La promotion des collectivités territoriales et de leurs gestionnaires

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La promotion des collectivités territoriales et de leurs gestionnaires
La promotion des collectivités territoriales et de leurs gestionnaires
politiques dans les médias audiovisuels
Réflexions autour des émissions Vivement Dimanche réalisées en juin 2005
à Toulouse et à Calvi.
Par :
Marcel MORITZ
Allocataire-moniteur à l’Institut de Recherche et d’Etudes
en Droit de l’Information et de la Communication (IREDIC)
La télévision et la communication politique entretiennent depuis plus d’un demi siècle
une passion fusionnelle. Loin des premières interventions d’un général de Gaulle au style
suranné, l’heure est aujourd’hui au mélange des genres, avec une présence toujours croissante
des hommes politiques dans les émissions de divertissement. Cette situation n’est pas sans
causer certaines dérives, surtout lorsque ces émissions sont subventionnées par des
collectivités territoriales elles aussi en mal de promotion.
Les médias ont ainsi massivement1 repris la problématique posée par le tournage dans
les halls d’assemblage d’Airbus Industrie d’une émission de Michel Drucker, Vivement
Dimanche. Ce 3 juin 2005, jour de l’enregistrement de l’émission, le ton était pourtant des
plus consensuel. Invité à s’asseoir sur le grand canapé rouge, M. Douste-Blazy, président de
l’agglomération du Grand Toulouse, vantait sans faillir le dynamisme de sa ville, son industrie
florissante mais aussi son projet de Canceropôle. L’émission, diffusée le 12 juin 2005 sur la
chaîne publique France 2, aurait pu n’être qu’une émission dominicale de plus, sans la
moindre conséquence juridique. Tel ne fut pas le cas. En effet, une subvention de 131.560 €
devait être versée à la société de production de Michel Drucker (productions DMD). Or, par
une délibération du 20 juin 2005, la commission permanente du Grand Toulouse a refusé de
voter ce financement au motif que la diffusion de l’émission aurait constitué une véritable
opération de « publicité »2 visant à conforter l’image de M. Douste-Blazy. Dans le même
temps, le président du Conseil général, Pierre Izard, saisissait le CSA du dossier.
Manifestement gêné, ce dernier convoqua Michel Drucker et Christopher Baldelli3 avant de
trouver une parade juridiquement incontestable : les élus ayant refusé de voter la subvention
promise, les fonds n’ont pas été versés de sorte qu’aucun problème juridique n’a pu naître. Le
CSA promit toutefois d’engager une réflexion sur le financement d’émissions par les
collectivités territoriales, promesse de réflexion qui, à ce jour4, n’a pas connu d’écho officiel5.
La problématique ainsi soulevée aurait pu demeurer isolée et condamnée à l’oubli si
elle n’avait pas connu un écho retentissant quelques semaines plus tard.
Ce 26 juin 2005, l’équipe de Vivement Dimanche est en Corse. Devant la baie de
Calvi, les invités de Michel Drucker sont aux anges et la promotion de l’île de beauté est à son
1
V. notamment les articles de G. LAVAL in Libération, 28 juin 2005 ; D. PSENNY in Le Monde, 30 juin 2005 ;
I. ROBERTS in Libération, 22 juillet 2005.
2
V. les propos rapportés par G. LAVAL in Libération, 28 juin 2005, précité.
3
Directeur général de France 2.
4
Le 1er novembre 2005.
5
Contacté sur la question de l’avancée de ses travaux, le département « pluralisme et élections » a confirmé qu’il
n’était qu’au commencement d’un long travail préalable de recensement des pratiques.
1
paroxysme. Un mois plus tard, le 26 juillet 2005, l’ambiance devient subitement moins
chaleureuse : Dominique Bucchini, président du groupe communiste à l’Assemblée de Corse
interpelle Ange Santini, président UMP du Conseil exécutif Corse, sur les 102.000 € accordés
à la société de production DMD, manifestement excédé par la somme promise en échange
d’une promotion qu’il juge politique et indigne6. Saisi par le député et président du Conseil
général de Haute-Corse, Paul Giacobbi, le CSA va analyser l’émission sous le seul angle du
respect du pluralisme7. De facto, sa réponse est sans appel : une seule intervention de
personnalité politique a eu lieu, sur un registre essentiellement patrimonial, France 2 n’a donc
pas manqué à ses devoirs, et le principe du pluralisme n’a pas été écorné.
Doit-on pour autant en conclure qu’il n’y a eu, ni à Calvi, ni à Toulouse, d’ « affaire »
qui mérite réflexion sur le plan juridique ? Ce silence après l’orage serait bien trop
insatisfaisant. Manifestement conscient du problème, le CSA a demandé aux opérateurs de lui
indiquer quels sont, à leur connaissance, les programmes subventionnés par des collectivités
territoriales. Ce recensement des pratiques permettra à l’organe de régulation de mesurer
l’étendue du problème et, le cas échéant, de prendre les mesures qui s’imposent.
Dans l’attente d’une prise de position claire du CSA, il convient de revenir sur les
interrogations soulevées par les émissions Vivement Dimanche de Toulouse et de Calvi. Ces
dernières, loin d’être anodines, sont en réalité porteuses d’une dualité de problématiques que
la chronologie des faits révèle parfaitement. Dans un premier temps, les assemblées locales
concernées ont vivement critiqué les subventions versées à la société de production DMD,
remettant en cause une utilisation méconnue des fonds publics. Ainsi naît une première
question, celle de la légalité même des opérations de promotion audiovisuelle menées par les
collectivités territoriales (I). Mais au-delà de cette première contestation, le débat s’est très
rapidement étendu, pour se focaliser sur la promotion politique que les émissions
subventionnées sont susceptibles de contenir (II).
