2006, retour sur une année en mal de lisibilité

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2006, RETOUR
SUR UNE ANNÉE
EN MAL
DE LISIBILITÉ
ne année en demi-teinte,
mais trois caractéristiques
dominantes. Le recul du
marché en volumes, la
persistance de la taxe sur le chiffre
d’affaires et des baisses de prix pour
certains médicaments. A cet environnement pour le moins morose s’est
ajoutée une certaine valse hésitation
de la part des pouvoirs publics, soufflant le chaud et le froid sur un secteur en mal de lisibilité. Certes, l’accord cadre était sur les rails du
renouvellement pour trois ans, mais
les industriels ont observé que certains acteurs dont les décisions ne
sont aujourd’hui pas sans impact sur
le médicament, n’existaient tout
bonnement pas lors de la signature
initiale : la Haute Autorité de santé
par exemple, l’Uncam... Dans ces
conditions, le climat de confiance
que revendiquent toujours les laboratoires n’a pas vraiment été au rendez-vous. Il en va ainsi du Conseil
stratégique des industries de santé
(CSIS), créé à l’initiative de JeanPierre Raffarin, alors Premier ministre : le Leem, notamment, plaide régulièrement pour qu’il se réunisse
mais, s’il s’y est montré favorable, le
U
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ministre de la Santé a longuement
atermoyé pour fixer, in fine, un rendez-vous en janvier 2007.
L’année 2006 a donc commencé
sur fond de mise en garde : dans ses
vœux à la presse, le président du
Leem, Pierre Le Sourd (à qui a succédé, le 1er juillet, Christian Lajoux) a
employé un ton plutôt inhabituel,
laissant deviner le retournement de
conjoncture à venir, et donc les
craintes des industriels sur l’état de
l’emploi et la perte d’attractivité de la
France. A cela se sont encore greffées
les menaces récurrentes sur la propriété industrielle... Un tableau plutôt sombre que les pouvoirs publics
ont feint d’ignorer jusqu’à ce que les
mauvais chiffres de la croissance publiés au troisième trimestre finissent
par les convaincre d’entendre un
peu plus les laboratoires, notamment lors de la discussion du PLFSS.
On serait d’ailleurs de mauvaise foi
en ne tenant pas compte du débat
autour de l’élection présidentielle :
Xavier Bertrand, plutôt bonhomme,
n’a d’ailleurs pas manqué de phrases
fleuries pour qualifier les rapports
entre l’Etat et l’industrie lors du petit déjeuner organisé par Pharma-
© GETTY IMAGES
Quel bilan tirer d’une année pré-électorale, marquée
par la récession ? Celui d’une période de transition
durant laquelle les acteurs, industriels et
représentants des pouvoirs publics, se sont parfois
affrontés pour donner, in fine, des signes
d’apaisement. Inventaire des positions et des
décisions prises au cours d’une édition parfois
chaotique.
——————
ceutiques le 10 novembre dernier.
Ainsi la contribution « exceptionnelle », qui avait atteint le record de
1,76 % du chiffre d’affaires pour 2006,
a-t-elle été opportunément ramenée à
1 % pour le PLFSS 2007. « Belle affaire ! », ont glissé les industriels soulignant la récession spectaculaire du
marché, qui connaît une chute de
5 à 1 %.
Crise ou pas crise ? C’était la
grande interrogation des 10èmes Universités d’été qui se sont tenues à
Lourmarin en septembre avec, une
première, une météo aussi orageuse
que le ton des débats. « C’est Mozart
qu’on assassine », a tonné Christian
Lajoux, nouveau président du Leem
qui, pour la circonstance, a inauguré
un discours nettement moins diplo-
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siette en matière de taxe sur le chiffre
d’affaires versée par les industriels.
En clair, en fonction de l’évolution de
leurs dépenses de R&D sur le territoire national. Si moins value il y a,
elle serait alors applicable en 2008…
après l’élection présidentielle. Une
sorte de PPRS à la française ?
