L`exécution sur comptes bancaires : rapport belge.

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L`exécution sur comptes bancaires : rapport belge.
L’exécution sur comptes bancaires : rapport belge.
(Frédéric Georges, assistant et maître de conférences à l’Université de Liège, avocat)
1. Compétence.
1.1. Quel organe d’exécution est compétent sur le fond ?
En Belgique, une saisie sur un compte en banque suppose en principe l’intervention d’un
huissier de justice (arts. 1445 et 1539 du Code judiciaire). Le statut des huissiers de justice est
régi par les articles 509 à 555 quater du Code judiciaire. Ce monopole ne connaît que
quelques nuances.
La principale dérogation résulte de ce que le droit belge connaît une saisie-arrêt conservatoire
simplifiée réservée à l’administration fiscale, qui est formée par lettre recommandée1. Par
ailleurs, lorsque la saisie-arrêt conservatoire a été autorisée par le juge des saisies, il est
loisible au créancier saisissant de charger le greffe de notifier au tiers saisi l’ordonnance
d’autorisation2 ; accompagnée du relevé des obligations qui incombent au tiers saisi en vertu
des articles 1451 à 1456 du Code judiciaire, cette notification vaut saisie-arrêt3. Il importe
enfin de réserver l’hypothèse de la cession de créance consentie par un débiteur à son
créancier, pour garantie la créance de ce dernier. Ce mécanisme, dont l’efficacité reste
controversée en cas de concours d’autres créanciers sur le bien cédé, ne nécessite pas
l’intervention d’un huissier de justice4 ; elle est portée à la connaissance du tiers-cédé, en
l’occurrence le banquier, par tous moyens de communication concevables.
1.1.1. Quels sont le statut juridique et la formation professionnelle du fonctionnaire chargé de
l’exécution ?
L’huissier de justice est un officier public et ministériel qui exerce son office dans le cadre
d’une profession libérale5. Depuis le 31 décembre 2000, ne peut être nommé huissier de
justice par le pouvoir exécutif que le licencié en droit qui a effectué un stage homologué à
l’issue duquel le titre de candidat huissier de justice lui a été décerné (articles 510 à 512 du
Code judiciaire).
1
Voy. l’article 164 de l’arrêté-royal d’exécution du Code d’impôts sur les revenus 1992 ; la dérogation est
cependant partielle car s’il s’avère que le tiers qui a reçu la lettre recommandée du fisc est effectivement débiteur
du redevable d’impôt, la procédure doit se poursuivre selon le droit commun du Code judiciaire.
2
En droit belge, la signification d’une décision ou d’un acte est le fait de l’huissier de justice tandis que la
notification est par contre le fait d’un greffier (article 32 du Code judiciaire).
3
Voy. l’article 1449 du Code judiciaire ; la dénonciation de la saisie-arrêt conservatoire doit cependant être
formée par exploit d’huissier.
4
La mise en œuvre d’une cession de rémunération, expressément prévue par le droit belge (entre autres par la
loi du 12 avril 1965 relative à la protection de la rémunération du travailleur), nécessitera de facto et de lege
ferenda l’intervention d’un huissier de justice (article 1390 ter nouveau, tel que modifié par la loi du 29 mai
2000, non encore en vigueur) ; en effet, l’opposabilité aux tiers de cette cession de rémunération sera tributaire
de la transmission au fichier central des avis de saisies d’un avis de cession par un huissier de justice.
5
Sur le statut de l’huissier de justice, voy. G. de LEVAL, Institutions judiciaires, Ed. Collection scientifique de
la Faculté de droit de Liège, 1993, 2ème éd., pp. 397 à 434.
1.1.2. Quel rapport lie l’organe d’exécution à la juridiction de l’exécution ?
En vertu de l’article 1396 du Code judiciaire, le juge des saisies veille au respect des
dispositions en matière de saisies conservatoires et de voies d’exécution. S’il constate une
négligence dans le chef d’un huissier de justice, il peut en informer le ministère public qui
pourra y réserver des suites disciplinaires. Par ailleurs, un acte d’exécution nul reste à charge
de l’huissier, qui peut par ailleurs être condamné à des dommages et intérêts au profit d’une
personne préjudiciée (article 866 du Code judiciaire).
En ce qui concerne les recours des parties, le droit belge ne connaît pas (encore) de
disposition générale imposant à l’huissier l’indication dans son acte des voies de recours
possibles contre une décision ou une situation juridique donnée.
1.2. Compétence locale/internationale.
La matière des saisies reste en droit international privé belge un domaine essentiellement
territorial. Aussi seules les saisies prévues par le droit belge peuvent appréhender des biens
situés en Belgique ; de même les juridictions des saisies ne sont-elles compétentes que pour
autoriser (ou connaître de difficultés relatives à) des saisies de biens en Belgique. Il s’agit
d’une règle de compétence internationale, à ne pas confondre avec les règles de compétence
interne.
La distinction entre les deux types de compétence semble avoir été récemment perdue de vue
par la Cour d’arbitrage, qui eut à connaître de la conformité d’une modification de
compétence territoriale interne en matière précisément de saisie-arrêt.
Une loi du 4 juillet 2001 avait inséré un nouvel alinéa dans l’article 633 du Code judiciaire,
qui régit la compétence territoriale du juge en matière de saisie-arrêt. Suite à cette
modification, les deux premiers alinéas de cette disposition étaient ainsi libellés :
« Les demandes en matière de saisies conservatoires et de voies d'exécution sont
exclusivement portées devant le juge du lieu de la saisie, à moins que la loi n'en dispose
autrement.
Pour l'application de l'alinéa 1er en matière de saisie-arrêt, le lieu de la saisie est le lieu du
domicile du débiteur saisi ».
Il s’agissait par là de mettre fin à l’enseignement de la Cour de cassation, qui estimait,
certainement à juste titre, qu’en matière de saisie-arrêt, le lieu de la saisie était celui où était
touché le tiers saisi6.
Une controverse a cependant surgi, une partie de la doctrine estimant que suite à cette
intervention législative, aucun juge belge n’était plus compétent lorsque le débiteur saisi
6
Cette solution, certainement correcte juridiquement, présentait cependant deux inconvénients ; d’une part, elle
conférait la compétence territoriale d’ordre public en matière de saisies au juge du domicile du tiers saisi, alors
que l’essentiel du contentieux ne concernait pas ce tiers saisi ; d’autre part, de nombreuses sociétés importantes
et banques ayant leur siège social à Bruxelles ou à Anvers, les juges des saisies de ces deux villes connaissaient
un certain encombrement.
n’avait pas de domicile en Belgique. La Cour d’arbitrage a retenu cette interprétation, sujette
à discussion, dans un arrêt du 30 janvier 20037.
Une loi du 8 avril 2003 est venu apaiser la controverse8. Désormais, la compétence territoriale
du juge des saisies en matière de saisie-arrêt se déduit de l’article 633, alinéa 2, nouveau, aux
termes duquel « En matière de saisie-arrêt, le juge compétent est celui du domicile du
débiteur saisi. Si le domicile du débiteur saisi est situé à l'étranger ou est inconnu, le juge
compétent est celui du lieu d'exécution de la saisie »9.
1.2.1. Se réfère-t-on au domicile/siège du tiers débiteur?
Depuis 2001, le juge des saisies compétent territorialement pour autoriser une saisie-arrêt ou
connaître de contestations qu’elle suscite est le juge du domicile du débiteur saisi et non celui
du domicile du tiers saisi, soit la banque. Cependant, si le domicile du débiteur saisi est situé à
l'étranger ou est inconnu, le juge compétent est celui du lieu d'exécution de la saisie, soit le
siège social de la banque ou le siège d’une de ses agences (article 633 du Code judiciaire).
1.2.1.1. Lorsque le compte est tenu par une filiale (succursale) – est-ce l’organe d’exécution
du lieu de la filiale ou celui du lieu de l’établissement principal/de la maison mère qui est
compétent ?
Il importe de distinguer deux questions : l’identité du tiers saisi et la compétence territoriale
de l’huissier de justice. Quant au premier point, on admet de façon prétorienne que le
créancier a le choix de faire signifier l’acte de saisie soit auprès de l’agence bancaire, soit
auprès du siège social de l’établissement de crédit10. Quant au second point, l’huissier de
justice voit sa compétence territoriale limitée à l’arrondissement judiciaire où il a été nommé
(article 513 du Code judiciaire).
1.2.1.2. Quel est l’organe d’exécution compétent lorsque le compte est tenu par une filiale/un
établissement secondaire doté(e) d’une personnalité juridique propre ?
