Douleur et gonflement brutal du genou suite à un tacle au football
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Douleur et gonflement brutal du genou suite à un tacle au football
Q U E S T I O N S D E S P O R T Douleur et gonflement brutal du genou suite à un tacle au football ● P. Le Goux*, X. Chevalier** Un joueur amateur de 35 ans, de bon niveau, se remet à jouer en vétéran au football. Sur un tacle un peu appuyé d’un adversaire, il ressent une violente douleur au genou avec un gonflement rapide. Il dit que son genou a vrillé. ➤ Quelles recommandations à chaud sur le terrain ? Le gonflement rapide du genou constitue un signe de gravité d’une entorse du genou. Il peut, notamment, signer un hématome intra-articulaire lié à une rupture du ligament croisé antérieur (LCA). Dans de telles circonstances, le joueur est souvent incapable de reprendre le match et regagne péniblement le vestiaire en se mettant une poche de glace sur le genou. ➤ Vous voyez le patient le soir même : l’examen est difficile en raison de la douleur. Que préconisez-vous ? ✂ Ce patient est difficile à examiner en raison de la douleur, mais aussi du gonflement du genou. Bien que la ponction ait une valeur d’orientation, notamment en cas d’hémarthrose, en pratique, ce geste est loin d’être systématique. On peut examiner et faire le bilan lésionnel du genou dans de meilleures conditions 48 h ou 72 h après le traumatisme (à J3 par exemple). Devant une entorse apparemment grave, il convient, dans l’immédiat, de placer le genou au repos dans une attelle d’extension, avec de la glace, et, éventuellement, de prescrire au Ligaments croisés du genou patient des AINS. * Rhumatologue, médecin du sport, médecin de la FFT, attaché à l’hôpital Ambroise-Paré, Boulogne. ** Chef du service de rhumatologie, hôpital Henri-Mondor, Créteil. La Lettre du Rhumatologue - n° 295 - octobre 2003 Le seul examen complémentaire à pratiquer en urgence est la radiographie du genou de face et de profil à la recherche d’une fracture-avulsion du massif des épines tibiales (insertion du LCA), qui ferait envisager une attitude chirurgicale. D’autres lésions osseuses peuvent être vues radiographiquement, témoignant d’une possible atteinte du LCA : fracture de Segond ou arrachement d’un petit fragment osseux du rebord tibial externe par étirement du plan ligamentaire externe, fracture-tassement du condyle externe résultant de “l’impaction” du condyle externe contre le rebord postérieur du plateau tibial externe. ➤ Quelle lésion anatomique faut-il rechercher ? La première préoccupation chez un patient footballeur de 35 ans est la recherche d’une rupture du LCA. Le signe d’examen pathognomonique est le signe de Lachman (tiroir antérieur du genou en position proche de l’extension à 30° de flexion). Il faut essayer d’analyser le mécanisme lésionnel dans ce sport de pivot : rotation interne forcée du segment jambier sous le fémur, valgus flexion-rotation externe appuyé par l’adversaire, mécanisme de lésion isolée en extension forcée du genou sans contact. Il convient de rechercher des lésions ligamentaires périphériques (LLI ou LLE) pouvant se manifester par un flessum. Dans ces entorses graves, il faut également évoquer une lésion méniscale (douleur localisée de l’interligne, déficit d’extension du genou), associée ou non à la rupture du LCA. Signe de Lachman 43 U E S T I O N S D E S P O R T Anatomiquement, on distingue des lésions verticales typiquement traumatiques et des lésions horizontales ou clivages. On peut également observer des désinsertions périphériques en zone vascularisée qui nécessitent éventuellement un traitement relativement urgent, de même qu’une anse de seau luxée entraînant un blocage complet du genou. Enfin, il ne faut pas oublier les lésions ostéochondrales associées fréquemment aux lésions ligamentaires dans les entorses du genou et qui peuvent se manifester par des douleurs, des blocages, ou par