la chute du prix du pétrole et le marché résidentiel
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3 mars 2015 LA CHUTE DU PRIX DU PÉTROLE ET LE MARCHÉ RÉSIDENTIEL CANADIEN Sommaire Il est indéniable que la chute du prix du pétrole a fragilisé le marché de la revente de maisons en Alberta. Rien n’indique qu’un tel affaiblissement est en voie de se propager aux grands centres comme Toronto et Vancouver. Les prêts hypothécaires résidentiels non assurés sont en général sans recours en Alberta. Dans certains milieux, on craint qu’une vague de défaillances stratégiques en Alberta ne heurte la rentabilité des banques canadiennes au point de provoquer une contraction sévère du crédit à l’échelle du pays Puisque la mise de fonds de l’emprunteur doit être d’au moins 20 %, une défaillance ne devrait survenir que si la propriété de déprécie d’au moins 20 % par rapport au prix d’achat. Le taux de défaillance des prêts hypothécaires en Alberta a grimpé fortement en 1983 et 1984 justement dans un contexte où les prix ont diminué de plus de 30 %. Il est vraisemblable qu’une vague de défaillances stratégiques y ait contribué. Malgré deux récessions économiques, le taux de défaillance en Alberta n’est jamais revenu près du niveau du début des années 980. Il faut dire que les baisses des prix des maisons qui sont survenues lors de ces récessions ont été beaucoup moins prononcées qu’au début des années 1980. Les occasions de défaillances stratégiques ont dû être plus rares. Supposons que l’affaiblissement du marché de la revente de maisons en Alberta finisse par y entraîner une dépréciation de plus de 20 % de la valeur des propriétés immobilières. Compte tenu du fait que les prêts hypothécaires non assurés en Alberta ne représentent qu’une modeste portion du portefeuille de prêts hypothécaires résidentiels des banques canadiennes, il est difficile d’imaginer qu’une vague de défaillances stratégiques en Alberta puisse ébranler les fondements des banques canadiennes au point d’entraîner une contraction sévère du crédit. L’impact de la baisse du prix du pétrole La baisse du prix du pétrole a eu un impact senti sur les ventes de maisons existantes en Alberta et en Saskatchewan. Selon les données désaisonnalisées publiées par l’Association canadienne de l’immeuble, le nombre de logements vendus dans ces deux provinces est tombé de 33 % en janvier par rapport à novembre. Ailleurs au Canada, on parle d’une diminution de 3 %. En Alberta, les ventes étaient en janvier dernier à leur plus faible niveau depuis novembre 2010, et depuis août 2010 en Saskatchewan. Selon le ratio des nouvelles inscriptions aux ventes, le marché albertain est passé au cours de ces deux seuls mois d’une situation serrée à un marché favorable aux acheteurs. En janvier dernier, les ventes avaient diminué de 28 % en Alberta par rapport à leur niveau de janvier 2014, et de 22 % en Saskatchewan, alors qu’elles avaient progressé de 3,8 % ailleurs au Canada. Graphique 1 Canada: La dégringolade des ventes de maisons confinée aux régions pétrolifères Ratio des nouvelles inscriptions aux ventes, données désaisonnalisées Alberta et Saskatchewan Reste du Canada 000 000 16 Nouvelles inscriptions Nouvelles inscriptions 14 52 44 6 Ventes 3.4 4 2 3.0 Nouvelles inscriptions / ventes 2.6 2.2 Marché d’acheteurs 1.8 1.4 1.0 60 10 8 Ratio 68 12 36 28 Ratio Ventes 4.0 3.2 20 12 3.6 Nouvelles inscriptions / ventes 2.8 2.4 Marché d’acheteurs 2.0 Marché de vendeurs 88 90 92 94 96 98 00 02 04 06 08 10 12 14 1.6 1.2 Marché de vendeurs 88 90 92 94 96 98 00 02 04 06 08 10 12 14 FBN économie et stratégie, données de l’Association canadienne de l’immeuble La baisse du prix du pétrole aura certainement une incidence négative sur