Dossier pédagogique du spectacle
Transcription
Dossier pédagogique du spectacle
Le voyage en Tartanie Miche et Drate de Gérald Chevrolet dès 3 ans Dossier pédagogique par Nathalie Marcoux mise en scène Nathalie Marcoux avec Cyril Amiot Irène Dafonte Jean-Marc Foissac Fausto Olivares Mercedes Sanz Bernal Laurie Sgrazzutti lumière Davy Deffieux synopsis du spectacle la pièce, l’auteur le spectacle Qui sont Miche et Drate? Pourquoi ce dispositif scénique? Quels codes de jeu et de mise en scène sont-ils utilisés? Qu’est-ce qui se raconte? Un univers minutieux pour les tout petits ce spectacle de théâtre : à quoi ça sert? scénographie Pauline Caillet, Laurie Sgrazzutti textes du spectacle et repères de mise en scène La peur Le jeu de mime D’ici jusque là L’anniversaire Il y a la guerre Le traître La recette d’amour La chute Le cadeau de l’oiseau Création et production : compagnie Au cœur du monde en collaboration avec les Oiseaux de passage. Avec le soutien du conseil général des Landes, de l’Acddp, de l’Iddac et de l’Oara. La cie Au cœur du monde est subventionnée par le conseil général de Gironde et le conseil régional d’Aquitaine. synopsis du spectacle Miche et Drate Ce spectacle se compose de neuf courtes scènes dans lesquelles des inséparables, les Drate, plutôt impulsifs, et les Miche, résolument cérébraux, s’interrogent sur la peur, l’amour, la solitude, aussi sur ce qu’il y a de « beau, grand, précieux et extraordinaire » (commande pour un cadeau d’anniversaire). De petits dialogues poétiques en expériences sensorielles, il propose une initiation au théâtre en forme de métaphysique pour culottes courtes. Les personnages forment une famille dont les relations fondent le spectacle. Délicatesse des propos et précision du geste dans une proposition atypique pour cette tranche d’âge : un texte mis en scène pour six acteurs. la pièce, l’auteur Paroles blanches Notre spectacle est une adaptation d’une pièce de théâtre de Gérald Chevrolet intitulée Miche et Drate Paroles blanches, qui est composée à l’origine de 24 scènes ; en voulant rendre ce texte accessible aux plus jeunes (à partir de 3 ans), nous avons choisi 9 scènes que nous avons ordonnées, articulées et mises en scène pour obtenir un spectacle qui n’excède pas 40 minutes. Miche et Drate Paroles blanches a été éditée en 2006 aux éditions THEATRALES // JEUNESSE. Elle a été créée pour la première fois le 12 juin 1996 au Théâtre de l’Usine à Gaz à Nyon (Suisse), dans une mise en scène de l’auteur, avec 7 acteurs et 3 musiciennes. Au théâtre, on dit à l’acteur de parler en « voix blanche », lorsqu’il doit chuchoter quelque chose, détimbrer la voix pour exprimer la confidence, le secret ou la tendresse. En « voix blanche », le comédien doit parler plus lentement, articuler plus, habiter très fortement ses répliques. Paroles blanches est ainsi une indication de jeu, non pas pour détimbrer mais pour trouver quelque chose de cette idée de délicatesse et de précision dans la transmission. Gérald Chevrolet Petite fabrique de Miche et Drate Tu veux savoir comment sont nées les petites histoires pour petits hommes ou petites femmes ? C’est un soir de septembre 1995. Mon filleul Arthur, fils cadet de ma copine comédienne Doris, fête ses 5 ans et décide de présenter un « pestacle ». Pendant que nous buvons l’apéritif, la préparation bat son plein, dure longtemps et l’alcôve du salon se rempli de décors, d’accessoires, d’armes diverses provoquant dans l’assistance des rires qu’Arthur, très investi dans son travail de mise en scène, n’apprécie guère… Au moment ou le « pestacle » commence, Arthur s’emberlificote les mains, les pieds et la langue dans le fatras de choses et de mots que son appétit a prévu de faire se côtoyer dans le trop petit espace/temps scénique. Les rires fusent à nouveau, un peu moqueurs cette fois-ci, et Arthur va pleurer dans sa chambre son premier « four ». Pour le consoler, je lui promets une petite histoire à deux personnages, qu’il pourra jouer avec son frère, sans accessoires, sans