient, revue éditée conjointement par la PAO, le BIT e-t l'UNESCO, 1976, p. 92. K. Rhodes est professeur Department of Community Service Education, College of Humani Ecohogy, Oornell TJniversity, USA. : : 2 Z. Svejnar : Emploi et technologie dans le milieu rural et dans le secteur industriel au Sénégal, op. cit., p. 3. Z. Svejuar, op. cit., pp. 6 et 41. - 27 - Tableau 9. La répartition des cultures et le calendrier des travaux1 Mois Phase de travail Culture Janvier Récolte et vente Coton Février Préparation du premier Riz irrigué Phase CA cycle Riz irrigué Mars Avril Semis Mai Récolte premier cycle Préparation sol Préparation sol Préparation sol Riz Riz (pluvial) Coton Riz irrigué (2e cycle) Juin Semis Riz Coton Juillet Entretien plantation Août Traitement insecticide Sarclage Coton Coton Septembre Traitement insecticide Coton Octobre Traitement insecticide Récolte Riz (pluvial) - 'I Début novembre Récolte Récolte Fin novembre Ri z Décembre Coton Riz-coton Récolte Vente Coton Projet CIDT à Touba, Côte-d'Ivoire. Riz irrigué, premier et deuxième cycle, préparation manuelle ou motoculteur. Tableau extrait de Z. Svejnar, op. cit., annexe 1, p. 41. Les changements dans les techniques utilisées, et plus encore dans les 3. cultures, apportent inévitab1emen dans les temps de travaux des bouleversements dont les effets sont longs à s'estomper. Dans la vallée du fleuve Sénégal, sous l'égide de 1'OMVS, d'énormes opérations sont en cours qui se traduisent par l'introduction de la culture irriguée sur de vastes superficies. Examinant les temps de travaux en riziculture irriguée, un rapport établi par l'OMVS relève "l'extrême diversité des temps de travaux consacrés à toutes les opérations culturales de la culture irriguée"1. Deux facteurs essentiels sont relevés dans ce rapport tout d'abord, le fait que ce soit une technologie absolument nouvelle dans le milieu explique que chaque cultivateur réagisse de façon différente aux difficultés qu'il rencontre dans la mise en pratique des nouvelles techniques, certains ttonnant dans telle opération que d'autres réussissent plus vite; en second lieu, le fait que les parcelles distribuées soient de taille très différente (le plus souvent d'ailleurs de petite superficie) et que les organisations sociales de la production diffèrent fortement d'une catégorie de périmètres à l'autrepeut fortement influer sur les comportements de l'exploitant. Afin de donner un ordre de grandeur des différences constatées dans les temps de travaux, l'auteur fournit un tableau (tableau 10) des résultats de l'enquête, en soulignant la valeur limitée que l'on doit accorder à ces moyennes. Le rapport ajoute qu'au fur et à mesure que la technologie de la culture irriguée se répand et qu'elle sera progressivement assimilée par la population, ces temps devraient sensiblement se réduire, ce que confirment les premiers indices. 1 Rapport établi par l'OMVS, non encore publié. - 28 - Tableau 10. Temps de travaux moyens en culture irriguée rands périmètres Petits périmètres Vallée E P H E P H T T Labour 25 1 4 30 13 - 4 17 Plan. affinage 13 1 2 16 6 - 1 7 Pépinière 14 1 1 16 Repiquage' 32 27 20 79 56 28 90 - - 2 1 Epand. irrigation 2 6 - 1 Désherbage 32 20 15 67 5 3 6 14 Fauchage2 23 13 10 46 23 5 10 38 Battage3 33 29 11 73 28 18 14 60 174 92 63 329 132 32 63 227 Le repiquage comprend l'arrachage des plants, le bottelage repiquage proprement dit. le transport et le 2 Le fauchage englobe le fauchagê proprement dit, le ramassage des gerbes, le transport et la mise en meule. Le battage comprend le battage propremènt dit, le vannage, la mise en sac et le transport.. Cas exceptionnel observé au Gorgol puisqu'en général le labour est mécanique sur les grands périmètres. Ces constatations, pour évidentes qu'elles soient, méritent d'êtie soulignées. Il est ôlair, en effet, que les temps de travail constituent un révélateur des profonds bouleversements qu'apporte avec elle une innovation tec1moogique : ces bouleversements concernent d'abord le travail au sens strict, c'est-à-dire l'opération faisant appel à un certain nombre de compétences, de techniques et d'usages en ce sens, les changements opérés peuvent aller jusqu'à se traduire par l'apprentissage d'un métier entièrement nouveau (ce qui est probablement le cas pour les paysans de la vallée du fleuve Sénégal, appelés à passer de la culture sèche ou de la culture de crues à la culture irriguée); ces bouleversements concernent aussi l'ensemble des traditions et de l'organisation dont le travail agricole est le support; l'ambiance de fête dans laquelle se déroulent, avec la participation des alliés, voisins et amis, certaines opérations culturales comme la récolte, rend difficile, d'une part la mesure du temps consacré à ce travail et, par suite, des modifications à la durée de l'opération culturale apportées par le changement technologique, d'autre part l'appréciation des incidences plus profondes qu'apc'est une question qui sera évoquée plus loin (chapitre V). porte celui-ci : 4. Si les conséquences de l'introduction de nouvelles techniques sur la durée des opérations agricoles (appelée encore temps de travaux) sont mal connues, c'est encore davantage le cas du "temps de travajl", au sens où l'on entend cette notion en termes de conditions de travail. Les deux expressions ont, dans l'agricultire, des contenus distincts qui, outre que la première est souvent collective tandis que l'autre est individuelle, se différencient pour deux raisons essentielles. En premier liea, les "temps de sont une notion globale qui ne donne aucune précision sur les temps - 29 - de pause, s'il y en a, ni sur le rythme du travail. La notion même de rythme de travail devrait appeler une analyse plus fine, qui distinguerait la rapidité de ce que certains appellent la "porosité" du travail, c'est-à-dire l'existence (ou l'absence) de courtes pauses ou de simples arrêts dans le rythme, ou de changements de rythme, qui a probablement une incidence importante sur la fatigue. Quel est, à cet égard, l'effet de l'introduction de la culture attelée ou de l'emploi d'un tracteur, par exemple ? Quelles sont les conséquences pour le travailleur agricole du changement apporté à la rapidité du déplacement, au nombre et à la répartition des arrêts, à l'uniformité ou aux ruptures de rythme, par rapport au travail effectué avec les outils traditionnels ? En second lieu, les temps de travaux correspondant à la notion de durée d'une "campagne" ou d'une opération agricole (défrichage, labourage, semailles, etc.) incluent le plus souvent d'autres activités que les travaux agricoles proprement dits - activités artisanales, entretien, petites réparations - qui sont surtout le fait des longues saisons sèches mais ne sont pas absentes des autres époques de l'année. Ainsi, si l'on retenait la seule notion de temps de travaux, on courrait le risque de s'intéresser au résultat chiffrable et théorique de cette opération et non à la façon dont elle est menée, c'est-à-dire aux conditions dans lesquelles l'homme la conduit. Ce faisant seraient passés sous silence les travaux annexes qui viennent d'être mentionnés et qui ont leur utilité sur le plan des conditions de vie et de travail considérées dans leuÎ globalité, tout en permettant au travailleur un changement d'activité qui constitue un élément de repos; on risqiei'ait en outre de négliger le comportement de l'homme et ses réactions en face d'une têche et dans un milieu donnés - en particulier les conditions de climat, d'état de santé, ... -, tous éléments qui agissent, directement ou indirectement, sur la durée globale réelle des opérations. Il en résulte qu'en se limitant à une vue théorique des gains de temps qui devraient en principe résulter de l'introduction d'une nouvelle technique, non seulement on oublierait les conditions de travail de l'homme et on risquerait donc de les aggraver (par un accroissement de la pénibilité par exemple), mais encore on ferait fausse route sur le plan du calcul économique. Bien qu'on lise parfois que les journées de travail dans le secteur ru5. ral en Afrique tropicale soient relativement courtes (le chiffre de quatre heures de travail effectif par jour est fréquemment avancé), il faut très probablement affirmer que les durées excessives de travail existent; d'une part, les trois ou quatre mois penaant lesquels sont concentrés la plupart des truvaux agricoles sont des périodes d'activité intense comportant de longues journées de travail, d'autre part, les conditions dans lesquelles s'effectuent les travaux sont un on a probaélément essentiel d'appréciation de ce qui est normal ou excessif blement trop tendance à extrapoler à l'Afrique ou à d'autres continents les notiens et les habitudes des pays industrialisés qui sont le plus souvent des pays à climat tempéré et où les travailleurs sont en général correctement nourris, en Le considérant la journée de 8 heures comme une norme moyenne acceptable. professeur Christensen, qui a effectué pour le BIT une étude sur les conditions de travail en zone subtropicale2, estime que, compte tenu de ce que les besoins en calories de l'adulte n'effectuant aucun travail sont évalués à une kilocalorie par minute ou 1 400 keal. par 24 heures, une consommation de 2 000 kcal. par (par rapport que certains peuvent considérer comme 24 heures, à la moyenne actuelle dans un pays tropical), "l'équilibre entre la dépense d'énergie et la consommation de calories n'est assuré que pendant 280 minutes ou quatre heures et demie sur huit heures ou 480 minutes de travail quotidien'!, ceci en tablant 1 Voir les tableaux 11 et 12 montrant le temps consacré aux activités agricoles et non agricoles dans un village du Sénégal. Extrait de : ORSTOM : Maintenance sociale et changement économique au Sénégal. I. Doctrine économique et pratique du travail chez les Moutides; étude de Ph. Couty : Emploi du temps et organisation du travail agricole à IDarou Rahmane II, pp. 108 et 110. 2 Etude succincte de physiologie .H. Christensen : L'homme au travail. enève, 1964, p. 7. appliquée aux conditions de travail dans un pays subtropical, - 30 - Tableau 11 1.00 Moyenne pour 6 femmes 0,10 J P 1* A M'J J,A $ 0. N 0' 1,00 Moyenne pour 6 hommes Graphique 1. Evolution annuelle de l'indice d'effort agricole (l'in.dice 1,00 correspond à 48 heures de travail par semaine) 0,50 J PM Mi . A, s o * ONO Tableau 12 Moyenne pour 6 femmes 0,50 1 00 Moyenne pour 3 hommes dépourvus d'activité secondaire 0.50 jMAui 1,00 Moyenne pour 3 hommes ayant une activité secondaire Ô:oo J' 'MA M zLt.' o o Graphique 2. Evolution annuelle de l'indice d'effort non agricole (l'indice 1,00 correspond à 48 heures de travail par semaine) - 31 - str une dépense supplémentaire de 2 keal. par minut pour le travail physique, ce qui est une moyenne qui concerne plut8t l'industie. Jean Pliya fait une cons.-batation concordante à propos du paysan africain: "La ration alimentaire disponible pendant la période des grands travaux ne permet pas un travail soutenu Les 125 à 130 heures de travail maximum enregistrées (soit environ 4 heures de travail par jour) correspondent très exactement à ce qu'autorisent les disponibilités alimentaires." Ainsi, tout horaire de travail excédant ces limites physiologiques se traduit par une fatigue et une usure prématurée de l'organisme. Il faut également prendre en considération les conditions de climat sur lesquelles on revient au cours du chapitre suivant consacré à la pénibilité; mais, en fai-b, ces différentes notions sont liées et interdépendantes le climat chaud impose à l'organisme des contraintes et provoque une fatigue élevée "dans de telles conditions, un régime de travail et de repos rationnellement établi est d'une extrême importance"3; d'autre part, "un régime alimentaire approprié permet de mieux supporter les grands froids et4les grandes chaleurs, car les besoins nutritionnels varient en fonction du c1imat"; on sait aussi que le manque de sommeil diminue la résistance de l'organisme à la chaleur. Toutes ces indications, qui mériteraient des études détaillées, devraient être prises en considération lors de l'introduction de changements technologiques, ainsi que pour une correcte appréciation des besoins de subsistance des travailleurs ruraux. : : 1 E.H. Christensen, op. cit., p. 7. 2 Dans un article intitulé "La nutrition, clé de voate du développement" paru dans la Revue "Afrique", n 2, juillet-août 1977, pp. 69-72. BIT : Encyclopédie de médecine, d'hygiène et de sécurité du travail, Genève, 1974, vol. I, chap. "Climat et météorologie', p. 419. ibid., p. 418. 0}PITRE III INCIDENCES DES C}ANG.EMTS. TIOi.OGIQUES SUR LA PENIBILITE DU TRAVAIL AGRICOLE De nombreuses initiatives sont prises, particulièrement depuis ces der1. nières années, non seulement pour diffuser et vulgariser des outils, des matériels et des machines agricoles, mais aussi pour les adapter et corriger leurs Sans doute doit-on constater, à la lecture d'études ou de bulletins défauts. diffusés par certains ministères du Développement rural, qu'on en est encore à une phase d'adaptation où s'échangent et se rassemblent des informations concernant les avantages et les inconvénients de divers matériels, avantages et inconvénients examinés le plus souvent sous l'angle de leur efficacité en termes de quantité et de qualité du travail (rendements inférieurs à ce qui était.prévu, pannes, pièces fragiles, réglages défectueux ...). Plus rarement, ils sont appréciés en termes d'emploi, occupant ou non une main-d'oeuvre abondante. Plus rarement encore sont évoquées les conditions de travail de l'utilisateur1. Les dangers d'accidents ou les risques pour la santé présentés par certains produits sont eux-mêmes bien trop rarement évoqués2. L'étude des travaux agricoles sous l'angle ergonomique a fait l'objet de Ainsi que l'indiquait fort peu de travaux, même dans les pays industrialisés. récemment le professeur Wisner lors d'un colloque cqnsacré à "Ergonomie et amé"Le paradoxe continue, lioration des conditions de travail en agriculture"7 qui veut que 60 pour cent des efforts de recherche en ergonomie soient consacrés à quelquescentaines de cosmonautes et d'aviateurs, 30 pour cent à quelques milliers de conducteurs de centrales nucléaires, chimiques ou autres, 8 pour cent à quelques centaines de millions de travailleurs industriels de la production de masse et 2 pour cent à 2 milliards d'agriculteurs4." : Ainsi, on peut dire que les incidences des changements technologiques sur la pénibilité, le rythme de travail, les efforts musculaires des travailleurs agricole des pays en voie de développement, en général, et de l'Afrique, en particulier7, au sein d'un milieu naturel le plus souvent hostile et dans des conditions d'alimentation et de santé dont on sait qu'elles sont mauvaises, constituent un domaine encore à défricher. L'essentiel des observations rassemblées ici ont été puisées dans les comptes le premier en date, déjà cité, portait sur "Ergonomie rendus de deux colloques et amélioration des conditions de travail en agriculture"; le second s'est tenu 1 Il convient pourtant de signaler ici l'intéressante réalisation (qui a peut-être son pendant dans d'autres pays) de la Division du machinisme agricole du ministère du Développement rural du Mali qui édite un bulletin d'information trimestriel comportant des appréciations détaillées sur un certain nombre de machines agricoles, comportant notaniment des iidicationsconcei'nant la pénibilité du travail. 