fauré, hahn, bachelet, strauss, tosti, cimara
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fauré, hahn, bachelet, strauss, tosti, cimara
Fauré, Hahn, Bachelet, Strauss, Tosti, cimara, Toscanini, respighi, tirendelli, zandonai Gabriel Fauré Paolo Tosti Cinq mélodies de Venise l (1845 - 1924) l l l l l Mandoline En Sourdine Green A Clymène C’est l’extase langoureuse Reynaldo Hahn (1874 - 1947) l l l l l Tyndaris Phyllis Fumée L’énamourée Le printemps Alfred Bachelet (1864 - 1944) l Chère nuit Entracte Richard Strauss (1864 - 1949) l l l Einerlei Morgen Zueignung (1846 - 1916) l l l l My memories Love me ! Summer Once More ! Love’s Way Pietro Cimara (1887 - 1967) l Scherzo Ballade Ottorino Respighi (1879 - 1936) l Nebbie Arturo Toscanini (1867 - 1957) l Nevrosi PierAdolfo Tirendelli (1858 - 1937) l Amor, Amor ! Riccardo Zandonai (1883 - 1944) l « Paolo, date mi pace ! » Anna Caterina Antonacci, soprano Donald Sulzen, piano Dimanche 18 janvier 2009 à 16h 1 Gabriel Fauré (1845-1924) Cinq mélodies de Venise Textes de Paul Verlaine (1844-1896) Dédiés à la princesse de Polignac Mandoline Fêtes Galantes Les donneurs de sérénades Et les belles écouteuses Echangent des propos fades Sous les ramures chanteuses. C’est Tircis et c’est Aminte, Et c’est l’éternel Clitandre, Et c’est Damis qui pour mainte Cruelle fit maint vers tendre. Leurs courtes vestes de soie, Leurs longues robes à queue, Leur élégance, leur joie Et leurs molles ombres bleues, Tourbillonnent dans l’extase D’une lune rose et grise, Et la mandoline jase Parmi les frissons de brise. En sourdine Fêtes Galantes Calmes dans le demi-jour Que les branches hautes font, Pénétrons bien notre amour De ce silence profond. Mêlons nos âmes, nos cœurs Et nos sens extasiés, Parmi les vagues langueurs Des pins et des arbousiers. Ferme tes yeux à demi, Croise tes bras sur ton sein, Et de ton cœur endormi Chasse à jamais tout dessein. 2 Laissons-nous persuader Au souffle berceur et doux Qui vient, à tes pieds, rider Les ondes des gazons roux. Et quand, solennel, le soir Des chênes noirs tombera Voix de notre désespoir, Le rossignol chantera. Green Romances sans Paroles Voici des fruits, des fleurs, des feuilles et des branches Et puis voici mon cœur qui ne bat que pour vous. Ne le déchirez pas avec vos deux mains blanches Et qu’à vos yeux si beaux l’humble présent soit doux. J’arrive tout couvert encore de rosée Que le vent du matin vient glacer à mon front. Souffrez que ma fatigue à vos pieds reposée Rêve des chers instants qui la délasseront. Sur votre jeune sein laissez rouler ma tête Toute sonore encor de vos derniers baisers ; Laissez-la s’apaiser de la bonne tempête, Et que je dorme un peu puisque vous reposez. A Clymène Fêtes Galantes Mystiques barcarolles, Romances sans paroles, Chère, puisque tes yeux, Couleur des cieux, Puisque ta voix, étrange Vision qui dérange Et trouble l’horizon De ma raison, Puisque l’arôme insigne De ta pâleur de cygne, 3 Et puisque la candeur De ton odeur, Ah ! Puisque tout ton être, Musique qui pénètre, Nimbes d’anges défunts, Tons et parfums, A, sur d’almes cadences, En ses correspondances Induit mon cœur subtil, Ainsi soit-il ! C’est l’extase langoureuse Romances sans paroles C’est l’extase langoureuse, C’est la fatigue amoureuse, C’est tous les frissons des bois Parmi l’étreinte des brises, C’est vers les ramures grises Le chœur des petites voix. O le frêle et frais murmure ! Cela gazouille et sussurre, Cela ressemble au bruit doux Que l’herbe agitée expire... Tu dirais sous l’eau qui vire, Le roulis sourd des cailloux. Cette âme qui se lamente Et cette plainte dormante C’est la nôtre, n’est-ce pas ? La mienne, dis, et la tienne, Dont s’exhale l’humble antienne Par ce tiède soir, tout bas ? 4 Reynaldo Hahn (1874-1947) Tyndaris Poèmes Antiques , « Etudes Latines » Texte de Charles-Marie-René Leconte De Lisle (1818-1894) O blanche Tyndaris, les Dieux me sont amis : Ils aiment les Muses Latines ; Et l’aneth et le myrte et le thym des collines Croissent aux prés qu’ils m’ont soumis. Viens ! Mes ramiers chéris, aux voluptés plaintives Ici se plaisent à gémir ; Et sous l’épais feuillage il est doux de dormir Au bruit des sources fugitives. Phyllis Poèmes Antiques, « Etudes Latines » Texte de Charles-Marie-René Leconte de Lisle Depuis neuf ans et plus dans l’amphore scellé Mon vin des coteaux d’Albe a lentement mûri ; Il faut ceindre d’acanthe et de myrte fleuri, Phyllis, ta tresse déroulée. L’anis brûle à l’autel, et d’un pied diligent Tous viennent couronnés de verveine pieuse ; Et mon humble maison étincelle, joyeuse Aux reflets des coupes d’argent. O Phyllis, c’est le jour de Vénus, et je t’aime ! Entends-moi ! Téléphus brûle et soupire ailleurs ; Il t’oublie, et je t’aime, et nos jours les meilleurs Vont rentrer dans la nuit suprême. C’est toi qui fleuriras en mes derniers beaux jours: Je ne changerai plus, voici la saison mûre. Chante ! Les vers sont doux quand ta voix les murmure, O belle fin de mes amours. 5 Fumée Texte de Jean Moréas (1856-1910) Le printemps Texte de Théodore Faullin de Banville (1823-1891) Compagne de l’éther, indolente fumée, Je te ressemble un peu.... Ta vie est d’un instant, la mienne est consumée ; Mais nous sortons du feu. L’homme pour subsister, en recueillant la cendre, Qu’il use ses genoux, Sans plus nous soucier et sans jamais descendre, Evanouissons-nous ! Te voilà, rire du Printemps ! Les thyrses des lilas fleurissent. Les amantes, qui te chérissent Délivrent leurs cheveux flottants. L’énamourée Texte de Théodore Faullin de Banville (1823-1891) Ils se disent, ma colombe, Que tu rêves, morte encore, Sous la pierre d’une tombe : Mais pour l’âme qui t’adore, Tu t’éveilles ranimée, O pensive bien-aimée ! Par les blanches nuits d’étoiles, Dans la brise qui murmure, Je caresse tes longs voiles, Ta mouvante chevelure, Et tes ailes demi-closes Qui voltigent sur les roses. O délices ! Je respire Tes divines tresses blondes ; Ta voix pure, cette lyre, Suit la vague sur les ondes, Et, suave, les effleure, Comme un cygne qui pleure ! 