Cinéma[s] LE FRANCE

Transcription

Cinéma[s] LE FRANCE
F
FICHE FILM
M. Smith au Sénat
M. Smith goes to Washington
de Frank Capra
Fiche technique
USA - 1939 - 2h05
N. & B.
Réalisateur :
Frank Capra
Scénario :
Sidney Buchman d’après
l’histoire The gentleman
from Montana de Lewis R.
Foster
Musique :
Dimitri Tiomkin
Interprètes :
James Stewart
(Jefferson Smith)
Jean Arthur
(Clarissa Saunders)
Claude Rains
(sénateur Joseph Paine)
Edward Arnold
(Jim Taylor)
Thomas Mitchell
(Diz Moor)
Harry Carey
(le président du Sénat)
L
E
Résumé
Suite au décès de l’un des deux sénateurs
d’un Etat de l’Ouest, l’appareil politique de
cet Etat, entièrement soumis à la volonté
du puissant homme d’affaires Jim Taylor,
choisit un homme de paille, Jefferson
Smith, chef de file des Boy Rangers, pour
aider l’autre sénateur, Joseph Paine, à
faire passer dans la chambre haute du
Congrès un projet de barrage sur le Willet
Creek qui s’annonce des plus lucratifs.
C’est sans compter sur la candeur profonde
de ce sénateur honoraire qui accepte
joyeusement l’offre, car elle va lui permettre de défendre le projet qui lui est
F
R
A
cher, à savoir la construction d’un camp de
vacances d’été pour les enfants des
grandes villes, camp qui sera financé par
les enfants eux-mêmes à raison d’un nickel
ou d’un dime chacun, et cela dans le Terry
Canyon sur le... Willet Creek ! Comme ni
Joseph Paine, I’ami de son père défunt, ni
Taylor en personne ne parviennent à le
convaincre de renoncer, le premier accuse
Jefferson de corruption en plein Sénat : il
serait propriétaire du terrain et voudrait
soutirer de l’argent à des enfants. Peiné et
découragé, Jefferson plie bagages et va
une dernière fois se recueillir au Lincoln
N
C
E
1
D
O
C
U
Memorial. Sa secrétaire, Clarissa
Saunders, I’y rejoint et lui fait comprendre que le grand homme, là, devant
lui, sait qu’il peut réussir dans son
entreprise. Convaincu, Jefferson revient
au Sénat et entame un filibustering de
vingt trois heures. Taylor contre-attaque
et fait publier dans ses journaux une
série d’informations diffamatoires sur le
jeune homme, qui vaut à ce dernier une
avalanche de courrier hostile que Paine
s’empresse d’apporter au Sénat. De son
côté, Clarissa, avec l’aide de la mère de
Jefferson et celle des Boy Rangers, parvient à faire imprimer la vérité sur des
tracts distribués à la main. Mais, devant
son jeune collègue épuisé qui s’écroule
sur les télégrammes, Paine, pris de
remords, essaie de mettre fin à ses
jours. On l’en empêche et il revient dans
l’hémicycle révéler les faits. Le Sénat
connaît un chahut général sans précédent qui, lui aussi, amuse beaucoup son
président.
Critique
(…) M. Smith au Sénat est la version
politique de L’Extravagant M. Deeds.
