Définition de l`esclavage par Diderot et d`Alembert

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Définition de l`esclavage par Diderot et d`Alembert
Définition de l’esclavage par Diderot et d’Alembert
Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, article « esclavage » du chevalier de
Jaucourt, 1755. Extraits.
« Après avoir parcouru l’histoire de l’esclavage, nous allons prouver
qu’il blesse la liberté de l’homme, qu’il est contraire au droit naturel et
civil, qu’il choque les formes des meilleurs gouvernements, et qu’enfin
il est inutile par lui-même .
La liberté de l’homme est un principe qui a été reçu longtemps avant la
naissance de Jésus-Christ, par toutes les nations qui ont fait profession de
générosité. La liberté naturelle de l’homme c’est de ne connaître
aucun pouvoir souverain sur la terre et de n’être point assujettie à
l’autorité législative de qui que ce soit, mais de suivre seulement les lois
de la Nature : la liberté dans la société est d’être soumis à un pouvoir
législatif établi par le consentement de la communauté, et non d’être sujet
à la fantaisie, à la volonté inconstante et arbitraire d’un seul
homme en particulier.
Cette liberté par laquelle on n’est point assujetti, est un pouvoir absolu,
elle est unie si étroitement avec la conservation de l’homme, qu’elle n’en
peut être séparée que par ce qui détruit en même temps sa conservation et
sa vie. Quiconque tâche donc d’usurper un pouvoir absolu sur quelqu’un, se
met par là en état de guerre avec lui, de sorte que celui-ci ne peut
regarder le procédé de l’autre que comme un attentat manifeste contre sa
vie. En effet, du moment qu’un homme veut me soumettre malgré moi à son
empire, j’ai lieu de présumer que si je tombe entre ses mains, il me traitera
selon son caprice et ne se fera pas scrupule de me tuer, quand la fantaisie lui
en prendra. La liberté est, pour ainsi dire, le rempart de ma conservation,
et le fondement de toutes les autres choses qui m’appartiennent. Ainsi, celui
qui dans l’état de la nature, veut me rendre esclave, m’autorise à le
repousser par toutes sortes de voies, pour mettre ma personne et mes biens
en sûreté.
1 Tous les hommes ayant naturellement une égale liberté, on ne peut les
dépouiller de cette liberté, sans qu’ils y aient donné lieu par quelques
actions criminelles. (…)
Les peuples qui ont traité les esclaves comme un bien dont ils peuvent
disposer à leur gré, n’ont été que des barbares. »
L’ESCLAVAGE –(CHRONOLOGIE)
XVII E SIECLE
1635
Colonisation de la Martinique et de la Guadeloupe.
1647
La France s’établit dans les îles Mascareignes, dans l’océan
Indien.
1660
Révolte d’esclaves en Martinique.
1661
Jean-Baptiste Colbert entre au service de Louis XIV.
1664
Colbert crée la Compagnie des Indes orientales, une société de
commerce qui a le monopole des échanges avec l’Asie.
1673
La France s’engage dans la traite des Noirs.
1674
La France colonise l’île Bourbon (actuelle île de La Réunion).
2 1677
La France s’établit en Guyane.
1685
Colbert met en place Le Code noir, promulgué pour encadrer le
système esclavagiste.
1694
Le prêtre dominicain Jean-Baptiste Labat s’installe aux
Antilles.
XVIIIE SIECLE
1715
Le père Labat commence à rédiger son Voyage aux îles
françaises de l’Amérique.
1793
Abolition de l’esclavage à Saint-Domingue (future Haïti), sous la pression
de Toussaint Louverture.
1794
LA CONVENTION VOTE L’ABOLITION DE L’ESCLAVAGE.
XIXE SIECLE
1802
Napoléon rétablit l’esclavage et envoie, deux ans plus tard, ses
armées pour rétablir l’ordre colonial aux Antilles.
1837
Le père mariste Pierre Chanel débarque à Futuna.
1841
Le père Chanel meurt en martyr, tué par le gendre du roi de
Futuna.
3 1842
Tahiti devient un protectorat français.
1848
La loi Schoelcher abolit l’esclavage dans les Antilles françaises.
1853
Napoléon III décrète la mise en place du travail forcé dans les colonies.