décors, sans costumes et, surtout, sans peine, puisqu’elle ne prendra qu’une page. Chose promise, chose due, l’histoire arrive à Noël, répétée dans la soirée, jouée sous la direction de la maman comédienne pour le bonheur de tous, acteurs et spectateurs, il faut donc une deuxième histoire… la pièce, l’auteur (suite) Miche et Drate Tu l’auras compris, c’est dans la peau d’un Père Noël, lapin de Pâques ou plus simplement d’un parrain attentionné que j’écris les 24 histoires et les donne à ce petit homme. Un parrain est une sorte de deuxième papa. C’est ainsi qu’en plus de l’habit de Père Noël, j’avais décidé d’endosser ceux du philosophe et de l’homme de théâtre – acquis entre l’université de Neuchâtel et l’Ecole supérieure d’art dramatique de Genève – pour apporter à ces Paroles blanches des niveaux de lecture qui permettraient à mon Arthur – et à d’autres – d’y trouver du plaisir et de la réflexion à tout âge. C’est enfin mon frère et moi, lui le Drate fonceur et instinctif, moi le Miche penseur et diplomate, qui ont été ma source privée pour former cet Auguste et ce clown blanc, sans âge, sans sexe et sans monde, placés dans cet espace privilégié de la mémoire, scène faussement vide où tout peut se (re)créer. C’est à la fin de l’année suivante que, lors d’un concours organisé par le Festival international de Neuchâtel, je décide d’agencer le tout et d’envoyer le manuscrit, qui remporte un prix et est publié dans la revue littéraire suisse VWA, dont le numéro est dédié à l’écriture pour le jeune public. Depuis, ce texte – qui devait avoir un destin plutôt privé – a été joué de nombreuses fois, par les petits ou les grands. Arthur m’a demandé un jour (il avait atteint l’âge de raison…) : « Alors, on partage les droits d’auteur ? » Je les ai partagés. Gérald Chevrolet. 4ème de couverture Editions théâtrales Voici vingt-quatre courtes histoires pour petits hommes… ou petites femmes comme autant de vignettes savoureuses, de petits moments de rien du tout d’où le théâtre naît. Gérald Chevrolet imagine Miche et Drate, deux personnages sans âge, sans sexe, avec des mots tendres, poétiques et oniriques, « comme deux parties du cerveau qui dialoguent au bord du monde ». Ils se heurtent avec naïveté et humanité à un monde trop grand pour eux, sauf à se construire leur univers. Ces deux protagonistes fort attachants deviendront les compagnons de lecture des petits et des grands, mais aussi les camarades de jeu des comédiens en herbe ou confirmés. le spectacle Qui sont Miche et Drate ? Au début de sa pièce, l’auteur, Gérald Chevrolet, les définit ainsi : MICHE est le rond, l’harmonie, la réflexion, la pensée, la miche de pain. DRATE est le carré ou la flèche, l’instinct, la ligne droite. MICHE ET DRATE sont les deux parties du cerveau qui dialoguent au bord du monde. Dans notre spectacle, les Miche et Drate sont plutôt des types de personnes ; comme dans la première mise en scène de l’auteur, ils ne sont pas représentés par deux acteurs seulement, mais par trois couples d’acteurs à l’intérieur desquels sont déclinés ces deux types. Ainsi parmi les trois Miche, qui sont plutôt les penseurs, l’une paraît plus mûre, appliquée, attentionnée ; une autre plutôt introspective et tourmentée ; un troisième méthodique et inspiré. Ils ont un penchant pour les mondes imaginaires, la poésie, voire le mysticisme. Les Drate eux écoutent plutôt leur instinct et sont plus dans l’action, l’impulsion. Le plus grand est fort, adroit, industrieux ; ceux qui semblent plus jeunes sont, pour le spectacle (suite) Miche et Drate l’une, nerveuse, joueuse, pour l’autre désirant, impatient, quelque peu maladroit. Tous les six forment une famille à y bien regarder, même si ce n’est pas dit dans le texte. Pourquoi ce dispositif scénique? La scénographie crée un univers en noir, gris et blanc : le chapiteau, le plateau de jeu, les costumes et les cubes qui composent le décor déclinent ces valeurs pour créer un contraste entre le public et la scène ; les spectateurs en effet sont