Compte rendu du séminaire du centre labio

Transcription

Compte rendu du séminaire du centre labio
Compte rendu du séminaire du centre
labio-palatin A.de Coninck
Le professeur Vanwijck, coordinateur du centre labio-palatin, chef de
service de chirurgie plastique, esthétique et microchirurgie
reconstructice, a tout d’abord rappelé les 15 années d’existence du centre
et du travail de ses membres. Ensuite, il a présenté le programme de la
matinée organisée à cette occasion pour les parents et pour les
professionnels s’occupant des enfants porteurs d’une fente.
1. Fentes labiales et/ou palatines : quoi de neuf en génétique ?
2. Fentes labiales et/ou palatines : facteurs de risque ?
3. Sécurité et confort post opératoire de votre enfant : les missions
prioritaires de l’anesthésiste-réanimateur.
4. Evaluation anthropométrique postopératoire des fentes labionarinaires bilatérales.
5. L’information, source de réconfort auprès des patients
6. Visages défigurés – figures dévisagées.
7. La prise en charge par le service de chirurgie maxillo-facial.
8. Rappel des problèmes orthodontiques présentés par les patients
porteurs de fente labio-palatine de la naissance à l’âge adulte.
9. Fente palatine et problèmes d’oreilles.
Voici un résumé des différentes présentations.
Fentes labiales et/ou palatines : quoi de neuf en génétique ?
Professeur M.Vikkula, Chef du laboratoire de génétique moléculaire
humaine ( GEHU) de l’ICP, UCL.
Le professeur Vikkula a tout d’abord fait un bref rappel de la cellule, de
ses chromosomes, de l’ADN, du caryotype humain et de la séquence
nucléotidique des gènes avant d’aborder la problématique de la fente.
Voici un schéma de la cellule, chromosome, ADN, gène et ses
séquences.
La fente se subdivise en :
isolée
labiopalatine
syndromique
fente
isolée
palatine
syndromique
1. les fentes labio-palatines isolées : 70 %
La prévalence des FLP c-à-d le nombre d’individus
atteinst est de :
2-3/1000 chez les asiatiques
1/1000 chez les caucasiens
0,4/1000 chez les africains
Cette variation selon la race montre que la génétique est
impliquée dans la genèse de la fente.
2. Les fentes labio-palatines syndromiques : 30%
3. Les fentes palatines isolées :
La majorité des fentes palatines sont isolées.
La prévalence est de 0,05% à 0,1% et le nombre de
filles atteintes est supérieur à celui des garçons ( 67%
des cas).
4. Les fentes palatines syndromiques :
Elles sont minoritaires .Il y a cependant plus de 400
syndromes différents décrits.
Un enfant sur 500 est porteur d’une fente labiale ou labio-palatine
(0,2%) et un enfant sur 2000 une fente palatine (0,05%). Si un enfant de
la famille est porteur d’une fente labiale ou fente labio-palatine, le
risque pour le second est de 3-7%. Si un parent est porteur, le risque est
de 2-5%. Si un enfant et un parent sont porteurs, le risque est de 15%.
Si un enfant de la famille est porteur d’une fente palatine, le risque pour
le second est de 2-5%. Si un parent est porteur de ce type de fente, le
risque est de 3-7% et si un parent et un enfant sont atteints par la fente
palatine, le risque est de 17%.
Les fentes palatines isolées sont génétiquement distinctes des fentes
labiales avec ou sans fentes palatines.
Au CLP des cliniques universitaires St Luc, nous demandons aux enfants
porteurs de fentes ainsi qu’à leurs parents, frères et/ou sœurs de faire un
prélèvement sanguin pour des études génétiques afin de mieux
comprendre l’apparition de la fente chez certains individus. A partir de
ce sang, les généticiens prélèvent l’ADN pour analyser les
polymorphismes (les différences dans la séquence des lettres du gène)
car nous sommes tous différents. Si dans une famille, certains individus
ont une fente et d’autres pas, nous pouvons voir si les sujets atteints de
fente possèdent le même polymorphisme entre eux ou pas et ce, afin de
poursuivre les études.
Le syndrome de van der Woude (syndrome le plus fréquent dans les
fentes 1/70000), associe une fente labiale et/ou palatine dans 50% des
cas et/ou des fistules sur la lèvre inférieure dans 80% des cas. Deux
régions du génome sont impliquées. Ces deux régions ont été mises en
évidence par plusieurs équipes mondiales.
