HPV et lésions cervicales, vaginales et vulvaires
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HPV et lésions cervicales, vaginales et vulvaires
HPV et lésions cervicales, vaginales et vulvaires ● F. Walker*, H. Borne**, E. Darai*** Points forts • Les papillomavirus jouent un rôle fondamental (condition nécessaire mais non suffisante) dans le développement des cancers du vagin, de la vulve et surtout du col utérin. • Le traitement des lésions liées à une infection à papillomavirus dépend de l’âge et du statut immunitaire de la malade, du désir de grossesse ultérieure, de l’étendue du grade histologique des lésions, du risque de récidive propre et des associations topographiques lésionnelles. • Les condylomes vulvaires sont le plus souvent liés à des HPV non oncogènes sans contexte d'évolution vers des formes invasives. En revanche, la régression spontanée de ces lésions est possible, justifiant une surveillance de courte durée avant un traitement systématique. L e Human papillomavirus (HPV) représente l’une des maladies sexuellement transmissibles les plus fréquentes. Il est bien démontré que le HPV joue un rôle primordial dans le développement des lésions intraépithéliales et des cancers génitaux, notamment au niveau du vagin, de la vulve mais surtout au niveau du col utérin (1). Le cancer invasif du col est le deuxième cancer féminin à l’échelle mondiale. Son incidence est de 12/100 000 femmes en France. Cette incidence est en augmentation chez les femmes de moins de 40 ans. Des données épidémiologiques ont démontré le rôle des HPV dans la genèse de ces lésions (1). Cette infection est une étape nécessaire mais non suffisante pour le développement d’une néoplasie. En effet, une infection latente sans anomalie cytologique intéresse de nombreuses femmes, la majorité des infections à HPV est transitoire, et seulement un petit nombre de néoplasies intra-épithéliales vont évoluer vers un cancer invasif. Il existe donc d’autres cofacteurs intervenant dans la carcinogenèse. RÔLE DES HPV DANS L’APPARITION D’UNE NÉOPLASIE GÉNITALE Les HPV à haut risque sont retrouvés dans 93% des carcinomes épidermoïdes invasifs, mais également dans les dysplasies modérées et sévères (2). Le HPV 16 serait retrouvé dans 50 % des carcinomes épidermoïdes du col et de la vulve. Le HPV 18 serait observé dans 10 % des carcinomes ano-génitaux et dans la majorité des adénocarcinomes du col utérin, mais la présence de HPV 31, 33, 35, 52, et même 6 et 11, a également été rapportée. En 1986, une étude prospective (3) a montré que les femmes ayant une infection à HPV découverte sur les frottis avaient un risque relatif de développer un cancer in situ 15 fois supérieur à celui des femmes sans infestation virale évidente. Cent femmes porteuses d’une dysplasie de bas grade ont été suivies pendant plus de 2 ans (3). Quatre-vingt-cinq pour cent d’entre elles, positives pour des HPV de haut risque, ont eu une progression vers des lésions de haut grade. Dans une autre étude (3), les femmes infectées par des HPV à haut risque avaient 11 fois plus de chances de développer des lésions de haut grade que les femmes non infectées. Au total, de nombreux faits étaient l’implication de certains types de HPV dans le développement des néoplasies intra-épithéliales et des cancers invasifs. RÔLE DES COFACTEURS DANS L’APPARITION D’UNE NÉOPLASIE Plusieurs cofacteurs peuvent jouer un rôle dans la progression des lésions à HPV vers une néoplasie intra-épithéliale cervicale. Cependant, leur mécanisme d’action est peu clair. Des études ont souligné outre les conditions socio-économiques défavorables et la multiplicité des partenaires occasionnels, le rôle éventuel du tabac par le biais d’une diminution de l’immunité locale, de l’imprégnation hormonale et des contraceptifs oraux, des infections par d’autres agents viraux, tel le virus herpès de type 2 (2, 3). Il est toutefois difficile de faire la part de la responsabilité de ces facteurs par rapport au HPV lui-même dans la genèse de ces lésions. En revanche, il est actuellement bien démontré que l’immunodépression générale chez les