S’il s’agit non pas d’une succursale mais d’un établissement bancaire ayant une personnalité
juridique distincte, il s’impose d’opérer la saisie entre les mains de celle des deux banques qui
tient le compte11. A défaut, le créancier saisissant n’aura saisi que le vide.
1.2.2. Le lieu de situation du patrimoine du tiers débiteur est-il déterminant ?
7
C. Arb., 19/2003 du 30 janvier 2003, J.T., 2003, p. 191, J.L.M.B., 2003, p. 564, également disponible sur le
site de la Cour d’arbitrage (www.arbitrage.be).
8
Loi du 8 avril 2003 modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne la compétence territoriale du juge en
matière de saisies conservatoires et de moyens d'exécution, M.B., 12 mai 2003, 1ère éd., consultable uniquement
sur le site du Moniteur belge (www.moniteur.be).
9
Sur cette question, voy. P. WAUTELET, « La Cour d’arbitrage et la compétence en matière de saisies », Act.
dr., 2003, sous presse.
10
Répertoire pratique de droit belge, v° Saisie-arrêt bancaire, p. 811, n° 19 : « Lorsqu’une saisie-arrêt est
signifiée ou notifiée à une agence déterminée d’une banque, une telle saisie a également pour effet de bloquer
les comptes ouverts auprès d’autres agences et du siège de la banque, sauf si l’acte de saisie-arrêt limite
l’assiette de la saisie aux avoir sis dans une agence particulière ou à un compte déterminé tenu par une telle
agence ».
11
Ph. THERY, Rép. internat. Dalloz, v° Voies d’exécution, 1998, p. 7, n° 46.
Le lieu de situation du patrimoine du tiers débiteur n’est aucunement déterminant. Comme
exposé sub 1.2., depuis 2001, le siège social de l’établissement bancaire a perdu une
substantielle importance comme critère de compétence territoriale ; jamais le droit belge n’a
retenu la situation du patrimoine du tiers saisi (particulièrement évanescente en l’espèce)
comme tel critère.
1.2.2.1. La compétence est-elle restreinte au patrimoine situé sur le territoire de l’organe
d’exécution ?
Sans objet en raison de 1.2.2.
1.2.3. La compétence dépend-elle du domicile/siège du débiteur?
Oui, comme exposé sub 1.2.1 et 1.2.2.
1.2.3.1. La compétence est-elle restreinte au patrimoine situé sur le territoire de l’organe
d’exécution ?
Non. Le critère relevant est que l’huissier ne peut signifier des actes que dans le ressort où il a
été nommé. Un exemple sera plus parlant. Un créancier domicilié à Liège veut saisir le
compte en banque de son débiteur qui habite à Anvers. Le siège de la banque se trouve à
Bruxelles. Deux huissiers différents devront nécessairement intervenir : un huissier de
l’arrondissement judiciaire de Bruxelles pour signifier la saisie-arrêt à la Banque et un
huissier de l’arrondissement judiciaire d’Anvers pour dénoncer la saisie-arrêt au saisi.
1.2.4. L’organe d’exécution compétent est-il déterminé en fonction de la juridiction du
principal ?
La compétence territoriale de l’huissier de justice est indépendante du lieu où la décision au
fond a été prononcée.
1.2.5. L’organe d’exécution compétent est-il déterminé en fonction de la juridiction chargée
de l’action contre le tiers débiteur ?
Non, ce n’est plus le cas en Belgique depuis 2001, sauf lorsque le domicile du saisi est situé à
l’étranger ou est inconnu.
1.2.6. Existe-t-il des règles de compétence particulières en cas d’exécution à fin de garantie ?
Le droit belge ne connaît pas de mesures conservatoires revêtant la forme de sûretés, comme
il en existe en France. Par contre, le droit belge connaît une symétrie très caractéristique entre
d’une part les saisies conservatoires, qui tendent à immobiliser un bien dans le patrimoine du
débiteur dans l’attente d’une décision de justice reconnaissant la créance, et d’autre part les
voies d’exécution, qui tendent à permettre au créancier de se faire payer par la force.
La très grande majorité des principes applicables – et donc des réponses au présent
questionnaire – sont communs à la saisie-arrêt conservatoire et à la saisie-arrêt-exécution. Il
nous donc paru opportun de ne pas scinder cette identité de principes dans le rapport de droit
belge. Il va de soi que les différences significatives sont cependant mises en exergue.
2. La procédure d’obtention de l’acte d’exécution.
2.1. Quelles conditions le créancier doit-il remplir ?
La saisie entre les mains d’une banque revêt en droit belge la forme de la saisie-arrêt. Comme
toute saisie dans notre système juridique, la saisie-arrêt peut être exercée à titre conservatoire
(articles 1445 à 1460 du Code judiciaire) ou à titre exécutoire (articles 1539 à 1544 du Code
judiciaire)12.
La saisie conservatoire suppose réunies des conditions de fond et des conditions de formes.
Les conditions de fond, prévues à l’article 1413 et 1415 du Code judiciaire, sont l’existence
d’une apparence de créance dans le chef du créancier et un risque de survenance
d’insolvabilité dans le chef du débiteur de la créance.
Les conditions de forme concernent la manière dont s’extériorise la créance ; si le créancier
ne dispose pas d’un jugement (même frappé de recours) consacrant l’existence de cette
créance (article 1414 du Code judiciaire), il doit en principe demander au juge des saisies
compétent l’autorisation de saisir le patrimoine de son débiteur (article 1417 à 1419 du Code
judiciaire). On relève cependant une exception, précisément d’application en matière de
saisie-arrêt. En vertu de l’article 1445 du Code judiciaire en effet, le créancier qui dispose
d’un écrit signé par le débiteur peut s’adresser immédiatement à un huissier de justice
territorialement compétent pour qu’il procède à la saisie-arrêt.
La saisie-arrêt-exécution suppose quant à elle que le créancier dispose d’un titre exécutoire
révélant une créance certaine, liquide et exigible (article 1494 du Code judiciaire). On
dénombre trois types de titres exécutoires : le jugement, l’acte notarié et les actes
administratifs décernés en matière fiscale.
2.1.1. Conditions générales de l’exécution ?
Si la créance dont se prévaut le saisissant réunit les conditions ci-dessus exposées, il peut
s’adresser à un huissier de justice territorialement compétent qui va signifier deux exploits
successifs : le premier exploit de saisie-arrêt (conservatoire ou exécutoire) sera signifié au
tiers, en l’espèce à la banque (articles 1445, 1450, 1539 et 1540 du Code judiciaire) ; le
second exploit de dénonciation de saisie-arrêt sera signifié au débiteur saisi titulaire du
compte (articles 1457 et 1539 du Code judiciaire).
2.1.2. Conditions spéciales de l’exécution (délais) ?
Néant.
2.1.3. Quelles pièces doit-il fournir ?
12
Voy. supra, sub. 1.2.6.
S’il entend procéder à une saisie-arrêt conservatoire sans disposer d’un jugement au fond
(voy. supra sub 2.1) et sans prendre la précaution de solliciter l’autorisation du juge des
saisies qui statue en fonction des pièces produites devant lui, le créancier se limitera à
solliciter l’intervention de l’huissier de justice ; celui-ci s’abstiendra de prêter son ministère si
la saisie conservatoire n’est à l’évidence aucunement justifiée.
S’il entend procéder à une saisie-arrêt-exécution, le créancier saisissant devra produire à
l’huissier une copie du jugement ou de l’acte notarié revêtu de la formule exécutoire. Une
exécution nécessite en effet la détention par le créancier et son huissier de la copie exécutoire
de l’acte dont ils se prévalent (articles 1386 et 1393 du Code judiciaire).
Dans les deux cas, la reproduction d’un décompte précis dans le texte de l’exploit s’impose en
vertu de l’article 1389 du Code judiciaire.
2.1.4. Doit-on avoir recours à un formulaire ?
Hormis le cas de l’administration fiscale qui dispose d’une saisie-arrêt simplifiée dont la
forme est prévue par un arrêté ministériel, le créancier saisissant n’a pas à se soucier de la
forme de la saisie, qui relève exclusivement de la responsabilité de l’huissier de justice. Ce
dernier doit respecter les dispositions prescrites par le Code judiciaire (articles 1389, 1450 et
1539 du Code judiciaire). Dans la pratique, les exploits de saisies sont uniformisés.
