conversation Fevrier 2009 Ch`ti

Transcription

conversation Fevrier 2009 Ch`ti
Soirée de conversation de la Bibliothèque française à Speyer
09.02.2009
Agnès Wittner / Anna Zotova
Le Ch’ti
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Le picard est une langue dont les origines sont communes avec celles du français ; c’est donc une
langue romane. Il est parlé en France dans le Nord-Pas-de-Calais et en Picardie ainsi que dans
l’ouest de la Belgique romane.
Dans la région Picardie, on parle de « picard », alors qu’on emploie plutôt les sobriquets ch’ti, ch’timi
dans le Nord-Pas-de-Calais (et rouchi dans la région de Valenciennes) même si les gens du Nord
parlent entre eux simplement de patois. Les linguistes emploient uniquement la désignation de
« picard ». En effet, qu’on l’appelle patois, picard ou « ch’ti », il s’agit de la même langue, et les
variétés qui sont parlées en Picardie, dans le Nord-Pas-de-Calais ou en Belgique sont assez
largement compréhensibles entre elles.
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Le mot « ch'ti » ou « ch'ti mi », a été inventé durant la Première Guerre mondiale par des poilus qui
n’étaient pas de la région et désignaient ainsi leurs camarades originaires du Nord ou du Pas-deCalais L'expression serait la résultante du mot "chti",forme de l'ancien démonstratif picard "chesti" et
de "imi" signifiant "toi et moi".
Selon une autre hypothèse, l'appellation "chti/chtimi" serait le fruit d'un renversement sémantique
ancien de l'ancien français ch(e)ti(f) < lat. captivu(m), "prisonnier", "asservi", "malheureux",
"souffreteux", "chétif", "misérable" dans tous les sens du terme, donc aussi "pauvre type", "bon à rien",
"racaille", "voyou". Selon un procédé classique, commun aux Gueux, aux Enragés et aux Enfoirés, les
petites gens, par dérision et provocation, auraient repris ce terme de mépris aux puissants du pays,
plus ou moins francisés, pour s'en faire un titre de gloire et un marqueur culturel et social.
Té vas comprinde pourquoi qu'in a app'lé ches soldats du Nord, pindant l' guerre 1914-1918, des
CH'TIMI, : parc'qu'i metottent grammint de CH à l' plache d'autes lettes, et puis MI à la place de MOI
In G ou C à l' fin d'un mot, cha d'vient CH in picard :
un garage : un garache
ma nièce : em' nièche
une puce : eun' puche
In met CH aussi à l' plache de S ou bin de SS
Chasser : cacher
une sorcière : eun' chorchelle.
Dors, min p’tit quinquin de Desrousseaux
L'Canchon Dormoire, berceuse qui, appelée le P'tit Quinquin, va rapidement devenir célèbre.
Alexandre Desrousseaux (1820-1892), enfant du quartier Saint-Sauveur, fils d'un passementier qui
court les bals avec un violon pour boucler son budget, est plongé totalement dans le milieu populaire
dont il partage les peines et les joies. Amoureux de la musique, poète à ses heures, n'imagine-t-il pas
de lancer "la comédie gratis" pour le carnaval! Il regarde, et il voit. Il sait alors traduire dans le langage
de tous les jours, celui de l'usine et celui du quartier, la vie du peuple de Lille. "J'aime les petits, les
pauvres, les souffrants..." C'est en 1853 que paraît l'Canchon Dormoire", "Le P'tit Quinquin", tout de
suite adoptée par tous, une berceuse qui fera, elle aussi le tour du monde. Desrousseaux qui était à la
mairie employé aux contributions, est bien le chef de file des chansonniers patoisants dont le Caveau
lillois garde fièrement la mémoire. Il a laissé plusieurs centaines de chansons qui sont autant de mises
en scène de petits faits qui en disent beaucoup sur les mœurs populaires dans les Flandres du XIXe
siècle. Relisez les vers du "P'tit Quinquin" et vous comprendrez vite pourquoi tout un peuple s'est
reconnu dans ce texte simple, chaleureux et si efficace. Avant la Seconde guerre Mondiale cette
berceuse servait de générique à Radio-Lille.
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Ref : Dors min p'tit Quinquin, (mot d’affection)
min p'tit pouchin (poussin), min gros rojin.(raisin, mot tendre)
Te m' fras du chagrin si te n' dors point ch' qu'à d'main.
Ainsi l'aut' jour, eun pauv' dintelière, (dentellière)
En amiclotant (en berçant) sin p'tit garchon
Qui d'puis tros quarts d'heure, n'faijot que d'braire (pleurer),
Tâchot d' l'indormir par eun' canchon.(chanson)
Ell' li dijot, min Narcisse,
D'main t'aras du pain d'épice,
Du chuc (sucre)à gogo,
Si qu' t'es sache (sage) et qu' te fais dodo.
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Et si te m'laich eun'bonn' semaine,
J'irai dégager tin biau sarau, (blouse)
Tin patalon d'drap, tin gilet d'laine
Comme un p'tit milord te s'ras farau (bien mis)
J't'acaterai (je t’acheterai) l'jour de l'ducasse (fête locale)
Un porichinel cocasse,
Un turlutu,
Pour juer l'air du capiau-pointu. (chapeau pointu)
Nous irons dins l'cour (dans la ruelle) Jeannette-à-Vaques,
Vir (voir) les marionnett's. Comme te riras,
Quinque t'intindras dire : un doup (sou) pou' Jacques (nom de Polichinelle)
Pà l'porichinel' qui parl' magas. (qui zézaye)
Te li mettra din s'menotte,
Au lieu d'doupe, un rond d'carotte,
Y t'dira merci !
Pins' (pense) comme nous arons du plaiji' !
Et si par hasard sin maite (maitre) s'fâche,
Ch'est alors Narcisse; que nous rirons!
sans n'avoir invi', j'prindrai m'nair mache (méchant)
J'li dirai sin nom et ses sournoms,
J'li dirai des faribolles
I m'in répondra des drôles;
Infin un chacun
Vera deux pesta'c (spectacles) au lieu d'un
Allons serr' tes yeux, dors min bonhomme.
J' vas dire eun' prière à P'tit-Jésus
Pou' qui vienne ichi, pindint tin somme,
T' fair' rêver qu' j'ai les mains pleines d'écus,
Pour qu'i t'apporte eun' coquille, (gâteau offert à Noel, brioche)
Avec du chirop qui guile (coule)
Tout l' long d' tin minton (menton)
Te t' pourlèqu'ras tros heur's ed' long !