2 Ces risques font l'objet d'une communication particulière. Organisé à Rodez (Prance) les 29 et 30 avril 1977 par l'Institut de recherche pour l'amélioration des conditions de travail avec le concours de la IRAOT, Paris, 1979. Délégation générale à la recherche scien.tifique et technique. Ibid., p. 30. Car quelques travaux ont été menés en Asie (Incle, Indonésie notamment). - 33 à Wageningen, aux Pays-Bas, les 14-l81mai 1979, et avait pour thème in Tropical Agriculture and Porestry" : "Ergonomies Peut-on considérer que, globalement, l'introduction de la mécanisation, 2. au sens large2, se traduit par une diminution de lapénibilité ? La PAO estime qu'il en est généralement ainsi puisqu'elle écrit, dans le document de travail préparé pour le Comité de l'agriculture3: "Du point de vue social, un des effets importants de la mécanisation est qu'elle rend moins pénible une bonne partie des travaux agricoles." Il est de fait que des taches telles ue le dessouchage et le défrichage sont grandement facilitées par l'emploi de machines. Il en est de même du labourage dans les sols qui sont, à la fin de la saison sèche, dans les zones de forêt et, peut-être à un moindre degré,dans les régions soudanoLe tracteur permet sahéliennes, d'une dureté inconnue dans les pays d'Europe. ce travail que l'homme ou même la charrue attelée ne parviennent pas à réaliser. En fait, c'est, plut3t que dans le seul souci d'alléger le travail du paysan, probablement davantage pour permettre de réaliser le défonçage du sol encore dur avant les premières pluies afin de commencer les semis aussitôt celles-ci arrivées, ce qui est de la plus haute importance pour la récolte, que le recours à la mécanisation est apparu justifié. Il faut noter pourtant que toutes les opérasouvent, la récolte (qu'il s'agisse tions ne sont pas mécanisées à un même degré du coton, de l'arachide, des céréales) se fait toujours à la main et reste l'une des périodes surchargées où l'agriculteur et sa famille (y compris femmes et enfants) effectuent un travail pénible. Par ailleurs, le transport et la manutention sont souvent des activités négligées de ce point de vue : ce point a été particulièrement souligné au séminaire de Rodez par un ergonome néerlandais qui, s'appuyant sur des recherches menées en Europe dans une exploitation semimécanisée et dans des travaux forestiers, note également que l'introduction dune Ayant indiqué que, machine conduit à une augmentation du rythme du travail. dans l'industrie, la mécanisation aboutit assez souvent à une diminution de la dépense énergétique de l'homme, il poursuit : "En agriculture ... pour la plupart des gens, 'mécanisation' et 'allègement de l'effort' sont synonymes. Pourtant, une observation précise du travail montre souvent un effet contraire ... Dune façon générale, la mécanisation n'est pas, en agriculture, un procédé systématiquement planifié. Le plus souvent, elle n'est que l'introduction de machines destinées à quelques opérations isolées; c'est une mécanisation partielle et limitée ... L'introduction d'une machine implique généralement une augmentation Ces deux effets peuvent influencer le tradu rythme de travail et de production. vil r,ianuel qui subsiste largement et de façon négative, c'est-à-dire accompagné d'un effort plus intense et dur, en particulier s'il s'agit de transport manuel de matr'iaux ou de produits ... Pourtant, on constate très souvent que le chef : 0e colloque était organisé conjointement par le Comité de l'ergonomie de la Oommission internationale du génie rural, par le Group Project Ergonomies de l'International Union of Forest Research Organizations et par la Commission Ergonomies and safety de l'Internal Association 0f Agricultural Nedicine and Rural Health. Dix-sept pays y étaient représentés. Ergonomies in tropical agriculture and forestry, Wageningen, Netherlands. Center for agricultural publishires and documentation, Wageningen, 1979. 2 Ainsi que le définit la FAO : "On entend ici mécanisation de l'agriculture au sens large, c'est-à-dire y compris la fabricatien, la distribution et l'exploitationdes outils, instruments et machines utilisés pour aménager et cultiver la terre et pour la récolte. Elle fait appel à trois principales sources d'énergie huiaine, animale et mécanique." La mécanisation agricole et la répartition des revenus, l'emploi et le progrès dans les pays en voie de développement, op. cit, p. 1. La mécanisation agricole et la répartition des revenus, l'emploi et le progrès dans les puys en voie de développement, op. cit., p. 8. - 34 - d'exploitation donne la priorité à l'introduction d'une machine productive au lieu de mécaniser le transport ." Il en conclut que, dans une exploitation semi-mécanisée - et s'agissant de l'Europe -, en supposant que les machines diminuent l'effort direct de certaines opérations manuelles, cet avantage peut être facilement annulé par les facteurs indirects, et l'effet total peut être à peine meilleur que précédemment, c'est-à-dire une dépense énergétique assez élevée. La mesure de la dépense énergétique lors des divers travaux effectués par les paysanS en diverses régions d'Afrique et celle de la consommation d'énergie fournie par l'alimentation constituent le type d'informations dont on manque cruellement. Van Loon n effectué, dans une exploitation semi-mécanisée d'élevage de bétail à lait en Europe, la recherche de la dépense énergétique quotidienne chez huit ouvriers agricoles; les valeurs présentées dans le tableau 10 sont les moyennes "Ces résultats ne sont des mesures d'une semaine; van Loon le commente ainsi d'une dépense quotidienne de 4 000 à pas encourageants; en effet, la mesure 5 000 kcal. démontre que ce ravail, malgré son "modernisme", doit être qualifié d'intense et d'assez pénible " : Parmi les machines qui n'apportent pas l'amélioration escomptée en termes d'efforts, van Loon pense que "l'on doit en particulier se défier des machines portables et des machines conduites en marchant". Un exemple de ce type de C'est la même observation qu'ont signalée machines est le motoculteur. J.M. Jolmson et D.H. O'Neill du National Institute of Agricultural Engineering de Bedfort (Royaume-Uni) lors du Colloque de Wageningen; les petits motoculteurs présentent, parmi les machines agricoles, les principaux problèmes ergonomiques. D'abord destinés à être utilisés dans des jardins des pays d'Europe ou des Etats-Unis, où la terre est légère et où leur emploi est généralement limité, ils ont été introduits dans des pays où les conditions étaient très.différentes; il est très possible, indiquaient les auteurs de cette communication, que le paysan trouve beaucoup moins fatigant d'effectuer le même travail à la main. à S'il est propriétaire du motoculteur, il peut trouver avantage à l'utiliser si le motoculteur cause du. gain appréciable de temps qui en résulte; par contre, salarié, il est probable que, afin de rentaest loué et le travail confié à un travailler biliser le coût de l'heure d'utilisation, le domestique agricole devra manoeuvres effectuées La fatigue est due en particulier aux de façon continue. et à la vitesse au bout du sillon, aux efforts à exercer pour diriger l'engin imposée par la conception même des petits motoculteurs, avec laquelle le traCeci est exacvailleur doit marcher sur un sol inégal pour guider sa machine. tement confirmé par un tctbleau,que publie van Loon, de la fréquence cardiaque, qui illustre les efforts fournis au cours d'un travail avec motoculteur (taL'influence de la vitesse est démontrée par un diagramme de la dépense bleau 15). énergétique pendant des opérations de labourage et houage rotatif (tableau 16) "en travaillant à des vitesses convenables quant au résultat agricole de l'opération, l'ouvrier a une dépense d'énergie qui dépasse la limite de tolérance générale; en cas d'un travail de longue durée, une vitesse de 2 km/h seulement peut être acceptable quant à l'effort de l'ouvrier". Influence de la mécanisation du travail aricole et forestier sur la dépense énergétique de l'homme, dans Ergonomie et amelioration des conditions de travail en agriculture, op. oit., p. 22. 1 2 J.H. van Iioon : Ibid., p. 22 (voir également le tableau 13). Ibid., pp. 24 et 26. 35 Tableau 13 fr4 cluonce cirdlnquo 00 150 120 00 60 I affouragement LEI rattraper du btoII t I I I I 35 30 t t. un veau I I I t 45 40 I t I f I . 50 I I t 55 i Y t, t 60 I 65 mn Fig. 1. La fréquence cardiaque pendant des opérations dans une. ferme Tableau 14 DEPENSE pers Consommation Totale MB travail loieir totale 2.2;520 19.;6t0 7.6;1810 7.6 1820 9.7;2310 9.6;2290 21;500 19.3;t610 8.0;i920 8.4;2000 1.6;380 18.Q;'i300 17.2;kllO 7.9 ; 1900 8.3 ; 1990 1.1;260 17.3;150 1f 19.k;46k0 7.5;1800 -.11 .k;2730 1.0;2k0 15 19.6;680 7.1f;1780 8.5;20'+O i.8;k30 i6 i8 19.4;k640 22.2;5320 7.9;1900 9.5;2260 7.1 ;1710 9.1 2i70 1.8;k30 t..3;320 19.9;k770 17.7;4250 19.2;k590 17.5;4200 10 14.i;3380 11 12 15.13610 17,6;'1220 13 Consommation et dépense énergétique totales quotidiennes (MJ ; Kcal) de 8 ouvriers agricoles. 3G - Tableau 15 frqucnCe cardaqUo 150 140 130 120 110 Fig. . 4 3 2 1 o o tournant 100 6 5 7 8 9 lOmin Fréquence cardiaque pendant le travail à motoculteur Tableau 16 kcal/miri 10 - «o 0 o,, / "J limite 0/ / O houage rotatif labourage vitesse 2 Fig. 3. 4 Dépense énergétique au cours de l'emploi d'un motoculteur. 5 km/h - 37 - Les facteurs climatiques propres à l'Afrique tropicale jouent évidem3. ment un r8le important. On connaît les réactions du corps humain à la chaleur; il est impossible de les résumer ici et il suffira de rappeler que, si l'orgaenuit une nisme ne peut dissiper la chaleur dans l'atmosphère ambiante, il Dans l'Encyclopédie accélération du rythme cardiaque et une fatigue élevée. de médecine, d'hygiène et de sécurité du travail qu'a éditée le BIT, l'article "Le climat chaud, sur"Climat et météorologie" comporte les indications suivantes tout lorsqu'il sagit de travaux à l'air libre, en particulier sur les chantiers de construction et dans l'agriculture, demande beaucoup à l'organisme du travailleur et provoque une fatigue élevée. Les manifestations d'intolérance apparaissent de fagon marquée chez les ouvriers lorsque la température de l'air est Dans de telles conditions, un régime de travail et de repos supérieur à 28 C. rationnellement établi est de la plus haute importance1. C'est dire que les chiffres qui concernent le travail agricole en pays tempéré, tels que ceux qui sont indiqués plus haut, doivent être sériesement0corrigés pour des travailleurs couramment exposs à des températures de 35 ou 40 0. Comme l'indique "The pulse rate je, in contradiction to the energy-output, H. Mueller-Darss' a more sensitive but also a more complicated measure for the real load the man is expoeed to, since it is not only influenced by the performance itself but at the same time by other factors. As for such studies in the tropics, of particular importance seems the relatively strong reaction 0f the pulse-rate to hight temperature and at the same time its dependency on air-humidity. The interdependence mainly can be explained by the faot that for the upkeep cf the thermal balance within the human body, the circulation system is strongly involved" En climat tropical, les questions d'alimentation revotent également une importance particulière : on a déjà indiqué, au chapitre consacré au temps de travail, que les limites d'efforts étaient rapidement atteintes. Le travailleur rural peut survivre avec un apport alimentaire moindre, mais c'est au prix à la fois d'une productivité diminuée et d'une usure prématurée de l'organisme. Plus généralement, la condition physique, c'est-à-dire la bonne ou mauvaise santé, influe sur la pénibilité du travail; le nombre très élevé des paysans qui sont atteints de façon chronique de paludisme ou d'autres maladies tropicales; ces considérations doivent entrer en ligue de compte pour examiner les conditions d'utilisation d'un matériel nouveau. : : Ceci nous amène à rappeler,ce qui est probablement une évidence, mais qui doit être gardée à l'esprit tant elle est fondamentale, que des interrelations étroites gouvernent les conditions de vie et de travail, ce que des auteurs appellent le cercle vicieux des productivités basses, des revenus insuffisants, de la malnutrition, des maladies et des faibles capacités de travail, ou encore le "economic cycle o± diseases" (cf. tableau 17). Extrait de : Ergonomies in tropical agriculture and forestry (Wageningen, Netherlande, May 1979) Cycle cf Diseases" Tableau 17. The so-called Low production 10w salaries Low working Malnutrition Poor education Inadequate housing' cap aci ty Diseases 1 Encyclopédie de médecine,.d'hygiène et de sécurité du travail, BIT, Genève, 1974, vol. 1, p. 419. 