biographie en français

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biographie en français
Tiken Jah Fakoly
Racines
Sortie le 25 septembre
« Depuis le début de ma carrière, j’ai toujours refusé de chanter des reprises. Je
m’étais inspiré de « Englishman in New York » pour la chanson « Africain à Paris »
en 2007, mais sinon, je sentais que j’avais mon propre message à délivrer, je voulais
créer mon reggae. Pour la première fois, j’ai chanté « War Ina Babylon » de Max
Romeo, en invitant Nneka et Patrice sur Dernier Appel en 2014. La réaction du public
m’a beaucoup touchée, elle m’a incitée à continuer. J’ai eu envie d’honorer les
chansons sur lesquelles je dansais quand j’étais jeune, celles que mon grand frère
passait sur sa platine dans mon village vers Odienné au nord de la Côte d’Ivoire. Ce
nouveau disque est un hommage aux grands classiques du reggae qui
m’accompagnent depuis mon enfance. D’un point de vue collectif, c’est surtout
l’occasion de rappeler que la Jamaïque et l’Afrique sont éternellement liées, par la
musique, par l’histoire, et par le peuple. Pour ce disque, nous avons enregistré les
bases des riddims chez Tuff Gong, le fameux studio de Bob Marley à Kingston, avec
des musiciens comme Sly & Robbie et des chanteurs comme Ken Boothe. Ensuite,
lors d’une seconde série de sessions à Bamako, nous avons ajouté le ngoni, la kora,
le balafon, le sokou… Mettre en valeur ces trésors de la musique jamaïcaine avec
des instruments traditionnels africains, j’ai la prétention d’affirmer que cela n’avait
jamais été réalisé. Depuis le début, ce projet est inspiré d’une phrase de Bob Marley,
qui avait dit : “Le reggae reviendra en Afrique.” »
Tiken Jah Fakoly
Pour revenir à l’origine de ces Racines, il faut donc imaginer ce marmot qui dansait
et chantait en écoutant les disques de reggae de son grand frère dans son village
Ivoirien. Quarante plus tard, le gamin a bien grandi. Tiken Jah Fakoly est devenu une
icône sur le continent africain, et l’artiste de reggae francophone le plus reconnu
dans le monde, avec un demi-million de disques vendus en France, une Victoire de
la Musique en 2003, et un concert à Bercy en 2011. Il a chanté devant des centaines
de milliers de personnes autour de la planète, avant de ressentir soudain le besoin
de revenir aux sources de sa propre musique. « Back to the roots », comme disent
les yardis.
Plus concrètement donc, tout a débuté par des sessions dans le studio Tuff Gong de
Bob Marley, temple mythique du reggae roots. Tiken Jah y a ses habitudes depuis
Françafrique en 2002. Cette fois, il était accompagné du directeur artistique Sylvain
Taillet et du réalisateur anglais Jonathan Quarmby (Ziggy Marley, Finley Quaye,
Benjamin Clementine), aux manettes sur cet album. Ils enregistrèrent avec les
légendes vivantes de l’île jamaïcaine : Sly & Robbie pour la rythmique, Mikey Chung
à la guitare, et Robbie Lyn aux claviers, quatre virtuoses du genre qui jouent
ensemble depuis des décennies, au sein de Black Uhuru et dans le groupe de Peter
Tosh dans les années 70 par exemple. Si le percussionniste Sticky Thompson était
encore de ce monde, il aurait complété cette équipe de all-stars ayant façonné les
albums reggae de Serge Gainsbourg. Ajoutez au casting les chanteurs Ken Boothe,
Max Romeo, Daddy U-Roy, et la jeune Jah9, et vous obtenez ce que Kingston et le
reggae roots ont de plus précieux à offrir.
Au-delà de l’artistique, ces chansons s’avèrent aussi et surtout chargées d’une réelle
intensité historique. Elles racontent l’identité d’un peuple déporté, elles sont les
monuments les plus nobles que les descendants d’esclaves ont bâties sur l’île
jamaïcaine. Pour Tiken Jah, les transporter physiquement dans ses bagages, sur le
chemin du retour vers l’Afrique, était un acte symboliquement très fort et émouvant.
Arrivé dans son studio à Bamako, il décida de les remettre à leur vraie place : dans le
patrimoine musical du continent noir. Les classiques de Marley, Junior Murvin, et
Burning Spear furent transcendés de saillies de guitares électriques mandingues ou
du Sahel, de ngoni, de sokou, de balafon, de kora, de percussions (tama, yabara,
dundu, djembé…). Onze chefs-d‘œuvre du reggae ont ainsi traversé le temps et
l’espace pour renaître sous d’autres formes, inédites, africaines, à la fois
traditionnelles et modernes. L’album s’appelle Racines, au pluriel.
