Soirée Beethoven Projekt

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Soirée Beethoven Projekt
Soirée Beethoven Projekt
18h En quatre mouvements
Sonate pour piano n°15, en ré majeur, op. 28,
dite “Pastorale” par Saeko Miyasho
Sonate pour piano n°28, en la majeur, op. 101 par Mao Hayakawa
G. Aperghis, Corps-à-corps, pour voix & zarb
par Krystina Marcoux
Sonate pour piano n°4, en mi bémol majeur, op. 7
par Florent Hu
voir notice
20h L’opus 10
Sonate pour piano n°5 en ut mineur, op.10/1 par Junichi Ito
Sonate pour piano n°6 en fa majeur, op. 10/2 par Stéphane Gé
Sonate pour piano n°7 en ré majeur, op.10/3 par Clémence Diaz
F. Ries : Sonate pour flûte et piano (2ème et 3ème mouvements)
par Julien Beaudiment, flûte et Hervé Nkaoua, piano
Sonate pour piano n°11, en si bémol majeur, op. 22 par Hugo Tessier
voir notice
Avec ses sonates en quatre mouvements, c’est bien vers la symphonie que se tourne
intérieurement Beethoven, et ce dès la Sonate op. 7. Avec leurs larges proportions, les trois
sonates jouées lors de ce concert assurent, avec cohésion et force, une volonté créatrice, en
recherche d’une innovation formelle et d’une puissante expression qui atteint souvent la
violence. Les améliorations techniques des instruments encouragent les idées et propulsent les
élans d’écriture vers de nouveaux fronts. Entrant littéralement en lutte avec son instrument,
l’instrumentiste sollicite, aux extrémités du clavier, les notes que les facteurs ont nouvellement
conquises.
Sonate pour piano n° 15, en ré majeur, op. 28 dite “Pastorale”
1/4
Composée en 1801 et alors que Beethoven ressent les effets croissants de la surdité, elle est
publiée avec l’indication « Grande Sonata », qui doit être comprise au pied de la lettre. Si ses
quatre mouvements ne comportent pas d’indication psychologique, cette sonate exploite toutes
les possibilités mélodiques, percussives et orchestrales du piano. Surnommée « Sonata
pastorale » en 1805 par un éditeur anglais, elle contient, dès le début de son premier
mouvement, les éléments caractéristiques de la tradition pastorale, telle la basse en bourdon –
évoquant la cornemuse – qui figure aussi dans le Finale. Dans le Scherzo, se remarque la
présence de l’humour typiquement beethovénien, qui fascinait, voire exaspérait ses
contemporains.
Sonate pour piano n° 28, en la majeur, op. 101
Beethoven consacra plus de dix-huit mois de travail à cette sonate, écrite entre 1815 et 1817, et
dédiée à Dorothea Graumann, une pianiste très compétente qui, élève de Beethoven, en
comprenait la spiritualité et le goût pour l’innovation. Par cette œuvre, le compositeur marque
son intention claire : créer un nouveau genre musical, qui explorerait les potentialités sonores
nées des progrès de la facture instrumentale et qu’il associerait à sa propre imagination. Ici,
l’aspect expérimental prédomine. Pour Beethoven, rechercher l’originalité s’inscrit dans
l’héritage de Bach au travers de deux ambitions : l’écriture contrapuntique et la rigueur
d’élaboration des idées. À dessein, la sonate est assez unitaire – le thème du premier
mouvement est réutilisé dans le Finale – et atteste que Beethoven était fasciné par les sons
qu’offraient les plus récents instruments. Autre outil de cohérence : associer le cantabile et
l’écriture contrapuntique au caractère volontaire et solide.
Écrites en allemand par Beethoven puis traduites (de manière parfois décalée) en italien, les
indications d’expression et de tempo permettent d’orienter l’interprétation. Dans le premier
mouvement : Etwas lebhaft (quelque peu animé), mit der innigsten Empindsamdung (avec une
très grande intériorité) ; Allegro ma non troppo résume insuffisamment ces mentions. Dans le
deuxième : Lebhaft. Marschmässig (Animé, à la façon d’une marche) que, cette fois, Vivace alla
marcia traduit fidèlement. Quant au troisième mouvement, au-delà de deux indications presque
dissonantes [Langsam und sehnsuchtvoll (Lent et plein d’impatience) et Adagio ma non troppo,
con affetto], il évoque la liberté d’une fantaisie (au sens allemand de phantasieren : laisser son
imagination vagabonder). Enfin, dans l’ultime mouvement : Geschwinde, doch nicht zu sehr und
mit Entschlossenheit (Rapide, mais pas trop et avec détermination) qu’Allegro résume
laconiquement. En investissant ainsi l’espace de l’interprétation par la langue allemande (en
opposition avec l’usage dominant de l’italien), le compositeur met en place une pratique que
poursuivra Schumann.
Sonate pour piano n° 4, en mi bémol majeur op. 7
Elle aussi publiée sous le titre « Grande Sonate », c’est l’une des plus longues sonates.
Publiée isolément (l’usage était alors, en Europe, de publier des recueils de trois ou de six
œuvres de forme identique), elle ouvre le deuxième opus de sonates, après les trois premières
de l’op. 2. En un drame condensé, elle déploie une grande énergie organisée, que des
commentateurs de l’époque qualifient de « feu héroïque ». Sa conception, d’ampleur
symphonique, se perçoit dès les premières mesures. À son propos, Karl Czerny, disciple et ami
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de Beethoven, écrit : « Composée dans un état de passion, cette Sonate doit être interprétée de
manière puissante et brillante. Le largo doit être sublime et chantant, strictement dans le tempo.
