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L’Encéphale (2010) 36S, D133—D138 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com journal homepage: www.em-consulte.com/produit/ENCEP MISE AU POINT Traitement par inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine de la dépression chez la femme enceinte : risques pour le fœtus et le nouveau-né Treatment of depressed pregnant women by selective serotonin reuptake inhibitors: Risk for the foetus and the newborn S. Favrelière a,∗, A. Nourrisson a, N. Jaafari b, M.-C. Pérault Pochat a a b Service de pharmacologie clinique, CHU La Milètrie, pavillon Le Blaye, 86021 Poitiers, France Service de psychiatrie, centre hospitalier Henri-Laborit, 86000 Poitiers, France Reçu le 22 septembre 2008 ; accepté le 22 juin 2009 Disponible sur Internet le 19 septembre 2009 MOTS CLÉS Inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine ; Dépression ; Grossesse ; Fœtus ; Nouveau-né ∗ Résumé Bien que mal connue et sous diagnostiquée, la prévalence de la dépression chez la femme enceinte varie de 10 à 20 %. Le risque de la dépression non traitée est une augmentation des avortements spontanés, d’hypertension gravidique avec éclampsie, mais aussi un risque augmenté de pathologies néonatales. L’arrêt du traitement antidépresseur chez une femme dépressive constitue un risque accru de rechute et de tentative de suicide. Un traitement pharmacologique est indispensable si les traitements non médicamenteux sont insuffisants. Les données concernant l’utilisation au cours de la grossesse des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) font l’objet d’un débat depuis la publication en 2005 d’un risque malformatif majeur en particulier cardiaque avec la paroxétine. De nombreuses études depuis 2005 n’ont pas montré de risque malformatif global et spécifique associé à la prise d’ISRS, mais certaines ayant montré une association en particulier avec la paroxétine font que l’utilisation des ISRS doit être pesée pour chaque femme enceinte dépressive en tenant compte du rapport bénéfice risque. Une augmentation des avortements spontanés, de la prématurité et du faible poids de naissance ont été décrits. Les troubles néonataux fréquents nécessitent une prise en charge adaptée dans un service de néonatalogie. L’effet à long terme sur le neurodéveloppement est encore à explorer. © L’Encéphale, Paris, 2009. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (S. Favrelière). 0013-7006/$ — see front matter © L’Encéphale, Paris, 2009. doi:10.1016/j.encep.2009.06.005 D134 KEYWORDS Selective serotonin reuptake inhibitors; Depression; Pregnancy; Foetus; Newborn S. Favrelière et al. Summary Introduction. — This article is a review of literature data concerning the use of selective serotonin reuptake inhibitors (SSRIs) by depressed pregnant women. Literature findings. — The adverse effects for the foetus, the newborn and the child were evaluated. The prevalence of depression during pregnancy is of around 10 to 20% of the population of childbearing women. Depression is often misdiagnosed and underestimated in pregnant women. Starting a pharmacological treatment for depression in these women is not easy because data concerning the safety of antidepressants during pregnancy are still unclear. The non-treated pathology is associated with higher risk of maternal morbidity, including arterial hypertension, which could lead to preeclampsia or eclampsia, ideation and suicide attempts, and postpartum depression. Foetal development is also affected and adverse outcomes such as prematurity, low birth weight, irritability, and sleep disorders are frequent. Pharmacological therapy is necessary when non-pharmacological treatment is insufficient. Suicide attempts and relapse of depression have been described when depressive women stopped their pharmacological treatment during pregnancy. Pregnant women diagnosed with depression must be treated. Selective SSRIs are now largely used in this pathology and have replaced tricyclic antidepressants because of fewer side effects. In general, drugs have a low teratogenic potential, only 4 to 5% of malformations are iatrogenic. Teratogenic risk is high between conception until the end of the second month of gestation. Safety of SSRIs treatment during pregnancy and potential risk for the foetus and newborn were unquestioned before publication, in the late 2005, of some alarming data concerning a possible teratogenic effect. Studies showed an increased risk for all congenital malformations with SSRIs and particularly with