6 Sous les rayons d’or éclatants Les anciens lierres se flétrissent. Te voilà, rire du Printemps ! Les thyrses des lilas fleurissent. Couchons-nous au bord des étangs, Que nos maux amers se guérissent ! Mille espoirs fabuleux nourrissent Nos cœurs émus et palpitants. Te voilà, rire du Printemps ! Alfred Bachelet (1864-1944) Chère nuit Texte de Eugène Adenis (1854-1901) Voici l’heure bientôt. Derrière la colline Je vois le soleil qui décline Et cache ses rayons jaloux.... J’entends chanter l’âme des choses Et les narcisses et les roses M’apportent des parfums plus doux ! Chère nuit aux clartés sereines, Toi qui ramènes le tendre amant, Ah ! Descends et voile la terre De ton mystère calme et charmant Mon bonheur renaît sous ton aile O nuit plus belle que les beaux jours : Ah ! Lève-toi pour faire encore Briller l’aurore de mes amours. 7 Richard Strauss (1864-1949) Einerlei Texte de Achim von Arnim (1781-1831) Uniformité Ihr Mund ist stets derselbe, Sein Kuß mir immer neu, Ihr Auge noch dasselbe, Sein freier Blick mir treu ; O du liebes Einerlei, Wie wird aus dir so mancherlei ! Sa bouche est toujours la même, Son baiser m’est toujours nouveau, Ses yeux sont toujours les mêmes Son regard franc m’est fidèle ; O chère Uniformité, En toi quelle diversité ! Morgen Texte de John Henry Mackay (1864-1933) Demain Und morgen wird die Sonne wieder scheinen, Und auf dem Wege, den ich gehen werde, Wird uns, die glücklichen, sie wieder einen Inmitten dieser sonnenatmenden Erde... Demain, le soleil se lèvera de nouveau, Et sur le chemin que je suivrai, Il saura nous réunir, bienheureux, Sur cette terre qui respire le soleil.... Und zu dem Strand, dem weiten, wogenblauen, Werden wir still und langsam niedersteigen, Stumm werden wir uns in die Augen schauen, Und auf uns sinkt des Glückes stummes Schweigen. Et sur la plage, bordée de flots bleus, Nous descendrons en silence, à pas lents, Muets, nous nous regarderons dans les yeux, Et sur nous fondra le silence tranquille de la joie. Zueignung Texte de Hermann von Glim zu Rosenegg (1812-1864) Dédicace Ja, du weißt es, teure Seele, Daß ich fern von dir mich quäle, Liebe macht die Herzen krank, Habe Dank. Oui, tu le sais, chère âme, Que loin de toi, je me tourmente. L’amour rend les coeurs malades, Sois remerciée. Einst hielt ich, der Freiheit Zecher, Hoch den Amethysten-Becher, Und du segnetest den Trank, Habe Dank. Jadis, assoiffé de liberté, Je levai haut le gobelet d‘améthyste, Et tu as béni le breuvage, Sois remerciée. Und beschworst darin die Bösen, Bis ich, was ich nie gewesen, Heilig, heilig an‘s Herz dir sank, Habe Dank. Et tu as écarté les mauvais esprits Jusqu‘à ce que -je ne l‘avais jamais faitJe repose saintement sur ton cœur, Sois remerciée. 8 9 Paolo Tosti (846-1916) My memories Texte de Clifton Bingham (1859-1913) Mes souvenirs There is not of all your songs of you, That does not speak to me of you once more ; There is no place we two have ever seen, That does not whisper of the might have been ; There is no path of all that once we knew, That does not hold some memories of you ; Still, though they call the wild tears to mine eyes, I would not yield them for a Paradise. Il n’est pas une de tes chansons Qui ne me parle encore de toi ; Pas un seul lieu que nous ayons vu tous deux Qui ne chuchote la force de ce qui eût pu être : Pas de sentier autrefois connu de nous Qui ne contienne quelque souvenir de toi ; Même s’ils appellent à mes yeux de cruelles larmes Je ne les donnerais pas pour un Paradis. There is no hand clasp that you ever gave, That does not live, though love be in its grave ; There is no vow of all you ever made, That does not haunt me, and will not be laid ! There is not one of all our parting tears, That has not stayed with me for all these years ; Memories only -stars in life’s grey skiesI would not yield them for a Paradise. Pas une étreinte que tu n’aies donnée, Qui ne vive, bien que l’amour soit au tombeau ; Pas un serment que tu n’aies fait, Qui ne me hante, et ne pourra se rompre ! Pas une seule de nos larmes d’adieu, Qui ne soit restée en moi, toutes ces années ; Les souvenirs mêmes -étoiles dans le ciel gris d’une vieJe ne les donnerais pas pour un Paradis. Love me ! Texte de Githa Sowerby (1876-1970) Aime-moi ! Love me for the day of days When your eyes first saw me In the happy morning time With the world before thee. Aime-moi pour ce grand jour Quand tes yeux me virent pour la première fois Dans ce matin heureux Avec le monde devant eux. Love me, for the golden dream Not for the mortal living For the little world that grieved And the sweet forgiving. Aime-moi pour ce rêve doré Non pour cette vie mortelle Pour le petit mot blessant Et pour la douceur de l’oubli. Love me for the empty room That I leave behind me Love for the face that’s gone And the tears that blind thee Aime-moi pour cette chambre vide Que je laisse derrière moi ; L’amour de ce beau visage disparu Et les pleurs qui le voilent. Love me for the years we knew The sadness and the laughter Love me with the broken heart And the silence after. Aime-moi pour ces années où nous avons connu La tristesse et les rires Aime-moi pour ce cœur brisé Et le silence après. 