2006, retour sur une année en mal de lisibilité
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2006, retour sur une année en mal de lisibilité
recap.qxp 30/11/06 12:06 Page 2 14 a c t u a l i t é s 2006, RETOUR SUR UNE ANNÉE EN MAL DE LISIBILITÉ ne année en demi-teinte, mais trois caractéristiques dominantes. Le recul du marché en volumes, la persistance de la taxe sur le chiffre d’affaires et des baisses de prix pour certains médicaments. A cet environnement pour le moins morose s’est ajoutée une certaine valse hésitation de la part des pouvoirs publics, soufflant le chaud et le froid sur un secteur en mal de lisibilité. Certes, l’accord cadre était sur les rails du renouvellement pour trois ans, mais les industriels ont observé que certains acteurs dont les décisions ne sont aujourd’hui pas sans impact sur le médicament, n’existaient tout bonnement pas lors de la signature initiale : la Haute Autorité de santé par exemple, l’Uncam... Dans ces conditions, le climat de confiance que revendiquent toujours les laboratoires n’a pas vraiment été au rendez-vous. Il en va ainsi du Conseil stratégique des industries de santé (CSIS), créé à l’initiative de JeanPierre Raffarin, alors Premier ministre : le Leem, notamment, plaide régulièrement pour qu’il se réunisse mais, s’il s’y est montré favorable, le U PHARMACEUTIQUES _ DÉCEMBRE 2006 ministre de la Santé a longuement atermoyé pour fixer, in fine, un rendez-vous en janvier 2007. L’année 2006 a donc commencé sur fond de mise en garde : dans ses vœux à la presse, le président du Leem, Pierre Le Sourd (à qui a succédé, le 1er juillet, Christian Lajoux) a employé un ton plutôt inhabituel, laissant deviner le retournement de conjoncture à venir, et donc les craintes des industriels sur l’état de l’emploi et la perte d’attractivité de la France. A cela se sont encore greffées les menaces récurrentes sur la propriété industrielle... Un tableau plutôt sombre que les pouvoirs publics ont feint d’ignorer jusqu’à ce que les mauvais chiffres de la croissance publiés au troisième trimestre finissent par les convaincre d’entendre un peu plus les laboratoires, notamment lors de la discussion du PLFSS. On serait d’ailleurs de mauvaise foi en ne tenant pas compte du débat autour de l’élection présidentielle : Xavier Bertrand, plutôt bonhomme, n’a d’ailleurs pas manqué de phrases fleuries pour qualifier les rapports entre l’Etat et l’industrie lors du petit déjeuner organisé par Pharma- © GETTY IMAGES Quel bilan tirer d’une année pré-électorale, marquée par la récession ? Celui d’une période de transition durant laquelle les acteurs, industriels et représentants des pouvoirs publics, se sont parfois affrontés pour donner, in fine, des signes d’apaisement. Inventaire des positions et des décisions prises au cours d’une édition parfois chaotique. —————— ceutiques le 10 novembre dernier. Ainsi la contribution « exceptionnelle », qui avait atteint le record de 1,76 % du chiffre d’affaires pour 2006, a-t-elle été opportunément ramenée à 1 % pour le PLFSS 2007. « Belle affaire ! », ont glissé les industriels soulignant la récession spectaculaire du marché, qui connaît une chute de 5 à 1 %. Crise ou pas crise ? C’était la grande interrogation des 10èmes Universités d’été qui se sont tenues à Lourmarin en septembre avec, une première, une météo aussi orageuse que le ton des débats. « C’est Mozart qu’on assassine », a tonné Christian Lajoux, nouveau président du Leem qui, pour la circonstance, a inauguré un discours nettement moins diplo- recap.qxp 30/11/06 12:06 Page 3 15 siette en matière de taxe sur le chiffre d’affaires versée par les industriels. En clair, en fonction de l’évolution de leurs dépenses de R&D sur le territoire national. Si moins value il y a, elle serait alors applicable en 2008… après l’élection présidentielle. Une sorte de PPRS à la française ? 