Les dix commandements - Diocèse de Grenoble
Transcription
Les dix commandements - Diocèse de Grenoble
Les dix commandements : une source à interpréter pour en vivre aujourd’hui Présentation à partir du Catéchisme de l’Eglise catholique Christine Graven La vie dans le Christ Le catéchisme de l’Eglise catholique (CEC) présente les dix commandements dans sa troisième partie : « la vie dans le Christ ». Cette partie est composée de deux grandes sections. La première est intitulée « la vocation de l’homme : la vie dans l’Esprit » et la deuxième présente les dix commandements. Ainsi, le Catéchisme insère ceux-ci dans un ensemble plus vaste où toute la conception de la vie de l’homme selon les croyants est développée. Les dix commandements ne constituent pas à eux seuls la pensée de l’Eglise sur l’homme et sur sa manière de vivre. Ils en sont une source. Révélée à Moïse, elle a été radicalement réinterprétée à la lumière de la vie, des paroles, des actes de Jésus et surtout de l’événement pascal. Puis elle a ensuite été réinterprétée par l’Eglise à travers son histoire et les évolutions du monde dans lequel elle vit. Ils gardent, grâce à cette lecture ecclésiale à travers le temps, toute leur puissance de « paroles pour la vie d’aujourd’hui». La vocation de l’homme La première section de cette partie sur la vie dans le Christ présente la façon dont les chrétiens envisagent la vie des hommes dans leur temps et dans la société qu’ils constituent. La foi chrétienne affirme la dignité de l’homme, créé par Dieu, image de Dieu, voué au bonheur, dans la liberté. Cela engage l’homme à une vie morale, dans ses actes et dans sa conscience, à développer ses vertus et à rejeter le péché. Cette dignité, cette liberté sont constitutives de l’identité de l’homme ; celle-ci se révèle au sein de la communauté humaine, dans le rapport que chacun établit avec les autres, dans sa participation à l’édification de la société. L’homme a le devoir d’y travailler à plus de justice, de respect de la personne humaine, à plus de solidarité, dans une relation juste aux instances d’autorité. L’Église affirme la reconnaissance des droits universels de la personne humaine. Mais cette vie humaine se reçoit de Dieu, c’est Lui qui donne sa grâce pour que l’homme vive au mieux sa dignité d’enfant de Dieu. Cette première section décrit ainsi la responsabilité de l’Homme dans son univers. La deuxième section rappelle les dix commandements et propose, pour chacun d’eux, une manière de les lire pour aujourd’hui. Cette lecture a beaucoup de liens avec la doctrine sociale de l’Église qui est, elle, en constante évolution, puisqu’elle fait une lecture du monde contemporain et de ses mutations permanentes. 1 1. Les dix commandements dans l’histoire du peuple de Dieu Les commandements à la lumière de l’Évangile [2052-2054] Le CEC introduit les dix commandements avec la question du jeune homme riche : « Maître, que dois-je faire de bon pour posséder la vie éternelle ? ». C’est en répondant à cette question que Jésus affirme qu’il faut observer les commandements, aimer Dieu et aimer son prochain, comme soi-même. Le CEC introduit donc les commandements, issus du livre de l’Exode, en les mettant d’emblée dans la bouche de Jésus. Il les présente tels que Jésus luimême en a parlé et non d’abord comme une loi révélée par Moïse et transmise de façon immuable jusqu’à nos jours. Cette loi n’est pas abolie mais accomplie par Jésus : « les conseils évangéliques sont indissociables des commandements »1. Le CEC rappelle que Jésus en renforce les exigences. Quand il évoque les commandements, il dit : « vous avez entendu… et moi je vous dis… ». Il les résume à travers sa réponse à la question : « quel est le plus grand commandement ? » en affirmant : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit ; voilà le plus grand et le premier commandement. Le second lui est semblable : tu aimeras ton prochain comme toi-même. À ces commandements se rattachent toute la loi, ainsi que les prophètes. » (Mt 22, 36). Ainsi, Jésus instaure une