I- La promotion audiovisuelle des collectivités territoriales
La première interrogation soulevée par les émissions contestées est relative au
financement par les collectivités territoriales d’actions de promotion de leur image. De telles
opérations sont aujourd’hui essentielles au dynamisme local. Mais promouvoir une
collectivité, c’est aussi nécessairement faire l’éloge des réalisations de ses gestionnaires. Par
conséquent, si de telles pratiques sont parfaitement admises hors période électorale (A), elles
ne sont pas dénuées d’impact sur la vie politique locale, ce qui justifie un encadrement
particulier en période électorale (B).
A- La communication des collectivités territoriales hors période électorale
La communication institutionnelle des collectivités territoriales permet d’informer les
citoyens et participe ainsi, en principe, au libre exercice de la démocratie. Pourtant, à
l’exception de l’article L. 2121-27-1 du Code général des collectivités territoriales8 (CGCT),
aucune disposition légale ne régit cette pratique hors période électorale. Cette lacune est sans
6
V. l’article d’A. CHEMIN in Le Monde, 12 août 2005.
La lettre du CSA, août - septembre 2005, n° 187, p.20.
8
Article inséré par la loi nº 2002-276 du 27 février 2002, article 9 I°, JORF du 28 février 2002, p. 3808 : « Dans
les communes de 3 500 habitants et plus, lorsque la commune diffuse, sous quelque forme que ce soit, un
bulletin d'information générale sur les réalisations et la gestion du conseil municipal, un espace est réservé à
l'expression des conseillers n'appartenant pas à la majorité municipale. Les modalités d’application de cette
disposition sont définies par le règlement intérieur ».
7
2
nul doute délétère eu égard à l’enjeu majeur que représente la communication pour les
collectivités territoriales. Conscients de cette problématique, un groupe de députés9 ainsi
qu’un groupe de sénateurs10 ont récemment déposé une proposition de loi relative à la
communication des collectivités territoriales. Ces initiatives, visant notamment à étendre le
champ d’application des dispositions précitées de l’article L. 2121-27-1 du CGCT aux
départements et régions, ne sont qu’à l’orée de leur parcours parlementaire. Elles n’en
demeurent pas moins louables, car en l’état actuel du droit positif il n’existe guère d’autre
solution que de rechercher au sein du droit commun des critères encadrant ce type de
dépenses. On relève alors que les collectivités territoriales ne peuvent classiquement agir que
si elles disposent d’un intérêt « territorial » ou « local » pour ce faire. Ainsi, une commune a
toute latitude pour intervenir dans le sens de la satisfaction de l’intérêt public local qui est le
sien, c'est-à-dire l’intérêt public communal. Comme le rappelait Rémy Schwartz dans ses
conclusions sous l’arrêt de Section Commune de Villeneuve d’Asq11, pour qu’il y ait intérêt
public local (communal en l’espèce), il faut avant tout qu’il y ait un intérêt public. Ce premier
critère suppose a contrario que l’on ne doit pas satisfaire des intérêts privés à l’aide de fonds
publics12. Cette règle de bon sens paraît ne mériter aucun commentaire, et pourtant elle se
révèle des plus utiles quant à la problématique qui est la nôtre. En effet, dès lors qu’une action
de communication d’une collectivité territoriale masque en réalité une campagne de
promotion politique, la première condition de la satisfaction d’un intérêt public local n’est pas
remplie, et la subvention publique versée serait donc entachée d’illégalité.
Le second critère de l’intérêt public local réside dans la nature de l’intervention
publique, laquelle doit avoir pour objet direct de répondre aux besoins de la population13.
Enfin, la satisfaction de l’intérêt public local suppose le respect du principe de
neutralité, et la subvention versée ne doit donc pas conduire à une quelconque prise de
position dans un conflit collectif du travail14 ou dans un conflit politique national ou
international15. Est ici encore exclue toute subvention fondée sur un motif politique
puisqu’une telle mesure serait contraire au principe de neutralité qu’impose la satisfaction de
l’intérêt public local. On le voit, il n’est donc point besoin de longs débats sur le principe de la
légalité des actions de communication entreprises par les collectivités territoriales : dès lors
qu’une telle action sert l’intérêt public local sa légalité est reconnue. On en déduit que la
subvention versée à une émission ayant pour but d’encenser l’image de dynamisme
économique d’une ville, comme ce fut le cas dans l’émission toulousaine de Vivement
Dimanche, ou l’image touristique d’une région, comme dans le cas de l’émission Corse, est
par principe parfaitement légale. En effet, les retombées économiques et donc sociales d’une
telle émission permettent de satisfaire l’intérêt public local. Cependant, dès lors qu’une
promotion politique se glisse dans ce schéma idéal la subvention devient illégale, car elle ne
sert plus la satisfaction de l’intérêt public local.
9
Proposition de loi visant à garantir le droit d’expression des groupes d’opposition dans la communication des
collectivités territoriales, enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 mars 2005 sous le numéro
2196.