2.2. Avec quelle précision le compte à saisir doit-il être désigné ?
Aucune disposition du Code judiciaire n’impose de désigner avec précision le compte en
banque du débiteur. Plus généralement, de lege lata, aucune disposition du Code judiciaire
n’est particulière à la saisie entre les mains des banques. Le droit commun du Code judiciaire,
évoqué supra sub 2.1, s’applique.
2.2.1. L’indication générale du nom du débiteur et des coordonnées de la banque suffit-elle ?
L’indication du nom du débiteur et des coordonnées de la banque suffisent.
2.2.1.1. Des saisies fondées sur un simple soupçon sont-elles admises ?
Une saisie faite en vertu d’un titre et d’une créance réguliers entre les mains d’une banque qui
s’avère n’avoir ouvert aucun compte au débiteur ne produit aucun effet mais n’est pas de ce
seul fait une saisie abusive.
2.2.2. Doit-on éventuellement, en cas de pluralité de comptes, préciser la succursale où le
compte est tenu ou bien le numéro de compte exact ? D’autres éléments d’information
peuvent-ils suffire ?
Ni le numéro de compte, ni l’agence où celui-ci a été ouvert ne doivent être précisés dans
l’acte de saisie, à moins que le créancier saisissant ne souhaite limiter l’objet de sa saisie.
2.3.1. A quels types de contrôle procède l’organe d’exécution au regard des conditions de
l’exécution forcée ?
Comme indiqué supra sub 2.1.3, l’huissier de justice doit vérifier si les conditions de son
intervention sont réunies.
2.3.2. A quels types de contrôle procède l’organe d’exécution au regard de la créance à
saisir ?
En raison du caractère opaque des avoirs bancaires, il est de facto impossible à l’huissier de
justice d’opérer un quelconque contrôle sur l’objet de la saisie. Cette question rejoint le thème
de la transparence patrimoniale.
2.4. Le créancier peut-il apporter des compléments à sa demande d’exécution ?
Nous voyons deux informations utiles en rapport avec cette question.
D’une part, s’il sollicite l’autorisation du juge des saisies pour procéder à la saisie (article
1417 du Code judiciaire), le créancier peut être amené, sur demande du magistrat, à devoir
compléter les informations de fait qu’il soumet à ce dernier pour justifier sa demande.
D’autre part, si entre le moment de la saisie et celui de la répartition des fonds, la créance du
saisissant vient à être augmentée, celui-ci pourra produire sa créance à concurrence du plus
récent montant.
2.5. Le débiteur est-il entendu avant que ne soit arrêtée la mesure d’exécution ?
Non. Si l’autorisation du juge est sollicitée avant d’opérer la saisie conservatoire, la procédure
se déroule de façon unilatérale, sans que le débiteur soit appelé à la procédure (articles 1418
et 1025 à 1034 du Code judiciaire). Le premier acte de l’huissier est celui adressé à
l’établissement bancaire (articles 1450 et 1539 du Code judiciaire) ; ce n’est que dans les huit
jours de cet acte qu’il est dénoncé au débiteur saisi (articles 1457 et 1539 du Code judiciaire).
S’il s’agit d’une saisie-arrêt-exécution, celle-ci, à titre dérogatoire, n’est précédée d’aucun
commandement préalable, contrairement à ce qui se passe en cas de saisie-exécution
mobilière (article 1499 du Code judiciaire) et de saisie-exécution immobilière (article 1564 du
Code judiciaire).
2.5.1. Il n’existe pas d’exception.
2.5.2. Le débiteur peut-il demander des mesures de protection par anticipation avant le début
de l’exécution ?
Comme le signale la distinction reproduite supra, sub 2.1., un créancier peut opérer une saisie
conservatoire avant de disposer d’un titre exécutoire contre son débiteur. Par ailleurs, si la
situation est à ce point urgente que le créancier ne peut respecter la procédure du Code
judiciaire sans risquer une déperdition des fonds, la Cour de cassation belge a admis, à des
conditions très strictes, la validité d’une opposition amiable adressée à la banque du débiteur,
l’invitant à s’abstenir de se dessaisir des fonds qu’elle doit à son client13. Une régularisation
de la situation par signification des actes prévus par le Code judiciaire doit cependant
intervenir dans les plus brefs délais.
2.6. Combien de temps faut-il pour obtenir un acte d’exécution ?
13
Cass. (1ère ch.), 19 avr. 1990, Pas., 1990, I, p. 948.
Le Code judiciaire prévoit un délai de huit jours entre le dépôt de la requête en autorisation de
saisir et le prononcé de l’ordonnance (article 1418 du Code judiciaire). Par ailleurs, la
communication de l’ordonnance au requérant doit intervenir dans les trois jours de son
prononcé (article 1030 du Code judiciaire). Rappelons que l’obtention d’une ordonnance du
juge des saisies autorisant la saisie-arrêt est facultative si le créancier dispose d’une titre
émanant du débiteur et attestant de la dette, comme indiqué supra sub. 2.1.
Pour le surplus, l’huissier de justice engage sa responsabilité en cas de négligence dans
l’exécution ponctuelle de son mandat. Pratiquement, lorsqu’il est insisté sur l’urgence, la
signification d’un exploit de saisie-arrêt peut survenir dans les 48, voire 24 heures.
2.7. De quelle voie de recours le créancier dispose-t-il si sa demande est rejetée ?
Si le saisissant demande au juge des saisies l’autorisation de saisir, ce qui est parfois facultatif
(supra, sub. 2.1), et que cette autorisation lui est refusée, il peut interjeter appel contre cette
décision négative (article 1419 et 1031 du Code judiciaire).
2.7.1. Quel est l’organe de contrôle compétent ?
Le juge des saisies, qui est un juge spécialisé au sein du tribunal de première instance (articles
79 et 1395 du Code judiciaire), connaît des contestations en matière de saisies conservatoires
et de voies d’exécution.
2.7.2. Le débiteur est-il entendu durant la procédure de recours ?
Non, la procédure reste unilatérale en degré d’appel.
2.8.1 à 2. Le créancier doit-il verser une provision ?
Le créancier doit payer au greffe du tribunal de première instance territorialement compétent
les frais de l’éventuelle introduction de la demande en autorisation de saisie conservatoire
(environ 50 euros) et avancer les frais de l’huissier (de 300 à 600 euros) mais il pourra les
récupérer à charge du débiteur saisi (article 1024 du Code judiciaire). Il arrive également que
les tiers saisi, spécialement les banques, réclament une indemnité (non tarifée mais
habituellement de 25 à 50 euros) au créancier saisissant pour le coût de leur déclaration de
tiers saisi (articles 1454 et 1539, alinéa 4 du Code judiciaire).
2.9. Applique-t-on des règles particulières au cas où le créancier ne sollicite que des mesures
de sûreté ?
La saisie-arrêt conservatoire et la saisie-arrêt-exécution sont régies par des procédures très
proches. Seules les conditions de fond différent ; par ailleurs, l’obligation du tiers saisi de
verser à l’huissier du créancier saisissant ce qu’il doit au débiteur saisi n’existe naturellement
qu’en cas de saisie-arrêt-exécution.
3. La prise d’effet de l’acte d’exécution
3.1.1 à 2. A qui l’ordonnance/acte de saisie est-elle/il notifié ?
L’exploit de saisie est signifié au tiers débiteur, en l’espèce la banque (articles 1445 et 1539
du Code judiciaire). S’il s’agit d’une saisie conservatoire et si elle a été autorisée par le juge
des saisies, l’ordonnance d’autorisation est également signifiée au tiers saisi (article 1450 du
Code judiciaire). Par ailleurs, afin de rendre cette ordonnance définitive par l’écoulement du
délai de tierce-opposition (article 1034 du Code judiciaire), elle peut être signifiée en même
temps que l’exploit de dénonciation de la saisie-arrêt (1457 du Code judiciaire).
3.1.3. Des notifications alternatives sont-elles admises ?
Au stade conservatoire, à la place d’un exploit de saisie, il est permis au créancier de
demander au greffe du juge des saisies qui a prononcé l’ordonnance d’autorisation de notifier
cette ordonnance au tiers saisi (article 1449 du Code judiciaire ; voy. déjà supra, n° 1.1). Cette
possibilité est peu utilisée en pratique. Les modes alternatifs prévus par la Proposition de
Règlement du Conseil du 18 avril 2002 ne sont pas admis.
3.2.1 à 3. Qui est le responsable de la notification ?
Le responsable est la plupart du temps l’huissier de justice ; très rarement, en matière
conservatoire, il s’agit du greffier (article 1449 du Code judiciaire). Si la saisie révèle une
faute, tant l’huissier que le créancier peuvent être poursuivis en dommages-intérêts.