hiérarchie radicale des commandements. Le CEC introduit sa présentation des dix commandements par des références bibliques. Il situera ainsi chaque commandement en citant d’abord le texte de l’Exode, puis en citant une phrase de l’Évangile qui y fait référence. Les commandements dans un contexte historique et biblique [2056-2063] Le CEC présente le contexte des commandements, il les situe dans leur époque. Les « paroles » sont données à Moïse dans le contexte de l’Exode, grand événement libérateur de Dieu au centre de l’ancienne Alliance. Le décalogue est ainsi un chemin pour une vie libre et c’est Dieu qui le donne à son peuple. « La première des dix paroles rappelle l’amour premier de Dieu pour son peuple »2 et « L’existence morale est réponse à l’initiative aimante du Seigneur »3. Avec l’emploi du pronom « tu », ces dix paroles s’adressent à tous et à chacun en particulier. Le décalogue dans la Tradition de l’Église « Depuis saint Augustin, les dix commandements ont une place prépondérante dans la catéchèse des futurs baptisés et des fidèles. »4 Ils énoncent les devoirs de l’homme envers Dieu et des hommes entre eux : « Les trois premiers se rapportent davantage à l’amour de Dieu et les sept autres à l’amour du prochain »5. Le décalogue présente une unité interne qui fait que l’on ne peut en extraire un commandement sans le dénaturer : « Transgresser un commandement, c’est enfreindre tous les autres […], le décalogue unifie la vie théologale et la vie sociale des hommes »6. Le concile Vatican II en a réaffirmé l’autorité dans la constitution Lumen Gentium au n°24 et le CEC nous rappelle que c’est en vivant dans le Christ que cette autorité prend toute sa dimension : « Sa personne [le Christ] devient, grâce à l’Esprit, la règle vivante et intérieure de notre agir »7. 1 CEC 2053 CEC 2061 3 CEC 2062 4 CEC 2065 5 CEC 2067 6 CEC 2069 7 CED 2074 2 2 2. Les dix commandements, dix paroles de vie Il y a donc deux séries de commandements : le CEC les présente en deux grands chapitres, dont les titres reprennent les deux commandements premiers indiqués par Jésus : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit » et « tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Ce ne sont pas les intitulés des commandements que l’on trouve dans l’Ancien Testament. Dans celui-ci, ils sont énumérés en deux endroits : l’Exode au chapitre 20, versets 2 à 17 et le Deutéronome, de façon plus concise, au chapitre 5, versets 6 à 21. « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu… » Premier commandement : « C’est le Seigneur, ton Dieu, que tu adoreras, et à Lui seul tu rendras un culte » [2084 à 2141 - 57 articles] « Le premier appel et la juste exigence de Dieu est que l’homme l’accueille et l’adore »8. Ces articles définissent les trois vertus théologales : la foi, l’espérance et la charité. Ils décrivent les dérives qui détournent de ce commandement premier. Toutes ces précisions sont faites en référence aux affirmations de Jésus dans les évangiles ou aux lettres de st Paul ainsi qu’à partir des textes du concile Vatican II. Les trois vertus théologales nous disposent à des attitudes « religieuses » variées mais qui sont tournées vers le seul Dieu : la prière d’abord (Jésus invite prier sans jamais se lasser, cf Lc 18, 1) ; l’adoration ensuite, qui « libère l’homme du repliement sur soi-même »9 ; le sacrifice, enfin qui, selon st Augustin, est « toute action opérée pour adhérer à Dieu dans la sainte communion et pouvoir être bienheureux » et qu’il faut entendre avec l’affirmation d’Osée : « C’est la miséricorde que je désire et non le sacrifice ». Le CEC rappelle ici10 le devoir de l’homme de chercher la vérité (devoir qui découle de sa nature même), « surtout en ce qui concerne Dieu et son Eglise », et, quand il l’a connue, de « l’embrasser et de lui être fidèle » ainsi que son corollaire, le droit à la liberté religieuse. Vient ensuite une énumération des interdictions concernant des pratiques ou des attitudes contraires à ces attitudes de foi (la superstition ; l’idolâtrie ; la divination et la magie) ou réprouvées comme péchés d’irréligion (l’action de tenter Dieu, le sacrilège et la simonie). Le Catéchisme mentionne aussi ces phénomènes contemporains que sont l’athéisme sous ces différentes formes et l’agnosticisme. Citant Gaudium et spes (19, 3), le CEC considère les chrétiens eux-mêmes en partie responsables de ces phénomènes qui empêchent la foi de s’étendre, du fait de leurs négligences, leurs défaillances qui voilent l’authentique visage de Dieu. Deuxième commandement : « Tu ne prononceras pas le nom du Seigneur à faux » [2142 à 2167 - 25 articles] Ce commandement interdit l’abus du nom de Dieu : « Le don du nom appartient à l’ordre de la confidence et de l’intimité. Le nom du Seigneur est saint. C’est pourquoi l’homme ne peut en abuser »11. Il valorise aussi le don du nom à chacun : « Dieu appelle chacun par son nom. Le nom de tout homme est sacré. Le nom est l’icône de la personne. Il exige le respect, en 8 CEC 2084 CEC 2097 10 CEC 2014-2019 11 CEC 2143 9 3 signe de la dignité de celui qui le porte »12. Voilà qui réjouira les jeunes parents en quête de prénom pour leur bébé ! Ce commandement définit le blasphème — dire du mal de Dieu — et fustige ses pratiques : « recourir au nom de Dieu pour couvrir des pratiques criminelles, réduire des peuples en servitude, torturer ou mettre à mort. »13 Il proscrit aussi tout usage faussé de la parole : les promesses faites au nom de Dieu et non tenues (« c’est faire de Dieu un menteur ! »14), les faux serments (« Lorsqu’il est véridique et légitime, le serment met en lumière le rapport de la parole humaine à la vérité de Dieu »15). En s’appuyant sur Mt 5, 33-34. 37, le CEC nous invite à la prudence dans notre vocabulaire et à une parole vraie : « Et bien ! Moi, Je vous dis de ne pas jurer du tout (…) Que votre langage soit : « Oui ? Oui », « Non ? Non ». Troisième commandement : « Souviens-toi du jour du sabbat pour le sanctifier » [2168 à 2195 27 articles] C’est en référence au repos du Dieu qui a tout créé que ce commandement est donné aux Hébreux. Mais le CEC le lit aussi comme un « mémorial de la libération d’Israël de la servitude d’Egypte »16. Le Christ a vécu assez librement ce commandement du sabbat, ce qui lui a attiré bien des ennuis. Le CEC le cite abondamment : « Le sabbat a été fait pour l’homme et non l’homme pour le sabbat (Mc 2, 27) ; « Le Fils de l’Homme est maître du sabbat » (Mc 2, 28) ». À la suite des Hébreux et des Juifs, les catholiques respectent ce jour du Seigneur en instaurant le repos du dimanche, jour de l’eucharistie communautaire. Le jour de la résurrection est devenu « le premier de tous les jours, la première de toutes les fêtes, le jour du Seigneur, le dimanche »17. Ce repos dominical est l’un des points de la doctrine sociale de l’Église. Il contribue « à ce que tous jouissent du temps de repos et de loisir suffisant qui leur permette de cultiver leur vie familiale, culturelle, sociale et religieuse »18. C’est aussi un temps de réflexion, de silence, de culture et de méditation qui favorise la croissance de la vie intérieure et chrétienne »19. Dès les débuts du christianisme, la communauté chrétienne se rassemble régulièrement. Le CEC cite la lettre aux Hébreux (He 10, 25) — « Ne désertez pas votre propre assemblée […] mais encouragez-vous mutuellement » — et invite à nous rassembler : « La participation à la célébration commune de l’eucharistie dominicale est un témoignage d’appartenance et de fidélité au Christ et à son Eglise »20. Tu aimeras ton prochain comme toi-même Cette deuxième partie est l’occasion pour le Catéchisme de déployer tous les grands points de la doctrine sociale et morale de l’Église. Ils s’enracinent effectivement dans les commandements fondateurs de l’agir humain. 