2006 aura été une année en demi-teinte, les pouvoirs publics ayant soufflé le chaud et le froid sur un secteur en mal de lisibilité. matique que dans le passé. Connu pour son verbe carré, Jean-François Dehecq, CEO de Sanofi-Aventis, a repris la balle au bond dans le numéro de septembre de Pharmaceutiques en affirmant, dans l’interview inaugurale de la rubrique « Un labo au crible », que l’attitude des pouvoirs publics à l’égard de l’industrie pouvait être comparée à du « matraquage ». Ambiance donc tendue qui trouvera son épilogue lors du petit déjeuner du 10 novembre dernier. A cette occasion, le Leem est, en effet, tombé d’accord avec Xavier Bertrand pour qualifier de « mutation » la situation de l’industrie : le mot « crise » est donc rangé au vestiaire. Il est vrai que le PLFSS 2007 recèle une disposition intéressante : le ministre souhaite instituer un abattement d’as- avant qu’il puisse être commercialisé s’assimile à un chemin de croix ! Nous ne sommes pas assez entendus », juge Christian Lajoux qui veut ainsi « en finir avec l’idée reçue selon laquelle l’industrie pharmaceutique est riche et le progrès thérapeutique, continu et inéluctable ». Avec un Ondam médicaments en baisse de 4 %, il estime qu’aujourd’hui l’industrie du médicament est « une industrie en récession et déstabilisée ». Le mot de la fin ? Dans une interview au Quotidien du Médecin, il affirme que « le Leem n’est pas pleurnichard, mais l’erreur est de croire qu’on peut prendre aux uns pour donner aux autres, alors que nous sommes tous solidaires de la même dynamique économique pour créer plus de valeur de santé ». Rupture et bouleversement. C’est le nouveau président du Leem qui ouvre le bal, ou plutôt le feu, aux 10èmes Universités d’été de Pharmaceutiques le 15 septembre à Lourmarin. « C’est Mozart qu’on assassine », martèle-t-il d’entrée de jeu. « L’industrie va mal, très mal » Et d’énumérer « la fragilisation de la propriété industrielle, les contraintes exigeantes des payeurs, les crises sanitaires ». Musclé le discours… « Dans notre pays, les déficits des comptes sociaux exacerbent une tentation comptaLes pas de clerc du ministre. Début ble qui ne va pas dans le sens que avril, le ministre de la Santé -un peu nous souhaitons, à savoir une goufroissé par le report de son plan antivernance de santé qui doit gagner en tabac (un incendie jugé mal venu lisibilité et en cohéjuste après le feu d’artirence ». Quelques sefice du CPE)- reçoit maines plus tôt, le tout Pharmaceutiques pour Une industrie nouveau patron du une interview à la faveur en récession Leem avait déjà rodé d’Hôpital Expo prévu et déstabilisée son réquisitoire, à la pour le mois de mai. Le Bourse au début du ministre tourne autour mois de juillet. Il s’agisdu pot quand Daniel sait alors de sa première prise de paVial, directeur de la rédaction de role publique en tant que président Pharmaceutiques, lui pose la quesdu Leem. « 2006 révèle une rupture et tion de savoir si la « contribution exun renversement de situation. Les siceptionnelle », entendez la taxe sur le gnaux de compétitivité et d’attractichiffre d’affaires payée par les indusvité que nous attendions ne sont pas triels du médicament, sera ou non aujourd’hui au rendez-vous. Nous reconduite. 1,76 % au titre du PLFSS avons d’ailleurs manifesté plusieurs 2006, c’était plutôt lourd et l’industrie alertes depuis plusieurs mois conceren a conservé quelque amertume. nant la gouvernance du médicament Patelin, Xavier Bertrand en convient dans notre pays », avait alors affirmé et laisse même entendre que cette Christian Lajoux. « Les entreprises de taxe pourrait ne pas être pérennisée. santé sont attachées à la maîtrise des Elle le sera quand même, à hauteur comptes sociaux et du bon usage des de 1 %… Autre sujet sensible, la T2A médicaments. Mais elles estiment et l’inscription sur la liste des médiégalement nécessaire de reconnaîcaments onéreux. « Plus de lisibitre le besoin d’une véritable politique lité », concède Xavier Bertrand qui reindustrielle du médicament en connait par ailleurs que l’hôpital France. Or, elles manquent audevrait adopter la prescription en géjourd’hui de