voyage de fin d`année

Transcription

voyage de fin d`année
VOYAGE DE FIN D'ANNÉE
"Les loups remplaceront les maitres."
John Milton, Paradise Lost, XII, 508
-11 est cinq heures du matin!
-Tarzan peut supporter cinq minutes sous l'eau sans respirer.
-Ouoi. .. qui est·ce? Hé, qui est·ce? Vous allez me dire ... ?
-Tarzan peut supporter t rente minutes dans la ri viere. Et meme cinquante. s' il veut. Tarza n est for t et agile et les lianes ...
c'est <;a ... les lianes ...
-Ouoi? Ou 'est·ce que tu racontes? Tu te trouves drole? Hé, tu crois que t'es drole paree que t'as dit ~a?
Pourquoi tu vas pas te faire ... ?
-Tarzan est un type formidable. Pas comme nous. Je ne vise personne.
-Hé ... Fiston! Allo, c'est toi? C'est toi, c'est toi? Putain, réponds. D'ou tu appelles?
-De Come. Personne peut vaincre Tarzan. Y a qu'a le voir... depuis ... y a qu'a le voir dans une « ad », papa. C'est un jeu de
mots comme les tiens. Presque aussi mauvais. Mais je progresse.
-Écoute, mais putain, mais qu'est·ce qui t'arrive? T'as bu, hein. Dis·moi c'que t'as bu. [ ... )
-Johnny Weismuller a essayé d'etre Tarzan. Sur les affiches des films. ils disaient... Johnny Weismuller as Tarzan ... ups ...
the king of apes. c'est <;a. ~a marche pas. lis auraien t dO dire... « essaie d'et re Tarzan ». C'est pour <;a qu'i l est devenu fou.
Le per sonnage le pouvait. En fa isant un effort pour le faire, il s'est cassé la gueule.
- La ferme, tu veux! Ou est votre prof? Ou'est·ce que tu fais dans la rue a cette heure·la?
-Ben, c 'est <;a. Weis ... ce Weismuller n'avait pas de bons profs. C'est pour ~a que Tarzan ...
-T'arretes un peu avec ~a! T'arretes! Hein ... Arrete!
-~a y est? T'arretes! T'as fini avec tes conneries? Bon, m.aintenant tu me dis ...
-Papa, si tu recommences a m'engueuler. je raccroche.
-Ou'est·ce que t'as dit?
-[ ... ) j'ai dit que si tu mmm'engueules encore, je raccroche. Maintenant. c'est moi qui parle ...
-Tu peux raccrocher, tu peux raccrocher, j'm'en fous d'ou tu es. <;a m'est égal c'que tu racontes. ce que tu fais. J'veux plus
rien savoir de toi '. [ ... )
-On était en train de parler de Tarzan. Ce que je dis, c'est que cette nuit, j'me suis souvenu ... et j'ai pas bu, hein, j'me suis
souvenu de cette fois·la. J'avais cinq ans et demi et j'ét ais dans la salle a manger. Je r egardais l'épisode des dessins animés
de Tarzan . celui que ... si. Vous deux, vous ét iez sur le sofa avec moi, mais vous regardiez pas la télé; vous étiez la pour me
surveiller. Comme des gardiens 2 • C'est ~a. Et... y a e u un moment o u Tarzan s'est jeté a l'eau depuis un rocher, paree que le
chef de la tribu indienne. qui avait une barbe et buvait dans un crane humain. hé ben, il l'avait défié pour savoir lequel d'eux
deux gagnerait une course a la nage. Si Tarzan gagnait, il sauverait sa vie et celle d'une princesse qu'ils allaient sacrifier.
Au Dieu Solei l. Ou au Dieu Lune. A quelqu'un en tout cas. Mais ce qui s'est passé c'est que Tarzan était en train de gagner la
course. Mais a un certain moment. il a vu qu'un crocodile s'approchait du chef indien. et il est alié l'aider. 11 a attr apé le
crocodile par la queue et y a eu ... comme une lutte, et des tourb illons sous l'eau. Et alors j'ai dit que Tarzan allait gagner
paree qu 'il pouvait tenir une demi·heure sous l'eau sans respirer, et maman est partie et elle s'est mise a rire. Maman s'est
mise a rire et toi , tu as pris ta voix de ... ta voix, et tu as dit et patati et patata, que c'éta it pas possible et que, « tout au plus
»- imagine, j'a i jamais dit « tout au plus »de ma vie- que ... que non. [ ... ), t'as dit que non. Oue, tout au plus, il pouvait tenir
trois ou quatre mi nutes. Écoute, ne cr ois pas queje te raconte <;a comme si j'étais traumatisé. hein, ici, le psychologue c'est
toi, et pour moi le passé. c'est du passé. Tu vas voir pourquoi je te !'explique. Alors ... alors j'étais vexé. ensuite je ne suis
rebiffé. Maman a ri, j'ai baissé un peu et j'ai dit que bon, trente non mais vingt, c'est sOr, ou que quinze. mais pas au·dessous
de dix minutes ... Maman a ri et Tarzan est sorti de l'eau avec le crocodile qu'il avait attrapé par les dents et il est retourné
dans l'eau ... alors tu as mis le chronometre de ta montre de merde et tu as compté neuf secondes avant que Tarzan ressorte
sans le crocodile, agonisant presque a la recherche d'air. Ce que tu as di t a ce moment-la m'a fait pleurer. Et t u le savais.