2 Ergonomical research in tropical agriculture and forestry, in Ergonomies in tropical agriculture and forestry, op. ait., p. 68. - 38 La conception du matériel utilisé est importante. Si la machine n'est 4. pas adaptée aux conditions dans lesquelles elle est utilisée, ceci a des inciJohnson et O'Neill soulignent, dences sur la fatigue de celui qui l'emploie. dans leur communication, l'avantage de la charrue équipée de deux poignées, surtout dans le cas de sols durs, mais ils font ressortir le problème de la hauteur de celles-ci, qui est un compromis entre la hauteur correcte pour le travail normal et celle qui permettrait d'alléger les manoeuvres de fins de sillons; le poids de la charrue peut aussi constituer un facteur important lorsqu'elle doit être transportée sur de longues distances et sur un sol inégal. Les multiculteurs à traction animale sont souvent mal conçus et sont parfois même dangereux. Les motoculteurs utilisés pour le sarclage sont fatigants en raison de l'effort exercé par le conducteur pour appuyer constamment sur les poignées et des vibrations qui sont intégralement transmises par celles-ci. C'est le plus sauvent pour des raisons d'économie que les dispositions ne sont pas prises pour assurer un emploi comportant le moins possible d'inconvénients pour l'utilisaLes petits tracteurs de prix modéré sont source de bruits et de vibrations. teur. De nombreuses machines, affirment Johnson et O'Neill, ont été conçues sans qu'ait été aucunement prise en considération la manière dont elles seraient utilisees. Cependant, l'efficacité des machines y aurait gagné. Ainsi en est-il de certaines petites batteuses, dont l'alimentation par le haut de l'appareil est irrationnelLe. Parfois aussi, notent les auteurs, la mauvaise conception de ces machines est le résultat d'un calcul délibéré, mais d'un mauvais calcul "The manifacturers' arid some cf the owners' (as opposed to operators) attitude to easing the workload was interesting, as they considered that with labour as cheap as it was, there was no point in paying extra 2 tables (on a sisal raspador) to increase the output. What they did net realise was that their main cost was owuing and ranning the machine, and that if the output per machine hour could be increased, the saving there would more than justify the extra expense1." La même attitude est fréquente s'agissant de machines plus importantes, où les précautions sont prises pour protéger de la chaleur excessive et de la poussière les organes mécaniques et le moteui, mais non qui les conduit. Les auteurs signalent qu'ils ont trové, dans le nord du Nigéria, où la température à l'ombre était couramment de 46 0, un tracteur dont la cabine avait été équipée d'um simple ventilateur; l'air étant sec, le simple fait de le faire circuler causait, par évaporation, un effet de fratcheur sensible; la cabine était ainsi fermée, ce qui mettait le conducteur à l'abri de la poussière et de la fumée. : Souvent aussi, l'inadaptation des machines ou équipements utilisés vient de ce qu'ils ont été conçus dans d'atras continents (Europe ou Etats-Unis); c'est notamment le cas des tracteurs, bien que l'on commence à utiliser des tracteurs conçus en Afrique (en Côte-d'Ivoire par exemple). Ainsi en vient-on à s'interroger sur les techniques traditionnelles qui furent d'abord, et peut-être hâtivement,considérées comme inadéquates à la fois pour des raisons de rendement médiocre et d'incommodité. Les outils "primitifs" utilisés par les paysans ne constituent-ils pas une "tecimologie adaptée", tenant compte et des caractéristiques du sol et des efforts à fournir ? La question est ouverte, mais il est un nombre de plus en plus grand de spécialistes qui sont enclins, sinon à prôner l'usage inchangé de ces techniques et outils traditionnels - ce qui aboutirait à interdire toute évolution, et par conséquent à condamner des populations de plus n plus nomhreusesà une pauvreté de plus en plus grande -,du moins à examiner sérieusement, avant de les éliminer ou de les améliorer, les caractéristiques de ces outils en relation avec les opérations à effectuer, les circonstances et le milieu. Le cas de la daba est un exemple The role 0f ergonomies in tropical agriculture in developing countries, op. oit., p. 7. "Quatre-vingt-dix pour cent des outils manuels et 40 à 60 pour cent des instruments et machines agricoles simples sont fabriqués dans la région où ils doivent être utilisés ou à proximité. Quant aux tracteurs, ils sont traditionnellement produits dans un petit nombre de pays industrialisés d'Europe et d'Amérique du Nord et du Japon. Mais, depuis quelques années, les pays en développement commencent eux aussi à produire des tracteurs.", PAO, La mécanisation agricole ..., op. oit., p. 4. - 39 - typique de cette interrogation. Le caractère très pénible de la posture que Pourtant, commande la forme particulière de cet outil a été maintes fois signalé. on relève maintenant qu'à l'usage cet instrument s'avère non seulement adapté à la nature du sol (travail du sol à faible profondeur, limitant l'érosion) mais "Avec la daba, on trade Ravignan note aussi "ergonomiquement" bien conçu vaille courbé en deux; l'effort des bras est limité à entretenir un mouvement de bascule. Avec la houe européenne, vous êtes droit, mais vos bras doivent faire l'effort de soulever l'instrument." : : Certains insistent sur le fait qu'"il est illégitime de considérer les techniques "traditionnelles" comme le simple produit du hasard ou de l'empirisme Toute technique quelle qu'elle soit est le produit d'une réflexion intelligente, ou elle n'est pas. Le terme d'empirisme n'a pas de sens autre que péjoratif. Son seul r8le Il n'a pas sa place dans une réflexion qui se veut scientifique. il empêche de s'interroger sur le1pourquoi est celui d'obstacle épistémologique de pratiquer qu'on condamne avant même d'avoir essayé de les comprendre" . Ces réflexions inciteront très certainement tous ceux qui interviennent dans le secteur agricole des pays en voie de développement, soit dans un but désintéressé d'amélioration des rendements et de réduction de la pénibilité des travaux, soit dans un but commercial, à étudier de plus près l'adaptation des machines et des outils en fonction de l'homme qui s'en sert et du milieu environnant et, pour ce faire, à s'instruire des techniques existantes; c'est d'ailleurs là l'une des idées de base du mouvement en faveur des tecimologies appropriées qui, comme l'indique l'ouvrage publié par l'OCDE2, ne sont pas des technologies au rabais. Peut-être même considérera-t-on, dans un avenir proche, que ces technologies appropriées constituent des technologies particulièrement sophistiquées. : P. Sigaut, communication au Colloque de Rodez, op. cit., p. 172. 2 OCDE : La technologie appropriée, op. cit. - 40 - IV OP.PITR INCIDENCES DES C SUR LES. GENTS TEC'T0.I0IQUES 0WIT.I.0N. DE. YIE DES TRAVAILLEURS RURAUX Il ne peut s'agir ici de présenter un catalogue des problèmes que posent les conditions de vie des ruraux en Afrique tropicale et des solutions qui leur sont apportées. On se bornera à indiquer quelques orientations et réalisations, non pas en raison de leur caractère exemplaire - ce qui aurait nécessité un inventaire préalable et un examen approfondi des actions variées qui se déroulent dans les différents pays -,mais seulement à titre indicatif et pour permettre un échange d'informations et un débat. Ce qui a trait aux conditions de vie des femmes n'est pas abordé ici puisque ceci fait l'objet d'une communication spéciale. Les besoins essentiels, au sens du BIT, se composent de deux éléments1. "Ils comprennent en premier lieu le minimum de ce qi est nécessaire à une famille alimentation, logement, habillement, de au titre de la consommation individuelle même que certains articles ménagers et du mobilier. En second lieu, ils portent aussi sur les services de base à la fois fournis et utilisés par la collectivité dans son ensemble, par exemple une eau véritablement potable, un système d'évacuation des ordures, des moyens de transports publics, des services sanitaires et des possibilités d'instruction." Mais, en outre, "une politique orientée vers la satisfaction des besoins essentiels demande que la population participe aux décisions qui l'intéressent, une interdépendance se créant ainsi entre la participation et les deux catégories d'éléments précités ... Cette satisfaction à un minimum absolu, ainsi défini, doit se situer dans le cadre plus large de la jouissance des droits fondamentaux de l'homme"2. : La satisfaction des besoins essentiels constitue une fin en soi; mais il importe de rappeler à quel point elle est aussi à la base d'une amélioration dans l'amélioration des conditions de travail ne prend son sens tous les domaines que dans des conditions djmetatjon, de santé et de logement convenables. A son tour, la productivité est étroitement liée aux conditions de travail et aux conditions de vie. Enfin, il n'est pas douteux que celles-ci, lorsqu'elles sont médiocres, précaires, voire invivables, sont également à la source de l'exode rural. Il y a l - ceci a été souvent souligné - un ensemble d'interrelations dans lesquelles chaque élément est à la fois cause et effet. On peut c.oncevoir trois .±aqons 'envisage l'.aélioration des conditions de vie des travailleurs ruraux en re),.ation avec les technologies : la première s'intéresserait aux incidences des séules technologies qui concernent l'activité ce point a été sommairement passé en revue au chapitre I agricole ou artisanale il est incontestable qu'un niveau suffisant de subsistance - et pas nécessairement d'un "revenu" au sens monétaire du terme, en raison de l'enchaînement des dépenses et souvent de l'endettement qui en résulte - constitue une condition indispensable à la satisfaction d'une partie impQrtaxite des besoins essentiels (ceux de la première catégorie). La seconde approche consisterait à examiner les techniques ou, plus généralement, les actions spécifiquement destinées à améliorer les conditions de vie dans tel ou tel de]ursaspectS (qualité de l'alimentation, logement, hydraucertains de ces aspects seront évoqués lique villagêoise, assainissement, etc.) elle considère que tout se plus loin. La troisième approche est plus globale tient lorsquon veut améliorer le sort de l'homme, surtout quand il s'agit d'un travailleur rural, dont les conditions de travail et de vie s'interpénetrent et qui est, beaucoup plus que tout autre travailleur, en relation étroite avec son milieu, qu'il s'agisse du milieu physique et naturel ou du milieu social et de la culture qui lui est propre et dans laquelle il est profondément enraciné. Ceci ne doit pas conduire à une politique du "tout ou rien", qui risquerait fort de paralyser toute initiative; tous les efforts dans des directions particulières doivent, : : 1 L'emploi, la croissance et les besoins essentiels, rapport pour la Cf. Conférence mondiale tripartite sur l'emploi, la répartition du revenu, le progrès social et la division internationale du travail, BIT, 1976. 2 Ibid., p. 34. - 41 - au contraire, être maintenus et intensifiés; mais il s'agit de les poursuivre sans n(gliger les autres aspects qui interfèrent et risqueraient, s'ils étaient perdus de vue, do ruiner les efforts. C'est pourquoi cette approche d'un développement global est prônée depuis longtemps par le BIT; les pays, les organisations internationales, réalisent de plus en plus souvent des programmes intégrés de développement rural; cependant, il n'en a pas été toujours ainsi. Comme l'indigue Kathleen Rhodes dans un article de la revue "Formation pour l'agriculture et le développement"1 : "Jusqu'à présent, les programmes de développement rural ont surtout visé à l'accroissement de la production agricole. Les progrès de la technologie et de la science agricoles, la formation aux méthodes agricoles modernes, la propriété de machines agricoles et la participation aux coopératives de commercialisation ont accentué l'importance du rôle de la technologie et de la main-d'oeuvre qualifiée au détriment des besoins humains." L'auteur ajoute familiale, par exemple, ou ceux qui sont destinés que les programmes aucun à la jeunesse sont souvent limités parce qu'ils n'offrent apparemment au opposées Il s'agit, en définitive, de deux attitudes avantage économique. institution, ou une action, comme valable lieu de considérer une technique, ou une en soi parce qutelle aurait donné de bons résultats en d'autres lieux, et de s'efforcer de l'appliquer telle quelle à tout prix, il convient de renverser le raisonnement et de se demander, en fonction dea besoins de l'homme tout entier et dans ses relations avec son milieu, quel pourrait être l'apport de telle technique "les programmes de ou de telle action. C'est pourquoi, comme l'indique K. Rhodes, développement rural concernent de plus en plus la réforme agraire, l'amélioration de l'instruction et des possibilités d'emploi, la répartition équitable des revenus, l'amélioration de la santé, de l'alimentation et du logement et visent à faire en sorte que les populations rurales soient activement associées à l'amélioration de leurs conditions de vie"2. A juste titre, l'auteur insiste sur le fait que ces aspects du développement rural sont aussi essentiels au bien-être des populations que la mise en oeuvre de techniques culturales efficaces. : La question de l'aÏimetation a été évoquée au chapitre I puisqu'elle est 3. étroitement liée à celle de l'agriculture de subsistance, la diminution des superficies consacrées à celles-ci n'étant généralement pas compensée par l'achat de produits vivriers souvent trop chers pour les très maigres revenus du petit paysan; l'endettement peut avoir pour effet de contraindre celui-ci à vendre la récolte à venir, à des prix souvent dérisoires3; les familles se rationnent systématiquement parfois cinq à six mois avant la récolte, signale René Dumont4,et des enquêtes ont révélé un arrêt de la croissance des enfants pendant cette période. l'Africain dispose en moyenne d'une ration calorique insuffisante de 2 110 kilocalories par tête et par jour; sa nourriture contient une faible quanité de pro'éines (53 gr elle-même irisufpar tête et par jour) et la proportion de protéines animales est fisante (18,8 pour cent en moyenne alors que la norme se situe aux alentours de à nouveau 50 pour cent). C'est pourquoi des efforts sont faits pour encourager les cultures de subsistance, tout en essayant d'améliorer la valeur nutritive de ainsi, on tend, au Mali, à déve-. l'alimentation en modifiant les comportements lopper la consommation de poisson et au Zare on envisage de généraliser la culture du soja; au Sénégal, un organisme public, l'Institut de technologie alimentaire, à la suite de recherches sur le mil, produit de base de l'alimentation tradilionnêlle, qui se voyait concurrencé par le pain de blé, remet à l'honneur cette céréale à haute valeur nutritive (14 pour cent a.eprotéines) en l'intégrant dans la composition du pain; pour ce faire, les techniqes villageoises ont servi de base à la nouvelle technique, élaborée avec l'aide des femmes des villages. Outre l'économie de devises ainsi réalisée, les conséquences sont également positives : 1 Revue annuelle publiée conjointement par la PAO, le BIT et l'UNESCO. ticle cité se trouve dans le n° 2, 1976, pp. 100 et suivantes. 