Les aminosalicylates réduisent-ils le risque de cancer chez les
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Les aminosalicylates réduisent-ils le risque de cancer chez les
mici Les aminosalicylates réduisent-ils le risque de cancer chez les malades porteurs d’une RCH ? (II) ce qu’il faut retenir Chez les malades qui présentent une RCH, les 5-aminosalicylates semblent avoir un effet préventif sur la survenue d’un CCR. Cependant les études sont toutes rétrospec- Niveau de preuve L 2 e cancer colo-rectal (CCR) est l’une des complications les plus sérieuses de la RCH. Le risque de CCR devient significatif après 8 à 10 ans d’évolution et on estime qu’après 40 ans d’évolution, 25 à 30 % des malades qui présentent une pancolite développent un CCR (1). Le risque est encore plus important chez les malades qui présentent une cholangite sclérosante primitive, les fumeurs, ceux qui présentent une carence en vitamine B9, ainsi que ceux qui ont des antécédents familiaux de CRC. Ce risque de CCR justifie la réalisation de colonoscopies et de biopsies de surveillance chez les malades qui ont une colite étendue qui évolue depuis plusieurs années. Plusieurs études expérimentales et épidémiologiques suggèrent que les antiinflammatoires non stéroïdiens et l’acide acétyl-salicylique réduisent le risque CCR sporadique. Il est donc logique de s’interroger sur le rôle préventif des aminosalicylates, largement utilisés en traitement d’attaque et d’entretien de la RCH, sur la survenue d’un CCR chez les malades porteurs d’une RCH. Des travaux expérimentaux réalisés chez l’homme et chez l’animal suggèrent que le 5ASA pourrait avoir un effet sur la carcinogenèse colique (2). D’autre part, plusieurs études cas-témoins sont en faveur d’un effet préventif des 5aminosalicylates. En 1994, Pinczowski et al. ont comparé 102 sujets porteurs d’une RCH compliquée d’un CCR à 196 sujets contrôles appariés (3). tives et portent sur un faible nombre de malades. Une étude de plus grande ampleur est nécessaire pour confirmer ces résultats. Ils ont, pour la première fois, démontré que les aminosalicylates exerçaient un effet protecteur (RR = 0,38 ; IC 95 % : 0,20-0,69). L’analyse multivariée confirmait que l’effet protecteur était indépendant de l’activité de la RCH, ce qui suggérait un effet propre des aminosalicylates. Dans une autre étude (4), les auteurs ont comparé rétrospectivement des malades porteurs d’une RCH depuis plus de dix ans compliants à la sulfasalazine à ceux qui ne l’étaient pas. Chez les malades compliants, 3 % ont développé un CCR contre 31 % des malades non compliants (p < 0,001). Une étude récente de Eaden et al. (5) a comparé 102 malades avec un CCR à des malades appariés sans CCR. Un traitement par la mésalazine à une posologie supérieure à 1,2 g/j réduisait le risque Tableau. Risque relatif de cancer colo-rectal en fonction du type de traitement et de la posologie. D’après Eaden et al. (2, 5). Traitement 5ASA Dose Risque Intervalle de relatif confiance (95 %) P Toute dose 0,25 0,13-0,48 < 0,00001 M salazine < 1,2 g/j 0,08 0,08-0,85 0,04 M salazine > 1,2 g/j 0,09 0,03-0,28 < 0,00001 Sulfasalazine < 2 g/j 0,56 0,17-1,84 0,34 Sulfasalazine < 2 g/j 0,41 0,18-0,92 0,03 0,40 0,04-3,58 0,41 Olsalazine/ balsalazide Toute dose La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 6 - vol. VI - novembre-décembre 2003 251 Evidence-based medicine de cancer de 81 % (tableau). Deux études présentées récemment au congrès de l’American Gastroenterological Association, en 2003, apportent des résultats contradictoires. Dans la première (6), 26 sujets présentant une RCH compliquée de dysplasie (n = 18) ou de CCR (n = 8) ont été appariés à 96 malades atteints de RCH sans dysplasie ni cancer. La prise régulière de 5ASA à une posologie supérieure à 1,2 g/j réduisait significativement le risque de dysplasie ou de CCR (RR 0,28 ; IC 95 % : 0,09-0,85). Dans la seconde (7), 25 malades présentant un CCR compliquant une maladie de Crohn (n = 14) ou une RCH (n = 11) ont été comparés à 347 sujets appariés. Vingt-quatre pour cent des malades avec CCR prenaient un traitement par 5ASA contre 34 % des sujets du groupe contrôle (NS). Si la dose moyenne utilisée semblait suffisante pour exercer un effet antiprolifératif (2,3 g/j chez les sujets atteints contre 1,8 g/j chez les patients contrôles), la durée faible de l’exposition au traitement (420 jours en moyenne dans les deux groupes) pourrait expliquer ce résultat négatif. Enfin, une dernière étude présentée à ce même congrès, malheureusement là encore rétrospective, suggère que chez des malades qui bénéficient d’une surveillance endoscopique régulière, la prise de 5ASA à plus de 2,4 g/j ralentit l’évolution de la dysplasie vers le CCR (8). En conclusion, à côté des arguments expérimentaux, des travaux épidémiologiques suggèrent que les 5-aminosalicylates ont un effet préventif sur la survenue d’un CCR chez les malades qui présentent une RCH. Cependant, les études sont toutes rétrospectives et portent sur un faible nombre de malades. Une étude de plus grande ampleur est nécessaire pour confirmer ces résultats. R É F É R E N C E S 1. Ransohoff DF. Colon cancer in ulcerative colitis. Gastroenterology 1988 ; 94 : 1089-91. 2. Eaden J. Review article : the data supporting a role for aminosalicylates in the chemoprevention of colorectal cancer in patients with inflammatory bowel disease. Aliment Phamacol Ther 2003 ; 18 : 15-21. 3. Pinczowski D, Ekhom A, Baron J et al. Risk factors for colorectal cancer in patients with ulcerative colitis : a case-control study. Gastroenterology 1994 ; 107 : 117-20. 4. Moody GA, Jayanthi V, Probert CSJ et al. Long term therapy with sulphasalazine protects against colorectal cancer risk and compliance with treatment in Leicestershire. Eur J Gastroenterol Hepatol 1996 ; 8 : 1179-83. 5. Eaden JA, Abrams K, Ekbom A et al. Colorectal cancer prevention in ulcerative colitis : a case-control study. Aliment Phamacol Ther 2000 ; 14 : 145-53. 6. Rubin DT, Djordjevic A, Huo D et al. Use of 5-ASA is associated with decreased risk of dysplasia and colon cancer in ulcerative colitis. Gastroenterology 2003 ; 124 : A-36 (abstract 279). 7. Bernstein CN, Metge C, Blanchard JF et al. Does the use of 5-aminosalicylates in inflammatory bowel diseases prevent the development of colorectal cancer ? Gastroenterology 2003 ; 124 : A-36 (abstract 280). 8. Ullman T, Croog V, Harpaz N et al. Preventing neoplastic progression in ulcerative colitis : role of mesalazine. Gastroenterology 2003 ; 124 : A-242 (abstract S1662). Autres ? uestions non résolues ! Tous les salicylates ont-ils le même effet ? ! Au bout de combien de temps d’exposition au traitement les salicylates diminuent-ils le risque de CCR ? ! Les salicylates sont-ils capables de faire régresser une dysplasie de bas grade ou indéterminée ? 252 La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 6 - vol. VI - novembre-décembre 2003