Des analyses d’individus atteints ont montré que la majorité des familles
porteuses du syndrome de van der Woude avaient une mutation dans
IRF6 .La question posée était de savoir si ce gène était impliqué dans les
fentes isolées Sur les 200 familles du centre (498. individus), un
polymorphisme intragénique à IRF6 estassocié à l’apparence d’une
fente isolée. Le gène IRF6 est donc clairement associé aux fentes labiopalatines isolées. Cette constatation a également été faite aux USA et en
Italie ce qui nous permet d’affirmer que la fente a, en partie, une origine
génétique. En plus, il faut tenir compte de facteurs environnementaux.
Quelles sont les perspectives de la génétique ?
Rechercher dans le génome humain, le ou les polymorphismes associés à
une fente. Essayer de découvrir d’autres gènes impliqués dans les fentes
héréditaires et/ou syndromiques, et de plus, dans les fentes isolées.
Fentes labiales et/ou palatines : facteurs de risque ?
Docteur N. Revencu, pédiatre et doctorante dans le service de génétique
moléculaire du Professeur Vikkula.
Les questions que nous nous posons tous sont les suivantes :
1. La fente est-elle une malformation d’apparition récente dans la
race humaine et provoquée par la pollution ?
La réponse est non et elle est illustrée par cette bouteille sculptée se
trouvant dans un musée au Pérou et réalisée il y a plus de 1500 ans.
Elle représente la tête d’un jeune homme porteur d’une fente
labiale.
2. Quels sont les facteurs de risque des fentes labiales et/ou
palatines non syndromiques et que puis-je faire pour diminuer
mon risque d’avoir un enfant porteur d’une fente ?
Les fentes représentent un groupe hétérogène de malformations.
Leur origine est multifactorielle. Des facteurs génétiques, des
facteurs environnementaux ainsi que l’interaction entre les deux
ont été associés à leur apparition.
Liste non exhaustive de résultats publiés dans la littérature :
Facteurs de risque - FNS
L
e
s
f
a
c
t
e
u
r
s
g
é
n
é
t
i
q
u
e
IRF6
MSX1
TBX22
TGFα
TGFβ3
PVRL1
.
.
.
.
.
.
TGFα – tabac
MSX1 + TGFβ3 –
tabac
MSX1 - alcool
MTHFR – acid folique
tabac
alcool
caféine
vitamines
épilepsie
médicaments
solvant org.
.
.
.
e
n
v
i
r
o
n
n
e
m
e
n
t
g
L’implication de facteurs environnementaux dans les différentes
formes de fentes est étudiée depuis plusieurs dizaines d’années. En
règle générale, identifier les facteurs environnementaux associées à
un type particulier de malformation est très important, car ceci
offre la possibilité d’une prévention efficace.
Parmi les facteurs environnementaux étudiés dans les fentes il y a :
a) le tabac : plusieurs études réalisées ; les résultats sont
contradictoires. Globalement une légère augmentation du
risque pour les deux groupes de fentes est retenue.
b) alcool : risque augmenté de fente surtout labio-palatine.
risque est dépendant de la dose.
c) caféine : pas d’augmentation de risque, mais une seule
étude réalisée.
d) vitamine : acide folique : cette vitamine B9 prise en
période péri-conceptionnelle diminue le risque d’anomalie du
tube neural chez le foetus. Pour les fentes, les résultats sont
contradictoires, mais il se pourrait qu’elle joue un rôle dans la
réduction du risque.
e) épilepsie : affection neurologique qui se caractérise par des
convulsions. Cette affection et/ou son traitement
augmenterait jusqu’à 10X le risque de donner naissance à un
enfant porteur de fente mais la population concernée est
restreinte.
f) benzodiazépine : résultats contradictoires.
g) cortisone et dérivés : augmenterait le risque de fentes de 3
à 9 fois mais ici aussi le groupe est restreint.
h) solvants et pesticides : augmentation du risque démontrée
pour les solvants aliphatiques halogénés.
Nous retenons de tout ceci que les facteurs contribuent
certainement à l’apparition de cette malformation, mais qu’il
n’y a pas de facteur prédominant.
L’implication des facteurs génétiques dans les formes non
syndromiques de fente est étudiée depuis environ 15 ans. Le
premier gène associé à ce type de malformation a été le gène
TGF alpha. Depuis, la liste de gènes impliqués ne cesse de
s’allonger.