10 11 Summer Texte de Malcolm C. Salaman (1855-1940) Eté Sweetheart, today the summer’s here ; She smiles her way along the ground, And sings her songs above ; She wakes the passion of the year, Her sunny hair is all unbound, She’s calling us to love. Ma bien-aimée, c’est aujourd’hui la saison d’été ! Elle sourit à sa guise le long du chemin, Et y chante ses chansons ; Elle éveille à la passion annuelle, Sa chevelure ensoleillée est dénouée , Elle nous appelle à l’amour. The sun is over hill and sea, The quiet shadows red between, And God is over all ; Now summer calls to you and me To love while yet the year is green, Before the roses fall. Le soleil surplombe la colline et la mer, La tranquille ombre rouge entre les deux, Et Dieu est au-dessus de tout ; Maintenant, l’été nous appelle toi et moi A aimer, pendant que l’an est encore vert, Et avant que les roses ne tombent. Once More !.... Texte de Githa Sowerby (1876-1970) Encore une fois !..... Twas summer-time when first you came, And all the woods were ringing, We thought the birds would never die Nor weary of their singing Once more the happy morning shines And sets the river gleaming On earth and skies sweet summer lies And all the world goes dreaming. C’était l’été quand tu vins pour la première fois, Tous les bois résonnaient, Nous croyions les oiseaux immortels, Jamais lassés de leur chant Une fois de plus, un joyeux matin resplendit Et la rivière se lève, éclatante Sur la terre et les cieux, un doux été s’étend Et l’univers entier s’en va, rêvant. For one day more I hold you still, While time and youth are fleeting, And once again, for joy or pain, Your heart on mine is beating Remember me, when all is past, In mem’ry’s winter weather Ah, come what way, one golden day We’ll live and love together ! Je t’étreins pour un jour encore, Alors que s’enfuient le temps et la jeunesse, Et une fois encore, pour la joie ou pour la peine, Ton coeur bat contre le mien Souviens-toi de moi, quand tout sera passé, Dans les hivers de la mémoire Ah, viens : un jour doré Nous verra vivre ensemble et nous aimer ! 12 13 Love’s Way Texte de Ethel Clifford (?-1959) Le chemin de l’amour A little narrow pathway through the wood There is, for one alone too wide ; And yet so strait that only those who love Are not too close who tread it side by side. Il est un tout petit sentier à travers bois, Trop large pour un solitaire ; Et pourtant si étroit que seuls les amoureux N’y sont pas trop serrés, cheminant côte à côte. The way is very quiet in the wood ; There is no sound of wind or song of bird It is so still that only those who love Dare break its silence with a spoken word. Dans ce bois, le chemin est très tranquille ; Ni bruit de vent, ni chant d’oiseau. Il est si calme que seuls les amoureux, En prononçant un mot, osent briser son silence. There seems a constant twilight in the wood : None ever goes there in the sun of noon, But always in the dusk, when those who love Look out between the stems and see the moon. Le bois semble baigné d’un constant crépuscule : Personne n’y vient jamais au soleil de midi, Mais toujours à la brune, lorsque les amoureux Regardent au travers des branches et voient la lune. It is as though some magic holds the wood And silences the birds and stills the bees. None other walks there, only those who love Go hand in hand beneath the watching trees. C’est comme si une magie s’emparait du bois, Faisant taire les oiseaux, arrêtant les abeilles. Personne d’autre ne marche ici ; seuls ceux qui s’aiment Vont, main dans la main, sous le regard des arbres. Pietro Cimara (1887-1967) Scherzo Ballade Texte De Carlo Zangarini (1874-1943) Scherzo Ballade Una notte, al davanzale, Ero sola, o pur non ero ? Ben mi parve un soffio d’ale Che giungesse dal sentiero Chi la guancia mi sfiorò ? Se fu un bacio io non lo so. Fu la tenda, è ver, rammento, Che la guancia mi percosse : La carezza fu del vento, Pur vorrei che non lo fosse... Più ci penso e più rammento Che fu un bacio e non il vento. Une nuit, à la fenêtre, Etais-je seule, ou pas ? Le souffle d’une aile, surgissant Du sentier, me parvint. Qui m’effleura la joue ? Si ce fut un baiser : je ne sais…. Ce ne fut, en vérité, que le rideau -il m’en souvientQui me toucha la joue. La caresse était celle du vent, Mais j’aurais voulu qu’il en fût autrement… Plus j’y pense et plus cela me revient : C’était un baiser et non le vent. 14 15 Ottorino Respighi (1879-1936) Nebbie Texte de Ada Negri (1870-1945) Brumes Soffro, lontan lontano Le nebbie sonnolente Salgono dal tacente Piano. Je m’afflige, loin, très loin Les brumes somnolentes S’élèvent silencieusement De la plaine. Alto gracchiando, i corvi, Fidati all’ali nere, Traversan le brughiere Torvi. Très haut, croassant, les corbeaux, Glissent sur leurs ailes noires Et survolent les landes Inexorablement. Dell’aere ai morsi crudi Gli addolorati tronchi Offron, pregando, i brochi nudi. Come ho freddo ! Son sola ; Pel grigio ciel sospinto Un gemito destinto Vola ; Les troncs endoloris Offrent aux vents cinglants Leurs branches dénudées. Comme j’ai froid ! Je suis seule ; Chassée à travers le ciel gris Une plainte mouvante Prend son envol ; E mi ripete : Vieni ; E buia la vallata. O triste, o disamata Vieni ! Vieni ! Et me répète : « Viens », La vallée est sombre O solitaire, o mal-aimée : Viens ! Viens ! Arturo Toscanini (1867-1957) Nevrosi Texte anonyme Névrose Cos’e’ questa melanconia che mi tormenta E che mi opprime ogn’or, Cos’e’ questa mestizia mia, Questa nube di pianto e di dolor. Ah, stringer ti vorrei sull petto ardente Nell’impeto piu’folle del desir. Vorrei baciarti il crine Avidamente e poi morir, Quelle mélancolie qui me tourmente Et qui toujours m’oppresse ! Quelle est ma tristesse, Cette nébuleuse de pleurs et de souffrance ! Que je voudrais te serrer contre mon cœur brûlant Dans le plus fol enthousiasme du désir ! Je voudrais baiser tes cheveux Passionnément et puis mourir ! 