Un piège subtil Dieu ou César... le piège ! À première vue la

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Un piège subtil Dieu ou César... le piège ! À première vue la
Un piège subtil
Dieu ou César... le piège !
À première vue la réponse de Jésus aux pharisiens ressemble à une
pirouette verbale destinée à désamorcer le piège qui lui est tendu.
Piège évident : si Jésus répond que Dieu permet de payer l'impôt, il va
se mettre à dos tous les résistants à l'occupation romaine, actifs ou
non. Il passera pour une sorte de «collaborateur». S'il répond au
contraire qu'on ne doit pas payer l'impôt, ses adversaires vont aussitôt
le dénoncer à Pilate. En réalité Jésus va profiter du piège tendu pour
révéler une vérité fondamentale. C'est au nom de la foi et du « vrai
chemin de Dieu » que les pharisiens lui demandent de se prononcer.
Autrement dit payer l'impôt à l'empereur ou le refuser serait un
problème à résoudre à partir du culte rendu à Dieu. Une question de
foi. Le piège est subtil car en un certain sens tout ce que nous avons à
faire et à vivre doit être réalisé dans la foi ; tout concerne Dieu. En
effet tout ce qui est vraiment humain est en même temps divin
puisqu’être homme consiste à être image et ressemblance de Dieu.
Rien n'échappe à l'être qui fonde tout ce qui existe. Payer l'impôt ou
non a donc quelque chose à voir avec Dieu. Mais alors que signifie la
réponse de Jésus, qui a l'air de distinguer un domaine divin et un
domaine simplement humain ? Voilà qui rappelle une autre réponse,
celle qu'il fait en Luc 12,13 à celui qui lui demande d'intervenir pour
amener son frère à partager leur héritage : «Qui m'a établi pour être
votre juge et régler vos partages?»
Le permis et le défendu
Alors, que veut dire Jésus ? La juste réponse à cette question est
d'importance car c'est elle qui commande notre attitude vis-à-vis de la
société «laïque», au bon sens du mot, et aussi la valeur que nous
pouvons reconnaître aux choix que font tant d'hommes et de femmes
sans référence religieuse. Disons que c'est librement que l'homme doit
accepter de se construire à l'image de Dieu. L'Écriture ne nous fournit
pas une liste du «permis» mais seulement une liste du «défendu» : les
10 paroles (Décalogue) qui, après nous avoir dit que notre vérité
consiste à aimer, énumèrent les limites au-delà desquelles il n'y a pas
d'amour possible. On a répété que ces interdits se récapitulent dans le
«Tu ne tueras pas», qui occupe le centre de la liste. Bien entendu tuer
l'autre commence quand on le méprise, quand il ne compte pas pour
nous, quand on le réduit au silence ou à l'état d'objet utilisable pour la
«production»… Cela dit, Dieu ne nous prescrit pas comment aimer.
C'est à nous de l'inventer, de le choisir: «Voici, je te propose
aujourd'hui la vie avec le bon, la mort avec le mauvais… Choisis la
vie, afin de vivre» (Deutéronome 30, 15 et 19). Mais où est le bon, où
est le mauvais ? C'est à nous d'en décider, n'avons-nous pas voulu
manger le fruit de l'arbre du bon et du mauvais ? Dieu ne prescrit pas ;
il ne nous parle pas en termes de permis et de défendu. Il faudra bien
qu'un jour l'Église imite cette manière divine de se comporter.
Dieu et César
En demandant aux pharisiens d'identifier l'effigie de César sur la pièce
de monnaie qu'ils utilisent tous les jours, Jésus veut leur faire prendre
conscience de la logique de leur vie : s'ils ne veulent pas payer l'impôt
qu'ils refusent aussi de faire leurs achats avec ces pièces ; de même
qu'ils renoncent à se faire payer avec cette monnaie étrangère. Ainsi
nous sommes invités à prendre nos décisions non en vertu d'une
supposée volonté de Dieu mais selon la logique, à notre portée, de ce
que nous avons à vivre. À condition bien sûr que ces décisions
illustrent notre choix fondamental de l'amour comme ligne de
conduite. Cela doit évidemment dominer notre discernement des
conduites à tenir. Cela dit nous pouvons prendre conscience du fait
que «rendre à César ce qui est à César» est le meilleur moyen de
«rendre à Dieu ce qui est à Dieu». Dieu en effet nous rejoint par les
autres et c'est aussi par les autres que nous le rejoignons. Allons
jusqu'au bout : plus ces autres nous sont étranges et étrangers, plus ils
nous apportent la présence de celui qui est le «Tout Autre».
Remarquons cependant que les pharisiens ne demandent pas s'il est
permis ou interdit de payer un impôt injuste mais l'impôt tout court.
Ce qui est en cause ici ce n'est pas le juste ou l'injuste mais l'image
que l'on se fait de Dieu : à la place d'un Dieu qui prévoit et prescrit
toutes nos conduites, nous sommes invités à découvrir un Dieu qui
nous appelle à la liberté.