Notre rédaction pleure le décès de Rahaga Ramaholimihaso

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Notre rédaction pleure le décès de Rahaga Ramaholimihaso
Notre rédaction pleure le décès de Rahaga Ramaholimihaso
Extrait du Madagascar-Tribune.com
http://www.madagascar-tribune.com/Notre-redaction-pleure-le-deces-de,19424.html
Notre rédaction pleure le
décès de Rahaga
Ramaholimihaso
- Editorial -
Date de mise en ligne : jeudi 12 décembre 2013
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Notre rédaction pleure le décès de Rahaga Ramaholimihaso
C'est avec une profonde tristesse que j'ai appris le décès de mon ami Rahaga Ramaholimihaso, Directeur de
publication de Madagascar-Tribune.com (au centre sur la photo, en compagnie de son épouse Madeleine). Agé de
78 ans, il a succombé à Paris après une hospitalisation de plusieurs semaines.
Je connaissais l'homme depuis quelques décennies, pour l'avoir fréquenté alors qu'il était Président du Conseil
d'administration de la CNaPS. Plus tard, alors qu'il commençait à préparer sa retraite, il m'avait proposé de prendre
sa relève en tant que Directeur général de la Société malgache d'édition (SME). J'avais refusé pour un certain
nombre de raisons, mais il ne m'en a pas tenu rigueur, et notre amitié n'a jamais souffert de ce refus.
Nos pas se sont ensuite recroisés lors du dernier trimestre 2008. Il m'avait invité à déjeuner chez lui à Ambatobe afin
de me parler de ses rêves et de ses espoirs au sujet de Madagascar-Tribune.com, et recueillir mes conseils. En
compagnie du responsable technique du site, la discussion avait porté sur un certain nombre d'aspects de
management (marketing, ligne éditoriale, recrutement de journalistes, ressources publicitaires), mais il n'était pas du
tout envisagé à ce moment que j'intègre la rédaction, même s'il avait laissé la porte ouverte : « tu pourrais même
écrire de temps en temps dedans si tu voulais ».
À l'époque, il venait de vendre le quotidien « papier » Madagascar-Tribune, qu'il avait créé en 1988 au lendemain de
la relative libéralisation apportée par Didier Ratsiraka avant les présidentielles de mars 1989 [1]. Mais il avait gardé le
nom et la propriété de l'activité « journal en ligne », qui devenait de fait indépendant du journal écrit dont il s'est
séparé, tout en restant son homonyme, ce qui a favorisé les confusions. Depuis, le journal papier a eu des fortunes
diverses, tandis que Madagascar-Tribune.com s'était affirmé rapidement comme une référence du paysage
médiatique malgache sur internet, profitant de la vague d'intérêt générée par la crise pour les sources d'information
sur le web. Et je suis fortement convaincu qu'en animant la résistance, Madagascar-Tribune.com a contribué à
éveiller les consciences nationales et internationales, et a empêché que le coup d'Etat ne passe comme une lettre à
la poste.
Toutefois, contrairement à ce que certains esprits chagrins aiment à véhiculer, Madagascar-Tribune.com ne s'est
jamais positionné comme un média anti-Rajoelina ou anti-transition : Rahaga Ramaholimihaso a voulu une équipe
d'éditorialistes ouverte, où chacun venait librement avec ses opinions. Malheureusement pour les dirigeants de la
Transition, aucune personne ayant des sympathies pour eux ne s'est à ce jour proposée pour intégrer l'équipe.
Pénurie d'intellectuels pro-Rajoelina ; ou pénurie d'intellectuels pro-Rajoelina capables d'écrire en français correct
pour un journal en ligne qui a fait le choix d'assumer sa francophonie ; ou bien pénurie d'intellectuels pro-Rajoelina
désintéressés, désireux d'agir de façon bénévole au nom de leurs convictions et pour la patrie ?
Un défenseur de la liberté de la presse
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L'éclatement de la crise début 2009 fut pour moi une opportunité d'envoyer un premier article (Quels enseignements
tirer de la présente crise politique, 31 janvier 2009), qui fut publié dans la rubrique « opinion ». Je me souviens en
avoir été passablement vexé, ayant eu l'arrogante prétention de penser accéder tout de suite à l'éditorial. Alors que
j'en avais fait la remarque à Rahaga, celui-ci me remit gentiment à ma place en me transmettant l'opinion du
rédacteur en chef : il me fallait d'abord faire mes preuves de qualité et de régularité. Cette anecdote illustre bien un
trait de caractère de Rahaga : il a toujours respecté les structures qu'il avait mises en place, et n'a jamais usé de ses
prérogatives de Directeur de publication envers la rédaction, dont le red'chef est resté souverain dans ses choix
depuis les débuts de Madagascar-tribune.com, jusqu'à ce jour [2]. À l'époque, je pensais écrire juste quelques éditos
de temps en temps pour m'amuser. La crise étant devenue ce qu'elle est, celui de lundi portera le numéro 300.