L’étude de l’interaction entre les facteurs génétiques et les
facteurs environnementaux est une piste très intéressante
exploitée depuis une petite dizaine d’année, mais les résultats
sont assez modestes. Cette piste sera certainement développée
dans l’avenir.
En conclusion, malgré le fait que les résultats obtenus jusqu’à
présent sont assez faibles voire parfois contradictoires, il est
évident que les facteurs environnementaux et les facteurs
génétiques jouent un rôle important dans l’apparition de
fentes labiales et/ou palatines. Grâce au séquençage du
génome humain et au développement de nouvelles
technologies,les chercheurs pourront dans l’avenir identifier
de nouveaux gènes impliqués et étudier leur éventuelle
interaction avec des facteurs environnementaux. Une
collaboration étroite entre les personnes porteuses de fentes,
leur famille, les cliniciens et les chercheurs est essentielle à la
réalisation de ces études.
Sécurité et confort post opératoire de votre enfant : les missions
prioritaires de l’anesthésiste-réanimateur.
Dr Pendeville, anesthésiste-réanimateur des cliniques universitaires St
Luc.
Le médecin anesthésiste réanimateur a une double mission, la prise en
charge de l’enfant en salle d’opération et la prise en charge de la douleur
en post-opératoire.
Le travail de l’anesthésiste commence par une recherche systématique
des malformations associées en collaboration avec les pédiatres :
malformation cardiaque, rénale ou cérébrale car plus de 150 syndromes
polymalformatifs peuvent être associés à la fente. Ces éventuelles
malformations sont susceptibles d’entraîner des difficultés de ventilation
ou être la cause d’une intubation difficile.
Il prend en charge l’enfant en préopératoire et se base notamment sur la
prématurité, les évènements périnataux, la bilirubinémie etc …Il
demande un examen clinique complet, une échographie cardiaque, rénale
et éventuellement cérébrale ainsi que des bilans sanguins.
Le jeûne préopératoire : le biberon de lait ou le sein peuvent être
donnés jusqu’à 4 H avant l’induction de l’anesthésie et l’eau sucrée
jusqu’à 2H avant.
Prémédication : à priori, il ne donne aucune prémédication. Une intra
musculaire avant l’intervention est pour l’enfant un stress inutile.
Accueil : nous attachons beaucoup d’importance à l’accueil des parents
et de leur enfant. Nous essayons de mettre les premiers à l’aise et en
confiance et le second de ne pas le stresser.
La séparation : où et quand doit-elle se passer ? La chose la plus
importante est que l’enfant reste serein avec ou sans la présence des
parents dans la salle d’opération. Il ne faut pas oublier que la présence
des parents en salle est une source d’anxiété pour l’équipe médicale et
pour les parents eux-mêmes. La présence en salle n’est donc pas
encouragée mais n’est pas non plus interdite.
L’induction de l’anesthésie : celle-ci se fait au travers d’un masque
(parfumé pour les plus âgés) à l’aide d’un mélange d’air et oxygène ou
N20-oxygène auxquels, selon le principe de l’aérosol, on ajoute une
vapeur : le sevoflurane (substance qui passe du sang au cerveau pour
endormir l’enfant).L’enfant reste sous surveillance continue. On mesure
en permanence sa saturation en 02, son rythme cardiaque (ECG), sa
pression artérielle, son C02 expiré et sa température corporelle. L’enfant
repose sur un matelas de gel et reste sous une lampe chauffante.
Durant toute l’intervention, l’enfant reste sous monitoring et sous la
surveillance continue de l’anesthésiste-réanimateur. Le maître mot est
SECURITE.
La seconde mission de l’anesthésiste-réanimateur est d’assurer un
traitement optimal de la douleur en postopératoire. Il est unanimement
reconnu que l’enfant peut avoir mal car les mécanismes physiologiques
de la douleur et ses voies de transmission sont matures en fin de
grossesse. A la 7ème semaine de grossesse, on observe une perception
cutanée peri-oral et à la 20ème semaine, une sensibilité cutanée
généralisée. L’importance de la douleur va dépendre néanmoins de la
dimension affective, des implications psychologiques, de l’entourage et
de la culture.
Pour la fermeture de la lèvre, nous infiltrons le nerf sous-orbitaire par
voie trans-cutanée pour réaliser un bloc sensitif de la lèvre supérieure
opérée. Pour la fermeture du palais ou la pharyngoplastie, outre un
anesthésique local, nous administrons de la morphine en continu en plus
du paracétamol en perfusion ou en suppositoire.
