BORIS VIAN, le touche-à-tout génial « Le déserteur » est une

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BORIS VIAN, le touche-à-tout génial « Le déserteur » est une
BORIS VIAN, le touche-à-tout génial
« Le déserteur » est une chanson écrite par Boris Vian en
1954 (avec l’aide musicale de Harold Berg).
C’est un texte pacifiste et antimilitariste, écrit et
enregistré en 1954, année de la défaite de l’armée
française lors de la bataille de Dien Bien Phu qui sonna le début de
la fin de la guerre d’Indochine.
Boris Vian (1920-1959)
Boris Vian est un écrivain français, poète, parolier, chanteur, critique
e t m u s i c i e n d e jazz (trompettiste), né en 1 9 2 0 e t m o r t
en 1959 à Paris. Il fut aussi ingénieur de l’École centrale, scénariste,
traducteur, peintre, …
Il est issu d’une famille aisée et mélomane. Sa mère joue de la
harpe et du piano.
Il souffre d’une maladie du cœur,
Il obtient en 1938 un baccalauréat philosophie, avec option
mathématiques.
Il fréquente des intellectuels et des artistes : Jean-Paul Sartre,
Simone de Beauvoir, Miles Davis…
Le jazz est sa passion. En 1939, il assiste à un concert de Duke
Ellington : c’est une révélation.
Il joue de la trompette.
Par ailleurs, il est amoureux de la littérature américaine.
Son premier roman célèbre dans l’esprit de la littérature américaine
(signé sous le pseudonyme de Vernon Sullivan) est : J’irai cracher
sur vos tombes (1946). Le roman est très controversé, Boris Vian est
condamné pour outrage aux bonnes mœurs. Il a écrit onze romans
(dont L’écume des jours) quatre recueils de poèmes, des pièces de
théâtre, des scénarios de films et plus de quatre cents chansons.
Après l’échec de son roman L’Arrache-cœur (1953), il abandonne la
littérature pour se consacrer à la musique et à la chanson.
Il y transpose son amertume avec un sens pratique étonnant, parce
que la chanson a l'avantage d'« aller plus vite dans un art et un
commerce brefs, quelques rimes et aux suivantes, un juste rapport
entre l'objet et le temps passé, même si c'est encore du temps
perdu »
La chanson lui permet aussi de mieux exprimer sa colère. C'est un
homme hors de lui qui a décidé de prendre un public indifférent à
rebrousse-poil avec des chansons insurrectionnelles qu'il décrit luimême comme de "petites bombes d'un feuillet". Expérience
désastreuse, qui lui vaut le soutien de Léo Ferré et de Georges Brassens,
mais pas celui du public. Il a pourtant bien compris l'importance
de la chanson politique et surtout de la chanson antimilitariste «
souvent meilleure que la chanson militaire ».
Ses chansons sont très nombreuses. La plus célèbre est :
« Le déserteur ».
« Cette chanson fut censurée discrètement, mais le disque ne fut
pas retiré de la vente. On laissa le stock s'écouler et on ne pressa
pas de nouveaux exemplaires. Les modifications apportées par
l'auteur au dernier quatrain litigieux, sur les conseils de Marcel
Mouloudji n'ont donc eu aucun effet.»
Le Déserteur écrit en 1954 va devenir un hymne pacifiste et une
sorte d'engagement.
Le Déserteur a marqué sa carrière parce que la chanson est
devenue internationale. Mais aussi par des tournées épuisantes
pour le chanteur qui devait lutter dans chaque ville pour faire
accepter sa chanson par le public.
Boris décrit lui-même sa position dans une longue lettre écrite à
Paul Faber, conseiller municipal de Paris et ancien combattant « De
deux choses l'une : ancien combattant, vous battiez-vous pour la
paix ou pour le plaisir? Si vous vous battiez pour la paix, ce que
j'ose espérer, ne tombez pas sur quelqu'un qui est du même bord
que vous et répondez à la question suivante : si l'on n'attaque pas
la guerre pendant la paix, quand aura-t-on le droit de l'attaquer?
(…) Croyez-moi, ancien combattant est un mot dangereux, on ne
devrait pas se vanter d'avoir fait la guerre ».
Mais Boris aime tant les facéties qu'on a du mal à le situer.
Ursula, son épouse, qui a réussi à le rejoindre au cours d'une
tournée, se souvient que « les militaires du contingent trouvaient la
chanson « très bien ». Boris leur avait expliqué qu'elle n'était pas
anti-militariste, mais violemment pro-civile. »
Cardiaque, il meurt prématurément à 39 ans. Oublié pendant 10
ans, il est redécouvert lors des émeutes étudiantes de Berkeley en
1966.
Son œuvre connaîtra un immense succès public posthume,
notamment pendant les événements de mai 68. Les jeunes de la
nouvelle génération redécouvrent Vian, l’éternel adolescent, dans
lequel ils se retrouvent.