paroxetin. A few studies after 2005 have also found an association between prenatal exposure to SSRIs (especially paroxetin) and congenital malformations. However, other studies failed to demonstrate this association and the risk for cardiovascular malformations also does not seem to be significantly increased. Numerous studies in pregnant women have shown that SSRI treatments are associated with a significant increase of spontaneous abortion, preterm birth, and low birth weight. Exposure to SSRIs in late pregnancy has been associated with a three-fold increased risk of neonatal behavioural syndrome, including signs of withdrawal or serotonin impregnation. Restlessness, poor tone, respiratory distress, hypoglycaemia were the most frequent signs. These symptoms occur during the first days of life and are usually brief and not serious. Recent studies have also documented an increased risk of persistent pulmonary hypertension and cases of cerebral haemorrhage have been described. Data concerning a possible effect on motor and cognitive development at school age in children prenatally exposed to SSRIs are limited. Discussion. — Although a number of studies revealed that SSRIs are not teratogenic, some of them showed congenital malformations associated with use of these antidepressants; in particular an increased risk of cardiac defects with paroxetin. In practice, the potential risk implies that the decision to treat a pregnant woman with SSRIs (notably paroxetin) should be taken carefully; this means double-checking the diagnosis, the potential benefits, adverse effects and possible alternatives. Neonatal toxicity seems to be relatively frequent when SSRIs are prescribed during late pregnancy. For all depressed pregnant women, the severity of the depression must be taken into consideration before introducing a pharmacological treatment. When depressive women are already treated, studies have shown that antidepressants must be maintained during pregnancy to prevent relapse and suicide attempts. © L’Encéphale, Paris, 2009. Introduction La dépression est une pathologie psychiatrique qui touche 10 à 20 % des femmes enceintes. Elle est peu connue et sous diagnostiquée sur ce terrain. L’instauration d’un traitement est plus difficile lors d’une dépression chez la femme enceinte, les données sur la sécurité d’emploi des antidépresseurs existent, mais restent contradictoires. Les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) sont les antidépresseurs les plus prescrits à l’heure actuelle, mais les risques encourus par le fœtus lorsqu’il est exposé à ces molécules in utero restent encore débattus. Nous avons voulu faire un état des lieux des données actuelles de la littérature internationale. La depression chez la femme enceinte La prévalence moyenne de la dépression est de 18,3 % chez les femmes enceintes selon Bennett et al. dans une revue de 2004 [5]. Contrairement à la dépression du postpartum bien documentée, ce n’est que récemment que la dépression anténatale a été abordée avec ses conséquences néfastes sur le développement effectif et cognitif Traitement par inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine et grossesse de l’enfant. De nombreuses études ont été réalisées pour déterminer l’impact de la dépression sur la grossesse. Le premier est l’impact sur le comportement de la mère avec une diminution du suivi : comparativement aux femmes non dépressives, elles n’assistent pas ou peu aux visites prénatales et ont moins d’échographies de surveillance. Elles ont une consommation d’alcool, de tabac et d’autres drogues supérieures aux femmes non dépressives [5,6]. Le deuxième est l’impact sur le déroulement de la grossesse. Les modifications biochimiques entraînées par la dépression chez la femme enceinte tels les forts taux de cortisol peuvent entraîner une prématurité, un faible poids de naissance et une faible activité lors du développement fœtal [17] alors que les forts taux maternels de norépinephrine augmenteraient la résistance des artères utérines entraînant une baisse de la croissance fœtale [22]. Les femmes dépressives ont un risque accru d’avortement spontané et d’hypertension artérielle gravidique avec prééclampsie, voire éclampsie. À la naissance, les nouveau-nés de mère dépressive présentent également des taux élevés de cortisol et de plus faibles taux de dopamine et de sérotonine induisant une hyperactivité, un rythme cardiaque élevé. Ils sont difficilement consolables, plus irritables [17]. Les troubles dépressifs maternels ont des conséquences sur le