La surveillance post-opératoire est importante et se concentre sur
l’apparition d’une complication (exceptionnelle), sur la modification
éventuelle du monitoring permanent et sur l’alimentation.
La prise en charge précoce que nous préconisons dans notre centre pour
la prise en charge des enfants porteurs de fente ne présente donc pas de
risque particulier comme nous l’avons montré dans deux publications de
niveau international. Nos maîtres mots demeurent : SECURITE et
CONFORT de l’enfant.
Evaluation anthropométrique postopératoire des fentes labionarinaires bilatérales. Docteur Bayet, chirurgienne plasticienne au CLP
des clinique St Luc , Docteur Benateau , chirurgien maxillo-facial du
CHU de Caen et Mr X.Blaizot, unité de Biostatistiques du CHU de
Caen.
Mulliken décrit en 1985 son protocole de prise en charge des fentes
bilatérales. Il pratique alors la chélioplastie (fermeture de la lèvre) à
l’âge de trois mois et la rhinoplastie (correction du nez) à l’âge de 18
mois. Il postule alors que la columelle qui semble inexistante chez le
nouveau né porteur d’une fente bilatérale, est en fait dans le nez et qu’il
faut la recréer. Ce qu’il fait par une incision sur la pointe du nez. En
1988, il décide d’associer la fermeture de la lèvre à la correction du nez.
En 2001, il abandonne son incision verticale sur le dorsum.
1985 à 2001 (Mulliken)
A partir de 2001 (Mulliken)
A partir de 1995, l’équipe du CLP a décidé de pratiquer l’intervention de
G.Mulliken pour améliorer la prise en charge des enfants porteurs de
fente bilatérale. Deux questions se sont posées : cette technique est-elle
faisable en période néonatale et donne –t-elle des résultats corrects, voire
meilleurs que les autres techniques ?
De 1995 à 2003, 58 enfants porteurs de fentes bilatérales ont été pris en
charge par le CLP des Cliniques St Luc. De 1995 à 2000, ces enfants ont
bénéficié de la technique initiale de Mulliken avec l’incision sur le
dorsum nasal mais sans fermeture de la fente alvéolaire. De 2000 à 2003,
suite à la nécrose philtrale sur un des patients, cette phase dite de
Mulliken I avec l’incision nasal a été abandonnée au profit du Mulliken
II sans incision nasal mais avec la mise en place de conformateurs
narinaires.
Pour évaluer les résultats, tous les enfants ont été convoqués et 8
mesures ont été prises conformément aux recommandations de Farkas
qui a évalué le nez et la lèvre chez des enfants sans fente.
De cette étude, nous avons exclu les enfants avec fente labiale
incomplète, avec un syndrome cranio-facial, avec une retouche nasale et
de race non caucasienne .Au total, il nous restait 26 enfants, 15 pour la
phase Mulliken I (avec incision sur le nez) et 11 pour la phase Mulliken
II (sans incision sur le nez).
Nous avons comparé nos enfants avec les enfants sains de la série de
Farkas en les appariant âge par âge. Les résultats sur le plan
anthropométrique sont comparables. Nous avons également comparé les
enfants de la phase Mulliken I avec ceux de la phase Mulliken II. Les
résultats semblent se maintenir malgré l’abandon de l’incision verticale
sur le dorsum nasal.
La fermeture des fentes bilatérales selon la technique de Mulliken en
période néonatale offre des résultats anthropométriques comparables à
ceux relevés chez des enfants sains du même âge.
L’information, source de réconfort auprès des patients. Mme
Thoelen, infirmière de liaison du CLP des Cliniques St Luc.
Lorsque survient le projet de fonder une famille, un désir d'enfant
émerge petit à petit à notre conscience. Assez rapidement notre
imagination façonne ce petit être que nous rêvons parfait… ou
presque… Nous lui attribuons certainement beaucoup plus de qualités
que de défauts .
Durant la grossesse, le petit embryon se développe, devient fœtus, et
dans un même temps, dans notre imaginaire de parents, grandit et prend
forme l'enfant rêvé, issu de nos fantasmes, mais qui n'est pas réel…
Chaque nouveau né amène son potentiel de désillusion puisque aucun
bébé ne peut correspondre aux fantasmes que les parents entretiennent
sur leur futur enfant.
Cependant, quand le nouveau-né présente un véritable défaut, une
malformation congénitale ou est prématuré, le manque de
correspondance entre le bébé réel et le bébé imaginaire devient beaucoup
plus problématique. La réaction de déception, de chagrin, de détresse,
voire de panique est particulièrement accentuée si l'enfant porte un
défaut visible, spécialement dans le visage.
