L`éducation aux médias et à l`information au défi du numérique

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L`éducation aux médias et à l`information au défi du numérique
Journée d’information des cadres du MEN
26 au 28 mai 2014
L'éducation aux médias et à l'information
au défi du numérique
Canopé/Palais des Congrès de Marseille
Compte rendu effectué par Bathilde Vassent Ndiaye,
professeur documentaliste Lycée Professionnel Trégey, Bordeaux Bastide
6 juin 2014
Lundi 26 mai 2014
1. Accueil
Présentation du séminaire, des détails organisationnels, des contenus et bienvenue par
Blandine Raoul-Réa1 et Philippe Young2.
La Loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la Refondation de l’École de la
République inscrit l’éducation aux médias et à l’information (EMI) à travers plusieurs articles
et dans son annexe. L’EMI devient une question centrale.
Ce séminaire « l’éducation aux médias et à l’information au défi du numérique » a pour
objectif de contribuer à la formation des enseignants dans ses trois dimensions :
comprendre les principes fondamentaux (algorithmique, langage) de l’informatique et
du numérique ;
savoir accéder à l’information, la traiter, l’évaluer ; savoir produire de l’information et
la diffuser ;
comprendre le monde de l’information en particulier l’organisation des médias, incluant
les questions d’architecture de l’information ainsi que les questions d’éthique qui les
sous-tendent.
À travers conférences et tables rondes, mais aussi de nombreux ateliers, les compétences et
connaissances nécessaires à l’acquisition de cette capacité à comprendre et agir dans notre
société seront identifiées pour servir de base à un référentiel de compétences en
construction.
2. Conférence inaugurale : « Les usages numériques des adolescents : des
mutants parlés aux faberborn, la leçon des usages digitaux créatifs
juvéniles » par Laurence Allard3
Cf. slideshare de la communication :
http://fr.slideshare.net/laurenceallard/usages-numriques-adolescents-pdf
Avant d’entrer dans le sujet qui nous intéresse ici - les usages numériques des jeunes - il faut
s’interroger sur les personnes qui parlent le plus souvent pour les jeunes praticiens du
numérique : les jeunes étant des sujets mineurs ou subalternes, ils en deviennent des sujets
« parlés » par les adultes : on entend de bien trop nombreux discours : « experts »,
pédopsychiatres, industriels, parents, etc. Finalement, ces stratégies discursives plurielles
s’apparentent à de la ventriloquie : on parle à la place des jeunes.
1
Blandine Raoul-Réa a en charge le dossier éducation au numérique, éducation aux médias et à l’information au sein de la
Direction du numérique pour l’éducation (DNE). Professeure documentaliste depuis 1992, de formation scientifique (biologie) et
documentaire, elle a coordonné une recherche sur l’autonomie des élèves en TPE. Rédactrice et responsable de rubrique au Café
pédagogique de 2003 à 2010, elle a également été chargée de cours en Sciences de l’information et de la communication à ParisDiderot, pour la préparation au CAPES documentation.
2
MEN – DGESCO, Pôle Sciences du bureau de la formation des personnels enseignants et d'éducation.
Maîtresse de conférences Université Charles de Gaulle - Lille 3 et chercheuse (Université Sorbonne Nouvelle), L. Allard est
sociologue de l’innovation et ethnographe des usages des nouvelles technologies. Elle est notamment l’auteur de « Mythologie du
Portable » et « Téléphone Mobile et Création » paru en février 2014.
3
2
Notre approche méthodologique est de se placer du point de vue des jeunes, de partir de
leurs pratiques, observées in situ pour sortir des clichés. On opte pour une sociologie
compréhensive des pratiques : notre but est de comprendre les raisons des usages des
jeunes, sans culpabilisation ni apologie de ces « singes parlants ».
On dit que Facebook serait délaissé par les jeunes au profit de Twitter. Cela ne semble pas si
patent que cela. La sociabilité digitale s’exerce par petits cercles : Facebook constitue un de
ces cercles. Il a une connotation presque scolaire (Facebook de classe). En grandissant, les
jeunes diversifient donc leurs réseaux : Twitter, Instagram...
Contrairement aux idées reçues, les pratiques numériques se conjuguent au singulier. Les
équipements sont certes variés (téléphone portable, tablette, écran de télévision, console de
jeu, ordinateur), les contenus hybrides (texte, image, son, etc.). C’est une panoplie
transmédiatique que l’on ajuste selon ses désirs et besoins. Mais la connexion est disjonctive :
on ne peut pas être connecté à tout en même temps (il y a 21 réseaux sociaux dans le monde) :
lorsqu’on poste un message sur Facebook, on ne peut pas envoyer un sms au même moment.
Par ailleurs, il y a entrelacement d’une vie faite avec ou sans le numérique ; connectée et
déconnectée à la fois. Il persiste des pratiques « sans » chez les jeunes : ils continuent de
passer de bons moments à faire du sport, rencontrer des amis (sans écran).
Quelques chiffres :
46% des familles avec enfant ont au moins une tablette, outil qui a tendance à s’individualiser.
79% des 13-19 ans ont un compte Facebook (contre 85% en 2012).
Le « double screening » (regarder la télévision et jouer à une console ou surfer sur internet,
par ex) est une pratique courante : 47% des 13-19 ans s’y adonnent.
89% des lycéens révisent leur bac avec leur mobile.
Le mobile est considéré comme le compagnon d’existence chez les adolescents. Certains ont
une culture du déballage de leurs téléphones mobiles : ils présentent en ligne (sous forme de
vidéo) leur intériorité numérique : contenus, applis préférées, etc.
Evolutions des usages
L’individuation expressive habilite tout un chacun à s’exprimer sur internet. L’expression de
soi est un des éléments constitutifs de la construction personnelle. On parle d’existentialisme
digital : se dire sur internet, c’est exister.
La conversation créative : les images ne sont plus seulement des images, les mots sont aussi
des images. Le « selfie » est un autoportrait photographique réalisé avec un téléphone mobile
puis diffusé sur les réseaux sociaux, le plus souvent sur Snapchat, une appli de partage de
photos avec une limite de temps de visualisation de l’image (maximum 10 secondes). Le plus
important dans le selfie, c’est le décor qui valorise le portrait. On accuse à tort les réseaux
sociaux d’être narcissisants, alors que ce type d’appli permet aux jeunes de mettre en scène
des situations, de créer des surprises (programmation du temps de visionnage) : ils
orchestrent une dramatisation de la vie quotidienne.