développement psychomoteur de leurs enfants, y compris in utero. Un retard de développement cognitif et émotionnel a été décrit chez les enfants nés de mères dépressives [5,6]. Faut-il traiter une femme enceinte dépressive ? Des idées suicidaires sont rapportées par 11 des 37 femmes enceintes dépressives qui ont brutalement arrêté leur traitement antidépresseur [14]. Une étude prospective a montré que sur 201 femmes enceintes ayant des antécédents de dépression majeure, les patientes ayant arrêté ou diminué leur traitement avaient un risque de rechute cinq fois plus élevé que les patientes ayant maintenu leur traitement [10]. Selon Bonari et al., 15 % des femmes enceintes dépressives tentent de mettre fin à leurs jours [6]. Selon Austin, 75 % des femmes dépressives qui cessent leur traitement rechutent [2]. De façon générale, la majoration du risque de récidive des épisodes dépressifs à l’arrêt du traitement est réel et est à prendre en compte pour le suivi des grossesses de ces femmes dépressives. À côté des traitements non pharmacologiques comme la prise en charge psychothérapique, les techniques corporelles et la photothérapie qu’il faut privilégier chez la femme enceinte dépressive, dans certaines circonstances, le traitement médicamenteux est inévitable. Dans la prise en charge des dépressions, les ISRS ont supplanté les antidépresseurs tricycliques en raison d’une meilleure tolérance et d’une moindre gravité en cas de surdosage. Le traitement médicamenteux et la grossesse : les périodes à risques [15] Il faut savoir que les médicaments ont un rôle limité dans les malformations congénitales, environ 2 à 4 % des enfants naissent avec une malformation dont seulement 4 à 5 % sont D135 d’origine iatrogène mais ce risque, même limité, existe. La toxicité varie en fonction de la période de grossesse. Avant l’implantation qui débute cinq jours après la conception et s’achève le 12e jour, l’embryon a peu d’échange avec la mère et le risque de retentissement d’un agent exogène est considéré comme très faible. L’organogenèse qui lui succède se déroule du 13e au 56e jour après la conception. Lors de cette période, le risque malformatif est maximal. Lors de la période fœtale qui couvre la période qui s’étend de la fin du deuxième mois jusqu’à l’accouchement, il se produit les phénomènes de croissance, de maturations histologique et enzymatique des organes en place. Les conséquences d’une exposition à ce stade peuvent se traduire par des troubles souvent difficiles à déceler à la naissance mais dont les handicaps peuvent être plus lourds que les malformations morphologiques comme les anomalies du développement psychomoteur ou des effets carcinogènes. À la naissance, les fonctions métaboliques et excrétrices de l’enfant sont partiellement matures et la demi-vie de la molécule sera plus longue chez le nouveau-né que chez l’enfant et l’adulte. On assiste à une accumulation chez l’enfant de composés à élimination principalement rénale. Les agents liposolubles peuvent se concentrer dans le système nerveux central du fait d’une barrière hématoencéphalique immature et des sites de fixation limités. Des symptômes transitoires peuvent apparaître suite à cette imprégnation et ils seront semblables aux effets pharmacologiques ou indésirables de la molécule. Plus exceptionnellement, des symptômes de sevrage sont possibles. Ces symptômes surviennent dans les jours suivant la naissance et cèdent spontanément. Données pharmacologiques des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine Les ISRS sont une classe d’antidépresseurs qui s’est beaucoup développée en raison d’une efficacité semblable à celle des tricycliques avec des effets anticholinergiques faibles et une absence de toxicité cardiaque. Ils sont représentés par la fluoxétine, la paroxétine, la fluvoxamine, la sertraline, le citalopram et son énantiomère, l’escitalopram. Ils agissent au niveau cérébral par inhibition de la recapture de la sérotonine afin d’augmenter ce taux diminué lors de la dépression. La sérotonine et ses récepteurs sont produits très précocement au cours du développement embryonnaire. Elle exerce différentes actions sur la morphogenèse du système nerveux avant de devenir un neurotransmetteur. Selon les études menées chez la souris, la principale source de sérotonine au stade embryonnaire serait d’origine maternelle [12]. La fonction cardiaque fœtale est influencée par le statut sérotoninergique maternel [18]. Sur le plan pharmacocinétique, les ISRS subissent une résorption digestive rapide et importante, une