proches, installés face à face sur des gradins de part et d’autre du plateau (dispositif bi-frontal). Quelques touches de couleur rehaussent le tout et valorisent quelques accessoires importants. Ce choix esthétique permet donc aux silhouettes des acteurs et aux cubes peints de décors stylisés de se détacher du public que l’on voit sous chapiteau (l’obscurité n’est pas totale comme en salle), tout en intégrant les spectateurs dans une grande proximité. Rappelons que notre chapiteau est de petite taille et que le nombre de spectateurs pour ce spectacle est limité à 100. Quels codes de jeu et de mise en scène? Les acteurs sont constamment en scène, alternant duos et scènes d’ensemble. Le jeu parlé (quand les acteurs disent le texte de Gérald Chevrolet) est en mode majeur (à destination de tous les spectateurs), tandis que les transitions ou présences muettes sont proposées simultanément en mode mineur (elles sont surtout manifestes pour une petite frange du public ; le personnage est solitaire, présent mais pas forcément agissant). C’est comme si cette famille avait une grande maison, que chacun investissait à sa manière, avec des temps de retrouvailles des uns et des autres, et des moments d’isolement. Mais ici les cloisons sont invisibles, et de plus l’espace de vie, de jeu se compose et recompose grâce aux cubes ; il n’enferme pas les personnages dans un lieu fixe, il est le support des expériences menées par eux et se transforme au besoin. C’est un espace dédié à l’imaginaire, un espace mental. C’est un espace de jeu, proche de celui des enfants, habitués des jeux de cubes. Qu’est-ce qui se raconte? La pièce n’est pas une histoire qui se raconte, c’est une succession de dialogues grâce auxquels les Miche et Drate tentent de trouver des éléments de réponse à des questions ou font des découvertes grâce à des jeux, habilement revisités par l’auteur. Les scènes abordent divers sujets de façon concrète et ludique. Elles éveillent la curiosité, tentent des expériences ; elles proposent des situations qui illustrent des questions philosophiques, existentielles… fondamentales… fondatrices ! Elles ont différents niveaux de lecture, ce qui les rend signifiantes dès le plus jeune âge. Un univers minutieux proche des tout petits Ces « grands » sujets sont abordés avec peu de mots (les neuf scènes n’excèdent guère la douzaine de répliques chacune) et des moyens théâtraux simples : les jeux corporels, le bruitage vocal ou percussif, le chant, permettent aux acteurs de rendre vivants et inventifs les personnages d’une manière qui est immédiatement recevable par les enfants. Cette pièce contemporaine propose la découverte d’un spectacle de théâtre à la mise en scène élaborée et au texte intelligent, pariant sur la curiosité des plus jeunes et leur sensibilité alerte. Assez exigeante, elle donne envie de se dépasser. On y pleure, on y rit, c’est incontournable… et on y réfléchit aussi. ce spectacle : à quoi ça sert? Miche et Drate Miche et Drate, démultipliés, sont un échantillon d’humanité, par exemple une famille. Le jeu de cubes sur la scène est tout un monde, par exemple leur maison. Le théâtre avec ses acteurs peut tout représenter de cela, qui nous touche tous, dès le plus jeune âge. Mais la représentation théâtrale est une représentation de la réalité, pas la réalité elle-même. Elle permet d’aborder la vie avec un mélange de vérité et de distance qui nous la fait mieux appréhender. Comme la pièce est écrite pour des enfants qui découvrent le théâtre, elle a un aspect d’initiation sélective à ses enjeux, souvent une mise en abyme : ainsi au début la peur de l’obscurité est aussi celle d’avant le début du spectacle (c’est la pénombre sous le chapiteau). De façon plus générale, elle évoque la peur de l’inconnu (qu’est-ce qui va se passer ? Qui sont les acteurs ?). Parfois l’auteur se sert d’un jeu d’enfant pour écrire une scène et il l’emmène un peu plus loin qu’on ne le fait habituellement en modifiant ses règles (le jeu de mime). La mise en scène fait de