Abstracts du Colloque
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Abstracts / Résumés « Linguistique et traductologie : les enjeux d’une relation complexe » Paola Artero : Analyse du point de vue et de l’idéologie dans les traductions françaises de The Chronicles of Narnia The Chronicles of Narnia (1950‐1956) de C. S. Lewis est un célèbre recueil de sept romans appartenant au genre de la littérature de jeunesse et dont le substrat symbolique évoque la tradition chrétienne. Cette œuvre fait actuellement l’objet d’un projet de thèse de traductologie, centré sur l’analyse d’un corpus parallèle numérisé incluant les originaux en anglais et les traductions françaises, dans leur version plus récente et complète, publiée par Gallimard en 2005 sous le titre Le Monde de Narnia. S’appuyant sur les principes de la pragmatique et de la CDA (Critical Discourse Analysis), à la croisée de la linguistique, de la narratologie et de la stylistique, notre étude vise à porter à la surface les marqueurs idéologiques, à travers une analyse approfondie du point de vue et de sa transposition en traduction, par une démarche descriptive et contrastive. Pour cela, la linguistique offre des outils précieux, permettant d’identifier dans le texte les éléments qui incarnent cette instance narrative, tels que la modalité, les déictiques, la transitivité (Simpson 1993, Bosseaux 2007), mais aussi les phénomènes pragmatiques de la politesse et les choix lexicaux. Nous souhaitons partager nos premières découvertes à travers une série d’exemples tirés des sept romans, traduits (ou retraduits) par des traducteurs différents, avec une attention particulière à la dimension du sacré. Cette étude de cas veut donner un aperçu du travail de recherche en cours, où une analyse quantitative des textes alignés, effectuée à l’aide du logiciel WordSmith Tools, sera accompagnée par une analyse qualitative « manuelle », dans le sillage des études traductologiques sur corpus ou Corpus‐Based Translation Studies (Kenny 2001, Munday 2002, Zanettin 2002, Bosseaux 2007). Si, comme le suggèrent, parmi d’autres, Hatim et Mason (1990) Simpson (1993) et Lecercle (1999), l’idéologie est la langue, dès son début l’analyse contrastive des textes originaux et des traductions montre clairement les interrelations et l’interdépendance entre un texte et son contexte, ou son environnement socioculturel, et la position de son auteur/traducteur dans ce même système sociolinguistique. Le genre de la littérature de jeunesse, toujours tendu vers un but éducatif, s’avère ainsi un véhicule axiologique puissant, qui reflète et contribue à faire évoluer les valeurs qu’une société défend et transmet dans un moment donné, en garantissant une continuité intergénérationnelle. Ce travail de recherche ne pourrait pas avoir lieu sans la contribution de disciplines différentes, dont la linguistique et la traductologie représentent la clé de voûte et qui, toutes, permettent d’aborder l’univers textuel dans le but d’une meilleure compréhension des enjeux et des normes qui sous‐tendent la traduction, et en particulier la traduction de livres pour enfants. 1 Yves Bardière : Approche linguistique et traductologique des formes narratives de l’anglais et du français Cette étude se penche sur la traduction en anglais des formes verbales du français en contexte narrratif. Trois cas seront analysés, essentiellement dans le cadre théorique de la psychosystématique guillaumienne, à partir d’exemples littéraires : l’imparfait narratif, l’imparfait historique et le plus‐que‐parfait narratif. Je pars du principe que la représentation aspectuelle de l’imparfait demeure invariante, quel que soit son emploi discursif. La déformation quantitative qui, chez certains tenants de l’approche imperfectiviste, vise à réduire ω (part d’accompli) à la quasi‐nullité et octroyer à α (part d’inaccompli) la quasi‐totalité ne relève que d’un signifié d’effet entièrement dû au dis‐ cours. Ce signifié d’effet constitue néanmoins un critère prépondérant en traduction. Il confère à l’imparfait l’allure d’un passé simple avec, pour conséquences fondamentales, une perfectivation apparente du procès et sa participation à la chronologie événementielle. Nous verrons qu’il ne s’agit en fait que d’un leurre. Même en pareil cas, l’imparfait conserve sa valeur imperfective de langue et ce sont en général d’autres facteurs (co‐textuels et / ou contextuels) qui prennent en charge la dynamique narrative. La valeur stylistique produit par l’imparfait narratif par opposition au passé simple, avec lequel il commute dans ce type d’emploi, est généré par la superposition apparemment inconciliable de deux effets contradictoires : un effet de dynamisme lié à l’insertion d’un événement dans le récit et un effet de stase lié à l’imperfectivité de la forme verbale. L’impression d’alenti est également due à l’inversion de la fluence temporelle Ces valeurs sont la plupart du temps sacrifiées sur l’autel de la traduction. Sur le plan narratologique, la notion de « point de vue représenté », mis en évidence par A. Rabatel, est elle aussi perdue. Dans les exemples observés, l’imparfait narratif se traduit en effet massivement par le prétérit simple. La préférence très marquée pour la forme simple du prétérit s’explique pour au moins deux raisons : 1) l’impact de la chronologie d’expérience 2) La parenté exceptionnelle qu’entretient l’imparfait narratif avec à la fois le passé simple et à l’imparfait classique. Cette double face le rend extrêmement proche du prétérit simple anglais susceptible précisément de correspondre à ces deux temps du français. Malgré cette forte convergence en discours, imparfait narratif et prétérit simple conservent leur divergence en langue, justifiant ainsi, chez certains traducteurs, le maintien d’une forme imperfective. À la valeur narrative de l’imparfait s’ajoute parfois la coloration historique de l’imparfait. Je qualifie d’ « historique » les faits réels appartenant à l’Histoire, par opposition à « narratif » caractérisant les faits fictifs appartenant à l’histoire. Dans le premier cas, les événements rapportés acquièrent cette globalisation, distanciation et objectivisation propres à l’Histoire. Ici plus qu’ailleurs, ils semblent « se raconter d’eux‐mêmes ». Chaque procès ou presque est affecté de son complément temporel. La dynamique narrative semble alors courir sur son erre. Contrairement aux imparfaits dits narratifs, l’imparfait historique permet également à des procès lexicalement imperfectifs d’insérer des événements dans la linéarité temporelle, au même titre que les formes lexicalement perfectives, sans pour autant introduire une digression de type commentaire. Ces différents critères ne font qu’exacerber la parenté de cet imparfait avec le passé simple. Sous réserve de vérification ultérieure, cette proximité explique le recours systématique et quasi contraignant à l’aspect grammatical perfectif en anglais. Le plus‐que‐parfait narratif (du type Deux heures après avoir quitté le Nautilus, nous avions franchi la ligne des arbres (Jules Verne)) donne lieu à des traductions plus variées. Il ne 2 marque pas dans ce cas l’antériorité par rapport à l’événement précédent mais l’inscrit à sa suite, l’adverbial temporel antéposé jouant, à cet égard, un rôle essentiel. Seule est donc évoquée la transcendance opérative. Le prétérit immanent s’intéresse à l’opération verbale, le prétérit transcendant au résultat. Il appartient au traducteur d’estimer, selon l’emploi, l’importance susceptible d’être accordée au résultat par rapport à l’opération. Toutefois, force est de constater que la chronologie événementielle s’avère là encore souvent prépondérante au point que, dans bien des cas, l’imparfait narratif, le passé simple et même le présent narratif peuvent se substituer au plus‐que‐parfait sans nuire à la cohérence grammaticale et sémantique des énoncés. Le prétérit simple fait puissanciellement la synapse entre ces quatre temps du français. On posera donc que le poids de la chronologie narrative plaide une fois de plus en faveur de l’emploi du prétérit simple en anglais pour traduire le plus‐que‐parfait narratif. Les quelques cas évoqués sommairement ici auront peut‐être le mérite de montrer à quel point toute opération de traduction gagne à être sous‐tendue d’une réflexion linguistique. Cette mise en correspondance permet de réduire les écarts entre texte source et texte cible, ou de favoriser, tout du moins, une prise de conscience des risques d’entropie qu’encourt la traduction lorsqu’elle se laisse guider uniquement par des