Les jeunes utilisent différents types d’images : des captures d’écran, scans, photographies,
emojis (mots-images représentant symboliquement des expressions faciales comme les
3
émoticones, mais aussi pictogrammes représentant des voitures, des animaux, de la
nourriture, etc.).
Identité et remix : le copier-coller expressif. C’est le partage automatisé des contenus à
partir duquel les jeunes recréent du contenu. Ils manipulent l’image, la vidéo : ajout de titre,
commentaires, doublage du fonds, remontage (ex : vidéos de Cyprien ou de Norman).
L’usage défensif : les jeunes mettent en place des stratégies parodiques d’autoprotection,
des images qui protègent d’autres images. Ils remixent des images, se les approprient pour
mieux les parodier. Par exemple, dans les épisodes « Non mais t’as vu ce que tu écoutes ? » ou
« Non mais t’as vu ce que tu regardes ? », les plus grands opèrent un travail de culture
critique des clips pour protéger les plus jeunes (on pense notamment aux clips décryptés de
Maître Guim’s ou Ryana).
Ou encore les nombreux remixages musicaux et posts tumbler opérés à partir du « Coucou, tu
veux voir… » devenu une ritournelle sur le web4.
Les pratiques re-créatives et culture « fandom » (communautés interprétatives de fan,
comme la communauté « poop » autour de « Mon Petit Poney »). L’identité personnelle et
collective s’y mêlent puisqu’il y a appartenance à un groupe.
Du jeu vidéo au code informatique. Certains jeunes utilisent un codeur de jeu pour créer de
nouveaux Pokémon ou copient des bouts de programmes pour avoir de nouvelles
fonctionnalités dans leur RPG (Role Playing Game ou jeu de rôle en ligne) : le forum RPG Maker
rassemble des passionnés de tous niveaux d’étude confondus et de tous lieux confondus. Les
plus jeunes sont formés par les plus grands.
Pratique du mangafansub, scantrad de manga : sous-titrage d’animé, placé en fonction de celui
qui parle : cette pratique nécessite des compétences organisationnelles, techniques et
linguistiques.
Les jeunes ne sont pas si décervelés par le numérique qu’on peut le penser. Internet est pour
eux un espace de débat autant qu’une école de l’entraide : des éléments à exploiter en classe.
Les usages d’intérêt collectif (Mooc). Les jeunes en font un détournement pour une p2p
éducation de Facebook ou de Twitter.
4
Au départ, il s’agissait d’une émission de télévision, « Complément d’enquête », sur les dangers d’internet où une fausse Lolita,
13 ans, s’ouvre un compte sur les réseaux et reçoit immédiatement un message d’un pédophile : « Coucou ! Tu veux voir ma
bite ? ».
4
3. « Le cadre français de l’éducation aux médias et à l’information » par Jean
Louis Durpaire5 (à la place de Catherine Becchetti-Bizot6)
En guise d’introduction, visionnage de la déclaration du Ministre Benoît Hamon sur l’EMI
(vidéo de 6 mn), lors du lancement du MOOC7.
Avant son départ, Vincent Peillon a passé une commande pour définir un nouveau socle
commun, afin de passer du S3C au S4C : Socle commun de connaissances, de compétences et
de culture. Ce projet est encore aujourd’hui en cours d’élaboration mais il a été diffusé par
l’AEF. En voici quelques éléments.
Le S3C était constitué de cinq piliers plus deux par décret (ce qui en fait d’ailleurs un texte
non conforme à la loi puisque les piliers 6 et 7 ont été ajoutés par la suite).
Le S4C comprend cinq grands domaines de formation :
Les langages fondamentaux (y compris langages de programmation)
Les méthodes et outils d’apprentissage
La formation de la personne et du citoyen
L’observation et la compréhension du monde
L’activité humaine dans un monde en évolution
Notre enseignement secondaire reste structuré en discipline or il y a absolue nécessité
d’évoluer, mais c’est un processus très complexe.
Tel que l’a rappelé Catherine Becchetti-Bizot aux 30 ans du CLEMI (déc. 2013, Lyon),
l’Education au numérique et à l’information comprend trois champs connexes :
L’Education aux Médias et à l’Information
La connaissance du numérique (dans le cadre des enseignements disciplinaires)
L’informatique (dans le cadre des enseignements des Mathématiques ou de
Technologie : problème du déficit de professeurs de Maths à solutionner).
La Direction du Numérique à l’Ecole est une organisation récemment créée (février 2014) au
service d’une politique. Elle a pour volonté de faire travailler les gens ensemble : les
ministères, les collectivités, les privés, etc.
Ses missions :
Stimuler la production de ressources, contenus et services numériques.
Faire du numérique. un levier de modernisation, d’innovation et de démocratisation.
Renforcer la formation au numérique.
Ses premières actions sont l’Eduthèque, le projet « Collèges connectés » ou le dispositif de
formation « M@gistère ».
5
Jean-Louis Durpaire est inspecteur général de l'éducation nationale et co-pilote du groupe Éducation au numérique et à
l'information. Il a co-présidé en 2013, la conférence de Lyon, « Cultures numériques, Éducation aux médias et à l'information ».
6
Directrice du Numérique pour l’Éducation
7
Cf. Daily motion Ecole numérique : Benoit Hamon
5
4. « L'EMI augmentée par le numérique : quelques exemples en Europe », par
Divina Frau-Meigs8
Pourquoi vouloir « augmenter » l’EMI ?
Il y a un sentiment d’urgence, une nécessaire transition aux cultures de l’information. Sinon,
on court le risque de marginalisation de l’EMI.
Avec le web 3.0, on va basculer dans l’internet des objets (échanges d'informations et de
données provenant de dispositifs présents dans le monde réel vers le réseau internet, par
exemple, Google Glass, substitut des yeux, rétine numérique), tout sera augmenté et
redistribué . Mais pour l’instant, il n’y est nulle part question de média.
L’EMI peut-elle faire émerger l’internet des sujets ?
Le média est un agrégateur de contenus y compris scolaires, c’est aussi un élément
d’expression personnelle. Quelle augmentation du média peut-on envisager pour l’éducation ?