L'annonce du diagnostic
"Un coup de tonnerre dans un ciel serein"
L'annonce de la malformation est souvent décrite comme telle : "la terre
qui s'arrête de tourner, le ciel qui me tombe sur le tête" .
Le père, la mère, le couple est complètement choqué, en détresse. Ils
sont tout à coup plongés dans une réalité à laquelle ils ne s'attendaient
pas.
Le besoin de recevoir des informations sur la malformation, le besoin de
se sentir soutenu, rassuré face à ce qui leur arrive représente une
véritable urgence psychologique. Ce besoin de recevoir des
informations est ENORME, afin de pouvoir peu à peu trouver de
nouveaux repères qui leur permettront de se projeter dans un futur moins
lourd, moins incertain, dans un avenir moins sombre puisqu'une
information dédramatisante pourra leur permettre de faire à nouveau une
place pour leur enfant différent.
La situation est tout à fait différente selon que le diagnostic anténatal a
été établi ou non. Lorsque les parents sont prévenus du diagnostic, la
naissance s'effectue généralement dans un climat calme et le bébé est
accueilli sereinement (même si au cours de sa grossesse, les parents
disent souvent ressentir une crainte lors de la rencontre de leur bébé à la
naissance : "vais-je l'aimer, vais-je l'accepter, est-ce que je ne vais pas
voir "que" sa fente"……..
A l'opposé, lorsque la fente est découverte à la naissance, la stupéfaction
et le désarroi accompagnent la venue au monde d'un nouveau né qui
présente une FLP.
Selon de nombreux auteurs, l'annonce constitue un traumatisme
inévitable qui se manifeste chez les parents par une sensation brutale de
catastrophe, un sentiment de culpabilité, une vacillation de leur identité,
selon des modalités et des intensités variables pour chaque parent.
C'est comme si le défaut de l'enfant exposait - d'une façon qui saute aux
yeux de la société, UNE INCAPACITÉ DU PARENT. Il s'agit là d'une
blessure narcissique profonde. Une blessure qui se refermera parfois
longtemps après la fermeture de la lèvre de leur enfant.
La cataclysme émotionnel dans lequel les parents se trouvent enfermés
ne disparaît pas lors de la première consultation : il peut seulement être
atténué par une écoute attentive de leurs interrogations et les réponses
claires et précises qui y seront apportées, par le regard porté sur l'enfant
et par des conseils de bon sens.
Pourquoi insister sur l'annonce du diagnostic, et son cortège d'émotions
parfois si difficiles à gérer ?
Tout simplement car j'ai pu constater combien ce moment est un
"moment clé" dans l'esprit des parents, et qu'il est bon, je pense, de
rappeler que les difficultés ressenties, les émotions qui vous ont
submergées à ce moment étaient NORMALES et RECEVABLES !
Comment soulager sa peine, comment trouver des réponses aux
multiples questions qui se bousculent… et nous bousculent. Comment
surmonter le choc et trouver de nouveaux repères pour aller à la
rencontre de ce bébé ? Un bébé aux multiples compétences, aux
innombrables ressources, qui dès sa naissance, vous montrera tout son
potentiel de séduction. Ce bébé qui vous attendrira, vous bouleversera
tant il vous montrera combien il a besoin de vous, de votre amour, de
vos attentions, de vos soins…. Il a besoin de vous comme vous avez
besoin de lui, mais il vous montrera aussi qu'il a tant et tant à donner…
Tant de trésors à découvrir…. Tant de choses à partager ensemble…
QUELQUES SUPPORTS UTILES À LA TRANSMISSION
D'INFORMATIONS
Parmi les supports utiles à la transmission d'information, citons :
• Les albums de photos
L'équipe pluridisciplinaire, mais aussi d'autres parents vous montreront
des photos .
Les photos d'enfants opérés permettront aux parents de réaliser que les
techniques chirurgicales actuelles offrent r la plupart du temps
d'excellents résultats
• Les rencontres avec les professionnels de la santé , et avec des
parents qui permettent lors des échanges
• ,le partage des émotions
Dans ce domaine précis, je pense qu'il est rassurant pour les parents
d'entendre que toutes les émotions qu'ils peuvent ressentir sont normales,
acceptables, et qu'elles font partie du processus de travail de deuil vers
l'acceptation du bébé réel, qui, comme souligné précédemment, possède
de nombreuses compétences.