2006 aura été
une année en
demi-teinte, les
pouvoirs publics
ayant soufflé le
chaud et le froid
sur un secteur en
mal de lisibilité.
matique que dans le passé. Connu
pour son verbe carré, Jean-François
Dehecq, CEO de Sanofi-Aventis, a repris la balle au bond dans le numéro
de septembre de Pharmaceutiques
en affirmant, dans l’interview inaugurale de la rubrique « Un labo au
crible », que l’attitude des pouvoirs
publics à l’égard de l’industrie pouvait être comparée à du « matraquage ». Ambiance donc tendue qui
trouvera son épilogue lors du petit
déjeuner du 10 novembre dernier. A
cette occasion, le Leem est, en effet,
tombé d’accord avec Xavier Bertrand
pour qualifier de « mutation » la situation de l’industrie : le mot « crise »
est donc rangé au vestiaire. Il est vrai
que le PLFSS 2007 recèle une disposition intéressante : le ministre souhaite instituer un abattement d’as-
avant qu’il puisse être commercialisé
s’assimile à un chemin de croix !
Nous ne sommes pas assez entendus », juge Christian Lajoux qui veut
ainsi « en finir avec l’idée reçue selon
laquelle l’industrie pharmaceutique
est riche et le progrès thérapeutique,
continu et inéluctable ». Avec un Ondam médicaments en baisse de 4 %,
il estime qu’aujourd’hui l’industrie
du médicament est « une industrie
en récession et déstabilisée ». Le mot
de la fin ? Dans une interview au
Quotidien du Médecin, il affirme que
« le Leem n’est pas pleurnichard,
mais l’erreur est de croire qu’on peut
prendre aux uns pour donner aux autres, alors que nous sommes tous solidaires de la même dynamique économique pour créer plus de valeur de
santé ».
Rupture et bouleversement. C’est
le nouveau président du Leem qui
ouvre le bal, ou plutôt le feu, aux
10èmes Universités d’été de Pharmaceutiques le 15 septembre à Lourmarin. « C’est Mozart qu’on assassine »,
martèle-t-il d’entrée de jeu. « L’industrie va mal, très mal » Et d’énumérer « la fragilisation de la propriété
industrielle, les contraintes exigeantes des payeurs, les crises sanitaires ».
Musclé le discours… « Dans notre
pays, les déficits des comptes sociaux
exacerbent une tentation comptaLes pas de clerc du ministre. Début
ble qui ne va pas dans le sens que
avril, le ministre de la Santé -un peu
nous souhaitons, à savoir une goufroissé par le report de son plan antivernance de santé qui doit gagner en
tabac (un incendie jugé mal venu
lisibilité et en cohéjuste après le feu d’artirence ». Quelques sefice du CPE)- reçoit
maines plus tôt, le tout
Pharmaceutiques pour
Une industrie
nouveau patron du
une interview à la faveur
en récession
Leem avait déjà rodé
d’Hôpital Expo prévu
et déstabilisée
son réquisitoire, à la
pour le mois de mai. Le
Bourse au début du
ministre tourne autour
mois de juillet. Il s’agisdu pot quand Daniel
sait alors de sa première prise de paVial, directeur de la rédaction de
role publique en tant que président
Pharmaceutiques, lui pose la quesdu Leem. « 2006 révèle une rupture et
tion de savoir si la « contribution exun renversement de situation. Les siceptionnelle », entendez la taxe sur le
gnaux de compétitivité et d’attractichiffre d’affaires payée par les indusvité que nous attendions ne sont pas
triels du médicament, sera ou non
aujourd’hui au rendez-vous. Nous
reconduite. 1,76 % au titre du PLFSS
avons d’ailleurs manifesté plusieurs
2006, c’était plutôt lourd et l’industrie
alertes depuis plusieurs mois conceren a conservé quelque amertume.
nant la gouvernance du médicament
Patelin, Xavier Bertrand en convient
dans notre pays », avait alors affirmé
et laisse même entendre que cette
Christian Lajoux. « Les entreprises de
taxe pourrait ne pas être pérennisée.
santé sont attachées à la maîtrise des
Elle le sera quand même, à hauteur
comptes sociaux et du bon usage des
de 1 %… Autre sujet sensible, la T2A
médicaments. Mais elles estiment
et l’inscription sur la liste des médiégalement nécessaire de reconnaîcaments onéreux. « Plus de lisibitre le besoin d’une véritable politique
lité », concède Xavier Bertrand qui reindustrielle du médicament en
connait par ailleurs que l’hôpital
France. Or, elles manquent audevrait adopter la prescription en géjourd’hui de lisibilité en terme de
nériques.