Les MOOC, mix, remix, sont une réponse.
L’EMI traditionnelle propose quatre modèles pré-numériques :
La transmission : information, culture patrimoniale, cinématographique, etc. ;
La compétence : modèle dominant en France ;
La citoyenneté : engagement et pouvoir d’agir ;
La créativité : développement de soi et de sa communauté.
L’EMI traditionnelle manifeste la convergence entre le commentaire et le contenu.
L’EMI augmentée ramène au concept de littératie numérique où on observe une convergence
entre toutes les compétences mobilisées : opératoires (code, computation, design), éditoriales
(écriture, lecture, publication), organisationnelles (recherche, navigation). Donc tout est à
réinventer en termes de pédagogie.
Quelles implications aura l’EMI augmentée pour le curriculum info-documentaire ? Il va falloir
envisager une rupture épistémologique afin d’éviter la fracture du numérique. On doit tendre
vers des humanités numériques.
Dans le modèle finnois, tous les enseignements sont issus d’un curriculum, il n’y a pas de
programme. Par conséquent, on constate une énorme autonomie des enseignants. La Finlande,
comme l’Angleterre, a perdu l’EMI qui a été remplacée par l’enseignement du code
informatique.
La Belgique possède un Conseil Supérieur du Multimédia qui a schématisé les tâches
médiatiques en quatre grandes opérations : la lecture, l’écriture, la navigation, l’organisation.
8
Divina Frau-Meigs, normalienne, agrégée, est Directrice du Centre de Liaison de l'Enseignement et des Médias d’Information
(CLEMI) et enseignante-chercheure à l’Université Sorbonne Nouvelle et sociologue des médias. Elle pilote le projet ANR
TRANSLIT et dirige la chaire UNESCO « Savoir Devenir dans le développement numérique durable». Elle est notamment l’auteur
de Socialisation des jeunes et éducation aux médias : Du bon usage des contenus et comportements à risque et de Penser la
société de l’écran : Dispositifs et usages.
6
Modèle de Thierry De Schmedt9
Source :http://www.ina-expert.com/e-dossier-de-l-audiovisuel-l-education-aux-cultures-de-l-information/linsertion-scolaire-des-competences-en-litteratie-mediatique.html
Aux Pays Bas, l’approche est plus orientée communication. Les points d’entrée sont la
compréhension, l’usage, la communication (réseau) et la stratégie (organisation). Le système
scolaire est basé sur des coachs ou référents locaux qui forment aux TICE comme à l’EMI
(comme le CLEMI cherche à le faire) dans un « tiers lieu » hors de la classe : le CDI, la
médiathèque, des plateformes d’échange. Les évaluations sont spécifiques et non sommatives,
elles visent à l’acquisition d’une formation tout au long de la vie (autoformation par les
MOOC).
Suggestions pour les politiques publiques :
Il ne faut pas faire de rupture entre informatique et information (cultures de l’information)
sinon on court à la catastrophe pour l’EMI.
On aurait en revanche tout intérêt à rendre visible un socle commun des compétences en EMI
(informatique et autres compétences).
Travailler seul dans sa classe devient incohérent en tant qu’enseignant. L’EMI doit se
concevoir dans la transversalité disciplinaire et dans des espaces hors classe.
Il serait donc souhaitable (voire urgent) de réaliser :
une vision partagée, autour de l’EMI augmentée et focalisée sur les cultures de
l’information. La littératie numérique est un danger si elle se substitue à l’EMI, il faut
l’inclure dans l’EMI.
une augmentation de la forme scolaire par les tiers et quart lieu.
une stratégie de formation ET de recherche action.
une gouvernance coordonnée par tous les acteurs (CNIL, CSA, CLEMI, CNC, CEMEA,
etc.).
Le France est un des pays les plus riches en termes de recherche sur l’EMI (définition du
concept), d’acteurs et de ressources. Mais on constate que cette richesse se fait avec peu de
financement et peu d’évaluation. Il faudrait passer à un peu plus de professionnalisme.
9
Thierry De Smedt est docteur en communication sociale et professeur à l’école de communication de l’Université catholique de
Louvain (Belgique). Il est membre du Conseil supérieur de l’éducation aux médias de la communauté française de Belgique depuis
1994. Il a collaboré à l’ouvrage La littératie médiatique multimodale, De nouvelles approches en lecture-écriture à l'école et hors
de l'école (2012) et est auteur de l’article « La longue genèse de l’idée de compétence dans l’histoire de l’éducation aux médias »,
in Recherches en Communication.
7
Mardi 27 mai
Accueil
Répartition dans les différents ateliers. Il n’est rendu compte ici que du contenu des ateliers
auxquels l’auteure de ce rapport était inscrite.
5. Atelier : Le projet VIP (Vers l’insertion professionnelle) : utiliser le
numérique pour favoriser l’insertion des élèves de baccalauréat
professionnel (académie de Nice) par Yves Costa10 et Romain Goura11
Animation : Mireille Lamouroux12
Le projet VIP est né d’une demande de la Rectrice de Nice qui souhaitait mettre en place un
dispositif d’évolution de formation avec les différents acteurs concernés (Chambres de
Commerce, Chambre d’Agriculture, Pôle Emploi...).
Il fait suite à un double constat :
1. les élèves de Bac professionnel ne veulent plus aller vers l’insertion professionnelle une
fois leur diplôme obtenu. Ils poursuivent donc leurs études mais souvent comme une
fuite en avant, sans réelle adéquation entre leur choix d’études et leurs compétences.
2. Les entreprises qui recrutent demandent un minimum de deux ans d’expérience
professionnelle, une aptitude à la polyvalence et des compétences pointues, autant
d’atouts dont on ne dispose pas en sortant de LP.
Comment faire pour résoudre cette question de l’expérience quand on n’en a pas ?
L’outil du GIP, le « CV du futur », vise à faire prendre conscience aux jeunes que dès qu’ils ont
une activité (stage, hobby, etc.), c’est une expérience qu’ils doivent recenser. Donc il faut
travailler sur la relation de l’élève à lui-même et de l’élève aux autres. Comment modifier la
relation tripartite élève-professeur-entreprise ?