12 CEC 2158 CEC 2148 14 CEC 2147 15 CEC 2151 16 CEC 2170 17 CEC 2174 18 CEC 2184 19 CEC 2186 20 CEC 2182 13 4 Quatrième commandement : « Honore ton père et ta mère afin d’avoir une longue vie sur la terre que le Seigneur ton Dieu te donne » [2197 à 2258 - 61 articles] « Ce commandement indique l’ordre de la charité, après Dieu, ce sont nos parents que nous devons honorer »21. Exprimé sous la forme positive d’un devoir à accomplir, il annonce les suivants, plus particuliers, qui concernent le respect de la vie, du mariage, des biens terrestres, de la parole. Il comporte sa récompense puisqu’une longue vie est promise à ceux qui le respectent. Quatre longs chapitres en découlent, qui présentent la vision chrétienne de la famille. Vision à la fois désirée et très bousculée aujourd’hui, tant dans les pratiques que dans les institutions ! Elle est abordée suivant différentes perspectives : - La famille dans le plan de Dieu (« En créant l’homme et la femme, Dieu a institué la famille humaine et l’a dotée d’une constitution fondamentale »22) ; - la famille et la société (« La famille est la cellule originelle de la vie sociale […], la vie de famille est initiation à la vie en société »23, elle doit être, à ce titre, « aidée et défendue par les mesures sociales appropriées »24) ; - les devoirs des membres de la famille (« Les enfants, devenus grands, ont des responsabilités envers leurs parents »25, qui sont les « premiers responsables de l’éducation de leurs enfants, par la création d’un foyer où la tendresse, le pardon, le respect, la fidélité et le service désintéressé sont de règle »26) ; - la famille et le Royaume : les liens familiaux ne sont pas absolus, chacun est appelé par Dieu à une vocation singulière. Devenir disciple de Jésus, c’est « accepter l’invitation d’appartenir à la famille de Jésus »27. La dernière partie fait un parallèle entre le respect de l’autorité due aux parents et le respect des autorités dans la vie civile : dans la mesure où ceux qui détiennent l’autorité l’exercent dans un esprit de service et qu’ils ne font rien de contraire à la dignité humaine, nous devons les honorer. Une ligne éthique est dessinée pour le pouvoir politique : ne pas opposer l’intérêt personnel aux intérêts de la communauté et œuvrer pour le bien commun de la nation et de la communauté humaine. En retour, les citoyens doivent « contribuer au bien de la société dans un esprit de vérité, de justice, de solidarité et de liberté »28. On doit payer son impôt, exercer le droit de vote et défendre son pays. « Les pays les mieux pourvus sont tenus d’accueillir l’étranger en quête de sécurité et de ressources vitales »29. Cinquième commandement : « Tu ne commettras pas de meurtre » [2258 à 2230 - 72 articles] Nous avons là le plus long chapitre de cette partie du Catéchisme. Ce commandement est entendu sous trois acceptions : respect de la vie humaine, respect de la dignité des personnes et sauvegarde de la paix. 21 CEC 2197 CEC 2203 23 CEC 2207 24 CEC 2209 25 CEC 2218 26 CEC 2223 27 CEC 2233 28 CEC 2239 29 CEC 2241 22 5 Respect de la vie humaine « L’alliance de Dieu et de l’humanité est tissée des rappels du don divin de la vie humaine et de la violence meurtrière de l’homme »30. Or, il est des circonstances où l’interdit de tuer se révèle difficile à tenir et où le respect de la vie touche à des limites qui paraissent parfois floues. Quelles sont alors les règles de vie précises qui découlent de ce commandement qui paraît simple au premier abord ? - L’homicide volontaire est violemment rejeté : « Le meurtrier et ceux qui coopèrent volontairement commettent un péché qui crie vengeance au ciel ! »31 L’homicide involontaire ou le refus d’assister une personne en danger de mort sont eux aussi condamnés. - La légitime défense est reconnue, elle peut être « non seulement un droit mais un devoir grave pour celui qui est responsable de la vie d’autrui, du bien commun de la famille et de la cité »32. Les agresseurs qui menacent la vie d’autrui doivent être mis hors d’état de nuire, par des peines proportionnées, voire par la peine de mort qui est donc admise dans les cas extrêmes. Mais il est recommandé à la puissance publique d’utiliser en priorité des moyens non sanglants car plus conformes à la dignité humaine. - Le droit inaliénable à la vie de tout