2 Ibid. Op. oit., p. 286. 4 Op. oit., p. 283. L'ar- - 42 de la nutrition et de l'augmentation des revenus des sur le plan de Aux activités de recherche, plusieurs organismes ajoutent des efforts de paysans. diffusion et d'éducation du public, comme l'OPÀNA (Institut de recherche sur l'alimentation et la nutrition africaine), organisme interétatique africain dont le Pour mémoire, on citera les multiples activités d'enseignement siège est à Dakar. nutritionnel assurées par des organismes de formation ou des revues telles que "Famille et développement". Le logement constitue le deuxième besoin essentiel dans l'énumération du La situation précaire des populations rurales explique que la qualité des logements ruraux ne se soit guère améliorée en général au cours des dernières années. Des efforts sont pourtant menés, associant le plus souvent des habitations à une politique d'assainissement, ainsi que, souvent, l'alimentation en eau des villages et l'électrification. On procède parfois, comme en Côte-d'Ivoire, par "lotissement", opération qui consiste à détruire les cases insalubres et mal construites afin de prévenir les risques d'incendie et d'épidémie, à quadriller le territoire par un réseau routier qui le divise en lots de même surface; les habitations sont reconstruites "en dur". Certains ont noté les grandes améliorations apportées au 'point de vue de l'hygiène générale et des commodités (adduction d'eau et électrification), mais aussi l'inconvénient que présentent en saison sèche ces maisons modernes qui, recouvertes de tôle ondulée, deviennent excessivement chaudes; la construction en dur représenterait aussi pour Dans cet ordre les habitants une charge financière difficilement supportable-. la revue "Famille et développement" a publié un article faisant apparattre les avantages du "banco" par2rapport au ciment en ce qui concerne la température dans la maison en toit en ciment, la température de l'habitation (tableau 18) atteint une dizaine de degrés de plus qu'à l'extérieur, tandis que dans la maison en banco la température varie très peu; en outre, la seconde est évidemment bien c'est Mais l'habitat est davantage qu'un abri meilleur marché que la première. un lieu de vie sociale. Dans la future capitale de Tanzanie, Dodoma, en cours de les zones construetion, une conception intéressante préside au tracé de la ville d'habitation sont conçues pour de petites communautés recréant le mode de vie villageois; ceci fait partie d'une conception d'ensemble où, au sein d'une économie agricole qui échapperait dans la mesure du ossib1e è. la monétarisation, les villages seraient les "noeuds de croissance" ou se trouveraient réunis les principaux services à la disposition des populations rurales. BIT. : : .efforts sont menés dans les domaines de l'assainisseatoit, ment et de la fourniture en eau des villages, afin de rapprocher de ceux-ci les points d'eau (la recherche de l'eau représente une part importante dans la journée de la ménagère africaine et constitue une tache pénible) ou de stocker l'eau à L'hydraulique villageoise proximité, afin, aussi, de procurer une eau potable. représente actuellement 60 pour cent des budgets des collectivités locales au Des projets expérimentaux sont réalisés dans plusieurs pays, soit pour Sénégal. 'éoliennes, afin de recourir à une source d'énergie gratuite la construction (cf. tableau 19)- , soit par l'équipement de stations solaires4. De nombreux 1 "Optimalisation de la communication et agencement de l'espace. A. Kientz Le modèle Sénoufo. Cahiers d'Etudes africaines, n0 63, pp. 541-552. Cité par "Les conditions de vie et de travail des paysans Sénoufo", BIT, Ch. Savignac : 1978, polycopié. 2 Famille et développement, n0 8, octobre 1976, p. 39. 3 Carte extraite de Environnement africain, publication de l'EI'TDA (Programme de formation pour l'environnement), Dakar, n0 17, juillet 1977. 4 collège Chinghetti De telles installations existent, par exemple, au (Mauritanie) et à la clinique Dioila (Mali) où les toits sont équipés d'accumulateurs de chaleur et actionnent des pompes à eau. Des recherches sur les sources d'énergie (soleil, vent) sont menées notamment au collège InterEtats de Onagadougou, à l'Institut'universitaire de technologie et è. l'Institut de physique météorologique de Dakar, à l'Ecole polrtechniqie de Thiès (Sénégal) et au Conseil de l'énergie solaire de Niamey (Niger). Les pompes solaires sont aussi destinées, dans certains ainsi, le projet "Mali Aqua Viva" a permis la cas, aux cultures et à l'élevage création de cultures maratchères; il a pour objectif d'approvisionner en eau 10 pour cent de la population du Mali grâce à 400 forages; 282 étaient réalisés en 1978. est rendu. possible par l'existence d'une immense nappe phréatique. Les pompes solaires sont encore conteuses, mais leur prix diminue régulièrement. Elles pourraient devenir rapidement compétitives si le prix du pétrole continue à augmenter. : Il 43 - Tab1eai. 18. toit on Émnnl A} et une oiaoou oit baflco (fl. VarIatiou8 de la teniperalure entre une malnon A \ Tninpralare !!1I' III 20 20 1Q extérloui 5 6 10 12 1 15 ''_ 2U 22 2 / : Tableau ot/riairc t-i5 lu tt 'Ii! I' Tnmraluro J 'fl I do l Jotiriii8 (dr U Extrait de II I[t[1ftI111 ,}--'$ Ii lEI lu ' - Te.mpératItro"\ --4--r Fil (lemprirature sup. portab e). / 25- 1 / Zone 4e confOrt lntrtere 30 25 15 E i'i S. 8 -+--i----t i2 i l lb l t 20 titI 72 2 2 t ria l;nInl;ihfl Famille et développement, n0 8, octobre 1976. 19. WIND SPEED AND DAtLY 0F AN EOLIAN CAPACITV AV E RAGE S) _ABIDJAN_ 15 5: Extrait de 10. overue wtnd spoed (metes/sqconds) pumping capa..lty(m31 doy) for n 6m sotrun wtth pumping helght 0f 45m' African Environment, Ocoasional Paper n° rrom I.Chuzrot,1962. 77-17, July 1977. - 44 organismes de développement rural, conscients de l'importance prioritaire de l'approvisionnement en eau de qualité, prévoient dans leurs activités la construction de puits et l'alimentation en eau des villages1. Avec les actions d'assainissement, ces efforts sont certainement à l'origine de l'amélioration de l'état de santé en Afrique, dont témoignent, maigréles énormes problèmes causés par les endémies tropicales, les chiffres et les perspectives publiés par l'UNICEF (cf. tableau 20); car la rareté de l'eau, outre ses effets sur le rendement des récoltes et donc sur l'alimentation, favorise la prolifération des infections et l'apparition de déshydratations très graves en cas de fièvre2. Amélioration des conditions de vie et croissance économique sont deux objectifs convergents qui ont convaiiacu les Etats dtAfrique tropicale (surtout depuis les dernières sécheresses) de renforcer les actions dans le domaine de l'hydraulique la R.-U du Cameroun consacre une large part de ses crédits d'investissement à la construction de plusieurs grands barrages et à un programme d'adduction d'eau; la Côte-d'Ivoire a lancé en 1973 un programme national d'équipement hydrauliqe des villes et des il est prévu de créer d'ici à 1980 7 200 nouveaux points d'eau pour villages tous les villages de plus de 100 habitants, ce qui correspondra à un point d'eau pour 600 habitants; au Sénégal, outre l'aménagement du fleuve Sénégal dans le cadre de l'ONVS, en collaboration avec le Mali et la Mauritanie, et celui du fleuve Gambie, en collaboration avec la Guinée et la Gambie, le Ve Plan de développement prévoit un programme d'équipements en infrastructures hydrauliques; le Tchad, avec l'appui du Club des amis du Sahel, envisage la mise en valeur du polder de Mamdi et la Haute-Volta a engagé un programme daménagement et de mise en valeur des vallées Volta. Le stockagê de l'eau à proximité des petites collectivités paraît être facilité par une formule originale, mise au point en Côte-d'Ivoire "sans le moindre transfert de technologie"3, consistant en petits châteaux d'eau en résine de polyester, convenant particulièrement aux villages des régionséloignées et manquant d'infrastructures. : : 6. Sans prétendre tra.itr n problème aussi vaste et complexe que celui de l'enseignement et de la formation qi déborderait du cadre du sujet, il convieiE à tout le moins de mentionner ses liens avec les conditions de vie et le rôle qu'il joue ou qui1 est en mesure de jouer, tant en ce qui concerne l'assimilation de techniques (qu'il s'agisse de techniques de production ou de techniques d'amélioration des conditions de vie) que l'attitude des nouvelles générations à l'égard de la vie rurale. On entend ici par enseignement, non pas seulement les très nombreuses actions de vulgarisation qui consistent à transmettre une connaissance technique précise, mais surtout les programmes plus larges et plus ambitieux Pour reprendre les termes comportant notamment l'alphabétisation fonctionnelle. du programme du Département de la promotion humaine au Sénégal, "les buts pouril s'agit suivis par la création de centres d'alphabétisation sont multiples d'amener le paysan à franchir le seuil de l'apprentissage et de l'application passive des consignes de vulgarisation en lui donnant les moyens e comprendre, de raisonner, de discuter, de prendre des décisions, puis d'agir en toute connaissance de cause, ... d'aider les conseillers ruraux à mieux appréhender les textes officiels, .. de faciliter l'action prophylactique et sanitaire en général, de permettre la compréhension des notions techniques, comme le rendement de l'engrais, la rentabilité du matériel de culture et des notions économiques comme le calcul de la capacité d'endettement, la lecture et la rédaction du compte indiLa Direction de l'alphabétisation et de la presse rurale du Bénin a été viduel". lauréate de l'UNESCO à l'occasion de la Journée internationale de l'alphabétisation de 1979 pour le programme systématique de postalphabétisation par la presse rurale mis en place dans ce pays. Depuis bien des années déjà, l'INADE$ (Institut africain pour le développement économiqe et social), qi a son siège à Abidjan, organise des cours par correspondance pour travailleurs ruraux, couvrant un éventail de questions touchant au travail agricole comme aux conditions de vie, et qui 1 Ainsi, en Côte-d'Ivoire, la CIDT, établissement public chargé de développer la culture du coton, apTès avoir mené, jusqu'en 1970, une action essentiellement axée sur la croissance de la production cotonnière, a élargi son objectif au développement des régions cotonnières; 73 puits ont été créés à son initiative avec l'aide de la BIRD; 500 autres doivent être réalisés. 2 Le besoin essentiel que constitue la disponibilité de services sanitaires fait l'objet d'une communication spéciale. 3 L'hydraulique en Afrique noire, Africa n0 114, octobre 1979, p. 64. - 45 Tableau Taux de natalité, 1955-2000, nombre de naissances, 1960, 1970, 1975, 2000 et espérance de vie, 1960, 1970, 1975 (en années) 20. Continent et pays Taux de natalité pour 1 000' habitants Nombre 1960 1970 1975 321 35,9 966 1 093 1 803 46,7 767 1 214 45,6 667 543 32,0 272 258 200 34,3 155 138 281 300 453 35,9 11 10 9 42,5 113 35,9 60 53 365 35,9 306 250 41,0 49,0 50,7 36,0 43,5 55-60 65-70 70-75 1995- 1960 1970 1975 2.000......... AFRIQUE Afrique du Sud Algérie Angola Bénin R.-U du Cameroun Cap-Vert Congo 06 te-d' Ivoire République centrafricaine Gabon Gambie Ghana G-u in é e G-uinée-BisSau Haute-Volta Libéria Mali Mauritanie Niger Nigéria Séngal Sierra Leone Tchad Togo Zare Extrait de 47,3 41,8 50,8 50,5 51,0 43,2 46,8 43,3 46,0 47,4 43,0 49,6 48,2 50,9 41,5 41,5 44,4 46,0 45,6 42,9 48,7 47,2 49,9 40,4 32,8 45,1 45,6 38,6 36,1 33,1 43,6 33,7 39,1 21,0 41,4 38,0 46,1 32,8 42,4 50,5 47,0 40,9 49,6 43,8 50,1 44,7 52,3 49,4 47,9 44,6 45,5 50,9 45,0 32,5 43,0 49,5 47,2 40,7 49,4 42,8 49,8 44,8 52,2 49,6 47,5 44,8 44,5 50,9 43,4 32,2 43,3 48,8 46,6 40,1 39,5 27,6 35,1 39,8 38,4 34,1 39,6 36,8 47 , 3 : 48,5 43,6 50,1 44,8 52,2 49,3 47,6 44,7 44,0 50,6 45,2 40,1 46,9 44,8 38,8 36,8 38,2 159 688 512 251 106 238 9 40 179 209 2000 231 133 35,0 18 33,5 30 36,0 20 16 842 36,5 428 482 339 325 33,5 228 258 172 21 29 30,5 20 21 434 32,2 266 293 215 118 36,5 68 56 42 509 34,7 285 204 251 91 35,9 52 59 43 210 240 449 35,9 160 2 549 3 282 3 699 6 045 33,5 59 15 72 16 78 17 22 38,5 41,0 46,0 41,0 41,0 51,6 53,6 38,6 41,8 41,0 50,0 43,5 43,5 41,0 38,5 41,0 41,0 40,0 41,5 43,5 38,5 41,0 36,5 38,6 35,5 38,0 41,0 't-),-' 37,2 38,1 41,0 38 , 5 38,5 41,0 39 , O 41,0 40,0 40,0 208 238 162 210 36,0 41,0 43,5 118 133 95 162 264 33,5 38,0 38 , 5 178 140 112 186 33,5 38,5 41,0 100 76 784 1 013 1 117 2 008 39,5 42,0 43,5 317 .35,9 40 , O 46,8 '45,2 40,6 Famille et développement, n0 Espérance de vie à la naissance e naissances '(1 000) 8, octobre 1976. 