Une recherche-action a été mise en place à titre d’expérimentation sur sept classes de
seconde dans l’académie de Nice, sur la base du volontariat : les filières étaient disparates :
cuisine, énergétique, esthétique, construction, service à la personne, gestion administration
Les trois phases de l’expérimentation :
Elaboration du « CV du futur »
Instauration d’une relation nouvelle entre les acteurs
Entrée dans la vie professionnelle : apports et soutien de Pôle Emploi
Objectifs :
Pour les jeunes :
- Meilleure connaissance de l’entreprise
10
Yves Costa est inspecteur de l’Education Nationale, doyen du collège académique des inspecteurs de l’éducation nationale et
président de l’Association pour le rapprochement École-Entreprise (APREEV) dans le Var.
11
Romain Goura travaille au GIP FIPAN, Groupement d'Intérêt Public pour la Formation et l'Insertion
professionnelles de l'Académie de Nice. [email protected]
12
Mireille Lamouroux est chargée de mission auprès de la directrice du numérique pour l’Education. Elue successivement dans les
sections « Information Literacy » et « School Libaries and Resource Centers » de l’IFLA, elle co-représente avec l’inspection
générale, la documentation scolaire au sein du Comité national « IFLA Lyon 2014 ».
8
-
Compétences et savoir-être adaptés aux besoins des employeurs
Regain de confiance en soi
Identification durable de l’expérience acquise
Insertion sociale et professionnelle réussie
Pour les employeurs :
- Occasion de participer directement à la formation
- Meilleure connaissance du lycée
- Des jeunes biens formés
Pour les formateurs :
- Relation plus étroite avec le monde du travail
- Relation de professionnels avec les jeunes
Pour le lycée ou l’institution :
- Climat apaisé
- Persévérance renforcée
- Amélioration de la réussite des parcours et des résultats
Méthode :
Le contexte professionnel est utilisé pour développer les connaissances, les habiletés
professionnelles de l’élève. Ce parcours plus professionnalisant est adopté pour faire passer
l’élève de son statut d’élève à un statut de professionnel.
Leviers pour l’action :
- La relation entre les acteurs (lycée-entreprise, jeunes-professeurs-tuteurs)
- L’enseignement : référentiels de compétences, formation des enseignants, des tuteurs
- L’organisation de la relation formation au lycée/en entreprise (PFMP)
- Le savoir être
- Le suivi de la professionnalisation
Pistes
-
de travail :
Instaurer une pédagogie du travail en équipe
Donner un maximum d’autonomie aux élèves
Assurer une présence régulière des entreprises dans le lycée
Associer les employeurs à la définition des objectifs de formation
Associer les parents à la démarche
Elaborer une charte commune établissement/entreprise : savoir être, accueil…
Maintenir le recensement de l’expérience acquise : « CV du futur ».
Présentation de l’outil « CV du futur » :
Il existe des GIP dans chaque académie, même si leur visibilité est moindre puisque la
formation initiale représente 99% de l’enseignement dispensé par l’Education nationale.
La formation continue se décline en quatre volets (cf. www.gipfipan.eu ) :
- La formation de formateurs
- La VAE : 3 ans minimum d’expérience professionnelle pour une reconnaissance
estampillée Education Nationale
9
-
Kompaso : pour le développement de projets internationaux
La recherche et développement : innovation, développement des ressources humaines,
ingénierie.
Le projet « CV du futur » est né en 2005 (dispositif européen FEDER13). C’est un portefeuille
numérique de compétences qu’on alimente tout au long de sa vie et qu’on peut retrouver à tout
moment. Il s’étaye sur la collaboration avec l’ensemble des acteurs (Région, Education
Nationale, employeurs). C’est un outil de dynamisation/valorisation de carrière, en lien direct
vers l’emploi.
Plus de 110 élèves ont été formés à travers ce projet : 80% des élèves ont décidé d’utiliser
l’outil dans leurs futures recherches d’emploi : le retour est donc positif notamment grâce à
sa simplicité, point fort de l’outil.
A partir du CV constitué en ligne, on peut en extraire un fichier html, pdf ou rtf, le
personnaliser à l’envi et l’imprimer. Ce n’est pas un CV en ligne, car il n’est pas publié. Pour y
accéder, il faut un login et un mot de passe. C’est un outil gratuit et accessible à tous (cf.
www.cvdufutur.eu).
6. Table-ronde (partagée avec les Rencontres de l’Orme) : « École numérique
: une école augmentée ? », avec Rémi Bachelet14, Jean-Marc Merriaux15,
Sophie Pène16, François Taddei17, Michel Pérez18.
Modérateur : Jacques Papadopoulos19
Introduction par M. Papadopoulos : présentation des invités et des interventions
La Loi d’orientation du 08 juillet 2013 donne au numérique une place déterminante à l’école :
on sent pour la première fois un engagement holistique. Jusque là, on mettait des outils à
disposition en espérant que les usages se généralisent. Avec cette loi, une nouvelle
perspective s’ouvre. L’école pourrait-elle être réparée, « augmentée » par le numérique ? Ne
Fonds Européen de Développement Régional
Rémi Bachelet est diplômé de l’École centrale de Lille et docteur en sciences de gestion de l’Université Dauphine. Il est maître
de conférences à l’École centrale de Lille et directeur adjoint du Master recherche Modélisation et management des
organisations. Spécialiste des MOOCS, il est à l’origine du lancement du premier MOOC certificatif « Gestion de projet » à
l’École centrale de Lille. Il a également participé à l’ouvrage « Le tutorat par les pairs » paru en 2010.
15
Directeur général de Canopé
16
Sophie Pène est enseignante-chercheure en sciences de l’information et de la communication à l’Université Paris Descartes et
chercheure en sociolinguistique. Pionnière des usages numériques à l’université, elle a présidé de 2008 à 2011 le Conseil
d’Administration de l’Institut d’enseignement à distance de l’université Paris 8 et créé la recherche en design à l’ENSCI (École
nationale supérieure de création industrielle). Elle est membre du Conseil national du numérique, chargée du groupe de travail
Éducation Numérique (GEN).