l’économie des trois principales provinces productrices (Alberta, Saskatchewan et Terre-Neuve-etLabrador), mais elle devrait en général profiter aux autres provinces qui sont importatrices. À date, rien n’indique que ce qui se passe présentement sur le marché résidentiel en Alberta et en Saskatchewan est en voie de se propager aux grands centres ailleurs au Canada, comme Toronto et Vancouver. Les prêts hypothécaires sans recours Toutefois, certains estiment qu’une éventuelle baisse du prix des maisons en Alberta et en Saskatchewan engendrera un risque systémique pour les institutions financières du Canada. 1 ÉTUDE SPÉCIALE En particulier, puisqu’une part significative des prêts 1 hypothécaires dans ces provinces sont sans recours , on craint dans certains milieux qu’une vague de défaillances stratégiques ne frappe les institutions financières de plein fouet. Les pertes financières qui s’ensuivraient altéreraient leur capacité d’accorder du crédit à la grandeur du pays. En fait, en Alberta et en Saskatchewan, seuls les prêts hypothécaires non assurés (ce qui requiert de la part de l’emprunteur une mise de fonds d’au moins 20 %) sont sans 2 recours. De plus, en Saskatchewan, les prêts renégociés , même non assurés, comportent un recours. Cela signifie qu’avant qu’un emprunteur ne songe à une défaillance stratégique, la valeur de la maison devrait avoir diminué d’au moins 20 % par rapport au prix d’achat, et davantage dans la mesure où il a eu le temps de rembourser du capital. moyen des maisons vendues3 à Calgary avait diminué de 32 %. Sauf en Alberta, le prix moyen des maisons vendues au Canada 4 a plutôt crû de 5,8 % pendant cette période . La vraisemblance qu’une vague de défaillances stratégiques ait frappé l’Alberta à cette époque est en outre renforcée par le fait que le solde migratoire interprovincial est devenu négatif en Alberta à compter de 1983. Des gens désireux de quitter la province ont pu opter pour des défaillances stratégiques plutôt que de vendre leur propriété à un prix inférieur au solde du prêt hypothécaire qu’il leur restait à rembourser. Graphique 3 L’emploi a stagné en Alberta au sortir de la récession de 1981-1982 Millions Millions 1.20 Graphique 2 1.19 10.7 1.18 10.6 1.17 10.5 Alberta Prêts hypothécaires résidentiels défaillants 1.16 En retard de 90 jours et plus, banques à charte 1.15 10.3 1.14 10.2 5.2 10.4 1.13 % du nombre total de prêts 10.1 1.12 4.8 1.11 4.4 1.10 4.0 1.09 3.6 1.08 3.2 1.07 9.9 9.8 9.7 9.6 1980 É.-U. 2.8 10.0 Reste du Canada 1981 1982 1983 1984 1985 FBN économie et stratégie, données de Statistique Canada 2.4 2.0 Graphique 4 1.6 Alberta 1.2 0.8 0.4 Indice du prix des maisons existantes Reste du Canada 0.0 82 84 86 88 90 92 94 96 98 00 02 04 06 08 10 12 Jusqu’au début de 1999, selon le prix moyen des maisons vendues de l’ACI. Depuis, selon l’indice de prix de maison Teranet-Banque NationaleMD 14 Indice juin 2005 = 100 (échelle logarithmique) FBN économie et stratégie, données de l’Association des banquiers canadiens et de la Réserve fédérale. Au début des années 1980, le pourcentage des prêts hypothécaires qui étaient défaillants depuis 90 jours ou plus a fortement monté en Alberta, culminant à 2,8 % en décembre 1983 et à 3,2 % en décembre 1984. Cette poussée n’a pas eu d’écho dans le reste du Canada. Certes, l’emploi a stagné en Alberta en 1983 et durant la première moitié de 1984, pendant qu’ailleurs au pays il récupérait le terrain perdu lors de la récession de 1981-1982. Mais plus qu’à cet écart de tendance de l’emploi (voir graphique 3), le pourcentage élevé de prêts défaillants en Alberta à cette époque a été attribué à une vague de défaillances stratégiques motivées par la chute des prix des maisons. Par exemple, entre janvier 1982 et janvier 1985, le prix 1 En cas de défaillance de paiement, le créancier peut saisir la propriété hypothéquée pour en disposer et récupérer ainsi sa créance. Dans le cas d’un prêt sans recours, si le prix de vente ne couvre pas le montant du prêt, les arriérages d’intérêts et les coûts légaux, le créancier ne peut exercer de recours contre l’emprunteur pour récupérer ces pertes. 