10
Proposition de loi relative à la communication des collectivités territoriales, enregistrée à la Présidence du
Sénat le 3 août 2005 sous le numéro 494. Ce texte vise à conférer un cadre législatif à la communication des
collectivités territoriales en insérant au sein du CGCT, pour chaque échelon de collectivité, une division
spécialement consacrée à leur communication.
11
CE Sect., 28 juillet 1995, Rec. p. 324, AJDA 1995, p. 834, concl. R. SCHWARTZ.
12
CAA Marseille, 12 juin 2001, Union locale CGT de Sète et Commune de Sète, Collectivités Intercommunalité, 2002, comm. 46.
13
V. sur cette question : Y. GOUNIN, « La Corrèze ou le Zambèse ? », AJDA, 7 mars 2005, pp. 486-489.
14
CE, 25 avril 1994, Président du conseil général du Territoire de Belfort, Rec. p. 190, AJDA 1994, pp. 545547, concl. D. Kessler.
15
CE, 23 octobre 1989, Commune de Pierrefitte-sur-Seine, commune de Saint-Ouen et commune de Romainville,
Rec. p. 209, AJDA 1990, p. 119.
3
La situation juridique est donc parfaitement claire sur ce point. La jurisprudence ne
s’est d’ailleurs pas laissée tromper en appliquant cette recherche de la satisfaction de l’intérêt
public local à une subvention de 1,550 millions de francs (236.300 €) versée par la ville de
Marseille à la société Adam Production pour l’organisation d’un spectacle de Johnny
Hallyday le 16 juillet 2000 au stade Vélodrome. Les juges du Tribunal administratif de
Marseille16 ont en effet considéré que « le spectacle subventionné [...] contribue à donner de
la ville de Marseille une image attractive ; que par ailleurs, la délibération et la convention
prévoient que la ville de Marseille est mise en valeur dans les actions de communication
menées à l’occasion de ce spectacle, notamment par l’apposition du logo Marseille 2000 sur
les billets et affiches [...] ; [...] que le versement de la subvention litigieuse présentait bien une
certaine utilité communale ». Cette jurisprudence démontre parfaitement que les collectivités
territoriales disposent d’une marge de manœuvre appréciable en ce qui concerne leur stratégie
de communication.
Cette liberté se trouve renforcée par la reconnaissance d’un véritable service public de
la communication des collectivités. La question de la qualification juridique des opérations de
promotion des collectivités territoriales s’est posée à propos de la compétence des juridictions
chargées de connaître des litiges nés de l’exécution de tels contrats de promotion. Or, le
Tribunal des conflits17 comme les juridictions administratives18 considèrent avec constance
que le contrat de production par lequel une société s’engage à faire la promotion d’une
collectivité territoriale est un contrat administratif car de nature à faire participer directement
la société productrice à l’exécution même du service public.
Deux affaires récentes se situant dans la droite lignée de cette jurisprudence
audacieuse peuvent être citées pour leur clarté. Dans la première, le département de l’Ain
avait conclu avec une société privée un contrat ayant pour objet la promotion du département
par divers procédés de communication et de publicité à l’occasion du Masters d’équitation de
Paris. Les juridictions judiciaires et administratives s’étant toutes deux déclarées
incompétentes, le Tribunal des conflits a eu à connaître de la nature d’une telle convention de
promotion publicitaire. Par un jugement en date du 5 juillet 199919, ce dernier a considéré
« [...] que le contrat litigieux confiait à la société IMG Group tant la conception des opérations
de communication et de publicité envisagées pour promouvoir l’image du département [...]
que leur exécution ; qu’ainsi cette société participait à l’exécution même d’un service public
administratif ». Par un jugement du 22 janvier 200120, le Tribunal des conflits va confirmer
une fois de plus cette conception particulièrement extensive de la notion de service public. En
l’espèce, le Conseil régional de Haute-Normandie avait conclu un accord avec une société
gérée par le navigateur Paul Vatine pour le financement de ses courses à bord d’un trimaran
aux couleurs de la région. En échange des subventions versées, le skipper devait participer à
toutes les campagnes de promotion menées en faveur de la région. Ici aussi, la nature du
16
TA Marseille, 20 décembre 2002, Préfet des Bouches-du-Rhône contre Ville de Marseille, 1ère chambre,
n° 0004215, comm. O. GRIMALDI, « Johnny Hallyday et le service public communal », RGCT, n° 27, janvier février 2003, pp. 527-534.
17
V. T. confl., 23 octobre 1995, n° 2961, Société Nationale de communication, Juris-Data n° 048170 ;
Procédures 1996, comm. 53.
18
V. TA Nouméa, 4 avril 1996, n° 96-00020, SA Technologia, Procédures 1997, comm. n° 165.
19
T. confl., 5 juillet 1999, Sté International Management Group, n° 198147, Juris-Data n° 043840. V.
également pour l’exécution d’un « service public de l’information municipale » : T . confl., 24 juin 1996, Préfet
de l’Essonne contre Société France Déco, Bull. inf. C. cass. 15 octobre 1996, n° 968, p. 2. V. enfin pour la
qualification de service public applicable à la réalisation d’un film de promotion d’une collectivité et à
l’organisation d’un colloque de même finalité : TA Nouméa, 4 avril 1996, SA Technologia, précité.
20
T. confl., 22 janvier 2001, n° 3238, Préfet de la Seine-Maritime contre tribunal de grande instance Rouen ;
Sté Multicom contre Conseil régional de Haute-Normandie, Juris-Data n° 13949 ; JCP G, n° 51-52,
19 décembre 2001, pp. 2360-2362, Comm. F.-X. FORT.