17
François Taddei est directeur de recherche à l’Inserm et dirige la chaire de l'Unesco et de Sorbonne Paris Cité sur les
sciences de l’apprendre). Polytechnicien et ingénieur des Ponts, eaux et forêts, il est directeur du Centre de recherche
interdisciplinaire de l’Université Paris Descartes et de l'Institut innovant de formation par la recherche, sélectionné dans le
cadre des initiatives d’excellence en formations innovantes (IDEFI). Il est l’auteur du rapport sur l’éducation remis à l’OCDE le
28 février 2009 et intitulé « Former des constructeurs de savoirs collaboratifs et créatifs : un défi majeur pour l’éducation du
13
14
21ème siècle ».
18
IGEN, co-animateur avec J.L. Durpaire du groupe Education au Numérique, rapport sur la filière du numérique, animateur du
débat préalable à la loi pour la refondation de l’école
19
Jacques Papadopoulos est agrégé de l'université (mathématiques, option analyse numérique). Il dirige le Canopé-CRDP de
l’académie d’Aix-Marseille depuis 2002.
10
doit-on pas craindre une forme de dépendance face au numérique ? Le numérique présente
aussi des risques pour notre mémoire et notre identité. Finalement, quel coût/avantage pour
le numérique à l’école ?
Michel Pérez : Apports de la loi pour la Refondation de l’Ecole pour le numérique à l’école
Le débat de l’été 2012, préalable à la Loi pour la Refondation de l’Ecole, octroie de grandes
ambitions pour le numérique à l’école. Une centaine de grands acteurs ont été auditionnés
pendant cette période. Le rapport, remis à quatre ministres, met en exergue cinq obstacles
respectivement d’ordre organisationnel, pédagogique, économique, juridique et technique :
pas de gestion en mode projet de la transition numérique.
usages dans les classes peu présent : équipement et ressources insuffisants, faible
mobilisation
du
corps
enseignant,
culture
d’apprentissage
différente
(verticalité/horizontalité)
insuffisance de connaissance du secteur de l’édition numérique, réduit à tort au seul
secteur du manuel scolaire.
exception pédagogique, gestion collective des droits pour l’accès aux œuvres
numériques.
normes pour l’accès et la diffusion de ces ressources (ENT).
Une fois identifiés, ces obstacles ont été ou vont être progressivement levés par la loi.
Le rôle de l’enseignant évolue : il devient un médiateur, le numérique induisant un
bouleversement dans le rapport à l’autorité.
Rémi Bachelet, les MOOC : principes et transférabilité dans le second degré
Les MOOC sont avant tout de la pédagogie et des cours (C = Cours). Ce qui les rend
spécifiques, c’est la diffusion, le marketing (M = massif), le but étant d’attirer le plus possible
de participants (O= on line) et de partager ces cours sous licence libre (O= open).
Le MOOC libère de la contrainte du temps et de l’espace, mais en partie seulement. C’est un
évènement qui a une date de début et de fin et surtout qui exige que tout le monde travaille
en même temps.
A la fin de chaque capsule vidéo, des QCM ou autres exercices sont proposés pour tester les
connaissances acquises. Mais aussi, d’autres livrables sont à rendre, tels que des cartes
conceptuelles, des synthèses, des comptes-rendus de réunion, des diaporamas, des documents
de planification. On demande aux étudiants de rendre un travail et d’évaluer leurs pairs. Pour
cela, les étudiants sont formés pour un feedback positif avec la méthode sandwich20. Une
attestation de réussite et des ECTS sont délivrés à l’issue du MOOC.
Donc, contrairement à ce que ses détracteurs en disent, le MOOC ne s’étaye pas sur des
formes pédagogiques pauvres.
Les MOOC sont-ils transférables dans l’enseignement secondaire voir primaire ? Rien n’est
moins évident. C’est un rythme d’apprentissage choisi pour lequel l’autonomie est
indispensable. De surcroît, la question de la littératie numérique se pose de manière accrue :
sans une bonne appropriation des NTIC, on ne peut pas participer à un MOOC. De surcroît, le
20
Principe de la méthode d’évaluation sandwich : une couche de points forts, une couche de pistes d’amélioration,
une couche de points forts. Le message subliminal étant : Tout va bien, il y a du boulot, mais tout va bien
11
problème de l’équipement se pose (surtout lorsqu’on mesure les difficultés d’accès à internet
à l’école). Enfin, la formation des professeurs est essentielle.
France Université Numérique est le principal portail de MOOC français. On trouve également
des MOOC à explorer sur www.francetveducation.fr.
Le MOOC constitue une bonne transition entre le lycée et les études supérieures, même si
aujourd’hui seulement 1 à 2% des lycéens participent aux MOOC.
Sophie Pène : Numérique et emploi de demain.
La question qui se pose de manière accrue pour l’éducation concerne tous les métiers du
numérique qui vont se créer autour de la citoyenneté, la vie politique et la participation au
débat critique. Dans ce contexte, il faut une culture de l’analyse numérique.
L’étude « Education et numérique » confirme la nécessité de cette transformation radicale.
Cette dernière permettrait à l’école d’être moins inégalitaire et de répondre aux défis de
l’emploi de demain. Une nouvelle vague d’informatisation violente est à prévoir dans les années
qui viennent où l’on aura besoin d’emplois très qualifiés, très créatifs et innovants.
On est sidéré par la complexité de l’école et ne savons pas trop comment la faire évoluer,
mais il faut bien garder à l’esprit le fait que d’autres ne s’embarrassent pas de cette
complexité et occupent le terrain à notre place : les créateurs de MOOC, ONG, entreprises…
En France, on constate une carence dans la recherche universitaire : le numérique n’est pas un
sujet à part entière (comme aux USA).
Jean-Marc Merriaux : Contenus numériques, co-design et ressources pédagogiques
L’école devrait être plus créative qu’elle ne l’est aujourd’hui : il faut aller vers davantage de
liberté et de désir : désir d’apprendre, désir de partager. Il doit ne plus y avoir de frontière
entre le temps scolaire et le temps hors scolaire.
La question autour des contenus est centrale et doit impérativement prendre en compte l’idée
de co-design : il est impossible aujourd’hui de penser une ressource sans possibilité d’évoluer
dans le temps, c’est-à-dire sans l’idée que tout le monde puisse interagir sur cette ressource.
Comment peut-on mettre à disposition des outils et des contenus qui permettent d’emprunter
pour recréer ? La question de l’exception pédagogique devient centrale, il faut lever les
blocages liés aux droits d’auteur.
On pourrait également envisager de créer des fablab de l’éducation, proposer une offre de
services pour accompagner les enseignants.