individu humain innocent constitue un élément constitutif de la société civile et de sa législation. L’avortement et l’euthanasie sont donc moralement irrecevable, quels qu’en soient les motifs et les moyens. Etant les intendants et non les propriétaires de la vie que Dieu nous a confiée, nous n’en disposons pas. Le suicide est gravement contraire au juste amour de soi et offense également l’amour du prochain parce qu’il brise injustement les liens de solidarité. Respect de la dignité des personnes Il se manifeste par l’évitement du scandale, le respect de la santé et de l’intégrité corporelle. - Le scandale est l’attitude « qui porte autrui à faire le mal » et peut l’entraîner « dans la mort spirituelle »33. Il est d’autant plus grave qu’il est causé « par ceux qui, par nature ou par fonction, sont tenus d’enseigner et d’éduquer les autres »34. - Nous avons à prendre soin raisonnablement de la vie et de la santé physique en tenant compte du bien commun. Mais la morale, si elle appelle au respect de la vie corporelle, n’en fait pas une valeur absolue et s’insurge contre le « culte » du corps. Tout usage abusif d’alcool, de tabac, de médicaments et l’usage de la drogue sont à éviter. De même les recherches ou expérimentations sur l’être humain ne peuvent légitimer des actes contraires à la dignité des personnes. - La torture, le terrorisme, les prises d’otages sont contraires au respect des personnes ainsi que les mutilations ou stérilisations forcées. Sauvegarde de la paix La paix n’est pas seulement absence de guerre, elle ne peut s’obtenir sans « la sauvegarde des biens des personnes et la libre communication entre les êtres humains »35. La colère, pouvant amener au désir de vengeance, et la haine d’autrui, contraire à la charité, s’opposent à la sauvegarde de la paix. « Chacun des citoyens et des gouvernements est tenu d’œuvrer 30 CEF 2260 CED 2268 32 CEC 2265 33 CEC 2284 34 CEC 2285 35 CEC 2304 31 6 pour éviter les guerres »36 : le CEC pose alors les conditions de la légitime défense pour les peuples, du fait de l’absence d’autorité internationale compétente et disposant de forces suffisantes. Il rappelle les règles à respecter pendant les conflits armés et condamne la course aux armements et le surarmement. Ainsi, ce cinquième commandement donne lieu à un exposé précis de la vision catholique du respect de la vie du point de vue personnel, interpersonnel, communautaire et international. Sixième commandement : « Tu ne commettras pas d’adultère » [2331 à 2400 - 69 articles] C’est en référence au premier chapitre de la Genèse que commence ce chapitre : « Dieu créa l’homme à son image, homme et femme Il les créa ». Le CEC l’affirme : « La sexualité affecte tous les aspects de la personne humaine, dans l’unité de son corps et de son âme. Il revient à chacun, homme et femme, de reconnaître et d’accepter son identité sexuelle. La différence et la complémentarité physiques, morales et spirituelles sont orientées vers les biens du mariage et l’épanouissement de la vie familiale. L’harmonie du couple et de la société dépend en partie de la manière dont sont vécus entre les sexes la complémentarité, le besoin et l’appui mutuels. »37 Est détaillé ensuite un « programme » concernant le mariage et la chasteté, exigeant dans notre société actuelle. Société de l’image et société de consommation où le corps et la sexualité ont pris une grande importance dans l’ordre de l’accès au bonheur et sont largement « exploités » — et donc « marchandisés » — par les vendeurs de toute sorte. La chasteté « La chasteté signifie l’intégration réussie de la sexualité dans la personne et par là l’unité intérieure de l’homme dans son être corporel et spirituel. »38 Elle comporte un apprentissage de la maîtrise de soi car « ou l’homme commande à ses passions et obtient la paix, ou il se laisse asservir par elles et devient malheureux »39. C’est une œuvre de longue haleine qui connaît des lois de croissance. Mais la chasteté est aussi un don de Dieu, une grâce. Elle s’épanouit dans l’amitié. Toute