RETOUR SUR LES FAÇONS DE CAMPER DES PERSONNAGES
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RETOUR SUR LES FAÇONS DE CAMPER DES PERSONNAGES
RETOUR SUR LES FAÇONS DE CAMPER DES PERSONNAGES LA PECEPTION DU MOUVEMENT La grenouille reconnaît la mouche à son vol, pas à sa morphologie. La proie décèle la présence du prédateur à ses déplacements, et le cerveau des mammifères comporte une aire cérébrale plus particulièrement dévolue à l’analyse des mouvements. Percevoir le geste d’une personne (on va-t-elle ? Quelles sont ses intentions ?), est pour nous une information essentielle. Un individu frontal, inerte, sans expression, n’intéresse guère. Il est difficile à dessiner. De fait il est plus facile de donner à voir, comme ci-dessous, un personnage dont il manque quelques parties mais dont le mouvement est crédible. QUESTION Pourquoi les photographes de mode donnent le plus souvent à leurs modèles de légers déhanchés ? NOS ANCÈTRES ARBORICOLES Des schémas visuels d’attitudes et de mouvement sont inscrits dans les gènes qui structure notre appareil visuel. Hérités de lointains ancêtres, ils restent en vigueur même quand ils ne collent plus tout à fait à la réalité du monde dans lequel nous vivons. 1 Pour ça, il est plus facile de dessiner un personnage en mouvement quand on lui réduit la tête, qu’on lui allonge les membres, qu’on lui ôte ses vêtements et qu’on le représente dans des positions quelque peu simiesques. CATÉGORISATION Les façons de se tenir, de marcher, de bouger sont d’une infinie diversité qu’il faut absolument réduire à quelques données élémentaires pour ne pas s’encombrer l’esprit. Pour nous simplifier la perception, notre cerveau catégorise en permanence postures et mouvements : cet individu courre, cet autre marche, cet homme a demi allongé prend appui sur son bras. Et il élimine dans le même temps une masse de données non pertinentes. 2 Pour ça, quand dans un dessin nous reconnaissons une de ces catégories de mouvements préconçus, nous pouvons lui pardonner (comme dans le croquis cidessus) bien des invraisemblances. POSTURES Il est relativement facile de dessiner un modèle dans une posture générique déjà enregistrée dans l’esprit de tout un chacun. Car dans ce cas, on peut compter sur la collaboration de celui qui regardera notre dessin pour le compléter en faisant appel à ses propres schémas perceptifs. 3 Dans les deux dessins ci-joint, on reconnaît un même schéma générique : une personne assise qui regarde l’objet qu’elle tient entre les mains. Ce schéma étant vite reconnu, le regardeur n’a plus qu’à s’intéresser à ce qui distingue la façon de se tenir de ces deux modèles. DESSINER D’APRÈS LE MODÈLE VIVANT ? Dans les ateliers d’artiste et les écoles de dessin de l’age classique on abordait le modèle vivant après avoir travaillé d’après des dessins puis d’après des moulages. Le maître « réglait » les pauses des modèles, privilégiant des postures utilisées en peinture et en sculpture. Le but était clair : apprendre à créer des personnages et à les mettre en mouvement. Aujourd’hui, on aborde souvent le dessin de nu sans avoir étudié au préalable des dessins de maîtres. On le considère comme une fin en soi, et non comme un moyen d’ inventer des personnages de fiction. On laisse enfin le modèle s’asseoir comme il l’entend, et donc souvent dans des positions proprement indessinables. Résultat : les élèves déçus de leurs performances ont tendance à penser qu’ils ne sont pas doués pour le dessin. DESSINER D’APRÈS SCULPTURES ET MOULAGES ? À l’âge classique, on dessinait volontiers d’après « la bosse », c’est à dire d’après sculptures et moulages. Mais, là encore, ce type de dessin n’était pas une fin en soi. Le but était, comme avec le modèle vivant, de composer des personnages en action. Pour cela, on n’hésitait pas à modifier la position d’un corps, à changer un vêtement, à rajouter des accessoires... 4 DESSINER D’APRÈS DES PHOTOS ? Il y a photo et photo. La masse des instantanés représentant des personnages nous montrent des corps peu crédibles et des mouvements confus et proprement indessianables, comme ci-dessous. Mais certains clichés, à l’inverse, nous permettent d’observer à loisir des positions et des mouvements qui, sans eux, nous seraient inaccessibles. Utilisons donc des photos quand elles nous font voir des postures ou des mouvements intéressants. Collectons celles qui nous interpellent et qui nous servirons à l’occasion. Mais n’oublions pas, ce faisant, que notre regard ne fonctionne pas comme l’objectif d’une caméra et qu’il est donc naturel de déformer et de réinterpréter les corps photographiés. DESSINER D’APRÈS DES DESSINS ? Au fil du temps, les dessinateurs ont expérimenté des manières de représenter des personnages et de les animer. Leurs recherches nous éclairent sur la façon dont notre cerveau construit des schémas corporels et catégorise postures et mouvements. Profitons de leurs travaux ! Initions-nous à leurs façons de faire ! Se l’interdire sous prétexte que cela nuirait à notre créativité est une erreur. C’est une manière de scier la branche sur laquelle on est assis. DESSINER D’APRÈS NATURE ? Il faut savoir qu’aucun dessinateur n’est à même d’observer une scène, pour lui inhabituelle, avec des personnages en mouvement, et d’en donner, sur le vif, une représentation crédible. 