1853
La France conquiert la Nouvelle-Calédonie.
1855
Exposition universelle de Paris : les visiteurs découvrent les
premiers pavillons coloniaux.
1880-1884
LES LOIS FERRY RENDENT L’ECOLE GRATUITE, LAÏQUE ET OBLIGATOIRE
POUR TOUS LES CITOYENS DE LA FRANCE ET DE SON EMPIRE .
XXE SIECLE
1931
Exposition coloniale internationale et des pays d’outre-mer au
bois de Vincennes.
1946
Avec la loi du 19 mars, les quatre vieilles colonies (Guadeloupe,
Martinique, Réunion et Guyane française) deviennent des départements
français : les DOM.
1950
Publication du Discours sur le colonialisme, d’Aimé Césaire.
1988
Signature des accords de Matignon sur la Nouvelle-Calédonie le 26 juin.
1997
Publication du Traité du Tout-Monde, d’Édouard Glissant.
4 1998
Avec l’accord de Nouméa, l’identité kanake est reconnue. La NouvelleCalédonie évolue comme collectivité territoriale.
XXIE SIECLE
2001
La loi Taubira reconnaît les traites négrières et l’esclavage
comme crimes contre l’humanité.
Le code noir
Le Code Noir est promulgué en 1685 par Louis XIV.
Extraits.
Art. 2
Tous les esclaves qui seront dans nos îles seront baptisés et instruits dans
la religion catholique, apostolique et romaine. Enjoignons aux
habitants qui achètent des nègres nouvellement arrivés d'en avertir dans
huitaine au plus tard les gouverneurs et intendant des dites îles, à peine
d'amende arbitraire, lesquels donneront les ordres nécessaires pour les
faire instruire et baptiser dans le temps convenable.
Art. 6
Enjoignons à tous nos sujets, de quelque qualité et condition qu'ils
soient, d'observer les jours de dimanches et de fêtes, qui sont gardés
par nos sujets de la religion Catholique, Apostolique et Romaine.
Leur défendons de travailler ni de faire travailler leurs
esclaves auxdits jours depuis l'heure de minuit jusqu'à l'autre minuit à la
culture de la terre, à la manufacture des sucres et à tous autres ouvrages, à
5 peine d'amende et de punition arbitraire contre les maîtres
et confiscation tant des sucres que des esclaves qui seront surpris par nos
officiers dans le travail.
Art. 7
Leur défendons pareillement de tenir le marché des nègres et de toute
autre marchandise aux dits jours, sur pareille peine de confiscation des
marchandises qui se trouveront alors au marché et d'amende
arbitraire contre les marchands.
Art. 9
Les hommes libres qui auront eu un ou plusieurs enfants de leur
concubinage avec des esclaves, ensemble les maîtres qui les auront
soufferts, seront chacun condamnés en une amende de 2000 livres de
sucre, et, s'ils sont les maîtres de l'esclave duquel ils auront eu les dits
enfants, voulons, outre l'amende, qu'ils soient privés de l'esclave et des
enfants et qu'elles et eux soient adjugés à l'hôpital, sans jamais pouvoir
être affranchis. N'entendons toutefois le présent article avoir lieu lorsque
l'homme libre qui n'était point marié à une autre personne durant son
concubinage avec son esclave, épousera dans les formes observées par
l'Eglise ladite esclave, qui sera affranchie par ce moyen et les enfants
rendus libres et légitimes.
Art. 12
Les enfants qui naîtront des mariages entre esclaves seront
esclaves et appartiendront aux maîtres des femmes esclaves et non à
ceux de leurs maris, si le mari et la femme ont des maîtres différents.
Art. 13
Voulons que, si le mari esclave a épousé une femme libre, les enfants,
tant mâles que filles, suivent la condition de leur mère et
soient libres comme elle, nonobstant la servitude de leur père, et que,
si le père est libre et la mère esclave, les enfants soient esclaves
pareillement.
6 Art. 15
Défendons aux esclaves de porter aucunes armes offensives ni de gros
bâtons, à peine de fouet et de confiscation des armes au profit de celui qui
les en trouvera saisis, à l'exception seulement de ceux qui sont envoyés à
la chasse par leurs maîtres et qui seront porteurs de leurs billets ou
marques connus.