Le troisième mouvement est plaisant et alerte avec un trio harmonieux. Le thème du finale est
très séduisant ; le passage central emporté doit être travaillé pour lui donner toute sa force. »
Georges Aperghis, Corps à corps, pour voix et zarb
Écrite en 1978 « pour un percussionniste et son zarb », Corps à corps met en scène un
percussionniste dans une course de voitures. Le musicien occupe tous les rôles :
commentateur sportif, conducteur, public et aussi la voiture ! Dans une matière quasi
cinématographique, Georges Aperghis intensifie les gestes musicaux et le texte parlé,
précipitant l’action jusqu’à son interruption, à bout de souffle… et de vie (pour le conducteur).
Les moments de silence figent l’action et en prolongent la tension dramatique. « Dans le combat
singulier de la fiction se reflète celui du musicien avec l’instrument et avec son propre souffle »,
écrit Aperghis. La pièce oscille entre musique et théâtre, donnant à voir l’action sous tous les
angles. En « faisant musique de tout » (expression empruntée au «faire théâtre de tout » de son
ami Antoine Vitez, auquel tant de collaborations l’attachèrent), cette pièce place instrumentiste
et instrument dans une même lutte, comme dans les trois sonates qu’elle voisine.
Claire Laplace
département culture musicale / CNSMD de Lyon
Les trois sonates qui composent l’opus 10 témoignent d’un moment charnière dans la
production de Beethoven. Elles forment un « grand poème » (Paul Loyonnet) composé d’un
seul souffle, dans lequel chaque sonate, chaque mouvement témoigne d’un langage classique
parfaitement assimilé et d’un style déjà très personnel.
L’influence de Mozart se ressent dans la construction de certains thèmes. Celui qui ouvre
la Sonate n° 5, notamment, n’est pas sans rappeler son homologue de la Sonate K.? 457,
également en ut mineur. De même, le parcours harmonique, l’écriture dans le style fugué
(dernier mouvement de la sixième Sonate) et l’emploi d’ornements caractéristiques du style
classique (Adagio molto de la cinquième Sonate) révèlent une influence certaine de Haydn.
Pour autant, l’op. 10 (1798) ainsi que l’op. 22 (1800) portent déjà en eux des éléments de
modernité caractéristiques du style beethovénien, qui annoncent la fin d’un siècle autant que
d’une manière de composer. L’op. 10 tend déjà vers une pensée organique et dramatique de
la sonate. En témoigne le finale de la Sonate n° 5, qui réemploie des éléments présents dans
les deux mouvements précédents. À la fin du développement central, ce thème est réduit à un
motif de trois croches répétées qui parcourt toute l’étendue du clavier et n’est pas sans
rappeler le «destin qui frappe à la porte », associé à la cinquième Symphonie, op. 67. De même,
le matériau qui semble générer tout le premier mouvement de la Sonate n° 7 semble se
résumer aux quatre premières notes qui l’inaugurent. Cet héritage beethovénien (une pensée
organique parcourant une œuvre en plusieurs mouvements) se retrouve dans la Sonate op. 22,
aussi bien que dans la Sonate pour flûte et piano, op. 169 (1814), de son élève et ami
Ferdinand Ries. Quoiqu’elle respecte la forme de la sonate classique, cette œuvre est unifiée
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par un motif obsédant de trois croches pointées et qui en jalonne les trois mouvements, et, qui,
à chaque fois, semble transfiguré et traversé de sentiments multiples.
Dans ces oeuvres, l’esthétique du contraste est déjà très présente, à différentes échelles. Bien
que des éléments de continuité et d’unité soient communs aux divers mouvements, ces
derniers sont dotés de caractères très différents. Ainsi le dernier mouvement de la Sonate n°
7 semble vouloir consoler de la profonde mélancolie du Largo e mesto (Lent et triste). À une
échelle plus réduite (celle d’un mouvement, voire d’une phrase), Beethoven oppose des idées
contradictoires que portent les thèmes, les accompagnements et les nuances. L’op. 169 de
Ries, riche en contrastes et en expressions, témoigne de l’enseignement beethovenien.
Les œuvres de ce concert sont également marquées par une écriture qui peut se montrer parfois
redoutable de virtuosité. Ainsi le Rondo qui clôt la septième Sonate est-il plein de surprises ; il
oscille entre l’ironie et le burlesque grâce à de longs silences inopinés, des chromatismes
expressifs et une partie centrale pleine de fougue, en octaves à l’unisson. Avec ce finale,
Beethoven parvient à une de ses pages les plus complexes jusqu’alors.
Ces sonates montrent également l’importance que le compositeur accorde à la recherche de
timbres inouïs, qui évoquent un orchestre entier. Ainsi, la mélodie dans le grave, à la toute fin
de l’Adagio molto de la Sonate n° 5, n’est pas sans évoquer la sonorité chaleureuse d’un
violoncelle. De même, le langage de Beethoven semble parfois dépasser les possibilités du
piano-forte de l’époque, comme dans l’Allegro molto con brio de cette même Sonate, où la
phrase musicale se déploie dans l’extrême aigu de l’instrument.
Ainsi que l’a écrit Charles Rosen, l’op. 22 (et l’op. 10 déjà, dans une certaine mesure) sonne
comme un « adieu au XVIIIe siècle . La plupart des innovations beethovéniennes présentes
dans ces pièces, de facture pourtant encore classique, annoncent les chefs-d’œuvre à venir, qui
allaient révolutionner le cours de la musique occidentale.
Max Dozolme
département de culture musicale / CNSMD de Lyon
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