considérations orthonymiques. Kate Beeching : How sort of ‘linguistic’ is translation equivalence? Since the ‘cultural turn’ in translation studies in the 1990s, the role of linguistics has been downplayed in translation theory. The development of linguistic pragmatics and, in particular, of relevance theory, enhances the ability of linguistics to account for features of translation but also foregrounds translation as an heuristic tool for linguistics; translation makes the contextual meanings which are the focus of pragmatics explicit. Drawing on Charles Sanders Peirce’s (1931‐35, 1958) triadic approach to semiology and Gutt’s (1991, 2005) relevance‐theoretic model of inferencing and interpretation, the paper will aim to illustrate the ‘communicative clues’ addressed by both linguistic pragmatics and translation, and evaluate the extent to which the disciplines can work together in a common cause. A parallel corpus investigation of translations of sort of into French will be used to illustrate the argument. Maryvonne Boisseau : Lire et relire Jacqueline Guillemin‐Flescher Parmi les travaux de linguistes qui ont contribué, et contribuent encore, à la réflexion sur les relations entre linguistique et traduction, ceux de Jacqueline Guillemin‐Flescher occupent depuis les années 1980 une place de choix. L’ampleur de ces travaux, leur portée théorique et surtout l’originalité d’une démarche visant notamment à révéler la spécificité des langues comparées, l’anglais et le français, nous semble cependant à la fois largement reconnue et pourtant, à bien des égards, également méconnue. Leur reconnaissance, en effet, ne vient sans doute pas tant du fait qu’ils illustrent de façon magistrale un mode de relation entre la linguistique théorique et la traduction que de la richesse des applications méthodologiques que la démarche de Guillemin‐Flescher a suscitées. Il nous semble cependant que le champ de recherche ouvert par Guillemin‐ 3 Flescher déborde, comme le souligne Antoine Culioli dans la préface à la Syntaxe comparée du français et de l’anglais, la seule linguistique pour ouvrir à la recherche en traduction des perspectives nouvelles et toujours actuelles. Ainsi, dans un premier temps, plus que les applications méthodologiques, cette communication se propose de revenir aux sources de la démarche de Guillemin‐Flescher afin précisément d’examiner de façon critique ce mode de relation entre linguistique et traduction qu’elle a mis en œuvre selon certains principes sans cesse réitérés. Elle a en effet délimité un champ d’observation et d’étude qui s’attache à l’ordinaire de « l’organisation collective du discours » que la récurrence des phénomènes rend patente. Ceci exclut alors ce qui relève du style. Or les rapprochements récents, voire la confusion grandissante, entre stylistique et linguistique peuvent amener à s’interroger sur cette limite fixée à l’approche des problèmes de traduction par Guillemin‐Flescher. Dans le même temps, sa recherche embrasse une grande diversité de textes et de situations, brouillant ainsi la frontière entre textes « littéraires » et textes pragmatiques. Comment alors exclure de l’analyse linguistique le fait de style ? Comment ne pas considérer que la construction du sens s’élabore aussi dans l’agencement particulier d’une figure de style comme la métaphore, ou la répétition, par exemple ? Faudrait‐il donc exclure de l’analyse linguistique et contrastive celle des textes poétiques et de leurs traductions ? Si l’on se risque à tenter cette analyse, on se demandera alors quelles récurrences propres au langage poétique sont mises au jour et quels enseignements on peut en tirer pour la linguistique et pour la traduction du poème. Nous tenterons donc dans une seconde partie l’analyse de plusieurs textes en prose et en vers d’A. Rimbaud, traduits par Ciaran Carson et Derek Mahon, deux poètes traducteurs irlandais contemporains, en privilégiant, à l’instar de Guillemin‐Flescher, une approche par « problème ». Nous essaierons de montrer que la langue du poème et la langue de sa traduction relèvent aussi d’une démarche contrastive ouverte et d’une approche de la traduction fondée sur une théorie linguistique cohérente. Alex Boulton : Applying corpora in translation: Uses, outcomes and reactions among novice users The advent of language corpora in the second half of the 20th century has left virtually no domain of linguistics untouched. This is partly because, apart from constituting an object of research, they also (if controversially) represent a methodology for linguistic enquiry. As such, they can be applied in any text‐based field from cultural studies to literature, and even for learning purposes as long as the learner is put in the position of ‘researcher’ in what Johns (1990) has called “data‐driven learning”. Though DDL is most closely associated with language learning, the main interest of corpora for language learners may be as a reference resource in producing and revising written texts, including for translation purposes – indeed, considerable work has been conducted on the use of corpora in dedicated translation degrees especially using parallel corpora (e.g. Beeby et al. 2009). Less has been made of corpora in the ubiquitous translation courses of general undergraduate language degrees (cf. Zanettin 2009), though the advantages frequently attributed to corpus consultation are likely to apply here too. This paper explores the first corpus steps of 3rd‐year English undergraduates in France. The students have no previous experience of corpus use, and the distance context limits the opportunities for training as 4 well as access to corpora and tools. In their French‐English translation course, they are required to use the free, stable, simple interface to monolingual English corpora (up to 450M words) provided by Mark Davies at http://corpus.byu.edu. The site is suitable for novice users and is accompanied by tutorials and help features; this is highly desirable in the distance teaching context where face‐to‐face input is not an option, and means that the course itself can keep the introduction to the basic concepts and techniques to a minimum. After that, the constraints of the distance context play to the strengths of constructivism as the students explore the corpora on their own; though email support is always available, and there are discussion forums to facilitate peer‐to‐peer collaboration, these are generally underused. Following an earlier pilot study (Author 2012), the results presented here derive from an on‐ line evaluation where the methodology component requires the students to choose sections of a previously unseen text and demonstrate and explain how they use corpora to solve the problems encountered in context. This type of ‘languaging’ (e.g. Swain 2006) draws on linguistic knowledge, self‐awareness and translation competence, thereby constituting a useful learning technique for students as well as providing valuable insights into their underlying thinking. The data show how the students come to grips with corpora for translation, allowing both a quantitative analysis of the functions used and a qualitative analysis of individual processes and outcomes. The findings are backed up by questionnaires submitted at the end of the course to gain feedback from both successful and less successful students. Particular attention is accorded to corpus use beyond the usual concordance lines, including frequencies, register distributions, collocates lists, word comparisons, and so on, which allow the learner to ask not just ‘Can I say this?’, but ‘Is this appropriate in this translation context?’ Françoise Canon‐Roger : Interprétation, linguistique et traductologie La question du rapport entre traductologie et linguistique ne peut pas être posée sans tenir compte de leur objet commun. Il importe donc de replacer les enjeux de la traductologie dans une perspective herméneutique propre aux textes et de tenter de définir, en inversant la manière habituelle de poser le problème, quelle linguistique convient pour quelle traductologie. Yvon Keromnes : Where Linguistics meets Translation Theory ‐ A mootable point Examining the vexing relation between linguistics and translation theory and reviewing the difficulties with which it is fraught, we reject both the notion of a proof of their irreconcilable differences (Pergnier: 2004) and that of one of the disciplines totally subsuming the other, in particular the idea of an all‐encompassing linguistics, even if it is text linguistics (Rastier: 2011): both disciplines have concerns that are not germane to the other. Our point is therefore to provide a clearer representation of the domain where the two disciplines intersect. Several aspects that may obscure our understanding of the relation between the two disciplines are often left unsaid or simply taken for granted; among the points falling into 5 that category are the disunity of linguistics, linguistics and assessment, and the object of translation theory. There is no more unity in linguistics than in translation theory. This begs the question: Which linguistics is relevant for translation? We argue that linguistic theories which are not based on corpuses and ignore the idiomatic dimension of natural languages (e.g. Universal Grammar) have very little to say about translation, but that some cognitive approaches, and among them enunciative theories, are particularly apt at highlighting translating options and modelling the translating process; we also think that the contribution of linguistics to translation theory cannot be limited to a single approach – and should emphatically not be about vindicating one particular theory – and we agree with J. Albrecht (2005) that linguistic matters regarding translation require a ‘philological’ approach drawing as need be from all subdisciplines concerned with the relation between meaning and form (e.g. lexicology, stylistics, rhetoric). Another aspect mostly left unmentioned is the prescriptive/descriptive opposition. If linguistics is supposedly ‘value‐free’ and intrinsically descriptive, the notion of assessment and the ability to distinguish valid choices from invalid ones are central to translation theory. The fact is that linguists do pass judgments on translation; in one instance, Albrecht does not hesitate to call a translator a ‘Stümper’ (bodger), but apart from helping to pinpoint obvious – or not so obvious – linguistic blunders, it must be said that as such, linguistics does not give the authority to globally assess a translation. First, because such an assessment also rests, not simply on aesthetics (Ladmiral: 2011), but on an often implicit cultural and disciplinary knowledge, and secondly, because this assessment ultimately involves a certain amount of subjectivity. A highly comprehensive method of translation assessment is presented by Hewson (2011) who, while drawing extensively from linguistic theories, and in particular enunciative linguistics, also makes ample use of other philological resources to assess translations. His “Approach to Translation Criticism” aims to assess translations of Flaubert’s Madame Bovary in English and Austen’s Emma into French, and seems to place his endeavour within the realm of literary criticism. Which brings us to the last point we wish to tackle: there is no reason why translation theory should be limited to literary translation; neither the assumption of a hierarchy of genres with literature at its summit (and poetry at its summit’s summit) nor the notion that literature subsumes all other genres, so that whatever applies to literary translation would perforce apply to all other genres. Although there might be a hierarchy of genres and text types in the largest sense as far as their cultural value is concerned, and although a literary text might very well incorporate most, if not all other genres, the differences between difficulties in translating different genres are not simply a matter of degree, but arguably a matter of nature and essentially a matter of function. Terminology is hardly an issue in literary texts but is central to scientific texts, clarity is functionally expected of a scientific text, but equivocation and vagueness might be functionally just as essential in most legal texts. Translation theory needs to reflect on these differences and on the often conflicting perspectives they entail, and if it cannot hope to reconcile them, it must aim at integrating them. The empirical basis of our discussion is a digitized corpus of two of Freud’s essays, Der Dichter und das Phantasieren (1908) and Die Inzestscheu (1912) with several translations of these essays in English and in French. The digital corpus enables a systematic comparison of the texts, and the use of WordSmith, the software for lexical analysis, provides indications of frequency, concordances and key words in context. There are several reasons for choosing 6 these texts. Among them, the fact that translating Freud can be – and has been – considered both a literary and a scientific endeavour, in English as well as in French, on the one hand Strachey’s scientific neologisms inspiring the work of Bourguignon et al. (see Altounian: 2003), starting with the publication of a glossary aimed at achieving maximum coherence in the translation of the Complete Works (PUF), on the other hand more literary approaches, e.g. that of M. Robert in French, or A. Phillips (2007) in English who, having to supervise new translations of Freud’s works, expresses the view that ‘each of the books should be translated by a different person, and that there should be no consensus about technical terms.’ Translating Freud epitomizes the need for an interdisciplinary approach to translation theory. The title of the second essay alone gives an idea of possible philological and terminological debates behind every lexical choice: Inzestscheu, La Peur (Jankelevitch), L’Horreur (Weber), La Crainte (Altounian) de l’inceste, The Horror (Strachey) or The Savage’s Dread (Brill) of Incest. Translating Freud’s style has brought into the social sciences the debate between sourcerers and targeteers (Ladmiral: 1979); it has been claimed that Freud’s language is unique, but also that it is notably colloquial. Within such an interdisciplinary approach, and tackling for instance this question of Freud’s language, we want to show how it is possible to delineate linguistics’ very specific contribution. Natalie Kübler : Langues de spécialité, corpus et traductologie : un manque de lisibilité ? On peut en effet s’interroger sur les relations entre l’étude des langues de spécialité par la linguistique de corpus et la traductologie. Pourtant, depuis bientôt une vingtaine d’années (Aston 1999), la linguistique de corpus s’intéresse à la traduction, et de plus en plus à la traduction spécialisée, de diverses manières. C’est toute une école qui s’est développée pour répondre à cette question, notamment dans les conférences CULT et TaLC. Nous nous intéressons ici à ce que l’on appelle la traduction spécialisée, ou plutôt, la traduction pragmatique, dont l’objectif est d’être le plus claire possible pour le destinataire et de tenir compte de ses attentes. L’apport de la linguistique de corpus en traductologie est double. D’une part, on peut chercher à décrire la langue des textes traduits comme étant un troisième code que l’on peut différencier de la langue originale à l’aide de la méthodologie de la linguistique de corpus (Baker 1999). L’analyse de corpus permet aussi de vérifier les préférences de choix entre deux structures quasiment similaires d’une langue à l’autre et de montrer que l’une ne traduit pas toujours l’autre (Loock 2013). D’autre part, la linguistique de corpus représente une approche permettant d’éveiller la conscience linguistique des traducteurs, d’améliorer leurs stratégies de traduction et représente un outil complémentaire aux dictionnaires ou aux bases de données en ligne. Un traducteur formé à cette approche devrait être capable d’une part de relever immédiatement les difficultés posées par un texte source, mais aussi de trouver les informations indispensables à une bonne traduction pragmatique. Les types de corpus dont le traducteur peut faire usage sont variés. Il peut tout d’abord utiliser les corpus dits de référence, comme le BNC et le Coca pour l’anglais, le Cosmas pour l’allemand ou Frantext et le corpus français de Leipzig pour le français. Cependant, ces gros corpus de référence ne sont pas disponibles dans toutes les langues. Il faut donc compenser leur absence par l’utilisation d’outils d’interrogation du Web comme corpus comme SketchEngine ou WebCorp par exemple. Par ailleurs, les corpus parallèles peuvent constituer une source inépuisable d’informations bilingues ; cependant, outre la question de la fiabilité des traductions, se pose aussi le problème du manque de 7 disponibilité de ces corpus dans les différentes langues et du temps et des techniques nécessaires à leur compilation. On peut les remplacer par ce que l’on appelle des corpus comparables, qui, grâce aux outils de