même avec le jeu de cubes dans par exemple « d’ici jusque-là » (cf description du spectacle ci-après). Beaucoup de questions se posent, et les réponses sont claires même si elles laissent à penser, elles mettent un point mais pas final. C’est ainsi que chaque scène est plutôt une petite expérience, qu’il faut la revivre au tout premier degré. Ces courts dialogues mis en action, en images, ces jeux contiennent un enseignement à plusieurs niveaux de lecture à partir de situations connues. Ils proposent à chacun des points de repères et une part de découvertes selon son âge et surtout sa sensibilité. Un spectacle de théâtre est une proposition ouverte, il y a de multiples manières de s’en emparer, autant qu’il y a de spectateurs ! C’est pourquoi il vaut toujours mieux essayer de se souvenir de ce qui nous a marqué dans un spectacle, de comment c’était précisément, de quels moyens étaient employés pour créer ce résultat, pour arriver à comprendre ce qu’il nous a apporté… au-delà de moments agréables, ou pas ! L’effet recherché ne va pas toujours dans le sens des attentes de tel spectateur. Ils sont si nombreux et différents, les spectateurs, qu’il serait bien prétentieux de vouloir circonscrire leurs désirs, leurs goûts, leur curiosité. textes du spectacle et repères de mise en scène Miche et Drate Voici les neuf scènes qui ont été retenues pour le spectacle, dans lequel les titres ne sont pas indiqués. Les didascalies (italiques noir) sont celles de l’auteur. Les personnages ont été numérotés pour plus de clarté puisque notre mise en scène rassemble six acteurs, trois Drate et trois Miche. Quelques transitions entre les scènes parlées sont écrites en bleu pour mémoire. Nous détaillons plus avant les premières scènes en donnant des éléments de mise en scène et repérant les principaux enjeux du texte. Nous indiquons de plus quelques pistes de travail pour l’après-spectacle. Certaines scènes auront plus marqué les enfants et c’est en fonction de leurs souvenirs que quelques exercices pourront être proposés, adaptés en fonction de leur âge. La peur : Les spectateurs entrent dans le chapiteau et découvrent la scène et les acteurs. C’est la pénombre, on entend des petits bruits, du vent, un grincement… Un seul personnage se déplace, inquiet, et prend la parole, chuchotant : DRATE 1.- Miche… Miche… MICHE 1.- Quoi ? DRATE 1.- J’ai peur. Il fait sombre. (Un temps) Miche ? Tu m’entends ? MICHE 1.- Oui. DRATE 1.- J’ai peur. Fais quelque chose, bon sang. Drate 1 est un personnage au comportement enfantin auquel peuvent s’identifier les enfants. La peur a une réalité pour chacun d’entre eux et leur curiosité est éveillée. MICHE 1.- (soudainement en déséquilibre) Aïe, aïe, aïe ! Ouille ! Oooh ! Miche 1, perché sur plusieurs cubes empilés du côté opposé de la scène, a perdu l’équilibre. L’intensité lumineuse sur la scène augmente dès qu’il crie. Ses cris déclenchent les rires du public et Drate 1 court à son secours, oubliant sa peur. DRATE 1.- Qu’est-ce qui t’arrive, Miche ? MICHE 1.- Je tombe, Drate ! Je tombe ! DRATE 1.- Mais non, Miche, regarde, tu es simplement en déséquilibre. Reprends-toi ! MICHE 1.- (arrêtant son jeu) Voilà, elle a disparu. DRATE 1.- Quoi, Miche ? MICHE 1.- Ta peur, Drate. Ta peur a disparu. DRATE 1.- C’est vrai, Miche. Comment est-ce possible ? MICHE 1.- Je t’ai montré une peur plus grande, et tu as oublié la tienne. Il faut que tu connaisses la peur la plus grande, Drate, et alors toutes les autres disparaîtront. La conclusion de Miche 1 est d’abord une déduction, puis une généralisation : elle ouvre sur une perspective plus grande, qui reste énigmatique. La peur est désamorcée, mais pas ignorée ou résolue définitivement. Pistes de travail Qu’est-ce qui fait peur au début du spectacle ? Se remémorer comment la peur est mise en scène. Dessiner la peur de Drate 1. Ce serait quoi la peur la plus grande ? textes du spectacle et repères de mise en scène (suite) Le jeu de mime : Miche et Drate Miche 1 mime un poisson. Le mime est ressemblant mais ne correspond pas à l’« idée reçue » du mime du poisson pour les enfants. On leur laisse le temps de deviner, s’ils trouvent ! DRATE 1.