16 17 E piango e rido e nel tumulto strano Raggio di pace non risplende a me Come sospinto di poter arcano Fugge l’anima mia cercando te Stringerti vorrei sul petto ardente Nell’impeto piu’folle del desir Vorrei baciarti il crine Avidamamente e poi morir. Et je pleure et je ris, -étrange tourbillonUn rayon de paix ne m’irradie pas ; Et je suis poussé par un mystérieux pouvoir. En te cherchant, mon âme fuit. Te serrer contre mon cœur brûlant, je le voudrais, Enthousiasme fou du désir ; Baiser tes cheveux, je le voudrais Passionnément ; et puis mourir ! PierAdolfo Tirendelli (1858-1937) Amor, Amor ! « Canto dAprile » in Fatalità, 1892 Traduction de Mélanie Marnas Melle, Texte de Ada Negri (1870-1945) 1896, BmL 339766 Oh, amour ! Oh Amore, amor ! Tutto Ti sento palpitar nel sole, Nei soffi larghi e liberi dei venti, Nel mite alezzo trepidante e puro Del prime viole. Come fluido vital, caldo e feroce, Vivi e trascorri nei nascenti steli, Con le allodale canti, Angelo audace, fra mille atomi d’or voli E cospargi di luce i mondi e i cieli. Amore, oh Amor, Tutto Ti sento nell’esultanza De l’april risorto. Dai profumi a le rose ed ali al vento, Capri la terra di raggi e di baci. Ma nel mio cor, sei morto ! O amour, amour, Je te sens Palpiter divinement dans le soleil, Dans les souffles larges et libres, Dans le doux parfum, vivant et pur Des premières violettes. Comme un fluide vital, chaud et fécond Tu vis et tu circules dans les tiges naissantes Tu chantes avec les alouettes Ange audacieux, tu voles parmi les atomes D’or et tu inondes de clarté les mondes et les cieux. O amour, amour ! Je te sens tout entier Dans la joie enivrante D’avril ressuscité. Tu donnes des parfums aux roses et des ailes au vent, Tu couvres la terre de rayons et de baisers, Mais dans mon cœur, tu es mort ! 18 19 Riccardo Zandonai (1883-1944) « Paolo, date mi pace ! » Tiré de de Francesca da Rimini, (1914), acte III, Tito Ricordo (1865-1933) « Paolo, donnez-moi la paix ! » Paolo, date mi pace ! E’dolce cosa vivere obliando Almeno un’ora, fuor della tempesta Che ci affatica. Non richiamate, prego, L’ombra del tempo in questa fresca luce Che alfine mi disseta. Pace in questo mare Che tanta era selvaggio Ieri e oggi è come la perla. Date, date mi pace ! Paolo, donnez-moi la paix ! Qu’il est doux de vivre en oubliant Un moment au moins, hors de la tempête Ce qui nous éprouve. Ne me rappelez pas, je vous prie, L’ombre du temps dans cette froide lumière Qui enfin me satisfait. La paix, en cette mer Si sauvage encore hier, Et qui aujourd‘hui semble une perle. Donnez-moi la paix ! 20 21 echos de la belle époque Introduction La Belle Epoque.... Les deux termes n’évoquent-ils pas, juxtaposés l’un à l’autre, une sorte de nostalgie contenue ? L’appellation même de « Belle Epoque », née au lendemain de la Grande Guerre pour désigner la période qui a précédé ce premier conflit mondial, se fait l’écho d’un regret profond : celui d’une période faste faite d’insouciance et aussi de progrès culturels, économiques, industriels, qui semblaient faciliter l’existence et donner foi en l’avenir. Il y a dans cette expression la nostalgie d’un temps qui n’est plus et que la guerre a rasé de façon cruelle et durable mais dont le parfum de bonheur innocent et de raffinement flotte encore. Il semble a priori difficile de préciser ou de synthétiser ce que serait réellement l’art musical de la période qu’on nomme ici Belle Epoque. Il n’y a pas un « style Belle Epoque » bien défini mais des courants, des manières d’écrire à un moment donné de l’Histoire : ce moment-ci offre aux compositeurs la riche liberté de s’inscrire dans l’élan du progrès et des recherches formelles tout en ayant la possibilité d’interroger aussi, comme on l’a fait depuis la seconde partie du XVIIIe siècle et notamment dans l’art bourgeois, des époques et des traditions passées. A un moment où triomphe le wagnérisme en France, où l’opéra vériste avec Leoncavallo est à la mode en Italie, le genre de la mélodie et du lied apparaît comme une alternative à l’opéra : il exprime tout à la fois ce besoin de renouer avec un passé artistique (aussi bien littéraire que pictural et musical) ou « historique », mais aussi l’avancée dans les recherches formelles, harmoniques et expressives. Sa forme ramassée en fait un concentré d’expression et de lyrisme. Il y a un tour aphoristique dans ce genre : tout dire, de la manière la plus expressive et dans un temps d’exécution très court. On est loin ici de la représentation d’opéra.... C’est cette union du mot et du son à un moment précis de l’Histoire qui fait dire à Vladimir Jankélévitch dans les premières lignes de son ouvrage Fauré et ses mélodies : « Il y a dans l’histoire de l’art des périodes émouvantes où l’on voit la poésie et la musique fraterniser l’une avec l’autre comme par l’effet d’ une soudaine conspiration [....] les poètes semblent écrire pour les musiciens, les musiques, de leur côté se coulent si exactement dans les poèmes, qu’elles semblent nées pour leur faire l’offrande de leur lyrisme et de leur ardeur. » 22 Cependant entre les différents pays, Allemagne, France et Italie, la partie ne se joue pas de manière égale et équilibrée. En Italie, qui a toujours cultivé avec ardeur l’opéra, la mélodie n’est au demeurant qu’un genre mineur. Il existe au XIXe siècle une tradition de la mélodie de chambre (romanze) dont les représentants ont pour nom Bellini, Donizetti ou encore Verdi. On y trouve à la fois des pièces d’inspiration légère ou populaire (canzonette) mais aussi des mélodies d’un registre plus élevé, proches du genre lyrique. Cependant, ce qui prime c’est la vocalité et l’expression dramatique que l’on retrouve aussi bien chez Tosti que chez Respighi. Il faut néanmoins préciser que ce ne sont pas les mélodies italiennes de Paolo Tosti qui sont données à entendre ici mais celles écrites sur des textes anglais : le compositeur a en effet vécu à Londres. Il serait intéressant de rappeler que d’autres compositeurs de mélodies