compilation de corpus, se construisent relativement facilement de nos jours. L’apport de l’analyse sur corpus permet à un traducteur de s’approprier le domaine dans lequel il traduit en recherchant des contextes définitoires grâce à des marqueurs linguistique spécifiques. Il peut ensuite bien sûr travailler sur la validation de termes spécifiques dans la langue source et trouver des équivalents dans la langue cible. Enfin, l’analyse sur corpus amène à éviter les erreurs de collocations, permettant ainsi au traducteur de rendre sa traduction la plus idiomatique possible dans la langue cible. L’analyse de corpus peut aider un traducteur à repérer des phénomènes comme la prosodie sémantique, difficile à traduire, mais indispensable à respecter. Par ailleurs, la linguistique de corpus amène à constater des évolutions linguistiques ou des modifications dans le comportement de certains mots (Hunston 2007), que l’intuition seule ne peut pas forcément percevoir. On peut donc dire que non seulement la linguistique s’interroge et tente d’apporter des réponses à ce qu’est la traduction, mais aussi, et surtout, que la linguistique de corpus représente un tournant épistémologique et méthodologique dans la description et la compréhension de ce qu’est la traduction. Reste une place à l’invention et à la créativité du traducteur que l’on a du mal à cerner. Nous chercherons donc à rappeler ce que la linguistique de corpus sait faire pour la traduction spécialisée, mais aussi dans la formation des traducteurs, afin de souligner ses limites, les lieux où d’autres approches, outils, explications sont nécessaires pour comprendre la traduction, et notamment, cet élément un peu insaisissable qu’est l’inventivité du traducteur, au même titre que l’intuition du linguiste, les deux pouvant d’ailleurs mener à de fausses voies. A la lecture des nombreuses publications du domaine, on a en effet un peu l’impression que l’on trouve tout dans les corpus. Nous voulons poser la question, non seulement des limites externes des corpus, qui sont bien connues et inhérentes à la disponibilité des textes, mais aussi à la complexité technique que constitue la compilation de certains corpus, mais aussi des limites internes. En effet, si la traduction peut être considérée en partie comme un acte linguistique, elle n’est pas que cela. L’acte de traduire implique, même dans des textes extrêmement spécialisés, une connaissance générale et culturelle du monde qui ne se trouve peut‐être pas toujours dans les corpus. Il implique aussi une certaine créativité de la part du traducteur, encore une fois, même dans des textes très spécialisés. Nous ne prétendons pas pouvoir répondre à toutes ces questions, mais chercherons ainsi à mieux cerner les limites de la linguistique de corpus en traduction et la place du traducteur, c’est‐à‐dire, du facteur humain, qui transgresserait les tendances observées par la linguistique de corpus, dans l’acte de traduire. Pierre Lejeune : Traduire de l’anglais les épithètes adjectivales et participiales renvoyant à l’évolution d’une variable Les études contrastives au service de la traduction sont aujourd’hui volontiers considérées comme ringardes. Révélatrice à cet égard est la position de Ladmiral à propos de ce qu’il nomme la «traductologie descriptive» (qu’il taxe également de «traductologie d’hier») : «Tout au plus cette approche restrictivement linguistique de la traduction pourra‐t‐elle être mise à profit dans des domaines connexes, comme l’enseignement des langues, voire éventuellement le perfectionnement linguistique des traducteurs.» (2010 : 10) Si l’époque du 8 «tout linguistique» de la traductologie est bel et bien révolue, n’est‐on pas passé d’une dictature à une autre avec le «tout communicatif» (approche fonctionnaliste de Vermeer et de Nord) et le «tout cognitif» (théorie de l’interprétation de Lederer et Seleskovitch) dénoncés par Rastier ? Critiquant ce dernier courant, celui‐ci rappelle que «le sens d’un texte peut certes avoir des corrélats éidétiques (images mentales, ou conceptualisations au sens fort large de mise en sémantique cognitive) mais ces corrélats variables sont des effets et non des causes, et restent déterminés ou du moins contraints par les formes sémantiques et expressives du texte, qui sont des formations linguistiques et non conceptuelles.» (2011 : 33) C’est aux formes linguistiques que nous nous intéresserons dans cette communication, convaincu avec Ballard que l’«observation de traductions réalisées par différents types de traducteurs» permet aux traducteurs en formation, bien au‐delà d’un simple «perfectionnement linguistique», de «construire une compétence réfléchie en matière de traduction», laquelle passe non seulement par la compréhension du texte de départ mais aussi par une «réexpression [qui] peut être laborieuse» (2003 : 8). Nous partirons d’un corpus parallèle de deux textes originaux anglais et de leur traduction française d’une vingtaine de pages chacun, à savoir un extrait du rapport de synthèse du GIEC sur le réchauffement climatique de 2007 (Climate Change 2007. Synthesis Report : Summary for Policy Makers) et un rapport des Nations Unies sur la conjoncture économique mondiale (World Economic Situation and Prospects 2012: Executive Summary). Ces deux textes présentent de nombreuses caractéristiques communes : produits par des experts à destination d’un public assez large, ils décrivent l’évolution passée et prévoient l’évolution future d’un certain nombre de variables (température, précipitations, niveau de la mer, production, inflation, chômage, etc.). Linguistiquement, ces évolutions sont rendues non seulement à travers des prédicats verbaux mais aussi à l’intérieur de syntagmes nominaux, ou les deux éléments, la variable et l’évolution de celle‐ci, se retrouvent dans des configurations variables. Si certaines d’entre elles sont aisément transposables de l’anglais au français, p. ex Ne1 of Nv (acidification of oceans / « acidification des océans »), Ne in Nv (changes in ice cover / « modifications de la couche de glace » ; decline in average per capita income / « baisse du revenu revenu moyen par habitant»), Nv Ne (emission reductions / « réduction des émissions » ; employment recovery / « reprise de l’emploi ») ou Adjv Ne (thermal expansion / « expansion thermique » ; economic slowdown / « ralentissement économique »), il n’en va pas de même pour les configurations du SN anglais de type Participe Présente (1) / Participe passée (2) / Adjectif (forme comparative)e (3) + Nomv), très contraintes en français, qui d’un point de vue aspectuel présentent le processus du changement en mettant en évidence respectivement un procès non borné (1), l’état résultant (2) ou l’état final repéré, à travers la comparaison, par rapport à l’état initial (3). (1) (a) decreasing water availability ; (b) rising incomes ; (c) mounting external liabilities ; (d) rapidly cooling economy. (2) (a) improved water supply ; (b) reduced snow cover ; (c) changed distribution of some desease vectors ; (d) improved control ; (e) heightened risk. (3) (a) more frequent coral bleaching ; (b) earlier timing of spring events ; (c) more severe fiscal austerity. Dans la traduction française, le procès sera le plus souvent envisagé dans sa globalité, notamment – mais pas seulement ‐ au moyen de nominalisations déverbales (« hausse des 1 L’indice v correspond au terme renvoyant à la variable et l’indice e à celui qui décrit l’évolution de celle-ci. 9 revenus » (1b) ; « réduction de la couverture neigeuse » (2b)). Nous passerons en revue quelques solutions possibles de traduction et les conditions contextuelles de leur apparition, ainsi que les maladresses les plus typiques. Clara Mallier : Traductologie, linguistique contrastive et narratologie : le récit à la première personne de l’anglais vers le français Cette communication se propose d’étudier le lien entre traductologie et linguistique contrastive au sujet de la traduction de récits à la première personne de l’anglais vers le français. En effet, les deux langues présentent des systèmes aspectuo‐temporels fondamentalement différents sur ce point. L’anglais ne dispose que d’un temps pour exprimer l’aspect global dans le récit, à savoir le prétérit simple ; le present perfect se situe résolument du côté du discours, avec une valeur très forte de repérage par rapport à la situation d’énonciation. Or, le français comporte deux temps compatibles avec le récit : le passé simple, temps aoristique, et le passé composé, non dans sa valeur de présent accompli (qui rejoint celle du present