1. IS IT BECAUSE I’M BLACK ? featuring Ken Boothe
Version originale par Ken Boothe
Album : Let’s Get It On, 1973
Le crooner Ken Boothe délaisse son habituel costume de « lover » jamaïcain pour
chanter une réalité sociale bien moins romantique, celle des Noirs du ghetto. « Is It
Because I’m Black ? » est un standard soul enregistré par le chanteur de Chicago
Syl Johnson en 1968. Ken Boothe l’interpréte quelques années plus tard dans un
style typique de chant « sufferer » (chant exprimant la souffrance) à la demande du
producteur Lloyd « Charmers » Tyrell. Quarante ans après, il accepte de l’enregistrer
en duo avec Tiken Jah Fakoly, et dès les premières notes de cette superbe
introduction à la guitare acoustique, au ngoni, au balafon et à la kora, les deux voix
se répondent avec une émotion contagieuse. Tiken Jah confirme que « la session
avec Ken Boothe était le moment le plus fort de ce voyage en Jamaïque, tout
simplement. »
2. GET UP, STAND UP featuring U-Roy
Version originale par Bob Marley & The Wailers
Album : Burnin’, 1973
Cette chanson de Bob Marley est co-écrite par le plus rebelle des Wailers, Peter
Tosh. Dès sa sortie en 45 tours, la portée de son message politique dépasse le
cadre jamaïcain et devient le chant de révolte de tous les opprimés de la planète.
« Get Up, Stand Up » est un poing levé dans la gueule des oppresseurs et des
politiciens corrompus. « Je pense que c’est le message qui est resté le plus
d’actualité de toutes les chansons de l’album, déclare Tiken Jah. Je suis fier de
constater que ma génération est prête à risquer sa vie pour avoir le droit de choisir
sa destinée. Elle refuse que les présidents africains cumulent les mandats pendant
des dizaines d’années. Au Burkina Faso, au Burundi, le peuple s’est levé
récemment. Les jeunes organisent des manifestations face à des régiments armées,
il faut avoir du courage. « Get Up, stand up, fight for your rights ! », c’est vraiment
ça : se dresser et se battre pour ses droits. Le défi de notre génération consiste à
installer l’alternance et la démocratie, nous sommes en train de le relever pour nos
enfants et nos petits enfants. Eux pourront développer, construire des TGV qui
traverseront l’Afrique noire par exemple, mais avant cela, notre mission est d’abord
d’installer la démocratie partout en Afrique. » Pour pimenter l’original, Daddy U-Roy,
complice de Tiken depuis ses premiers voyages en Jamaïque, vient poser sa
tchatche bondissante sur la version.
3. ONE STEP FORWARD featuring Max Romeo
Version originale par Max Romeo & The Upsetters
Album : War Ina Babylon, 1975
Enregistrée par le chanteur Max Romeo dans le studio mythique de Lee Scratch
Perry, cette chanson est un hit dès sa sortie en Jamaïque. Le texte dénonce les
promesses non tenues du premier ministre Michael Manley, que Romeo avait
pourtant soutenu pendant sa campagne à l’élection de 1972 en chantant avant ses
discours. Il appelle aussi plus globalement à remettre en cause la notion de progrès
telle qu’on la conçoit dans nos sociétés modernes. Tiken explique que sa complicité
avec Max Romeo va bien au-delà de la musique : « Comme moi, c’est un fermier,
proche de la terre. Il nourrit sa famille et ses voisins avec les produits de ses
plantations. Et comme moi, Max n’envisage pas que ses belles paroles ne soient pas
suivies d’actions sociales dans sa communauté. J’ai déjà construit quatre écoles en
Afrique, et je ne compte pas m’arrêter là. »
4. SLAVERY DAYS
Version originale par Burning Spear
Album : Marcus Garvey, 1975
Sur le titre original produit par Jack Ruby, Burning Spear appelle son peuple à ne
jamais oublier les navires qui s’amarraient dans le port de Kingston pour débarquer
les esclaves rebelles que les marchands pensaient ne pas pouvoir vendre aux EtatsUnis. Sur cette version, les percussions, le sokou et la kora refont la traversée dans
l’autre sens dans une transe nyabinghi très spirituelle, et Tiken Jah déclare : « Avant
même la musique ou la culture, le lien entre l’Afrique et la Jamaïque est d’abord
historique. Se rappeler de l’esclavage est douloureux, mais le devoir de mémoire est
toujours essentiel. Quand je repense à la souffrance de nos ancêtres, à leur courage
pour se libérer après 400 ans d’esclavage, je me dis que je n’ai pas le droit de me
plaindre. Nous devons avancer, et revendiquer nos droits. »
5. ZIMBABWE
Version originale par Bob Marley & The Wailers
Album : Survival, 1979
Après avoir écrit cette chanson pour fêter la constitution du Zimbabwe, The Wailers
ont été invités par le nouveau gouvernement à donner un concert pendant la
cérémonie de la Déclaration de l’Indépendance, au stade national d’Harare, en avril
1980. Pour Tiken Jah, « Zimbabwe » illustre concrètement l’espoir et la solidarité
qu’éprouvait Marley pour l’Afrique : « Bob avait payé lui-même son billet d’avion et
celui de ses musiciens pour venir jouer à cette cérémonie au Zimbabwe. Quand tu
connais cette histoire et que tu écoutes la chanson, tu peux ressentir combien il était
concerné par ce qui se passait sur le continent. »
6. FADE AWAY featuring Jah9
Version originale par Junior Byles, 1975
B.O. Rockers, 1979
Chez Channel One sur Maxfied Avenue, le studio le plus productif des années 70 à
Kingston, le guitariste Earl Chinna Smith propose ce titre au chanteur Junior Byles.