3.3.1. Quelles sont les conséquences d’une notification défectueuse au tiers débiteur ?
Si la signification (acte d’huissier) ou la notification (acte du greffe) ne touche pas le tiers
saisi, on ne pourra reprocher à celui-ci ni de n’avoir pas fait de déclaration de tiers saisi
(articles 1452 et 1542 du Code judiciaire), ni de s’être dessaisi des fonds au profit du débiteur
saisi (articles 1451 et 1540 du Code judiciaire)14.
3.3.2. Quelles sont les conséquences d’une notification défectueuse au débiteur ?
Si la signification de la dénonciation de la saisie au débiteur saisi n’intervient pas dans les
huit jours de la saisie, le juge des saisies peut prononcer la mainlevée de la saisie (article 1457
du Code judiciaire).
S’il s’agit d’une saisie-arrêt-exécution, l’absence de dénonciation au saisi empêche le tiers
saisi de verser au saisissant ce qu’il doit au saisi (article 1543 du Code judiciaire) 15.
4. Objet de l’acte d’exécution.
4.1. Quelles sont les créances visées sur le compte ?
14
Cass. (1ère ch.), 14 mai 1999, Pas., 1999, I, p. 688.
Si la signification de la dénonciation est intervenue autrement qu’à personne (article 33 du Code judiciaire), à
domicile (article 35 du Code judiciaire) ou par dépôt (article 38 du Code judiciaire), la loi impose le respect de
la procédure du visa, en vue de protéger les intérêts du saisissant (article 1544 du Code judiciaire, tel que
modifié par la loi du 29 mai 2000).
15
Selon la doctrine belge majoritaire et en l’absence de disposition légale, une saisie d’un
compte intercepte en réalité le solde créditeur tel qu’il apparaît au moment de la saisie16. Seul
le solde créditeur tel qu’il existe au moment de la mesure est rendu indisponible, sous la seule
nuance, limitée dans sa portée, de la liquidation des opérations en cours. Le compte n’est pas
bloqué par la mesure17.
Un sentiment dissident est cependant exprimé par M. de Leval en ces termes: « dans la
mesure où le compte est un acte juridique générateur d’obligations qui substitue une
obligation unique à un ensemble d’obligations, il représente un cadre juridique suffisant pour
être saisi en tant que tel (concurremment avec les créances dues en vertu du contrat
originaire) dès lors que les effets de la saisie s’étendent non seulement aux créances entrées
en compte avant la saisie mais aussi aux montants ultérieurs se rattachant à des liens
contractuels sur base desquels le compte a été ouvert ou alimenté »18. En soutenant cette
position, M. de Leval ne nie pas la substitution d’une créance vis-à-vis du banquier à la
créance vis-à-vis de l’employeur19 ; il estime simplement que la prévision du versement de la
rémunération future sur le compte suffit à permettre leur appréhension via la saisie bancaire20.
La jurisprudence se prononce cependant en faveur de la thèse majoritaire. Selon celle-ci, le
solde existant au moment de la saisie ne peut être augmenté (ou diminué) que par l’effet des
opérations en cours à ce même moment. Ainsi, par exmple, un virement initié au profit du
saisi ou un chèque tiré par ce dernier avant la saisie.
4.2.1 à 2. L’accès au compte est-il limité au montant du titre exécutoire ?
Non. Comme toute saisie en droit belge, la saisie-arrêt a un effet d’indisponibilité totale ; elle
immobilise dans le patrimoine du débiteur la totalité de ce qui lui est dû par la banque. Il peut
donc exister une importance disproportion entre la créance-cause de la saisie et la créanceobjet de la saisie. Au stade conservatoire, le débiteur saisi peut mettre fin à cette
indisponibilité totale en procédant au cantonnement des causes de la saisie (article 1403 du
Code judiciaire).
16
L. LANOYE, « Beslag onder derden op een (bank)rekening », in Liber amicorum Marcel Briers, Mys &
Breesch, 1993, pp. 281 et s., sp. p. 282 ; E. DIRIX et K. BROECKX, Beslag, Story-scientia, 2001, p. 413, n°
710.
17
Répertoire pratique de droit belge, Compl. VIII, v° Saisie-arrêt bancaire, Bruylant, 1995, p. 822, n° 51.
18
G. de LEVAL, Traité des saisies, Liège, 1988, p. 614, n° 2 ; l’auteur renvoie au n° 49 de son Traité, où,
examinant la question de la créance objet de la saisie-arrêt, il se réfère aux termes utilisés par J. Heenen : « une
créance peut faire l’objet d’une saisie-arrêt, pourvu que soit tracé le cadre juridique nécessaire à la réalisation
du résultat escompté par le débiteur saisi ».
19
G. de LEVAL, Traité des saisies, Liège, 1988, p. 158, n° 84.
20
En ce sens également, P. DELEBECQUE et E. PUTMAN, obs. sous Cass. fr. (2ème civ.), 13 mai 1987, J.C.P.,
1988, II, n° 20.923, n° 13 : « Ne pourrait-on…considérer, dans le cadre d’une relation de compte courant, que
la créance en germe de l’assuré social à l’égard de l’ASSEDIC constitue, pour le banquier, la cause d’une
opération en cours dès avant le virement effectif des fonds sur le compte ? La périodicité mensuelle des
versements, dont la source est une situation juridique d’assuré social établie antérieurement à la saisie, ferait
en quelque sorte l’objet d’une opération en cours à répétition et les virements ne seraient que les actes
d’exécution successifs rendant, à intervalles réguliers, les sommes liquides et exigibles. Chaque virement ne
ferait que matérialiser, par le transfert des fonds, la créance antérieure. Néanmoins, il n’est pas certain qu’en
l’état actuel de sa jurisprudence, la Cour de cassation se montre favorable à une telle analyse » ; notons que les
annotateurs argumentent également en droit des contrats et s’interrogent d’une part si une analyse consensualiste
ne permet pas d’anticiper la naissance de l’obligation de restitution des fonds et d’autre part si la convention de
domiciliation entre l’assuré social l’ASSEDIC ne pouvait être invoquée par le créancier saisissant.
Cependant, en application des principes énoncés sub 4.1., le compte n’étant pas bloqué en luimême par la saisie mais seulement le solde existant au moment de celle-ci, le compte peut
continuer à fonctionner postérieurement à celle-ci.
4.2.3. Y a-t-il un seuil à ne pas dépasser ?
Si, au stade conservatoire, une saisie a été effectuée pour sûreté d’une somme excessive, le
créancier peut être condamné à des dommages et intérêts pour comportement abusif.
4.2.4. Comment s’effectue la mainlevée de la saisie (le dessaisissement du tiers) ?
Le dessaisissement du tiers ne se conçoit que s’il s’agit d’une saisie-arrêt-exécution. Le
dessaisissement est régi par l’article 1543 du Code judiciaire : « Deux jours, au plus tôt, après
l’expiration du délai de quinze jours, à dater de la dénonciation de la saisie à la personne ou
au domicile réel ou élu du débiteur saisi, le tiers saisi dont la dette est liquide et exigible est
tenu sur la production de l’exploit de dénonciation et, conformément à sa déclaration, de
vider ses mains en celles de l’huissier de justice, à concurrence du montant de la saisie, à
défaut de quoi il y sera condamné sur la citation à lui donnée par le saisissant devant le juge
des saisies…En cas d’opposition du débiteur saisi, l’obligation du tiers saisi prend cours, s’il
y a lieu, à partir du jour où la décision qui a statué sur l’opposition lui a été signifiée, sauf
l’effet des recours qui seraient formés contre cette décision ».
On constate donc qu’il existe des conditions cumulatives pour que le tiers paie entre les mains
de l’huissier instrumentant : la saisie doit avoir été dénoncée au débiteur saisi, celui doit ne
pas s’être opposé à la saisie et la créance-objet de la saisie doit être liquide et exigible.
4.2.4.1. Quel est l’organe d’exécution compétent ?
Toute contestation sur la saisie elle-même peut être soumise au juge des saisies (article 1395
du Code judiciaire). Toute contestation par le tiers saisi de sa propre dette doit être soumise
au juge du fond (articles 1456, alinéa 2 et 1542, alinéa 2 du Code judiciaire).
4.2.4.2. Le créancier est-il entendu ?
Le créancier est en relations avec l’huissier de justice à qui il a confié l’exécution. Etant
donné l’automaticité du processus de versement des fonds par le tiers à l’huissier, le créancier
n’est cependant pas « entendu » au sens strict.