perfect anglais) mais dans sa valeur de temps du passé ; en effet, contrairement à ce qu’affirme Emile Benveniste dans son célèbre article sur « Les relations de temps dans le verbe français », le passé composé est compatible avec le récit d’événements passés lorsqu’il est employé à la première personne2. Il peut alors exprimer un aspect global dont la particularité (et la différence d’avec le passé simple) est qu’il présente un rattachement partiel à son origine énonciative – d’où sa qualification de temps « semi‐ aoristique » par Henry Wyld3. Dans le récit à la troisième personne au passé, cette distinction ne se pose pas car la traduction du prétérit simple en aspect global se fait automatiquement par le passé simple ; mais dans le récit à la première personne, le traducteur doit interpréter les indices contextuels pour choisir entre passé simple et passé composé. Ce choix a des implications narratologiques non négligeables : le passé simple reflète en effet le point de vue du personnage au moment de l’histoire (ce que Gérard Genette appelle le « je‐narré »), alors que le passé composé donne à entendre la superposition des points de vue de ce je‐ narré et du narrateur rétrospectif, le « je‐narrant »4. Le traducteur doit donc prêter une grande attention aux indices présents dans le texte pour trancher entre ces deux perspectives, car le choix qu’il doit opérer entre les deux temps français crée une distinction de point de vue qui n’existe pas en anglais, le prétérit pouvant exprimer de façon homogène et sans césure les points de vue du je‐narré et du je‐narrant. Ce phénomène est à l’image du dilemme que pose parfois au traducteur la restitution du pronom you à la deuxième personne du singulier, le choix entre le tutoiement et le vouvoiement ayant des conséquences très importantes sur la perception par le lecteur des relations entre les personnages, du contexte historique et social dans lequel ceux‐ci évoluent, etc., alors que la langue anglaise n’exprime rien de particulier à cet égard par le choix du pronom. 2 Voir sur ce point Laurent Danon-Boileau, Produire le fictif, Paris, Klincksieck, 1982 (chapitre V, « Discours et histoire : un narrateur disparaît », 85-94). 3 Henry Wyld, « Passé simple, passé composé à valeur dite temporelle, prétérit simple : variations interlinguistiques sur l’aoristique au passé », in Linguistique contrastive et traduction, tome 6, éd. par J. Guillemin-Flescher, Paris, Ophrys, 2002, 5-76. 4 Les narratologues anglo-saxons, à la suite de Bertil Romberg, ont adopté la distinction entre « narrating I » et « experiencing I ». 10 Cette question de traductologie se situe donc au carrefour de la linguistique contrastive et de la critique littéraire et elle mérite d’être approchée avec les outils adéquats car une traduction impressionniste du prétérit anglais, comme il n’est pas rare d’en rencontrer, peut brouiller les enjeux énonciatifs et narratologiques du texte d’origine. Marlene Mussner : Le rôle de la linguistique et de la traductologie dans la comparaison de traductions à l’exemple des traductions françaises et anglaises du Reigen d’Arthur Schnitzler La comparaison de traductions peut être réalisée d’un point de vue linguistique ou bien sous l’angle de la traductologie ; dans le meilleur des cas, les deux perspectives se complètent. Pour confronter les deux approches, il est particulièrement intéressant d’étudier les traductions d’une œuvre littéraire réalisées à une certaine distance temporelle l’une de l’autre. Du point de vue linguistique, on peut alors étudier les phénomènes liés au changement linguistique, comme par exemple, au niveau lexical, l’émergence de mots et sens nouveaux et qui n’existaient pas encore au moment de la traduction précédente ; d’autres champs d’analyse sont le style, la syntaxe, etc. Du point de vue de la traductologie, par contre, le processus de traduction et la personnalité de la traductrice/du traducteur sont au centre de l’intérêt, notamment le contexte de rédaction de la traduction et les choix de la traductrice/du traducteur ; les spécificités culturelles de la langue de départ, le décalage entre l’époque de la création de l’œuvre et le moment de sa traduction et, en particulier, la question de savoir s’il faut rapprocher le texte de départ aux lecteurs de la langue cible sur l’axe diachronique, sont d’autres objets de recherche de la traductologie. Dans la présente contribution, nous abordons ces aspects et questions sur la base des traductions françaises et anglaises de la pièce Reigen (Ronde) de l’écrivain autrichien Arthur Schnitzler (1862 ‐ 1931). Depuis sa parution en 1900, cette pièce a été traduite plusieurs fois vers les deux langues, la première et la dernière traduction française datant respectivement de 1912 et de 2010, la première et la dernière traduction anglaise datant respectivement de 1917 et de 2010. Nous nous proposons ici d’analyser trois traductions par langue depuis ces deux angles pour étudier les atouts et les limites respectives ainsi que les convergences et divergences en matière de comparaison de traductions. À un niveau plus général, l’objectif de notre travail consiste à comprendre comment linguistique d’une part et traductologie d’autre part peuvent se compléter et s’enrichir réciproquement pour permettre une meilleure compréhension des processus de traduction et les aspects de linguistique concernés. Susanne Pauer : Iconic Language in poetry: Arbitrariness, motivation and iconicity as important concepts in translation This presentation aims at discussing the linguistic concepts of arbitrariness, motivation and iconicity and their importance in the translation of poetic texts, with a special focus on sound symbolism and onomatopoetic words. 11 The concept of the arbitrariness of the linguistic sign can be traced back to ancient Greece. But only since it was introduced to linguists worldwide through Ferdinand de Saussure‘s famous Cours de linguistique générale (1916/1967), the idea that there is no relationship whatsoever between the form and the meaning of a word has evolved into one of the basic principles of linguistics. It was so successful that it almost seems as if elements of language that did not comply with the rule of arbitrariness were automatically labelled as marginal occurrences not worth examining. But not everybody agreed with this strict interpretation of arbitrariness. Hans Helmut Christmann, in his article ”Arbiträr oder nicht‐arbiträr“, states for example that there is a common agreement on the fact that non‐arbitrariness is an important (if not the most important) feature of literary texts (Christmann 1984: 21). He then outlines various positions that claim that also in non‐literary language motivation is much more common than we might have believed. In his opinion, there is a growing acceptance for a middle ground, namely that language can be both arbitrary and motivated. Interest in iconism and motivated language has for a long time been overshadowed by the widely accepted hegemony of arbitrariness. In this context it is not surprising that also the topic of onomatopoeia and sound symbolism has been disregarded by academic circles, linguists and translation scientists alike. This presentation aims to follow the thoughts of those who have found the concept of complete arbitrariness too narrow and who have argued that, especially when it comes to the production of literary texts, language is often anything but arbitrary. On the contrary, it uses iconicity to convey sound, rhythm, form or even the psychological attributes of the main characters to the reader. One of the most recent studies on this topic was carried out by Hilke Elsen (2008), who asked how far arbitrariness applies to the creation of names in Science Fiction and Fantasy novels, a context that offers a high level of creativity and freedom of choice. Her findings suggest that sound symbolism plays a strong part and that there seems to be an instinctive knowledge about the use and meaning of sounds in those names. Sound symbolism and onomatopoeia will also be the focus of this presentation. By using examples from well‐known poets from the German, English and French‐speaking worlds (Bürger, Mörike, Hopkins, Heaney, Rimbaud and Baudelaire), it aims to show how those poets carefully selected words for their sound quality to create acoustic effects that underlined the story they wanted to tell. In a second step, two German‐language poems, Lenore (Bürger: 1773) and Der Feuerreiter (Mörike: 1924), will be compared with selected translations in French