forte liaison aux protéines plasmatiques, une fixation tissulaire élevée et une métabolisation hépatique P450 dépendante. Le citalopram et la fluoxétine ont un métabolite actif expliquant une demi-vie d’élimination longue. Ces caractéristiques peuvent varier chez le fœtus et le nouveau-né avec une fixation protéique plus faible et une métabolisation et une élimination rénale diminuées. Il existe donc un risque d’accumulation des ISRS au cours du développement foetal. De plus, chez l’embryon humain, il existe une expression transitoire du transpor- D136 teur de la sérotonine dans un certain nombre de tissus et dans des neurones non sérotoninergiques [36]. Le passage transplacentaire des ISRS varie selon les molécules. Ainsi, la sertraline et la paroxétine passeraient en quantités moins importantes que le citalopram et la fluoxétine selon des mesures faites dans le sang ombilical de 38 femmes enceintes [21]. Données actuelles de la littérature sur la tératogénicité et les effets sur le fœtus et le nouveau-né des ISRS Les données présentées sont issues d’études de cohorte, d’études cas—témoins, de méta-analyses et de données issues de registres de naissance et de malformations actualisées. Fausse couche De nombreuses études observent une augmentation du risque d’avortement spontané avec la prise d’ISRS qui serait liée, selon certains auteurs, à un mécanisme sérotoninergique. Hemels et al., en 2005 [20], ont revu six études de cohorte portant sur un total de 3567 femmes dont 1534 exposées à des antidépresseurs. Le taux d’avortement spontané a été significativement augmenté avec un taux de 12,4 % en moyenne dans le groupe exposé contre 8,7 % dans le groupe non exposé sans différence entre les différentes classes d’antidépresseurs. Les auteurs n’ont pas écarté l’effet de la maladie elle-même. Une méta-analyse de Rahimi et al. [31] rapportant les études cliniques de 1990 à 2005 concernant l’exposition à des doses thérapeutiques de citalopram, fluoxétine, fluvoxamine, paroxétine et sertraline concluent à une augmentation significative des fausses couches. Bassiouni and Rafei [4] ont constaté des taux plus élevés de sérotonine chez les femmes ayant fait une fausse couche que comparativement à celles qui ont eu une grossesse normale. Malformations congénitales majeures Chez l’homme, les données publiées jusqu’en septembre 2005 suggéraient que les ISRS n’étaient probablement pas responsables de malformations majeures jusqu’à l’étude menée par le laboratoire GlaxoSmithKline titulaire de l’AMM de la paroxétine à partir des données des compagnies d’assurance santé aux États-Unis. Cette étude portait sur 3581 femmes exposées à un antidépresseur lors du premier trimestre de grossesse, 527 étaient exposées à la paroxétine. Les résultats initiaux ont montré une augmentation du risque de malformation majeure (OR = 2,2 ; IC95 % 1,34—3,63) et du risque de malformation cardiaque à type de communication interventriculaire et interauriculaire de la paroxétine d’un facteur deux par rapport aux autres antidépresseurs [39]. L’analyse finale pour les 791 femmes exposées à la paroxétine en monothérapie comparativement aux 4767 femmes exposées aux autres antidépresseurs montrait un risque de malformation significativement augmenté (OR = 1,89 ; IC95 % 1,20—2,98), mais le risque de survenue de malformation cardiaque ne l’était plus (OR = 1,46 ; IC95 % S. Favrelière et al. 0,74—2,88) [11]. De nombreuses études se sont succédées à partir de 2005, les unes en faveur d’une augmentation du risque malformatif global ou spécifique avec les ISRS, en particulier avec la paroxétine [3,40] ; d’autres études n’ont pas retrouvé cette association [24,31,37]. Louik et al. observent une association significative entre la prise de sertraline et le risque d’omphalocèle et d’anomalies du septum, d’une part, et entre la prise de paroxétine et le risque de cardiopathies avec obstacle à l’éjection du ventricule droit, d’autre part, mais ces malformations sont rares et le risque absolu reste très faible [25]. Ces études sont réalisées en l’absence d’un groupe témoin de femmes dépressives, ce qui ne permet pas de conclure à un effet dû au traitement ou dû à certains facteurs liés à la maladie. Cependant, en pratique, il convient d’attirer l’attention sur une éventuelle augmentation du risque malformatif de ces molécules bien qu’il apparaisse modéré et controversé et en particulier sur le risque de malformation cardiovasculaire de la paroxétine. Ces données ont entraîné la modification de la catégorie FDA du risque médicamenteux