Et ce queje vou lais dire, c'est que. au moment ou vous me cassiez mon histo ire en rian t, longtemps avant queje vous aie
démythifiés, vous·memes. dans ma tete, je ne savais pas qu'a ce moment précis vous étiez en train de m'apprendre a faire
quelque chose que j'ai dO faire un nombre incalculable de fois. ou plutot que vous m'appreniez a défaire quelque chose ... et
j'ai l'impression que défaire quelque chose ne devrait pas etre si facile et que faire devrait coOter tant d'efforts ... et pourtant
je ne veux pas dire que j e t u sois respo nsable de ce qui m'arrive... j'ai pas l'intention non plus de dire quoi que ce soit qui te
permette de respi rer tranqui lle... et , ben. j'voulais dire queje savais pas que je devrais faire tomber autant de sta tu es comme
on a fait Dani et moi dans le jardin, et que bien qu' il y ait Dani, LuisFer. María et Eva et les autres, et celles qui viendront pour
qu'on rigole d'elles, il y a encore beaucoup de restes et de croyances que j'ai abandonnés, et que. au milieu de tout ~a. je me
sens .. j'sais pas, un peu seul 3, bien que Dani et LuisFer et María et les autres soient la. et queje ne savais pas et... merde, que
j'ai l'impression de faire un feuilleton sensible qui dirait « A ce moment, il était difficile de prévoir que ... ». RIEN, tout ~a n'a
pas d'importance et la seule chose queje veux. c'est que je ne ve ux plus que tu dises jamais, jamais ... maintenant je suis t rop
fort pour les coups que tu peux me donner et ce que tu peux dire ne me fait aucun effet. Non. Et maintenant je voud r ais que
tu la fermes. papa ! Je t'appelle pour te di re de la fermer. Fer me·la ' !
1. (Ton mélodramat ique)
2. Lacan se rassasie.
3. La Solitude est voisine de la Sagesse.
4. Et que mon destin parl e ta place !
a
Eloy Fernández : Los minutos de la basura. Édition Literatura y Ciencia S.L.
Montesinos. Barcelone. 1996. Extrait du chapitre « Voyage de fin d'année »
1
N
1
VIAJE DE FIN DE CURSO
"Los lobos supli rán a los maestros."
John Milton, Par adise Lost, XII, 508
- iSon las cinco de la mañana !
-Tarzán puede aguantar treinta minutos bajo el agua sin respirar.
-Qué ... ¿quién es? Oiga, ¿quién es? ¿Quiere decirme ... ?
- Tarzán puede aguantar treinta minutos metido en el río. Incluso cincuenta, si se lo propone. Tarzán es fuerte y ágil y
las lienas ... esto... las lianas ...
-¿Qué? ¿Qué dices? ae crees gracioso? ¿Eh, te crees muy gracioso, por decir esto? ¿por qué no te metes ... ?
- Tarzán es un tipo formidable. No como otros. No miro a nadie.
-Eh ... ¿iHijo!? ¿oye, eres tú? ¿Eres tú, eres tú? Coño, contéstame, ¿desde dónde llamas?
-Desd e Como. Nadie puede vencer a Tarzán. Hay que mirarlo ... desde ... hay que mirarlo desde una "ad", papá.
Es un juego de palabras de los tuyos. Casi tan malo. Pero voy prosperando.
-Oye, pero qué coño te pasa. Has bebido. Qué has bebido, eh. Dime qué.
-Johnny Weismuller intentó ser Tarzán. En los carteles de las pelis decía ... Johnny Weismuller as Tarzan ... ups ... the
king of a pes, eso. Está mal. Debería decir... "intenta ser Tarzán". Por eso se volvió loco. Le pudo el personaje.
En el esfuerzo por llegar a serlo, se rompió.
-iCállate! iQuieres hacer el favor! iDónde está vuestro profesor! iPor qué estás en la calle a estas horas!
-De eso se trata. El Weis ... Weismuller éste no tenía buenos profesores. Po r eso Tarzán...
-iQuieres parar ya de una vez con eso! iParas ya! Ehm ... iParas!
