Intervention dans le cadre des conférences sur « l

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Intervention dans le cadre des conférences sur « l
Intervention dans le cadre des conférences sur « l’analyse comparative Québec/ Réunion des politiques de la
protection de l ‘enfance »
24 et 25 février 2014.
Ciné palmes- Ste Marie. Réunion.
La place de l’enfant dans la société Réunionnaise…
La loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance a configuré une certaine conception de l’enfant et de son
développement global. Ainsi représenté, convenons que sa construction opère différemment selon les territoires de la
République Française (de Pointe à Pitre à Cayenne où du Nord Pas de Calais à St Denis de La Réunion) et que la mise
en œuvre de la loi pouvait être confrontée aux particularismes de chaque contexte. C’est tout l’intérêt de présenter
quelques grands traits de l’enfant de la place de l’enfant dans la société créole réunionnaise, dans le cadre de cette
journée sur la protection de l’enfance,
Ainsi, l’enfant réunionnais est à resituer dans une organisation familiale impossible au temps de l’esclavage et
de la colonisation, car principalement utilisé comme force de travail régie par un système et ses principes :
- La reproduction de la force de travail grâce aux femmes esclaves importées.
- La reproduction des rapports sociaux, grâce à la réglementation des relations sexuelles via le Code Noir.
- La condition d’esclave de l’enfant prime sur la filiation paternelle ou maternelle.
Nous pouvons aisément imaginer qu’un tel cadre n’a pas favorisé l’organisation de structures familiales pouvant
permettre des relations naturelles parents/enfants.
Plusieurs facteurs concourent à cela. Tout d’abord, très jeune, l’enfant servait de force de travail et devait s’adapter aux
dures lois de « l’habitation » où le maître était à la fois le père, la famille. L’enfant pouvait aussi être un esclave
domestique et être ainsi coupé de sa communauté.
La politique des maîtres en matière de sexualité était de faire copuler et non de fonder une famille. Quant aux enfants
nés de mariage entre esclaves, ils étaient eux-mêmes esclaves et appartenaient « aux maîtres des femmes esclaves et
non à ceux de leur mari, si le mari et la femme avaient des maîtres différents »3.
Puis, dans la société de plantation, (XVIIIème- XIXème), la socialisation des enfants était principalement fondée sur le
sens civique et le bon développement physique. Cette conception s’opposait à l’acquisition des savoirs dont l’utilité
n’était pas forcément admise par tous. Du point de vue de l’enfant, seuls primaient les devoirs envers la famille souvent
au détriment des droits de l’enfant, notions inexistantes à l’époque.
En 1946, la départementalisation amène (tardivement mais sûrement dans les années 1960) le développement des
infrastructures économiques, sociales et sanitaires. Elle exige des moyens humains, c’est-à-dire des agents pour
appliquer la départementalisation, les Métropolitains (personnes vivant à La Réunion, nées en France métropolitaine).
Dans les familles métropolitaines, le souci éducatif est grand, de même que la place du capital scolaire dans le devenir
des individus. Cela est favorisé par une institution scolaire reproduisant les modes de transmission de savoirs et des
contenus identiques à la Métropole et par une scolarité obligatoire.
Ce modèle va se renforcer et la socialisation des enfants, consciemment ou inconsciemment va s’effectuer dans un
environnement collectif, dans une famille Réunionnaise élargie où s’exprime la solidarité familiale.
3
Code Noir, article 12, 1685.
Ces éléments vont bouleverser des modèles éducatifs dans les familles Réunionnaises et en priorité la place de
l’enfant :
a.
Années 1945-1960 : c’est le passage du modèle de l’enfant soumis à la reconnaissance de l’enfant sujet. Des
changements s’amorcent dans les conceptions de l’enfance. C’est la découverte de sa vie psychique, affective,
des émotions. La reconnaissance de ces besoins reflète le changement de perception des adultes, qui entraîne
de nouvelles conceptions théoriques et éducatives.
b.
Fin des années 1970, à La Réunion, des savoirs de plus en plus spécialisés tels la psychologie du
développement, la psychanalyse, donnent une légitimité aux pédagogues pour asseoir la norme de la bonne
famille.
c.
D’autres agents sociaux contribuent aussi à la diffusion de ces nouvelles approches de l’enfance :
- le développement de la médecine et de la pédiatrie en particulier.
- les services de protection maternelle et infantile.
- la mise en place des structures de formation éducative (Ecole normale, puis l’ I.U.F.M., Ecole d’éducateurs, Ecole
d’assistant de service social)
- les formations paramédicales (infirmières).
Ces nouvelles normes éducatives vont se structurer. Le dialogue prend le relais de l’autorité. Les familles n’imposent
plus mais communiquent avec l’enfant, transigent et admettent le droit de tout individu à être considéré comme une
personne. La notion de respect ne se décline plus verticalement mais horizontalement, tous les individus d’une même
famille pouvant y accéder sans aucune hiérarchie. Nous sommes passés de l’idée d’un enfant malléable à celle d’un
enfant sujet, titulaire de droits, avec comme vecteur la loi de 1989 sur la déclaration des droits : droit la
responsabilisation, à l’autonomie, à la formation, à la protection. L’éducation attentive à la personnalité de l’enfant
triomphe.
A la marge, les familles ne peuvent satisfaire à ces nouvelles exigences, d’autant que les inégalités sociales vont
s’accroître et ainsi exposer une partie de l’enfance réunionnaise aux risques éducatifs et sociaux. Les réponses de la
société en matière de protection ont été progressives et porteuses de logiques différentes selon les époques dont l’on
peut tracer quelques grands traits :
-
Années 50 -70 : Une prise en charge sur un mode collectif voire coercitif par les congrégations religieuses, acteurs
historiques de la protection de l’enfance à La Réunion.
-
70-80 : Une certaine continuité de la période précédente avec un début de structuration de l’action éducative auprès des
« enfants inadaptés » à la vie en société.
80-2000 : Nouvelles conceptions de travail avec les familles sous l’impulsion de textes juridiques prônant le droit des
usagers1
2000-2010 : Promotion des politiques en faveur de la parentalité prenant appui sur les compétences et ressources des
familles.
-
Je terminerai mon propos en rappelant l’acuité d’une nouvelle problématique dans le champ de la protection de
l’enfance en contexte Réunionnais : celle de l’enfant exposé aux violences conjugales et dont les expertises restent à
construire…
Dominique RAMAYE
Cadre de Formation
I.R.T.S. Réunion.
Pôle niveau III.
1
Ex : loi du 6 juin 1984 relative aux droits des familles dans leurs relations avec les services chargés de la
protection de l'enfance (Aide Sociale à l’Enfance).

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