A l’origine, d’ailleurs, le film devait
s’intituler Mr. Deeds goes to
Washington et Gary Cooper avait été
pressenti pour l’interpréter. Jefferson
Smith, comme Longfellow Deeds, est un
homme de la province aux activités
simples et naturelles. Tous deux «héritent» de quelque chose d’inattendu, 20
millions de dollars pour le premier, un
mandat de sénateur honoraire pour le
second. Ils se rendent chacun dans une
grande ville où leur innocence est bousculée par la sophistication et la corruption ambiantes. Dans les deux films, le
départ du héros est suivi d’une scène
qui se passe dans un compartiment de
train où il est pris en main par son futur
tortionnaire, John Cedar dans un cas,
Joseph Paine dans l’autre. Deeds
L
E
F
M
E
comme Smith tombent amoureux d’une
jeune femme au service de leur ennemi,
interprétée par Jean Arthur, qui s’amende par la suite et prend fait et cause
pour eux. Cette même jeune femme est
également associée à la presse dont
l’attitude à l’égard de Smith comme de
Deeds est initialement loin d’être favorable. Les deux hommes sont des
patriotes convaincus, le premier s’émerveillant devant la tombe du général
Grant, le second délirant de joie à la vue
des monuments célèbres de la capitale
politique des Etats-Unis. Smith, comme
Deeds, croit dans les vertus de l’individualisme, et son projet de camp de
vacances ne requiert aucune aide gouvernementale (cf. le titre d’un journal :
«Smith demande plus de bon sens,
moins d’intervention gouvernementale»).
L’un comme l’autre sont des idéalistes
qui ont confiance dans les braves gens,
dans le peuple, dans l’aide mutuelle,
dans l’amour du prochain, en un mot
dans le populisme (les fermiers et les
chômeurs de Deeds sont ici remplacés
par les Boy Rangers de Smith). L’un et
l’autre se voient aussi conférer par
Capra une dimension christique (Claude
Rains dit à Edward Arnold qu’il ne veut
pas que l’on «crucifie» Smith, et celui-ci,
peu après, au bord de l’épuisement,
décoiffé, I’air suppliant, la voix brisée,
offre un regard de supplicié). Et les deux
films mettent en scène un même juge
débonnaire (H. B. Warner dans M.
Deeds, Harry Carrey en tant que président du Sénat dans M. Smith) qui,
quoique blasé, traduit par son attitude
clémente et amusée toute l’admiration
que ressent Capra pour ces hommes qui
consacrent leur existence à la défense
de la démocratie, à la liberté individuelle et à la politique de bon voisinage.
On le voit, M. Smith est bien le petit
frère de M. Deeds. La seule différence
majeure entre les deux films réside dans
l’apparition, pour la première fois dans
l’œuvre de Capra, du phénomène de
l’appareil politique. Le cinéaste l’avait
plus modestement abordé dans The
R
A
N
T
S
power of the press, où un journaliste
dénonçait les manœuvres criminelles
d’un candidat à la mairie. Puis ce fut au
tour de Walter Huston de se battre dans
La ruée contre son conseil d’administration peu enclin à soutenir ses généreux projets. Gary Cooper, dans M.
Deeds, se heurtait à un avocat véreux
qui l’accusait à tort de mettre en péril
l’action économique du gouvernement,
et James Stewart, dans Vous ne
l’emporterez pas avec vous, rejetait
l’offre de son père de collaborer avec lui
à la tête d’un grand trust industriel.
Avec M. Smith, Capra donne dans la
surenchère et augmente la taille du
Goliath à abattre : une political machine,
toute une association de groupes d’intérêt économique et politique qui porte
atteinte à la valeur morale du système
gouvernemental américain. Deux ans
plus tard, dans son prochain film,
L’Homme de la rue, il reprendra le
même acteur, Edward Arnold, pour jouer
un personnage identique dont le pouvoir
s’exercera cette fois dans la direction du
fascisme. En 1939, Capra est conscient
de l’évolution idéologique de cette partie du monde dont il est originaire. La
démocratie est renversée en Europe.
L’Amérique a besoin de tous ses Deeds
et de tous ses Smith pour résister. D’où
le prénom qu’il adjoint à ce dernier
patronyme, Jefferson, afin de mieux
signifier sa croyance profonde dans les
idéaux politiques américains des premiers temps, d’où également le nom de
son ennemi, Joseph Paine, qui s’est sali
les mains en acceptant de remplacer les
absolus de sa jeunesse par des compromis, mais qui saura s’amender à temps
(son prénom, peut-être, aidant). Capra
avait à cette époque une foi aveugle
dans les fondements gouvernementaux
de son pays d’adoption et tenait à l’affirmer publiquement et artistiquement.