2 Au Canada, les prêts hypothécaires résidentiels sont négociés pour une période qui en général n’excède pas cinq ans. Edmonton 200 160 140 120 Calgary Canada excluant l’Alberta 100 80 60 40 20 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 2015 FBN économie et stratégie, données de l’Association canadienne de l’immeuble et indices de prix de maison Teranet – Banque Nationale. La baisse des prix des maisons survenue durant la récession économique du début des années 1990 a été de 11,5 % à Calgary du sommet d’avril 1990 au creux de janvier 1991. Ce pourcentage est largement inférieur à celui de la mise de fonds obligatoire pour un prêt hypothécaire non assuré. Cela explique 3 À défaut d’un indice de prix des maisons existantes qui couvre cette époque, nous nous rabattons sur le prix moyen des maisons vendues rapporté par l’Association canadienne de l’immeuble. 4 Malgré une baisse de 16 % des prix en Colombie-Britannique. 2 ÉTUDE SPÉCIALE probablement l’absence d’une vague importante de prêts défaillants en Alberta durant cette période. Suite à la récession économique qui a débuté vers la fin de 2008, l’Alberta a connu le plus fort taux de prêts hypothécaires résidentiels défaillants parmi les provinces. Toutefois, l’ampleur de la poussée a été modeste par rapport à la vague du début des années 1980. Du sommet de septembre 2007 au creux de juin 2009, les maisons ont été dévaluées de 15 % à Calgary et 5 de 17,5 % à Edmonton . S’agissant là d’une perte moyenne de valeur, il est fort possible que des pertes de 20 % et plus aient été enregistrées dans certains cas, qui pourraient avoir motivé des défaillances stratégiques. Toutefois, le pourcentage plus élevé de prêts défaillants en Alberta peut aussi s’expliquer par la chute plus marquée de l’emploi dans cette province durant la récession, soit 3,6 % contre 2,4 % dans le reste du Canada. Il semble donc qu’une vague de prêts défaillants de l’ampleur de celle qui a frappé l’Alberta au début des années 1980 ait peu de chance de se produire pour autant que la baisse des prix des maisons ne dépasse pas 20 %, ce qui d’ailleurs n’a pas été le cas lors de la récession du début des années 1990 ni lors de la dernière récession. Pour l’instant, selon l’indice de prix de maison Teranet – Banque Nationale, les prix ont diminué de 1,9 % au cours des trois derniers mois à Calgary, alors qu’ils continuaient de progresser à Edmonton. Mais il faut tenir compte du fait que lors des neuf mois précédents, les prix avaient progressé de 9,2 % à Calgary, ce qui s’ajoutait à des gains de 6,5% en 2013 et de 4,1 % en 2012. Pour autant qu’un logement ait été acquis avant le début de 2014, on peut penser que la baisse de prix qui pourrait inciter à une défaillance stratégique est alors d’au moins 30 %. Si la propriété a été acquise vers la fin de 2012, on parle plutôt d’une dépréciation d’au moins 36 %, et de 40 % si elle avait été acquise un an auparavant. Graphique 5 Prêts hypothécaires résidentiels des six grandes banques Répartition régionale de l’encours au Canada Alberta non assurés (Sans recours) 5.3 Aberta assurés 10.0 acheteur de contracter un prêt non assuré. Selon une estimation à partir des données récentes des six grandes banques canadiennes, les prêts hypothécaires résidentiels non assurés de ces institutions en Alberta