5 Alors, si vous n’arrivez pas à dessiner des judokas sur un tatami ou des passants le long d’un trottoir, dites-vous bien que c’est normal. Un cerveau, même génial, est incapable des performances d’un appareil photo de quatre sous. COMMNET DESSINER LES MAINS La morphologie d’une main avec sa peau plissée, ses muscles, tendons, os et ongles, est d’une extrême complexité. Heureusement, on n’a pas besoin d’en savoir très long pour s’en servir, l’observer et en doter des personnages en mouvement. Néanmoins, il ne faut pas oublier que la paume en est la partie principale et que le pouce s’y accroche différemment des autres doigts. Qu’elle saisit des objets en faisant pince. Qu’elle s’articule au niveau du poignet. UN CONSEIL Notez les façons de dessiner et de positionner des mains dans un album d’Hergé. Ou, comme ci-dessous, dans des dessins baroques (voir site). 6 COMMENT DESSINER LES PIEDS CHAUSSÉS OU DÉCHAUSSÉS Comme celle de la main, la morphologie du pied est complexe et il faut la résumer à l’essentiel. Pour ça, il est bon de se souvenir que le pied est dissymétrique, avec le gros orteil du côté intérieur. Que la voûte plantaire est bien marquée. Qu’il y a une protubérance osseuse de part et d’autre de la cheville. Que le poids du corps repose sur le talon et que celui-ci est en saillie par rapport à l’axe de la jambe. La chaussure qui enveloppe le pied est aussi dissymétrique. Elle est généralement dotée d’un talon surélevé,. 7 UN CONSEIL Pour que mains et pieds soient crédibles, il faut veiller à ce que leurs positions et leurs mouvements soient clairement caractérisés. COMMENT DESSINER LES DIFFÉRENTES PARTIES D’UN CORPS ? Pour camper des personnages en mouvement, il n’est, là encore pas nécessaire de connaître l’anatomie. Néanmoins, il est bon de savoir que : le sexe est à mi hauteur du corps, la main, le bras ballant, tombe à mi cuisse, le tronc est le plus souvent cambré 8 les ailes ne sont pas forcément fonctionnelles, les cuisses et les fesses s’attachent haut sur le bassin (plus qu’on ne l’imagine), le cou est large et se branche à l’arrière des épaules par l’intermédiaire de deux muscles saillants, 9 le sexe est au bas du triangle du ventre qui descend entre la partie haute des cuisses, les mamelons des seins sont éloignés l’un de l’autre (plus qu’on ne le pense) et forment un triangle plus ou moins équilatéral avec la base du cou, la jambe est dissymétrique, avec le tibia légèrement incurvé vers l’extérieur. UN CONSEIL Déformez les proportions d’un corps pour le rendre plus expressif, mais indiquez clairement ses articulations : épaules, coudes, hanches, genoux et n’oubliez pas de marquer l’emplacement stratégique du pied ou de la main JONCTIONS STRATÉGIQUES 10 Quand on campe un personnage habillé, on peut laisser beaucoup de choses dans le vague, mais il convient de dessiner avec attention la jonction d’un poignet et d’une manchette, la transition d’une cheville avec un bas de pantalon et une chaussure, et d’indiquer quelques plis à l’articulation d’un coude ou d’un genou. DESSINER CE QUE L’ON VOIT D’UN VÊTEMENT ? Pour camper un personnage de façon crédible, il faut dessiner ce que l’on voit au premier coup d’œil et non pas tous les détails que l’on pourrait observer en s’y attachant des heures durant. Nous voyons tout de suite qu’untel porte un jean , qu’unetelle arbore des boucles d’oreilles et des chaussures à talons, et nous associons ces détails vestimentaires à une impression générale qui se dégage de leurs silhouettes. Pour être crédible, un dessin de figure doit comporter ce même mélange d’impression générale et d’indictions précises. 11 EXPERIENCES SUR LA PERCEPTION UNE LENTEUR FATIGANTE Observez fixement et attentivement un objet qui se déplace très lentement comme un nuage dans le ciel ou un escargot sur une feuille de salade. Ne ressentez vous pas une fatigue visuelle pouvant aller jusqu’au mal de tête ? En fait, quand un mouvement est trop lent, il n’est pas catégorisé en tant que mouvement. Notre cerveau doit donc le recomposer à l’aide d’une pluralité d’images qu’il est amené à décoder les unes à la suite des autres, ce qui est compliqué et fatigant. ÇA BOUGE, QU’EST CE QUI BOUGE ? Prenez de petits objets colorés (crayons, stylos…) et placez les dans votre main à la limite de votre champ visuel. Focalisez un point en face de vous et déplacez votre main. A quel moment reconnaissez vous la présence des objets, leurs formes et leurs couleurs ? Percevez-vous mieux ces objets au repos ou quand vous les agitez avec votre main ? 12 QUESTION Pourquoi arrivez vous à ressentir le mouvement d’un objet dont vous ne reconnaissez ni la forme ni la couleur ? MOUVEMENTS INVRAISSEMBLABLES Posez un calque sur une photo extraite d’un journal sportif et représentant un match de football ou un autre sport de ballon ou de combat, et efforcez-vous de dessiner la scène (vous pouvez aussi vous référer aux images du dossier X). Pourquoi est-il si difficile d’arriver à un résultat satisfaisant ? 13 VARIANTE Les mouvements des danseuses ci-dessous vous paraissent-ils crédibles ? Pouvez-vous attribuer à chacune d’entre elles les jambes qui lui reviennent ? EXERCICE COMOPLÉMENTAIRE INTERACTIONS DE CORPS VIRTUELS En marquant la direction d’un regard (même si l’on ne voit pas d’yeux), le mouvement d’un bras et d’une main, la position éventuelle d’un pied, d’une épaule ou d’un genou, vous allez animer et faire interagir deux êtres géométrisés à l’extrême. 14 VARIANTE Animez de la même façon des couples d’êtres ectoplasmiques ou dotés d’une anatomie improbable. 15