De nouveaux métiers se dessinent dans le domaine de l’édition, comme celui de designer
d’expérience. L’auteur n’est plus le seul à circonscrire les contours du contenu, les usagers
peuvent le faire aussi : c’est le co-design. Il faut prendre en compte cette logique dans la
production de produits à forte valeur ajoutée.
Jusque là, les produits étaient centrés sur les besoins et usages des enseignants. Aujourd’hui,
les offres numériques doivent être « élèves-centrées ». C’est un changement de prisme dans
l’utilisation de la ressource pédagogique. L’élève est aussi designer d’expérience.
La question de l’indexation de la ressource pédagogique est également indispensable, d’où
l’importance des métadonnées associées au contenu pédagogique. On préconise que ces
12
métadonnées soient être renseignées selon un modèle d’algorithme de Google pour garantir
une visibilité maximale des ressources.
François Taddei : Numérique et emploi de demain
Le numérique permet aujourd’hui d’être créatif, mais on a besoin de maîtriser le code
informatique pour cela. On observe que les métiers les plus demandés aujourd’hui n’existaient
pas il y a dix ans. De la même manière, on ne connait pas encore ceux de dans dix ans. L’école a
pourtant pour mission d’accompagner les enfants dans ce monde prédictif.
Il existe trois niveaux d’intelligence chez l’homme :
le premier niveau permet de résoudre des problèmes classiques. Les machines sont
d’ores et déjà aptes à trouver la solution à tous ces problèmes classiques ou vont très
vite le devenir, d’où des inévitables pertes d’emploi.
le deuxième niveau d’intelligence permet de résoudre des problèmes plus complexes, il
correspond à un niveau fin de master ou doctorat et n’est, des ce fait, pas accessible à
tous.
le troisième niveau est la capacité à questionner le monde : les enfants le font
spontanément. Pour que cette recherche se développe, elle a besoin d’un éco système
favorable. La machine peut nous aider dans ce domaine, mais elle ne peut pas se
substituer à nous. L’école a ici un rôle majeur à jouer en termes d’accompagnement de
cette maturation. D’ailleurs, en 2015, le rapport PISA va davantage d’intéresser à la
créativité, avec une évaluation des élèves portant plus sur leurs capacités à poser des
questions qu’à y répondre.
7. Table-ronde « La construction de soi (s) » avec Philippe Cottier21, Thierry
De Smedt22, Elisabeth Schneider23
Modérateur : Jean-Louis Durpaire24
Philippe Cottier : De la place des technologies numériques dans le quotidien scolaire des
lycéens
Les jeunes totalisent chaque jour (hors weekend) 6h30 d’utilisation des NTIC : sms, réseaux
sociaux, vidéos, musique, jeu sur ordinateur, téléphone portable ou console, recherche
d’informations avec un moteur de recherche... Toutes les études convergent dans le sens d’un
profil d’utilisateur multi-tâches.
Cette utilisation a-t-elle un impact sur les résultats scolaires des élèves ?
La question des effets d’une technologie est difficile à montrer car elle doit être associée à
de nombreuses variables.
21
Philippe Cottier est maître de conférences en sciences de l’information et de la communication et chercheur au Centre de
recherche en éducation (CREN) de Nantes. Il est co-auteur notamment des récents articles : « Dissémination de tablettes
tactiles en primaire et discours des enseignants : entre rejet et adoption » et de « Les usages numériques des lycéens
affectent-ils leur temps de travail personnel ? », tous deux parus en 2013.
22
Cf. Note 9
23
Elisabeth Schneider est chargée de mission en pédagogie du numérique et des médias pour les ESPE de Basse-Normandie.
Docteure en géographie, qualifiée en sciences de l’information et de la communication et en sciences de l’éducation, elle est
également responsable du parcours professeur documentaliste du Master MEEF second degré pour les ESPE de Basse-Normandie
Elle est membre du GRCDI (Groupe de Recherche sur la Culture et la Didactique de l’Information.
24
Cf. Note 5
13
 Pratiques numériques et travail scolaire des lycéens : quelques données brutes
4,5% des lycéens recopient leurs cours sur un ordinateur. Les trois quart utilisent internet
pour faire leurs devoirs. 4 lycéens sur 10 ont recours au copier-coller ou récupèrent des
corrigés sur internet. 80% communiquent avec leurs enseignants en dehors des cours.
4 lycéens sur 10 utilisent l’ENT de leur établissement. Mais pour cette utilisation de l’ENT,
l‘injonction de l’enseignant est centrale. Les élèves y vont peu d’eux même et sont rares à
l’utiliser entre eux. 20% échangent des données via internet mais par mail, par les réseaux
sociaux, par clé USB puis, loin derrière, par le biais de l’ENT.
L’usage de l’ENT est circonscrit à la vérification des notes et du cahier de texte numérique.
 Dans quelle mesure les pratiques numériques jouent-elles un rôle dans le travail
scolaire ?
Typologie des profils de lycéens et type d’usage du numérique :
« Le dilettante » : Moyenne au DNB : 14,7/20. Temps de travail/sem : 4h37, Filière :
voie générale, travail scolaire individuel, organisation fluctuante  regard critique sur
le numérique.
« Le productif » : Temps de travail/sem : 9h24. Filière : voie générale. Profil du bon
élève, plutôt fille, parents diplômés  mobilisation des ressources pour répondre aux
attendus scolaires (utilisation d’un Facebook de classe pour aider les autres).
Stratégie de réussite.
« L’oisif » : Moyenne au DNB : faible. Temps de travail/sem : 2h47. Filière : LP. Plutôt
garçon, parents plutôt non diplômés. Pas de méthode de travail, souvent démotivé,
déconcentré, peu de situation d’entraide  usage récréatif du numérique.
« Le laborieux » : Temps de travail/sem : 9h30, Filière : voie technologique,
apprentissage par cœur, met au propre ses cours, difficultés à s’organiser, dispersion
 multi taches, articulation de plusieurs outils.
Il y a une corrélation entre temps consacré à des activités ludiques et temps de travail. Mais
l’influence des pratiques numériques sur le travail est assez réduite.
Certaines autres variables sont bien plus déterminantes telles que le diplôme, la filière
préparée, le genre, les variables sociodémographiques, etc…
Le numérique n’a pas de rôle particulier sur la construction de soi, du moins, pris isolément.