4
contrat conclu posait une difficulté levée par le Tribunal qui a considéré que ledit contrat
confiait à la société du navigateur une mission qui la faisait participer directement « à
l’exécution même du service public ».
Cette application extensive de la notion de service public aux actions de
communication entreprises par les collectivités territoriales démontre en tant que de besoin la
légalité de principe de telles pratiques, qui sont par ailleurs sur le plan financier une condition
sine qua non à l’existence de nombreuses émissions21.
B- La communication des collectivités territoriales en période électorale
Parfaitement conscient de la fragile frontière qui sépare communication
institutionnelle et promotion politique, le législateur de 199022 a intégré au sein de l’alinéa
second de l’article L. 52-1 du Code électoral une disposition aux termes de laquelle « A
compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être
procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations
ou de la gestion d'une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités
intéressées par le scrutin ». Cette prohibition très générale et interprétée avec une excessive
fermeté par les juges23 a été atténuée par une loi du 3 janvier 200124, laquelle a ajouté aux
dispositions précitées la précision suivante : « Sans préjudice des dispositions du présent
chapitre, cette interdiction ne s'applique pas à la présentation, par un candidat ou pour son
compte, dans le cadre de l'organisation de sa campagne, du bilan de la gestion des mandats
qu'il détient ou qu'il a détenus. Les dépenses afférentes sont soumises aux dispositions
relatives au financement et au plafonnement des dépenses électorales contenues au
chapitre V bis du présent titre ». Ces mesures ont clairement vocation à empêcher un candidat
sortant d’investir, en vue de sa réélection, des fonds publics dans des opérations de promotion
de sa collectivité tout en permettant la pratique des bilans de mandat sur fonds propres25. Un
aveu important est ainsi fait, même s’il l’est à demi mot : une grande majorité d’opérations de
communication menées par les collectivités territoriales trahit en réalité indirectement une
mise en valeur des élus qui en ont la charge. En ce sens le texte est clair, sanctionnant
indifféremment tant les opérations de promotion encensant la « gestion » d’une collectivité
que celles visant ses « réalisations ». Comment pourrait-il d’ailleurs raisonnablement en être
autrement ? Il ne fait en effet aucun doute qu’une collectivité mettant en avant son dynamisme
économique, son attrait culturel ou touristique, promeut indirectement la réussite de ses
gestionnaires... Seulement ce qui peut être admissible en temps normal ne l’est plus en
période électorale26. C’est cette distinction que contient l’article L. 52-1 du Code électoral.
Il incombait toutefois à la jurisprudence de dégager des critères fiables27 permettant de
définir la notion de « campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion
d'une collectivité ». En effet, il ne convient pas d’interdire purement et simplement toute
21
On peut citer notamment des jeux télévisés populaires tels que « Fort Boyard », « Intervilles » ou encore « la
Carte aux trésor » ; v. sur ce point les propos de M. Drucker in Le Monde, 12 août 2005, précité.
22
Loi nº 90-55 du 15 janvier 1990, art. 3, JORF du 16 janvier 1990, p. 641.
23
CE section, 2 octobre 1996, Élections municipales de Bassens, Rec. pp. 365 et 366 ; Dr. adm. 1996, n° 522.
24
Loi n° 2001-2 du 3 janvier 2001, art. 23, JORF du 4 janvier 2001, p. 96 et s.
25
R. CAILLAUD, « Les « bilans » de mandat : article L. 52-1 du Code électoral », Collectivités locales
intercommunalité, mars 2001, pp. 5-6 ; B. DAUGERON, « La loi du 3 janvier 2001 et les bilans de mandat »,
AJDA, 20 mars 2001, pp. 257-264.
26
Au cours des travaux parlementaires, Pierre Joxe avait en ce sens précisé que cet article éviterait que « les
animateurs des collectivités locales ne puissent se mettre en valeur aux frais du contribuable » : JOAN CR
6 décembre 1989, p. 6051.
27
V. notamment E. VITAL-DURAND, « Encadrement de la communication des collectivités locales en période
électorale », JCP Adm. et Coll. terr., n° 14, 31 mars 2003, pp. 445-447.
5
action de communication durant la campagne électorale ; toute collectivité territoriale a
besoin, en permanence, de pouvoir communiquer sur ses actions et il ne serait pas tolérable de
l’en empêcher. Ne sont donc visées par la prohibition de l’article L. 52-1 que les actions de
communication qui dépassent le cadre des pratiques habituelles et normales admises, les juges
se fondant sur un faisceau d’indices28. Les jurisprudences rendues concernent principalement
les publications écrites. Cependant, eu égard à la généralité des termes de la loi, il ne fait
aucun doute que les critères dégagés sont également applicables aux campagnes de promotion
audiovisuelle. En pratique, les juges ne sanctionnent pas les contenus informatifs se limitant à
commenter de manière objective les réalisations de la collectivité29, ni a fortiori la pratique
des bulletins municipaux ne comportant que des informations générales sur la vie de la
collectivité et de ses habitants, que ce bulletin soit imprimé sur support papier30, diffusé par
un réseau de télévision exploité en régie municipale31 ou même par le biais d’un site
Internet32. Cette possibilité offerte aux collectivités territoriales de communiquer de manière
objective sur leurs réalisations, y compris en période électorale, a été reprise par le Conseil
constitutionnel, en sa qualité de juge de l’élection33. Fort naturellement, les informations
communiquées ne doivent pas constituer une tribune polémique pour le candidat sortant34
sous peine d’être assimilées à une campagne de promotion publicitaire prohibée par l’article
L. 52-1 du Code électoral. De manière générale, plus le scrutin est proche plus les juges font
preuve de fermeté35. Il convient de préciser que si des opérations de promotion publicitaire
prohibées sont constatées, l’élection ne sera pas nécessairement annulée, seul un faible écart
de voies justifiant une mesure si radicale36. Cependant, l’amende prévue par l’article L. 90-1
du Code électoral37 s’applique, de même que les sanctions prévues par l’article L. 113-1-I38
du même Code. Par ailleurs, une autre sanction redoutable peut naître par la réintégration dans
le compte de campagne du candidat bénéficiaire des dépenses indûment supportées par la
collectivité, avec la possibilité d’un rejet du compte du fait d’un financement prohibé ou d’un
dépassement du plafond des dépenses39.
