La loi relative à la dévolution du nom de famille et ses

Transcription

La loi relative à la dévolution du nom de famille et ses
du Greffier de la Cour
CEDH 267 (2013)
19.09.2013
La loi relative à la dévolution du nom de famille et ses dispositions transitoires
ont respecté la Convention
Dans sa décision en l’affaire De Ram c. France (requête no 38275/10), la Cour européenne des droits
de l’homme déclare, à l’unanimité, la requête irrecevable. Cette décision est définitive.
La loi du 4 mars 2002, modifiée par la loi du 18 juin 2003, a permis aux parents d’attribuer à leurs
enfants le nom du père, le nom de la mère ou le nom des deux parents selon un ordre librement
choisi. L’entrée en vigueur de cette loi a été fixée au 1er janvier 2005. Un régime transitoire a été
prévu pour les enfants nés avant cette date.
Les enfants plaignants de cette requête, nés en 1986 et en 1989, ne remplissaient pas les conditions
fixées par la loi.
La Cour estime que la différence de traitement dont les requérants ont fait l’objet était raisonnable
et justifiée par la nécessité d’assurer la transition dans le temps des règles de dévolution du nom de
famille, et par la légitimité du choix de tenir compte du respect des principes de sécurité juridique et
d’immutabilité du nom.
Principaux faits
Le premier requérant, Luc De Ram , de nationalité belge, est marié à Jossia Berou, épouse De Ram,
de nationalité française. L’un et l’autre sont les parents de deux filles, Aurore et Aëla, deuxième et
troisième requérantes, nées respectivement le 1er janvier 1986 et le 22 juin 1989. Elles furent
inscrites à leur naissance au registre d’état civil sous le nom de leur père. Leurs parents décidèrent
de leur donner comme nom d’usage, comme la loi les y autorisait, le patronyme du requérant suivi
de celui de son épouse (De Ram-Berou).
La loi du 4 mars 2002 permit aux parents de donner à l’enfant le nom du père, celui de la mère ou
les deux noms accolés dans l’ordre librement choisi. Ces dispositions entrèrent en vigueur le 1er
janvier 2005. Pour les enfants nés avant cette date, le législateur aménagea un régime transitoire qui
permit aux parents de demander l’adjonction en deuxième position du nom du second parent,
lorsque l’aîné des enfants avait moins de treize ans au 1er septembre 2003.
Le 15 juin 2003, M. De Ram déposa au nom et pour le compte de ses deux filles, une requête en
changement de nom pour obtenir l’inscription de celles-ci au registre de l’état civil sous le nom de
De Ram-Berou. Le Garde des Sceaux rejeta la requête pour défaut d’intérêt légitime.
Le 6 décembre 2007, le tribunal administratif de Paris rejeta la requête des requérants contre le
refus qui leur avait été opposé, rejet que la cour administrative d’appel de Paris confirma. Le 30
décembre 2009, le Conseil d’Etat rejeta le pourvoi des requérants.
Griefs, procédure et composition de la Cour
La requête a été introduite devant la Cour européenne des droits de l’homme le 30 juin 2010.
Invoquant l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale), combiné avec l’article 14
(interdiction de la discrimination), les requérants soutiennent que la différence de traitement
fondée sur le sexe des parents pèse sur le droit de leurs enfants d’adjoindre le nom maternel à leur
patronyme et maintient la discrimination qui existait avant la loi du 4 mars 2002. Ils se plaignent
également de ne pouvoir bénéficier, du fait de leur date de naissance, du régime transitoire prévu
par la loi.
La décision a été rendue par une chambre de sept juges composée de :
Mark Villiger (Liechtenstein), président,
Angelika Nußberger (Allemagne),
Ganna Yudkivska (Ukraine),
André Potocki (France),
Paul Lemmens (Belgique),
Helena Jäderblom (Suède),
Aleš Pejchal (République Tchèque), juges,
ainsi que de Claudia Westerdiek, greffière de section.
Décision de la Cour
S’agissant du grief tiré de la discrimination entre hommes et femmes pour la dévolution du nom de
famille aux enfants, la Cour estime que Luc De Ram ne saurait se prétendre victime au sens de
l’article 34 de la Convention. Ses filles ayant reçu son nom de famille selon le régime antérieur à la
loi du 4 mars 2002, il ne saurait se plaindre de l’impossibilité de transmettre à l’enfant le nom de la
mère et ne peut donc se dire victime d’une différence de traitement fondée sur le sexe. La Cour
relève à cet égard que l’épouse de Luc De Ram n’était pas partie à la procédure de changement de
nom devant les juridictions nationales, ni requérante devant la Cour.
S’agissant du grief tiré d’une discrimination fondée sur la date de naissance, la Cour observe que le
législateur a décidé que la loi ne devait s’appliquer qu’aux enfants nés après le 1er janvier 2005, et
qu’il a prévu un régime dérogatoire qui ne s’applique pas aux enfants nés avant le 1er septembre
1990. Les requérantes nées respectivement le 1er janvier 1986 et le 22 juin 1989, ne pouvaient donc
pas bénéficier de ces dispositions et leur situation était régie par le droit antérieur qui n’autorisait
pas l’adjonction du nom de la mère.
La Cour observe que l’application dans le temps de la loi du 4 mars 2002, modifiée par la loi du 18
juin 2003, relative à la dévolution du nom de famille telle qu’aménagée par les dispositions
transitoires, résulte d’une mise en balance entre le principe de l’immutabilité de l’état civil et
l’intérêt des enfants à compléter le nom transmis à la naissance. Elle estime que les modalités du
système transitoire retenues par le législateur (distinction entre les enfants âgés de moins et de plus
de treize ans) ne sauraient pour autant passer pour arbitraires. En effet, le critère de l’âge fixé par le
législateur, coïncide avec le droit octroyé à l’enfant mineur de plus de treize ans de consentir au
changement de son nom. Dès lors, la distinction entre enfants âgés de moins ou de plus de treize ans
ne saurait passer pour arbitraire.
En dernier lieu, la Cour observe d’une part que la cour administrative d’appel a jugé justifiée
l’atteinte aux articles 8 et 14 de la Convention. Elle a considéré en effet que le droit antérieur
s’appliquait d’une manière identique à toutes les personnes placées dans la situation des
requérantes du fait de leur date de naissance. Elle a jugé que le choix des modalités du système
transitoire était motivé par l’impératif de sécurité juridique de l’état civil. La Cour relève d’autre part
que les requérants ont usé de la possibilité que leur offrait le droit interne d’intenter une procédure
en changement de nom. Les deuxième et troisième requérantes ont utilisé leur nom d’usage tout au
long de leur scolarité et n’allèguent pas être dans l’impossibilité de pouvoir continuer à le faire.
La Cour estime que la différence de traitement dont les requérants ont fait l’objet était raisonnable
et justifiée par la nécessité d’assurer la transition dans le temps des règles de dévolution du nom de
famille, et par la légitimité du choix de tenir compte du respect des principes de sécurité juridique et
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d’immutabilité du nom. Les conséquences de la différence de traitement en cause n’étaient pas
disproportionnées par rapport au but légitime poursuivi.
La Cour déclare à l’unanimité la requête irrecevable.
La décision n’existe qu’en français.
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