Au-delà des mots, Rahaga Ramaholimihaso était dans ses actes quotidiens un réel défenseur de la liberté de la
presse en général, et de celle de ses journalistes en particulier. J'ai moi-même pu le constater depuis presque cinq
ans que j'écris pour Madagascar-Tribune.com. Il ne m'a jamais fait de remarques, de remontrances ou de pression
pour que j'adopte un autre ton envers les auteurs de coup d'État, même si je savais que son naturel pondéré lui
faisait peu apprécier les polémiques. Mais il m'a toujours laissé écrire ce que je voulais et comme je le voulais,
même si de temps à autre, le red'chef me faisait savoir que Rahaga avait eu une poussée d'adrénaline en lisant
mon article du jour. Pour cette liberté qu'il m'a laissée, malgré les risques que cela lui faisait prendre [3], je lui voue
un immense respect.
C'est sans doute à cause de cette trop grande liberté des éditorialistes que vers 2009 - 2010, Rahaga
Ramaholimihaso fut contacté par Andry Rajoelina qui lui proposait l'achat de Madagascar-Tribune.com [4]. Il fut tenté
d'accepter, mais demanda par acquit de conscience leur avis aux deux éditorialistes principaux de l'époque, en
soulignant qu'Andry Rajoelina avait promis qu'ils pourraient continuer à écrire en toute liberté. Le fait qu'à ce jour
Madagascar-Tribune.com ne soit pas passé dans l'escarcelle des journaux à la gloire de la Révolution orange vous
laisse entrevoir le genre de réponse qu'on lui a faite, et la confiance qu'on avait envers les promesses de Monsieur
Rajoelina. Là encore, Rahaga nous a écouté et respecté, même s'il aurait certainement préféré que l'on dise oui.
Mais nos arguments basés sur le sens des valeurs défendues par Madagascar-Tribune.com ont eu raison des
arguments financiers assez conséquents avancés par Andry Rajoelina.
Rahaga, un homme de valeurs
Rahaga Ramaholimihaso était un homme de presse qui vouait une véritable passion pour ce secteur d'activité. Il fut
le Président du Groupement des éditeurs de presse indépendants de Madagascar (GEPIM), qui regroupait les
patrons de presse privée. Il a aussi travaillé sur plusieurs projets de création de télévision, ayant même envisagé à
l'époque le rachat de RTA par Madagascar-Tribune. Mais il s'est aussi fait un nom dans d'autres secteurs. Après
avoir commencé sa carrière après ses études de droit en France comme directeur dans ce qui allait plus tard devenir
la CNaPS, il fut cadre dirigeant dans diverses entreprises avant de se voir confier par la famille Ramanandraibe les
rênes de la Société malgache d'édition (SME), qui en plus de ses activités d'édition, était une des plus grosses
imprimeries de l'époque. Il fut également membre actif du Groupement des entreprises de Madagascar (GEM), dont
il fut pendant longtemps le président de la commission Social.
Mais au-delà de ses activités professionnelles, Rahaga était également quelqu'un qui avait un profond engagement
dans la société. Membre dévoué de l'Aumonerie catholique des prisons (dont il fut également vice-président, malgré
son statut de protestant convaincu), il recrutait souvent des personnes qui sortaient de prison pour leur redonner une
seconde chance. Il fut également membre actif et dévoué du Rotary Club Antananarivo Anosy [5]. Car Rahaga était
avant tout un homme de valeurs, sans doute forgées par une vie personnelle et professionnelle qui connut quelques
épreuves dramatiques, mais face auxquelles il a toujours su rester debout avec dignité. Il portait également avec
fierté le fait d'être un descendant direct d'Hagamainty, conseiller d'Andrianampoinimerina.
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C'est un olo-manga, au sens le plus noble de cette expression malgache, qui s'est éteint le 10 décembre 2013. Je
présente les condoléances les plus sincères à sa veuve, à ses enfants et à ses petits enfants, au nom de la
rédaction de Madagascar-Tribune.com, en particulier de tous ceux qui sont devenus éditorialistes bénévoles
réguliers ou épisodiques grâce à cet espace de liberté qu'il leur a offert (Lalatiana Pitch Boule, Citoyenne Malgache,
Sahondra Rabenarivo, Soamiely Andriamananjara, Jean-Pierre Domenichini, Georges Rabehevitra...), ainsi que de
tous ceux qui, à un moment ou à un autre de leur carrière journalistique, ont appris de lui. Un peu, beaucoup, ou
passionnément. Veloma Rahaga, et merci.
[1] Pendant plusieurs années, Madagascar-Tribune était l'un des deux titres uniques de la presse malgache quotidienne et bilingue, avec
Midi-Madagasikara.
[2] Pour la petite histoire, il me fallut trois articles supplémentaires pour enfin me voir promu éditorialiste le 25 février 2009, et assumer de façon
bénévole cette fonction depuis bientôt cinq ans.
[3] En effet, à Madagascar comme ailleurs, le Directeur de publication est le responsable du média devant la loi, et c'est lui qui est en première
ligne si le pouvoir décide de réprimer.
[4] En fait, Andry Rajoelina revenait à la charge, dans la mesure où il s'était déjà mis sur les rangs en 2008 pour tenter d'acheter le journal papier,
qui fut finalement cédé à un autre repreneur.
[5] Avis aux amateurs de théories stupides de complot qui aiment imaginer des liens entre Rotary, Lion's club, Illuminati, FMI, Nouvel ordre
mondial et franc-maçonnerie : Rahaga n'était pas franc-maçon.
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