transplantés, après chimiothérapie et, surtout, lors d’une infection par le VIH, joue un rôle fondamental dans l’apparition de cette pathologie (3-5). PRÉVALENCE DES INFESTATIONS INFRACLINIQUES * Service d’anatomie pathologique, hôpital Bichat, Paris. ** Service de gynécologie, hôpital Bichat, Paris. *** Service de gynécologie, hôpital Tenon, Paris. La Lettre du Gynécologue - n° 268 - janvier 2002 Cette estimation dépend de la population examinée et surtout du type de méthode de biologie moléculaire employée. Ces 21 F L O R I L È G pourcentages varient dans la littérature de 5 à 70 %. Malgré l’écart observé, il est admis que l’infection à HPV infraclinique est fréquente dans la population générale. Une étude réalisée sur une population d’étudiantes et utilisant la PCR identifie une infection latente à HPV chez 33 % de la population testée (2, 3). Peu de choses sont connues sur le développement de ces lésions. Certains auteurs pensent que le développement d’une dysplasie de haut grade nécessite une infection latente persistant depuis plusieurs années (2, 3). Dans une étude prospective effectuée sur 241 malades initialement sans lésion HPV détectable en cytologie mais suivies par examen cytologique, colposcopique et détection d’ADN de HPV, certains auteurs (3) ont retrouvé des HPV chez 45 % des femmes au cours de trois examens successifs. Ces femmes ont toutes développé des lésions de haut grade. L’incidence des lésions néoplasiques intra-épithéliales a été de 28 % chez les femmes avec infection à HPV découverte dès le premier examen, contre 3 % chez les femmes sans infection latente. PATHOLOGIE À HPV CHEZ LES FEMMES VIH POSITIVES Le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et le HPV ont de nombreux facteurs de risque en commun. Les femmes infectées par le VIH+ ont cinq fois plus de risque de l’être aussi par les HPV et de développer des néoplasies intra-épithéliales ano-génitales précancéreuses et, en cas d’immunodépression, trois fois plus de risque de cancer invasif que les femmes normocompétentes (3-5). La biologie moléculaire a prouvé qu’il existait un choix préférentiel de HPV oncogènes dans ces lésions. Leur prévalence et leur gravité augmentent selon l’intensité de l’immunodépression des patientes (5). Le rôle direct du VIH a été récemment impliqué dans la genèse des lésions à HPV (3, 5). Le génome du VIH est retrouvé par PCR HIS dans des cellules intra-épithéliales en position parabasale et péripapillaire, correspondant morphologiquement aux cellules de Langerhans, alors que les cellules épithéliales sont infectées par le HPV. Ces cellules de Langerhans, tout comme dans la peau ou dans l’anus (3-5), sont raréfiées chez le sujet VIH positif et montrent d’importantes modifications morphologiques par perte de leurs expansions dendritiques cytoplasmiques. Ces faits suggèrent une interaction directe entre le VIH et le HPV par l’intermédiaire de cellules intraépithéliales immunocompétentes. Ces néoplasies intra-épithéliales sont souvent multifocales, d’évolution rapide, contiennent très fréquemment plusieurs types de virus et leurs récidives liées à la persistance de l’infection à HPV sont habituelles (3, 5). Si l’incidence élevée des néoplasies intra-épithéliales est clairement démontrée, celle des carcinomes invasifs semble réduite (5). Cela peut être dû au dépistage précoce et à la destruction rapide des lésions. En France, on préconise un frottis et une vulvocolposcopie tous les 6 mois chez les patientes dont le nombre de lymphocytes T CD4+ est bas (inférieur à 500/mm 3 ). Sous antiprotéases, de nombreuses femmes infectées par le VIH restaurent leurs fonctions immunitaires. Une étude signale la régression des lésions et la diminution de leur prévalence sous trithérapie (5). Néanmoins, du fait de l’augmentation de leur survie et de l’éventuel désir de 22 E 2 0 0 1 grossesse, le dépistage et le traitement de ces lésions restent d’actualité chez les femmes infectées par le VIH. DÉPISTAGE, CLASSIFICATION HISTOLOGIQUE ET CYTOLOGIQUE DES LÉSIONS CERVICALES La meilleure approche diagnostique des lésions précancéreuses