Ainsi par exemple dans le domaine des émotions, le père ou la mère
s'interroge sur sa capacité à être un "bon parent" s'il ressent des
émotions dites "négatives" vis à vis de son enfant. L'ambivalence des
émotions existe chez tout parent.
Un sentiment de rejet peut survenir de manière passagère après l'annonce
de la malformation. Cette émotion difficile à partager, nous dirons
même, à la limite de l'indiscible peut être ressentie. Ces émotions, dites
"négatives" ne font pas du parent un père ou une mère indigne .
• Informations à propos des traitements
Les modalités de prise en charge de l'enfant, de son suivi au cours de sa
croissance, donnent aux parents des repères sécurisants. Une personne
informée, même si les informations sont difficiles à entendre, est mieux
armée pour faire face à l'avenir car celui-ci ne lui est plus tout à fait
inconnu. Il est petit à petit apprivoisé et accepté.
• L'information sur l'origine de la malformation EMBRYOLOGIE
Voici la photo de la face d'un embryon vers le 42ème jours, avant la
fusion des bourgeons maxillaires et mandibulaires. Nous sommes tous
passés par ce stade d'évolution au cours duquel nous avons tous été, en
quelque sorte, porteurs d'une double FLP puisqu'il s'agit de notre origine
embryologique à tous et à toutes;..
• Les infos qui concernent l'alimentation
Parmi les questions relatives à l'alimentation se pose régulièrement celle
de la possibilité d'allaiter son enfant au sein.
L'allaitement est possible. Les difficultés qui risquent de survenir sont
fonction du type de fente et de son importance.
En cas de FL, l'allaitement ne pose en principe pas plus de problème que
pour un enfant né sans fente.
La FP entraîne d'avantage de difficultés lors de l'alimentation mais
même en cas d'impossibilité immédiate d'allaitement au sein , la maman
peut tirer son lait et l'offrir à son enfant au biberon ou avec un matériel
d'aide spécifique à l'allaitement.
Enfin, citons quelques avantages du lait maternel, et de l'allaitement
maternel pour les enfants nés avec une fente labio-palatine :
• Liquide physiologique , donc moins irritant pour la muqueuse nasale
s'il remonte dans le nez.
• Contient de nombreux anticorps et possède donc des propriétés antiinfectieuses
• Plus digeste pour l'enfant.
• L'allaitement au sein renforce la musculature oro-faciale et l'action de
téter contribue à un développement harmonieux des mâchoires, des
dents et plus tard, du langage.
De même qu'une bonne musculature de la lèvre et du voile facilitent
la fermeture chirurgicale et optimise ainsi l'issue de l'opération.
• Privilégie le contact mère/bébé - Contact peau à peau.
• Moins d'otites car l'utilisation de la musculature oro-faciale favorise
une meilleure aération de l'oreille moyenne ce qui a pour conséquence
de diminuer le nombre de bactéries.
• Le bébé contrôle mieux le flux de lait et la position du sein dans la
bouche. Il boit à son propre rythme ce qui diminue le risque de fausse
route du lait dans les voies respiratoires.
• Pour la maman offrir à son bébé ce qu'elle a de meilleur pour lui
permettre de grandir dans des conditions optimales contribue à réparer
la blessure parentale qu'elle porte au fond d'elle.
Peut-être ces quelques informations vous permettront-elles de trouver
des pistes pour cheminer sur la route qui est la vôtre.
Quoi qu'il en soit, nous ne sommes pas seuls. Le séminaire organisé
aujourd'hui n’en est-il pas une preuve ?
Visages défigurés – figures dévisagées. Professeur B. Devauchelle
chef du service de maxillo-faciale au CHU de Amiens et secrétaire
général de l’Association Française des chirurgiens maxillo-faciaux.
Le Professeur Devauchelle nous a fait part d’une étude qu’il a réalisée
chez ses patients âgés de 5 à 15 ans. Il leur a demandé ainsi qu’a leur
frère ou soeur de dessiner un visage, chez eux, à domicile. Il a ainsi
récolté 60 dessins et les a analysés.
De ces dessins se détachent quatre types d’enfant :
Type I : enfant dont la fente est visible sur son dessin comme trace
de sa malformation.
Type II : enfant qui compense ou cache sa malformation par une
barbe, une autre cicatrice, des cheveux tombant devant les yeux…
Type III : enfant dont le frère ou la sœur stigmatise la
malformation.
