2012 cadre dirigeant - Guide de l`employeur
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2012 cadre dirigeant - Guide de l`employeur
Les directeurs d’établissements sanitaires et sociaux sont-ils « cadres dirigeants » ? La question du statut juridique des directeurs d’établissements sociaux, médico-sociaux et sanitaires est ancienne. Elle a été portée à son paroxysme avec les 35 heures. Les directeurs devaient-ils réduire leur temps de travail ? Si oui, cela signifiait clairement qu’ils n’étaient pas cadres dirigeants. En cas de réponse négative, ils ne pouvaient pas ouvrir droit au bénéfice des « aides Aubry ». On a donc vu des pratiques très différentes selon les associations ; dans certaines tous les cadres de direction étaient considérés comme dirigeants, dans d’autres tous les cadres étaient soumis à la durée légale du travail, y compris le directeur général ! Les accords 35 heures conclus au niveau des conventions collectives 51 et 66 ont apporté des réponses pour le moins ambigües. Pour mémoire, l’article 7 de l’avenant 99-01 de la CCN 51 précisait que « les cadres dirigeants n’étaient pas soumis à un horaire de travail et relevaient d’un forfait tous horaires » tout en indiquant « qu’ils bénéficiaient, au titre de contrepartie de la RTT de 18 jours ouvrés de repos annuels supplémentaires ». La question qui s’est posée il y a plus de 10 ans est plus que jamais d’actualité avec les dernières décisions de la cour de cassation. 1. LE CADRE DIRIGEANT 1.1. Définition du cadre dirigeant La loi du 19 janvier 2000 définit trois catégories de cadre, les cadres dirigeants, les cadres intégrés et … les autres. L’article L.3111-2 du code du travail définit comme cadres dirigeants « les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique : - une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, - qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome - et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement. » Les trois conditions doivent être cumulativement réunies. La cour de cassation a précisé récemment1 que seuls pouvaient être qualifiés de cadres dirigeants les cadres qui participent « à la direction de l’entreprise »2. 1 Cass. soc. 31 janvier 201, Sté Bruno Saint-Hilaire c/ Russias © réseau Uniopss-Uriopss / Site Guide de l’employeur / ‘Zoom sur’ / février 2012 1 Les directeurs d’établissements sanitaires et sociaux sont-ils « cadres dirigeants » ? La qualité de cadre dirigeant ne requiert pas l’existence d’un accord particulier entre l’employeur et le salarié. En effet, cette qualification est d’ordre public et s’impose aux parties. 1.2. Le régime du cadre dirigeant Les cadres dirigeants sont expressément exclus des dispositions légales et réglementaires concernant : - la durée du travail, les heures supplémentaires (y compris les durées maximales quotidienne et hebdomadaire), - les astreintes3, - le travail de nuit, les repos quotidien et hebdomadaire - les jours fériés - la journée de solidarité. Ils bénéficient, en revanche, des dispositions concernant les congés payés, les congés pour événements familiaux, l'interdiction d'emploi avant et après l'accouchement, les congés non rémunérés, le compte épargne-temps, l'hygiène et la sécurité et la médecine du travail. Qu’en est-il des professionnels de direction du secteur sanitaire et social ? 2. LE DIRECTEUR D’UN ÉTABLISSEMENT SANITAIRE ET SOCIAL EST-IL CADRE DIRIGEANT ? Il convient de vérifier si les conditions légales sont remplies. 2.1. La qualification au regard des critères légaux De manière générale, les critères d’autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et de rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés sont satisfaits. La question est plus complexe pour ce qui est de savoir si les directeurs « sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome », d’autant que la cour de cassation a précisé que la cadre dirigeant « devait participer à la direction de l’entreprise ». 2 Devraient être concernés les directeurs siégeant au comité de direction ou participant à la prise de décisions stratégiques, les autres membres du comité de direction ayant une totale latitude dans leur domaine d'activité et les cadres exerçant dans leurs domaines respectifs toutes les prérogatives de l'employeur sans avoir à solliciter des autorisations préalables et assumant en contrepartie, par délégation implicite, la responsabilité pénale du chef d'entreprise. Cette catégorie, plus étroite que celle des cadres supérieurs, serait ainsi limitée à un très petit nombre de personnes, constituant le premier cercle de pouvoir autour du chef d'entreprise. Il résulte de ce qui précède que tous les cadres placés à la tête d'un service ne sauraient être considérés ipso facto comme des cadres dirigeants (Rapport AN 1826 p. 162). 