gouvernance de santé. »
Mais le sujet de ce mois d’avril, ouA la rentrée, même complainte,
tre l’avenir du Premier ministre Dotoujours aussi musclée. Cette fois à la
minique de Villepin, qui sort en lamtribune de l’Association des cadres
beaux de la crise du CPE, en
de l’industrie pharmaceutique. « Enattendant celle de Clearstream, c’est
tre enregistrement par l’Afssaps, évaun déjeuner privé que Matignon orluation du SMR par la Haute Autorité
ganise avec six dirigeants de l’indusde santé et fixation du prix par le
trie pharmaceutique. Au menu, la reCEPS, le parcours du médicament
cherche, les crises sanitaires et la 4
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que : le Premier ministre, qui ne veut
pas ressusciter le CSIS établi par son
prédécesseur Jean-Pierre Raffarin,
insiste sur le caractère privé de cette
rencontre, qui ne figure d’ailleurs pas
à l’agenda. Présents à ce déjeuner,
dont on ne saura d’ailleurs pas
grand-chose : Franz Humer (Roche) ;
Jacques Servier (Servier) ; Daniel Vasella (Novartis) ; Bernard Poussot
(Wyeth) ; Jean-Luc Bélingard (Ipsen)
et Jean-François Dehecq (SanofiAventis). On apprendra le lendemain
béraux obtient, grâce à l’intense lobbying du patron de la CSMF, Michel
Chassang, un relèvement significatif
de l’Ondam 2007 pour la médecine
de ville qui passe de 0,8 à 1,2 %. Les
parlementaires UMP, savamment
sensibilisés, accordent cette largesse
aux praticiens de ville, se souvenant
du prix politique payé par le plan
Juppé aux législatives de 1997. Mais
Bercy veille au grain : on baisse de 1,2
à 1,1%. En chipotant, on gagne ainsi
200 millions d’euros. Pour le plus
grand plaisir de l’Uncam, qui avait
toussé lors du
relèvement à
1,2 %. Mais la
saison s’achève
mieux qu’elle
n’a commencé :
la signature en-
Rose-Marie van Lerberghe,
ex-directrice générale de
l’AP-HP : « Avec
Jean-François Mattei,
c’était l’idylle ».
Michel Chassang (CSMF) :
« La qualité d’un prescripteur,
c’est de savoir dé-prescrire ».
que les industriels
continuent de
s’étonner des « mesures extra-conventionnelles » qu’ils
avouent avoir du
mal à comprendre.
Comme le veut la
règle protocolaire,
ce déjeuner est jugé « prometteur et
constructif ». Mais pas de CSIS. Le
Leem, qui milite en sa faveur, est
semble-t-il privé de dessert.
Passe l’été et, dès septembre, tout
le monde s’agite autour de la préparation du PLFSS. Attendu à Lourmarin, le ministre de la Santé « sèche »
pour la deuxième fois et délègue Philippe Bas, ministre délégué à l’Assurance maladie et à la Famille. Baptême du feu, auditoire courtois avec
un discours fleuve, mi-chèvre michou. Pas de quoi calmer les industriels présents, en plein orage. Pour
autant, le bal des petites concessions
n’est pas terminé : à la mi-octobre,
le principal syndicat de médecins li-
tre le Leem et le
ministre sur les
bonnes pratiques en matière
de formation médicale continue
(FMC) est un signe de décrispation,
d’ailleurs perceptible dans le changement de ton. Sentant bien que la
compétition présidentielle n’est pas
gagnée, l’actuelle majorité fait assaut
de bonnes manières. Même scénario
quand la HAS -qui se pousse un peu
du col- prône le déremboursement
de certains vasodilatateurs. Habile, et
conscient de l’impact électoral d’une
telle mesure, le ministre temporise et
renvoie le mistigri à plus tard. Explosif, mais déminé à temps.
Jumbo Group. Printemps 2006. La
Grande coalition SPD-CDU au pouvoir à Berlin met en chantier le prin-
cipal volet de sa politique de réduction des dépenses d’assurance maladie. Premier visé, le médicament.
Soumis à remède de cheval... Dans
l’interview qu’elle accorde à Pharmaceutiques, Ulla Schmidt, nouvelle ministre de la Santé, explique le principe des Jumbo Group, une mesure
qui met les industriels vent debout.
