Autour de Halloween – niveau 6 /5 Paroles de sorcières

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Autour de Halloween – niveau 6 /5 Paroles de sorcières
Autour de Halloween – niveau 6e/5e
Paroles de sorcières !
Sacrées sorcières, de Roald Dahl
Dans les contes de fées, les sorcières portent toujours de ridicules chapeaux et des manteaux noirs, et
volent à califourchon sur des balais.
Mais ce livre n’est pas un conte de fées.
Nous allons parler des vraies sorcières, qui vivent encore de nos jours. Ouvrez grand vos oreilles, et
n’oubliez jamais ce qui va suivre. C’est d’une importance capitale. Voici ce que vous devez savoir sur les
vraies sorcières :
Les vraies sorcières s’habillent normalement, et ressemblent à la plupart des femmes. Elles vivent dans
des maisons, qui n’ont rien d’extraordinaire, et elles exercent des métiers tout à fait courants.
Voilà pourquoi elles sont si difficiles à repérer !
Une vraie sorcière déteste les enfants d’une haine cuisante, brûlante, bouillonnante, qu’il est impossible
d’imaginer. Elle passe son temps à comploter contre les enfants qui se trouvent sur son chemin. Elle les
fait disparaître un par un, en jubilant. Elle ne pense qu’à ça, du matin jusqu'au soir. Qu’elle soit caissière
dans un supermarché, secrétaire dans un bureau ou conductrice d’autobus.
Son esprit est toujours occupé à comploter et conspirer, mijoter et mitonner, finasser et fignoler des
projets sanglants.
« Quel enfant, oui, quel enfant vais-je passer à la moulinette ? » pense-t-elle, à longueur de journée.
Une vraie sorcière éprouve le même plaisir à passer un enfant à la moulinette qu’on a du plaisir à manger
des fraises à la crème. Elle estime qu’il faut faire disparaître un enfant par semaine ! Si elle ne tient pas ce
rythme, elle est de méchante humeur. Un enfant par semaine, cela représente cinquante-deux enfants par
an !
Un tour, deux tours de moulinette, et hop !... plus d’enfant !
Telle est la devise des sorcières. (…)
Heureusement, il n’y a plus beaucoup de sorcières, de nos jours. Mais il en reste suffisamment pour vous
donner le frisson. En Angleterre, il y en a probablement une centaine. Certains pays en ont plus, d’autres
beaucoup moins. Mais aucun pays du monde n’est à l’abri des sorcières. (…)
Maintenant, vous savez que votre voisine de palier peut être une sorcière. (…)
Toutes les femmes, ou plutôt toutes les sorcières, se figèrent soudain sur leurs sièges, les yeux hagards,
hypnotisées. Une autre femme venait d’apparaître sur l’estrade. D’abord, je remarquai la taille de cette
créature. Elle était vraiment minuscule, pas plus haute que trois pommes ! Elle semblait très jeune,
environ vingt-cinq ou vingt-six ans, et elle était très jolie.
Elle portait une longue robe noire, très élégante, qui lui arrivait jusqu’aux pieds, et des gants noirs qui lui
remontaient jusqu’aux coudes. Contrairement aux autres, elle n’avait pas de chapeau.
D’après moi, elle ne ressemblait pas du tout à une sorcière, pourtant, elle l’était à coup sûr. Sinon, que
fabriquait-elle sur cette estrade ? Et pourquoi diable les autres sorcières la regardaient-elles avec ce
mélange d’adoration et de crainte ?
La jeune femme leva lentement les bras jusqu’à son visage. Je vis ses mains gantées défaire quelque
chose, derrière les oreilles et soudain… elle attrapa ses joues et son joli visage lui resta entre les mains !
Elle portait un masque !
Elle le posa sur une petite table. Elle était alors de profil. Puis elle se retourna et nous fit face.
Je faillis pousser un cri. Jamais je n’avais vu visage si terrifiant, ni si effrayant ! Le regarder me donnait
des frissons de la tête aux pieds. Fané, fripé, ridé, ratatiné. On aurait dit qu’il avait mariné dans du
vinaigre. Affreux, abominable spectacle. Face immonde, putride et décatie. Elle pourrissait de partout,
dans ses narines, autour de la bouche et des joues. Je voyais la peau pelée, versicotée par les vers,
asticotée par les asticots… Et ses yeux qui balayaient l’assistance… Ils avaient un regard de serpent !
Parfois, quand quelque chose est trop terrifiant, on se sent fasciné et l’on ne peut en détacher le regard.
J’étais subjugué, anéanti, réduit. L’horreur de ses traits m’hypnotisait.