38 , 5 - 46 - Le CESAO (Centre d'études économiques et sociales d'Afrique sont très appréciés. occidentale) à Bobo-Dionlasso, Haute-Volta, créé en 1960, s'est progressivement spécialisé dans le domaine du développement rural ("par développement rural, il entend un véritable mieux-être des populatins villageoises et pas seulement la croissance de la production et des revenus"-'-) et assure diverses activités telles que la formation, la recherche appliquée et l'édition d'un bulletin2 et de matéIl faudrait pouvoir citer d'autres initiatives; toutes ces riels ptdagogiques. actions de formation jouent un rôle irremplaçable de diffusion des techniqes au service d'une amélioration des conditions de travail et de vie des travailleurs ruraux. Mais c'est l'ensemble de l'enseignement, dans son sens le plus large, qui exerce sur les esprits une influence déterminante, qui,peut être positive ou négative - négative lorsque l'enseignement traditionnel contribue à couper3l' enfant de son milieu rural et favorise l'exode des plus doués vers les villes ., Ce sont ces différents domaines qui cnt abordés de façon de plus en plus 7.. associée dans les différentes actions, dans les divers programmes et projets de développement rural. Les changements technologiques trouvent là leur meilleur vecteur; ils sont en effet conçus pour ce qu'ils sont ou ce qutils doivent être un moyen d'amélioration des conditions de vie. A titre d'exemple, un projet de coopération technique qui sera mené avec l'appui du BIT et l'assistance financière de la OEAO (Communauté économique des Etats d'Afrique de l'ouest) concerne "l'aménagement de centres de formation rurale pour des actions intégrées de promotion les conditions d'existence du communautaire" et se donne pour mission monde rural par une augmentation du revenu du paysan et une augmentation et une diversification des productions, tant dans le secteur des cultures vivrières que dans celui des cultures industrielles d'exportation". Afin de faciliter le développement d'une petite mécanisation, le projet ambitionne de créer dans les zones rurales un réseau d'artisans de services aptes à entretenir et réparer le matériel agricole; des centres d'initiatLon horticole constitueront des structures de formation intervenant en milieu rural pour freiner l'exode rural et lutter contre les maladies et la mortalité dues à la malnutrition; des maisons familiales rurales (déjà existantes) seront multipliées afin de constituer une structure de formation prise en charge par la communauté villageoise et de freiner ainsi l'exode rural en amenant les jeunes à rester dans leur village et à sengager dans les différents circuits de production du milieu; une formation des çouples sera donnée dans des "villages de couples", etc. On ne peut manqer de mentionner le rôle de pionnier joué à cet égard par le mouvement çoopératif, qui a rencontré un succès certain dans plusieurs pays d'Afrique; en associant les populations à l'amélioration des conditions d'existence, il permet de faire pénétrer progressivement dans les moeurs certaines techniques; leur adaptation aux besoins et aux mentalités est ainsi mieux assurée et permet, à son tour, une véritable appropriation de ces techniques par les paysans. D'autres eommunïcations présenteront les améliorations concrètes ainsi assurées dans divers domaines du travail et de la vie des populations rurales. 1 Recherche, pédagogie et culture, mai-août 1979, p. 65. 2 Consti'uire ensemble, bulletin bimestriel. 3 Ce problème dépasse le cadre de cette étude. De nombreux rapports ou articles l'ont soulevé. Une analyse particulièrement claire et fouillée a été faite à ce sujet dans un rapport polycopié de G.H. Connillière, J.R. Balmer et L. Roussel sur l'exode des jeunes ruraux en Côte-d'Ivoire, BIT, Genève, 1969. Cf. également A. Provent et P. de Ravignan qui parlent de "l'école de l'impuissance" (op. oit., régionale afrip. 61) et le rapport du Directeur général du BT à la Conférence ég1i.tés du monde caine d'Abidjan, qui évoque "une école largement en dehors des. rural" (Une stratégie des besoins essentiels pour l'Afrique, op. oit., p. 31). - 47 - CHAPITRE V LES CHANGEMENTS TECHNOLOGIQUES DANS LEURS RAPPORTS AVEC L'ORGANISATION DU TRAVAIr1 ET L'ORGANISATION SOCIALE C'est à juste titre que, dans l'intitulé du thème inscrit à l'ordre du 1. jour du séminaire et qui nous intéresse ici, figurent l'organisation du travail et l'organisation sociale. Il est, en effet, évident qu'une technique n'est pas introduite dans une société comme dans une sbrte de vacuum, comme si l'on pouvait, dans un secteur qui serait défini et limité, faire table rase du passé et du présent. Les objets utilisés, de même que les champs cultivés ou la répartition des tâches, ne constituent, pour reprendre une image courante, que la Des liens les rattachent et les expliquent. Dans partie émergée de l'iceberg. louvrage qu'il consacre aux "civilisations noires", le grand sociologue Jacques Maquet' donne de la culture une définition qui montre la place éminente de la technique et des objets matériels dont elle se sert : "Une culture est un ensemble complexe d'objets matériels, de comportements, d'idées cquis dans une mesure variable par chacun des membres d'une société déterminée." La culture est donc, entre autres choses, "un système d'adaptation d'un groupe à son environnement" et la production des biens matériels, la technique et le travail se trotivent étroitement associés à toutes les valeurs de cette cultures y compris celles qu'on ne peut approcher que par "la participation intuitive". est à juste titre que l'on a pu écrire que les rapports entre les techniques et les conditions de travail (de même que l'accord entre le travailleur et son travail) dépendaient d'un certain nombre d'éléments, parmi lesquels, à côté de ce qui a trait aux systèmes de production et au travailleur, se trouvait la "Les différences entre les cultures se reflètent dans les habitudes culture de travail, qu'il s'agisse de la quantité de travail tenue pour normale, des périodes où l'on travaille ..., de la cadence (un effort quotidien régulier, de brèves périodes d'effort intense ...), des activités qui peuvent accompagner le travail (conversation, chant, cérémonial social) du fait qu'on l'exécute en public ou en privé, ou du genre de travail considéré comme convenant à l'ôge ou au sexe3." : Dans l'agriculture, Ile système socio-culturel garde une pattcu1ière influsur' tous les aspects de la vie du travailleur. Les rapports humains, qu'ils soient de parenté, de voisinage ou d'amitié, sont caractérisés par un sens des valeurs, une mentalité et des croyances semblables; dans la plupart des cas, la famille, unité sociale, est aussi l'unité de production"4. C'est pourquoi nous partageons l'avis de P.J. Dy lorsqu'elle écrit que "l'évolution technique, dans l'agriculture et le secteur non structuré, devrait être conçue selon une approche particulière, compte tenu des considérations suivantes ence Cet ouvrage Les civilisations noires, éd. Marabout, 1966. Jacques Maquet a reçu le prix du meilleur livre d'art consacré à l'Afrique et rédigé en langue française, prix décerné par le jury du premier Pestival des arts nègres, à Dakar, en 1966. L'auteur est directeur d'études à l'Ecole pratique des Hautes études de l'Université de Paris. : J. Maquet, op. cit., pp. 12 et 18. ' H. Trindis : "Work and nonwork : intercultural perspectives" dans l'ouvrage publié sous la direction de M.D. Dunnette : Work and nonwork in the year 2001 , Brooks-Ode, 1973, p. 50. Cité par F.J. Dy : "Se servir de la tcbnologie pour humaniser le travail", Revue international du travail, vol. 117, n 5, sept.-oct. 1978. F.J. Dy, op. oit,., P. 596. - 48 - L'innovation technique vient en général du dehors et elle affecte d'ufl seul coup de vastes régions (c'est le cas, par exemple, de l'électrification, de la révolution verte ou delamécanisation). On peut en conclure qu'il faut particulièrement veiller au choix et à la conception du produit, et cela en consultant les intéressés directs plus largement qu'auparavant. Dans ce secteur, l'évolution technique a généralement des effets culturels et sociaux plus accentués que dans la grande industrie, ce qui laisse à penser que la sociologie et l'anthropologie devraient jouer un rôle plus important lors du choix. Les travailleurs y sont en général moins capables d'adapter les nouvelles techniques à leurs besoins; il faudrait donc recourir davantage aux compétences extérieures, notamment en matière dtergonomietl. S'agissant de l'Afrique, dont les cultures sont très riches, ce qui précède est sans doute particulièrement vrai. Certains en ont conclu : "S'imaginer que l'Afrique conservera de ces cultures ce qui devrait à tout prix en ôtre conservé, tout en changeant radicalement de techniques de production, serait une complète erreur. Une culture africaine (ou autre sans doute) est globale; tout s'y tient, de l'outil à la forme de la maison, des matériaux aux structures sociales, de l'alimentation à la mode vestimentaire, à la pensée politique, l'art, la danse et la religion. Changez un maillon de la chaîne et tout s'altère au risque de stécrouler2.tt On peut trouver une telle position trop absolue; elle a pourtant le mérite de poser, en le schématisant, le problème qui nous intéresse et qui a été exprimé en d'autres termes par G. Gosselin lorsqu'il écrit "Les traditions sont-elles des obstacles, des freins de développement ?Peuvent-elles, au contraire, ôtre considérée ou utilisées comme des pierres d'attente pour entreprendre ce développement) ?" : Il serait présomptueux de tenter de faire ici le tour de la question il y faudrait beaucoup de place et une connaissance intime des cultures africaines. On se limitera à rassembler un certain nombre d'observations glanées dans divers rapports ou études. : 2. En agriculture traditionnelle, en Afrique, la famille, cellule de base sur le plan social, l'est aussi généralement sur le plan économique. L'organisation du travail est collective; il n'y a le plus souvent pas d'appropriation individuelle de la terre, mais plutôt droit d'usage; le travail est également réalisé de façon collective; il peut y avoir, au sein communauté familiale, des terrains collectifs et des parcelles individuelles, le temps de travail sur les uns ou sur les autres étant réglé par une tradition très ancrée. Ce "collectivisme", comme l'a souligné G. Gosselin dans son ouvrage très documenté, ne se ramène pas à une coopération qui serait "celle d'individus conjuguant leurs efforts pour réaliser un projet défini et limité dont chacun tirerait profit. Il s'agit plutôt d'une occupation du sol et d'un travail commun qui visent à §tre utiles au groupe. Le travail ne peut, en lui-môme, ôtre source de richesse ou de promotion sociale, car il est effectué pour le compte du groupe"4. G. Gosselin a observé qu'en Haute-Volta, à la suite de l'intervention d'un organisme (la Société d'aide technique et de coopération) chargé de répandre l'utilisation d'une houe à traction asine et de vulgariser des semences améliorées, de développer le crédit mutuel et d'organiser l'approvisionnement et la P.J. Dy, op. oit., p. 596. 2 noire Richard-Molard : Plaidoyer pour une nouvelle paysannerie en Afrique Le travail en Afrique noire, présence africaine, 1952. "En termes de maçonnerie, on nomme pierres d'attente les pierres saillantes ménagées d'espace en espace, à l'extrémité d'un mur, pour faire liaison avec quelque autre construction qu'on pourrait élever à côté" rappelle G. Gosselin.: Développement et tradition dans les sociétés rurales africaines, BIT, Genève, 1970, pp. 3 et 307. G. Gosselin, op. oit., pp. 10-11. - 49 - commercialisation, on voyait s'accélérer les scissions au sein des concessions partage des terres, réduction des groupes de travail cçliectif; mais II s'agit là plutôt de l'accélération d'un mouvement déjà amorcéL. lie système de répartition d'usage de la terre peut aussi être un frein au remembrement et donc à la mécanisation. On u parfois noté, dans les communautés agricoles, "une dépexidance accrue? l'égard de natériaux et d'idées d'importation et une réduction considérable du pouvoir des colectivités villageoisès sur la gestion et l'aménagement de leur espaoe2. D'autre part, la terre se trouve valorisée par la valorisation des produits agricoles; "elle perd de sa valeur sacrée, devient objet de contrats, source de rapport et de profit qui exige esprit d'entreprise, moyens techniques et information économique"; mais cette évolution paratt lente; la terre reste protégée de l'aliénation définitive par un ensemble d'habitudes, d'intérêts et de lois3. La répartition du travail entre champs collectifs et parcelles individuelles est ébranlée par l'introduction de nouvelles cultures et de nouvelles tecmiques : "Avec le développement de la culture cotonnière" note Chantai Savignac, qui a effectué une étude en pays Sénoufo, en Côte-d'Ivoire, "une concurrence commence à se faire sentir, notamment en période de semis, entre champs collectifs et champs individuels". Jusqu'ici, en effet, la priorité était toujours accordée au champ collectif sur lequel tous les membres de la communauté (Katiolo) ce champ, consacré devaient travailler un certain nombre de jours par semaine esentielïement aux cultures vivrières, permet de nourrir les membres du Katiolo. Les revenus tirés du coton incitent les jeunes à consacrer davantage de temps à leur prircoUe Individuelle. : La communauté que représente la ramille élargie ou le village ne se traduit pas seulement par le caractère collectif de la terre et du travail, mais Comme le par la solidarité qui en est à la fois le fondement et le résultat. dit J. Maquet, "cette solidarité se manifeste, de façon éclatante, lorsque tort a été fait à l'un des membres par une personne extérieure au groupe, mais son importance vient surtout de la sécurité qu'elle apporte dans la sphère des nécesL'aide des frères se manifeste à l'occasion d'évésités de la vie quotidienne". nements exceptionnels, mais "bien plus souvent dans le cas d'une mauvaise récolte Savoir qu'on ne souffrira pas et d'autres difficultés de la vie matérielle ... de la faim aussi longtemps que tout le groupe ne sera pas affamé, savoir que ses enfants et ses femmes ne seront pas abandonnés, même si l'on est absent longtemps ou si l'on disparait, écarte Acertaines sources d'anxiété si communes dans les sociétés plus individualistes". L'introduction de cultures de rapport, l'incitation à l'achat de semences sélectionnées ou d'engrais modifient les états d'esprit et introduisent précisément des tendances à l'individualisme, d'autant plus fortes que des velléités d'émancipation,à l'égard d'une autorité parfois pesante, étaient déjà préexistantes. C'est sans doute parce que la solidarité est, au travers de rites complexes, liée essentiellement à la subsistance qu'on a pu noter que "pour les culturese rapport les changements techniques sont acceptés, mais pas pour les cultures vivrières pour lesquelles l'aspect religieux a une importance considérable"5. La structure sociale trad4tionnelle, qui assurait avec efficacité la sécurité matérielle et la cohésion du groupe et une certaine égalité entre ses membres, semble se trouver dénaturée et détournée de son objet au fur et à mesure que la pénètre l'économie monétaire qui accompagne les nouvelles techniques. Chantai Savignac note qu'en pays Snoufo "les innovations techniques, notamment la culture attelée, ne profitent pour l'instant qu'à des individus considérés isolément ... L'acquisition de ces nouvelles technologïne résout pas des problèmes communs, bien que ce phénomène semble faire tache d'huile, Elle crée, G. Gose1in, op. oit., p. 35. 