un épanchement à distance du traumatisme. ➤ La radiographie effectuée 48 h après le trauma- tisme est normale, mais le genou reste douloureux. Préconisez-vous la pratique d’une IRM ? Contrairement à la radio, la demande d’IRM lors d’un traumatisme du genou, sauf exception, n’est pas urgente la plupart du temps, même si une rupture du LCA est suspectée cliniquement. Ici, le patient conserve une douleur qui peut évoquer une douleur ligamentaire périphérique (LLI par exemple) ou une lésion ménisco-cartilagineuse. L’IRM est alors utile pour détecter certaines lésions et réaliser le bilan lésionnel global du genou. À l’issue de cet examen et en confrontant les résultats aux données cliniques, le praticien peut clairement définir une attitude thérapeutique. ➤ L’examen clinique et l’IRM montrent une lésion du ménisque interne et confirment une rupture du LCA : que préconisez-vous sur le plan thérapeutique ? L’attitude thérapeutique est ici guidée en premier lieu par la rupture du LCA et par sa reconstruction, qui doit être proposée à cet âge chez un patient motivé ayant des prétentions sportives. La stabilisation de son genou devrait permettre à ce patient de poursuivre de façon satisfaisante un sport de pivot comme le football. L’attitude vis-à-vis de la lésion méniscale est fonction du type de lésion : abstention, méniscectomie ou suture. Mais “l’économie méniscale” doit primer, et on doit à tout prix éviter une méniscectomie sur un genou instable sous peine d’entraîner une détérioration cartilagineuse compartimentaire, voire, dans certains cas, une chondrolyse (toute méniscectomie même partielle, est arthrogène). D’autre part, le geste de reconstruction ligamentaire favorise probablement la cicatrisation de la lésion méniscale, l’abstention vis-à-vis de celle-ci étant souvent de mise. La suture ou réinsertion méniscale, dans certains cas, est une option possible, qui sera réalisée dans le même temps que l’intervention ligamentaire. Quant à la méniscectomie, geste actuellement le plus pratiqué, elle ne peut être réalisée qu’avec prudence sur un genou totalement stable ou indemne de lésion du LCA. Dans ce cadre, les lésions verticales de type traumatique en zone non vascularisée, et, comme ici, touchant le ménisque interne, sont les meilleures indications thérapeutiques. ■ 44 L ’ E S S E N T I E L 1. Recommandations en urgence : gonflement rapide et immédiat du genou lors du traumatisme = signe d’entorse grave = hématome intra-articulaire par rupture du LCA. 2. Le genou est vu après le match : ➔ ponction possible, diagnostic d’hémarthrose ➔ laisser le genou au repos dans une attelle, appliquer de la glace et réexaminer 48 ou 72 h après ➔ un seul examen complémentaire est urgent : la radio, pour détecter une fracture-avulsion des épines tibiales, et une fracture de Segond. 3. La lésion anatomique à rechercher en priorité est l’atteinte du LCA, pivot central du genou, (voir schéma du genou) ➔ établir le mécanisme lésionnel ➔ poser un diagnostic clinique +++ = signe de Lachman = tiroir antérieur en extension (voir schéma Lachman) ➔ rechercher les autres signes associés : laxité des ligaments latéraux, lésion méniscale (interligne), lésion ostéochondrale. 4. Si la radio est normale, l’IRM peut : ➔ confirmer la rupture du LCA et détecter les lésions méniscales et des plans ligamentaires latéraux ➔ retrouver des lésions osseuses par contusion (œdèmes) et/ou des lésions ostéochondrales. 5. Diagnostic retenu = rupture complète du LCA + lésion méniscale traumatique ➔ sportif jeune de bon niveau : reconstruire le LCA ➔ appliquer le principe de l’économie méniscale si le genou est instable (cicatrisation spontanée méniscale par réparation du LCA, suture ou réinsertion méniscale dans le même temps opératoire) ➔ la méniscectomie n’est autorisée que sur un genou totalement stable, mais reste toujours un geste arthrogène. ✂ Q La Lettre du Rhumatologue - n° 295 - octobre 2003