Confiscation vaut refus de restitution

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Confiscation vaut refus de restitution
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Confiscation vaut refus de restitution
le 10 février 2016
EUROPÉEN ET INTERNATIONAL | Bien - Propriété
PÉNAL | Atteinte aux biens | Jugement | Peine et exécution des peines
Doit être examinée par la cour d’appel la demande de restitution formée par la partie civile et
portant sur des biens définitivement confisqués en première instance.
Crim. 26 janv. 2016, F-P+B, n° 14-86.030
La juridiction correctionnelle est compétente pour statuer sur la demande de restitution de tout
objet placé sous main de justice à l’occasion des poursuites dont elle est saisie. Des demandes de
restitution peuvent être formulées en application des articles 478 et 479 du code de procédure
pénale, qui concernent respectivement les parties à la procédure (prévenu, partie civile, personne
civilement responsable), et les tiers (toute autre personne qui prétend avoir droit sur des objets
placés sous la main de la justice). Dans l’hypothèse où il ne serait pas fait droit à une demande de
restitution en première instance, l’article 482 du code de procédure pénale prévoit : « le jugement
qui rejette une demande de restitution est susceptible d’appel de la part de la personne qui a formé
cette demande ». La chambre criminelle a eu l’occasion de préciser que l’action en restitution peut
être exercée en appel par la partie civile indépendamment d’un appel interjeté à l’encontre des
dispositions civiles du jugement (Crim. 7 sept. 1999, n° 98-86.127, Bull. crim. n° 180 ; D. 1999. 248
). Elle affirme aujourd’hui que des biens définitivement confisqués en première instance peuvent
néanmoins faire l’objet d’une requête en restitution devant la cour d’appel.
En l’espèce, des poursuites avaient été engagées consécutivement à des vols dans une caravane.
Les enfants de ses propriétaires s’étaient constitués partie civile et avaient sollicité la restitution de
tous les objets placés sous scellé, apparaissant comme étant le produit de l’infraction. Le tribunal
n’avait ordonné la restitution d’un scellé qu’à concurrence d’une certaine somme et avait prononcé
la confiscation du reste des biens. Ni le condamné ni le ministère public n’avaient interjeté appel
des dispositions pénales du jugement, de sorte que la peine complémentaire de confiscation
apparaissait définitive. Se fondant sur ce constat, la cour d’appel avait refusé de faire droit aux
demandes des parties, estimant qu’accueillir la demande de restitution reviendrait à remettre en
cause la chose jugée au pénal par une partie n’y étant pas autorisée.
Le moyen du pourvoi faisait valoir deux arguments. D’une part, il considérait que le jugement
ordonnant la confiscation de biens placés sous scellés ne pouvait avoir autorité de chose jugée à
l’égard de la victime sollicitant la restitution des mêmes biens à titre de réparation, lorsque celle-ci
était au contraire recevable à en contester le bien-fondé afin d’obtenir la restitution des scellés.
D’autre part, était invoqué le « droit d’agir de la victime d’une infraction pénale », que les
demandeurs au pourvoi estimaient inévitablement bafoué par l’impossibilité de critiquer le
bien-fondé d’une confiscation.
Au visa de l’article 482 du code de procédure pénale, la chambre criminelle se borne à reprocher à
la cour d’appel d’avoir méconnu ce texte, « alors que la confiscation ordonnée par le tribunal
s’analysait, à l’égard des parties civiles, en un refus de restitution sur lequel elle devait statuer ».
Une question aussi intéressante que celle de la survie du recours en restitution là où la peine de
confiscation est devenue définitive aurait pu appeler davantage de développements. La chambre
criminelle semble résoudre le problème comme si la seule difficulté résidait dans l’absence de refus
de restitution explicite de la part du tribunal. Certes, la confiscation doit se comprendre comme un
refus implicite de restitution, de sorte que, dans une telle circonstance, l’article 482 du code de
procédure pénale doit trouver à s’appliquer. Mais c’est nécessairement admettre que la partie civile
seule appelante d’un jugement définitif sur l’action publique est à même de remettre en cause le
champ de la peine complémentaire de confiscation. Cette immixtion de la partie civile dans les
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dispositions relatives à la peine se comprend toutefois. En l’espèce, trouvait à s’appliquer l’alinéa 2
de l’article 131-21 du code pénal, selon lequel la confiscation peut frapper « tous les biens qui sont
l’objet ou le produit direct ou indirect de l’infraction, à l’exception des biens susceptibles de
restitution à la victime ». Mais, plus généralement, les biens qui appartiennent à des tiers de bonne
foi ne sont pas confiscables. Par conséquent, tout propriétaire de bonne foi, qu’il soit ou non partie
à la procédure, doit pouvoir exercer un recours contre une décision de confiscation s’apparentant à
un refus de restitution. Un tel appel n’a d’ailleurs pas véritablement vocation à influencer l’étendue,
et donc la gravité de la peine elle-même, mais à obtenir la modification de l’affectation des biens.
En outre, une solution contraire à celle posée par la chambre criminelle reviendrait à subordonner
la possibilité d’exercer le recours prévu par l’article 482 du code de procédure pénale à la formation
d’un appel par le prévenu ou par le ministère public contre les dispositions relatives à la
confiscation, ce qui apparaîtrait discriminatoire et attentatoire au droit de propriété.
par Cloé Fonteix
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