Jacques Vergès, ce qu`en disent des juristes marocains

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Jacques Vergès, ce qu`en disent des juristes marocains
Jacques Vergès, ce qu'en disent des juristes
marocains
Même mort, Jacques Vergès continue à ne pas faire l'unanimité. Médias 24 a
voulu donner la parole à une génération de juristes marocains, différente de celle
qui a côtoyé Me Vergès. Les avis divergent.
Pour les Marocains, Jacques Vergès est surtout celui qui a défendu Omar Raddad.
C'est à la demande du défunt roi Hassan II, qu'il s'est occupé de son dossier. En 1991,
ce jardinier marocain est accusé d'avoir poignardé la maîtresse de maison. Il fût gracié
en 1996 par le président Jacques Chirac.
« Je l'ai vu plaider à Paris. C'était en 1998, dans le cadre de l'affaire Garaudy. Il était
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excellent. Un plaidoyer qui conjugue des connaissances historiques et culturelles.
Ensuite, je l'ai revu, à Casablanca, quand il est venu pour une représentation de sa
pièce «le Serial Plaideur», au cinéma Rialto. Un spectacle grandiose. J'y étais en
compagnie de Abderrahmane Youssoufi. Cela faisait bien longtemps que les deux
hommes ne s'étaient pas revus, ils se connaissaient depuis près de 45 années. A la vue
de Abderrahmane Youssoufi, Jacques Vergès s'écria : «tu n'as pas vieilli. Il faut être 1er
ministre pour rester jeune!», se souvient Youssef Chehbi, avocat inscrit au barreau de
Casablanca.
Monstre sacré de la profession, anticonformiste, faisant un vrai travail d'avocat, qui
«
est celui de défendre tous les justiciables. Plus l'accusation est lourde, plus le devoir
de défendre est grand, comme un médecin doit soigner tout le monde» disait-il.
«Ce que l'on peut retenir de Jacques Verges, ce chevalier des causes perdues, c'est à
la fois le panache et le talent d'une icône des barreaux, doté d'une grande culture, très
narcissique, et provocateur à souhait, un personnage plein de contradictions, qui cultivait
l'art de la révolte et de la volte-face permanente. Les justes sont en deuil, les injustes
jouissent... ». C'est ainsi que réagit Meriem Bennis, avocate au barreau de Casablanca
et professeur universitaire.
Autre point de vue. Yousr Bennani, avocat inscrit au barreau de Casablanca déclare
d'emblée : «Il serait un peu présomptueux de ma part de donner un avis sur le défunt,
cela devra être une simple opinion personnelle». Une précision de rigueur avant de
poursuivre : «je considère que c'est surtout un homme de lettres et d'histoire de
formation. Sa formation juridique est rudimentaire. Il a atterri au barreau "parce qu'il fallait
bien avoir un métier", disait-il. Je n'ai jamais retrouvé chez lui le pragmatisme et
l'analyse juridique pertinente des juristes chevronnés qui arrivent à gagner de
grands procès en soulevant le non-respect de règles de procédure ou en mettant en
avant un petit détail de droit aussi petit soit-il. D'ailleurs, il s'est limité à défendre
l'indéfendable, ce qui me pousse à le qualifier de sensationnaliste qui défendait plus
son nom que ses clients (sans succès d'ailleurs). Ses nombreuses interventions
télévisées m'ont toujours laissé sur ma faim.»
«Jaques Verges fût un grand avocat, féru de la justice. Ce qui me passionne chez lui
c'est sa grande connaissance non pas uniquement du droit, mais aussi de l'histoire, il
s'imprégnait de faits et de cas historiques faisant de ses plaidoiries à chaque fois un
chef d'œuvre. Par ailleurs, il fût un modèle de l'avocat stratège, provocateur dans
la limite du droit, capable de gagner grâce au détail sans trop s'essouffler, comme me le
rappelle une belle phrase de Tom Hanks dans le film Philadelphia : capable de jouer et
gagner une partie de tennis sans mouiller son t-shirt. Autre particularité chez ce grand
Monsieur, c'est le courage de pousser le droit à être défendu au fond, en plaidant dans
des affaires très difficiles, khmer rouge, Barbie... On l'a même appelé l'avocat des
indéfendables. Il demeurera l'un de mes modèles dans ma vie professionnelle, et ses
ouvrages perpétueront ses recettes juridiques et judiciaires», témoigne Younès Anibar,
avocat inscrit au barreau de Casablanca.
Adieu Maître !
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