tels Haydn, Schubert ou Beethoven ont mis en musique des poèmes étrangers à leur langue maternelle et notamment en anglais. L’Allemagne, dont la tradition nationale du lied est déjà ancienne et qui peut s’honorer de compositeurs aussi prestigieux que Schubert, Schumann ou Brahms, renouvelle son génie en la matière au travers de compositeurs comme Mahler (notamment dans ses mélodies orchestrées) mais aussi Strauss : il rentre cependant dans son « chant du cygne ». C’est Richard Strauss qui mettra un point final à cette histoire glorieuse en 1947 avec les Quatre derniers Lieders. Dans ses mélodies avec piano, il reste encore très proche du style romantique et notamment de Schumann. Jankélévitch, dans l’essai précédemment cité, affirme que le lied est « l’association organique des mots et des sons, la stylisation la plus immédiate des sentiments, de la simplicité la plus profonde. », ajoutant comme par ironie, à propos de Strauss et Mahler : « C’est drôle comme ils ressemblent à Schumann. » Parallèlement, c’est au tournant du siècle en France, que la mélodie trouve son point d’équilibre et sa perfection. La période qui s’amorce à partir de 1870 et que Jankélévitch considère comme la renaissance de la musique française peut s’enorgueillir de compositeurs tels que Reynaldo Hahn et surtout Gabriel Fauré ou Claude Debussy : c’est avec eux que la mélodie, dont les premiers représentants au XIXe siècle avaient pour nom Berlioz ou Gounod, acquiert véritablement ses lettres de noblesse tout en se renouvelant. Voyons à présent, par le biais d’une brève analyse croisée entre ces trois pays, quelles sont les spécificités de cette « Belle Epoque » de la mélodie. 23 De la littérature... Thématiques et sujets Mélodie et lied sont le résultat d’une symbiose entre un texte poétique et une musique. Les thématiques des poèmes sont diverses et l’on peut remarquer que certaines sont récurrentes. En premier lieu, un regard tourné vers le passé, notamment celui de la Grèce antique, comme en témoignent les mélodies sur les Etudes latines de Leconte De Lisle ou l’esprit pastoral et arcadien qui parcourt « Le Printemps » de Théodore de Banville. Les poètes n’écrivent pas l’Histoire mais tentent de retrouver, à travers l’expression poétique, les mythes ou l’atmosphère décrite, un idéal qui est celui de l’Antiquité gréco-latine. Ce phénomène est particulièrement important en France : dès le milieu du XIXe siècle, le mouvement des Parnassiens, qui avait pour porte-drapeau des poètes aussi prestigieux que Leconte de Lisle, Heredia ou Banville s’était violemment opposé au courant romantique, à l’expression du moi, en la croyance au progrès : ce qui importe c’est la forme et la beauté de la forme, selon le principe énoncé par Théophile Gautier dans « L’art » (Emaux et Camées). Le choix par Fauré, Hahn ou Saint-Saëns de textes parnassiens place la mélodie française dans une réaction, un certain retour au passé. La grande époque de la mélodie coïncide également avec l’avènement du naturalisme, de la description d’une réalité crue, sans concession, du monde. Ce sont toutes ces raisons qui poussent Michel Faure, dans son ouvrage Histoire et Poétique de la mélodie (p.116), à déclarer que la mélodie « ignore pareillement les mutations politiques – instauration de la république, conquêtes de la démocratie... ». En réalité, les compositeurs tissent un lien avec le néo-classicisme : outre l’antiquité (que l’on retrouve aussi dans les peintures d’un Puvis de Chavanne), c’est l’esprit du XVIIIe siècle qui prévaut. Jankélévitch, dans son analyse des cinq mélodies de Venise de Fauré écrit : « cinq pastels tendres et mondains évoquent plutôt Versailles que les bruyantes folies de Venise ». Ces références à un passé idéalisé, mythifié, propre à éveiller l’imagination de l’esprit s’affirment surtout chez les compositeurs français, comme un manifeste poético-musical. On trouve aussi beaucoup de textes se référant au temps, au devenir de l’homme ou de l’amour : c’est le matin du Morgen de Strauss, la nuit de Bachelet, mais aussi les brumes de la mélodie Nebbie de Respighi. Cette présence du temps est l’expression la plus éloquente d’une époque ayant foi en l’avenir mais contemplant aussi le passé : c’est le renouveau et le retour de l’amour du Printemps de Reynaldo Hahn ; mais c’est aussi l’amour qui se détruit et aboutit à une mort certaine. Ainsi le poème d’Ada Negri Canto d’aprile mis en musique par Tirendelli s’achève 24 t-il sur ce vers, « Ma nel mio cor, sei morto ! » : il y a une opposition franche entre un monde qui s’éveille à la nature et rayonne et un « je » terrassé par le destin. C’est en outre le temps du souvenir, comme dans la mélodie My memories de Tosti. C’est enfin, le triomphe absolu de l’amour sur la mort et le temps passé, passant et à venir, l’ivresse de l’instant présent qu’il faut vivre immédiatement : ainsi les impératifs pressants du Love me ! de Paolo Tosti. Le lied, enfin, conserve encore la veine populaire qui était celle de ses origines et que l’on retrouvera par exemple chez Gustav Mahler dans le Knaben Wunderhorn. Ce n’est pas le cas chez Strauss qui reste encore très proche de l’inspiration romantique d’un Schumann par exemple. Rappelons que depuis Schubert et Schumann le genre avait suivi deux voies bien distinctes : soit la grande ballade dont les thèmes pouvaient être issus de légendes germaniques (comme chez Schubert ou Carl Loewe), soit ce que Jankélévitch nomme « la confidence lyrique ». Ainsi Strauss se « moule » dans la tradition du lied intimiste. Il recherche à la fois la forme brève du lied et le ton de la confidence : Morgen nous décrit une ambiance ouatée et nimbée grâce aux accords « colorés » de la main gauche et à l’atmosphère délicate, presque en demi-teinte qui parcourt l’ensemble de