-¿sí? ¿paras ya? ¿ya has acabado con tu cháchara? Pues va le, ahora mismo me d ices ...
-Papá, como vuelvas a gritarme te cuelgo.
-Wué has dicho?
-[ ... ] he dicho que como mmmme gr ites te cue lgo. Y hablo yo ... [ ... ]
-Cue lga, cuelga, cuelga, me da igual dónde estés, me da igual lo que digas, lo que hagas, no quiero saber de ti
nada más '. [ ... ]
-Estábamos hablando de Tarzán. Lo que digo es que esta noche me he acordado... antes de beber nada, eh, me he
acordado de aquella vez. Yo tenía cinco años y medio y estaba en el comedor viendo el episodio de Tarzán de los
dibujos animados, aquel que ... sí. Vosotros dos estabais en el sofá conmigo, pero no veíais la tele; sólo tutelabais mi
visión. Como guardianes 2 • Eso. Y... hubo un momento en que Tarzán se tiró al agua desde una roca, porque el jefe de la
tribu india, que tenía barba y bebía en un cráneo humano, eh, le había desafiado a ve r quién de los dos ganaba una
carrera a nado. Si ganaba, Tarzán, salvaría la vida y la de una princesa que iban a sacrificar. Al Dios Sol. O al Dios
Luna. A quien fuese. El caso es que Tarzán iba ganando en la carrera, pero en un momento dado vio que un cocodri lo
se acercaba al jefe indio, y se tiró a por él. Lo pilló por la cola y hubo ... como un forcejeo, y un remolino, debajo del
agua. Y entonces yo dije que Tarzán iba a ganar porque podía aguantar media hora bajo el agua sin respirar, y mamá va
y se río. Mamá se rio y tú pusiste tu tono de ... tu tono, y dijiste que de qué y que qué va y que eso no podía ser y que
"a lo sumo" -fíjate que yo nunca en mi vida he dicho "a lo sumo"- que ... que no, [ ... ] que dijiste que no. Que a lo sumo
podía aguantar tres o cuatro minutos. Oye, no te creas que te explico esto como si tuv iera un trauma, eh, que aquí el
que va de psicólogo eres tú y para mí lo pasado, pasado está. Lo explico porque viene al caso. Entonces ... entonces yo
me quedé asombrado, luego me indigné, mamá se río, yo f u i bajando y dije que bueno, que igual treinta no pero veinte
seguro o que quince, o que de diez minutos no bajaba ... mamá se rio y Tarzán iba saliendo a la superficie con el
cocodrilo cogido por los dientes y se volvía a meter... y entonces tú pusiste el cronómetro de tu puto re loj y contaste
nueve segundos hasta que Tarzán volvió a salir sin el cocodrilo y boqueando en busca de aire. Lo que dijiste entonces
acabó de hacerme llorar. Y lo sabías. Y lo que quiero decir es que en aquel momento en que vosotros rompíais riendo
con un mito mío, mucho antes de que y_o os desmitificara a vosotros en mi cabeza, yo no sabía que en aquel momento
me enseñabais a hacer algo que yo he tenido que hacer ya infinidad de veces, o más bien me enseñabais a deshacer
algo ... y que me parece que deshacer no tendría que ser tan fáci l y lo otro tan t rabaj oso .. . aunq ue con esto no digo que
te dé la culpa a ti de esto que me pasa ... aunque tampoco voy a decir nada que te haga sentir aliviado al respecto ... y,
bueno, que yo no sabía que iba a tener que tumbar tantas estatuas como hemos hecho Dani y yo en el jardín aquel,
y que aunque está n Dan i, LuisFer, María y Eva y todos, y Las Que Llega rán pa ra reír nos de ellas, hay como muchos
re stos y muchos credos de los que he abju rado, y que en medio de todos ellos me siento ... no sé, como un poco solo 3 ,
a pe sar de que estén Dani y Lu isFer y María y tal, y que yo no lo sabía y... joder, que parezco un folletinista sensiblero
diciendo "en aquel momento, poco podía sospechar... ", NADA, todo esto da igual y lo único de que se trata aquí es de
que no quiero oírte decir nada más, nada más, entérate de una vez de que soy demas iado fuerte para t us golpes y que
lo que tú digas no me hace ningún efecto. No. Así que quiero que te calles, papá. Te llamo para decirte que te calles.
Cál late ahora •.
1. (Acorde dramático.)
2. Lacan se pondría las botas.
3. Soledad es hermana de Sabiduría.
4. IY que hable mi destino!
Eloy Fernández. Los minutos de la basura. Barcelona. Edició Lit eratu ra y
Ciencia S.L.-Montesinos, 1996. Ex t ract e del capítol "Viaje de f in de curso"

Documents pareils