Je compris aussitôt que cette femme était la Grandissime Sorcière en personne. Pas étonnant qu’elle porte
un masque ! Elle n’aurait jamais pu se promener dans une foule ni retenir une chambre dans un hôtel.
N’importe qui, en la voyant, se serait enfui en hurlant.
Autour de Halloween – niveau 6e/5e
Paroles de sorcières !
Les sorcières sont N.R.V, de Yak Rivais
« La petite sorcière »
Il était une fois une petite sorcière qui aurait aimé être bonne. Mais chaque fois qu’elle essayait
de faire le bien, elle déclenchait une catastrophe.
Un jour, elle vit dans la forêt un méchant ogre qui s'apprêtait à dévorer un petit garçon.
D'ordinaire, les ogres et les sorcières sont amis. Mais la petite sorcière s'émut à la pensée que le
petit garçon serait mangé. Elle cria sa formule magique et Plouf! Plouf! Patatras! L’ogre devint
un ananas. Hélas! Le petit garçon se jeta sur le fruit et le dévora! La petite sorcière était
malheureuse car elle détestait faire le mal, et elle venait malgré elle de faire périr un ogre !
Elle revint lentement dans sa maison. Elle sanglotait: jamais je ne réussirai à être bonne, c'est
trop difficile !
A quelque temps de là, le fils du roi vint visiter la ville. On fit savoir à son de trompe qu'il
épouserait la jeune fille la plus gentille qu'il rencontrerait. La petite sorcière se rendit sur le
chemin du cortège, afin de voir passer le prince charmant. Mais elle reconnut toutes les
mauvaises sorcières du pays qui s'étaient déguisées pour comploter un mauvais coup.
« Que veulent-elles faire ? » s'écria la petite sorcière. Elle comprit que les vilaines sorcières
s'apprêtaient à changer les demoiselles en sauterelles! La pauvre petite sorcière n'avait pas le
pouvoir de les en empêcher! Si elle avait été méchante, elle se serait réjouie de voir les filles
devenir toutes vertes et sauter dans les rues en stridulant. Mais elle désirait devenir bonne, et son
coeur s'émouvait de pitié.
« Oh! Il y a un moyen d'empêcher cela! » pensa- t -elle subitement. Ce moyen, toutes les
sorcières le connaissent. Il consiste à se sacrifier soi-même. La petite sorcière n'hésita pas:
« Plouf! Plouf! Patapon! Transforme-moi en oignon! »
Elle devint une grosse botte d'oignons. Et, comme vous le savez, les oignons empêchent les
sorcières de pratiquer leurs maléfices! Elles se mirent à hurler de colère en tourbillonnant dans la
rue comme une tempête! Tout le monde avait très peur, mais les sorcières étaient devenues bel et
bien impuissantes ce jour-là ! Elles se retirèrent en criant des chapelets de gros mots !
Le prince ne sut jamais ce qui s'était passé. Il rencontra une jeune demoiselle très gentille qu'il
épousa sur-le-champ. On donna des fêtes magnifiques dans le pays pendant sept jours et sept
nuits, et il y eut un grand bal. Puis, la fête terminée, les balayeurs nettoyèrent la ville. L'un d'eux
ramassa la botte d'oignons dans le caniveau. Il s'apprêtait à la jeter dans la poubelle quand une
grande lumière bleue éclaira tout à coup la rue.
« Hé! s'écria l’homme effrayé. Qu'est-ce que c'est ? »
C'était la Reine des Fées qui arrivait! Elle posa sa baguette magique sur la botte d'oignons. Et
voilà que les oignons se transformèrent en une petite fée rose avec une baguette toute neuve pour
faire le bien. La petite sorcière était enfin bonne. Elle était fière et très heureuse. La Reine des
Fées la chargea de veiller sur le jeune couple princier, et la petite fée rose s'acquitta si bien de sa
tâche qu'il n'arriva jamais rien au prince et sa femme et qu'ils moururent d'ennui. (C'est vraiment
très difficile de faire le bien, comme vous voyez !)
C'est depuis ce jour que chez les sorcières (chez vous aussi, peut-être ?) on dit à quelqu'un qui se
mêle de ce qui ne le regarde pas, de «s'occuper de ses oignons ».
Autour de Halloween – niveau 6e/5e
Paroles de sorcières !
La petite sirène, d’Andersen
Alors la petite sirène sortit de son jardin et nagea vers les tourbillons mugissants derrière lesquels habitait
la sorcière. Elle n'avait jamais été de ce côté où ne poussait aucune fleur, aucune herbe marine, il n'y avait
là rien qu'un fond de sable gris et nu s'étendant jusqu'au gouffre. L'eau y bruissait comme une roue de
moulin, tourbillonnait et arrachait tout ce qu'elle pouvait atteindre et l'entraînait vers l'abîme.