du col revient au trépied cyto-colpo-histologique. Les techniques d’hybridation permettent de caractériser les HPV. Cytologie L’étude cytologique par frottis conventionnel ou en couche mince est indispensable au dépistage de masse. La cytologie reconnaît des koïlocytes (3) associés à une parakératose ou dyskératose et à d’éventuelles atypies nucléaires selon qu’il existe ou non une dysplasie. Si la cytologie est anormale, une colposcopie s’impose ainsi que des biopsies étagées avec ou sans curetage endocervical selon que la jonction pavimento-cylindrique est vue ou non. La classification de Bethesda, actuellement recommandée, reconnaît l’importance des infections à HPV dans le développement des lésions néoplasiques génitales (3). Elle identifie : – les lésions de bas grade, qui incluent les transformations cellulaires bénignes, telle la présence de koïlocytes, suggérant l’infestation à HPV, et les modifications cellulaires traduisant l’existence d’une néoplasie intra-épithéliale de grade I (CIN I) ; – les lésions de haut grade incluant les néoplasies intra-épithéliales de grade II et III (CIN II et III). Dans cette nouvelle classification, une place est réservée aux atypies cellulaires malpighiennes (ASCUS) ou glandulaires (AGUS), de signification indéterminée. Colposcopie Cet examen ne devra pas être réalisé sur un col infecté ni carencé en œstrogènes (ménopause) sous peine d’erreur. Il permet de déterminer s’il s’agit de condylomes acuminés ou plans, tant au niveau cervical que vaginal. Les images colposcopiques des lésions à HPV sont bien connues (6). Elles sont réalisées après : – essuyage du col au sérum physiologique ; – test à l’acide acétique ; – test de Shiller au lugol. Elles correspondent à : – une papillomatose du fait de l’hyperplasie des cellules basales qui attire le conjonctif recouvrant les axes vasculaires. La membrane basale déformée en doigt de gant réalise un relief qui, à l’examen sans préparation, est très évocateur d’une lésion à HPV ; – une acidophilie (réaction de blanchiment à l’acide acétique) par hyperplasie et hyperdensité cellulaire dans les assises basales ; – un piqueté vasculaire par ascension vers la surface des axes vasculaires hyperplasiques ; – des leucoplasies du fait de l’hyperkératinisation des lésions virales à HPV ; – une colpite virale visible au 3e temps de la colposcopie après application du lugol. Elle est due à la répartition géographique La Lettre du Gynécologue - n° 268 - janvier 2002 de la vascularisation sous-épithéliale et à la modification de la sécrétion du glycogène dans les couches cellulaires superficielles du fait de la présence des koïlocytes. La sensibilité de cette technique est proche de 100 %, sa spécificité est inférieure à 50 %. La concordance avec l’histologie dépend de l’expérience du colposcopiste et peut atteindre 89 %. Histologie Les condylomes acuminés sont connus depuis longtemps. Ils contiennent des HPV non oncogènes de type 6 et 11. Ils peuvent récidiver, s’étendre localement, voire même régresser. Leur évolution vers un cancer est relativement rare. À l’inverse, les condylomes plans sont d’identification plus récente. Ils s’associent le plus souvent à des néoplasies intraépithéliales de grade variable estimé de 1 à 3 selon la proportion de l’hyperplasie basale par rapport à l’épaisseur de l’épithélium. Une troisième entité correspond aux papillomes inversés. La classification en dysplasies légère, modérée, sévère et en carcinome in situ, encore employée, tend à être remplacée par les termes de néoplasies intra-épithéliales de grade I, II et III (1, 3). Cela permet d’homogénéiser la terminologie selon la localisation des lésions cervicales (CIN), vaginales (VaIN), vulvaires (VIN) et anales (AIN). Hybridation moléculaire: principe et intérêts Actuellement, aucun test sérologique ne permet de déterminer une infection à HPV. Par ailleurs, le virus ne peut pas être mis en culture. Il est donc nécessaire d’utiliser d’autres méthodes pour le dépistage et le typage viral. Pour détecter l’ADN viral, il est possible d’utiliser différentes techniques de biologie