and English, with a focus on the questions of whether the translators were aware of the iconicity of the text and to what extent they managed to transport the acoustic qualities of the texts into the target language. In the case of Bürger’s Lenore, we are in the lucky situation of it being extremely popular in France and the UK, which provides us with a huge treasure trove of translations to compare and enables us to observe a certain development in the way translators dealt with its onomatopoetic elements. The presentation will hopefully be able to illustrate that the use of iconic language is not a marginal occurrence, but that it has been productively used by poets over the centuries to give their words a depth that surpasses that of their meaning as a semantic sign. This makes the topic relevant for translators, because they need to recognise iconicity in a text if they want to transfer it to the target language. An attempt will be made to categorize the different ways in which sound symbolism can be used in poetry and the different strategies the translators have used to create the same effect in the target text. This might help to alert 12 translators to the use of iconic language and maybe even give them some tools that might help them to transfer iconic language into a target language. Beatriz Sanchez Cardenas : La querelle entre linguistique et traduction a‐t‐elle toujours raison d’être ? Il fut un temps où la question de savoir si la traductologie était une branche de la linguistique enflammait les débats académiques. L’origine de la controverse se situe aux années 50, lorsque « la traduction a pris le chemin de l’école » (Portelance 1991). L’école de Vienne (Wüster 1979) tente alors de séparer la terminologie –longtemps discipline phare de la traductologie– de la linguistique pour la doter d’une autonomie nécessaire pour naître. Cela expliquerait en partie la quête d’autonomie des études de traduction par rapport à la linguistique. D’où une conception étanche entre terme et mot, la volonté de situer chaque concept dans un seul et unique domaine, la conception du concept comme antérieure à la dénomination et l’univocité des termes. Notre but n’est pas de revenir sur les faiblesses de ces postulats, bien connues (Cabré 2000). En revanche, nous nous intéressons à cette volonté « séparatiste » des premiers traductologues. Il nous semble que cette position a mené à certaines impasses en traduction. En raison de cela, la séparation étanche entre la traduction et linguistique est à reconsidérer. Cette recherche a un double volet. Premièrement, nous essayons de savoir d’où vient l’incompréhension entre linguistique et traduction, deux disciplines qui se sont souvent tourné le dos. Ensuite, nous exposons les raisons qui nous mènent à soutenir que la linguistique est une discipline à même d’apporter des solutions efficaces à la compréhension, la pédagogie et la pratique des processus de traduction (Faber 2012). Certains chercheurs soutiennent l’idée d’une traductologie multidisciplinaire avec une dimension sémiotique, linguistique et cognitive (Cabré 2000). Suite à ce constat, la question se pose de savoir comment ces trois dimensions peuvent être intégrées, de façon convergente, afin de créer des outils performants et réellement efficaces pour le traducteur. La réponse est loin d’être évidente. S’il semble y avoir un consensus quant à la nécessité d’intégrer les sciences du langage et les processus cognitifs5 de la production pour concevoir des outils d’aide à la traduction efficaces, force est de constater que les aboutissements dans ce domaine ont jusqu’à présent été moindres. Les théories linguistiques ne font pas défaut6 mais deux questions surgissent : La linguistique, est‐elle réellement armée pour répondre aux questionnements de la recherche en traduction ? Et, si la réponse est affirmative, quels sont les modèles linguistiques les plus adaptés pour cela ? Un premier constat d’emblée : il est difficile de soutenir que la traduction ne soit pas un phénomène d’ordre linguistique. Une traduction reste, avant tout, un message communicatif. En d’autres termes, un texte composé de mots qui forment des énoncés. Si nous acceptons que les mots ont un nucleus stable de sens (Kleiber 1990), il faudra s’accorder à dire que le message communicatif a une matérialité linguistique qui, indépendamment de toute autre considération interprétative, subjective, contextuelle et situationnelle, influence le passage entre le texte‐source et le texte‐cible. 5 Les recherches neuroscientifiques prouvent que notre compréhension du monde s’effectue en termes de « cadres sémantiques » (Gallese et Lakoff 2005). 6 Citons, à titre d'exemple, le « Two-Cycle Model of Grammar » (Thelen 2002). 13 Néanmoins, certains continuent de considérer la linguistique comme une science incapable d’apporter des réponses concrètes aux problèmes de la traduction, tels que la définition des paramètres extralinguistiques qui permettent le passage d’un texte à un autre ou la création d’outils qui améliorent la qualité et rentabilité des processus de traduction. La théorie interprétative sur la traduction (Seleskovitch & Lederer 1993) en constitue un bon exemple. Ces chercheurs s’inscrivent dans un « interprétativisme radical » selon lequel la composante linguistique ne joue aucun rôle dans le processus de traduction7. Reste à savoir comment est‐ il possible de séparer le contenu d’un message communicatif de sa matérialité linguistique. Les auteurs ne l’expliquent pas. Et pour cause. Nous soutenons que les messages communicatifs ont une composante linguistique dont ils ne peuvent pas s’en détacher8. Par ailleurs, la recherche en sciences neurocognitives montre que l’interaction de l’être humain avec la réalité ne peut pas être séparée de la façon dont il conçoit linguistiquement le monde (Faber 2011). Ces résultats ouvrent d’innovantes et fructueuses voies de recherche en terminologie, ce qui prouve que Snell‐Hornby (2002) n’avait pas entièrement raison lorsqu’elle comparait le phénomène de retour à la linguistique dans les études de traduction à une « réinvention de la roue ». C’est ce que cette étude s’attèle à démontrer à l’aide d’exemples concrets où la linguistique est la clé de voûte pour démêler des problèmes de traduction. María Laura Spoturno : The Voice and Image of the Translator. An Interdisciplinary Study In the past thirty years, the singularity of minority literary discourse has aroused the interest of scholars and researchers in the fields of Sociolinguistics, Cultural Studies and Translation Studies (Lipski, 1982; Bruce‐Novoa, [1980] 1999; Arteaga, 1997; Tymoczko, 1999). While these scholars have focused on key aspects of minority literary discourse such as language contact phenomena, interlingualism, hybridity, heteroglossia, the parallelism between minority writing and literary translation, their studies do not generally explore the actual linguistic materialization and discursive mechanisms related to these aspects. With this respect, a central question concerning the nature and constitution of the enunciative subject in minority literary discourse, both in the source and target texts, still remains to be addressed. Accordingly, this paper aims at exploring the configuration of the discursive image or ethos attached to the discursive subject (Ducrot, 1984; Amossy, 1999) in a corpus of Chicano literary texts and their correspondent translations into Spanish. Following on Ducrot’s formulation, the notion of ethos can be preliminarily defined as the discursive image which is associated to the discursive subject or Locuteur who assumes the responsibility for the enunciation of the utterance. This image results from the Locuteur’s discursive activity and involvement. Our concern is to elucidate the configuration of the ethos which is linked to the Model Author (Eco ([1979] 1999); i.e., the textual and discursive entity responsible for the global enunciation of the literary text, in order to see how this configuration operates in the case of translated literary discourse. In other words, the focus of attention will be the 7 Il faut dire que la linguistique connaît un tel éclatement de modèles théoriques qu’il est facile de comprendre pourquoi la traduction peut rencontrer des difficultés à trouver sa place au sein d’une telle profusion de théories et de concepts (Faber 2012) Sans doute cela rend-il difficile, mais pas impossible, la systématisation linguistique de la traduction 8 Cela acquiert une importance croissante dans la traduction de textes