24 avril Jeudi Saint - Abbaye Sainte Anne de Kergonan

Transcription

24 avril Jeudi Saint - Abbaye Sainte Anne de Kergonan
Jeudi Saint
Sainte-Anne, le 24 mars 2016
Lectures :
Ex 12, 1-8. 11-14
1 Co 11, 23-26
Jn 13, 1-15
Mes bien chers Frères,
Chers Frères et Sœurs,
Ce soir, avec les disciples, nous sommes avec Jésus au Cénacle. Il y règne une certaine tension.
L’hostilité des Juifs est grande, les chefs des prêtres et les scribes semblent de plus en plus déterminés,
les menaces de mort se font tous les jours plus pressantes, le diable a déjà mis dans le cœur de Judas,
fils de Simon l’Iscariote, l’intention de livrer Jésus, mais malgré tout cela, le fait d’être avec le Maître
permet de dépasser toutes ces craintes, toutes ces angoisses. Il fait bon être avec Jésus.
Au seuil de ces jours saints, sachant que l’heure est venue pour lui de passer de ce monde à son
Père, Jésus veut nous faire entrer plus avant dans le grand mystère de notre foi fondé sur sa passion
et sa résurrection. Toute sa mission, pendant ces trois jours, est de nous révéler tout spécialement la
miséricorde du Père en nous montrant jusqu’où peut aller l’amour de Dieu pour nous.
En quelques mots, au début de l’évangile que nous venons d’entendre, Jean nous donne la clé
pour comprendre le sens profond de ce mystère : Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde,
les aima jusqu’au bout (13,1). Il n’y a pas d’autre mobile que l’amour, l’amour infini de Dieu pour nous.
Dieu s’offre tout entier pour chacun de nous et ne s’épargne rien, si l’on peut dire.
Aussi, en ce Jeudi saint, Jésus institue le sacrement de son amour, le sacrement de l’Eucharistie,
en anticipant, dans le banquet pascal, son sacrifice sur le Golgotha. En effet, ici au Cénacle, à partir du
rituel juif de la Pâque qui fait mémoire de la libération d’Égypte, Jésus se présente comme le nouvel
Agneau, offrant aux disciples son propre Corps et son propre Sang, c’est-à-dire s’offrant lui-même dans
la totalité de sa personne. Nous pouvons légitimement nous poser la question du comment a-t-il pu le
faire, puisqu’il est encore physiquement présent au milieu d’eux, qu’il se trouve là devant eux ? La
réponse est qu’en cette heure Jésus réalise ce qu’il avait annoncé précédemment dans le discours sur
le Bon Pasteur : Personne ne m’enlève ma vie : je la donne de moi-même. J’ai le pouvoir de la donner,
et le pouvoir de la reprendre… (Jn 10, 18). Personne ne peut lui enlever la vie : il la donne par sa libre
décision. En cette heure, Jésus anticipe la crucifixion et la résurrection. Le sacrifice de sa personne qui
se réalisera, physiquement en lui, et de manière sanglante, le lendemain sur le Golgotha, il l’accomplit
ce soir, par avance, et de manière non sanglante, dans la liberté de son amour. Il s’agit en quelque
sorte de la première messe, sacrifice non sanglant, qui n’est pas célébrée comme nos messes pour
commémorer ou faire mémoire, mais pour annoncer le sacrifice rédempteur à venir.
Pour faire comprendre à ses disciples, et à nous avec eux, l’amour qui l’anime dans ce
sacrement, Jésus leur lave les pieds, leur donnant une fois encore, en personne, l’exemple de la façon
dont ils doivent et dont nous devons nous-mêmes agir. L’Eucharistie, c’est l’amour qui se fait service.
L’Eucharistie c’est la présence sublime du Christ qui désire rassasier tous les hommes, surtout les plus
faibles, pour les rendre, à leur tour, capables de témoigner de l’amour de Dieu, en cheminant parmi
les difficultés du monde. Plus encore, en se donnant à nous en nourriture dans l’Eucharistie, Jésus
manifeste clairement que nous devons apprendre à rompre cette nourriture avec les autres pour
qu’elle devienne une vraie communion de vie avec tous ceux qui sont dans le besoin.
Ce soir, Jésus se donne totalement à nous. Malgré le drame qui se prépare, il nous demande
de demeurer auprès de lui, il nous demande de demeurer en lui pour qu’à notre tour, nous puissions
laver les pieds de nos frères et partager avec eux le bonheur de nous savoir aimés de Dieu. Ce soir, il
nous est bon de demeurer près de Jésus, dans le silence et l’adoration, il nous est bon d’être avec
Jésus. Amen.