28
Sont notamment pris en compte le contenu de la diffusion et son ton, l’importance de l’audience et la date de
diffusion.
29
CE, 28 décembre 1992, Janetti, Rec. T., p. 995.
30
CE, 29 juillet 2002, Élections municipales de Bastia, Rec. pp. 293-295, RFDA 2002, p. 1022.
31
CE, 29 novembre 2002, n° 239766, Élections municipales de Cluses, Dr. adm. 2003, n° 61.
32
CE, 8 juillet 2002, Elections municipales de Rodez, Petites Affiches, n° 249, 13 décembre 2002, pp. 11-17,
concl. DE SILVA. Aux termes de cette jurisprudence, un site contenant des informations générales sur une
collectivité territoriale ne doit pas être regardé comme une campagne de promotion publicitaire des réalisations
ou de la gestion de cette collectivité. Il est toutefois permis de s’interroger sur l’applicabilité d’une telle
jurisprudence en cas de reprise sur Internet de contenus précédemment diffusés sur un support audiovisuel, eu
égard aux risques de contournement du droit de la communication audiovisuelle qu’une telle pratique
engendrerait.
33
Conseil constitutionnel, décision n° 97-2237 du 19 janvier 1998, A.N. Essonne (8ème circ.), M. Berson, JORF
er
1 février 1998, pp. 1636-1638.
34
CE, 28 juillet 1993, Élections cantonales de Bordères-sur-l’Echez, Petites Affiches, n° 125, 18 octobre 1993,
pp. 4 et 5, concl. Schwartz.
35
Pour un bulletin municipal diffusé une semaine avant le scrutin : CE, 28 juin 1996, req. n° 173553, Élections
municipales de Perthes, inédit au Rec.
36
CE, 28 juillet 1993, Fourcade, Dr. adm. 1993, n° 405.
37
« Toute infraction aux dispositions de l’article L. 52-1 sera punie d’une amende de 75.000 € ».
38
« I. - Sera puni d'une amende de 3 750 euros et d'un emprisonnement d'un an, ou de l'une de ces deux peines
seulement, tout candidat en cas de scrutin uninominal, ou tout candidat tête de liste en cas de scrutin de liste,
qui : [...] 6º Aura bénéficié, sur sa demande ou avec son accord exprès, d'affichages ou de publicité commerciale
ne respectant pas les dispositions des articles L. 51 et L. 52-1 ».
39
Code électoral, articles L. 52-4 et s. et L. 118-3. V. également B. BHASSIN et Y. M. DOUBLET in RFDC
1995, p. 587-607.
6
II- La promotion politique audiovisuelle
La promotion politique, qui vise à encenser à des fins électorales l’image d’un parti
politique ou de ses membres ne se distingue pas aisément de la promotion des collectivités
territoriales. Néanmoins, si la distinction est fragile, elle est juridiquement essentielle car la
promotion politique est soumise à des règles juridiques spécifiques. Ces dernières varient
également en fonction de la proximité temporelle d’éventuelles élections. C’est ainsi que la
communication politique est soumise à des règles relativement peu contraignantes (A) qui
voient leur sévérité accrue en période électorale (B).