moléculaire qui font toutes appel à l’hybridation moléculaire applicable soit à la cytologie (Hybrid Capture® : Digène), soit à des tissus congelés ou inclus en paraffine (hybridation in situ) (4). Dans les néoplasies intra-épithéliales de haut grade, le typage viral n’a qu’une simple valeur informative, car ces lésions sont traitées rapidement. Lorsque les lésions sont équivoques sur l’histologie (distinction difficile entre métaplasie immature, condylome plan avec faible réplication virale et dans les lésions de bas grade), la détection d’un HPV oncogène induira une surveillance et une attitude thérapeutique appropriées surtout chez les patientes immunodéprimées transplantées ou infectées par le VIH. L’application de ces techniques au dépistage primitif des HPV sur la cytologie n’est pas prise en charge par la Sécurité sociale et n’est pas encore recommandée pour un dépistage de masse en raison de son coût élevé mais pourrait diminuer les faux négatifs, permettant ainsi un rythme triennal aux frottis avec dépistage à HPV négatif. Le dépistage secondaire permettrait dans les lésions de bas grade d’orienter la patiente rapidement vers la colposcopie. épithéliales malphighiennes. Tout comme les VIN, les VaIN sont rares, mais leur nombre serait plus élevé depuis ces dernières années. Cela serait en relation avec la prévalence élevée des infections à HPV. Certaines populations doivent être considérées comme étant à risque pour développer ce type de lésions, notamment les femmes qui ont eu des CIN ou de la radiothérapie pour cancer du col ainsi que les femmes immunodéprimées sans oublier l’imprégnation au Distilbène®. Le potentiel exact de transformation maligne n’est pas très bien connu contrairement aux lésions de CIN. Le dépistage peut se faire sur la cytologie, mais la plupart des lésions prénéoplasiques sont découvertes lors de la colposcopie motivée par la découverte d’une CIN. La vaginoscopie montre que la plupart des lésions siègent dans le tiers supérieur du vagin et sont multifocales. Elles comportent les mêmes critères endoscopiques que les CIN après application de sérum physiologique, d’acide acétique à 3 % et de lugol. Chez la femme ménopausée, l’atrophie de la muqueuse gêne l’examen et nécessite un traitement d’œstrogénothérapie per os ou local. Certaines VaIN peuvent correspondre à l’extension vaginale des CIN et même survenir après hystérectomie pour cancer invasif du col. Les biopsies permettront, en fonction de la désorganisation architecturale et des atypies cytonucléaires, d’évaluer ces lésions selon la gradation suivante : VaIN I, VaIN II et VaIN III ou cancer invasif. Le “typage” des HPV par hybridation moléculaire in situ apporte une aide appréciable pour instituer un traitement approprié qui sera le plus souvent local par destruction au laser. Vulve Un grand nombre de lésions vulvaires contiennent des HPV. À côté des lésions virales très fréquentes à type de condylomes acuminés contenant des HPV à bas risque (type 6 et 11) et qui n’évoluent pas vers la cancérisation, les lésions virales planes rattachées à des HPV oncogènes doivent être recherchées chez des femmes présentant des lésions virales cervicales ou de CIN. Les lésions dysplasiques de la vulve sont connues depuis longtemps, mais leur nomenclature a beaucoup évolué (7). On les trouve décrites sous les noms de carcinome in situ, de maladie de Bowen, retrouvée le plus souvent chez la femme âgée, ou de papulose bowenoïde, observée chez la femme jeune. Actuellement, les lésions intra-épithéliales de la vulve sont regroupées sous le terme de néoplasie intra-épithéliale vulvaire ou VIN. Les VIN III sont asymptomatiques ou découvertes à la vulvocolposcopie et se présentent sous des formes cliniques et vulvoscopiques différentes. La maladie de Bowen (âge moyen 55 ans) Elle se présente sous la forme d’une leucoplasie, d’une érythrodysplasie ou d’une lésion érythroplasique, velvétique ou verruqueuse. La lésion est unifocale dans 86 % des cas ou comporte deux à trois foyers au maximum. Cette lésion est parfois prurigineuse ou asymptomatique. Elle est associée dans 30 % des cas à une CIN. Un cancer invasif peut se développer dans 10 % des cas • DÉPISTAGE, CLASSIFICATION HISTOLOGIQUE ET CYTOLOGIQUE DES LÉSIONS VAGINALES ET VULVAIRES Vagin Le cancer du vagin est rare. Il représente approximativement 1 à 3 % des cancers gynécologiques et correspond en majorité à des cancers épidermoïdes invasifs ou à des néoplasies intraLa Lettre du Gynécologue - n° 268 - janvier 2002 23 F L O R I L È G E La papulose bowenoïde Elle atteint la femme jeune (âge moyen 30 ans) et se présente à la vulvoscopie sous forme de papules planes, pigmentées, de pseudocondylomes ou de plaques leucoplasiques. Le prurit est inconstant. Parfois, la survenue des lésions se fait sur le mode éruptif. Elle est souvent associée à des CIN et à la présence de HPV oncogènes (dans 95 % des cas) et se voit dans des états d’immunodépression liés au virus de l’immunodéficience humaine ou aux traitements immunodépresseurs ou chimiothérapiques. Le risque de survenue d’un cancer invasif est dominé par les lésions cervicales et non par les lésions vulvaires. Ces lésions sont souvent multiples, tantôt dispersées, tantôt confluentes. Le siège de prédilection est situé à la fourchette avec débord fréquent sur le périnée et l’anus. La papulose bowenoïde peut régresser spontanément. Cependant, le plus souvent, les lésions persistent ou s’étendent en superficie. A priori, le passage vers un cancer invasif est exceptionnel. • La papulose bowenoïde extensive et confluente Elle est très étendue et polymorphe, débordant souvent sur le périnée et les zones cutanées. Le risque de passage au cancer invasif est de 20 %. Depuis ces dernières années, tout comme dans le vagin, il semble que le nombre de ces lésions soit en augmentation. • 2 0 0 1 Les lésions cervicales Les condylomes acuminés Contrairement aux condylomes plans, les condylomes acuminés (liés aux HPV 6 et 11) ne représentent pas la manifestation clinique la plus fréquente au niveau du col. L’attitude thérapeutique dépend de l’étendue des lésions. La possibilité de régression spontanée des condylomes acuminés justifie l’abstention thérapeutique à condition qu’une surveillance soit possible chez ces patientes. Le contrôle de ces lésions doit être systématique, comportant, dès leur découverte, un frottis cervico-vaginal et une colposcopie avec biopsies dirigées, en particulier si les condylomes acuminés siègent près de la jonction. La persistance de ces lésions rend légitime un traitement local qui comporte, le plus souvent, une destruction par vaporisation au laser (8, 9) (figures). • Les néoplasies intra-épithéliales malpighiennes cervicales Le traitement de ces lésions dépend, d’une part, du degré de dysplasie et, d’autre part, de l’association éventuelle à des HPV oncogènes (tableau I). • A ATTITUDE THÉRAPEUTIQUE Le traitement des lésions secondaires à l’infestation par le HPV dépend de différents critères : – l’âge de la patiente ; – l’étendue des lésions ; – la visualisation de la jonction pavimento-cylindrique ; – les associations possibles au niveau cervical, vaginal, vulvaire et périnéal ; – le désir de grossesse ultérieure ; – la notion de récidive ; – le grade histologique ; – le statut immunitaire. La présence de lésions histologiques de bas grade (CIN I) en faveur d’une infestation à HPV justifie, pour notre part, un “typage” viral de première intention. En effet, en cas de haut grade (CIN II,CIN III), la conduite à tenir ne sera pas modifiée. Figures. Condylomes acuminé (A) ou géant (B) chez la femme. B Tableau I. Traitement des CIN. CIN I Jonction* + HPV non oncogène surveillance? (1) puis destruction cryothérapie ou laser Jonction + HPV oncogène destruction cryothérapie ou laser Jonction - HPV non oncogène surveillance ? puis exérèse et histologie (2) Jonction HPV oncogène exérèse et histologie CIN II exérèse et histologie exérèse et histologie exérèse et histologie exérèse et histologie CIN III exérèse et histologie exérèse et histologie exérèse et histologie exérèse et histologie * J : jonction pavimento-cylindrique. 1) Le délai de surveillance est variable selon les équipes. 