lisibilité en terme de nériques. gouvernance de santé. » Mais le sujet de ce mois d’avril, ouA la rentrée, même complainte, tre l’avenir du Premier ministre Dotoujours aussi musclée. Cette fois à la minique de Villepin, qui sort en lamtribune de l’Association des cadres beaux de la crise du CPE, en de l’industrie pharmaceutique. « Enattendant celle de Clearstream, c’est tre enregistrement par l’Afssaps, évaun déjeuner privé que Matignon orluation du SMR par la Haute Autorité ganise avec six dirigeants de l’indusde santé et fixation du prix par le trie pharmaceutique. Au menu, la reCEPS, le parcours du médicament cherche, les crises sanitaires et la 4 44 DÉCEMBRE 2006_ PHARMACEUTIQUES recap.qxp 30/11/06 12:06 Page 4 RETOUR SUR 2006 a c t u a l i t é s 17 DR que : le Premier ministre, qui ne veut pas ressusciter le CSIS établi par son prédécesseur Jean-Pierre Raffarin, insiste sur le caractère privé de cette rencontre, qui ne figure d’ailleurs pas à l’agenda. Présents à ce déjeuner, dont on ne saura d’ailleurs pas grand-chose : Franz Humer (Roche) ; Jacques Servier (Servier) ; Daniel Vasella (Novartis) ; Bernard Poussot (Wyeth) ; Jean-Luc Bélingard (Ipsen) et Jean-François Dehecq (SanofiAventis). On apprendra le lendemain béraux obtient, grâce à l’intense lobbying du patron de la CSMF, Michel Chassang, un relèvement significatif de l’Ondam 2007 pour la médecine de ville qui passe de 0,8 à 1,2 %. Les parlementaires UMP, savamment sensibilisés, accordent cette largesse aux praticiens de ville, se souvenant du prix politique payé par le plan Juppé aux législatives de 1997. Mais Bercy veille au grain : on baisse de 1,2 à 1,1%. En chipotant, on gagne ainsi 200 millions d’euros. Pour le plus grand plaisir de l’Uncam, qui avait toussé lors du relèvement à 1,2 %. Mais la saison s’achève mieux qu’elle n’a commencé : la signature en- Rose-Marie van Lerberghe, ex-directrice générale de l’AP-HP : « Avec Jean-François Mattei, c’était l’idylle ». Michel Chassang (CSMF) : « La qualité d’un prescripteur, c’est de savoir dé-prescrire ». que les industriels continuent de s’étonner des « mesures extra-conventionnelles » qu’ils avouent avoir du mal à comprendre. Comme le veut la règle protocolaire, ce déjeuner est jugé « prometteur et constructif ». Mais pas de CSIS. Le Leem, qui milite en sa faveur, est semble-t-il privé de dessert. Passe l’été et, dès septembre, tout le monde s’agite autour de la préparation du PLFSS. Attendu à Lourmarin, le ministre de la Santé « sèche » pour la deuxième fois et délègue Philippe Bas, ministre délégué à l’Assurance maladie et à la Famille. Baptême du feu, auditoire courtois avec un discours fleuve, mi-chèvre michou. Pas de quoi calmer les industriels présents, en plein orage. Pour autant, le bal des petites concessions n’est pas terminé : à la mi-octobre, le principal syndicat de médecins li- tre le Leem et le ministre sur les bonnes pratiques en matière de formation médicale continue (FMC) est un signe de décrispation, d’ailleurs perceptible dans le changement de ton. Sentant bien que la compétition présidentielle n’est pas gagnée, l’actuelle majorité fait assaut de bonnes manières. Même scénario quand la HAS -qui se pousse un peu du col- prône le déremboursement de certains vasodilatateurs. Habile, et conscient de l’impact électoral d’une telle mesure, le ministre temporise et renvoie le mistigri à plus tard. Explosif, mais déminé à temps. Jumbo Group. Printemps 2006. La Grande coalition SPD-CDU au pouvoir à Berlin met en chantier le prin- cipal volet de sa politique de réduction des dépenses d’assurance maladie. Premier visé, le médicament. Soumis à remède de cheval... Dans l’interview qu’elle accorde à Pharmaceutiques, Ulla Schmidt, nouvelle ministre de la Santé, explique le principe des Jumbo Group, une mesure qui met les industriels vent debout. Explication de texte : « Il est possible, affirme la ministre, de réunir produits brevetés et produits dont le brevet est tombé dans le domaine public, pour former des