au cours de la grossesse de la paroxétine passant de C à D de la rubrique grossesse du résumé des caractéristiques du produit avec les recommandations entre autres de n’utiliser la paroxétine que s’il paraît nécessaire en évaluant les risques potentiels. Naissance prématurée Parmi les effets de la dépression sur le fœtus et le nouveauné, Field et al. [17] observent la prématurité, un faible poids de naissance et une croissance intra-utérine retardée. Selon plusieurs études récentes [24,35,38], le risque de naissance prématurée est significativement plus élevé chez les femmes exposées aux antidépresseurs en général et les ISRS, en particulier, comparativement aux femmes non exposées. Selon Suri et al. [35], les symptômes dépressifs seuls dans le cas de dépression légère à modérée ne sont pas associés à ce risque. Faible poids de naissance Le faible poids à la naissance pourrait être un effet secondaire des ISRS comme cela a été démontré avec la fluoxétine par vasoconstriction des artères ombilicales chez la femme exposée entraînant une baisse de l’apport oxygène et de nutriments chez le fœtus [8,38]. Il peut être dû aux comportements à risque des mères dépressives comme l’alcoolisme et le tabagisme [35]. Selon les recommandations américaines, il est recommandé de ne pas utiliser la fluoxétine après la 25e semaine de grossesse afin de limiter le risque d’un faible poids de naissance [1]. Pathologies néonatales Syndrome de sevrage ou syndrome sérotoninergique La fréquence des troubles néonataux chez les nouveau-nés exposés in utero aux ISRS rapportée dans différentes études est de 20 à 30 % [27]. Il n’est pas clairement établi qu’il s’agisse de signes d’imprégnation sérotoninergique ou de manifestations de sevrage car les symptômes et le moment de survenue sont similaires. Les symptômes les plus fré- Traitement par inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine et grossesse quemment rapportés sont une agitation, des trémulations, des troubles du tonus musculaire, des difficultés respiratoires et une hypoglycémie. Des manifestations comme convulsions, cris persistants, ictère, troubles du sommeil, troubles alimentaires avec défaut de succion et cyanose ont été décrits également. Ils ont lieu dans les premiers jours de vie et sont de courte durée et dans la plupart des cas ils ne présentent pas de caractère de gravité [16,27]. Les cas décrits avec la paroxétine et la fluoxétine sont plus nombreux en rapport avec une plus grande ancienneté de ces molécules dans la classe médicamenteuse ou une prescription plus importante de ces molécules [33]. Il est impossible d’affirmer que seul le traitement soit impliqué dans les troubles néonataux, les groupes témoins dans ces études sont indemnes de la pathologie traitée. La Food and Drug Administration recommande de diminuer les doses et de ne plus donner le médicament sept à dix jours avant la date prévue de l’accouchement, alors que pour d’autres auteurs, l’arrêt du traitement n’est pas conseillé car les symptômes néonataux sont dans la plupart des cas peu graves par rapport aux conséquences d’une décompensation de la dépression maternelle et au risque de dépression du postpartum [23]. Quel que soit le mécanisme, ces troubles existent, cela nécessite que l’accouchement soit réalisé en collaboration avec un service de néonatalogie avec prise en charge adaptée du nouveau-né. Hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) Lors d’une étude datant de 1996 [8], deux cas d’HTAP persistante ont été observés sur 73 enfants présentant des symptômes néonataux suite à l’exposition à la fluoxétine. Pour confirmer cette hypothèse d’une augmentation du risque d’HTAP liée à la prise d’ISRS pendant la grossesse, une étude cas—contrôle avec 377 enfants avec HTAP confirmée et 836 enfants témoins a été menée qui a permis d’observer que le risque d’HTAP était multiplié par trois chez les enfants nés de mères traitées par ISRS après la 20e semaine d’aménorrhée (OR = 3,2 ; IC 95 % 1,3—7,4). Ni la prise d’autres antidépresseurs, ni la prise d’ISRS avant la 20e semaine n’augmenteraient ce risque [9]. Plusieurs hypothèses sont avancées pour déterminer le rôle joué par les ISRS. Le poumon sert de réservoir aux ISRS où la sérotonine en concentration plus importante exerce son action vasoconstrictrice. Elle peut également augmenter la prolifération des cellules musculaires lisses pulmonaires comme cela a été démontré chez le rat [19]. Un autre mécanisme possible est l’inhibition de la synthèse de monoxyde d’azote. Toxicité hématologique Les ISRS