Il fallait à la petite traverser tous ces terribles tourbillons pour arriver au quartier où habitait la sorcière, et
sur un long trajet il fallait passer au-dessus de vases chaudes et bouillonnantes que la sorcière appelait sa
tourbière. Au-delà s'élevait sa maison au milieu d'une étrange forêt. Les arbres et les buissons étaient des
polypes, mi-animaux mi-plantes, ils avaient l'air de serpents aux centaines de têtes sorties de terre. Toutes
les branches étaient des bras, longs et visqueux, aux doigts souples comme des vers et leurs anneaux
remuaient de la racine à la pointe. Ils s'enroulaient autour de tout ce qu'ils pouvaient saisir dans la mer et
ne lâchaient jamais prise.
Debout dans la forêt la petite sirène s'arrêta tout effrayée, son coeur battait d'angoisse et elle fut sur le
point de s'en retourner, mais elle pensa au prince, à l'âme humaine et elle reprit courage. Elle enroula, bien
serrés autour de sa tête, ses longs cheveux flottants pour ne pas donner prise aux polypes, croisa ses mains
sur sa poitrine et s'élança comme le poisson peut voler à travers l'eau, au milieu des hideux polypes qui
étendaient vers elle leurs bras et leurs doigts.
Elle arriva dans la forêt à un espace visqueux où s'ébattaient de grandes couleuvres d'eau montrant des
ventres jaunâtres, affreux et gras. Au milieu de cette place s'élevait une maison construite en ossements
humains. La sorcière y était assise et donnait à manger à un crapaud sur ses lèvres, comme on donne du
sucre à un canari.
- Je sais bien ce que tu veux, dit la sorcière, et c'est bien bête de ta part ! Mais ta volonté sera faite car elle
t'apportera le malheur, ma charmante princesse. Tu voudrais te débarrasser de ta queue de poisson et avoir
à sa place deux moignons pour marcher comme le font les hommes afin que le jeune prince s'éprenne de
toi, que tu puisses l'avoir, en même temps qu'une âme immortelle. A cet instant, la sorcière éclata d'un rire
si bruyant et si hideux que le crapaud et les couleuvres tombèrent à terre et grouillèrent.
- Tu viens juste au bon moment, ajouta-t-elle, demain matin, au lever du soleil, je n'aurais plus pu t'aider
avant une année entière. Je vais te préparer un breuvage avec lequel tu nageras, avant le lever du jour,
jusqu'à la côte et là, assise sur la grève, tu le boiras. Alors ta queue se divisera et se rétrécira jusqu'à
devenir ce que les hommes appellent deux jolies jambes, mais cela fait mal, tu souffriras comme si la
lame d'une épée te traversait. Tous, en te voyant, diront que tu es la plus ravissante enfant des hommes
qu'ils aient jamais vue. Tu garderas ta démarche ailée, nulle danseuse n'aura ta légèreté, mais chaque pas
que tu feras sera comme si tu marchais sur un couteau effilé qui ferait couler ton sang. Si tu veux souffrir
tout cela, je t'aiderai.
- Oui, dit la petite sirène d'une voix tremblante en pensant au prince et à son âme immortelle. (…)
- Mais moi, il faut aussi me payer, dit la sorcière, et ce n'est pas peu de chose que je te demande. Tu as la
plus jolie voix de toutes ici-bas et tu crois sans doute grâce à elle ensorceler ton prince, mais cette voix, il
faut me la donner. Le meilleur de ce que tu possèdes, il me le faut pour mon précieux breuvage! Moi, j'y
mets de mon sang afin qu'il soit coupant comme une lame à deux tranchants. (…)
- Qu'il en soit ainsi, dit la petite sirène, et la sorcière mit son chaudron sur le feu pour faire cuire la drogue
magique. (…)
Elle s'égratigna le sein et laissa couler son sang épais et noir. La vapeur s'élevait en silhouettes étranges,
terrifiantes. A chaque instant la sorcière jetait quelque chose dans le chaudron et la mixture se mit à
bouillir, on eût cru entendre pleurer un crocodile. Enfin le philtre fut à point, il était clair comme l'eau la
plus pure !
- Voilà, dit la sorcière et elle coupa la langue de la petite sirène. Muette, elle ne pourrait jamais plus ni
chanter, ni parler.
- Si les polypes essayent de t'agripper, lorsque tu retourneras à travers la forêt, jette une seule goutte de ce
breuvage sur eux et leurs bras et leurs doigts se briseront en mille morceaux.