Le style de M. Smith au Sénat est
encore plus achevé que celui des précédents films. Utilisant plusieurs caméras
dans le décor du Sénat reconstitué (un
tour de force du décorateur Lionel
N
C
E
SALLE D'ART ET D'ESSAI
CLASSÉE RECHERCHE
8, RUE DE LA VALSE
42100 SAINT-ETIENNE
04.77.32.76.96
RÉPONDEUR : 04.77.32.71.71
Fax : 04.77.25.11.83
2
D
O
C
U
Banks), Capra obtient une rare spontanéité dans le jeu de ses nombreux interprètes, spontanéité rendue possible par
le simple fait que, dans les scènes du
Sénat, par exemple, tous les comédiens
impliqués, situés dans des parties différentes du décor, jouaient et étaient filmés en même temps (une caméra captait les répliques et les réactions de
Stewart, une autre celles de Claude
Rains, une autre encore celles de plusieurs sénateurs, du juge, etc.). Capra
n’avait plus par la suite qu’à choisir les
meilleures prises et à les bien structurer
et rythmer sur la table de montage avec
l’aide de son collaborateur attitré du
moment, Gene Havlick. Cette même
technique lui permit, dans une autre
scène, d’obtenir un effet comique très
réussi : Capra avait demandé à James
Stewart, pour exprimer sa gêne face à la
fille très sexy de Paine, Susan (Astrid
Allwyn), de tripoter son chapeau, puis
de le lâcher, de le ramasser, etc.; le réalisateur avait fait pointer l’une des
caméras, munie d’un long foyer, sur les
mains de l’acteur et l’avait fait tourner
en permanence pendant toute la scène.
Aux rushes, cette prise, vue dans son
intégralité, se révéla fort amusante et
Capra décida d’en garder une grande
partie au montage.
M. Smith au Sénat offre, à vrai dire, la
gamme complète du style de Frank
Capra : la perfection des raccords,
I’accélération du jeu des comédiens (cf.
I’ouverture avec Guy Kibbee, Eugene
Pallette, Edward Arnold et Claude Rains
qui est jouée à une vitesse inouïe), la
variété des angles, les longs plans qui
alternent avec un montage plus rapide,
la priorité donnée aux plans moyens
larges sur les plans rapprochés (le
cadrage «démocratique» par excellence),
les volets qui lient les séquences sans
perdre de temps, les ellipses (exemple :
Eugene Pallette appelle Edward Arnold
au téléphone pour lui parler du choix de
James Stewart par Guy Kibbee comme
sénateur de remplacement. Cut. Arnold,
le téléphone en main, réprimande
L
E
F
M
E
sèchement Guy Kibbee pour cette déplorable initiative), la narration raccourcie,
obtenue au moyen des effets de montage très «eisensteiniens» de Slavko
Vorkapich (le plus beau étant celui de la
visite de Washington par Smith juste
après son arrivée dans la capitale), tout
cet ensemble prouve qu’à cette date, si
Capra n’était peut-être plus en mesure
de renouveler son univers thématique, il
n’en était pas pour autant incapable de
perfectionner son style.
Frank Capra par Michel Cieutat
Ed. Rivages Cinéma - 1994
Le réalisateur
Réalisateur américain d’origine italienne, né en 1897, mort en 1991.
Capra incarne la comédie américaine.
Singulier paradoxe si l’on songe qu’il est
né à Palerme, a émigré aux Etats-Unis
avec sa famille en 1903 et a vendu des
journaux pour pouvoir payer ses études
et nourrir les siens. Le monde sophistiqué de la comédie américaine, il ne
l’aura donc rencontré, ce rital, que dans
les studios de la Columbia.
Est-ce la raison pour laquelle ses comédies les plus célèbres, celles qu’il tourna
pour la Columbia, avec Robert Riskin
pour scénariste, agacent parfois par
leurs truismes (L’argent ne fait pas le
bonheur) ou leur moralisme (Capra adore
les grands discours sur la démocratie) ?
Vous ne l’emporterez pas avec vous,
L’extravagant monsieur Deeds ou
Mr. Smith au Sénat n’en continuent
pas moins à faire rire ou pleurer.