2 EITDA : Compte rendu de la session de formation sur le recours aux technologies combinées pour l'écodéveloppement au Sahel occidental, 1977, ENDA/EV/8587, p. 7. G. G-osselin, op. oit., p. li. J. I4aquet, op. oit., p. 109. X. Le Roy : La juxtaposition de deux types de productions dans un village Sénoufo du nord. de la Côte-d'Ivoire, pp. 141-142, cité dans Cli. Savignac, op. oit., p. 107. - 50 - au contraire, des déséquilibres sociaux et amplifie les clivages économiques entre les paysans d'une même communauté rurale ... L'attelage, en étant entre les mains d'une minorité, permet à celle-ci de monnayer fort cher les services rendus aux plus démunis, situation qui engendre, par conséquent, une forme Si, selon ce chercheur, les noud'exploitation financière de ces derniers". veaux privilégiés sont plutôt des individus isolés2possédant déjà des moyens plusieurs autres indiquent financiers et ayant une position sociale marginale que les bénéficiaires du changement économique et technique sont les chefs G. Gosselin explique très bien ce pliénode concession et les chefs de villa.e. mène dans ltude consacrée au pays isa, en Haute-Volta, cas où, cependant, l'instauration d'un système coopératif aurait dd, à première vue, assurer une certaine équité; mais seul le chef de concession, dans le système mis en place, adhère à la coopérative : "Le chef de concession se trouve donc à la charnière de deux systèmes socio-économiques. D'un côté, en effet, le système traditionnel de détention du sol, d'organisation du travail et de distribution des récoltes continue de fonctionner comme par le passé, et le chef de concession y tient la place centrale et privilégiée. De l'autre côté, il se trouve participer aux échanges du circuit économique moderne par la commercialisation des produits vivriers ou des cultures de rapport, par l'amélioration des techniques et de l'équipement productifs, par le crédit arioole et l'encadrement dont il bénéficie ... Au sein de la concession, il benéficie des prestations en travail de Il utilise le travail des femmes et des jeunes pour accroître ses dépendants ... ses surfaces cultivées grâce aux nouveaux moyens techniques mis à sa disposition par la coopérative." L'augmentation des rendements obtenus n'a pas pour seul effet d'enrichir le chef de concession; "elle lui permet également d'augmenter son pouvoir traditionnel à l'intérieur même de la concession; ... en effet, grâce à ses revenus monétaires améliorés, il peut accroître son prestige et son Les femmes et les jeunes voient ainsi leur dépendance accrue. autorité". G. Gosselin ajoute quen s'insérant dans un circuit commercial, le chef de concession cesse d'être totalement le gérant des intérêts collectifs qu'il était de subsistance; "dans l'économie monétaire, la garantie des dans intérêts collectifs n'est plus confiée à un systèe, mais à une personne, avêc Le chef, en effet, abuse tous les risques qu'une telle situation comporte"'. parfois de sa position pour faire défricher ou emblaver un champ à son seul profit4. Le sentiment d'insécurité s'ajoute alors chez les jeunes aux réactions là, selon Gosselin, la raison essentielle devant leur dépendance accrue; La d'une résistance croissante à l'égard des formes collectives de travail. cohésion de la famille étendue en est atteinte; l'émigration vers les villes tend à s'accentuer. René Dmont a noté aussi une inégalité croissante au sein des villages en Haute-Volta7. Peut-être faut-il rattacher à ce phénomène la réticence constatée chez les paysans à l'achat et à l'usage en commun de certains équipements, sous forme de coopératives d'utilisation en commun de machines agricoles par exemple; c'est cette crainte des abus et des désaccords qui en résulteraient que montrent en tout cas les réactions des femmes interrogées par Chantal Savignac à propos de l'achat collectif d'un moulin à mil et des hommes concernant la culture attelée6. Une autre cause d'inégalité tient à la position dominante de ceux qui peuvent stocker et se déplacer plus facilement dans des villages dont le sous-équipement, dans le domaine de l'approvisionnement notamment, se fait d'autant plus sentir que la population vit de moins en moins en autarcie. , 0es inégalités croissantes, outre qu'elles signifient une dégradation des structures traditionnelles, posent le problème également capital de savoir sur qui une diffusion des techniques doit s'appuyer : faut-il miser sur le dynamisme des catégories actuellement dominantes de la société traditionnelle (chefs, notables, aînés ...) ? C'est une question encore très controversée. 1 0h. Savignac, op. oit., p. 111. 2 Cependant, elle note également le cas de deux jeunes chefs de "Katiolo" qui furent les premiers à pouvoir s'équiper pour la culture attelée (op. cit., p. 61). G. Gosselin, op. oit., pp. 38-40. 4 Cf. R. Dumont, op. oit., p. 299. Ibid., p. 282. Ch. Savignac, op. oit., p. 114. - 51 - L'entraide, ou plutôt l'échange de travail, est la règle des travaux communautaires, et elle se pratique même sur les champs individuels, selon des règles précises. Mais, comme le note Chantai Savignac, ce principe ne s'applique bien que lorsque les besoins ei main-d'oeuvre sont équivalents pour chaque chef de famille; en pays Sénoufo, avec l'extension inégale des parcelles cultivées en coton, ce n'est pas le cas; aussi, lorsqu'un paysan a besoin de personnel pour récolter son champ, il fait appel à des gens du village qu'il rémunère en fin de journée. Le caractère impératif de certaines opérations à certaines dates fixées par les organismes encadreurs accentue ce phénomène : "il vaut mieux alors Progressivement s'installe un payer du personnel que d'attendre son changement de comportement; les jeunes préfèrent recevoir un salaire que travailler pour le chef de famille qui ne leur donne quefl la nourriture; exigences nouvelles de la monétarisation qu'impliquent les cultures de vente et évolution des mentalités des jeunes générations se conjuguent ici pour aboutir au développement du salariat. Pourtant, cette évolution est progressive; G. Gosselin estime que "les anciens réseaux socio-économiques, politiques, religieux même, retiennent le travailleur africain et freinent son évolutior vers le salariat. Son employeur garde à ses yeux quelque chose du prestige de l'aîné ou du chef. Le salariat n'existe donc encore qu'à l'état de tendance dans l'agriculture commerciale africaine. Le salaire d'appoint, le salaire en nature, la recherche d'un gain en vue d'un objectif précis ... précèdent le salariat proprement dit. Le salaire reste conçu, par l'employeur et par le travailleur, comme proportionnel aux besoins, non au travail. La société traditionnelle continue de prende en charge les besoins que le secteur économique moderne ne peut satisfaire" S'agit-il, cependant, d'une évolution lente mais irréversible vers ce qu'on pourrait appeler une monétarisation des relations de travail ? C'est probable. S'il en est ainsi, on ne peut pas ne pas s'interroger sur ce qui adviendra des paysans qui restent en économie de subsistance ou ne se trouvent, par contagion, atteints par l'économie marchande que pour en p&tir, pris dans l'engrenage dramatique de l'endettement et de revenus insuffisants : pourront-ils poursuivre cet échange de travail qui est le seul échange à la portée des pauvres, qui leur permet de bénéficier d'une aide indispensable à l'époque des gros travaux et qui leur crée la seule dette dont ils puissent s'acquitter, qui, enfin, sauvegarde leur dignité ? Cette lente disparition d'une tradition millénaire va-t-elle entraîner une aggravation de la pauvreté du plus grand nombre en favorisant une minorité d'agriculteurs aisés ? On a pu nçter, il y a quelques années, l'appaition, au nord du Gabon (pays Pang) de "sociétés de travail", sortes de coopératives de travai1,réiinisant les membres d'une même tribu pour des travaux collectifs (constructîon de cases, J.C. Pauvert pense que ces sociétés de routes, de pistes, débroussement ...). de travail "répondent au besoin ressenti par les groupes fang de se consolider et de défendre leur structure contre les atteintes de la modernisation, qui pousse à l'individualisation aussi bien de la propriété que de la production agricolg; ... elles sont une tentative de reconstitution du cadre tribal cou- tumier". Les rites, les croyances religieuses, les interdits, les traditions cônstituent tn monde complexe, varié, qui, dans chaque culture africaine, a des liens étroits avec les techniques utilisées ou les modes d'exploitation de la On a actuellement tendance à reconnaître aux traditions agricoles enraterre. des vertus qu'une cinées dans cette vie sociale, culturelle et cultuelle approche étrangère sans nuances avait longtemps niées, les traditions étant ainsi en est-il des rotations culturales et de la jachère, jugées primitives de la préservation de certains bois et de certaïns arbres4, de l'interdit frappant : Oh. Savignac, op. cit., p. 103. 2 G. Gosselin, op. oit., p. 12. J.0. Pauvert : La notion africaine du travail, op. cit., p. 99. Un géographe, Pélissier, a montré le rôle essentiel dans le maintien de la fertilité du sol de l'acacia albida, arbre traditionnellement protégé dans les villages sérères du Sénégal : il fixe l'azote de l'air, perd ses feuilles en hivernage, accroît les rendements à ses pieds d'environ 30 pour cent, donne au bétail des gonases riches en protéines. Dans R. Dumont : Paysans écrasés, terres massacrées, op. cit., p. 300. - 52 - les réserves constituées dans le grenier du chef ..J. Autre aspect du travail traditionnel, le rythme est également un élément constituant du travail collectif labourage "pratiqué en groupe suivant un rythme binaire où les houes alternativement dressées et battues entratnent les corps dans un rythme alternant d'ex-tenCe rythme dans les travaux colbattage des grains, etc. sion et de lectifs, qui a existé dans plusieurs civilisations d'autres continents avant la mécanisation, est sans doute condamné à disparaître du fait de celle-ci. Le débat n'est pas clos sur le point de savoir si le bilan est positif ou négatif Dès 1968, le de la disparition progressive de ces coutumes ancestrales. Président Nyerere, de Tanzanie, plaidait pour une prise en considération sérieuse "Nos paysans ont vécu longtemps sur leur terre. de ces vieilles traditions Les méthodes qu'ils emploient sont le résultat d'une longue expérience de lutte contre la nature; les règles et les tabous eux-mêmes qu'ils respectent ont un fondement raisonnable. Il ne suffit pas de laisser de côté un paysan traditionnel parce qu'il est dépassé; nous devons essayer de comprendre pourquoi il fait certaines choses et ne pas nous contenter de décider quil est borné3." : Plusieurs auteurs ont noté que, dans les grandes plantations qui se sont 8. constituées, le travail du paysan devenait de plus en plus dépendant. Ce phénomène semble aussi atteindre les paysans individuels lorsque les organismes "d'encadrement" font peser sur eux une tutelle lourde qui se manifeste soit par la vulgarisation qui s'appuie sur quelques "paysans pilotes", soit par la contrainte financière (aides ou prêts subordonnés à l'application d'une technique culturale) on a noté le "sentiment d'extériorité" du paysan qui se sent dépossédé de son droit d'initiative et de son autonomi et qui n'a pas réellement adhéré aux modes de travail qu'on l'incite à appliquer'f. C'est une question sur laquelle on reviendra au chapitre suivant. Notons seulement ici que l'intérêt que le paysan porte ou ne porte pas à son travail et, surtout, le statut qui lui est ou non reconnu au travers de celui-ci constituent un élémenttrès important de la part A ce titre, les efforts de l'"immatériel" dont toute technologie est porteuse'. de formation dans le domaine de l'artisanat,soit pour donner un élan nouveau à un artisanat traditionnel, soit pour créer un artisanat moderne de fabrication ou de réparation d'outils ou dengins méoaniques,constituent certainement un élément positif pour retenir dans leur milieu, en leur fournissant tout à la fois 1 Cf. également : "Les techniques de la production vivrière, bien que rudimentaires, ont des vertus de conservation des sols, d'utilisation de l'espace et d'adaptation au milieu". "Le rôle des organisations populaires dans l'insertion des populations pauvres dans le développement rural", rapport préparé pour le compte de l'Institut de recherches et d'application des méthodes de développement, République-Unie du Cameroun,par S.N. Kassapu et N.D. Nany Amougou, t!lars, 1978. 