soin de soi - Femme Majuscule

Transcription

soin de soi - Femme Majuscule
Prendre
soin de soi
couple
Saison 2
On s’est aimés, on s’est quittés et…
on s’est retrouvés ! Parfois, le tourbillon
de la vie nous fait jouer un deuxième
acte avec notre premier compagnon.
Par Bernadette Costa-Prades
Illustrations Deligne / Iconovox pour Femme Majuscule
A
priori, si nous nous étions séparés, c’est que rien n’allait plus…
Comment expliquer que rejaillisse le feu de l’ancien volcan
qu’on croyait trop vieux ? « Certains couples se séparent pour de
mauvaises raisons, ils se rendent compte une fois seuls qu’ils ont fait
une erreur, qu’ils se sont quittés pour des points secondaires alors que
l’essentiel n’était pas en jeu », analyse la psychanalyste Catherine
Bensaïd (1). Le témoignage de Pauline va dans ce sens : « Quand Pierre a pris sa retraite,
il était tout le temps sur mon dos, il contrôlait tout ce que je faisais, c’était devenu insupportable.
Je l’ai quitté, pris un appartement mais, au fil du temps, je me suis rendue compte que si nous
nous pourrissions la vie au quotidien, nous nous aimions toujours, il me manquait terrible­
ment ! » Parfois, il faut s’éloigner pour prendre conscience du prix de la relation.
La cinquantaine, la retraite, le départ des enfants, bref, tout changement extérieur
vient perturber l’équilibre du couple, auquel s’ajoute le fameux démon de midi,
aujour­d’hui partagé par les hommes et les femmes. « Quand je suis partie, je pensais
que la vie allait être formidable, que j’allais sortir, rencon­
trer du monde. En fait, rien ne s’est passé comme je l’avais
imaginé et la seule personne qui était là, c’était lui ! Au bout
de trois ans, je suis rentrée chez nous », poursuit Pauline.
Il est clair que cette soif de liberté, de séduction, peut
nous conduire à prendre la poudre d’escampette, alors
que les sentiments sont toujours là. « J’ai beaucoup de
patients qui quittent leur partenaire et le regrettent un an plus tard. Ils ont fait une crise d’ado­
lescence et reviennent au bercail », constate la psychanalyste Elsa Godart (2). Bien sûr,
pour que ce retour soit possible, il ne faut pas s’être dit des horreurs, avoir abîmé la
relation par manque de respect, comme Julien, qui a lancé à son ex-femme « J’ai per­
du vingt ans de ma vie avec une guenon et une mégère » et aimerait revenir aujourd’hui…
Inou­bliable­. « Peut-être n’est-il pas si mal de se séparer avant d’en arriver à la haine, par
estime pour la relation passée ? Ceux qui arrivent à se retrouver n’ont pas franchi la ligne de
Mars-Avril 2015 - Femme Majuscule - 105
Prendre
soin de soi
l’impardonnable », explique ­Catherine ­Bensaïd­. L’ingrédient indispensable encore ?
Avoir tiré un bilan honnête de ce qui a conduit à la rupture. « L’avantage de la sépara­
tion est d’avoir permis une distance qui facilite l’autocritique, qu’on a du mal à faire lorsque
l’on est collés l’un à l’autre dans le ressentiment », souligne encore Elsa Godart. Sans ce
travail, les chances de succès sont quasiment nulles, comme l’a expérimenté Norma :
« Au bout d’un an et sans avoir rien discuté, rien élaboré, nous sommes retombés dans les bras
l’un de l’autre, mais cela n’a pas duré, d’autant que Christian ne cessait de me menacer de s’en
aller dès qu’il y avait une baisse d’intensité entre nous. » On ne peut effacer l’ardoise que
lorsqu’elle n’est pas trop lourde.
Si la séparation offre une occasion de repartir sur de nouvelles bases, c’est à un certain nombre de condi­tions. « Même si chacun a évolué de son côté, il faut impérativement
que le fonctionnement ancien du couple soit modifié, sinon les soucis antérieurs ne vont pas
tarder à revenir », prévient la psychanalyste. Ainsi, on se rend compte aujourd’hui
que les hommes comme les femmes ont besoin de se sentir libres plutôt que d’être
marion 58 ans
« Nous sommes
redevenus amants,
comme aux
premiers temps »
Nous avons vécu 18 ans
sans infidélité. Pour
pouvoir se retrouver, il
faut une belle histoire
d’amour. Quand mon
mari m’a quittée pour
une autre femme,
j’avais un sentiment
d’inachèvement,
je pensais que la
nôtre ne pouvait
pas s’arrêter sur une
banale tromperie.