perturberaient la fonction plaquettaire par une baisse des taux de sérotonine. La fréquence des hématomes a été significativement plus élevée dans la descendance de rates traitées par la fluoxétine [34]. Des cas d’hémorragies cérébrales ont été rapportés quelques heures après la naissance chez des enfants de mères traitées par ISRS au cours de leur grossesse [13,32]. Altération de la réponse à la douleur Oberlander et al. ont observé chez des enfants exposés in utero aux ISRS comme la fluoxétine, la paroxétine et la sertraline une diminution de la réponse à la douleur [30]. Que D137 cette altération soit une atteinte du système neurosensoriel par l’exposition in utero aux ISRS ou un effet pharmacologique direct de la sérotonine reste à prouver. Effets à long terme des ISRS sur le neurodéveloppement Nulman et al. ont été les premiers à s’intéresser aux effets à long terme d’une exposition in utero aux antidépresseurs. Ils ont comparé entre un groupe de 55 femmes exposées à la fluoxétine et un groupe 80 femmes exposées aux antidépresseurs tricycliques et un groupe de 84 femmes exposées à des médicaments considérés comme non tératogènes, les répercussions sur le développement cognitif, le langage, le comportement de l’enfant de 16 mois à environ sept ans. Ils ont obtenu des résultats similaires dans les trois groupes. Les paramètres maternels pouvant perturber le développement de l’enfant ont été pris en compte (sévérité de la dépression, quotient intellectuel de la mère, catégorie socioéconomique) [28]. Une autre étude sur trois groupes (46 femmes exposées tout au long de la grossesse aux antidépresseurs tricycliques, 40 à la fluoxétine et 36 femmes non dépressives non exposées) a obtenu les résultats similaires. La durée de la dépression a été associée avec un faible développement cognitif et le nombre d’épisodes dépressifs après l’accouchement a été corrélé à une perturbation du développement du langage et du comportement [29]. Morrison et al. ont observé également une association entre la sévérité de la dépression maternelle et l’atteinte du développement comportemental et du langage [26]. À l’inverse, Casper et al. [7] ont mis en évidence de légères différences du contrôle moteur chez les enfants entre six et 40 mois exposés in utero aux ISRS (n = 31) comparativement à des enfants de mères non traitées (n = 13). Les données disponibles actuellement concernant l’impact d’une exposition in utero à des ISRS sur le neurodéveloppement sont plutôt rassurantes mais limitées. Dans les études, les effectifs sont faibles. Le suivi des enfants est court et les anomalies probablement non aisées à mettre en évidence. Conclusion À ce jour, les données actuelles ne confirment pas une augmentation de malformation majeure en termes de risque absolu lors d’exposition aux ISRS durant la grossesse. Cependant, les données discordantes sur l’utilisation de la paroxétine lors du premier trimestre incitent à être prudent et pour chaque cas à bien évaluer le rapport bénéfice/risque entre la prise d’un traitement pendant la grossesse et les conséquences à ne pas traiter la dépression. Il n’est pas conseillé de prescrire la paroxétine lors du premier trimestre de grossesse tant que nous n’aurons pas de résultats plus fiables. En fin de grossesse, il faut évaluer les conséquences d’un arrêt de traitement pour éviter les symptômes néonataux de manque ou de toxicité car une décompensation de la pathologie maternelle peut aussi avoir de lourdes conséquences. Malgré les limites de ces études (pas ou peu de données sur l’observance, difficultés à connaître les traitements associés, taille limitée des groupes, distinguer l’effet de la maladie à ceux du D138 traitement), les données doivent être considérées dans un contexte pratique au cas par cas avec le prescripteur. Références [1] ACOG Committee on Obstetric Practice. ACOG Committee opinion No 354: Treatment with selective serotonin reuptake inhibitors during pregnancy. Obstet Gynecol 2006;108(6):1601—3. [2] Austin MP. To treat or not treat depression. SSRI use in pregnancy and adverse neonatal effects. Psychol Med 2006;36(12):1663—70. [3] Bar-Oz B, Einarson T, Einarson A, et al. Paroxetine and congenital malformations: meta-analysis and consideration of potential confounding factors. Clin Ther 2007;29(5):918—26. [4] Bassiouni BA, Rafei AA. 5-Hydroxytryptamine, cooper and ceruloplasmin plasma concentrations in spontaneous abortion. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol 1979;9(2):81—8. 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