représentent 5,3 % de leur 6 portefeuille de prêts hypothécaires résidentiels au Canada . En supposant que la répartition régionale de l’encours est 7 représentative de la répartition du nombre de prêts , il faudrait un taux de défaillance de 5.7% sur les prêts non assurés en Alberta pour que ces derniers contribuent à élever le taux de défaillance pancanadien des banques de 0,3 point de pourcentage (ce qui a constitué l’apport du taux de défaillance en Alberta au taux pancanadien des banques en décembre 1984). Rappelons que le taux de défaillance maximum observé aux États-Unis suite à la crise financière a été de 5,1 %. Conclusion Il est indéniable que la chute du prix du pétrole a fragilisé le marché de la revente de maisons en Alberta. En raison de la forte diminution des ventes, celui-ci est passé en deux mois d’une situation serrée à une situation largement excédentaire. Il est aussi vrai que les prêts hypothécaires résidentiels non assurés sont en général sans recours en Alberta. Pour que l’emprunteur ait pu se dispenser de l’assurance, sa mise de fonds a été d’au moins 20 %. Une vague de défaillances stratégiques ne devrait donc se produire que dans un environnement où les prix des maisons diminuent d’au moins de 20 %. C’est ce qui a été observé au début des années 1980 en Alberta mais qui ne s’est pas produit depuis, malgré deux épisodes de récession économique. De toute façon, même si les prix des maisons diminuaient de plus de 20 % en Alberta suite à la chute des cours pétroliers, il faudrait un taux de défaillance sur les prêts non assurés en Alberta plus élevé que le maximum observé aux États-Unis suite à la crise financière, rien que pour faire augmenter le taux de défaillance pancanadien des banques de 0,3 point de pourcentage. Dans ces conditions, à moins d’une situation vraiment catastrophique, il est difficile d’imaginer qu’une vague de défaillances stratégiques en Alberta puisse ébranler les fondements des banques canadiennes au point d’entraîner une contraction sévère du crédit. Marc Pinsonneault – Économiste principal 514 879-2589 Reste du Canada 65.4 FBN économie et stratégie, données provenant des rapports annuels. De toute façon, avec la progression des prix des maisons depuis 2005, il est de moins en moins facile pour un premier 5 – [email protected] 6 Et 35 % du portefeuille de prêts hypothécaires des six grandes banques en Alberta. 7 À titre d’indication, selon l’Association des banquiers canadiens, l’Alberta représentait 12,2 % du nombre de prêts hypothécaires résidentiels des banques canadiennes en Alberta, alors que selon Statistique Canada, cette province représentait 14,3 % de l’encours du total des banques au Canada. Cette fois, selon l’indice de prix de maison Teranet-Banque NationaleMD. 3 ÉTUDE SPÉCIALE GROUPE ÉCONOMIE ET STRATÉGIE 514 879-2529 Stéfane Marion Économiste et stratège en chef [email protected] Paul-André Pinsonnault Économiste principal, Revenu fixe [email protected] Krishen Rangasamy Économiste principal [email protected] Marc Pinsonneault Économiste principal [email protected] Matthieu Arseneau Économiste principal [email protected] Généralités : Banque Nationale Marchés financiers est une unité de Financière Banque Nationale Inc. (FBN), filiale en propriété exclusive indirecte et division de la Banque Nationale du Canada. Ce rapport a été produit par FBN. La Banque Nationale du Canada est une société ouverte inscrite à la cote des bourses canadiennes. Les informations contenues dans les présentes proviennent de sources que nous jugeons fiables, toutefois nous n’offrons aucune garantie à l’égard de ces informations qui pourraient s’avérer incomplètes. 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