La petite sirène n'eut pas à le faire, les polypes reculaient effrayés en voyant le philtre lumineux qui
brillait dans sa main comme une étoile. Elle traversa rapidement la forêt, le marais et le courant
mugissant.
Autour de Halloween – niveau 6e/5e
Paroles de sorcières !
La sorcière amoureuse, de Bernard Friot
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C’était une vieille, très vieille sorcière. Elle habitait une maisonnette au fond des bois, près de la
source des trois rochers.
Un jour, un jeune homme passa devant sa fenêtre. Il était beau. Plus beau que les princes des
contes de fées. Et bien plus beau que les cow-boys des publicités télévisées.
La vieille sorcière fut émue, tout d’abord, puis troublée, enfin, amoureuse. Plus amoureuse qu’elle
ne l’avait jamais été.
Naturellement, elle ne ferma pas l’œil de la nuit. Elle feuilleta toutes sortes de vieux grimoires
remplis de formules magiques, elle courut les bois à la recherche d’ingrédients mystérieux, elle coupa,
hacha, mixa, mélangea, pesa, ajouta, remua, goûta…Et au petit matin, elle mit en bouteilles un plein
chaudron d’élixir pour rajeunir.
Au début de l’après-midi, elle avala une bouteille d’élixir. Comme c’était très amer, elle procédait
ainsi : un verre d’élixir, un carré de chocolat, un verre d’élixir, un bonbon à la fraise. Et, ainsi de suite.
Après le dernier verre, elle était redevenue jeune et jolie. Si jolie qu’elle aurait pu faire carrière au
cinéma. Ou devenir institutrice.
Avec deux toiles d’araignées, un peu de poudre, de crapaud et une formule magique découpée dans
le journal des sorcières, elle se confectionna une merveilleuse robe décolletée, garnie de dentelles. Dans
son jardin, elle cueillit une rose blanche, la trempa dans un philtre d’amour et l’épingla à son corsage.
Ensuite, elle s’assit sur un banc, devant la porte, et attendit. Elle n’attendit pas longtemps. Sur le
chemin, apparut le beau jeune homme, vêtu d’un riche costume brodé d’or, une fleur blanche à la
boutonnière.
Le jeune homme salua la sorcière, la conversation s’engagea et, comme la sorcière était pressée,
au bout d’un quart d’heure, le jeune homme était fou amoureux. Cinq minutes après, ils échangeaient
leur premier baiser.
Puis, brusquement, la sorcière se leva et dit très vite :
- A demain, mon bel amour !
Elle s’enferma à double tour dans sa maisonnette.
Il était temps ! Quelques secondes plus tard, la belle jeune fille était redevenue une vieille, très vieille
sorcière : l’élixir avait cessé d’agir.
Et ce fut ainsi tous les jours. Une bouteille d’élixir pour rajeunir, des mots d’amour murmurés,
quelques baisers échangés, puis très vite, des adieux pressés.
Le beau jeune homme ne se plaignait jamais. Il disait en souriant : « Adieu, ma belle ! », et il
partait sans même se retourner.
Après quelques semaines, par un bel après-midi d’été, la sorcière déclara au jeune homme qu’elle
voulait l’épouser.
Le jeune homme baissa les yeux en rougissant, et ils fixèrent le mariage au lendemain matin.
Le lendemain, donc, la vieille sorcière avala trois grandes bouteilles d’élixir pour rajeunir. Ça lui
donna d’atroces douleurs d’estomac, mais il fallait bien en passer par là.
Les deux amoureux se marièrent au village voisin. Puis, ils s’en retournèrent bien vite jusqu’à la
maisonnette au fond des bois.
Dès qu’ils furent entrés, la sorcière ferma la porte à double tour : dans la cuisine, elle prépara une
tisane pour son jeune époux, puis alla chercher dans la salle à manger les gâteaux aux pattes de mouches
qu’elle faisait elle-même.
Mais l’élixir avait cessé d’agir. Quand elle revint à la cuisine, elle était redevenue une vieille, très
vieille sorcière, au nez crochu, aux dents gâtées et à la peau plus ridée que du papier froissé.
Lorsqu’il la vit ainsi, son jeune mari la fixa un long moment, sans rien dire. Puis, soudain, il éclata
de rire :
- Vieille sorcière, ton élixir pour rajeunir ne vaut pas grand-chose ! Mais rassure-toi, le mien n’est
pas meilleur.
Et secoué d’un grand fou-rire, le beau jeune homme se transforma peu à peu en vieux, très vieux
sorcier, au nez crochu, aux dents gâtées, et à la peau plus ridée que du papier froissé.