littéraires (Moya 2004 : 80) 14 study of the modeling of ethos affecting the Translator, understood here not as an empirical subject but as a discursive one. This question becomes of particular relevance in the case of minority literary texts as these often read as a translation. Thus, when translating a Chicano text into Spanish the translator is faced with the need to elaborate strategies which may convey the hybrid nature of the source text into the target text, a condition which may imply the duplication of certain translation strategies already present in the original. This paper has two main goals. On the analytical level, we wish to examine the nature and constitution of the ethos attached to the Model Author in a set of literary texts by the Chicano writer Sandra Cisneros, and to assess how the ethos is reconfigured in the Spanish translation of those texts. On a theoretical and methodological level, this paper intends to articulate the notion of Model Author and the concepts of discursive ethos and previous ethos (Amossy, 1999) in an attempt to further explore an already posed question in the field of Translation Studies: “Exactly whose voice comes to us when we read translated discourse?” (Hermans, 2010: 197). Martin Stegu : Traductologie et linguistique : le rôle des discours (inter‐) disciplinaires Dans une conception naïve on pourrait croire que l’existence de disciplines scientifiques dépend exclusivement de critères "objectifs", liés à l’existence d’objets d’étude bien délimités : la botanique étudie les plantes, la médecine les maladies, la linguistique les langues etc. En réalité, nos disciplines sont le résultat d’une série de facteurs historiques et sociaux très complexes et, avant tout, de constructions discursives. En ce sens, les communautés disciplinaires pourraient être qualifiées de imagined communities, terme créé par Anderson en 1983 pour les communautés nationales (voir aussi Wodak, 1999). Cette présentation a ainsi pour but de souligner le parallélisme qui existe entre les identités « disciplinaires » et les identités « nationales » et « culturelles ». On a souvent tendance, dans les études interculturelles, à partir d’images de cultures figées et stables – comme s’il existait des entités « essentielles » telles « la culture / la nation française », « la culture / la nation allemande » etc. Un phénomène semblable se produit dans les discussions interdisciplinaires : mais peut‐on vraiment opposer et comparer « la linguistique » et « la traductologie » ? Ne faut‐il pas plutôt analyser d’abord les images que les deux communautés se font d’elle‐même et de l’« autre » discipline, dans leurs discours disciplinaires autoréflexifs ? L’émancipation et l’autonomisation d’anciennes sous‐disciplines ne devraient pas être mises en cause (comme nous ne le ferions pas non plus en cas de genèse de nouvelles nations ‐ voir la création d’une « nation autrichienne » autonome après la Deuxième Guerre mondiale). Il faudrait plutôt reconnaître l’aspect volontariste de ces processus d’émancipation et éviter des arguments pseudo‐objectifs et essentialistes. À partir d’exemples concrets (passages de textes tirés de manuels de traductologie etc.), nous chercherons à montrer que ce n’est pas toujours le cas. En guise de conclusion, nous plaiderons pour une approche « transdisciplinaire » qui – contrairement à un discours interdisciplinaire sensu stricto – est toujours prêt à tenir compte des fondements discursifs, constructifs et aussi contingents de tout discours disciplinaire. 15 Jean Szlamowicz : Langue, texte, culture : quelques enjeux disciplinaires de l’objet traductif Pour aborder les relations de la linguistique et de la traductologie, il faut déjà se livrer à une analyse critique des champs ainsi posés, ce qui relève de l’analyse du discours. En particulier, les revendications de scientificité dans le champ institutionnel sont à prendre en compte pour aborder ensuite leurs relations sur le plan strictement gnoséologique. On verra s’opposer des pôles qui ne sont pas dénués de positionnements idéologiques et concurrentiels (littérature VS linguistique, science « dure » VS science « molle », théorie VS pratique, positivisme VS revendication philosophique, etc.). Le second temps de ma réflexion est proprement épistémologique et examine les liens qui interrogent la spécificité de chaque discipline — leurs relations seraient‐elles purement ancillaires et utilitaires, la linguistique « prêtant » ses outils descriptifs à la traductologie ? Cela me conduit à décrire une forme d’asymétrie disciplinaire, la linguistique s’intéressant « au langage à travers la diversité des langues » (Culioli) tandis que la traductologie s’intéresse à un acte de langage particulier. La question des méthodes (programmes, hypothèses, falsifiabilité des propositions, etc.) n’est pas moins en jeu que celle de l’objet pour définir le statut éventuellement scientifique de la linguistique et de la traductologie. Partant des projets gnoséologiques de chaque champ, je m’intéresse dans un troisième temps à la textualité traductive comme lieu d’une interprétation / écriture qui intéresse l’énonciation dont chaque texte témoigne (je fournirai des exemples littéraires : John Updike, Millard Kaufman, Howard Jakobson, Graham Swift). Les questions de sémantique ou de syntaxe trouvent leur (ir)résolution dans des textes spécifiques qui posent les conditions (historiques, intellectuelles et pratiques) de leur interprétation et de leur réécriture dans une autre langue. L’analyse du sens ne peut que reposer sur la prise en compte de toutes ses composantes, qu’elles soient grammaticales ou culturelles. La double‐face du langage (langue /discours) est mise en jeu par la traduction qui traite les faits de langue et les faits textuels en amont par l’herméneutique et en aval dans l’écriture. C’est donc dans le texte même — de départ et d’arrivée — que se joue la question de la langue mais en tant qu’elle ouvre sur autre chose que la stricte grammaire. L’objectif serait alors de comprendre la relation entre des formes linguistiques et d’autres dimensions du texte que la traduction rend sensibles par la nécessité d’y trouver des solutions pratiques dans l’écriture. Le modèle culiolien du domaine notionnel fournit un certain nombre de pistes pour une prise en compte de ces dimensions. Entre un abord philosophique macro‐textuel et une description d’unités micro‐textuelles, on peut donc évoquer la possibilité d’une approche globale, à la fois attentive à la finesse grammaticale, à la subtilité stylistique et aux contraintes culturelles qui pèsent sur le transfert linguistique que constitue la traduction. J’aboutis ainsi à la question de la culture et des normes (stylistiques, sociolinguistiques, etc.) comme point d’interrogation spécifique de la traductologie. J’étudie notamment la question de l’oralité, du genre et du sociolecte dans le domaine afro‐américain (Herbert Simmons, James Baldwin). La traductologie aurait alors pour objet le point de jonction entre l’expression linguistique et la question de sa reformulation selon les normes d’une culture autre, ce qui en ferait une discipline comparatiste, participant à la fois de la linguistique et des cultural studies, de la littérature et de la stylistique. Ce que l’on peut décrire comme « l’écriture transculturelle » serait alors le véritable domaine de la traductologie. 