Explication de texte : « Il est possible, affirme la ministre, de réunir produits brevetés et produits dont le brevet est tombé dans le domaine
public, pour former des groupes de
montants fixes de prise en charge appelés "Jumbo groups" ». De là à penser que l’on affiche tous les produits
au même tarif en choisissant le
moins cher... Mieux encore, la loi du
1er avril 2006 prévoit d’introduire un
système de bonus malus pour la
DR
444 politique du médicament. Polémi-
prescription en médecine de ville.
Résultat : 30 000 médecins -du jamais vu en Allemagne où l’on défile
beaucoup moins qu’en France- manifestent à Berlin. Et, cerise sur le gâteau, la TVA sur les prix des médicaments est censée augmenter de 3 %
dès 2007, augmentation assortie
d’une interdiction de relever les prix
à équivalence. Bilan politique : tous
les acteurs allemands du monde de
la santé, y compris certains parlementaires des partis de la coalition,
se sont unanimement dressés contre
cette réforme dont les résultats économiques sont d’ailleurs jugés décevants.
La France avait, un temps, regardé
les mesures de cette « médecine de
cheval » avec intérêt… Devinez qui.
Mais le frein politique a été le plus
fort. Le gouvernement français s’est 4
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lisée, le dogme hexagonal, ne fonctionne pas si mal que cela. En attendant 2007 et les échéances politiques
à venir, susceptibles, comme d’habitude en France, de tout chambouler.
Chassé-croisé. Eternel chassé-croisé
entre les deux anciens ministres de la
Santé, Philippe Douste-Blazy et Bernard Kouchner… Le premier, aujourd’hui ministre des Affaires étrangères, a réussi la mise en place
d’Unitaid, structure internationale
dont il est le président, destinée à
Pour Sydney Taurel (Eli Lilly),
faciliter l’achat de
« en France, nous n’avons pas
médicaments
suffisamment de visibilité et
pour les pays du
444 instantanément de stabilité qui puissent nous Tiers-monde, via
permettre de planifier à moyen une taxe sur les
rappelé les dégâts
du plan Juppé, et
billets d’avion. Le
et long terme... Les mesures
notamment le syssecond, qui a,
prises ne privilégient pas
tème de sanctions
sans succès, bril’innovation ».
qui avait été prévu
gué la direction
pour pénaliser les
de l’OMS, avait
gros prescripteurs. Aujourd’hui, pas
pourtant reçu le soutien (actif) de Jacpeu fier de lui, mais plutôt discret, le
ques Chirac. Mais, patatras, au final,
ministre français de la Santé, Xavier
après trois jours de scrutin, c’est le
Bertrand, flétrit volontiers ce qui se
nom de Margaret Chan, de Hongpasse en Allemagne. Une manière de
Kong, qui est sorti des urnes. Spéciafaire penser que la maîtrise médicaliste de la grippe aviaire, également
très impliquée dans la lutte contre le
Syndrome respiratoire aigu sévère
(Sras), elle affichait « meilleur profil »
que le French Doctor. Evidemment,
les esprits les plus politiques n’auront
pas manqué de voir dans le choix de
Margaret Chan un signe politique fort
en direction de la Chine, toujours soucieuse d’affirmer son rang dans les
instances internationales. Philippe
Douste-Blazy a eu plus de chance, et
avec le même parrainage : le président de la République s’était là aussi
investi en sa faveur, cette fois-ci avec
succès. Lancé lors du Mondial 2006,
Unitaid a été fondé sur des sources innovantes de financement, stables et
prévisibles : son objectif était et reste
d’amener le plus grand nombre
d’Etats à adopter la contribution internationale de solidarité sur les billets d’avion. Petit mot de la fin : il
s’était dit que Philippe Douste-Blazy
avait lui aussi brigué le fauteuil de directeur général de l’OMS, entrant de
fait en compétition avec Bernard
Kouchner. C’est le président de la République qui aurait dissuadé son ministre des Affaires étrangères de postuler. Sage conseil… ■
HERVÉ KARLESKIND
Ils ont dit …
Noël Renaudin (CEPS) : « Si grâce à l’information
délivrée par la visite médicale, l’observance des malades
s’améliore pour certaines maladies chroniques, cela ne
va pas entraîner une diminution de la dépense ». « Les
entreprises ont dégradé la visite médicale. A un certain
degré d’intensité, la quantité constitue un abus et rend
impossible la qualité exigée de la visite médicale ».