L’identité personnelle, les pratiques sociales, l’ancrage culturel et l’éducation jouent en
revanche un rôle déterminant.
Elizabeth Schneider : Littéracie adolescente et construction de soi
Les adolescents sont à un moment vulnérable de leur vie dans la mesure où ils grandissent.
Grandir équivaut à faire le balancier entre socialisation (être dans un groupe de pairs) et
individuation : François de Singly, Professeur de sociologie à la Sorbonne, parle du tic tac de
ce mécanisme : le ‘tic’ de l’individu ‘seul’ et le ‘tac’ de l’individu ‘avec’.
Comment les outils du numérique peuvent-ils aider les jeunes et comment cela se joue-t-il
dans la médiation de ces outils ?
14
L’écriture est un bon levier de la construction de soi. S’ils se construisent avec des outils tels
que sms ou Facebook, ils découvrent en même temps l’espace public. L’écriture est une
technologie de l’intellect qui permet la médiation avec le monde, le « pouvoir agir ». Le
numérique est donc l’outil de l’écriture par excellence
Présentation des résultats d’une enquête menée à partir d’une démarche ethnographique sur
la thématique Comment se joue l’hybridation des usages en ligne hors ligne ?
L’approche méthodologique pour cette enquête se déinit par une prise au sérieux de ce que
font les élèves, par une volonté d’aller au-delà des écrits et de construire le sens global des
usages.
Les adolescents produisent sans cesse de l’écrit, en toute situation et en tout lieu. Le
numérique n’abolit pas le temps et l’espace mais établit un autre rapport au temps et à
l’espace. L’écrit leur sert à communiquer, c’est un écrit opposé à celui de l’école qui sert en
priorité au contrôle (absences, devoirs, évaluations).
Parfois un sms produit à un moment donné va être réutilisé pour une autre activité.
Pas mal de sms sont produits en classe (pour trouver des réponses au contrôle, communiquer
avec les parents, les amis). Dans un contexte où les modes de vie des adolescents sont très
contraints, les sms les aident à mieux gérer cette contrainte, à coordonner leurs activités, à
poursuivre des conversations malgré l’interdiction. Cela leur permet de franchir des distances
et des peurs (par exemple dans des endroits qu’ils estiment insécurisants). Le sms est alors
un accompagnement symbolique.
Les adolescents reconnaissent eux-mêmes que sur Facebook, il y a exposition de soi, perte de
temps, flux de propos sans intérêt. Du reste, on constate un désinvestissement de Facebook
au lycée. Mais à d’autres moments de l’existence, il peut y avoir réinvestissement.
Les jeunes ne sont pas dupes par rapport au nombre d’amis qu’ils ont sur Facebook, ils
distinguent le micro réseau (les vrais amis proches) dans leur réseau d’amis. Ils
expérimentent des manières d’être avec ces différents réseaux (en commençant par le
micro). Progressivement, ils construisent des manières de vivre en société avec cet outil (quoi
dire, avec qui, adapter son attitude, son langage en fonction des « amis » et de leur
proximité). On utilise toujours des outils de médiation pour se construire. Les outils du
numérique en sont de nouveaux dispositifs.
Thierry De Smedt, Les nouvelles pratiques médiatiques des jeunes, un terrain d’initiation
aux espaces sociaux publics
La médiatisation des jeunes est vue par notre société comme un problème. De fait, avant les
NTIC, la socialisation commençait entre 17 et 20 ans, aujourd’hui elle débute avant 12 ans.
On observe une génération de jeunes qui débarque dans l’espace public sans être équipée pour
le faire. Chez les adultes, il y a l’obsession du prédateur.
La médiatisation confronte le jeune à la question lancinante de savoir qui il est.
L’avatar intervient alors comme médiatisation de l’identité vécue et déclarative. C’est la façon
dont le jeune se donne à voir, participe à la construction de soi.
Le mot vient du sanscrit où le Dieu Vishnou prenait un avatar, une petite partie de lui-même
qui pouvait être très différente de lui, quand il descendait sur terre.
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Les jeunes disposent de plusieurs avatars adaptés au contexte. L’avatar symbolise la phase
d’évolution identitaire du jeune, la mutation durant laquelle il prend le pouvoir sur lui-même.
Résultats d’observation exploratoire sur la question de l’avatar dans des classes pendant deux
ans :
Facebook est le lieu de prédilection des jeunes et bien avant 14 ans.
Jusqu’à 14 ans, l’avatar est créé par quelqu’un d’autre (père, mère, grand frère).
Progressivement, il se singularise, les profils se succèdent et se diversifient : l’adolescent
assume la gestion d’une diversité de relations et d’usages (Instagram, Tumblr, Skype).
Quelle pédagogie choisir pour éduquer à l’avatar ? C’est une tâche délicate qui réclame une
très grande éthique car on touche à la construction de la personne, mais il est évident qu’il
faut aller bien au-delà des configurations techniques de profils.
8. Atelier : Productions médiatiques scolaires sur le Web (Académie d’AixMarseille), avec Virginie Bouthors25
Animation: Odile Chenevez26
Odile Chevenez : Ecrire un article sur Wikiédia
Ces vingt dernières années, la production médiatique scolaire a littéralement éclaté : au siècle
dernier, le seul type de production était le journal papier (depuis Freinet dans les années
1920). Les travaux d’élèves étaient, par essence, confidentiels.
Aujourd’hui, apprendre à publier devient une nécessité pour tous car l’acte de publication
s’apparente à une habitude citoyenne. On publie sous toute sorte de supports, d’avatars,
d’identités.
Qu’est-ce que l’école doit enseigner aux élèves par rapport à ce qu’ils font déjà dans leurs
pratiques de loisirs ? La notion d’empowerment ou d’encapacitation est centrale, c’est l’idée de
citoyenneté, d’ « agir sur le monde ». La publication scolaire a pour but de mettre l’élève en
situation de répondre à ce qu’il publie, de l’assumer comme acte citoyen.
On recense quatre supports possibles de publication sur le web :
- Le webzin ou journal en ligne. Ca n’intéresse que très peu les élèves qui l’estiment
moins valorisant que le journal papier.
- La web radio : cette pratique qui consiste à produire des émissions en podcast (par
exemple sur le site du lycée) se répand de plus en plus.