personne y est appelée, que ce soit dans le célibat ou la vie de couple. Sont dénoncés la pornographie, qui porte gravement atteinte à la dignité de ceux qui s’y livrent et la prostitution, qui blesse la dignité de la personne qui se prostitue et entraîne au péché celui qui paie. Elle est considérée comme un fléau social. Le viol est évidemment une grave atteinte à la justice et à la charité. L’homosexualité est pensée comme un « désordre » et une « épreuve » pour la plupart des homosexuels. Le mariage « Dans le mariage l’intimité corporelle des époux devient un signe et un gage de communion spirituelle. Entre les baptisés, les liens du mariage sont sanctifiés par le sacrement. »40 Les actes sexuels, « vécus d’une manière vraiment humaine, signifient et favorisent le don réciproque par lequel les époux s’enrichissent tous les deux dans la joie et la reconnaissance. La sexualité est source de joie et de plaisir. »41 Les couples mariés sont appelés à la 36 CEC 2308 CEC 2332 et 2333 38 CEC 2337 39 CEC 2339 40 CEC 2360 41 CEC 2362 37 7 permanence du lien : « Parce que le couple conjugal forme une intime communauté de vie et d’amour, l’alliance contractée librement leur impose l’obligation de la maintenir une et indissoluble : « Ce que Dieu a uni, l’homme ne doit point le séparer »42. La fécondité « La fécondité est un don, une fin du mariage […]. Il y a un lien indissoluble entre les deux significations de l’acte conjugal, union et procréation »43. Les époux participent ainsi à la puissance créatrice et à la paternité de Dieu. En ce qui concerne la régulation des naissances, afin de respecter le corps des époux et d’encourager la tendresse, les méthodes dites naturelles sont les seules conformes aux critères objectifs de moralité. L’enfant n’étant pas un dû mais un don, « les recherches qui visent à réduire l’infertilité humaine doivent être placées au service de la personne humaine, de son bien véritable selon le projet de Dieu ». Les couples stériles peuvent « marquer leur générosité en adoptant des enfants délaissés »44. Septième commandement : « Tu ne commettras pas de vol » [2401 à 2463 - 62 articles] Un bien long chapitre pour un court commandement ! C’est que le Catéchisme ne se contente pas de décrire les règles de respect de la propriété privée, il présente les grandes lignes de la doctrine sociale de l’Église sur le rapport à l’argent, la richesse, les relations de justice entre groupes, communautés et à l’échelle internationale et mondiale. Grand sujet donc que celui-ci pour l’agir chrétien. Le respect des personnes et de leurs biens Comment se comporter les uns avec les autres au sujet des biens et de l’usage de l’argent ? Les vertus de tempérance, de justice et de solidarité président à cet agir chrétien. Voler, retenir délibérément des biens prêtés et objets perdus, frauder dans le commerce, sont des actes assez couramment réprouvés par la morale ordinaire : ils le sont ici aussi. Mais l’exigence est plus haute encore : il s’agit de ne pas « payer d’injustes salaires », ni de « hausser les prix en spéculant sur l’ignorance ou la détresse d’autrui ». La promesse doit être tenue, le contrat respecté. Ces préceptes s’appliquent aux biens mais aussi évidemment aux personnes humaines : il est « proscrit d’asservir des êtres humains, de les acheter, les vendre, les échanger »45. Certaines de nos pratiques (sportives par exemple) sont interrogées par ces articles. La destination universelle des biens « Elle est primordiale même si la promotion du bien commun exige le respect de la propriété privée »46. Et l’homme ne doit jamais « tenir les choses qu’il possède légitimement comme n’appartenant qu’à lui, mais les regarder comme communes : en ce sens qu’elles puissent profiter non seulement à lui mais aux autres »47. Saint Jean Chrysostome nous le rappelle vigoureusement : « ne pas faire participer les pauvres à ses propres biens, c’est les voler et leur enlever la vie. Ce ne sont pas nos biens que nous détenons, mais les leurs. »48 42 CEC 2364 CEC 2366 44 CEC 2379 45 CEC 