2 jc Pauvert, ci-t., p. 100. Ci-té en exergue dans le livre de H.W. Schonmeier : "Agriculture in Co.nflict the Shambaa Case", Kilbel Poundation Series, Bensheim, RPA, 1977. Cet ouvrage rend compte de la réaction des paysans de la tribu Shambaa, en Tanzanie, qui, malgré les efforts d'introduction de nouvelles méthodes culturales, sont restés fermement attachés à leurs pratiques traditionnelles. 4 G. Gosselin : L'action du BDPA en pays G-beya, République centrafricaine, dans : Développement et tradition dans les sociétés rurales africaines, op. ci-t., p. 97. "Le mot technologie suggère invariablement l'idée de matériels, que ce soit sous forme d'usines, de machines, de produits ou d'infrastructures (routes, installations de stockage, systèmes de transport, etc.) ... La technologie va toutefois bien au-delà du matériel et comprend aussi ce que l'on pourrait appeler le "software" ôu l'immatériel, qui englobe les connaissances, le savoir-faire, lexpérience, l'enOCDE : La technologie appropriée, proseignement et les formes d'brganisation." blèmes et promesses, sous la direction de N. Jéquier, Paris, 1976, p. 23. - 53 - un moyen de vivre et un rôle social, des jeunes tentés d'aller chercher en ville un statut, hypothétique sans doute, mais qu'ils ne trouvent pas dans leur village. Dépendant, le jeune l'est en effet bien souvent dans sbn milieu traditionnel les relations du jeune adulte avec son père êgé peuent ocrniporter pour le premier des frustrations et entre les deux des sources d'antagonisme; ceci pose à nouveau le problème délicat déjà évoqué (point 5) de savoir si le pouvoir des "anciens" constitue, pour l'implantation de nouvelles technologies, un obstacle qu'il importe de contourner ou de réduire ou, au con-traire, un point d'appui. Le travail agricole - cela a été souvent dit - est un état et un mode de vie et non pas seulement une profession et le paysan est l'homme de la campagne, Tui qui est familier de la nature et non pas seulement le producteur ou l'exploitant agricole. Bien des attitudes, des modes de pensée, si éloignées des raisonnements logiques mais abstraits et des calculs économiques, s'expliquent ainsi. Les cécisions du travailleur rural se prennent peu à peu à travers des considérations multiples; leur application prend en compte les éléments de la situation et ne suit pas rigoireusement l'idée première, car l'action s'adapte aux circonsLa préoccupation principale du rural - ceci est probablement universel tances. est la sécurité. Le paysan redoute les situations d'instabilité (prix des produits) et se méfie des prévisions rigoureuses; parce que le monde extérieur est mal ma±trisé, les questions de commercialisation sont peu claires pour lui. Pour l'homme de la terre, les décisions se situent dans un système de valeur plus vaste - importance de la vie de famille, sens du patrimoine,1morale du travail, 0es aspects de respect de la vie et de la nature, solidarité avec le milieu la psychologie paysanne peuvent expliquer certaines réactions en face de l'innovation en général et de l'introduction de nouvelles techniques en particulier. Ce ne peut être sans adaptation progressive que l'achat de semences ou la vente de récoltes, par exemple, effectués auprès d'une coopérative ou d'un organisme étatique pourront se substituer totalement dans l'esprit du paysan à la tradition du marché qui représente ine aorte de rite, un contact et -une relation sociale et dans laquelle il trouve la aonfirnationd'un statut social. Il n'est pas surprenant qu'en raison des variations des prix et de l'éloignement des institutions qui s'occupent de la commercialisation ou de la vulgarisation agricoles, les paysans ne comprennant pas, même s'il s'agit de coopératives, "Dans 1esprit des paysan5,a noté quE'lle peut être leur part d'initiative. l'équipe de l'ORSPOM au Sénégal, "l'arachide est le domaine souverain de l'arc'est pourquoi on ne découvre pas facilement les lois de comportement bitraire l'uvachide devient de plus en plus -une spéculation, au sens boursier du terme, un inode2d'acquisition de l'argent qui parat relever du hasard au-tant que du : calcul" Il serait présomptueux d'espérer faire le tour en quelques pages d'un problème aussi vaste et aussi complexe, et les quelques observations qui précèdent n'y prétendent pas. Mais on peut cependant affirmer, avec les auteurs du rapport national du chad à la Conférence mondiale sur la réforme agraire et le dévelop"La connaissance du milieu humain est une donnée capitale dans pement rural7 l'établissement d'un programme de développement, tout particulièrement dans le secteur agropastoral. La méconnaissance de ce fait a conduit bien souvent à des échecs alors que l'entreprise était prévue dans de bonnes conditions techniques." : Dans l'introduction à l'ouvrage collpctif publié par l'OCDE et consacré à la "Il ne faut naturellement pas soustechnologie appropriée, N. Jéquier écrit estimer l'importance du matériel, mais si. l'attention porte exclusivement sur ce point, on risqu de négliger les énormes ressources potentielles dans le domaine de l'immtériel"." Le professeur Djibril Pall, de la Faculté des sciences de Dakar, : 1 0f. A. Boucharlat et B. Richard : La décision et le -travail des agriculteurs, dans Ergonomie et conditions de travail en agriculture, op. oit., pp. 196-197. 2 j Roch : Eléments d'analyse du système agricole en milieu wolof mouride l'exemple de Darou Rahmane II, dans Maintenance sociale et changement économique au Sénégal, op. oit., p. 35. 00DB : La technologie appropriée, op. oit., p. 26. Ibid. - 54 - insistait, dans un récent article consacré aux énergies nouvelles, sur "la nécessité de prendre en considération le côté socio-économique lié à la notion de besoin pour éviter les phénomènes de rejet nui, ici et là, jalonnent la récente histoire de leur introduction en milieu rural"'-. Loris d'un récent colloque, M. Tévoéjrè plaidait pour que soit "retrouvée la mémoire technologique dea peuples"'-. Cependant, il n'est pas aisé de départager ce qui est bénéfique pour la subsistance et le bien-être des populations rurales et ce qui est destructeur de leur culture et de leur équilibre. G. Gosselin conclut la série d'analyses de projets de développement rural dans 'q.uit pays d'Afrique au sud du Saiiara par ces observations pertinentes.: "Bien des sociétés africaines manifestent une cohérence et une fécondité qui dévoilent une véritable rationalité traditionnelle ... Mais la logique des expériences de développement analysées -- et celle de tout projet de déelôppement en tant que tel est une logique de rationalisation, qui tend à en±ra±ner dans une course indéfinie tous les niveaux de la réalité et tous les groupements d'une société donnée. Des forces productives elle pénètre dans les rapports de production, transforme les attitudes et les comportements et jusqu'aux systèmes de valeur eux-mêmes. Certes, l'introduction de l'argent dans une société ne suffit pas pour affirmer que cette société est fondée sur une économie monétaire. Nais celle-ci possède une logique inexorable qui mine peu à peu la vie ancienne et tend à créer.de nouveaux rapports sociaux, notamment une nouvelle stratification sociale'." Pour lui, la vie traditionnelle se présente davantage conime un obstacle au développement rural que comme un point d'appui. Pourtant, le philosophe écrivain Ahmadou Hampate Ba déplore la disparition "à un rythme effrayant" des valeurs de civilisation authentiquement négroafricaine "Même dans nos villages les plus reculés, il est aisé et consternant de constater que les valeurs culturelles qui ont toujours assuré l'équilibre séculaire de nos communautés de base sont en train de voler en éclats sous la poussée niveleuse d'une civilisation occidentale matérialiste ... Or. l'on ne dira jamais assez qu'un peuple non enraciné dans sa culture propre est un peuple fragile." Il conclut en souhaitant que "les Africains veillent patiemment à délimiter avec rigueur les couloirs d'aération - donc d'ouverture - par lesquels ces traditions doivent s'ouvrir aux courants culturels étrangers pour se régénérer. Car i» attachement borné à des traditions sclérosées est tout aussi dangereux que le manque de traditions culturelles vivaces". : Le Soleil, 5 octobre 1979. 2 Lors du colloque sur le thème "Les nations industrielles et 1_eS pays en développement sont-ils concurrents ou solidaires ?" organisé par le Service de liaison non gouvernemental àux Nations Unies, Le Monde, 25 octobre 1979. G. Gosselin, op. oit., p. 308. - 55 - CHAPITRE VI LA PARTIC1PI.0H .DES. .TBAVAITiTtURS. RURA.UX AUX CRAN EMIN TS Ti±XJliNOIOGIQUES QUI LES AFFET. Des conditions préseutes de travail et de vie des populations rurales dans les différents pays et les différentes zones de ces pays, du milieu socioue savons-nous exactement ? économique et culturel dans lequel elles vivent, Peu de choses, sinon que ces populations subsistent avec difficulté, en proie à la faim et à la crainte du lendemain. Peu de choses, et cela s'explique en raiLes efforts qui ont son de l'extrême diversité des situations et des cultures. été menés jusqu'ici n'ont-ils pas souvent souffert d'un excès de simplisme, d'une trop grande confiance dans des techniques et des méthodes toutes faites, conçues comme des remèdes universels ? Et si les résultats sont si décevants, si les changements technologiques paraissent si difficilement adoptés par les populations rurales, n'est-ce pas par défaut de paxticipation de celles-ci ? De plus en plus nombreux sont ceux qui le pensent, et pas seulement parmi ceux qui font profession de s'occuper du "social". Lors d'un récent congrès de la Société des ingénieurs et techniciens du machinisme agricole, les participants ont constaté "l'échec de la motorisation lourde, parfaitement inadaptée aux conditions générales des pays en voie de développement" et le peu de progrès de la petite mécanisation; ce échecs, constatent-ils, "ont freiné le développement des populations rurales coucernées". L'un des orateurs a estimé qu'il fallait,"pour résoudre ces problèmes de mécanisation, repartir sur de nouvelles bases et voir ce qui est souhaitable L'intérêt financier de firmes commerciales soucieuses pour ces populations"1. de s'assurer de nouveaux marchés a accentué cette tendance dont on se rend maintenant compte qu'elle était erronée. Ceci ne veut malheureusement pas dire que la nouvelle voie soit aisée, ce qui serait faire preuve d'une autre forme li sme. Dans un Un aspect élémentaire de la participation est l'explication. certain nombre de cas, il sembl'e qu'elle ait fait défaut ou n'ait pas été suif isante; c'est ainsi qu'en Haute-Volta, selon R. Dumont, la construction, le long des collines, de banquettes parallèles aux courbes de niveau et destinées à arrêter l'érosion n'a pas été enretenue par les paysans qii semblent n'avoir pas compris l'intérêt de l'opération . L'éducation ne s'improvise pas et elle implique une certaine connaissance du destinataire; comme l'écrit le P. Dubin, Directeur général "Pour enseigner les mathématiques à Jean, il faut nonseulement conde 1'INADES naître les mathématiques mais aussi et surtout bien connaître Jean"-' et il fait appel pour son programme de formation à des agronomes, des économistes, des ethnosociologues et des pédagogues. : Dans un chapitre entièrement consacré à lacquisition de la technologie, les auteurs d'un rapport qui sera prochainement publié par l'organisation de la mise en valeur du fleuve Sénégal estiment que, dans le cas d'ine technologie totalement nouvelle (la culture irriguée en l'occurrence) à mettre en place, le processus la predacquisition par. le.a populations concernées doit comporter deux phases mière est une phase d'initiation, au cours de laquelle les populations se famiil peut être liarisent avec les techniques; le r8le de l'encadrement est variable considé'able si lagent d'encadrement paie de sa personne et s'il possède une praencore ei vigueur contritique approfondi&'; les formes buent à faciliter le transfert d'expériences de périmètre à périmètre. La deuxième : 1 Bulletin de liaison de la Société des ingénieurs et techniciens du machinisme agricole, mai 1979. 2 R. Dumont, op. cit., p. 296. 3 L'éducation, technologie appropriée pour le développement rural, P... ubin. dans La technologie appropriée, op. cit., p. 337. 