4.2.4.3. D’autres personnes sont-elles entendues ?
Hormis le fait que la mise à la cause du tiers saisi s’impose de facto, il n’y a pas d’audition
d’autres personnes.
4.3.1. Les comptes bancaires sont-il normalement des comptes courants ?
A défaut d’être par nature des comptes courants21, les comptes bancaires fonctionnent comme
des comptes courants. On trouve dans les contrats d’ouverture de compte bancaire des clauses
selon lesquelles il est fait référence au fonctionnement du compte courant.
4.3.2.1. Base juridique du compte courant ?
La base juridique du compte courant est conventionnelle. Il n’existe pas de dispositions
légales en droit belge régissant le compte courant. N’étant pas une institution exclusivement
bancaire, il a été défini comme « un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes
conviennent que les créances et dettes réciproques naissant de leurs opérations entreront
dans un compte, afin d’en faire masse et d’en suspendre la liquidation jusqu’à la clôture du
compte »22. On relève en droit belge trois théories explicatives du compte courant : la théorie
dite classique, la théorie des compensations successives et celle des compensations continues.
En guise de commun dénominateur à ces trois théories, on peut dire que l’existence du
compte courant est tributaire de la présence de trois conditions : l’affectation générale de
toutes les créances, l’indivisibilité des créances inscrites en compte et la réciprocité des
remises23.
4.3.2.2. Effets juridiques du compte courant ?
Il n’est pas aisé de distinguer clairement les effets du compte courant de ses conditions
d’existence.
4.3.3.1. L’acte d’exécution forcée est-il limité par l’accord d’opération en compte courant ?
Au début du siècle, il était prétendu, mais de façon moins nette qu’en France, que l’effet
d’indivisibilité s’attachant au compte courant empêchait que le créancier d’une des parties
puisse porter atteinte à cette indivisibilité du compte voulu par les parties. Il est actuellement
admis par tous que la créance révélée par le compte courant à un moment donné peut faire
l’objet d’une saisie-arrêt.
4.3.3.2. Le créancier peut-il résilier le compte ?
Le créancier ne peut résilier le compte ; il ne peut que saisir la créance révélée par le compte.
4.3.3.3. La banque peut-elle résilier le compte en raison de la saisie ?
Il est concevable, mais improbable, qu’une clause du contrat d’ouverture du compte prévoie
qu’une saisie à charge du client de la banque mettra fin au compte.
4.3.3.4. Quels sont les effets d’opérations antérieures par lesquelles le débiteur dispose des
sommes présentes sur son compte (cession de créance) ?
Le créancier saisit le solde créditeur tel qu’il apparaît à ce moment.
21
Ainsi, les comptes de dépôt que sont les comptes à vue ne participent pas, à nos yeux, de la nature du compte
courant ?
22
J. VAN RYN et J. HEENEN, Principes de droit commercial, t. IV, Bruylant, 1988, p. 352, n° 480.
23
R. TAS, « Recente tendensen in de rechtspraak m.b.t. de rekening-courant », T.R.V., 1995, pp. 131 et s., sp.
pp. 140 et 141, n°s 28 à 31 ; D. DE MAREZ, « Over de rekening-courant, de novatie en de abstracte
verbintenis », obs. sous Comm. Gand, 2 mars 1999, A.J.T., 1999-2000, pp. 77 et s.
Le virement, le chèque, le retrait d’argent ne sont pas considérés comme des cessions de
créance. Les sorties de fonds intervenues antérieurement restent opposables au créancier. Une
mise en gage du solde du compte, antérieure à la saisie, est également opposable au créancier
saisissant. La cession de créance à titre de sûreté reste controversée en droit belge24.
4.3.3.4.1 à 3. Disposition par voie de sûreté ?
Une sûreté pour créances futures est admise en droit belge si, au moment de sa constitution,
les créances garanties par ces sûretés sont déterminées ou à tout le moins déterminables. Cette
condition est rencontrée si le contrat pour lequel la sûreté est constituée permet de déterminer
les créances que les parties ont effectivement voulu garantir.
4.4. Existe-t-il des règles spéciales qui sont applicables dans le cas des comptes
communs/joints ?
Il n’existe pas de dispositions légales belges concernant la saisie des comptes communs
(comptes indivis ou comptes joints). La doctrine décide que le créancier d’un des deux
titulaires peut en principe saisir le tout, à moins que le titulaire non débiteur puisse prouver
qu’il est à l’origine de l’existence du solde créditeur25.
4.4.1 à 3. L’autre titulaire est-il encore habilité à faire des virements à partir de ce compte ?
Dans la mesure où la saisie n’emporte pas blocage du compte lui-même (supra, sub. 4.1) et
dans la mesure où le compte vient à être alimenté par de l’argent frais (postérieur à la mesure
et issu d’une opération nouvelle et non d’une opération en cours), le titulaire non débiteur,
tout comme le débiteur lui-même, peut disposer de ces fonds de n’importe quelle façon (infra,
sub 5.2).
4.5. Existe-t-il des règles spéciales dans le cas où le ‘véritable’ détenteur du compte est
‘camouflé’ ?
S’il s’agit d’une simulation (le compte ouvert au nom d’une personne l’était en réalité pour
autrui), la Cour de cassation a décidé que les fonds pouvaient faire l’objet d’une saisie à
charge du débiteur caché26.
24
Cass. (1ère ch.), 17 oct. 1996, Pas., 1996, I, p. 992 avec concl. de J.-M. PIRET, J.L.M.B., 1997, p. 520 ; voy. le
commentaire fait de cet arrêt par I. MOREAU-MARGREVE, « Du nouveau à propos des cessions de créance »,
in Formation permanente Commission Université Palais, 1997, Vol. 15, pp. 125 à 176.
25
Voy. Répertoire pratique de droit belge, Compl. VIII, v° Saisie-arrêt bancaire, Bruylant, 1995, p. 823, n° 55 :
« En principe, la saisie de l’un de ces comptes ne peut rendre indisponibles que la part du saisi dans la créance
de solde vis-à-vis du banquier…En pratique, le banquier ignore quelle est cette part. Il doit donc respecter la
saisie-arrêt pour la totalité du solde (indisponibilité et déclaration). Pour satisfaire à son devoir de discrétion
professionnelle, il déclarera que le saisi est créancier « avec d’autres personnes » pour le montant saisi-arrêté.
Il appartient aux co-titulaires non saisis de demander la mainlevée partielle de la saisie, en faisant la preuve de
leur part dans la créance saisie-arrêtée » ; voy. ég. E. DIRIX et K. BROECKX, Beslag, Story-scientia, 2001, p.
415, n° 712.
26
Cass. (1ère ch.), 11 mai 1995, Pas. et Bull., 1995, p. 487, J.T., 1995, p. 624, R.W., 1995-1996, p. 245 ; selon
cet arrêt, lorsqu'un créancier établit que le débiteur est le véritable titulaire d'un compte ouvert au nom d'une
autre personne juridique, il peut pratiquer une saisie-arrêt conservatoire sur ce compte à charge de son débiteur;
il appartient, dans ce cas, au juge des saisies d'examiner si les conditions relatives à l'autorisation ou au maintien
de la saisie-arrêt conservatoire sont remplies.
L’opposabilité de comptes fiduciaires aux tiers créanciers reste controversée en droit belge
lorsque pareils comptes ne sont pas expressément consacrés par une disposition légale,
comme c’est le cas pour les notaires27. Aucun arrêt de la Cour de cassation ne s’est encore
prononcé à ce sujet.
4.5.1. La banque est-elle obligée de rechercher l’existence de tels comptes ?
S’il s’agit d’un compte fiduciaire exempt de toute intention de fraude, la doctrine
recommande que la banque fasse état dans sa déclaration des modalités particulières du
compte faisant l’objet de la mesure d’exécution.
4.5.2. Le titre exécutoire dressé contre le débiteur suffit-il pour saisir de tels comptes ?
Il se développe en Belgique un courant doctrinal et jurisprudentiel permettant au créancier de
se prévaloir du titre exécutoire à charge du débiteur sur le bien appartenant apparemment à
autrui, sans préjudice pour ce dernier à faire valoir ses droits par une procédure.
5. L’effet de l’acte d’exécution.
5.1. Le débiteur peut-il effectuer un paiement ?
Le débiteur ne peut plus utiliser le solde existant au moment de la saisie pour effectuer un
paiement.
5.2. Le débiteur peut-il recevoir un paiement ?
Postérieurement à la saisie, le débiteur peut recevoir un paiement sur son compte qui n’est pas
bloqué par la saisie ; avec cet argent reçu sur son compte, il peut effectuer des paiements.