Type IV : enfant dont le visage n’est pas individualisé dans le
corps, évidence de difficultés d’être, d’intégration, de langage.
Souvent, chez ces enfants, une importance et une précision est apportées
dans le regard comme pour compenser une incapacité d’exprimer par les
lèvres.
Mais la difficulté reste de savoir quelle interprétation nous pouvons
donner à ces lignes et ces dessins. La malformation ne touche, en effet,
pas uniquement la lèvre ou les structures osseuses mais également l’être
au plus profond.
Un grand merci au Professeur Devauchelle pour son étude par dessin de
ses patients et pour sa présence parmi nous lors du 15ème anniversaire de
notre centre.
Vous trouverez l’article du professeur Devauchelle dans la revue :
Histoire, économie et société (HES) n°4-2003, p511-517, 4ème trimestre.
La prise en charge par le service de chirurgie maxillo-facial.
Professeur Reychler, chef de service de chirurgie maxillo-faciale et
membre du CLP
1. Prise en charge par le Centre ? Organisation ?
le contrôle est annuel de façon à repérer et prendre en charge le
plus vite possible
les problèmes dentaires : caries, position, anomalies forme et
nombre
les problèmes croissance des os maxillaires : orthodontie /
ostéotomies
les problèmes de l’éventuelle fente osseuse du maxillaire supérieur
2. Différentes étapes chirurgicales ?
Ostéoplastie alvéolaire (au maxillaire supérieur)
a) problèmes dentaires : malposition, anomalies forme et
nombre
b) fistules vestibulaires et/ou palatines (phonation ! reflux !)
c)fournir l’os (et gencive) pour éruption de la canine
d) restaurer une continuité osseuse maxillaire (stabilité /
soutien aile nez)
e) fournir un support pour prothèses dentaires ultérieures
f) greffe prélevée au niveau du bassin / menton / crâne…
avant la greffe
après la greffe
avant la greffe
après la greffe
avant la greffe
après la greffe
Ostéotomies des maxillaires
a) après fin de la croissance
b) repositionner les maxillaires (ou fragments)
- corriger malocclusion dentaire
- améliorer harmonie esthétique faciale
- fournir base osseuses pour corrections nez / lèvre
c) combinées à TRT orthodontique
d) recours éventuel à greffe osseuse (bassin)
avant
après
Distraction osseuse des maxillaires
a) mêmes buts que les ostéotomies
b) possible pendant croissance
c) avec appareils visibles ou non
d) sans greffe osseuse
e) plus long mais plus stable
f) coût !
3. Selon type de malformation, faut-il s’attendre à des
problèmes ultérieurs ?
Dentition
- les anomalies de forme, nombre, position…
Mâchoires
- les anomalies de position et forme…
…rendent les aspects esthétiques et fonctionnels plus « compliqués »
à résoudre,que ce soit en dentition naturelle ou en prothèse dentaire.
Rappel des problèmes orthodontiques présentés par les patients
porteurs de fente labio-palatine de la naissance à l’âge adulte. Mr.
Bou Saba orthodontiste du CLP
1.Naissance : rupture de la continuité labiale et palatine
2. Denture temporaire à mixte
- Dysharmonie transversale et sagittale
- Anomalie dentaire de forme, de nombre
3. Denture définitive
- Dysharmonie transversale et sagittale
- Anomalie dentaire de forme, de nombre
- Malposition dentaire
Pour ne pas arriver à l’âge adulte avec une bouche dans un aussi
mauvais état, nous proposons :
1. Une phase orthopédique à la naissance : traction antéro=postérieur du
pré-maxillaire si nécessaire pour la fermeture de la lèvre et correction du
nez.
2. Une plaque obturatrice pour éviter une communication bucco-nasale
et favoriser la phonation et la mastication.
3. Une expansion orthopédique du maxillaire
lente par plaque
rapide par disjoncteur
par masque facial
exemple :
4. Une orthodontie classique par appareillage fixe pour favoriser un
alignement correct des arcades, une occlusion normale stable et un
rapport sagittal correct.
5. Un traitement ortho-chirurgical :
- préparation orthodontique des arcades
- correction squelettique par chirurgie orthognatique
- finition orthodontique
- réhabilitation prothétique
avant chirurgie orthognatique
après chirurgie orthognatique
….et
en fin de traitement
Fente palatine et problèmes d’oreilles.
Professeur DeggouJ. ORL du CLP
Les enfants avec fente palatine présentent des problèmes d’otite séro
muqueuse (présence de liquide non purulent derrière le tympan).