groupes de montants fixes de prise en charge appelés "Jumbo groups" ». De là à penser que l’on affiche tous les produits au même tarif en choisissant le moins cher... Mieux encore, la loi du 1er avril 2006 prévoit d’introduire un système de bonus malus pour la DR 444 politique du médicament. Polémi- prescription en médecine de ville. Résultat : 30 000 médecins -du jamais vu en Allemagne où l’on défile beaucoup moins qu’en France- manifestent à Berlin. Et, cerise sur le gâteau, la TVA sur les prix des médicaments est censée augmenter de 3 % dès 2007, augmentation assortie d’une interdiction de relever les prix à équivalence. Bilan politique : tous les acteurs allemands du monde de la santé, y compris certains parlementaires des partis de la coalition, se sont unanimement dressés contre cette réforme dont les résultats économiques sont d’ailleurs jugés décevants. La France avait, un temps, regardé les mesures de cette « médecine de cheval » avec intérêt… Devinez qui. Mais le frein politique a été le plus fort. Le gouvernement français s’est 4 44 DÉCEMBRE 2006 _ PHARMACEUTIQUES recap.qxp 30/11/06 12:06 Page 5 RETOUR SUR 2006 a c t u a l i t é s 19 DR lisée, le dogme hexagonal, ne fonctionne pas si mal que cela. En attendant 2007 et les échéances politiques à venir, susceptibles, comme d’habitude en France, de tout chambouler. Chassé-croisé. Eternel chassé-croisé entre les deux anciens ministres de la Santé, Philippe Douste-Blazy et Bernard Kouchner… Le premier, aujourd’hui ministre des Affaires étrangères, a réussi la mise en place d’Unitaid, structure internationale dont il est le président, destinée à Pour Sydney Taurel (Eli Lilly), faciliter l’achat de « en France, nous n’avons pas médicaments suffisamment de visibilité et pour les pays du 444 instantanément de stabilité qui puissent nous Tiers-monde, via permettre de planifier à moyen une taxe sur les rappelé les dégâts du plan Juppé, et billets d’avion. Le et long terme... Les mesures notamment le syssecond, qui a, prises ne privilégient pas tème de sanctions sans succès, bril’innovation ». qui avait été prévu gué la direction pour pénaliser les de l’OMS, avait gros prescripteurs. Aujourd’hui, pas pourtant reçu le soutien (actif) de Jacpeu fier de lui, mais plutôt discret, le ques Chirac. Mais, patatras, au final, ministre français de la Santé, Xavier après trois jours de scrutin, c’est le Bertrand, flétrit volontiers ce qui se nom de Margaret Chan, de Hongpasse en Allemagne. Une manière de Kong, qui est sorti des urnes. Spéciafaire penser que la maîtrise médicaliste de la grippe aviaire, également très impliquée dans la lutte contre le Syndrome respiratoire aigu sévère (Sras), elle affichait « meilleur profil » que le French Doctor. Evidemment, les esprits les plus politiques n’auront pas manqué de voir dans le choix de Margaret Chan un signe politique fort en direction de la Chine, toujours soucieuse d’affirmer son rang dans les instances internationales. Philippe Douste-Blazy a eu plus de chance, et avec le même parrainage : le président de la République s’était là aussi investi en sa faveur, cette fois-ci avec succès. Lancé lors du Mondial 2006, Unitaid a été fondé sur des sources innovantes de financement, stables et prévisibles : son objectif était et reste d’amener le plus grand nombre d’Etats à adopter la contribution internationale de solidarité sur les billets d’avion. Petit mot de la fin : il s’était dit que Philippe Douste-Blazy avait lui aussi brigué le fauteuil de directeur général de l’OMS, entrant de fait en compétition avec Bernard Kouchner. C’est le président de la République qui aurait dissuadé son ministre des Affaires étrangères de postuler. Sage conseil… ■ HERVÉ KARLESKIND Ils ont dit … Noël Renaudin (CEPS) : « Si grâce à l’information délivrée par la visite médicale, l’observance des malades s’améliore pour certaines maladies chroniques, cela ne va pas entraîner une diminution de la dépense ». « Les entreprises ont dégradé la visite médicale. A un certain degré