2414 46 CEC 2403 47 CEC 2404 48 CEC 2446 43 8 Nous sommes donc invités à dépasser le respect de la propriété individuelle par la notion de charité. L’activité économique et la justice sociale « Le développement de la vie économique et la croissance sont destinés à subvenir aux besoins des êtres humains »49. Beaucoup de textes d’Église ont remis en cause la dérive ultralibéraliste de l’économie de ce début de XXIe siècle et sa financiarisation excessive, qui détournent la production de biens de son objectif initial. « Le travail humain est un devoir, il honore les dons du Créateur et les talents reçus »50 affirme le CEC. Il précise : « Le travail est pour l’homme et non l’homme pour le travail »51. L’Eglise appelle les différents partenaires du monde du travail à négocier en cas de conflit dans le souci du respect des droits et des devoirs, l’Etat, lui, étant engagé dans la garantie des libertés individuelles et de la stabilité économique. Ces partenaires doivent assurer l’accès au travail, le juste salaire en fonction des besoins et des contributions de chacun, le droit de grève. Le respect de la création Le septième commandement exige le respect des biens mais aussi de la création. Si « les animaux comme les plantes et les êtres inanimés sont naturellement destinés au bien commun de l’humanité passée, présente et future »52, « la domination accordée par le Créateur à l’homme n’est pas absolue, elle est mesurée par le souci de la qualité de vie du prochain, y compris des générations à venir ». L’écologie chrétienne a donc toute sa place et en particulier le principe de précaution. Le pape François nous invite aujourd’hui à penser à frais nouveaux cette exigence. Justice et solidarité entre les nations Le septième commandement touche les relations interpersonnelles, le droit national, mais aussi les relations internationales. Chaque Etat doit contribuer à « l’effort commun pour mobiliser les ressources vers des objectifs de développement »53 et chercher à contrer les systèmes pervers qui lui font obstacle. « Les nations riches ont une responsabilité morale grave à l’égard des plus pauvres »54, d’autant plus si le « bien-être des nations riches provient de ressources qui n’ont pas été équitablement payées »55. Nous sommes ici renvoyés aux graves problèmes des conflits, souvent armés, qui résultent de l’exploitation des ressources énergétiques ou des métaux rares. Le CEC appelle à une réforme des institutions économiques et financières internationales pour qu’elles promeuvent mieux des rapports équitables avec les pays les moins avancés. Agir sur ces sujets éminemment politiques est la vocation propre des laïcs… un beau programme de pratique chrétienne ! Huitième commandement : « Tu ne témoigneras pas faussement contre ton prochain » [2464 à 2513 - 49 articles] Ce commandement nous guide sur la voie de la parole et des actes « vrais ». 49 CEC 2426 CEC 2427 51 CEC 2428 52 CEC 2415 53 CEC 2438 54 CEC 2439 55 CEC 2440 50 9 Vivre dans la vérité Dieu étant source de toute vérité, « les membres de son Peuple sont appelés à vivre dans la vérité »56. Dans nos relations, la vérité est « une rectitude de l’agir et de la parole humaine qui a pour nom : véracité, sincérité, franchise »57 sans laquelle les hommes ne pourraient pas vivre ensemble. L’usage de la parole vraie a donc des répercussions sur l’ensemble de la vie sociale et pas seulement sur la relation entre deux personnes. De plus, les offenses à la vérité (faux témoignages, parjures, calomnie etc.) « compromettent gravement l’exercice de la justice »58. Ce commandement nous interdit « de travestir la vérité dans les relations avec autrui »59. Plus encore, « le respect de la réputation des personnes interdit le jugement téméraire, la médisance et la calomnie »60. Toutefois, l’Église invite à la sagesse dans l’usage de la vérité. Chacun doit en effet garder la juste réserve à propos de la vie privée des autres. C’est ainsi que toute demande d’information et de communication n’engage aucune réponse si le bien d’autrui est