2) La meilleure technique d’exérèse est celle dont l’opérateur a le plus d’expérience : conisation à l’anse diathermique, au bistouri froid ou au laser. 24 La Lettre du Gynécologue - n° 268 - janvier 2002 Les néoplasies intraépithéliales de grade I (CIN I) Le “typage” viral nous permet d’adapter la thérapeutique. En effet, il est logique de préconiser une abstention thérapeutique avec surveillance pour les lésions de CIN I, associées ou non, à des condylomes acuminés lorsque celles-ci sont associées à des HPV non oncogènes du fait de la possibilité de régression spontanée. Les femmes que l’on choisira de surveiller par cytologie et colposcopie devront répondre à plusieurs critères : avoir une lésion peu étendue sans HPV très oncogènes (16, 18), ne pas avoir d’antécédent de CIN ou d’infection à HPV, avoir un statut immunologique normal, être compliantes aux contrôles tous les 6 mois. Cette surveillance ne se prolongera pas plus de 18 mois à 1 an et sera interrompue dès l’aggravation des lésions. En revanche, la survenue d’une CIN I associée à des HPV oncogènes 16,18 justifie une attitude plus interventionniste. Celle-ci consiste, à condition que la jonction pavimento-cylindrique soit complètement explorable, en une cryothérapie ou une vaporisation au laser. Cette attitude se justifie d’autant plus que dans notre expérience, les lésions de CIN I contenant des HPV oncogènes ont toujours évolué vers des lésions de plus haut grade chez les femmes VIH+. • Les néoplasies intra-épithéliales de grade II et III (CIN II et CIN III) Une attitude différenciée selon le degré de dysplasie CIN II ou CIN III est difficile à établir. La présence de HPV non oncogènes sur CIN II peu étendue et jonction bien suivie pourrait autoriser une simple destruction par vaporisation au laser. Une exérèse avec examen histologique s’impose dès que la lésion de CIN II est associée à un HPV 16, 18, 31 ou 33, et toujours si la jonction pavimento-cylindrique est d’exploration difficile, s’il s’agit d’une récidive ou de patientes immunodéprimées. De plus, pour les patientes VIH+, l’existence d’une discordance entre l’examen colposcopique et les résultats anatomopathologiques nous ont conduit, malgré un taux de récidive élevé, à préconiser des exérèses pour des CIN II. Les dysplasies de haut grade peu étendues à jonction pavimento-cylindrique visibles chez les patientes jeunes et désireuses de grossesse permettent une exérèse limitée qui peut être envisagée à l’anse diathermique. La survenue de lésions plurifocales justifie le recours à une exérèse plus large comportant une conisation chirurgicale associée à une vaporisation laser périphérique. De plus, la notion de récidive ou l’impossibilité d’exploration de la jonction pavimento-cylindrique est pour nous une indication systématique à un examen extemporané de la pièce de conisation permettant d’affirmer le passage dans l’endocol en zone saine. • Les néoplasies intra-épithéliales glandulaires Elles sont liées le plus souvent au HPV 18 et sont appelées GIN (glandular intraepithelial neoplasia) de grade I, II et III. La survenue d’une atypie glandulaire sur les frottis doit conduire à la réalisation d’une colposcopie avec biopsie dirigée sur les aspects lésionnels les plus atypiques associés à un curetage endocervical. La normalité de ce bilan peut conduire à la réalisation d’un geste diagnostique à visée histologique sous la forme d’une résection cervicale associée à un curetage de l’endocol et de l’endo- • La Lettre du Gynécologue - n° 268 - janvier 2002 mètre. L’analyse histologique devra guider l’attitude thérapeutique ultérieure. Les lésions vaginales Les lésions les plus fréquemment rencontrées correspondent à des condylomes acuminés en rapport avec des HPV non oncogènes. Compte tenu de leur siège et de leur étendue, un traitement conservateur est préconisé consistant soit en une cryothérapie, soit en une vaporisation au laser. Un traitement local par interféron peut être proposé (8, 10). La survenue de HPV oncogène n’est notée, dans notre expérience, que chez les patientes immunodéprimées, notamment chez les patientes