Toujours le président du CEPS, à Lourmarin : « Si la
Commission de la transparence était de plus en plus
sévère, cela ne me choquerait pas ».
Xavier Bertrand, Philippe Bas (ministre de la Santé,
ministre délégué à l’Assurance maladie) : « Le CSIS se
réunira cet automne ».
Frédéric van Roekeghem (Uncam) : « Lorsque nous
avons créé les délégués de l’assurance maladie (DAM),
nous avons imité la VM ».
Alain Coulomb (Comité Automédication) : « Ça ne
marche pas parce que personne n’en veut. Pourquoi
payer ce que l’on peut obtenir gratuitement par la
prescription ? »
Christophe Weber (GSK France, LIR) : « L’introduction
des Jumbo Group consacrerait la rupture entre les
industriels du médicament et les pouvoirs publics ».
Didier Houssin (DGS) : « Le bilan de la fin de pandémie
de la grippe aviaire est déjà fixé : 9 à 21 millions de
malades, entre 91 000 et 212 000 décès. 15 à 35 % de la
population sera à un moment ou un autre malade. Si le
virus passe la frontière, il faudra fermer les écoles, les
transports collectifs seront restreints et des consignes
de maintien à domicile pourraient être aussi données.
Des défaillances en chaîne suivront : difficultés
d’approvisionnement, perturbations des circuits
économiques... Mais il est possible que la prochaine
pandémie ne survienne que dans plusieurs années ».
Jean-François Dehecq (Sanofi-Aventis) : « Les mesures
prises par les pouvoirs publics pour réduire le trou de la
Sécurité sociale l’ont été sans véritable concertation.
Les autorités de santé s’en prennent particulièrement
aux laboratoires pharmaceutiques. Il est irréaliste de
vouloir stabiliser les dépenses de santé uniquement en
coupant les budgets... Si ce matraquage se poursuit,
soyez certains que nous saurons prendre les mesures
qu’il faut ».
Bernard Lemoine (Leem) : « Le gouvernement allemand
a pris le risque d’affaiblir encore une industrie qui a
beaucoup perdu de sa vigueur en quelque quinze ans. En
persistant dans cette voie, c’est toute l’Union
européenne qui pâtira de ces mesures car elle sera de
moins en moins concurrentielle ».
Jean-Pierre Garnier (GSK) : « La France a encore des
progrès à faire pour attirer les investissements
étrangers. Et ce, même si le gouvernement français nous
a donné des preuves tangibles de sa volonté de donner
les moyens d’agir aux industriels ».
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… MAIS UNE
ANNÉE RICHE
D’ÉVÉNEMENTS
Un paysage européen en réorganisation, de nombreux mouvements
dans les domaines des génériques, des vaccins, de l’OTC, l’affirmation
d’un positionnement biopharmaceutique pour certains,
investissements lourds en production... Tels sont quelques-uns des
événements marquants de l’année 2006.
——————
oici maintenant dix ans que
Ciba et Sandoz ont donné
naissance à Novartis, ouvrant ainsi le bal d’une série
de fusions-acquisitions entre les acteurs majeurs de l’industrie pharmaceutique. Au moment où Novartis
vient donc de célébrer son dixième
anniversaire, l’année écoulée a vu la
partition des rachats passer du pupitre des « big pharma » à celui des laboratoires de taille moyenne, avec, à
la clé, une consolidation et une reconfiguration du secteur.
péens, avec des stratégies variables.
A la baguette, le chef d’orchestre est
Alors que le dernier groupe allemand
allemand, avec Bayer et Merck KGaA,
indépendant, Boehringer Ingelheim,
en Herbert von Karajan et Kurt Maest manifestement réticent à entrer
zur, d’une symphonie outre-Rhin dédans cette valse d’acquisitions,
veloppée en plusieurs mouvements.
