psychologiques
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psychologiques
Le point sur Qu’est-ce qu’un « état de stress post-traumatique » ? L e premier cas connu de traumatisé est ce combattant de Marathon que, selon Hérodote, la peur avait rendu aveugle et hanté par des cauchemars… Mais c’est au cours de la guerre de 1914-1918 qu’ont été mis en évidence les troubles psychiques suscités par les combats. Le conflit mondial de 1939-1945 voit naître la première proposition de traitement pour les soldats choqués (par le général historien Samuel Marshall en 1944). Le terme de post-traumatic stress syndrome (PTSD), est enfin Thomas Samson/Gamma/Eyedea Paris, mairie du 9e arrondissement, 16 avril 2005. Cellule psychologique pour les familles des victimes de l’incendie de l’hôtel Paris-Opera, qui a fait 20 morts. Choc traumatique À quoi servent les cellules psychologiques ? Conflits, accidents, catastrophes naturelles… Aujourd’hui les psychologues sont appelés dans l’urgence pour soutenir les victimes d’événements traumatiques. Quels sont les principes et enjeux de cette intervention ? Claudie Bert 24 Sciences Humaines Mai 2009 N° 204 créé suite à la guerre du Viêtnam pour désigner l’ensemble de troubles psychiques dont souffrent de nombreux anciens combattants. En 1980, il fait son entrée dans le manuel de psychiatrie américain, le DSM-iii. La dernière édition de ce manuel, le DSM‑iv, énumère les critères d’un diagnostic de PTSD, qu’on peut résumer ainsi : n le sujet a vécu un événement grave et y a réagi par « une peur intense, un sentiment d’impuissance ou d’horreur » ; n il revit continuellement l’événement, en image, en rêve, en pensée, etc. ; n il évite les stimuli associés au traumatisme, tels que lieux, conversations… et s’éloigne affectivement de ses amis, de ses intérêts habituels ; n il souffre de troubles nerveux tels qu’irritabilité, hypervigilance ; n tous ces troubles durent depuis plus d’un mois… n …et l’empêchent de fonctionner normalement, dans son travail, sa vie sociale. n Toutes les victimes sont-elles traumatisées ? N on : il existe d’une part des facteurs de risque, d’autre part des facteurs de protection, mis en évidence dans de nombreuses études. Stéphane Guay et André Marchand les recensent (1). • Avant l’événement, le principal facteur de risque est d’avoir déjà vécu des événements traumatiques. Les femmes sont plus exposées que les hommes. Des antécédents personnels ou familiaux de troubles psychiques fragilisent. En revanche, selon plusieurs chercheurs, les risques de névrose sont moindres pour ceux qui ont une personnalité « résiliente », c’est-à-dire qui s’impliquent activement, qui croient en leur pouvoir de contrôler les événements, qui sont capables d’ouverture et de flexibilité. • Pendant l’événement : les incidents soudains, inattendus et peu durables – accident, catastrophe naturelle – sont moins traumatisants que ceux de longue durée, répétés, infligés par des hommes – combats, tortures, violences sexuelles. Être blessé, voir mourir des gens autour de soi, craindre pour sa propre vie sont des facteurs aggravants. La nature et la force des réactions immédiates jouent également un rôle. Selon Nathalie Prieto (2), certaines sont des réponses normales de l’organisme agressé : anxiété, pleurs, colique… D’autres en revanche caractérisent un état de stress « dépassé », conduisant à des réactions inadaptées : stupeur qui fige la personne sur place, agitation désordonnée, fuite panique, actes automatiques. Ainsi de ce touriste, qui, après un grave accident de car, pliait, dépliait et rangeait ses vêtements dans sa valise, comme un automate. Sur le terrain, il est bon de savoir distinguer stress adapté et stress dépassé, car le premier disparaît souvent de lui-même, alors que le second est un facteur de risque et justifie donc une prise en charge. • Après l’événement : le facteur crucial, ici, est le soutien social. De très nombreuses études, effectuées notamment sur les anciens du Viêtnam, ont montré que l’indifférence ou l’hostilité de l’entourage familial et social augmente nettement le risque d’ESPT, alors qu’un bon soutien social est protecteur. L’exemple de Zaka le montre bien. Ce groupe de volontaires israéliens s’est donné pour tâche de se rendre sur le site d’attentats pour ramasser tous les cadavres, jusqu’au moindre lambeau, afin de reconstituer le corps avant de l’enterrer. Or de nombreuses recherches ont montré que manipuler des cadavres aggravait le stress. Les auteurs d’une étude portant sur 87 volontaires de Zaka (3) pensaient établir le même constat. Eh bien non : deux membres du groupe seulement souffraient d’ESPT. Selon les auteurs, cela est dû à leur forte conviction religieuse et au respect, à l’admiration dont ils sont entourés. On comprend ainsi pourquoi le pourcentage de traumatisés peut varier considérablement : 15 à 20 % chez les combattants de guerre, 80 % chez des réfugiés exposés à des incursions répétées de leurs ennemis. Après l’attentat à la bombe dans le RER de 1996, des chercheurs ont établi (4) que 52 % des victimes souffraient de ces troubles un mois après, et 37 % en souffraient toujours au bout de dix-huit mois. n (1) Stéphane Guay et André Marchand, Les Troubles liés aux événements traumatiques, Presses de l’université de Montréal, 2006. (2) Nathalie Prieto, Jean-Pierre Vignat, Élisabeth Weber, « Les troubles traumatiques précoces », Revue francophone du stress et du trauma, vol. II, n° 1, 2002. (3) Zahava Solomon et Rony Berger, « Coping with the Aftermath of Terror – Resilience of Zaka Body Handlers », Journal of Aggression, Maltreatment & Trauma, vol. X, n° 1-2, 2005. (4) Clara Duchet et al., « À propos de deux victimes de l’attentat parisien du RER Port-Royal du 3 décembre 1996 : vulnérabilité psychotraumatique et résistance aux troubles », Annales médicopsychologiques, vol. LVIII, n° 7, 2000. Mai 2009 Sciences Humaines 25 N° 204