VIH+. Dans ce dernier cas, les lésions sont étendues, étagées, et souvent associées à des lésions vulvo-périnéales et cervicales. La présence de HPV oncogène ne modifie pas notablement notre attitude. En effet, les exérèses chirurgicales sont d’indication exceptionnelle, du fait des séquelles fonctionnelles. Les lésions vulvo-périnéales Les lésions liées aux HPV se présentent le plus souvent sous la forme exophytique (condylome acuminé) ou à type de papulose bowenoïde. Ces lésions surviennent principalement sur des terrains particuliers, notamment en cours de grossesse chez les patientes diabétiques insulino-dépendantes et chez les patientes immunodéprimées (7, 8, 10). La biopsie avec examen anatomopathologique nous paraît indispensable ainsi que le “typage” des HPV, bien que la corrélation histo-virologique soit bonne. En effet, les condylomes vulvaires sont le plus souvent liés à des HPV non oncogènes de type 6, 11 ou 42. Il n’existe pas dans ce contexte d’évolution vers des formes invasives. En revanche, la régression spontanée de ces lésions est possible, justifiant une surveillance de courte durée avant un traitement systématique. L’accessibilité de ces lésions à un traitement local permet l’utilisation dans les formes limitées de Podophylline , de solution de podophyllotoxine (Condyline ), d’acide trichloracétique, plus rarement d’une cryothérapie ou d’un traitement local par l’imiquinod (Aldara ). Dans les formes diffuses, deux thérapeutiques peuvent être envisagées, soit le 5Fluorouracile (Efudix ), soit surtout la vaporisation au laser. Il est à noter que l’utilisation de la podophylline, de l’acide trichloracétique et du 5-Fluorouracile est contre-indiquée en cours de grossesse (tableaux II et III). À l’inverse des lésions condylomateuses, la papulose bowenoïde est le plus souvent en rapport avec des HPV à risque 16, 18, 31, 33, 35 qui sont retrouvés dans 80 % des cas. L’évolution vers des formes invasives est rare. Ce type de lésion nécessite de privilégier des traitements locaux fondés avant tout sur la vaporisation au laser afin d’éviter les séquelles de cicatrice rétractile dues aux exérèses chirurgicales. Les indications de vulvectomie superficielle ou radicale sont exceptionnelles. L’ensemble de ces lésions requiert une surveillance rigoureuse car, malgré l’ensemble de ces thérapeutiques, le taux de récidive de ces lésions vulvo-périnéales est de 25 à 40 %. Le pronostic des lésions à HPV est avant tout lié à la localisation cervicale. Cela implique, devant toute lésion condylomateuse périnéale, vulvaire ou vaginale, d’effectuer un bilan de l’état du col de l’utérus par un frottis, une colposcopie et des biopsies dirigées. ® ® ® ® 25 F L O R I L È G Tableau II. Traitement des lésions vulvo-périnéales. Condylomes en nombre limité de surface inférieure à 5 cm2 à base d’implantation inférieure à 5 mm • Azote liquide (-195°C): 10 à 30 secondes, 2 applications par semaine pendant 3 à 4 semaines. • Podophylline® à 10 ou 25 % (antimitotique et cytotoxique contre-indiqué dans la grossesse) : en application locale et rinçage après 2 à 5 heures selon la concentration, 5 applications par semaine pendant 3 semaines. • Solution de podophyllotoxine (Condylline®) : mieux supportée localement mais contre-indiquée dans la grossesse : 5 applications par semaine (toute la nuit) pendant 1 à 3 semaines. • Acide trichloracétique à 80 % (agent kératolytique) : à utiliser sur le versant muqueux : applications de 10 secondes 2 à 3 fois par semaine pendant 4 semaines. • Imiquinod crème 5 % (Aldara®) : modifie la réponse immunitaire locale en stimulant la production des interférons α et des cytokines : auto-applications externes 3 fois par semaine pendant 3 à 16 semaines (peu agressif et mieux supporté que les autres traitements). Condylomes disséminés de surface supérieure à 5 cm2 à base d’implantation supérieure à 5 mm • Vaporisation au laser Condylomes génitaux récurrents ou résistants • 5-Fluorouracile crème à 5 % (Efudix®) : antimétabolique très efficace lors d’immunodépression, contre-indiqué dans la grossesse. Traitement curatif : application en film très fin 2 à 3 fois par semaine pendant 3 à 6 semaines. Traitement adjuvant : 1 à 2 fois par semaine • Les interférons : interféron α (Roféron®, Introna®) ou interféron β recombinant. Ils répriment la réplication virale. Ce traitement par voie intra-lésionnelle est coûteux, d’efficacité limitée. • Les rétinoïdes : n’ont pas fait leur preuve. • Les vaccins thérapeutiques sont en cours d’évaluation. 