5.3.1. Situation juridique du créancier – Le créancier obtient-il un droit de gage qui lui octroie
une priorité ?
Par le seul fait de la saisie, le créancier n’obtient ni droit de gage, ni cause de priorité sur le
solde saisi. D’autres créanciers peuvent se joindre à la mesure d’exécution pour réclamer de
participer à la répartition des fonds, qui s’effectuera de façon proportionnelle, sauf causes
légales de préférence. Le caractère collectif des saisies en droit belge, confirmé par un arrêt de
la Cour de cassation du 11 avril 199728, a été fortement accentué par une loi du 29 mai 2000
portant création d’un fichier central des avis de saisie, de délégation, de cession et de
règlement collectif de dettes et modifiant certaines dispositions du Code judiciaire29.
27
Voy. l’ouvrage Le trust et la fiducie – Implications pratiques, sous la direction de J. HERBOTS et D.
PHILIPPE, Bruylant, 1997 et spécialement les contributions d’E. DIRIX « La propriété fiduciaire, outil de
gestion. Les comptes rubriqués » et L. LANOYE, « Comptes rubriqués. Applications pratiques : les comptes de
tiers des notaires ».
28
Cass. (1ère ch.), 11 avril 1997, Pas., 1997, I, p. 453, note, J.L.M.B., 1997, p. 911, avec nos observations.
29
Sur cette loi, voy. V. van den HASELKAMP-HANSENNE, « La loi du 29 mai 2000 portant création d’un
fichier central des avis de saisie, de délégation, de cession et de règlement collectif de dettes et modifiant
certaines dispositions du Code judiciaire », J.T., 2001, p. 257 et s. ; S. BRIJS, « Naar een centraal elektronisch
5.3.2. Des saisies concurrentes d’autres créanciers doivent-elles être prises en considération ?
Les saisies ou simples oppositions d’autres créanciers (articles 1515 actuel, 1524 et 1543 bis
futur du Code judiciaire, tels que modifiés par les lois du 29 mai 2000 et 27 mars 200330)
doivent être prises en considération.
5.3.3. Dans quels délais les saisies concurrentes doivent-elles être mises en œuvre ?
En principe, le délai ultime pour la manifestation des autres créanciers est l’envoi du projet de
répartition dressé par l’huissier en application de l’article 1629 du Code judiciaire. Il a
quelquefois été admis cependant que les créanciers se manifestent jusqu’au moment du
versement par l’huissier des fonds aux différents créanciers (cf. infra, sub. n° 8.2.1 et
suivants).
5.3.4. Le créancier obtient-il le transfert de la créance pour le recouvrement ?
Non. Le caractère collectif des saisies en droit belge s’y oppose.
6. La situation juridique du tiers débiteur.
6.0. La notification du titre exécutoire au tiers débiteur constitue-t-elle un élément constitutif
d’une saisie valable ?
Comme exposé supra, une saisie nécessite la signification d’un acte particulier, dénommé
exploit de saisie. Celui-ci se fonde certainement sur l’acte exécutoire existant entre le
créancier et le débiteur saisi mais la signification de cet acte exécutoire au tiers saisi n’est pas
prévue par le droit belge.
6.1. La déclaration du tiers saisi.
6.1.1 à 2. La déclaration du tiers saisi.
L’acte de saisie, conservatoire ou exécutoire, contient la reproduction des dispositions du
Code judiciaire relatives à l’obligation de déclaration du tiers saisi (articles 1450, 1539 et
1452 à 1455 du Code judiciaire). Dans la pratique, il n’est pas rare que l’huissier ou le
créancier saisissant rappelle à un tiers saisi négligent son obligation de déclaration.
6.1.2. La déclaration est-elle soumise à un délai ?
bestand van beslagberichten », in Beslag-en executierecht – Naar een collectief beslagrecht, Intersentia
Rechtswetenschappen, 2001, pp. 1 et s.
30
Loi du 27 mars 2003 portant modification de la loi du 29 mai 2000 portant création d'un fichier central des
avis de saisie, de délégation, de cession et de règlement collectif de dettes et modifiant certaines dispositions du
Code judiciaire (M.B. 28 mai 2003, consultable sur www.moniteur.be).
La déclaration de tiers saisi doit être adressée à l’huissier ou au créancier saisissant et au
débiteur saisi dans les quinze jours de la saisie-arrêt (articles 1452 et 1454 du Code
judiciaire).
6.2. Objet de la déclaration du tiers débiteur ?
Aux termes de l’article 1452 du Code judiciaire, applicable à la saisie-arrêt conservatoire et à
la saisie-arrêt-exécution, « la déclaration doit énoncer avec exactitude tous les éléments utiles
à la détermination des droits des parties et, selon le cas, spécialement : 1° les causes et le
montant de la dette, la date de son exigibilité et, s’il échet, ses modalités ; 2° l’affirmation du
tiers saisi qu’il n’est pas ou n’est plus débiteur du saisi ; 3° le relevé des saisies-arrêts déjà
notifiées au tiers saisi. Si la saisie-arrêt porte sur des effets mobiliers, le tiers saisi est tenu de
joindre à sa déclaration un état détaillé desdits effets ».
6.2.1. Le solde actuel du ou des comptes doit être déclaré.
6.2.2. Tous les soldes des comptes doivent être déclarés, sauf si la saisie était expressément
limitée à un compte déterminé.
6.2.2.1 à 3. Tous les comptes doivent être déclarés, quel que soit le lieu de leur ouverture, au
siège central ou dans les différentes agences.
6.2.3.1 à 2. Etant donné que l’on ne saisit pas le compte en lui-même mais la créance révélée
par le solde du compte, ces questions nous paraissent faire double emploi avec celles sub
6.2.1. à 6.2.2.3.
6.2.4. Le tiers saisi doit déclarer s’il a déjà reçu d’autres saisies à charge du même débiteur
(article 1452 du Code judiciaire, alinéa 2, 3° du Code judiciaire).
6.3. Effets juridiques de la déclaration du tiers débiteur.
6.3.1. Effet juridique d’une reconnaissance de créance ?
Selon l’article 1540, alinéa 2, du Code judiciaire, « l’obligation du tiers saisi est fixée soit par
sa déclaration, soit, si cette déclaration est contestée, par le juge compétent ». L’article 1456,
alinéa 2, du Code judiciaire, abonde en ce sens : « si le tiers saisi conteste la dette dont le
saisissant entend obtenir le paiement à son profit, la cause est portée devant le juge
compétent ou le cas échéant elle lui est renvoyée par le juge des saisies ».
6.3.1.1. Non. L’absence de déposition peut être sanctionnée en vertu de l’article 1456 du
Code judiciaire mais elle ne vaut pas reconnaissance implicite.
6.3.2. Renversement de la charge de la preuve ?
Non, l’absence de déclaration n’influencera pas la charge de la preuve.
6.4. La sanction de la déclaration du tiers débiteur.
6.4.1. L’inexactitude/l’absence de déclaration conduit-elle à la reconnaissance de la créance ?
L’inexactitude ou l’absence de déposition ne conduit pas à la reconnaissance de l’existence de
la créance saisie. Elle est par contre sanctionnée par une éventuelle condamnation à des
dommages et intérêts (infra, sub 6.4.2.1).
6.4.2. L’absence de contestations engendre-t-elle leur exclusion par la suite ?
Il n’y a pas de réponse absolue à cette question. En principe, comme indiqué supra sub 6.3.1.,
la teneur de l’obligation du tiers saisi est fixée par sa déclaration. Cependant, étant donné que
la situation du tiers saisi vis-à-vis du saisissant ne peut être aggravée par rapport à sa situation
vis-à-vis du saisi, il lui reste possible de se dédire en cas d’erreur.
6.4.2.1. Existe-t-il une obligation de dommages et intérêts pesant le tiers débiteur ?
Oui, il existe en droit belge une possibilité de condamner le tiers saisi à des dommages et
intérêts. Selon l’article 1456, alinéa 1er, « à défaut d’avoir fait sa déclaration dans le délai
légal ou de l’avoir faite avec exactitude, le tiers saisi, cité à ces fins devant le juge des
saisies, peut être déclaré débiteur, en tout ou en partie, des causes de la saisie ainsi que des
frais de celle-ci,sans préjudice des frais de la procédure formée contre lui, qui, en ce cas,
seront à sa charge ».
6.4.2.2. Veuillez citer les éléments constitutifs de l’obligation de dommages et intérêts, en
précisant en particulier si une faute du tiers débiteur est requise ?