Je suis tombée de
haut, mais un constat
s’imposait : nous
nous étions endormis,
nous n’avions plus de
curiosité l’un pour
l’autre. Je m’étais dit
qu’un couple connaît
forcément des hauts et
des bas, je faisais le dos
rond. Trop sans doute,
car cette stratégie
empêche de se remettre
en question ! Au
moment de la rupture,
nous avons voulu
protéger notre fils.
J’ai tout fait aussi pour
rester élégante dans
nos relations, on ne
s’est pas insultés, on n’a
pas été mesquins sur
les questions d’argent.
Le maltraiter, c’était
me renier, je n’avais
pas vécu pendant
toutes ces années avec
un abruti… Quand il
est parti, j’ai constaté
106 - Femme Majuscule - Mars-Avril 2015
Flavie Flament
consacrera
son émission
On est fait pour
s’entendre à
« Se remettre
avec son ex »
le mercredi
11 mars
de 15 h à 16 h
libres. « Plus le couple donne le sentiment d’être un lieu d’en­
fermement, plus il est en danger. Beaucoup rompent juste
parce qu’ils avaient besoin de sortir du cadre qui les étouffait.
En amour, il ne faut jamais confondre être et avoir », met en
garde Elsa Godart. Or, quand les enfants sont grands,
on n’a plus rien à se prouver, moins besoin de la sécurité du couple, c’est l’occasion de rebâtir une relation
plus saine, plus respectueuse des désirs de chacun. « Nous n’avons jamais été aussi
heureux. C’est une nouvelle passion, où nous restons vigilants, nous avons trop souffert de la
séparation. Aujourd’hui, nous n’avons plus de temps à perdre, nous voulons tout simplement
être heureux », conclut Pauline. D’ailleurs, Patricia Delahaie (3), psychosociologue, est
persuadée que l’objectif du couple est de fabriquer du bonheur ensemble. « Bien sûr,
il faut tirer les leçons du passé, mais cela ne sert à rien de passer son temps à gratter les plaies.
Je crois plus aux vertus positives de lister les plaisirs pris ensemble et de s’appuyer sur les bons
moments pour reconstruire son couple. »
que je pouvais vivre
seule sans m’effondrer.
Aujourd’hui, nous
ne vivons pas
ensemble, mais il a
pris un appartement
à 300 mètres de chez
moi. On va au restau,
on se fait des petits
week-ends, en fait nous
sommes redevenus
amants, comme aux
premiers temps. Notre
fils est élevé, on ne
revivra pas ensemble
pour lui. Cela durerat-il un an, dix ans ? Je
vis cet amour au jour
le jour, je ne fais aucun
plan pour l’avenir, c’est
sans doute trop tôt.
Attention, il ne faudrait pas toutefois laisser penser que la rupture est la solution à
tous les maux ! C’est toujours un pari risqué, à ne tenter que lorsque toutes les cartouches pour se faire entendre ont été épuisées. « On ne sait jamais comment les cho­
ses vont é­vo­luer et le couple prend le risque que l’un des deux rencontre une autre personne »,
met en garde cette spécialiste. Liliane rapporte une jolie anecdote à ce propos :
« ­Robert avait rencontré une femme, mais au lieu de lui donner son numéro de téléphone,
c’est le mien qu’il a donné ! Elle a été très surprise de tomber sur moi. » Un acte manqué…
réussi, puisqu’il les a conduits à renouer. Laissons le dessinateur Wolinski, qui a
formé un couple heureux pendant 46 ans avec sa femme, Maryse, nous livrer sa
leçon de sagesse : « Je préfère vivre mille vies différentes avec une seule femme que la même
vie avec des femmes différentes. » Hommage à un homme qui, en amour, n’a voulu
jouer qu’une seule saison. ✦
1. Auteure de Qui aime quand je t’aime ? éd. Pocket. 2. Auteure de Ce qui dépend de moi, éd. Albin Michel.
3. Auteure de Comment s’aimer toujours ? Leduc.s Éditions.
« Il faut que le
fonctionnement
ancien soit modifié,
sinon les mêmes
soucis ne vont pas
tarder à revenir »
Elsa Godart, psychanalyste