FORME LITTERAIRE DU POEME
Il s’agit d’un texte strophique ( 3 strophes de 4 quatrains), donc en
tout 12 quatrains. Les vers sont des hexasyllabes ou hexamètres (6
pieds). Les rimes sont embrassées (abba) . les rimes a sont
masculines et les rimes b sont féminines.
Ce texte est épistolaire (rédigé sous forme de lettre).
C’est une lettre argumentative dans laquelle on retrouve tous les
procédés pour convaincre : des répétitions (anaphores), des
phrases injonctives et une stratégie argumentative.
Dans la 1ère strophe : On comprend qu’il s’agit d’une lettre
ouverte adressée à « Monsieur le Président » (le président à cette
époque est René Coty) par un homme ayant reçu un ordre de
mobilisation militaire en raison d’un conflit armé. Il révèle
son intention de déserter.
Dans la 2ème strophe : L’homme explique qu’il ne veut pas partir
à la guerre, et justifie sa décision par les décès survenus dans sa
famille à cause de la guerre, et par le fait qu’il ne veut pas tuer des
personnes innocentes.
Dans la 3ème strophe, L’homme incite les gens à suivre son
exemple car il prône la non-violence, c’est un appel à la paix. On
constate à ce moment-là que l’interlocuteur change, il ne s’adresse
plus au Président mais au peuple. Il est également conscient que
son acte aura de lourdes conséquences, car déserter est passible
de la cour martiale ; il ne fuit pas et s’attend à être arrêté ou bien
tué. « Vous pourrez dire à vos gendarmes, que je n’aurai pas
d’arme et qu’ils pourront tirer ».
FORME MUSICALE DE LA CHANSON
Chaque strophe de 4 quatrains correspond à une structure
musicale A1A2BA3 de 32 mesures.Chaque partie (lettre)
correspond à un quatrain et à 8 mesures de 2 temps.
4 parties de 8 mesures. La 1re partie ( A1 ) se termine de manière
interrogative (ouverte), la 2e (A2) et la 4e (A3) sont conclusives
(fermées).
. La 3e partie (B) est appelée bridge ou pont, elle est sensiblement
différente; elle permet de changer le climat du morceau.
Structure d’ensemble (Forme strophique) : Introduction
instrumentale/ Strophe 1 /Interlude instrumental/ S2 / Interlude
instrumental / S3 / Coda instrumentale
Dans l’introduction et la coda, la mélodie jouée au hautbois,
le tempo lent et le caractère grave, solennel pourraient évoquer
des funérailles militaires. Dans la version de Mouloudji, c’est une
« sonnerie aux morts ».
Formation vocale : Une voix masculine soliste.
Formation instrumentale : Un petit orchestre de Jazz : piano,
contrebasse, batterie (jeu avec les balais), guitare acoustique,
hautbois, clarinette).
Le choix d’un accompagnement instrumental très léger (peu
d’instruments et dans une nuance piano/mezzo-forte) permet
de rendre audible le texte qui porte un message important, lequel
doit être entendu et compris par tous.
Ce message, difficile à entendre et à faire accepter, est porté par
une mélodie facile à retenir, un swing assez lent et un registre
plutôt familier.
Dans le B de la strophe 2 l’accompagnement instrumental change
pour illustrer musicalement les paroles (on parle alors
de figuralisme ou musique figurative) : « Quand j’étais prisonnier,
on m’a volé ma femme, on m’a volé mon âme et tout mon cher
passé ». L’accompagnement n’est plus mélodique mais au contraire
rythmique. E n e f f e t , l e s i n s t r u m e n t s j o u e n t t o u s
en homorythmie (=même rythme) et le batteur n’utilise plus les
balais mais les baguettes pour marquer le rythme et accentuer la
nuance forte. Cet accompagnement de style militaire appuie le
texte qui évoque la détention, la souffrance physique, affective et
morale de cet homme qui a souffert des précédentes guerres et
qui ne veut plus revivre ces moments-là.
CONTEXTE HISTORIQUE :
En 1954, la France est sous la IVe République et
le peuple vient d’élire un nouveau président : René Coty . La
France est en guerre en Indochine (1946-1954) et s’apprête, la
même année, à entrer dans un autre conflit en Algérie (19541962). Tout juste sortie de la Seconde Guerre Mondiale, la France
enchaîne les conflits armés et meurtriers avec ces guerres
d’indépendance des colonies françaises
A la différence de la guerre d'Indochine qui ne concernait que les
militaires de carrière, les jeunes appelés du contingent (c'est-à-dire
les garçons devant faire leur service militaire) ont dû aller en
Algérie : pratiquement toutes les familles françaises ont été
concernées et cette ''sale guerre'' va traumatiser la population.
Le texte écrit par Boris Vian n’est pas autobiographique car il n’a
jamais pu faire la guerre en raison de son état de santé (cœur
fragile). Il écrit ces paroles en se mettant à la place de tous ces
hommes appelés à la guerre.