- C’est un poisson ! Miche mime un cheval, puis un oiseau… Les autres personnages, présents sur la scène en jeu mineur depuis le début du spectacle, entrent progressivement dans le jeu. DRATE 1.- C’est un cheval ! C’est un oiseau !… … puis il mime un animal extraordinaire. Miche 1 fait appel aux deux autres Miche pour créer le corps de son animal fantastique, qui a trois têtes et n’est pas très ragoûtant. De la même manière, les Drate cherchent ensemble la réponse. DRATE 1, 2 et 3.- C’est… une girafe !… Non. Un lapin ! Non. Un… Une taupe. Non… Qu’est-ce que c’est, Miche ? … Miche… je donne ma langue au chat ! L’animal inconnu des Drate, nimbé d’une lumière bleutée, n’est pas très rassurant à la longue. MICHE 1.- C’est une Arganapoulistaminizénon. DRATE 1 et 2.- Mais… Ça n’existe pas ! Ça ne compte pas, Miche ! MICHE 2.- Pourquoi ? DRATE 3.- Parce qu’alors, on pourrait inventer tout ce qu’on veut, Miche ! MICHE 3.- On peut inventer tout ce qu’on veut, Drate. DRATE 2.- Mais alors on ne saurait jamais ! MICHE 2.- On pourrait inventer tout ce qu’on veut… et on ne saurait jamais. DRATE 1.- Et alors personne ne gagnerait, et personne ne perdrait ! MICHE 1- Et alors personne ne gagnerait et personne ne perdrait, Drate. Du jeu de mime au théâtre il n’y a qu’un pas, pour dire qu’on en a jamais fini de se poser des questions et de les remettre en jeu, collectivement, pour se donner des moyens d’affronter l’inconnu et la peur, pour s’inventer aussi, grâce à l’imagination. Un petit pas de côté et ce jeu prend une nouvelle dimension. Pistes de travail Qui a eu peur de l’Arganapoulistaminizénon ? Pourquoi ? Il était comment ? Inventer un nom d’animal imaginaire et le dessiner, ou le mimer, à plusieurs. A partir d’un jeu existant on peut en inventer un autre, en modifiant une des règles. Le jeu de mime est fini. Drate 1 n’est pas rassurée, la peur est revenue à cause de l’animal fantastique. Miche 3 assoit Drate 3 à l’écart et lui ferme les yeux comme pour préparer une surprise. Miche 3 distribue de petits instruments percussifs aux autres personnages qui se rassemblent discrètement en un mini orchestre. textes du spectacle et repères de mise en scène (suite) Miche et Drate DRATE 1.- (après réflexion) Et c’est dangereux, un Arganapoulistaminizénon ? Des rires répondent à cette question, rassurants. Le groupe répète discrètement son morceau pendant que Drate 2 au centre de la scène commence à jouer avec des cubes colorés de petite taille. Le morceau de musique fini, Miche 2 la rejoint pour jouer aux cubes avec elle. Mais très vite il s’accapare le petit jeu de cubes ainsi qu’une grande partie de l’espace de jeu lui aussi défini par des cubes, grands ceux-là, qu’il déplace et assemble au cours de la scène pour marquer son territoire. D’ici jusque-là : DRATE 2.- D’ici jusque-là, c’est à moi. Et de là jusqu’ici, c’est à toi. C’est un peu plus petit pour toi, parce que tu es plus petit et plus faible. Avant il n’y avait qu’un seul espace, maintenant il est partagé, inégalement. Miche 2 pleure. MICHE 2.- Et comment on va savoir ? DRATE 2.- On mettra une marque ou une barrière. D’ici à ici. MICHE 2.- Et une porte ? DRATE 2.- Bien sûr. Il faudra que je puisse t’inviter, Miche ! MICHE 2.- Qui aura la clé, Drate ? DRATE 2.- (réfléchit) Nous aurons chacun une clé. Dès le départ Miche 2 réagit en essayant de défendre ses cubes, elle pleure de plus en plus car son espace se réduit et elle se retrouve même encerclée. MICHE 2.- Alors il faudrait aussi chacun une porte. Et chacun une barrière. Drate 2 et Miche 2 sont maintenant séparés par deux rangées de cubes avec un espace entre. MICHE 2.- Et alors, ici, au milieu, qu’est ce que ce serait ? DRATE 2.- La rue ! Et ce ne serait ni à toi, ni à moi, ce serait à l’ÉTAT ! Les autres personnages investissent cet espace et représentent des passants, puis un agent de la circulation (Miche 3) qui met les autres au pas, dont Miche 2. MICHE 2.