Art. 16
Défendons pareillement aux esclaves appartenant à différents maîtres
de s'attrouper le jour ou la nuit sous prétexte de noces ou autrement,
soit chez l'un de leurs maîtres ou ailleurs, et encore moins dans les grands
chemins ou lieux écartés, à peine de punition corporelle qui ne pourra
être moindre que du fouet et de la fleur de lys ; et, en cas de
fréquentes récidives et autres circonstances aggravantes, pourront
être punis de mort, ce que nous laissons à l'arbitrage des juges.
Enjoignons à tous nos sujets de courir sus aux contrevenants, et de les
arrêter et de les conduire en prison, bien qu'ils ne soient officiers et qu'il n'y
ait contre eux encore aucun décret.
Art. 22
Seront tenus les maîtres de faire fournir, par chacune semaine, à leurs
esclaves âgés de dix ans et au-dessus, pour leur nourriture, deux pots et
demi, mesure de Paris, de farine de manioc, ou trois cassaves pesant
chacune 2 livres et demie au moins, ou choses équivalentes, avec 2 livres
de boeuf salé, ou 3 livres de poisson, ou autres choses à proportion: et
aux enfants, depuis qu'ils sont sevrés jusqu'à l'âge de dix ans, la moitié des
vivres ci-dessus.
Art. 28
Déclarons les esclaves ne pouvoir rien avoir qui ne soit à leurs
maîtres ; et tout ce qui leur vient par industrie, ou par la libéralité d'autres
personnes, ou autrement, à quelque titre que ce soit, être acquis en pleine
propriété à leurs maîtres, sans que les enfants des esclaves, leurs pères et
mères, leurs parents et tous autres y puissent rien prétendre par
7 successions, dispositions entre vifs ou à cause de mort ; lesquelles
dispositions nous déclarons nulles, ensemble toutes les promesses et
obligations qu'ils auraient faites, comme étant faites par gens incapables de
disposer et contracter de leur chef.
Art. 33
L'esclave qui aura frappé son maître, sa maîtresse ou le mari de sa
maîtresse, ou leurs enfants avec contusion ou effusion de sang, ou au
visage, sera puni de mort.
Art. 38
L'esclave fugitif qui aura été en fuite pendant un mois à compter du jour
que son maître l'aura dénoncé en justice, aura les oreilles coupées et
sera marqué d'une fleur de lys sur une épaule ; s'il récidive un autre
mois à compter pareillement du jour de la dénonciation, il aura le jarret
coupé, et il sera marqué d'une fleur de lys sur l'autre épaule ; et, la
troisième fois, il sera puni de mort.
Art. 44
Déclarons les esclaves être meubles et comme tels entrer dans la
communauté, n'avoir point de suite par hypothèque, se partager également
entre les cohéritiers, sans préciput et droit d'aînesse, n'être sujets au
douaire coutumier, au retrait féodal et lignager, aux droits féodaux et
seigneuriaux, aux formalités des décrets, ni au retranchement des quatre
quints, en cas de disposition à cause de mort et testamentaire.
8 Gorée Combien sont-­‐ils ces femmes, ces hommes qui ont franchi la « Porte de non retour »? C’est en effet à partir de cette île sénégalaise que 80% des esclaves sont partis: -­‐4 à 5 millions ont été débarqués aux Caraïbes -­‐ 3,6 à 5 millions furent envoyés au Brésil La traite négrière a duré plus de 300 ans! Ce sont 12 à 20 millions d’Africains qui ont souffert d’humiliations, de privations, arrachés à leurs terres, à leurs familles et envoyés outre-­‐Atlantique. Les Noirs étaient des « non-­‐personnes ». Ils n’avaient plus de nom, plus de filiation. Dans le meilleur des cas, on leur attribuait un nom d’emprunt. Si le propriétaire avait acquis un esclave un dimanche, il était courant qu’il l’appelât : « Dimanche », par exemple. En France, la traite négrière se faisait avec l’absolution de l’Eglise. Bordeaux, La Rochelle et Le Havre étaient les principaux ports de départ de ce sinistre commerce. Joëlle Saunière 9