A- La promotion politique hors période électorale
Si la promotion des collectivités territoriales est soumise à un principe de liberté hors
période électorale, cette liberté se trouve nécessairement limitée en matière de promotion
politique. En premier lieu, une limitation s’opère par le nécessaire respect du pluralisme des
courants d’expression socioculturels40. Ce principe, bâti par le Conseil constitutionnel41 sur
une interprétation téléologique de l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du
citoyen du 26 août 1789, impose en effet que soient apportées certaines restrictions à la liberté
des émetteurs d’informations. En ce sens, le CSA, garant du pluralisme interne42, a adopté le 8
février 2000 de nouvelles modalités d’évaluation du pluralisme43. Les éditeurs doivent
respecter un équilibre entre le temps d’intervention des membres du gouvernement, celui des
personnalités appartenant à la majorité parlementaire et celui des personnalités de l’opposition
parlementaire et leur assurer des conditions de programmation comparables. Quant aux
personnalités appartenant à des formations politiques non représentées au Parlement, les
éditeurs doivent leur assurer un temps d’intervention équitable. Le principe retenu par le CSA
est que le temps d’intervention des personnalités de l’opposition parlementaire ne peut-être
inférieur à la moitié du temps d’intervention cumulé des membres du gouvernement et des
personnalités de la majorité parlementaire. A l’inverse, les diffuseurs doivent également
s’abstenir de représenter excessivement l’opposition parlementaire44. Lorsque les programmes
ont une diffusion locale ou régionale, le pluralisme doit être assuré en tenant compte des
équilibres politiques locaux ou régionaux. Loin de se contenter du simple temps de parole
confié aux représentants des différentes formations politiques, le CSA prend également en
compte le temps d’antenne global consacré aux sujets contribuant à la formation de l’opinion
ainsi que l’audience des temps de parole. C’est précisément en se fondant sur cette analyse du
pluralisme politique que le CSA a répondu au député et président du Conseil général de
Haute-Corse, Paul Giacobbi, au sujet de l’émission Vivement Dimanche réalisée à Calvi :
« [...] cette émission [n’a] donné lieu qu’à une seule intervention de personnalité politique,
40
V. sur cette question : Ph. MARCANGELO-LEOS, Pluralisme et Audiovisuel, éd. LGDJ, coll. Bibliothèque
de Droit public Tome 240, 2004, 678 p.
41
Décisions du Conseil constitutionnel n° 82-141 DC du 27 juillet 1982, Loi sur la communication
audiovisuelle, Recueil, p. 48 ; RJC, p. I-126 ; JORF 27 juillet 1982, p. 2422 et n° 86-217 DC du 18 septembre
1986, Liberté de communication audiovisuelle, Recueil, p. 141 ; RJC, p. I-283 ; JORF 19 septembre 1986,
p. 11294.
42
Article 1er de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, JORF 1er octobre
1986, pp. 11755 et s., modifié par la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 art. 109, JORF 10 juillet 2004 : « La
communication au public par voie électronique est libre ».
43
« Le pluralisme et les nouvelles modalités de son évaluation par le CSA », La lettre du CSA, n° 126,
mars 2000, pp. 3-5.
44
V. à titre d’illustration la demande formulée par le CSA auprès de la chaîne M6 au titre de ses magazines
d’information du second semestre 2004 : La lettre du CSA, n° 188, octobre 2005, p. 4.
7
celle de M. Charles Napoléon, adjoint au maire d’Ajaccio, dans un registre d’ailleurs plus
patrimonial que politique. Dans ces conditions, elle n’aura que peu d’incidence sur l’équilibre
global des temps de parole des personnalités politiques invitées à s’exprimer sur l’antenne de
France 2. Le CSA ne peut donc pas en conclure que France 2 a manqué, en l’occurrence, à ses
obligations relatives au respect du principe du pluralisme »45. Cette réponse révèle
l’importance accordée au principe de proportionnalité lorsque la question du pluralisme est en
jeu, conférant un très large pouvoir d’appréciation au CSA.
Certes, une telle émission n’a pas pu avoir pour conséquence de mettre en danger le
pluralisme de l’information et la décision du CSA paraît incontestable sur ce point.
Cependant, la recherche d’une atteinte portée au pluralisme ne doit pas masquer un autre
principe à la mise en œuvre bien plus complexe, celui de l’indépendance de l’information. En
effet, en subventionnant une production audiovisuelle en vue de promouvoir son image, une
collectivité promeut nécessairement, même très indirectement, la réussite de ses gestionnaires
politiques. Mais cette promotion politique n’est que secondaire et peu attentatoire au principe
du pluralisme. Par contre, en rémunérant la production d’une émission, les collectivités
territoriales influent le plus souvent sur son contenu éditorial. Dès lors, c’est le respect de
l’indépendance de l’information qui est principalement en cause et non son pluralisme. Or, ce
principe d’indépendance est bien moins strictement délimité par le CSA, qui n’a pas encore eu
à notre connaissance l’occasion de sanctionner une chaîne sur ce fondement. Pourtant,
l’article 3-1 de la loi du 30 septembre 198646 érige en principe que le CSA « garantit
l’indépendance et l’impartialité du secteur public de la radio et de la télévision », service
public diffusant l’émission Vivement Dimanche. Si l’on se contente d’une interprétation
rigoriste de ce texte le débat est donc permis, même s’il est des plus périlleux ; démontrer que
le versement d’une subvention par une collectivité territoriale a eu pour conséquence de
biaiser l’information délivrée et donc indirectement de créer une promotion politique paraît
clairement particulièrement audacieux…
Une troisième approche, distincte des concepts globaux de pluralisme et
d’indépendance, pourrait consister à tenter de conférer un sens aux dispositions méconnues
portées par l’alinéa second de l’article 14 de la loi du 30 septembre 198647 lequel interdit en
tous temps « les émissions publicitaires à caractère politique ». Cependant, cette notion
demeure des plus floues et la nature même de l’activité politique ne facilite guère les choses.
En effet, si l’on se réfère à la définition connue en matière de publicité commerciale, on
constate que la publicité se distingue essentiellement de l’information générale par son
caractère laudatif visant à influencer le choix du consommateur48. On relève immédiatement
que cette définition n’est que difficilement transposable au concept d’émission publicitaire à
caractère politique, car la communication politique a très souvent, par essence, une vocation
laudative. Bien plus, en se référant au concept d’ « émission », le texte pose une exigence
supplémentaire, puisqu’il semble qu’il faille en déduire que l’émission entière doive servir de
tribune à un discours de promotion politique. Enfin, la question de l’exigence d’une
contrepartie pécuniaire demeure floue : si le décret du 27 mars 1992 relatif à la publicité
télévisée exige en son article 3 l’existence d’une contrepartie, il ne semble pas certain que
cette exigence doive être reprise en ce qui concerne la publicité politique49. Elle ne l’est pas,
45
La lettre du CSA, août - septembre 2005, n° 187, p. 20, précité.
Loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, précitée.
47
Modifiée par la loi n° 90-55 du 15 janvier 1990, précitée.
48
F. CORONE, « La notion de publicité commerciale à travers la jurisprudence », Légicom, n° 2, 1993, pp. 2632.
49
V. en ce sens : Cass. crim. 7 juin 1990, pourvoi n° 87-85479, JCP E, n° 40, IV, p. 328.
46
8
par exemple, en ce qui concerne la définition de l’affichage publicitaire50. On le voit aisément,
l’alinéa second de l’article 14 de la loi du 30 septembre 1986 est porteur de multiples
perspectives, et il ne serait pas insensé de vouloir l’appliquer à certaines émissions qui, par
leur absence total de regard critique, constitueraient en réalité une promotion politique à
dimension publicitaire.
Ces perspectives, bien que floues, demeurent très largement sous-estimées. Ainsi, suite
à l’émission Vivement Dimanche réalisée à Toulouse, le journal Le Monde titrait : « l’affaire
A380 face à un vide juridique »51. Aussi forte soit-elle sur le plan journalistique, force est de
constater que, d’un point de vue juridique, cette formulation n’est pas satisfaisante. En effet,
si l’on considère que cette émission constituait la promotion d’une collectivité territoriale, elle
est soumise au principe de la satisfaction de l’intérêt public local, dont on a vu précédemment
qu’il était une notion juridiquement précise. A l’inverse, si l’on considère que cette émission
constituait une opération de promotion politique, elle est soumise au respect du pluralisme,
qui n’exclue pas pour autant l’application d’autres principes généraux comme l’indépendance
de l’information ou l’interdiction des émissions publicitaires à caractère politique. Mais en
aucun cas ne se pose le problème d’un vide juridique. Il s’agirait même plutôt du problème
inverse, celui d’une pluralité de normes dont il convient d’exciper aujourd’hui des principes
juridiques efficaces, à l’image du droit applicable à la communication politique en période
électorale.
B- La promotion politique en période électorale
Dans le cas des émissions qui fondent notre réflexion, les collectivités territoriales
concernées n’étaient pas en période électorale. Cependant, il convient de préciser que le
législateur, tout en conservant à l’esprit le principe de la liberté de communication
audiovisuelle inscrite au fronton de la loi de 1986, a pris en compte l’impact considérable de
ce média en période électorale. Aussi a-t-il imposé certaines règles contraignantes dont
l’application est restrictivement délimitée dans le temps en fonction de l’imminence
d’élections.
Ainsi, l’article L. 52-1 du Code électoral dispose en son premier alinéa52 que
« Pendant les trois mois précédant le premier jour d’une élection et jusqu’à la date du tour de
scrutin où celle-ci est acquise, l’utilisation à des fins de propagande électorale de tout procédé
de publicité commerciale par la voie de la presse ou par tout moyen de communication
audiovisuelle est interdite ». Ces dispositions semblent heurter de front celles précitées de
l’article 14 de la loi du 30 septembre 1986, lesquelles interdisent de façon permanente les
« émissions publicitaires à caractère politique », au point que l’on puisse considérer qu’il y a
là « une contradiction tout à fait regrettable entre [ces textes], le premier n’édictant qu’une
interdiction limitée dans le temps, le second contenant une interdiction permanente »53. Si leur
énoncé diffère quelque peu, la première faisant référence à une finalité électorale et à un
procédé de publicité de nature commerciale absents de la seconde, qui quant à elle intègre le
concept d’émission absent de la première, force est de constater que le législateur n’a
50
Article L. 581-3 du Code de l’environnement : « Au sens du présent chapitre : 1º Constitue une publicité, à
l'exclusion des enseignes et des préenseignes, toute inscription, forme ou image, destinée à informer le public ou
à attirer son attention, les dispositifs dont le principal objet est de recevoir lesdites inscriptions, formes ou images
étant assimilées à des publicités ; [...] ».
51
Le Monde du 30 juin 2005, précité
52
Issu de l’article 3 de la loi n° 90-55 du 15 janvier 1990, précitée.
53
P. BON, « Aspects récents du contrôle des campagnes électorales en France », RFDC, 1993, p. 78.
9
malheureusement pas été des plus inspiré de sorte que la cohérence de ces dispositions
demeure des plus contestable. On peut cependant relever que, malgré sa redondance, l’article
L. 52-1 alinéa premier a le mérite de pouvoir fonder une intervention du juge électoral, ce que
ne permettrait pas la seule loi de 198654. Néanmoins, les juges n’appliquent que rarement ces
dispositions aux médias audiovisuels55, l’essentiel des litiges se focalisant sur les publicités
diffusées par voie de presse56.
Par ailleurs, les dispositions de l’article L. 49 alinéa 2nd du Code électoral contiennent
une autre limite apportée en période électorale à la liberté de communication audiovisuelle.