Le single « Fade Away » connait un tel succès à sa sortie en 1975 qu’il est ensuite
retenu sur la B.O. du célèbre film Rockers. En 2015, Tiken Jah Fakoly partage le
micro avec Jah9 (« Janine » en anglais), activiste de la nouvelle génération rasta
jamaïcaine qui milite pour un retour au reggae acoustique conscient, et dont la voix
aérienne est ici sublimée d’une kora cristalline.
7. BRIGADIER SABARI
Version originale par Alpha Blondy
Album : Jah Glory, 1982
Tiken Jah décide de représenter le reggae africain dans sa sélection par un standard
de celui que les médias ont d’abord présenté comme son père spirituel, puis comme
son rival, mais qui n’est en réalité qu’un serviteur de la même cause que lui, Alpha
Blondy. Ce titre, probablement le premier interprété dans un dialecte d’Afrique de
l’Ouest, le dioula, pose les fondations du reggae sur le continent noir en 1982.
8. HILLS AND VALLEYS
Version originale par Buju Banton
Album : Inna Heights, 1997
Au milieu des années 90, Buju Banton décide de modifier son approche de la
musique et de la vie : le DJ gangsta devient chanteur rasta, et son dancehall
hardcore devient reggae acoustique. Cette rédemption est déclenchée par une
révélation spirituelle qui le bouleverse si profondément qu’il compose quelques-unes
des plus somptueuses chansons de son répertoire, dont « Hills and
Valleys ». « L’histoire du reggae continue à s’écrire au présent en Jamaïque,
rappelle Tiken. Il y a beaucoup de belles chansons à découvrir au-delà des
classiques des années 70. »
9. CHRISTOPHER COLUMBUS
Version originale par Burning Spear
Album : Hail H.I.M., 1980
Christophe Colomb a-t-il découvert la Jamaïque ? « Que dire alors des indiens
arawaks et des hommes noirs qui étaient sur l’île avant lui ? » chante Burning Spear
sur ce brûlot. En bousculant le mythe de Christophe Colomb, c’est tout
l’enseignement scolaire officiel que Burning Spear incite à reconsidérer. Si l’histoire
est toujours écrite par les vainqueurs, elle est souvent chantée par ceux qui l’ont
subie. Sur l’original, la section de cuivres emmenée par le fabuleux Bobby Ellis, un
ancien des Skatalites, souffle la révolte. 35 ans plus tard, Tiken Jah Fakoly exhume
cette mélodie dans le même studio ou Burning Spear l’avait enregistrée autrefois,
chez Tuff Gong. « Depuis que je suis gamin, Spear a toujours été mon chanteur
favori, dit simplement Tiken. J’ai appris à chanter en écoutant ses disques. Je pense
que ce n’est pas un hasard si les gens me disent parfois spontanément que nos voix
se ressemblent un peu. »
10. POLICE & THIEVES
Version originale par Junior Murvin
Album : Police & Thieves, 1977
Après sa brouille avec Bob Marley, le producteur Lee « Scratch » Perry met tout son
génie et son excentricité au service d’autres voix, dont le falsetto merveilleux de
Junior Murvin. Repris par The Clash en Angleterre, ce refrain devient le slogan
préféré des punks de Londres. Junior Murvin l’a interprété sur scène pendant 35 ans,
jusqu’à sa disparition en 2013.
11. AFRICAN
Version originale par Peter Tosh
Album : Equal Rights, 1977
Extrait du second album solo de Peter Tosh après sa séparation définitive avec The
Wailers, Peter Tosh exhorte ici la diaspora noire, et par extension l’humanité entière,
à reconnaître ses racines africaines. Le duo Sly & Robbie (Serge Gainsbourg, Black
Uhuru) y tenait avec panache la rythmique, comme sur la nouvelle version de Tiken
Jah Fakoly, tout aussi percutante. « Qu’il soit jamaïcain, français, ou canadien, la
première nationalité d’un Noir, c’est sa peau, affirme Tiken. On le lui rappelle chaque
jour à travers des injustices. Nous avons encore beaucoup de travail à faire,
personne ne viendra changer l’Afrique à notre place. L’Afrique a besoin des Africains
et de sa diaspora. »

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