la pièce. Poésie Un bon texte est apte à « s’habiller » de musique. Cette potentialité à « musicaliser » un texte vient d’abord de son rythme, rythme que lui confère la versification utilisée par le poète. On observe ainsi trois facteurs importants. En premier lieu, un grand nombre de poèmes font usage de vers relativement courts : ainsi le texte d’Ada Negri Nebbie. Il serait aisé de croire que la brièveté des vers donne un tour plus jovial et plus enlevé à la musique : la mélodie de Respighi est, bien au contraire, à la fois lente, très intense et très expressive. L’aspect dépouillé de la musique (une immuable et lente succession d’accords) se fond au texte, chaque strophe alternant trois vers de six syllabes et un vers de deux ou quatre syllabes, provoquant ainsi une « cassure » rythmique. Par ailleurs, certains poèmes utilisent une alternance entre vers courts et vers longs, donnant ainsi une très grande élasticité au rythme poétique et à la musique : ceux de Leconte De Lisle Tyndaris et Phyllis, alternent des alexandrins et des octosyllabes ; le poème de Moréas, Fumée, alexandrins et hexasyllabes. Et ce phénomène n’est pas propre à la France : ainsi dans l’air Paolo datemi pace ! de Francesca da Rimini, la poésie fait alterner hendécasyllabes (vers de 11 syllabes) et heptasyllabes. 25 Enfin, autre phénomène majeur, l’utilisation des vers impairs. Si les poèmes en langue allemande et italienne les utilisent abondamment, cela semblait moins évident en France où les vers les plus usités et les plus prestigieux (l’alexandrin notamment) étaient pairs. C’est Paul Verlaine qui, en réaction à la poésie parnassienne, se fit le chantre du vers impair. Ainsi dans son « Art Poétique », (Jadis et Naguère, 1884), proclame t-il : « De la musique avant toute chose/ Et pour cela préfère l’impair ». A cet égard, les cinq mélodies de Venise mises en musique par Fauré sont exemplaires : si l’on fait exception de Green (écrit en alexandrins), trois poèmes sont écrits en vers de sept syllabes : ainsi, Mandoline, En sourdine, C’est l’extase langoureuse, tandis que A Clymène recourt à l’hétérometrie, en alternant vers de cinq et six syllabes. … Et de la musique Quelques exemples formels Lied et mélodie trouvent leur perfection également dans la forme musicale donnée par les compositeurs. De fait, on peut observer une souplesse et une flexibilité de la forme. Tout d’abord la forme strophique, c’est-à-dire une même musique – ou sensiblement la même – à chacune des strophes que comporte le poème : c’est le cas pour L’énamourée de Reynaldo Hahn ou pour le lied de Richard Strauss Zueignung. Cependant, la redite n’est jamais totalement identique, autrement dit, les variantes musicales entre chaque strophe, même les plus infimes, redessinent le contour formel et apportent une variété certaine : tout est dans la manière de « sculpter » la forme. L’énamourée illustre parfaitement ces variantes de la « répétition » : c’est par exemple une variation rythmique à la voix (apparition des triolets sur les paroles « Ta mouvante chevelure ») ; mais c’est surtout le resserrement ou l’allongement du contenu musical. En comparant ainsi les trois derniers vers de la première strophe et ceux de la seconde, on remarque une « amputation » du discours musical. « Mais pour l’âme qui t’adore Tu t’éveilles ranimée [Strophe 1] O pensive bien-aimée ! » 26 Les trois vers ci-dessus se déroulent sur une marche harmonique descendante : à la basse un intervalle de quinte, sib, lab, fa, solb et mib entraîne une série d’emprunts (Sib mineur, Sol b majeur et Mib mineur). Or dans la seconde strophe, la marche harmonique a été écourtée car l’emprunt à Mib a disparu. De même, à la fin de la dernière strophe, Reynaldo Hahn donne plus « d’élasticité » à la musique : la cadence rompue entraîne une « cassure » harmonique et retarde la conclusion de la mélodie. Le passage du demi-ton lab au sib (réminiscence des deux premières notes jouées par le piano et qui ouvrent la mélodie) souligne de manière expressive le « cygne qui se pleure ». Voici une autre variante subtile mais qui permet de ne pas épuiser le discours musical par une reprise exacte. En outre, les compositeurs ne renoncent pas à certaines structures propres à la mélodie ou au lied. La forme ABA appelée traditionnellement « formelied », se décline de multiples façons. Ainsi, la première et la dernière strophe du poème possèdent une musique identique tandis que les strophes intermédiaires développent un commentaire musical du texte : c’est le cas pour Nebbie de Respighi ou le Canto d’aprile de Tirendelli. Enfin, on observe une autre variante qui s’apparente clairement à un développement de cette forme-lied : dans My memories de Paolo Tosti (forme ABAB), le compositeur alterne une partie A à quatre temps et une partie B à deux temps notée « sostenuto », laquelle met en relief les deux derniers vers de chacune des deux strophes, vers chargés de lyrisme et d’expressivité s’il en est. Le compositeur peut également se livrer à un commentaire linéaire et musical (commentaire que l’on nomme pour le lied Durchkomponiert) chaque strophe formant alors une entité. En sourdine de Gabriel Fauré en est une belle illustration : si le rythme musical et poétique alterne à la voix entre valeurs longues et valeurs brèves, soulignant ainsi le soin de trouver la prosodie la plus exacte, chacune des strophes est musicalement autonome, il n’y a pas de reprise ou de redite. L’unité est apportée par l’accompagnement du piano qui « déroule » de manière continue ses arpèges de doublescroches aux deux mains. La voix elle-même introduit certaines variantes rythmiques : ainsi dans la troisième strophe, le triolet, figure rythmique que la main droite du piano reprend et échange avec la voix dans un registre aigu, tout en l’agrégeant aux « flots » de doubles-croches, donnant ainsi naissance à une polyrythmie raffinée qui vient « briser » ce flux continu. 