Schwarz Pharma a été repris par le
Après la surprise consécutive à l’angroupe belge UCB pour 4,4 milliards
nonce d’une OPA hostile de Merck
d’euros. Si ce même groupe belge a
KGaA sur Schering AG, ce dernier a fidéjà affirmé récemment son positionnalement choisi de s’allier à Bayer
nement biopharmaceutique avec le rapour donner naischat pour 2,5 milliards
sance, en septembre,
d’euros du britannique
à Bayer Schering
Celltech en mai 2004, c’est
Grands
Pharma. Coût de l’opéen revanche plus de dix
mouvements
en milliards d’euros que
ration pour Bayer :
17 milliards d’euros et
Merck KGaA a déboursés
Allemagne
une restructuration à
pour atteindre cet objecvenir de l’appareil de
tif, en devenant en sepproduction et de retembre dernier l’acquécherche en particulier, en Allemagne.
reur surprise de Serono – le nom de
Après le couple Bayer-Schering AG,
Merck KGaA est, en effet, l’un des rales autres rapprochements interveres à ne pas avoir été cité lorsque la sonus dans la pharmacie allemande
ciété suisse a commencé sa quête d’un
sont, quant à eux, des couples mixtes,
repreneur en novembre 2005. Autre
certes, mais uniquement entre Euro« étreinte » biopharmaceutique, celle
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V
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annoncée mi-mai avec la reprise du
britannique Cambridge Antiboy Technology par son compatriote AstraZeneca, soucieux de doper sa R&D et par
voie de conséquence, son pipeline.
De nombreux rachats. L’autre phénomène observé dans la consolidation européenne cette année montre
une poursuite du recentrage sur leur
cœur de métier engagé par les groupes chimiques également actifs dans
la pharmacie. Du côté d’Altana, la
branche pharmaceutique mise en
vente depuis 2005 est finalement
passée sous la coupe du danois Nycomed pour 4,5 milliards d’euros,
tandis que le conglomérat néerlandais Akzo Nobel souhaite faire coter
en Bourse Organon Biosciences, entité dans laquelle il a récemment regroupé ses activités santé humaine,
Organon, et santé animale, Intervet.
Du côté de l’Hexagone, s’est également poursuivie l’intégration de
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Fournier Pharma dans le cadre de la
réorganisation de la branche pharmaceutique de Solvay.
Ce même vent de consolidation a
également soufflé toute l’année chez
les laboratoires producteurs de génériques. Après une année 2005 agitée
par des acquisitions d’envergure à
l’image de celle d’Hexal par Novartis
ou de celle d’Ivax par Teva Pharmaceutical, l’année 2006 a notamment vu les Américains et les
Indiens renforcer leurs positions en Europe. Au
terme de plusieurs sem a i n e s d e s u re n chère, l’américain
Barr a ainsi fini par
mettre la main,
pour 2,5 milliards de
dollars, sur le croate
Pliva, un temps convoité
par l’islandais Actavis,
qui reprenait, par ailleurs, le roumain Sindan
pour 147,5 millions d’euros. Parallèlement, Sanofi-Aventis a également
continué à placer ses
pions en Europe de l’Est,
en prenant une participation de 25 % dans Zentiva,
implanté en République
tchèque, en Slovaquie, en
Roumanie, en Pologne, en
Russie et dans les Etats baltes. Quant aux producteurs
indiens de génériques, leurs
regards se sont plus spécifiquement
portés sur l’Allemagne, où le laboratoire Betapharm a suscité l’intérêt de
Dr Reddy’s et de Ranbaxy, pour tomber finalement dans l’escarcelle du
premier, Ranbaxy se focalisant ensuite sur l’Italie où il a racheté Allen
SpA, filiale générique de GSK, avant
de racheter dans la foulée, le roumain
Terapia et le belge Ethimed.
Des vaccins en évolution. Quant au
secteur de l’OTC, les mouvements
ont été certes rares, mais notables.
Après le renforcement de GSK dans
ce secteur, à travers le rachat de
l’américain CNS pour 566 millions de
dollars, c’est Johnson & Johnson, candidat malheureux au début de l’année à la reprise de son compatriote
Guidant, qui a investi le plus lourdement. Une première transaction de
l’année lui a permis d’intégrer, pour
518 millions de dollars, Animas, société américaine spécialisée dans les
ment de 500 millions d’euros, soit un
dispositifs de délivrance d’insuline.
des investissements pharmaceutiques
Mais le morceau de roi a été réservé
les plus importants en Europe depuis
à la division OTC de Pfizer, mise en
dix ans, pour l’installation, en France,
vente au début de l’année et reprise
à Saint-Amand-les-Eaux, de la future
en juin par le même J&J pour
usine de production de Cervarix®.
16,6 milliards de dollars.