- Est-ce bien nécessaire, Drate ? DRATE 2.- C’est pour jouer, Miche ! MICHE 2.- Je n’aime pas ce jeu, Drate ! DRATE 2.- Alors, on te mettra à la rue ! Et on vendra ta maison ! Et tu devras affronter les gardes de l’État ! Et tu seras tout seul ! Et… Miche ! Où tu vas ? Miche 2, toujours en pleurs, est entraînée dans une course effrénée au son du sifflet de l’agent de la circulation devenu garde zélé de l’Etat. Drate 2 s’aperçoit que le jeu va trop loin, il l’arrête et prend Miche 2 dans ses bras pour la consoler. Les filles s’identifient plutôt à Miche 2 joué par une actrice, les garçons à Drate 2, le plus costaud des acteurs. Tous comprennent que le plus petit, le textes du spectacle et repères de mise en scène (suite) Miche et Drate plus faible, est spolié, et qu’il pleure pour cela. A partir d’une situation familière, un jeu de cubes inégalement partagé, on illustre une situation plus générale, l’organisation de l’Etat. Construire, déconstruire, reconfigurer l’espace de jeu grâce à des cubes est une activité bien connue des enfants, tout au long du spectacle ces cubes sont ainsi le support des expériences des personnages. Pistes de travail Pourquoi Miche 2 pleure ? Décrire sa propre maison, sa chambre, dans un espace de jeu vide comme si on la faisait visiter aux autres pour de vrai. Reconstituer sa maison, sa chambre, avec des cubes, puis la présenter aux autres. Drate 2 chante doucement une chanson à Miche 2 et danse avec elle. Miche 3 récite un poème. Miche 1 et Drate 1 jouent : elles disent à tour de rôle un mot, et sourient ou font la moue à cette évocation. Ces actions sont en jeu mineur et simultanées, on ne peut pas toutes les suivre en même temps, d’ailleurs, selon où l’on est placé dans le public, telle ou telle action capte davantage notre attention. L’anniversaire: DRATE 3.- (impatient les yeux fermés) Alors, alors, alors… est-ce que je peux les ouvrir, Miche ? On avait oublié Drate 3 dans son coin ! Parmi les Drate, il semble le plus jeune, à nouveau on propose aux enfants de s’identifier à un personnage précis, qui attend impatiemment une surprise. Les autres personnages se précipitent pour la préparer en ré-empilant des cubes. MICHE 3.- Tu m’as dit quelque de grand ? DRATE 3.- Oui. MICHE 3.- Quelque chose de beau ? DRATE 3.- Oui. MICHE 3.- Quelque chose de précieux, quelque chose d’extraordinaire ? DRATE 3.- Oui, oui ! MICHE 3 .- Alors, tu peux ouvrir les yeux, Drate, lentement. (Musique) Le mini orchestre s’est recomposé et accompagne une chanson d’anniversaire. La curiosité est à son comble. Il va y avoir un cadeau !!! TOUS : Joyeux anniversaire, Drate ! DRATE 3.- Mais… je ne vois rien, Miche !... Drate 3 est en bas d’un nouvel empilement de cubes. Suspense… MICHE 3.- Regarde bien, Drate ! Les acteurs suggèrent par des bruitages et des tableaux corporels les lieux que devine Drate 3, qui gravit quelques degrés et découvre des paysages au fil de sa promenade imaginaire. textes du spectacle et repères de mise en scène (suite) Miche et Drate DRATE 3.- Je vois le pré et plus haut la montagne et encore plus haut le ciel. Je vois la forêt. Je vois la plage. La mer qui vient sauter contre le rocher… MICHE 1, 2 et 3.- Le monde… Drate. Est-ce qu’il n’est pas grand, et beau, et précieux, et extraordinaire ? DRATE 3.- Oh, si ! Merci, Miche. Merci. Embrassades, puis les personnages se séparent en gardant cette humeur joyeuse. Pistes de travail C’était quoi le cadeau d’anniversaire ? Comment a-t-il été préparé, révélé ? Reconnaître un objet, une personne, un aliment, les yeux fermés, les décrire. Se promener en aveugle-muet au bras d’un camarade qui nous raconte une histoire ; puis, se remémorer ses sensations pendant la promenade, se remémorer l’histoire. A nouveau les personnages s’isolent. Drate 1 énonce à plusieurs reprise la règle du jeu suivant : « Quand c’est gai, je souris. Quand c’est triste, je fais comme ça. » Il y a la guerre : DRATE 1.