27 Piano et voix Le lied et la mélodie posent de manière récurrente les rapports entre le chanteur et l’accompagnateur. A l’origine, cette opposition n’existait pas ou était-elle à peine envisagée : les tout premiers lieders ou les romances sont soutenus soit par un accompagnement simple qui double la mélodie vocale, soit par un accompagnement harmonique qui supporte de manière franche le chanteur. Le piano n’a donc qu’un rôle secondaire, le plus important reste la voix et le texte qu’elle porte. Cependant au cours du XIXe le piano évolue avec une telle célérité tant sur le plan de la technique musicale que de la facture instrumentale que les parties d’accompagnement acquièrent une importance aussi grande que le chant : les multiples possibilités de l’instrument permettent aux compositeurs d’écrire des parties d’accompagnement certes simples mais surtout très élaborées d’un point de vue polyphonique comme chez Schumann ou Brahms, ou technique et harmonique comme chez Lizst et Fauré. Le piano à sa manière recréé parfois l’univers de l’orchestre : n’oublions pas que Mahler orchestra douze poèmes du Knaben Wundenhorn et qu’il en fit une transcription pour voix et piano. Ce dernier n’est plus un simple soutien, il dialogue, complète, s’oppose même à la voix. Ainsi au fur et à mesure du XIXe siècle un équilibre se crée entre la partie vocale et l’accompagnement pianistique. Il n’en reste pas moins que certains compositeurs se soucient plus de la voix et réduisent ainsi l’accompagnement du piano à un soutien harmonique, mélodique ou rythmique. Ce type d’écriture se retrouve par exemple, chez les mélodistes italiens qui usent de formules arpégées en triolets comme dans Amor, amor ! de Terendelli ou de formules en doubles-croches comme dans Love’s way de Paolo Tosti. Ce dernier recourt également dans Love me ! à une écriture rythmique à trois temps proche de celle d’une danse, et plus précisément la valse : les syncopes de la main gauche ainsi que les accords répétés (rythme de croche-noire-3 croches) assurent une assise rythmique qui permet à la vocalité de se déployer. Cependant, cette partie pianistique, ou orchestrale d’ailleurs, peut véritablement fusionner avec la voix. Ce n’est plus comme dans la mélodie un soutien à proprement parler du chant, mais une nécessité de « faire corps » avec la voix. A cet égard l’air de Francesca da Rimini, Paolo datemi pace dans l’opéra éponyme de Zandonai est exemplaire : s’inscrivant dans la droite lignée des compositeurs italiens de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle (Puccini en particulier), l’orchestre se « fond » littéralement avec la voix à l’unisson : ainsi l’expressivité se trouve profondément accrue. 28 Les compositeurs cherchent aussi à varier au maximum la partie pianistique et le cycle des Cinq mélodies de Venise de Fauré est de ce point de vue particulièrement intéressant et riche. L’écriture du piano est sans cesse renouvelée et d’une très grande densité. C’est par exemple dans Mandoline les accords alternés aux deux mains en staccato qui donne cette allure enlevée et joyeuse ; c’est également le rythme 9/8 de barcarolle qui se « déroule » dans A Clymène ; mais c’est surtout la polyphonie très dense et compacte de l’accompagnement pianistique : ainsi les arpèges fluides de En sourdine créent, grâce au jeu des pédales et des accords égrenés, grâce aussi aux notes tenues une sorte de polyphonie « cachée » ; les accords de Green d’abord à 4 voix, s’enrichissent progressivement, formant ainsi des agrégats colorés ; enfin, on notera l’écriture très serrée de C’est l’extase : raffinement de l’écriture rythmique en syncope et contretemps « qu’entrelace » une polyphonie intérieure. On ne pourrait enfin parler de mélodie et de lied sans évoquer la voix elle-même. Si son rôle est de tout premier plan, qu’en est-il de son traitement par les compositeurs ? On remarque de manière générale que les musiciens ont le souci de porter le texte : la ligne vocale est avant tout « déclamée-chantée ». Les compositeurs privilégient un traitement syllabique du texte. Il s’agit de retrouver le balancement rythmique de la poésie au travers du rythme de la musique. Sont bannies par conséquent toute vocalise et toute démonstration technique. Cette « virtuosité » est ailleurs : elle se trouve dans l’expressivité, la manière dont le texte est porté par le chanteur, dans la beauté et l’ampleur de la ligne vocale. On trouve cependant de notables exceptions comme dans Mandoline de Fauré où un mélisme, d’ailleurs repris à la main droite du piano orne le mot « chanteuses ». Mais il ne s’agit ici que de « petits clins d’œil vocaux », s’apparentant à une « couleur locale ». Ces quelques analyses nous aurons permis d’entrevoir quelques spécificités de la mélodie à la « Belle Epoque ». Ces échos musicaux et littéraires se propagent entre la France, l’Italie et l’Allemagne. Chacun des ces pays tentent de synthétiser à la fois ses traditions mais aussi de les exploiter, ou de les renouveler. C’est aussi la question du temps qui est en jeu : conscients d’un temps passé et d’un temps à venir, les compositeurs ont voulu tisser un lien étroit entre ces différentes strates, cherchant dans cette liberté qui leur était donnée, le point de perfection d’un genre et d’une sensibilité. 