Du côté des vaccins, l’actualité 2006
Des investissements lourds. Tous’est déclinée selon deux axes majours en Europe, l’année 2006 a aussi
jeurs : acquisitions et produits. Après
été marquée par deux importants prola pénurie de vaccins contre la grippe
jets de bioproduction. Dans le cadre
aux Etats-Unis pour la saison hiverd’un programme d’investissement
nale 2004-2005, la flambée de grippe
global, notamment en Grande-Bretaaviaire en Asie a remis sous le feu des
gne et à Porto-Rico, plus d’un milliard
projecteurs l’importance des vaccins,
de dollars vont être investis par Amgen
rappelant à quel point nous sommes à
pour la construction d’une nouvelle
la merci de l’émergence de nouveaux
usine, à Cork, en Irlande. Outre-Rhin,
agents infectieux et de flambées virac’est Merck KGaA qui prévoit de
les difficilement prévisibles. Ici, c’est
consacrer un investissement de
Novartis qui a ouvert le bal, présenté
190 millions d’euros pour une usine
un moment comme prêt à racheter
de bioproduction, qui sera implantée
son compatriote spécialiste des vacà Darmstadt et fabricins, Berna Biotech, fiquera des principes actifs
nalement passé sous
Émergence de
anticancéreux, dont l’anpavillon néerlandais
ticorps monoclonal Erbiavec son rachat par
nouveaux
®
Crucell. Après un long
agents infectieux tux (cetuximab). Toujours en bioproduction,
feuilleton où la future
mais cette fois outre-Atépouse s’est fait désirer
lantique, une nouvelle unité devrait
pour entretenir la surenchère, le groupe
aussi voir le jour à Devens, dans le
suisse a pu finaliser le rachat d’un des
Massachussetts et impliquera un infleurons du secteur, l’américain Chivestissement de 660 millions de dolron. Mais surtout, on relèvera l’entrée
lars pour BMS.
remarquée de Pfizer dans cet univers
Parallèlement à ces différents moudont il était totalement absent jusqu’à
vements et opérations que l’on peut
présent. Quelques semaines après
retrouver dans n’importe quel autre
l’annonce, cet été, du remplacement
secteur industriel, l’année 2006 aura
de l’emblématique Hank McKinnell
surtout été placée sous le signe des
par Jeffrey Kindler et l’évocation d’une
produits et des feuilletons juridiques,
implantation du groupe dans les vacen particulier pour Pfizer et Sanoficins, Pfizer annonçait le rachat du briAventis. Chez le numéro un du secteur,
tannique PowderMed, spécialiste de
Pfizer, qui, prudent et avisé, a anticipé
la mise au point de vaccins à ADN et
dès le début de l’année une stagnation
détenteur de plusieurs programmes
de ses ventes soumises à l’assaut des
sur la grippe et notamment la grippe
génériques, ce sont notamment les ataviaire.
taques de l’indien Ranbaxy sur le breSur le plan des produits, l’année a
vet de Lipitor® ou encore la perte du
été marquée par l’autorisation de Garbrevet de Zocor® cette année qui ont
dasil®, vaccin de Merck &Co dirigé
retenu l’attention et souligné une cercontre les souches de papillomavirus
taine fragilité de ces géants pharmahumains de types 6, 11, 16 et 18. Avec
ceutiques longtemps réputés inébranGardasil® et son concurrent Cervarix®
de GSK, c’est l’arrivée de la vaccination
lables mais dont le statut de valeur
sur un tout nouveau terrain, celui de la
refuge n’a cessé de reculer aux yeux
prévention d’un cancer, en l’occurdes marchés. Constat identique du
rence le cancer du col de l’utérus, mais
côté de Sanofi-Aventis, dont les déboiaussi l’émergence d’une multitude de
res avec Plavix®, les retards sur Acomquestions, politiques et sociologiques,
plia® aux Etats-Unis ou les contestanotamment pour déterminer le
tions des brevets de Lovenox ®
contribuent à expliquer pourquoi l’inchamp d’application ou encore les
dustrie pharmaceutique se montre
conditions de la prise en charge d’un
si ardente à défendre sa propriété
tel type de vaccin. L’autorisation de
intellectuelle. ■
ce vaccin innovant a été par ailleurs
ANNE-LISE BERTHIER
suivie de l’annonce d’un investisseDÉCEMBRE 2006 _ PHARMACEUTIQUES