La grande pharmacopée de la nature - Le journal du CNRS

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La grande pharmacopée de la nature - Le journal du CNRS
La grande pharmacopée de la nature - Le journal du CNRS - CNRS
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Menaces sur la biodiversité
Enquête 6/7
La grande pharmacopée de la nature
Entre 40 % et 70 % des médicaments proviennent des substances naturelles – plantes, organismes marins,
micro-organismes –, car elles présentent une incroyable diversité moléculaire. Les plantes en particulier : les
350 000 espèces répertoriées dans le monde représentent un réservoir unique de molécules aux vertus
thérapeutiques.
Trouver de nouvelles molécules naturelles ou découvrir les propriétés insoupçonnées de celles connues pour
soigner l'être humain et l'animal constitue donc un formidable enjeu. Cependant, on ne connaît qu'environ 5 %
de la flore. Première mission, donc : inventorier le vivant. C'est le choix de l'Institut de chimie des substances
naturelles (ICSN) du CNRS : « Pour étudier la diversité chimique, nous nous dirigeons vers des pays dont la
végétation est riche et peu connue », raconte Thierry Sévenet, responsable du pôle Substances naturelles de
l'ICSN. « La plupart des pays du Sud souhaitent qu'un laboratoire les aide à explorer leur environnement
végétal, à condition qu'un accord prévoie un partage équitable des retombées scientifiques et une formation
pour les jeunes chercheurs de ces États », poursuit le scientifique. Le choix d'une région du globe peut
s'effectuer selon deux critères : la chimiotaxonomie (recherche des plantes en fonction d'une appartenance
botanique) ou l'ethnopharmacologie (enquête sur les utilisations traditionnelles des plantes). L'ICSN, lui, s'est
plutôt orienté vers la première direction.
© L.Médard/CNRS Photothèque
L'if taxus baccata à partir duquel a été mis au point
le Taxotère, médicament anticancéreux.
Ensuite, il faut se rendre dans les pays partenaires, récolter les plantes, les sécher, les broyer, les fractionner, en
extraire les principes actifs. Un vrai travail de fourmi qu'effectuent les chercheurs français en Malaisie, au
Vietnam, à Madagascar et en Nouvelle-Calédonie où ils sont présents au sein du Laboratoire des plantes
médicinales1. Une fois glanées, les molécules de ces richesses végétales sont étudiées puis testées, afin de
déterminer les plus actives dans certaines pathologies : cancer, Sida, maladies neurodégénératives. Une
démarche qui a donné naissance au Taxotère, analogue de synthèse du taxol et extrait de l'if européen : un
médicament efficace pour traiter les cancers du sein et de la prostate notamment, mis au point par l'équipe de
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Pierre Potier, alors directeur de l'ICSN.
Que les partisans de la conservation de la biodiversité se rassurent : dans le cas du Taxotère, comme
couramment désormais, il a suffi de quelques feuilles prélevées sur l'arbre pour mettre au point une molécule
performante. La plante fournit le modèle d'une molécule active qu'on pourra ensuite modifier pour en faire un
médicament. Dès qu'une plante a donné cette molécule « tête de série », toutes les espèces qui lui sont proches
seront examinées pour trouver des analogues chimiques plus actifs.
Même philosophie pour les trois unités de recherche Pierre Fabre / CNRS regroupées au sein de l'Institut de
sciences et de technologies du médicament de Toulouse. Parmi elles, l'unité de Chimie des substances naturelles
bioactives possède une collection d'extraits obtenue à partir de plus d'une dizaine de milliers d'échantillons de
plantes, d'invertébrés marins, de micro-organismes, tandis que le Centre de criblage pharmacologique réalise le
criblage haut débit de cette « extractothèque ». « Nous misons beaucoup sur cette recherche en partenariat
public-privé pour identifier de nouveaux médicaments, dans le domaine du cancer, particulièrement. C'est
d'ailleurs une collaboration entre le CNRS et les laboratoires Pierre Fabre qui a abouti au développement de la
Navelbine2 », déclare Jean-Édouard Gairin,
directeur de l'Institut.
Laurent Meijer, de la Station biologique de Roscoff, crible quant à lui les molécules
extraites d'éponges de mer et d'invertébrés prélevés en Bretagne et en Polynésie.
Objectif : identifier les molécules qui permettraient de lutter contre des maladies comme
Parkinson, Alzheimer, le paludisme et le cancer. Parmi les espoirs de son équipe : la
roscovitine, en phase d'étude clinique pour un traitement contre le cancer et les
inflammations rénales et en phase d'étude préclinique pour un traitement des maladies
dégénératives. Et les bromo-indirubines, tirées des murex de Méditerranée3, testées
contre Alzheimer et le diabète. Ces bromo-indirubines permettraient d'élaborer des
lignées de cellules souches pour ne pas recourir à des embryons.
Les plantes sont aussi à l'origine d'Innodia SAS, Société
© T.Sévenet/CNRS
désormais canadienne depuis son acquisition par Innodia
Photothèque
inc., créée il y a quatre ans pour développer des recherches
Récolte par le
menées par le Centre de pharmacologie et biotechnologie
chercheur des
pour la Santé. En collaboration avec les Laboratoires
Monal, l'équipe s'intéressait à une plante, le fenugrec, dont écorces d'un
arbuste riche en
la culture et l'usage sont très répandus sur le pourtour
alcaloïdes.
méditerranéen et en Inde. Son action antidiabétique est
connue depuis plus de 2 000 ans, et l'utilisation de sa
©
graine est encore fréquente, notamment en Afrique du Nord. En analysant son
T.Pouplin/CNRS contenu, les chercheurs ont identifié un acide aminé particulier (la
4-hydroxyisoleucine) qui permet, s'il est donné à l'animal diabétique, de réguler
Forêt tropicale de finement sa glycémie. Les chimistes du CNRS à Strasbourg ont réussi la
Nouvellesynthèse totale de cette substance active.
Calédonie
La synthese de la 4-hydroxyisoleucine a avait été brevetée et ensuite publiée par une équipe de l'ICSN en
2002. Les réferences à ce travail sont les suivantes :
·
Brevet : Sasaki et al. PCT/FR01/00885)
·
Publication: Sasaki et al. Eur.J.Org.chem. 2002, 834-839
Innodia réalise actuellement les premières études cliniques sur volontaires sains. D'ici un an, on devrait avoir
confirmation de la tolérance de cette substance par l'homme et observer les premiers signes de son efficacité.
Le futur médicament, au mode d'action original, permettrait de compléter la panoplie des traitements du diabète
de type 2 qui représente 90 % des formes de diabète et touche 200 millions de personnes dans le monde.
Stéphanie Bia
Notes :
1. Rattaché à l'ICSN, et qui fait l'objet d'une convention avec l'IRD (Institut de recherche pour le
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développement).
2. Appelée aussi Vinorelbine, issue de la pervenche de Madagascar et synthétisée par l'ICSN (équipe
de Pierre Potier).
3. Mollusques à coquille épaisse et épines.
Contact
Thierry Sévenet, Institut de chimie des substances naturelles, Gif-sur-Yvette, [email protected]
Jean-Édouard Gairin, ISTMT, Toulouse, [email protected]
Laurent Meijer, Station biologique de Roscoff, [email protected]
Karen Eugeni, Innodia, directrice des communications et du développement des affaires,
[email protected]
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