- A toi. Quand c’est gai, je souris. Quand c’est triste, je fais comme ça (il fait la moue.) MICHE 1.- Il y a la guerre. (moue) MICHE 1.- Il y a les fleurs de toutes les couleurs. (sourire) MICHE 1.- (plus vite) il y a les orphelins. Il y a les oiseaux. Il y a les assassinats. Il y a les cadeaux. Il y a le soleil. Il y a la danse. Il y a les coups de couteau. (Un temps.) Il y a toi. (Drate ne sait pas quoi faire.) Il y a toi, Drate. A partir des indications de Miche 1, Drate 1 invente une pantomime que nous avons intitulée « La petite orpheline dans la guerre », comme une histoire, un conte à partir de tous ces ingrédients. Certains autres personnages sont figurants dans l’histoire. Le jeu se déroule facilement jusqu’au « il y a toi ». DRATE 1.- Je ne sais pas quoi faire, Miche. Quelquefois je suis gai, quelquefois je suis triste, alors… MICHE 1.- il y a moi, alors. (Drate sourit.) Pourquoi tu souris, Drate ? Moi aussi je suis parfois gai, parfois triste. DRATE 1.- Oui, mais tu es avec moi, Miche. Cette scène renvoie à la fonction première du théâtre, celle des masques qui rient ou pleurent, à l’image d’une condition humaine à deux visages indissociables. Le théâtre nous tend un miroir, racontant des histoires qui nous permettent de penser nos vies partagées entre joies et malheurs ; que ces événements nous touchent directement ou pas, ils travaillent l’inconscient collectif ou nous sont rappelés par les médias. Ils peuvent être source d’angoisse, comme pour Miche 1 qui fond en larmes à la fin du jeu, et tend à s’isoler, comme une adolescente. Drate 1 ne comprend pas encore cette attitude, éprouvant le plaisir du jeu et du partage. textes du spectacle et repères de mise en scène (suite) Miche et Drate Dans cette scène, Miche 2 et Drate 2 se disputent, comme des parents qui voudraient éviter que leurs enfants ne les entendent. A travers la maison aux cloisons imaginaires, les échos de leurs paroles les alertent au contraire. Le traître : MICHE 2.- Drate… il faut que je te dise quelque chose… J’ai décidé de vivre seul. DRATE 2.- (Un temps) Mais… pourquoi, Miche ? MICHE 2.- Je ne sais pas… Toutes ces discussions… DRATE 2.- Mais… si tu décides de vivre seul, moi aussi je devrai vivre seul, Miche. Et moi, tu te rends compte que je n’ai rien pu décider dans cette histoire ?! MICHE 2.- Tu peux vivre avec quelqu’un d’autre. DRATE 2.- (Un temps) Mais… je suis habitué à toi, Miche. MICHE 2.- Justement. DRATE 2.- Tu es un salaud, une vieille vache, une planche pourrie, un traître ! Deux des personnages enfants surprennent la dispute, précisément lorsque le mot « salaud » est prononcé, un gros mot qui marque les esprits, au-delà de l’effet de surprise et des rires. MICHE 2.- Tu ne sais même pas ce que c’est qu’un traître, Drate ! DRATE 2.- Si. C’est une personne qui pense que l’intelligence est cachée dans la tête. Comme toi. MICHE 2.- Ce n’est pas une définition, ça, Drate. DRATE 2.- Justement ! (Il sort) Á tout à l’heure… Drate 2 refuse la séparation, même si chacun part de son côté. Les quatre enfants forment un groupe qui interprète « Les histoires d’A » des Rita Mitsouko. Cette chanson énergique défie l’angoisse de la séparation et introduit la scène suivante. La recette d’amour : DRATE 3.- La recette d’amour ! Drate imite Miche. Dans un jeu mimétique dos à dos, Drate 3 et Miche 3 s’essayent à la recette d’amour avec le public, placé de deux côtés de la scène. MICHE 3.- D’abord tu marches sans penser à rien. Puis tu t’arrêtes et tu ouvres les yeux. Oh… ! Alors tu marches lentement, en pensant à quelque chose, en pensant très fort. Lentement, Drate ! Il ne faut pas que ça s’échappe ! Ensuite il faut ouvrir les bras, grand ! et sourire… Un temps. DRATE 3.- Et après ? Après, Miche, c’est tout ? MICHE 3.- Chhhht ! Maintenant, c’est le plus difficile, tu sais… DRATE 3.- Quoi ? MICHE 3.- (chuchotant) Attendre… DRATE 3.- (criant) Mais je ne veux pas attendre, Miche ! Je veux de l’amour, tout de suite ! MICHE 3.