2 0 0 1 CONCLUSION Toute thérapeutique qui n’aura pas fait ses preuves après trois cycles d’insuccès sera abandonnée. La durée du traitement sera en moyenne de 6 mois. • L’antibiothérapie locale (Fucidine®) favorise la régression spontanée des condylomes acuminés. • Les antirétroviraux diminuent le potentiel évolutif et extensif des lésions. • La crème Emla® (lidocaïne/prilocaïne) appliquée avant le traitement atténue la douleur. Les vaccins E Cette mise au point souligne l’étroite relation existant entre les papillomavirus humains oncogènes, les lésions intra-épithéliales de grade I, II et III et le cancer, notamment au niveau du col utérin mais également à un moindre degré au niveau du vagin et de la vulve. La technique du “typage” viral par HIS ne doit pas se substituer au trépied cyto-histo-colposcopique mais peut contribuer à l’instauration d’une attitude thérapeutique, notamment chez les femmes VIH+ qui sont particulièrement exposées à cette pathologie. ■ Mots clés. Cancer – Transmission sexuelle – Immunodépression – Oncogène – HPV – HIV. R É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S 1. Orth G, Croissant O. Papillomavirus humains et carcinogénèse du col utérin : perspectives dans les domaines du dépistage et de la prévention. Bull Acad Natle Méd 1997 ; 181 : 1365-94. 2. Monsonego J. Infection génito-anales à Papillomavirus. Impact Médecin 1994 ; 228 : 3-22. 3. Walker F, Darai E, Dauge MC et al. Infection génitale à papillomavirus humain (HPV) : dépistage et typage viral, intérêt de l’hybridation in situ. Ann Pathol 1996 ; 5 : 364-73. 4. Walker F, Bedel C, Dauge-Geffroy MC et al. Improved detection of HPV infection in genital intraepithelial neoplasia in HIV + women by polymerase chain reaction-in situ hybridization (PCR-ISH). Diagn Mol Path 1996 ; 2 : 136-46. 5. Spitzer M. Lower genital tract intraepithelial neoplasia in HIV-infected women : guidelines for evaluation and management. Obstetrical & Gynecological Survey 1999 ; 54 : 131-7. 6. Meisels A, Fortin R, Roy M. Condylomatous lesions of the cervix : 2. Cytologic, colposcopic and histopathologic study. Acta Cytol 1979 ; 21 : 379. 7. Leibowitch M, Molinie V. Dermatoses et néoplasies intra-épithéliales vulvaires. Ann Pathol 1996 ; 5 : 334-42. 8. Corn BW, Lanciano RM. Combined modality treatment for carcinomas of the uterine cervix and vulva. Current Opinion in Oncol 1994 ; 6 : 524-30. 9. Sopena B. Surveillance et traitement des néoplasies intra-épithéliales du col utérin (tendances actuelles). Ann Pathol 1996 ; 5 : 356-63. 10. Frega A, Di Renzi P, Stentella P, Pachi A. Management of human papillomavirus vulvo-perineal infection with systemic β interferon and thymostimulin in HIV positive patients. Int J Gynecol Obstet 1994 ; 44 : 255-8. Tableau III. Traitements locaux. Antibiotiques Azote liquide (-195°C) Acide trichloracétique à 80 % Podophylline 10 ou 25 % Podophyllotoxine 5-Fluorouracile Imiquinod Interféron α Nom pharmaceutique Fucidine® crème Condyline® Efudix® crème Aldara® Roféron® Introna® Mode d’application Applications locales Applications locales de 10 à 30 secondes Applications locales de 10 secondes Application locales de 2 à 5 heures Applications locales de 3 à 8 heures Applications locales de 3 à 8 heures Applications locales de 3 à 8 heures Injections intralésionnelles Durée du traitement Matin et soir x 8 jours 2 fois par semaine x 3 à 4 semaines 2/3 fois par semaine x 4 semaines 5 fois par semaine x 3 semaines 5 fois par semaine x 1 à 3 semaines 2/3 fois par semaine x 3 à 6 semaines 3 fois par semaine x 3 à 16 semaines © Le Courrier de Colo-Proctologie – Vol II – no 2 - juin 2001 26 La Lettre du Gynécologue - n° 268 - janvier 2002