d’intensité, la quantité constitue un abus et rend impossible la qualité exigée de la visite médicale ». Toujours le président du CEPS, à Lourmarin : « Si la Commission de la transparence était de plus en plus sévère, cela ne me choquerait pas ». Xavier Bertrand, Philippe Bas (ministre de la Santé, ministre délégué à l’Assurance maladie) : « Le CSIS se réunira cet automne ». Frédéric van Roekeghem (Uncam) : « Lorsque nous avons créé les délégués de l’assurance maladie (DAM), nous avons imité la VM ». Alain Coulomb (Comité Automédication) : « Ça ne marche pas parce que personne n’en veut. Pourquoi payer ce que l’on peut obtenir gratuitement par la prescription ? » Christophe Weber (GSK France, LIR) : « L’introduction des Jumbo Group consacrerait la rupture entre les industriels du médicament et les pouvoirs publics ». Didier Houssin (DGS) : « Le bilan de la fin de pandémie de la grippe aviaire est déjà fixé : 9 à 21 millions de malades, entre 91 000 et 212 000 décès. 15 à 35 % de la population sera à un moment ou un autre malade. Si le virus passe la frontière, il faudra fermer les écoles, les transports collectifs seront restreints et des consignes de maintien à domicile pourraient être aussi données. Des défaillances en chaîne suivront : difficultés d’approvisionnement, perturbations des circuits économiques... Mais il est possible que la prochaine pandémie ne survienne que dans plusieurs années ». Jean-François Dehecq (Sanofi-Aventis) : « Les mesures prises par les pouvoirs publics pour réduire le trou de la Sécurité sociale l’ont été sans véritable concertation. Les autorités de santé s’en prennent particulièrement aux laboratoires pharmaceutiques. Il est irréaliste de vouloir stabiliser les dépenses de santé uniquement en coupant les budgets... Si ce matraquage se poursuit, soyez certains que nous saurons prendre les mesures qu’il faut ». Bernard Lemoine (Leem) : « Le gouvernement allemand a pris le risque d’affaiblir encore une industrie qui a beaucoup perdu de sa vigueur en quelque quinze ans. En persistant dans cette voie, c’est toute l’Union européenne qui pâtira de ces mesures car elle sera de moins en moins concurrentielle ». Jean-Pierre Garnier (GSK) : « La France a encore des progrès à faire pour attirer les investissements étrangers. Et ce, même si le gouvernement français nous a donné des preuves tangibles de sa volonté de donner les moyens d’agir aux industriels ». DÉCEMBRE 2006 _ PHARMACEUTIQUES recap.qxp 30/11/06 12:06 Page 6 20 a c t u a l i t é s RETOUR SUR 2006 … MAIS UNE ANNÉE RICHE D’ÉVÉNEMENTS Un paysage européen en réorganisation, de nombreux mouvements dans les domaines des génériques, des vaccins, de l’OTC, l’affirmation d’un positionnement biopharmaceutique pour certains, investissements lourds en production... Tels sont quelques-uns des événements marquants de l’année 2006. —————— oici maintenant dix ans que Ciba et Sandoz ont donné naissance à Novartis, ouvrant ainsi le bal d’une série de fusions-acquisitions entre les acteurs majeurs de l’industrie pharmaceutique. Au moment où Novartis vient donc de célébrer son dixième anniversaire, l’année écoulée a vu la partition des rachats passer du pupitre des « big pharma » à celui des laboratoires de taille moyenne, avec, à la clé, une consolidation et une reconfiguration du secteur. péens, avec des stratégies variables. A la baguette, le chef d’orchestre est Alors que le dernier groupe allemand allemand, avec Bayer et Merck KGaA, indépendant, Boehringer Ingelheim, en Herbert von Karajan et Kurt Maest manifestement réticent à entrer zur, d’une symphonie outre-Rhin dédans cette valse d’acquisitions, veloppée en plusieurs mouvements. Schwarz Pharma a été repris par le Après la surprise consécutive à l’angroupe belge UCB pour 4,4 milliards nonce d’une OPA hostile de Merck d’euros. Si ce même groupe belge a KGaA sur Schering AG, ce dernier a fidéjà affirmé récemment son positionnalement choisi de s’allier à Bayer nement biopharmaceutique avec le rapour donner