29 biographies Anna Caterina Antonacci soprano Embrassant avec facilité les registres de soprano et de mezzo-soprano, la vocalité exceptionnelle d’Anna Caterina Antonacci, ainsi que sa grande maîtrise du jeu théâtral, lui ont permis de chanter dans de nombreux opéras des XVIIe et XVIIIe siècles, tels que ceux de Monteverdi, Haendel, Glück, Paisiello ou encore Mozart. Elle s’est également illustrée remarquablement dans le répertoire rossinien, bouffe ou sérieux, et a obtenu tout autant de succès dans des rôles de Bellini, Donizetti et Verdi, Bizet, Massenet ou Stravinsky. Depuis la saison 2003/2004, son répertoire s’est concentré sur les emplois de soprano dramatique : elle a ainsi remporté un très grand succès dans la Cassandre des Troyens de Berlioz avec John Eliot Gardiner au Théâtre du Châtelet, dans Electre d’Idomeneo de Mozart et dans Hans Heiling de Marschner à Cagliari. On a pu également l’entendre dans L’Incoronazione di Poppea de Monterverdi, dirigé par René Jacobs au Théâtre des ChampsElysées ainsi qu’au Palais Garnier à Paris. Elle a en outre chanté dans Alceste de Gluck à Parme et au Festival de Salzbourg, Médée de Cherubini à Toulouse et au Théâtre du Châtelet, et interprété le rôle de Vitellia de la Clemenza di Tito de Mozart au Grand Théâtre de Genève et au Palais Garnier. En 2006, elle a enfin donné une série de récitals en hommage à Pauline Viardot au Châtelet et au Wigmore Hall de Londres et a chanté dans les Nuits d’Eté de Berlioz sous la direction de Sir Colin Davis au Théâtre des Champs-Elysées. La saison dernière, Anna Caterina Antonacci a fait ses débuts dans une nouvelle production de Carmen au Covent Garden dirigée par Antonio Pappano. Elle a récemment chanté dans la Mort de Cléopâtre de Berlioz sous la baguette de John Eliot Gardiner à la Scala de Milan. Elle a également chanté le rôle de Rachel dans la Juive de Halévy à l’Opéra de Paris et celui de Médée au Théâtre d’Epidaure. De plus, elle a chanté les Nuits d’Eté de Berlioz à Munich et avec le Mahler Chamber Orchestra à Ferrare sous la direction de Tugan Sokhiev et Cassandre dans les Troyens au Grand Théâtre de Genève et avec le Boston Symphonic Orchestra conduit par James Levine à Tangelwood. Elle a également chanté La Damnation de Faust à l’Opéra de Marseille, Maria Stuarda à la Scala de Milan, Alice Ford dans Falstaff au Théâtre des ChampsElysées et Médée au Teatro Regio de Turin. On pourra prochainement l’entendre dans Carmen à l’Opéra Comique, au Théâtre du Capitole, à la Deutsche Oper de Berlin, à Copenhague et à Barcelone, ainsi que dans le rôle de Cassandre des Troyens au Royal Opera de Londres sous la direction de Antonio Pappano. Elle donnera également la Mort de Cléopâtre avec le Philharmonique de Rotterdam dirigé par Yannick Nezet-Seguin et avec l’Ensemble Orchestral de Paris sous la baguette de 30 John Nelson, et chantera également Alceste à Athènes. Anna Caterina Antonacci va poursuivre une série de concerts tirés de son récital d’airs baroques Era la notte et Altre Stelle, et par ailleurs une tournée de récitals avec Donald Sulzen au piano qui les emmènera notamment au Wigmore Hall, au Concertgebouw d’Amsterdam et à la Fondation Gulbenkian. Elle enregistre désormais pour le label Naïve et son premier disque, Era la notte, a été accueilli avec grand enthousiasme. Donald Sulzen, Pianiste Donald Sulzen est un des pianistes les plus recherchés pour l’accompagnement vocal et la musique de chambre. Originaire de Citian Kansas, il a poursuivi ses études musicales d’abord aux Etats-Unis, puis à l’Ecole Normale de Musique de Paris (Classe de Jules Gentil) dont il reçoit le diplôme avec les félicitations. Sous la houlette de Joseph Banowetz et Harold Heiberg, il se perfectionne à l’University Of North, Texas (Master en musique récompensé par des félicitations). Puis, il s’est spécialisé dans l’accompagnement en participant à des master-classes avec Martin Katz, Geoffrey Parsons et John Wustman. Ses nombreux concerts l’amènent à jouer dans les salles les plus prestigieuses d’Europe, des Etats-Unis, de l’Amérique du Sud ou encore du Japon. Il a en outre participé à de nombreuses émissions télévisées et radiodiffusées (Bayerisher Rundfunk, Radio France, Radio Bremen...) Il a également enregistré plus d’une trentaine de disques pour les labels Orfeo International, Toshiba-Emi, Koch International, Genuin, Arte Nova, CPO, Amati. Il vient récemment d’enregistrer pour le label Genuin, les trios avec piano de Mendelssohn et les Tangos y Canciones de Astor Piazzola. Après plusieurs années d’enseignement au sein de la Hoschule für Musik und darstellende Kunst « Mozarteum » de Salzbourg, il a pris ses fonctions à la Hoschule für Musik de Munich, où il est actuellement en résidence. Il témoigne de son intérêt pour de jeunes chanteurs à travers son activité d’accompagnateur pour les master-classes de Astrid Varnay, Eleanor Steber, Magda Olivero, George Shirley et Hermann Prey. Il a lui-même donné des master-classes à la fois pour les chanteurs et les pianistes aux Etats-Unis et en Europe. Parmi les artistes renommés accompagnés par Donald Sulzen, on peut citer Anna Caterina Antonacci, Laura Aikin ou David Daniels. Depuis 2001, il est pianiste titulaire du célèbre Munich Piano Trio. 31 Rédaction Nathanael Eskenazy L'Opéra national de Lyon remercie pour leur généreux soutien, les entreprises mécènes et partenaires Mécènes principaux Les jeunes à l’Opéra Mécène fondateur Partenaire du projet Kaléidoscope 2008-2011 Partenaire de la découverte des métiers de l’Opéra et de la Journée Portes Ouvertes Chair endower Kazushi Ono Partenaire de la politique audiovisuelle Mécènes de projets Partenaire de la Journée Portes Ouvertes le Club Entreprises de l’Opéra de lyon Membres associésMembres amis Partenaires Partenaires d’échange Partenaires médias Opéra national de Lyon Place de la Comédie 69001 Lyon Directeur général : Serge Dorny 0 826 305 325 (0,15E/ mn) fax + 33 (0) 4 72 00 45 46 www.opera-lyon.com L’Opéra national de Lyon est conventionné par le ministère de la Culture et de la Communication, la Ville de Lyon, le conseil régional Rhône-Alpes et le conseil général du Rhône.