Une faute du tiers saisi est requise pour qu’il soit poursuivi en condamnation aux causes de la
saisie. La condamnation est facultative, selon le propre prescrit du Code judiciaire. Doctrine
et jurisprudence prônent qu’il soit tenu compte des circonstances et du statut du tiers saisi ; on
sera nettement plus sévère avec une banque ou avec une grande entreprise qu’avec une
employeur personne physique peu au fait de ses obligations de tiers saisi ; le juge des saisies
jouit à cet égard d’un pouvoir d’appréciation souverain. Notons enfin que la Cour de cassation
a vu dans la condamnation du tiers saisi une peine civile, en sorte qu’il n’est pas requis que le
tiers saisi ait subi un dommage31.
6.4.2.3. Etendue de l’obligation de dommages et intérêts ?
L’étendue de la condamnation est variable à l’infini en raison du pouvoir d’appréciation dont
disposent les juges des saisies ; les juges belges font peur d’une réserve compréhensible en la
matière. Sauf complicité avec le débiteur saisi en vue de flouer le créancier saisissant, le tiers
saisi ne se voit pas condamné à des sommes importantes pour n’avoir pas fait de déclaration
ou pour avoir opéré une déclaration incomplète.
6.4.2.4. Comment peut-on faire valoir l’obligation de dommages et intérêts ?
31
E. DIRIX et K. BROECKX, Beslag, Story-scientia, p. 448, n° 779 ; voy. Cass. (1ère ch.), 4 oct. 2001, R.G. n°
C99098N, consultable sur www.cass.be, selon lequel « la déclaration de la qualité de débiteur susceptible d'être
prononcée à charge du tiers saisi qui a omis de faire la déclaration visée aux articles 1456 et 1542 du Code
judiciaire ne tend pas à la réparation du dommage subi par le créancier saisissant ensuite de cette omission ».
Il convient d’assigner le tiers saisi devant le juge des saisies (articles 1456 et 1542 du Code
judiciaire).
6.5. La protection du tiers débiteur.
6.5.1. Quelles objections le tiers débiteur peut-il faire valoir ?
Le tiers saisi peut se prévaloir vis-à-vis du créancier saisissant de toutes les exceptions nées
avant l’acte de saisie et de toutes les exceptions inhérentes à la dette, quelle que soit le
moment de leur survenance. Comme l’écrivent MM. Dirix et Broeckx, « De executant moet
de schuldvordering nemen, zoals hij ze in het vermogen van zijn debiteur aantreft op het
ogenblick van het beslag. De derde-beslagene mag derhalve alle excepties en
verweermiddelen inroepen die hij ook tegen zijn schuldeiser kan laten gelden »32.
6.5.2.1 à 2. Paiements effectués par erreur au profit du débiteur.
En vertu des articles 1451 et 1540 du Code judiciaire, le tiers saisi peut être condamné aux
causes de la saisie. Il s’agit d’une condamnation facultative. Le juge des saisies prendra en
compte les circonstances du paiement et sera d’autant plus sévère avec un professionnel33.
Il importe de constater que la sanction d’un versement malgré la saisie peut survenir tant en
cas de saisie conservatoire que de saisie-exécution. Un arrêt du 26 avril 2002 de la Cour de
cassation a confirmé récemment cette opinion34.
6.5.3.1 à 2. Le tiers débiteur peut-il exiger l’indemnisation de ses frais ?
Selon l’article 1454 du Code judiciaire, applicable dans les deux types de saisie-arrêt, « le
tiers saisi est créancier du saisissant à raison des frais de la déclaration. Il peut, le cas
échéant, retenir ces frais sur les sommes dont il est débiteur ».
7. La protection du débiteur (insaisissabilités).
7.1. La saisie de créance peut-elle porter également sur le compte « de salaire » ?
De lege lata, une doctrine et une jurisprudence quasi-unanimes estiment que l’insaisissabilité
d’un revenu devient saisissable après son versement sur un compte bancaire. Il n’y a donc pas
de report d’insaisissabilité35. Cependant, un projet de loi s’est récemment donné pour objet de
32
E. DIRIX et K. BROECKX, Beslag, Story-scientia, 2001, p. 435, n° 754.
Cass. (1ère ch.), 18 juin 1999, Pas., 1999, I, p. 919, J.T., 2000, p. 51.
34
Cass. (1ère ch.), 26 avr. 2002, R.W., 2002-2003, p. 1.220, avec obs. A. DE WILDE, « De voorwaarden van de
schuldenaarsverklaring bij miskenning door de derde-beslagene, van de afgifteverbod » ; l’arrêt est également
disponible sur www.cass.be.
35
« La protection n’opère en principe qu’au stade de la créance originaire du bénéficiaire contre le débiteur.
Elle ne s’applique pas à la somme payée qui se retrouve dans le patrimoine du créancier soit à l’état liquide,
soit à l’état de créance » (G. de LEVAL, Traité des saisies, Faculté de droit de Liège, 1988, p. 137, n° 79 ; adde
ibid., pp. 157 à 162, n° 84 et les nombreuses références citées en not. subp. n° 632 et p. 177, n° 91, C).
33
remédier à cet état de chose36 ; la dissolution des chambres suite aux élections législatives de
mai 2003 a cependant rendu ce projet provisoirement caduque.
7.2. Si non, veuillez décrire la procédure d’exécution sur les comptes de salaire ?
Le droit belge ne connaît pas la notion de « compte de salaire ». La saisie du solde de comptes
où sont versés, principalement ou non, des salaires, se fait selon le droit commun.
7.3. Si oui, existe-t-il des dispositions particulières pour la protection du débiteur et de sa
famille ?
Il n’y a pas de protection particulière pour le débiteur et sa famille.
7.4. La procédure de protection du débiteur.
Sans objet ; cf sub. 7.3.
7.5.1. Un créancier d’aliments n’a pas à proprement parler de privilège en droit belge. Il est
cependant avantagé de façon importante car l’insaisissabilité partielle et dégressive des
salaires et revenus de remplacement ne lui est pas opposable (articles 1409 à 1412 du Code
judiciaire). Etant donné que le solde d’un compte bancaire ne bénéficie pas, de lege lata,
d’une norme d’insaisissabilité, le sort du créancier d’aliments reste inchangé.
7.5.1 à 2. Le créancier peut-il faire valoir un besoin de protection particulier ?
Le créancier d’aliments ou en raison d’une faute délictuelle n’est pas avantagé.
7.5.3. Sans objet en droit belge.
8. Le recouvrement de la créance.
8.1.1. La créance est-elle transférée au créancier ?
La créance ne lui est pas transférée ; il y a plutôt délégation de la créance au profit des
différents créanciers du débiteur saisi (voy. les articles 1582 et 1639 du Code judiciaire en
matière de saisie-exécution immobilière); les fonds versés par le tiers saisi le sont entre les
mains de l’huissier de justice (article 1543 du Code judiciaire).
8.1.2. Considère-t-on que le créancier a qualité pour recouvrir la créance ?
Ce n’est pas à proprement parler lui qui recouvre la créance ; si le tiers saisi refuse de payer
entre les mains de l’huissier alors que les conditions de l’article 1543 du Code judiciaire sont
36
Projet de loi relatif à l’insaisissabilité des montants prévus aux articles 1409, 1409bis et 1410 du Code
judiciaire lorsque ces montants sont versés sur un compte bancaire, transmis par le Sénat à la Chambre des
représentants le 24 mars 2003, Doc. Parl., Chambre des Représentants, n° 50-2.403 ; ce projet peut être consulté
sur le site de la Chambre des Représentants de Belgique : www.lachambre.be.
réunies, le créancier saisissant pourra solliciter du juge des saisies un jugement ayant force
exécutoire contre lui. Il reste que c’est l’huissier qui reçoit les fonds en vue de leur répartition.
8.1.3. Le recouvrement nécessite-il une décision supplémentaire de l’organe d’exécution ?
Non, sauf le cas visé sub 8.1.2.
8.1.4. Comment la créance est-elle dotée de la formule exécutoire au profit du créancier ?
La créance saisie ne doit pas être déclarée exécutoire au profit du créancier. L’article 1543 du
Code judiciaire prévoit de façon automatique le déroulement des opérations ; ce n’est que
lorsque le tiers saisi est récalcitrant qu’il conviendra de solliciter du juge des saisies sa
condamnation.
8.2. Quels sont les droits des créanciers concurrents ?
8.2.1. Est-ce le principe de priorité ou la répartition entre les créanciers concurrents ?
En droit belge prévaut la répartition entre créanciers concurrents.