3 A noter que les directeurs bénéficient de l’indemnisation des astreintes contrairement à la loi (art. 0507-2 de la CCN 51, accord de branche Unifed 2005-04) © réseau Uniopss-Uriopss / Site Guide de l’employeur / ‘Zoom sur’ / février 2012 2 Les directeurs d’établissements sanitaires et sociaux sont-ils « cadres dirigeants » ? Pour autant, participer à la direction de l’entreprise ne signifie pas « diriger l’entreprise ». Cette précision est fondamentale car le cadre dirigeant est, et doit rester, salarié, soumis par un lien de subordination à l’employeur et son représentant. Dans les associations de manière générale et dans les associations sanitaires et sociales spécialement, les modalités de direction de l’entreprise associative sont encadrées. - Le projet associatif doit définir notamment les modalités de « gouvernance » de l’association. La gouvernance doit s’entendre de l’organisation et des modalités de contrôle du pouvoir de direction de l’association mais également des relations des dirigeants bénévoles avec les professionnels de direction. - Le code de l’action sociale et des familles oblige les gestionnaires d’établissements sociaux et médico-sociaux à élaborer un document unique de délégation (DUD). Ce document a pour objet de préciser les compétences et les missions confiées par délégation aux professionnels chargés de la direction. Ces éléments permettront d’éclairer l’autonomie de décision du directeur et son degré de participation à la direction de l’entreprise. 2.2. Les points de vigilance Si le directeur peut être qualifié de cadre dirigeant, il faudra cependant rester très vigilant car les « chausses trappes » sont nombreux. • Le cadre dirigeant n’est pas « dirigeant de fait » de l’association Le dirigeant de fait est celui qui, sans être le représentant légal, exerce un réel pouvoir de direction de l’association. C’est celui qui prend les décisions majeures, qui décide des investissements, des recrutements ou des licenciements des personnels. Dans la pratique, ce sera le cas d’un directeur qui décide seul, qui ne rend pas compte aux organes de l’association, laquelle association ne fonctionne plus dans le respect des statuts, ne réunit plus le Conseil d'administration ou le bureau. Le risque se situe à plusieurs niveaux si la dirigeance de fait est reconnue : - Sur le plan fiscal, la gestion pourra être considérée comme intéressée, ce qui aura pour effet de soumettre l’association aux impôts commerciaux, - pour le dirigeant de fait, sa responsabilité personnelle pourra être engagée en cas de mauvaise gestion - le dirigeant de fait ne bénéficie pas du statut protecteur des salariés et notamment du droit du travail Il sera donc impératif que le directeur comme les dirigeants bénévoles identifient très clairement leurs domaines d’intervention et respectent les attributions respectives de chacun. • Mention du contrat de travail Si le contrat de travail ne doit pas nécessairement mentionner la qualité de cadre dirigeant du directeur, il doit toutefois être très précis sur la question de la durée du travail. En effet, si le contrat © réseau Uniopss-Uriopss / Site Guide de l’employeur / ‘Zoom sur’ / février 2012 3 Les directeurs d’établissements sanitaires et sociaux sont-ils « cadres dirigeants » ? « mentionne un quelconque horaire de travail »4, le salarié concerné ne pourra pas être considéré comme cadre dirigeant. Il en va de même avec le bulletin de paie. La mention sur la bulletin de paie d’une durée de travail de base pourra être considérée comme contraire au statut de cadre dirigeant. En conclusion, l’interprétation très restrictive de la notion de cadre dirigeant adoptée par la Cour de Cassation doit conduire les dirigeants associatifs à la plus grande prudence. Cette qualification doit être réservée à un groupe très restreint de dirigeants professionnels qui, s’ils participent à la direction de l’entreprise associative ne doivent pas, pour autant, devenir dirigeants de l’association. Un équilibre des plus délicat à trouver !!! …. 4 Cass. soc. 30 novembre 2011, Boyer c/ Sté Vitauto © réseau Uniopss-Uriopss / Site Guide de l’employeur / ‘Zoom sur’ / février 2012 4