En revanche, le Capra des débuts, le
gagman d’Hal Roach puis de Sennett, le
collaborateur d’Harry Langdon dont il
mit en scène les longs métrages, ces
chefs-d’œuvre que sont Tramp, Tramp,
Tramp, The Strong Man et Long
Pants, est admirable. On découvre chez
lui un sens inné du burlesque que l’on
R
A
N
T
S
retrouvera dans certains bons moments
de Arsenic and Old Lace, sa meilleure
comédie de l’après-guerre. Mais la part
d’Harry Langdon n’en reste pas moins
essentielle dans le charme que dégagent ces vieilles bandes du muet.
Le vrai Capra, peut-être faut-il aller le
chercher, non dans la série des
Pourquoi nous combattons, bons
films de montage certes, malheureusement tout à fait impersonnels, mais
dans des œuvres négligées comme The
Miracle Woman, fulgurante satire des
sectes religieuses qui pullulaient déjà
aux Etats-Unis, The Bitter Tea of
General Yen, merveilleuse histoire
d’amour qui voyait un cruel seigneur de
la guerre, dans la Chine de la révolution,
se tuer pour les beaux yeux de Barbara
Stanwick, ou encore Rain or Shine, au
burlesque échevelé.
Prince de la comédie larmoyante et
moralisatrice, Capra a gagné beaucoup
d’argent. Encore une leçon que donne
son œuvre : les bons sentiments sont
toujours récompensés.
Jean Tulard
Dictionnaire du Cinéma
N
C
E
SALLE D'ART ET D'ESSAI
CLASSÉE RECHERCHE
8, RUE DE LA VALSE
42100 SAINT-ETIENNE
04.77.32.76.96
RÉPONDEUR : 04.77.32.71.71
Fax : 04.77.25.11.83
3
D
O
C
U
Filmographie
Tramp, Tramp, Tramp
Plein les bottes
1922
Fultah fisher’s boarding house
E
It happened one night
New York Miami
1934
The strong man
L’athlète incomplet
1926
Long pants
Sa première culotte
1927
Lost horizon
Horizons perdus
That certain thing
1936
1937
1928
The matinee idol
Bessie à Broadway
Why we fight : prelude to the
war
1942
Pourquoi nous combattons
The way of the strong
Divide and conquer
Submarine
L’épave vivante
The battle of China
The power of the press
Arsenic and old lace
Arsenic et vieilles dentelles
1929
1944
It’s a wonderful life
La vie est belle
1947
State of the union
L’enjeu
1948
1930
Riding high
Jour de chance
1950
1931
Here comes the groom
Si l’on mariait Papa
1951
A hole in the head
Un trou dans la tête
1959
A pocketful of miracles
Milliardaire d’un jour
1961
The Donovan affair
Flight
Rain or shine
The miracle woman
La femme aux miracles
Platinum blonde
La blonde platine
Forbidden
Amour défendu
1941
The nazis strike
Say it with sables
Dirigible
1932
American madness
La ruée
Documents disponibles au France
The bitter tea of general yen
La grande muraille
Diapositives : 1 jeu
Revues n°
Lady for a day
Grande dame d’un jour
E
S
Mr. Smith goes to Washington 1939
Mr. Smith au Sénat
Meet John Doe
L’homme de la rue
Ladies of leisure
T
You can’t take it with you
1938
Vous ne l’emporterez pas avec vous
So this is love
Un punch à l’estomac
The younger generation
Loin du ghetto
N
Broadway Bill
La course de Broadway Bill
Mr. Deeds goes to town
L’extravagant monsieur Deeds
For the love of Mike
L’homme le plus laid du monde
L
M
1933
F
R
A
N
C
E
SALLE D'ART ET D'ESSAI
CLASSÉE RECHERCHE
8, RUE DE LA VALSE
42100 SAINT-ETIENNE
04.77.32.76.96
RÉPONDEUR : 04.77.32.71.71
Fax : 04.77.25.11.83
4

Documents pareils