8.2.2.1 et 2. Comment s’effectue l’inscription d’autres créances ?
Selon l’article 1391, alinéa 3, actuel du Code judiciaire, aucune procédure de répartition ne
peut être diligentée sans consultation préalable des avis de saisie, de délégation, de cession et
de règlement collectif de dettes par l’huissier. On impose donc à l’huissier une démarche
positive de consultation du fichier des saisies afin de lui permettre de connaître l’existence
d’autres créanciers du saisi qui se seraient manifestés soit sur cette créance (il est sensé déjà
les connaître puisque le tiers saisi doit les évoquer sans sa déclaration), soit sur d’autres biens,
meubles ou immeubles.
De lege lata, le fichier des saisies est régi par les articles 1390 à 1390 quinquies du Code
judiciaire. Une loi du 29 mars 2000, non encore entrée en vigueur en raison de la logistique
informatique qu’elle exige, a informatisé ce fichier et l’a centralisé à l’échelle de la Belgique
(voy. les références citées supra sub. 5.3.1)
Outre la publication des avis au fichier des saisies, d’autres créanciers peuvent se manifester
auprès de l’huissier directement, par le biais d’une opposition informelle visée à l’article 1515
du Code judiciaire (un créancier tel le créancier gagiste sur fonds de commerce en est
d’ailleurs dispensés). La loi du 29 mars 2000, non encore entrée en vigueur, confère à cette
opposition un statut plus affiné, d’une part en créant un avis supplémentaire au fichier des
saisies, l’avis d’opposition, et d’autre part en insérant un article 1543 bis du Code judiciaire.
Aux termes de cette disposition, « Le créancier opposant nanti d'un titre exécutoire, peut,
sommation préalablement faite au saisissant et sans former aucune demande en subrogation,
faire procéder, par l'huissier de justice instrumentant au dessaisissement du tiers saisi
conformément à l'article 1543 ».
8.2.2.3. Existe-t-il des délais d’inscription ? Quelle est la conséquence juridique d’un
dépassement du délai ?
Pour répondre à cette question, il convient de se référer à la procédure de répartition qui suit
la saisie-arrêt-exécution, soit la distribution par contribution. Selon l’article 1627, les
créanciers « saisissants ou opposants » doivent adresser à l’huissier leur déclaration de
créance dans les 15 jours de l’invitation qui leur en est faite. Ce délai n’est cependant pas
prescrit à peine de déchéance. Par ailleurs, certains créanciers pourraient être perdus de vue
par l’huissier. Dès lors, on admet que les créanciers peuvent se manifester auprès de l’huissier
jusqu’à l’envoi par ce dernier de son projet de répartition visé à l’article 1629 du Code
judiciaire.
Il existe cependant une jurisprudence minoritaire qui, partant du constat que les fonds ne
quittent le patrimoine du saisi qu’à partir de leur versement par l’huissier aux différents
créanciers, estime qu’une manifestation peut survenir jusque là, quitte à remettre en cause le
travail accompli par l’huissier.
8.2.2.4. Comment les créances sont-elles réparties ?
En application des articles 7 et 8 de la loi hypothécaire belge, on répartit l’argent selon la
règle proportionnelle, sauf existence au profit d’un créancier d’une cause de préférence
(privilèges ou gages).
9. Informations factuelles et juridiques.
9.1 à 3. Nous ne disposons pas de statistiques à cet égard.
9.4. Quels sont les problèmes d’application pratique recensés dans votre pays ?
Le principal problème est la découverte de l’existence des comptes bancaires. S’il n’existe
pas de secret bancaire au sens strict en Belgique, les banques se prévalent cependant du
devoir de discrétion vis-à-vis de leur clientèle et s’abstiennent de livrer aucune information
aux créanciers de celle-ci.
Une autre difficulté est le statut controversé des comptes fiduciaires. On peut également citer
les clauses d’unicité de comptes et de compensation, par lesquelles les banques entendent,
nonobstant saisie-arrêt entre leurs mains, compenser l’avoir scriptural dont elles sont
débitrices avec leur propre créance vis-à-vis de leur client.
9.5. Existe-t-il des propositions politico-juridiques de réforme de la saisie sur comptes
bancaires ?
De lege lata, aucune disposition belge ne s’applique particulièrement à la saisie des comptes
bancaires ; de lege ferenda, existe un projet de loi, déjà cité supra sub. 7.1, qui tend, par une
certaine traçabilité des fonds, à reporter sur le crédit des comptes bancaires l’insaisissabilité
qui s’attache aux revenus du travail et aux allocations de remplacement.
9.6. Quand le créancier essaie de saisir une somme de 10.000 euros, quel est le coût de la
procédure ?
Pour une saisie-arrêt visant obtenir paiement d’une somme de 10.000 euros, on peut estimer
de 600 à 1000 euros le coût de l’intervention de l’huissier ; ceux-ci sont à charge du débiteur
saisi, à titre de frais de justice (article 1024 du Code judiciaire) et bénéficient d’un privilège
ultra-prioritaire (article 17 et 19, 1°, de la Loi hypothécaire).
Les honoraires de l’avocat sont libres ; le Code judiciaire prescrit simplement, en son article
459, que les avocats « taxent leurs honoraires avec la discrétion qu’on doit attendre de leur
ministère ». De lege lata, ils ne peuvent pas être répercutés sur le débiteur.
10. La saisie transfrontalière sur comptes bancaires.
10.1.1 à 2. Le droit international privé belge reste attaché à l’enseignement traditionnel, selon
lequel « le droit de l’exécution, dans toutes ses composantes, normes, procédures et décisions
judiciaires, est strictement territorial, parce que la contrainte est une manifestation
immédiate de la souveraineté sur le territoire de l’Etat »37. Une saisie comportant un élément
d’extranéité se conçoit en Belgique pourvu que le bien à saisir se trouve en Belgique.
S’agissant en l’occurrence d’une créance, la norme traditionnelle localise la créance au
domicile du débiteur de la créance saisie38.
10.3. La dénonciation d’une saisie étrangère sur un bien situé à l’étranger à une personne
domiciliée en Belgique est concevable, par exemple via le Règlement 1348.
11. Cas pratique.
Le créancier G a obtenu en justice à l’encontre d’une débitrice, une personne juridique, un
titre portant sur une somme de 10.000 €. Le jugement revêtu de l’autorité de chose jugée
(alternative: susceptible d’exécution provisoire) sur ce montant doit être réalisé par voie de
saisie sur un compte bancaire tenu dans une filiale au siège de la débitrice. Le compte affiche
un solde positif de 12.000 €. Le tiers débiteur affirme que la débitrice a cédé la créance 10
jours avant la saisie à un autre créancier. Il s’avère en fin de compte que cette objection est
sans fondement. Un autre créancier opère une saisie sur le compte à hauteur de 5.000 € et veut
prendre part à la procédure.
Deux précisions doivent être apportées. Tout d’abord, en droit belge, l’opposabilité aux autres
créanciers d’une cession à titre de garantie reste controversée. D’autre part, si le jugement
exécutoire est susceptible de recours ordinaire, l’exécution ne se fait qu’aux risques et périls
du créancier (article 1398 du Code judiciaire).
En l’espèce, étant donné que la procédure de répartition des fonds ne pourra commencer qu’à
partir du moment où le tiers saisi a vidé ses mains entre celles de l’huissier de justice (article
37
Ph. THERY, Rép. internat. Dalloz, Voies d’exécution, 1998, p. 3, n° 13.
Ph. THERY, op. cit., p. 6, n°s 41 et 42 ; adde P. WAUTELET, « La Cour d’arbitrage et la compétence en
matière de saisies », Act. dr., 2003, sous presse : « La localisation exacte d’avoirs immatériels constitue une
difficulté supplémentaire. A quel tribunal le créancier qui souhaite mettre la main sur une créance de sommes
dont un tiers est redevable à son débiteur, doit-il s’adresser ? On accepte généralement que la créance doit être
localisée au domicile du débiteur, solution confirmée, pour le domaine particulier de la faillite, par le
Règlement 1346/2000, article 2(f) ».
38
1627 du Code judiciaire)39, le créancier pourra faire valoir son droit à participer à la
répartition des fonds. Le solde du compte sera donc réparti proportionnellement entre les deux
créanciers saisissants. Le premier repartira avec 8.000 euros et le second avec 4.000.
39
Si le tiers saisi se trouve entre des prétentions contradictoires de tiers créanciers, il peut solliciter la possibilité
de cantonner l’objet de la saisie (article 1407 du Code judiciaire).