naischat pour 2,5 milliards sance, en septembre, d’euros du britannique à Bayer Schering Celltech en mai 2004, c’est Grands Pharma. Coût de l’opéen revanche plus de dix mouvements en milliards d’euros que ration pour Bayer : 17 milliards d’euros et Merck KGaA a déboursés Allemagne une restructuration à pour atteindre cet objecvenir de l’appareil de tif, en devenant en sepproduction et de retembre dernier l’acquécherche en particulier, en Allemagne. reur surprise de Serono – le nom de Après le couple Bayer-Schering AG, Merck KGaA est, en effet, l’un des rales autres rapprochements interveres à ne pas avoir été cité lorsque la sonus dans la pharmacie allemande ciété suisse a commencé sa quête d’un sont, quant à eux, des couples mixtes, repreneur en novembre 2005. Autre certes, mais uniquement entre Euro« étreinte » biopharmaceutique, celle © GETTY IMAGES V PHARMACEUTIQUES _ DÉCEMBRE 2006 annoncée mi-mai avec la reprise du britannique Cambridge Antiboy Technology par son compatriote AstraZeneca, soucieux de doper sa R&D et par voie de conséquence, son pipeline. De nombreux rachats. L’autre phénomène observé dans la consolidation européenne cette année montre une poursuite du recentrage sur leur cœur de métier engagé par les groupes chimiques également actifs dans la pharmacie. Du côté d’Altana, la branche pharmaceutique mise en vente depuis 2005 est finalement passée sous la coupe du danois Nycomed pour 4,5 milliards d’euros, tandis que le conglomérat néerlandais Akzo Nobel souhaite faire coter en Bourse Organon Biosciences, entité dans laquelle il a récemment regroupé ses activités santé humaine, Organon, et santé animale, Intervet. Du côté de l’Hexagone, s’est également poursuivie l’intégration de recap.qxp 30/11/06 12:06 Page 7 21 Fournier Pharma dans le cadre de la réorganisation de la branche pharmaceutique de Solvay. Ce même vent de consolidation a également soufflé toute l’année chez les laboratoires producteurs de génériques. Après une année 2005 agitée par des acquisitions d’envergure à l’image de celle d’Hexal par Novartis ou de celle d’Ivax par Teva Pharmaceutical, l’année 2006 a notamment vu les Américains et les Indiens renforcer leurs positions en Europe. Au terme de plusieurs sem a i n e s d e s u re n chère, l’américain Barr a ainsi fini par mettre la main, pour 2,5 milliards de dollars, sur le croate Pliva, un temps convoité par l’islandais Actavis, qui reprenait, par ailleurs, le roumain Sindan pour 147,5 millions d’euros. Parallèlement, Sanofi-Aventis a également continué à placer ses pions en Europe de l’Est, en prenant une participation de 25 % dans Zentiva, implanté en République tchèque, en Slovaquie, en Roumanie, en Pologne, en Russie et dans les Etats baltes. Quant aux producteurs indiens de génériques, leurs regards se sont plus spécifiquement portés sur l’Allemagne, où le laboratoire Betapharm a suscité l’intérêt de Dr Reddy’s et de Ranbaxy, pour tomber finalement dans l’escarcelle du premier, Ranbaxy se focalisant ensuite sur l’Italie où il a racheté Allen SpA, filiale générique de GSK, avant de racheter dans la foulée, le roumain Terapia et le belge Ethimed. Des vaccins en évolution. Quant au secteur de l’OTC, les mouvements ont été certes rares, mais notables. Après le renforcement de GSK dans ce secteur, à travers le rachat de l’américain CNS pour 566 millions de dollars, c’est Johnson & Johnson, candidat malheureux au début de l’année à la reprise de son compatriote Guidant, qui a investi le plus lourdement. Une première transaction de l’année lui a permis d’intégrer, pour 518 millions de dollars, Animas, société américaine spécialisée dans les ment de 500 millions d’euros, soit un dispositifs de délivrance d’insuline. des investissements pharmaceutiques Mais le morceau de roi a été réservé les plus importants en Europe depuis à la division OTC de Pfizer, mise en dix ans, pour l’installation, en France, vente au début de l’année et reprise à Saint-Amand-les-Eaux, de la future en juin par le même J&J pour usine de production de Cervarix®. 