Ce liquide apparaît car l’oreille moyenne est mal aérée.
Cette mauvaise aération provient d’un dysfonctionnement de la trompe
d’Eustache. Les muscles qui permettent l’ouverture de la trompe
d’Eustache sont des muscles du palais qui a été fendu.
Ce fonctionnement de trompe d’Eustache se normalise avec le temps : en
général entre 6 et 10 ans.
L’otite séro-muqueuse occasionne une diminution des capacités auditives.
Il faut dès lors la soigner pour éviter des problèmes d’audition qui
entraîneront un retard du développement du langage.
Fente palatine et troubles du langage
1. Rhinophonie ouverte ou nasonnement
Les enfants avec fente palatine présentent fréquemment du
nasonnement : l’air passe de façon inappropriée par le nez lors de
l’émission de certains sons de la parole ; par exemple lorsque l’on
prononce « pa » l’air ne doit pas passer par le nez. S’il passe par le nez,
le son est dès lors assourdi, nasonné.
Ce nasonnement est l’inverse de celui observé en cas de rhume où l’air
ne passe par le nez.
Ce nasonnement est dû à des problèmes morphologiques et de motricité
au niveau du pharynx.
Du fait de la fente, le palais est souvent plus court et moins mobile que
normalement.
Une prise en charge logopédique est proposée pour tonifier les
mouvements de ce voile du palais mais également pour développer des
mécanismes compensatoires de contractions musculaires au niveau des
autres parois du pharynx.
Ces mécanismes compensatoires tentent à diminuer le diamètre du
pharynx et la communication entre le fond de la cavité buccale et le fond
des cavités nasales.
La logopédie en général suffit pour compenser ce problème.
Cette compensation ne pourra toutefois pas se faire si les conditions
anatomiques sont défavorables : à savoir : un voile du palais court et un
pharynx large. Dans ce cas, la largeur de l’espace à refermer est trop
grande. Le voile étant trop petit même, s’il se contracte bien, n’arrive
pas à refermer cette communication.
L’isthme vélo-pharyngien est dit incompétent.
Dans ces cas-là une intervention chirurgicale complémentaire est
nécessaire : la vélo-pharyngoplastie.
Cette intervention rabat l’embout muqueux entre la paroi postérieure du
pharynx et le voile du palais.
La communication entre l’oro-pharynx et le naso-pharynx est dès lors
diminuée. Il y a moins d’air qui peut passer au niveau des fosses nasales
à l’émission de la parole.
2. Retard de langage
Les enfants avec fente palatine ont plus souvent un retard de langage
surtout à cause des problèmes d’oreille moyenne.
L’otite séro-muqueuse non corrigée donne une diminution chronique de
l’audition pouvant aboutir à un langage s’installant plus lentement.
Pour éviter ce problème, des aérateurs ou drains trans tympaniques sont
placés au niveau du tympan au moment de la fermeture du palais (à 3
mois) et chaque fois que nécessaire.
Une rhinophonie importante peut également favoriser un retard de
langage.
En effet, le nasonnement important peut rendre le langage inintelligible
ce qui diminue le plaisir de la communication. L’enfant, sous stimulé,
développera moins rapidement son langage.
Pour éviter cela, une prise en charge logopédique est rapidement
proposée ainsi qu’une correction de la rhinophonie.
3. Troubles d’acquisition scolaire
Les enfants avec fente palatine ont plus souvent des petits troubles
d’acquisition de l’orthographe et de la lecture.
Le pourcentage est significativement plus élevé que dans la population
sans fente tout en restant limité.
Il faut dès lors être attentif lors de la scolarisation en primaire à ce
problème pour le prendre éventuellement en charge en logopédie.
Enquête sur le bien-être psychologique chez les adolescents avec fente
labio-palatine
Deux enquêtes ont été réalisées à un an d’intervalle dans notre Centre.
Ces deux enquêtes montrent que les adolescents avec fente palatine ne
diffèrent pas des adolescents du même âge sans fente palatine quant à la
perception de leur image, de l’estime de soi, leur intégration sociale ou
scolaire.
Nous tenons à vous remercier tous pour votre participation et votre
collaboration au Centre labio-palatin A.de Coninck et à cette
matinée très enrichissante. Grâce à vous tous, enfants, parents,
professionnels, le centre grandit en qualité, en compétence et en
dialogue.
Merci.
Dr B.Bayet
Service de chirurgie Plastique.