menacé, et que le secret professionnel doit être gardé. Le monde des moyens de communication est interpellé sur ce sujet car l’information médiatique aussi doit être au service du bien commun. La société a droit à « une information fondée sur la vérité, la liberté, la justice et la solidarité »61. Ce rappel paraît d’actualité à l’heure ou l’information peut tourner à la dérision systématique, à la provocation ou à la recherche de sensationnel. Rendre témoignage à la vérité Le chrétien n’a pas à rougir de rendre témoignage au Seigneur (cf 2 Tim 1, 8) : « Le témoignage est un acte de justice qui établit ou fait connaître la vérité »62. Le suprême témoignage étant le martyr. Neuvième et dixième commandements : « Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain. Tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne, rien de ce qui est à ton prochain » [2514 à 2557 - 33 articles] « Selon la tradition catéchétique catholique, le neuvième commandement proscrit la concupiscence charnelle ; le dixième interdit la convoitise du bien d’autrui »63 : ainsi, ces deux commandements invitent à une purification des désirs et des pensées. Ils vont donc au-delà du jugement des actes. Le désir en soit n’est pas condamnable, ce sont les excès qui sont ici visés : « L’appétit sensible nous porte à désirer les choses agréables que nous n’avons pas. Ainsi désirer manger quand on a faim, ou se chauffer quand on a froid. Ces désirs sont bons en eux-mêmes ; mais souvent ils ne gardent pas la mesure de la raison et nous poussent à convoiter injustement ce qui ne nous revient pas »64. La concupiscence — « toute forme véhémente de désir humain »65— « provoque chez l’homme, être composé, esprit et corps, une certaine lutte de tendances entre l’“esprit” et la 56 CEC 2465 CEC 2468 58 CEC 2476 59 CEC 2464 60 CEC 2477 61 CEC 2494 62 CEC 2472 63 CEC 2514 64 CEC 2535 65 CEC 2515 57 10 “chair”. Cette lutte fait partie de l’expérience quotidienne du combat spirituel »66. Le combat paraît perdu d’avance ! Comment parvenir à cette pureté des désirs ? « La lutte contre la convoitise charnelle passe par la purification du cœur et la pratique de la tempérance »67. On retrouve cette vertu de tempérance mise à l’honneur pour l’usage des biens. Dans les Béatitudes, la recherche d’un cœur pur est assortie de la promesse de « voir Dieu face à face ». Cette pureté du cœur nous permet de « percevoir le corps humain, le nôtre et celui du prochain, comme un temple de l’Esprit Saint, une manifestation de la beauté divine »68. Si le baptême confère la grâce de la purification, la lutte contre la concupiscence est de tous les instants. Mais, avec la grâce de Dieu, le baptisé peut y parvenir. Ses moyens : la prière, l’exercice des vertus, la chasteté, la pureté du regard et des intentions, « chercher en toute chose à accomplir la volonté de Dieu »69. Un moyen complémentaire est de combler les désirs humains par les dons de Dieu, car « La grâce instruit des désirs de l’Esprit Saint qui rassasient le cœur de l’homme »70. Nous voilà à la fin de ce parcours dans les dix commandements tels qu’ils sont présentés dans le Catéchisme. Peut-être pouvons-nous avoir la sagesse et l’humilité de considérer ces dix paroles ancestrales comme nous indiquant des voies, parfois très larges, parfois très étroites, pour vivre pleinement notre vie d’homme aujourd’hui. Jésus ne les a pas abolis mais nous les présente comme accomplis par sa venue, sa vie, sa mort, sa résurrection et résumés dans le double commandement de l’amour : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur et ton prochain comme toi-même ». Ce sont des lignes de force pour notre agir d’homme, toujours à réinterpréter selon les temps nouveaux et avec comme référence dernière la conscience de chacun qui lui permet de discerner à leur lumière, et en fonction de chaque situation, ce qui est le meilleur et conduira vers plus de vie... « Le sabbat est fait pour l’homme et non pas l’homme pour le sabbat ! » 66 CEC 2516 CEC 2517 68 CEC 2519 69 CEC 2520 70 CEC 2541 67 11