16,6 milliards de dollars. Du côté des vaccins, l’actualité 2006 Des investissements lourds. Tous’est déclinée selon deux axes majours en Europe, l’année 2006 a aussi jeurs : acquisitions et produits. Après été marquée par deux importants prola pénurie de vaccins contre la grippe jets de bioproduction. Dans le cadre aux Etats-Unis pour la saison hiverd’un programme d’investissement nale 2004-2005, la flambée de grippe global, notamment en Grande-Bretaaviaire en Asie a remis sous le feu des gne et à Porto-Rico, plus d’un milliard projecteurs l’importance des vaccins, de dollars vont être investis par Amgen rappelant à quel point nous sommes à pour la construction d’une nouvelle la merci de l’émergence de nouveaux usine, à Cork, en Irlande. Outre-Rhin, agents infectieux et de flambées virac’est Merck KGaA qui prévoit de les difficilement prévisibles. Ici, c’est consacrer un investissement de Novartis qui a ouvert le bal, présenté 190 millions d’euros pour une usine un moment comme prêt à racheter de bioproduction, qui sera implantée son compatriote spécialiste des vacà Darmstadt et fabricins, Berna Biotech, fiquera des principes actifs nalement passé sous Émergence de anticancéreux, dont l’anpavillon néerlandais ticorps monoclonal Erbiavec son rachat par nouveaux ® Crucell. Après un long agents infectieux tux (cetuximab). Toujours en bioproduction, feuilleton où la future mais cette fois outre-Atépouse s’est fait désirer lantique, une nouvelle unité devrait pour entretenir la surenchère, le groupe aussi voir le jour à Devens, dans le suisse a pu finaliser le rachat d’un des Massachussetts et impliquera un infleurons du secteur, l’américain Chivestissement de 660 millions de dolron. Mais surtout, on relèvera l’entrée lars pour BMS. remarquée de Pfizer dans cet univers Parallèlement à ces différents moudont il était totalement absent jusqu’à vements et opérations que l’on peut présent. Quelques semaines après retrouver dans n’importe quel autre l’annonce, cet été, du remplacement secteur industriel, l’année 2006 aura de l’emblématique Hank McKinnell surtout été placée sous le signe des par Jeffrey Kindler et l’évocation d’une produits et des feuilletons juridiques, implantation du groupe dans les vacen particulier pour Pfizer et Sanoficins, Pfizer annonçait le rachat du briAventis. Chez le numéro un du secteur, tannique PowderMed, spécialiste de Pfizer, qui, prudent et avisé, a anticipé la mise au point de vaccins à ADN et dès le début de l’année une stagnation détenteur de plusieurs programmes de ses ventes soumises à l’assaut des sur la grippe et notamment la grippe génériques, ce sont notamment les ataviaire. taques de l’indien Ranbaxy sur le breSur le plan des produits, l’année a vet de Lipitor® ou encore la perte du été marquée par l’autorisation de Garbrevet de Zocor® cette année qui ont dasil®, vaccin de Merck &Co dirigé retenu l’attention et souligné une cercontre les souches de papillomavirus taine fragilité de ces géants pharmahumains de types 6, 11, 16 et 18. Avec ceutiques longtemps réputés inébranGardasil® et son concurrent Cervarix® de GSK, c’est l’arrivée de la vaccination lables mais dont le statut de valeur sur un tout nouveau terrain, celui de la refuge n’a cessé de reculer aux yeux prévention d’un cancer, en l’occurdes marchés. Constat identique du rence le cancer du col de l’utérus, mais côté de Sanofi-Aventis, dont les déboiaussi l’émergence d’une multitude de res avec Plavix®, les retards sur Acomquestions, politiques et sociologiques, plia® aux Etats-Unis ou les contestanotamment pour déterminer le tions des brevets de Lovenox ® contribuent à expliquer pourquoi l’inchamp d’application ou encore les dustrie pharmaceutique se montre conditions de la prise en charge d’un si ardente à défendre sa propriété tel type de vaccin. L’autorisation de intellectuelle. ■ ce vaccin innovant a été par ailleurs ANNE-LISE BERTHIER suivie de l’annonce d’un investisseDÉCEMBRE 2006 _ PHARMACEUTIQUES