- (laisse tomber les bras) Ça y est ! Tu l’as perdu, Drate. Je t’ai dit avant textes du spectacle et repères de mise en scène (suite) Miche et Drate de commencer qu’il y a un moment où il faut attendre dans le silence jusqu’à ce qu’on entende une musique. Pas des cris, Drate, une musique. DRATE 3.- Alors, que faut-il faire à présent, Miche, recommencer ? MICHE 3.- (faisant les gestes) Impossible. Il faut d’abord refermer les bras et les yeux. Pleurer. DRATE 3.- (l’imitant) Pourquoi, Miche ? MICHE 3.- Parce que nous avons un chagrin d’amour, Drate. Pendant cette scène, Drate 2 et Miche 2 se sont réconciliés, c’est à présent leurs retrouvailles qui contre-balancent le chagrin des autres personnages. Drate 2 se sert à nouveau des grands cubes pour illustrer son propos. Il les déplace, exagérant sa difficulté à les porter pour suggérer leur poids. La chute : DRATE 2.- Miche, pourquoi est-ce qu’on tombe toujours vers le bas et jamais vers le haut ? MICHE 2.- C’est à cause de l’attraction terrestre, Drate. DRATE 2.- Qu’est-ce que c’est, l’attraction terrestre, Miche ? MICHE 2.- C’est une loi de l’Uni… MICHE 3 et DRATE 3.- … forme ! … versité ! DRATE 2.- … vers ! MICHE 1.- Le poids le plus grand attire le poids le plus petit. MICHE 3.- Comme la Terre est plus lourde que toi, elle t’attire. DRATE 3.- La Lune aussi est attirée et tourne autour de la Terre à cause de cette loi. Les personnages jouent à sauter et tomber les uns sur les autres, c’est un grand moment de détente avant de demander encore un peu d’attention à notre public pour finir cette scène et écouter celle qui clôt le spectacle. DRATE 2.- (Après réflexion) L’esprit, est-ce que ça a un poids, Miche ? MICHE 2.- Non, Drate. L’esprit n’est pas une matière… MICHE 1.- Ça ne peut donc pas avoir de poids. DRATE 2.- Alors c’est terrible, terrible ! MICHE 2.- Quoi, Drate ? DRATE 2.- Quand je vais tomber, mon esprit va rester par ici… Peut-être même qu’il va tomber vers le haut. Drate 2 tient un cube au niveau de son crâne pour illustrer son propos. Quand il saute et tombe, le cube tombe, mais son esprit lui reste bien en place, dans sa tête. Rassurés, rassemblés, tous sortent de scène. Le cadeau de l’oiseau : Miche a les deux mains ouvertes, paumes contre le ciel. Miche 1 est revenue sur scène, seule. Elle s’assoit sur les cubes qui au fil des précédentes scènes ont été disposés de façon à former une scène unie, comme une page blanche. Elle attend, paumes tournées vers le ciel. Après un temps, les autres personnages réapparaissent. textes du spectacle et repères de mise en scène (suite) Miche et Drate DRATE 3.- Est-ce qu’il pleut, Miche ? Miche met un doigt sur la bouche pour demander le silence, puis reprend sa position. DRATE 2.- (très doucement) Qu’est-ce que tu attends, Miche ? MICHE 1.- (aussi doucement) Une plume. Ne fais pas peur aux oiseaux qui passent. J’attends qu’une plume tombe sur ma main. DRATE 1.- Pourquoi ? MICHE 1.- Je veux écrire un livre, il me faut une plume. LES AUTRES.- Écris avec un crayon, un stylo à bille, un stylo plume, un feutre, une craie… MICHE 1.- Pour écrire un beau livre, il faut un cadeau des oiseaux. DRATE 2.- Ramasse-la par terre. MICHE 1.- Il ne faut pas prendre les cadeaux que les oiseaux font à la terre, Drate. DRATE 1 et 2.- (un peu plus fort, fatigué) Qu’est-ce que tu est compliqué, Miche. Et pour l’encre, hein ? pour l’encre ? MICHE 1.- Chhhht ! Pour l’encre, j’irai vers la mer et je demanderai un cadeau à un poulpe. Et pour le papier, un arbre sur la terre me le donnera. DRATE 1.- Et qu’est-ce que tu écriras, alors ? MICHE 1.- Pour cela je demanderai au feu. Ainsi, j’aurai tous les éléments, Drate. Maintenant tais-toi et pars. Il faut que tout soit vide et silencieux… pour qu’un oiseau vienne. La détermination calme de Miche 1 est contagieuse, chacun se retire de la scène et attend sur son bord. Tous à coup, on entend un oiseau. Tous tournent la tête vers l’entrée du chapiteau et suivent sa progression au « plafond ». Il s’arrête, une plume bleue tombe sur la page blanche, l’oiseau s’en va. On éteint les projecteurs, c’est la fin du spectacle.