4 Les auteurs soulignen1 le rôle du "périmètre encadré" animé par l'assistance "l'initiation à la technologie a été remartechnique chinoise à cuédé, au Sénégal quablement efficace parce qu'effectuée par des cadres possédant une pratique approfondie; les rendements exceptionnels ont fait de ce périmètre un centre de rayonneLe développement des périmètres irrigués encadrés par la SAED au OMV nient". Sénégal, étude à paraître, chapitre VI. : - 56 - étape est une phase d'appropriation de la technologie, au cours de laquelle se développe progressivement la compréhension des raisons de la nouvelle technologie et un sens de la mattrise de celle-ci, qui permet l la population de l'adapter aux contraintes sociales spécifiques de chaque milieu villageois. J'. Bugnicourt, Directeur de l'ENDA, raconte qu'au Togo la taille des caféiers se heurtait à de fortes résistances; au cours d'une conversation avec des paysans, le plus âgé lui indique que, même si l'enseignement est plus long, "ils veulent q'on leur explique ce qui se passe" à propos de la circulation de la sève. J. Bugnicourt conclut "0es paysans-là avaient fort bien exprimé ce que beaucoup souhaitent, c'est-à-dire ne pas se limiter à un geste fragmentaire, pas plus que les ouvriers d'autres continents n'acceptent de s'enfermer dans une cadence aux gestes automatiques et sans signification ... La compréhension de techniques et itétude de ces systèmes, à partir des facteurs du milieu, créent les conditions d'un déreloppement autocentré, fonction du pays lui-même, et non reflet d'un pays On constate ainsi qu'une pédagogie bien cozaprise fait appel à la partici3. Trop souvent pourtant, dans le passé, le paysan était un peu oublié; les pation. projets de développement rural prenaient en considération les impératifs de rentabilité, à l'exclusion de toute autre considération, et l'agriculteur n'était vu que comme un producteur, donc un exécutant qu'il convenait d'initier et de plier aux C'est ainsi que la vulgarisation, selon impératifs d'une agriculture "0e qu'on vulgarise est G.0. Clark, souffre presque toujours d'un grave défaut considéré comme prêt pour la dissémination et correspond à l'intérêt de la majorité des paysans. Nous, nous avons la réponse à leurs besoins, et le seul problème c'est de la leur transmettre voilà, à mon avis, où réside le mal2." : La réaction est très nette, quoique récente. Un article sérieux, écrit par un ingénieur agronome, P. Spitz, Directeur de recherches à l'UNRISD3, était inti"Cessons de prendre les paysans pour des imbéciles". N. Théodore Schultz, tulé "Les sysprix Nobel d'économie, développe dans ses ouvrages sa thèse principale tèmes agricoles traditionnels sont parfaitement logiques et cohérents avec l'analyse économique la plus classique. Aucun argument ne permet de penser que les paysans - même illerés - sont inaccessibles au raisonnement logique. Au contraire, l'observation précise de leurs comportements montre que, compte tenu des contraintes auxquelles ils sont soumis, ils maximalsent, comme de bons économistes, leurs satisfactions et minimisent leurs efforts"." "Le paysan ne doit pas être un assisté" déclarait récemment M. B. Coly, Directeur général de la Société d'aménagement et d'exploitation des terres du delta du fleuve Sénégal, et lors d'une tôurnée le "Il faut faire confiance ministre sénégalais du Développement rural affirmait aux paysans". : : II est d'ailleurs actuellement généralement reconnu que les projets qpi s'étendent sur de grands périmètres ne sont pas rentables car les paysans se désintéressent des activités agricoles. Une confrontation entre cadres techniques et administratifs de programmes d'aménagement, originaires de dix pays africains, a abouti ayant constaté que de nombreuses à un certain nombre de conclusions instructives actions de développement se traduisaient par des "spirales descendantes", c'est-àdire "des situations dans lesquelles les bénéficiaires supposés des projets sont intégrés progressivement dans des circuits économiqes qu'ils contrôlent de moins inconsidérée de technologies transen moins", ils souhaitent, face à férées mimétiquement", une "alternative technologique qui réponde mieux aux besoins foxidamentaux"; le problème est alors de savoir tqui va exprimer ces besoins" : 1 J. Bugnicourt avril 1977. : "Des paysans sexprjrnentI, Famille et développement, n0 10, 2 G.C. Clarlç La vulgarisation ag;i.c.o3e. ,:. un nouveau regard est nécessaire, dans Formation pour l'a&riculture et le développement rural., publication FAO-BITUNESCO, 1978, nO 14. G-.D. Clark est conseiller régional des institutions rurales pour la vulgarisation agricole à la PAO. 3 Institut de recherche des Nations Unies pour le développement social, à enève. 4 Les prix Nobel d'économie Le Monde, 23 octobre 1979. Denis. Bergman logie. en dehors des carcans de l'idéo- - 57 - "c'est à de nouveaux types de relations, entre techniciens, enseignants, adminisces relations doivent être trateurs et sociétés paysannes que l'on doit en "plus fréquentes et plus égalitaires" entre techniciens et paysans; pour qu'une telle démarche réussisse, il est nécessaire d'admettre "que les paysans peuvent avoir raison, même pour des questions techniques", et de reconnattre que le fait que les décisions finales ne soient pas prises par les paysans "constitue probablement un des obstacles majeurs à la créativité paysanne"1. 5fljI C'est un point de vue analogue que présente M. P. Spitz2 lorsqu'il écrit que le système de vulgarisation agricole est trop souvent une réplique stérile des modèles occidentaux, de nature à tuer la créativité locale. "Un développement agricole équilibré", estime-t-il, "n'est possible que 5tj1 y a un vrai dialogue, une vraie collaboration entre le scientifique et le paysan. Les scientifiques doivent être, non pas convaincus de la supériorité écrasante de leur savoir agronomique, mais convaincus de la richesse du savoir-faire des paysans, qui a, bien "Il ne s'agît pas" ajoute-t-il, "d'un retour sr, ses limites et ses faiblesses". nostalgique vers le passé, mais d'une recherche extrêmement sophistiquée ... conCar, explique-t-il, duite dans une structure participative, scientifiques-paysans". l'agronomie est une science encore primitive; aussi le remplacement d'une agriculture complexe par une monoculture constitue-t-il pour les techniciens une solution de facilité qui, en outre, correspond à des intérêts économiques en faveur des cultures d' exportation. d'une part, elle constitue un !inSi, la participation a plusieurs mérites henin essentiel de tout individu (le dernier, mais non le moindre, de l'énuméra-Lion du BIT); d'autre part, elle est de nature à mobiliser l'énergie et l'adhésion des populations rurales, ce qui est en soi un gage de succès dfle politique de développement rural; elle permet en outre de révéler des compétences techniques souvent négligées. Ajoutons (comme cela a été évoqué plus haut) que, sans amélioration des conditions d'existence des populations rurales, but du développement, on ne peut atteindre à une meilleure rentabilité des campagnes. : Il reste à définir ce que peuvent être ces structures participatives, et 4. Le BIT vient de pu11ier un rapport consacré à c ceci est un problème difficile. sujet ("Organisation et participation des employeurs et des travailleurs ruraux"-'), ce qui nous dispensera de développer ce point; on se limitera à indiquer quatre voies possibles, qui sont moins des systèmes définis que des orientations, petitêtre des philosophies de la participation L'OIT a toujours préconisé et encouragé l'organisation des travailleurs a) ruraux. Plusieurs normes internationales ont, à ce sujet, été adoptées. Pour les organisations s'en tenir aux plus récentes, la convention (n° 141), de travailleurs ruraux et leur rôle dans le développement économique et social", adoptée en 1975, dispose, pour toutes les catégories de travailleurs ruraux, le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur propre choix et de s'y affilier; elle prévoit aussi l'encouragement actif de l'Etat à la croissance et aux activités légitimes de ces organisations, la suppression des discriminations et autres obstacles juridiques ou administratifs a leur croissance, et la prise de mesures tendant à promouvoir la plus large compréhension de la nécessité de les développer. 1 ENDA Compte rendu de la session de formation sur le recours aux technologies combinées pour l'écodéveloppement au Sahel occidental, 4-15 janvier 1977, organisée à Dakar par le Secrétariat d'Etat à la promotion humaine, Sénégal; l'Institut international de recherche et de formation (IRFED), Paris; l'Ecole nationale d'économie appliquée, Dakar; l'Internationale africaine des forces pour le développement, Dakar; et l'ENDA, Dakar. ENDA/EV/8587, pp. 3, 4 et 18. 2 Op. oit., dans La presse économique, supplément de la Tribune de Genève, 22-23 septembre 1979. Rapport n0 3 pour la Commission consultative du développement rural, ACRD/IX/l979/III. - 58 - la recoimnandation n0 149 préconise d'associer les travailleurs ruraux au développement économique et social par l'intermédiaire d'organisations vigoureuses et indépendantes, capables de les faire participer à "laformulation, l'exécution et l'évaluation des programmes de développement rural et à la planification naElle recommande aussi de mettre tionale à tous les stades et à tous les ces organisations en mesure de favoriser et d'assurer l'accès des travailleurs ruraux à des services tels que le crédit, l'approvisionnement, la commercialisation et les transports, ainsi qu'aux services technologiques, et de jouer un rôle actif dans l'amélioration de l'éducation et de la formation générales et professionnelles dans les régions rurales, notamment en ce qii concerne les activités des organisations de travailleurs ruraux. être présenté; dans plusieurs b) Le mouvement coopératif est trop connu pour pays d'Afrique il s'est implanté avec succès; une contribution particulière est consacrée aux relations entre le changement technologique et les conditions de travail et de vie des populations rurales dans le cadre coopératif. Le problème de la participation des populations et des communautés villao) geoises au développement économique et social fait l'objet de l'ouvrage de G. Gosselin-. Ayant examiné huit programmes de développement, il présente une pour lui, les structures, fonctions et valeurs traditionconclusion prudente nelles se présentent davantage comme des obstacles que comme des points d'appui; ceci n'implique, précise-t-il, aucun jugement de valeur sur ces structures et ces traditions, mais, estime-t-il, "si l'on désire poursuivre avec cohérence et efficacité une réforme du monde rural africain, un jour viendra où il faudra choisir entre la protection des traditions ou le conformisme d'une fausse réforme et l'opposition à certains groupes sociaux qui paralysent ou utilisent à leur seul profit les réformes entreprises". Aussi estime-t-il que si, dans un premier temps, il peut être utile de miser sur le dynamisme des catégories dominantes de la société traditionnelle, il faudra ensuite s'appuyer sur les catégories dominées (jeunes femmes); ces deux premières phases sont conçues pour rendre possible une troisieme phase, qui est celle de la participation des collectivités, notamment sous la forme coopérative. : Sur la même question, un point de vue différent est exprimé par Guy Belloncle, dans un ouvrage récent. Exprimant une opinion très voisine de celles qui ont été rappelées dans la première partie de ce chapitre, notamment celle des cadres africains de développement réunis à l'ENDA3, il estime que la conception se reposant entièrement sur un "encadrement" aussi dense que possible elle est conteuse de jeunes vulgarisateurs est la source de beaucoup dtéchecs l'attitude autoritaire, sinon méprisante, et, surtout, inefficace, en raison de adoptée souvent par les jeunes vulgarisateurs qui, en outre, insuffisamment formés, ne sont pas capables d s'adapter à la situation particulière de chacun. Une autre erreur consiste, selon lui, à sappuyer sur des paysans "pilotes" ou une "leaders", en espérant que la diffusion s'opérera ensuite en tache d'huile considéBelloncle, en Afrique, à des obstacles telle méthode se heurte, selon G. l'innovateur isolé est suspect au reste de la communauté et il apparaît rables vite comme un "déviant" sinon comme un traître. Aussi préconise-t-il, tout à l'inverse, une méthode basée sur une pédagogie de groupe - car, en Afrique, l'innovation, pour se propager, doit rester collective - où l'attitude de l'encadrement devra être radicalement modifiée pour faire en sorte que les techniciens soient au service des paysans et où, enfin, l'analyse de la situation et la recherche des solutions seront globales au lieu de fractionner les thèmes techniques, comme le fait la pédagogie de la vulgarisation. Enfin, pour faire adopter par le désigne en son sein groupe le innovations techniques, il convient que le groupe les paysans les plus aptes, qui en seront en quelque sorte les délégués. Il conclut son ouvrage en estimant que les paysans africains ont une étonnante faculté "L'Afrique des villages ... est capable des mutations les plus prod'adaptation à la seule condition qu'elle en connaisse les finalités et qu'elle puisse fonde en conserver la maîtrise." a) : : : 1 Développement et tradition dans les sociétés rurales africaines. 2 Quel développement rural pour l'Afrique noire ? africaines, Dakar - Abidjan, 1979. 3 Ci-dessus, point 3. Op. cit. les Nouvelles éditions - 59 CONCLUSION "La technologie doit être regardée comme devant être au service des1objectifs sociaux et économiques et non comme devant les commander." P. Blanchard "Les paysans, ce sont les racines .. C'est bien comme dans la forêt. Quand tu vois un arbre, ce que tu vois d'abord ce sont toutes les feuilles. Il faut t'approcher beaucoup pour voir lesfruits et les racinesqi sont dans la terre. 2 Ils sont cachés, et pourtant ce sont les plus importants." Une paysanne ivoirienne On se bornera ici à présenter qielqie,s brèves remarques finales. En s'interrogeant sur les relations entre les changements technologiques et les conditions de travail et de vie, on n'a pas évoqué des phénomènes tels que les termes des échanges commerciaux, qui ne sont pas sans incidences sur la condition des populations rurales mais sont en dehors du sujet traité; on rappellera "Il est évident ue la seulement ici la position du Directeur général du BIT stratégie des besoins essentiels et l'amélioration de la position des pays en voie de développement dans les relations économiques internationales ne constituent en aucun cas de solutions alternatives ou contradictoires mais sont au contraire complémentaireS." : Il est nécessaire de connaltre les interrelations entre les changements technologiques et les conditions de travail et de vie des travailleurs ruraux. En définitive, il s'agit, non seulement de s'interroger sur les incidences des changements de technologie sur les conditions de travail et de vie des travailleurs ruraux, mais aussi, et peutêtre surtout, d'examiner comment cellesci devraient à leur tour influer sur le choix des technologies. S'intéresser aux conditions de travail et de vie des populations rurales, ce n'est pas seulement tenter de résoudre les problèmes du développement rural ni ceux de l'alimentation des populations des villes, c'est aussi contribuer à freiner la croissance rapide des villes, aLimentée par l'exode rural. 1 Introduction à l'ouvrage de P. Blanchard, Directeur général du BIT, in Technologies for basic needs, BIT, Genève, 1977. H. Singer 2 Cité par A. Provent et P. de Ravignan, op. oit., p. 102. 3 "Une stratégie des besoins essentiels pour l'Afrique", rapport à la cinquième Conférence régionale africaine d'Abidjan, 1977, p. 3.