Cet article, tel que modifié par la loi du 21 juin 200457, dispose en effet désormais qu’ « A
partir de la veille du scrutin à zéro heure, il est interdit de diffuser ou de faire diffuser par tout
moyen de communication au public par voie électronique tout message ayant le caractère de
propagande électorale ». Or, cette notion nouvelle de communication au public par voie
électronique comprend en son sein la communication audiovisuelle. Par conséquent, la liberté
des médias audiovisuels se trouve temporairement limitée par ces dispositions, puisqu’elles
interdisent aux chaînes de radio et de télévision de promouvoir les candidats à l’élection à
partir de la veille du scrutin à minuit58.
Ces dispositions ne doivent toutefois pas faire oublier le maintien, en période
électorale, du principe de la liberté de communication. En effet, à l’exception de l’éventuelle
campagne électorale officielle, les chaînes demeurent par principe libres de définir leur
politique éditoriale et de convier les responsables politiques de leur choix. Cependant, le CSA
se voit confié une mission essentielle, intervenant par ses recommandations afin d’assurer à
tous les candidats un traitement équitable. Ce principe a été très clairement réaffirmé par le
Conseil d’État dans son ordonnance rendue en référé le 24 février 200159 sur requête de
M. Tibéri. Le maire sortant de la capitale reprochait aux responsables de la chaîne Canal + de
ne pas l’avoir convié à un débat opposant ses principaux rivaux, MM. Delanoë et Séguin. Le
Conseil d’État rejeta sa demande au motif que Canal + proposait à M. Tibéri de s’exprimer
dès le lendemain sur son antenne, tout en invitant le CSA à accomplir avec soin sa mission
consistant à vérifier que tous les candidats à l’élection bénéficient bien d’un traitement
équitable. Cette importance accordée au traitement équitable des candidats a été par la suite
réaffirmée au sujet des programmes diffusés par une chaîne de télévision communale gérée en
régie60. Il convient de relever que la référence faite à l’équité s’explique probablement dans
ces hypothèses par le caractère local des élections concernées, le CSA ayant lui-même précisé
que « la notion d’équité est à distinguer de celle d’égalité dont le Code électoral ne prévoit la
stricte application entre les candidats qu’à l’occasion de l’élection présidentielle pour la
période de campagne officielle »61. Cette nuance entre équité et égalité est importante, car elle
offre une plus grande latitude aux chaînes dans leurs choix éditoriaux. En ce sens, il est
indéniable qu’ « aujourd’hui, la mise en concurrence des chaînes et leur souci constant de
54
CE sect., 7 mai 1993, Élections régionales de la Réunion, RFDA, 1993, p. 490, concl. Daël ; D. 1994, jurispr.
p. 111, note Philippe et Crégut.
55
Pour des publicités radiophoniques, v. Cass. Crim. 7 juin 1990, précité ; V. également : CE sect., 7 mai 1993,
Élections régionales de la réunion, précité.
56
V. pour leur clarté : CE, 28 décembre 1992, Perna, Rec. T. p. 995 ; CE, 28 juillet 1993, M. Lavigne, Élections
cantonales de Castelsarrasin, Rec. T. p. 786.
57
Loi nº 2004-575 article 2 V, JORF du 22 juin 2004, p. 11169.
58
V. notamment des arrêts rendus sous la rédaction antérieure de l’article L. 49 al. 2 dont : CE, 4 novembre
1996, Élections municipales de Cognac, Rec. T. p. 903.
59
CE, Ord. Réf., 24 février 2001, Tibéri, n° 260611, RFDA, 2001, p. 629, note Malignier.
60
CE, 29 novembre 2002, Élections municipales de Cluses, précité.
61
La lettre du CSA, décembre 2000, n° 135, p. 4.
10
l’audience les conduisent à déterminer des politiques éditoriales aptes à satisfaire un public de
plus en plus exigeant. Dès lors, leur réalisme les conduit naturellement à traiter les candidats
de façon différente, propre à renouveler l’intérêt des téléspectateurs pour une politique qui
devient parfois un spectacle. La référence à l’équité, celle-ci étant moins exigeante que
l’égalité, constitue un garde-fou minimal du pluralisme politique en assurant un accès à
l’antenne pour tous les candidats, tout en autorisant un traitement différencié de ceux-ci »62.
***
Communication des collectivités territoriales et communication politique ne sont donc
pas soumises aux mêmes règles juridiques, bien que toutes deux obéissent à un régime
spécifique en période électorale. Définir le droit applicable suppose ainsi préalablement de
clarifier avec précision la nature de la communication envisagée, ce qui n’est guère aisé. En
effet, la frontière est le plus souvent ténue entre une opération de promotion d’une collectivité
territoriale et une opération de promotion politique stricto sensu, portant sur la personne
même de l’Homme politique. Entre ces deux sphères antagonistes se situe en effet
malheureusement une pratique très fréquente consistant à se dissimuler derrière une apparente
promotion institutionnelle de la collectivité territoriale pour promouvoir en réalité la réussite
de ses gestionnaires. Le problème principal demeure donc la nature de la frontière entre
promotion personnelle et promotion institutionnelle, laquelle est extrêmement poreuse. Face à
la multitude des pratiques possibles, seule une analyse casuistique est ainsi raisonnablement
envisageable. C’est précisément la démarche de longue haleine entamée par le CSA…
62
G. DECOCQ et A. LEPAGE, note sous CE. réf. 24 février 2001, Tibéri, Communication - Commerce
Électronique, mai 2001, pp. 31 et 32.
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