Dans sa version originale, la chanson "Le Déserteur" n’était pas si
"pacifiste" puisque les derniers vers se faisaient menaçants:
« Si vous me poursuivez
Prévenez vos gendarmes
Que j’emporte des armes (à vérifier)
Et que je sais tirer »
La version de Mouloudji
C'est Mouloudji qui fut le premier à la chanter, tous les artistes
sollicités s'étant désistés, Mouloudji demande à Boris Vian de
modifier certaines paroles, parce qu'il souhaiterait un propos plus
large. Ainsi, "Monsieur le Président" est remplacé par "Messieurs
qu'on nomme grands" ; "ma décision est prise, je m'en vais
déserter" est remplacé par "les guerres sont des bêtises, le monde
en a assez" etc... De plus, étant non violent, il veut modifier la fin
car, il n'imagine pas avoir un fusil, et de plus tirer sur des
gendarmes.. Et Boris Vian lui a répondu "tu fais comme tu veux
Moulou, c'est toi qui chantes. La chanson, enregistrée le jour
même de la défaite de Dien-Bien-Phu, par pur hasard, sera
immédiatement interdite de diffusion radio, et interdite de vente.
Mais la censure a l'effet inverse car le bouche-à-oreille
fonctionne à merveille et la chanson est rapidement connue.
Mouloudji reviendra, plus tard, sur la polémique entourant la
chanson: "En 1954, beaucoup de journalistes m’ont reproché
d’avoir édulcoré ( adouci) « Le déserteur ». Mais ils n’avaient qu’à
venir au moment où je l’ai créée: ils auraient vu que je m’appelais
Mouloudji, que j’avais un nom arabe et que j’ai créé (enregistré)
cette chanson le jour de la prise de Dien Bien Phu!"
Boris Vian enregistrera plus tard la version "armée" mais c'est la
version Mouloudji qui sera apprise par tous les jeunes entre 1954
et 1960-62, transmise par les associations militantes, syndicales et
par les spectacles de soutien. Ensuite, Peter, Paul and Mary la
chanteront, aux Etats-Unis, au début de la guerre du Viet-Nam.
Chanter "Le Déserteur" en France , en 1963-64 était beaucoup
moins problématique qu'en 1954 (voir à ce sujet la chanson
"Pauvre Boris" de Jean Ferrat)
Ce chant fut repris par de nombreux artistes dont la militante
pacifiste Joan Baez pendant la guerre du Vietnam.
- Marcel Mouloudji 1ère interprétation avec modification du texte
original
- Serge Reggiani (Dormeur du val + Déserteur) (Après la levée de
la censure, il popularise ce chant en l’associant au poème d’Arthur
Rimbaud.
- Peter, Paul and Mary : Trio vocal américain qui a interprété ce
chant pour dénoncer l’absurdité de la guerre du Vietnam en 1964.
Les paroles sont chantées en français et en anglais.
Dans sa deuxième version, la chanson, chantée par Richard
Anthony et par Peter, Paul and Mary sous le titre The Pacifist,
connut un vif succès dans les années 1960, mais Vian était déjà
mort.
Elle a été traduite dans un grand nombre de langues.
CONCLUSION :
« Le Déserteur » de Boris Vian est un texte emblématique de la
chanson française engagée.
Cette chanson populaire, publiée en 1955 dans le douloureux
contexte des guerres coloniales constitue d'abord un authentique
chant de protestation.
Elle est aussi le symbole de la liberté d'expression en butte à la
censure et aux carcans de l'ordre établi de la 4ème république.
Anagrammes de Boris Vian : Bison ravi, Brisavion, Baron Visi : Boris
Vian
Pour info
POUR ALLER PLUS LOIN : CHANSONS ENGAGEES
ANTIMILITARISTES
Première Guerre Mondiale 1914-1918 : L a c h a n s o n d e
Craonne (1915-17 – Paul Vaillant-Couturier/Charles Sablon)
Seconde Guerre Mondiale 1939-1945 : Enola Gay (1980 – OMD)
Guerre froide 1945-1991 : 99 Luftballons (1983 – Nena)
Guerres d’indépendance des colonies françaises (Indochine 19461954 / Algérie 1954-1962) : Le déserteur (1954 – Boris Vian/Harold
Berg) / Quand un soldat (1952 – Francis Lemarque)
Guerre du Viêtnam 1964-1975 : Blowing in the wind (1964 Bob
Dylan). Imagine (1971 – John Lennon)
Conflit Nord-irlandais 1968-1998 : Sunday, bloody, sunday (1983 –
U2) / Zombie (1994 – The Cranberries)
Guerre d’indépendance du Kosovo 1999 : No bravery (2004 –
James Blunt) Chanson présentée dans l’article « Art et Guerre »
- le caractère
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- la formation musicale
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- L’orchestre
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