- La création d’articles sur Wikipédia : Wikipédia, symbole du creative commons, est
souvent fantasmé comme un site où tout un chacun a la possibilité de publier à peu près
tout ce qu’il souhaite. Or, comme on va le voir, c’est plus complexe qu’on ne l’imagine.
- Le webdocumentaire : c’est un produit à forte valeur ajoutée dans l’acte de publication
scolaire sur le web.
25
Virginie Bouthors est professeur des écoles, elle fait partie de l'équipe mobile d'animation et de liaison académique (EMALA)
des Alpes-de-Haute-Provence. Travaillant à l'éducation aux médias depuis 15 ans avec le Clemi, elle accompagne également les
écoles dans l'ère du numérique notamment à travers la réalisation de webdocumentaires.
26
Odile Chenevez est déléguée du Clemi dans l'académie d'Aix-Marseille. Elle a mené divers travaux sur la pratique de l'enquête
en éducation aux médias et sur les publications scolaires. Elle est également chargée de mission au CRDP de Marseille.
16
Ecrire un article sur Wikiédia :
Présentation de l’expérience de quatre lycées qui ont participé au concours organisé par
Wikimédia France (fondation qui cherche à développer les pratiques avec le monde éducatif)
et le Clemi.
L’article présenté par le lycée de Bollène est sur François de Singly.
Les différentes exigences de publication qui se sont posées aux élèves sont passées en revue.
Non seulement il s’agit d’adopter les normes et contraintes de l’écriture encyclopédique, mais
il faut aussi animer la discussion sur l’article avec les wikipédiens : neutralité de ton (surtout
pas de ton promotionnel), sources très précises, contrôle strict de la forme et du fond, etc.
Cf. Projet:Wikiconcourslycéens pour davantage d’informations sur la démarche pédagogique.
Virginie Bouthors : Elaborer un webdocumentaire en 1er degré
Présentation d’un web documentaire effectué en classe de CM à l’école primaire qui réunit les
villages de Lurs et Sigonce (04) : élaboration du projet, production des éléments vidéos,
dessins, photos et sons et création collective de l’architecture du webdoc.
L’intérêt du webdocumentaire est qu’on travaille sur de petites unités : dessins, écrits, sons,
vidéos. La classe est déconstruite. Cela génère une grande motivation chez les élèves. Le
produit fini est à forte valeur ajoutée.
Un exemple de web documentaire : « 127 rue de la Garenne » (bidonville de Nanterre)
Conseils divulgués :
 Ne pas partir seul dans ce type de projet. Il est impératif de s’entourer d’un réseau
performant avant d’entreprendre une telle aventure, sinon il y a risque d’abandon.
 Imposer un petit effectif de classe
 Prendre le temps d’élaborer une problématique (et s’y tenir) et envisager les formes
de narration multiples : texte, son, vidéo…
 Savoir qu’il faudra y consacrer l’année scolaire : le web documentaire est chronophage
pour les enseignants. C’est même un travail d’arrache-pied pour tout le monde.
 Bien choisir son hébergeur : la pérennité des hébergeurs et développeurs reste à
l’heure actuelle le principal frein du webdocumentaire. On peut travailler pendant des
mois sur une plate-forme, y déposer tous ses médias, pour apprendre sans préavis ni
extraction possible que la plate-forme disparait (ex. de Vuvox)… C’est le problème avec
toutes les plates-formes gratuites en ligne. La plate-forme Klint qui s’engage à un an
de pérennité, sans aucune autre certitude, donne la possibilité de travailler hors ligne.
Mais elle est prohibitive (500 € pour la version de base, plus de 1000 € pour la version
avancée qui est prescrite). Des accords avec Canopé semblent être en cours….
17
Atelier : Exemples de travaux collaboratifs et créatifs autour de la lecture
d’œuvres littéraires, par Françoise Cahen27
Animation : Delphine Regnard28
Présentation d’activités créatives variées qui visent à inciter à la lecture avec le numérique.
L’intérêt de ces expériences, c’est de varier les activités. C’est une véritable aide à la
pratique d’une pédagogie différenciée, qui laisse une certaine liberté aux élèves à partir d’une
seule consigne d’invention et avec le choix du support
Réalisation de bandes-annonces, d’affiches, de diaporamas, comme substituts à la fiche de
lecture.
En guise de méthode d’évaluation possible face à ce type de travaux, une grille d’évaluation
polyvalente est proposée.
L’autre notion fondamentale dans l’utilisation des TICE, c’est l’idée d’un partage possible,
d’écriture collaborative : utilisation de Framapad, Facebook par détournement de l’outil
(étude de Bel ami avec création de profils des personnages et de conversations fictives entre
les personnages). Tout roman est un réseau social. On peut donc parfaitement utiliser en
classe Facebook, Twitter, Pinterest (cabinet de curiosités dans le cadre d’un travail sur le
conte).
Un des avantages de ce type de travail est le partage vers l’extérieur : échanges interclasses, inter-établissement, inter-académique, avec des écrivains, avec la famille élargie et
les amis, les collègues
Les freins :
- Moyens : il faut être patient et aimer bricoler…
- Maintenance
- Contrainte des examens : travail avec les élèves de classes de seconde surtout
- Méfiance des élèves
- Risque de piratage ou de mauvaise manipulation par les élèves
Les leviers :
- Plaisir : une pédagogie hédoniste
- Une équipe pédagogique (cf Prix Alfort sur weblettres)
- Reconnaissance
- Utilisation des compétences des élèves et accepter de l’être moins qu’eux.
Accès aux actes du séminaire
Page accessible courant juin 2014 : http://eduscol.education.fr/cid79532/l-education-auxmedias-et-a-l-information-2014.htm
27
Françoise Cahen est professeure agrégée de lettres modernes au Lycée Maximilien Perret (Alfortville, 94) et est formatrice
TICE dans l’académie de Créteil. Elle a créé avec ses collègues le prix Alfort des lycéens, de nombreux blogs pédagogiques et
intègre la pratique des réseaux sociaux dans son enseignement. Elle est également investie dans la recherche universitaire en
littérature très contemporaine.
28
Delphine Regnard est chargée de mission à la Direction du numérique pour l’éducation (DNE). Elle est responsable des
ressources numériques pour les Lettres et les Arts.
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