16 Giovanna Titus‐Brianti : La linguistique contrastive à l’épreuve de la traduction: réflexions autour de l’évolution de la périphrase progressive de l’italien au contact de l’anglais Dans cette communication je me propose d’explorer le potentiel offert par le dialogue toujours plus riche entre linguistique contrastive et traductologie dans le domaine du contact linguistique en général et de l’interférence syntaxique en particulier. Dans une approche traductologique de type descriptif, je m’appuierai sur la « loi de l’interférence » (Toury 1995) pour mesurer l’impact de l’anglais traduit sur l’évolution de la langue italienne contemporaine. J’élaborerai en particulier une analyse basée sur des données quantitatives et qualitatives permettant de comparer l’usage de la périphrase progressive dans des textes traduits de l’anglais et des textes originaux en langue italienne. Comme le démontrent nombre d’études (Bertinetto 1992 ; Squartini 1998 ; Brianti 2000), en italien la périphrase formée avec stare + gérondif connaît non seulement une forte progression en termes de fréquence dès le début du XXe siècle, mais également une spécialisation sémantique que l’on peut expliquer en termes de grammaticalisation. En effet, la périphrase progressive actuelle est limitée à l’aire de l’imperfectivité sur le plan aspectuel, mais a vu s’élargir la classe des catégories d’Aktionsart qui lui sont associées (Alle due, Mario stava/*stette leggendo un libro ; Che cosa sta succedendo ?). En italien, le choix de la périphrase progressive est facultatif, alors qu’en anglais la lecture focalisée du procès rend la forme progressive obligatoire (At two o’clock, John was reading a book/*read a book ; Alle due, John stava leggendo/leggeva un libro). Même si la syntaxe est beaucoup plus imperméable au calque que le lexique (Benincà 1993), il est possible envisager deux hypothèses permettant de justifier l’évolution de la périphrase progressive italienne : ‐Une première hypothèse, soutenue par des chercheurs comme Durante (1981) et Degano (2005), attribue ce phénomène au contact de l’anglais, et notamment des traductions de romans qui n’ont cessé d’affluer dans la Péninsule depuis l’après‐guerre ; ‐Une seconde hypothèse, étayée par l’exploration d’un vaste corpus diachronique (Brianti 2000), permet de justifier l’évolution de la périphrase progressive par l’observation de changements internes au système aspectuel de l’italien, qui précèdent l’intensification du contact avec l’anglais. La constitution de deux corpus – un corpus parallèle et un corpus en langue italienne – me permettra de vérifier la validité de ces hypothèses à partir d’un texte traduit de l’anglais et d’un texte original italien. Bien que la périphrase progressive soit plus fréquente dans la langue ‘néo‐standard’ (Berruto 2012 [1987]) de type journalistique ou informel, j’ai choisi intentionnellement des textes en langue écrite standard, appartenant au genre de l’essai afin de vérifier l’ancrage de cette périphrase dans la langue écrite formelle, qui est moins ouverte au changement linguistique. J’ai choisi deux essais portant sur des sujets de linguistique et disponibles sous forme de livres numériques afin de faciliter la compilation du corpus : Steven Pinker, The Language Instinct et sa traduction en italien, ainsi que Pietro Trifone, Storia linguistica dell’Italia disunita. Du point de vue méthodologique, il est important de comparer les données tirées d’un corpus parallèle avec un corpus composé de textes en langue originale afin d’éviter le biais du calque syntaxique, qui est inévitable en traduction. En conclusion, je justifierai la fréquence plus élevée de la périphrase progressive dans les textes traduits de l’anglais par le biais du contact linguistique. Ce dernier est susceptible de contribuer à l’évolution d’une langue sous certaines conditions. Comme l’illustre Cardinaletti (2005), ces phénomènes d’interférence syntaxique opèrent sur des structures syntaxiques restreintes et déjà en cours de transformation, ils sont facultatifs et ne produisent pas de 17 phrases agrammaticales. Au vu de ces considérations, il serait peu judicieux d’attribuer à la traduction l’entière responsabilité du changement linguistique. Dans ce domaine, le dialogue entre linguistique contrastive et traductologie se révèle essentiel pour mieux appréhender les caractéristiques du texte traduit. Jean‐Louis Vaxelaire : Linguistique et traductologie : une union au cœur des langues Le principe énoncé dans l’appel à communications selon lequel « linguistique et traductologie sont des disciplines séparées et autonomes » m’a toujours semblé contestable, sans doute parce que, personnellement, c’est la pratique de la traduction qui m’a conduit vers la linguistique. Les traducteurs sont certes en droit d’adresser de nombreux reproches aux linguistes (j’aborderai plusieurs cas où l’analyse linguistique s’arrête à la phrase, voire au mot), quelques critiques me semblent néanmoins fallacieuses car réduire une discipline au livre de Catford publié il y a presque 50 ans n’est pas raisonnable. De même, lorsque Ton explique que l’objet d’étude de la traductologie « n'est pas uniquement et véritablement “la langue en elle‐même et pour elle‐même”, selon la fameuse définition donnée par Saussure » (1988 : 99), il donne pour acquis, à partir d’une phrase apocryphe, qu’il n’y aurait pas de linguistique de la parole, un domaine pourtant exploré quelques décennies auparavant par Bally ou Benveniste. Le cas particulier de la traduction des noms propres est une bonne illustration des faiblesses des interactions entre traductologie et théories linguistiques. Au moins trois livres (Podeur pour le couple français‐italien, Ballard en français‐anglais et Grass en français‐allemand) et des numéros spéciaux de revues ont été consacrés à ce sujet lors des quinze dernières années. Puisque nous sommes dans un cadre français‐anglais, je m’intéresserai ici au livre de Ballard, Le nom propre en traduction. Cet ouvrage est intéressant car il va au‐delà de la prétendue intraduisibilité des noms propres, cependant, du point de vue théorique, il ne va guère plus loin que les lieux communs des linguistes, comme l’idée que le nom propre serait un désignateur rigide. Je n’aurai pas le temps de développer en détail ce concept, mais il repose dans sa version linguistique sur l’idée de fixité. Le nom propre y est surtout vu comme un élément immuable, sans signification, hors langue et presque toujours considéré isolément, c’est‐à‐dire le contraire de ce que démontrent divers exemples de Ballard. Puisque dans ces théories linguistiques des notions telles que le texte et le genre sont ignorées, on remarque que le terme genre n’apparaît finalement pas dans ce livre. Pour ne prendre qu’un exemple simple, la traduction officielle de Mancunian est Manchestérien. D’après Google, il existe 5280 occurrences du nom et de l’adjectif contre 174 000 pour Mancunien. Même si cette seconde version est due à une erreur, elle est aujourd’hui devenue la norme dans les domaines du rock et du sport. On peut donc estimer que choisir Manchestérien dans un compte rendu sportif serait problématique car la majorité des lecteurs/auditeurs y verraient une erreur. A l’inverse, il est souhaitable d’employer ce nom dans des genres tels que les écrits universitaires ou les romans du XIXe siècle. J’ajouterai aussi que les rapports ne sont pas équilibrés : si Ballard reprend sans les discuter les thèses des linguistes, ces derniers tendent à oublier les travaux des traductologues qui ne sont quasiment jamais cités dans le cadre des recherches onomastiques. Les relations avec des théories à visée textuelle sont évidemment plus fructueuses. Par exemple, la sémantique interprétative de Rastier propose un modèle théorique qui, par sa dimension herméneutique et sa volonté de travailler sur des textes, partage des intérêts 18 communs avec les traducteurs. Dans cette théorie, le texte est l’unité (un même lexème peut changer de valeur selon sa position dans le document), mais ce texte relève également d’un discours et d’un genre et est donc soumis à des normes particulières, différentes dans chaque culture. Sur le plan lexical, elle offre également par le biais de l’analyse sémique une méthode précise du fonctionnement lexicologique que j’illustrerai avec quelques exemples de choix de traductions qui peuvent a priori sembler étranges (lorsque Guy Fawkes devient Ravaillac dans la version française de la Brève histoire de la linguistique de R.H. Robins). Enfin, l’idée a déjà été avancée par Meschonnic, mais il me semble important de montrer, à l’instar des exemples de Ballard qui remettent en cause les idées reçues sur les noms propres, que c’est surtout la linguistique qui a tout à gagner à s’intéresser à la traduction car cette dernière offre des corpus essentiels et, surtout, parce qu’elle travaille au cœur des langues et ne peut qu’ouvrir les yeux face aux vraies difficultés qui se posent. Åke Viberg : Using multilingual parallel (translation) corpora in contrastive studies This presentation will give examples of contrastive studies based on two corpora. The first one is The English Swedish Parallel Corpus (compiled by Aijmer & Altenberg) consisting of original texts in English and Swedish together with their translations into the other language, and the second one is The Multilingual Parallel Corpus being compiled by the author consisting of Swedish original texts and their translations into English, German, French and Finnish. A major theme in these studies is the patterns of polysemy of the most frequent verbs and their translational correspondents but other phenomena have been studied as well, for example impersonal constructions. 19