« Pour votre santé, mangez au moins cinq fruits et légumes par jour

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« Pour votre santé, mangez au moins cinq fruits et légumes par jour
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« Pour votre santé, mangez au moins cinq fruits et légumes par
jour. www.mangerbouger.fr »
Les bandeaux sanitaires ont-ils modifié les comportements
alimentaires ?
Etude comparative mères/enfants
NorovolaNorovola
RAJOHANESA
RAJOHANESA
Attaché Temporaire d’Enseignement et
de Recherche
IUT de Saint Denis-Université Paris 13
Doctorante
NIMEC-IAE de Caen
3 rue Claude Bloch
14075 Caen Cedex
[email protected]
Pascale EZAN
Maître de Conférences-HDR
NIMEC-IUT d’Evreux (Université de
Rouen) et Rouen Business School
55 rue Saint Germain
27000 Evreux
[email protected]
Joël BRÉE
Professeur
NIMEC-IAE de Caen et
Rouen Business School
1 rue Caen
du Maréchal Juin
76825 Mont-Saint-Aignan-Cedex
et
[email protected]
RESUME
Dans le cadre de la lutte contre l’obésité actuelle, différentes mesures ont été prises par l’Etat
et les pouvoirs publics. L’insertion des bandeaux sanitaires dans les annonces publicitaires
destinés à promouvoir des produits alimentaires font partie de ces mesures depuis février
2007. Cet article s’intéresse au processus de persuasion mis en œuvre par les mères et les
enfants pour appréhender ces messages sanitaires. Nous cherchons à apprécier si l’exposition
à ces messages a conduit à une modification des comportements alimentaires au sein de la
famille. Seront donc exposés dans cet article le problème d’obésité, les différentes mesures
prises par l’Etat et les pouvoirs publics pour lutter contre ce fléau et les résultats d’une
recherche qualitative effectuée auprès de 15 enfants et de 12 mères de famille.
Mots-clés : obésité- bandeaux sanitaires- enfants- mère de famille
ABSTRACT
The obesity is become a crucial problem, so the authorities took actions to fight against it. The
use of banners in food advertisements is an example of these actions. This paper is relative to
the convincing process, used by mothers and children to take into account these sanitary
messages. We are looking for appreciating the effect of these messages on the family food
behaviour. In this paper, the obesity problem will be presented and so the different actions
taken by the authorities to fight against it. The study has been achieved by considering 15
children and 12 mothers and qualitative results are given.
Key words: obesity- sanitary message- children- mother
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« Pour votre santé, mangez au moins cinq fruits et légumes par jour.www.mangerbouger.fr »
Les bandeaux sanitaires ont-ils modifié les comportements alimentaires ?
Etude comparative mères/enfants1
Manger n’est pas un acte facile, il faut tenir compte du choix des aliments, de la
quantité, de la qualité, de l’apport nutritionnel pour veiller à sa santé et éviter les différentes
maladies telles que le diabète, l’obésité… L’obésité, ce phénomène rencontré pour la
première fois aux Etats-Unis s’est développé en France et est devenu un problème de tous les
jours et ce sont les enfants qui sont particulièrement les plus touchés. Alors que ce fléau
n’atteignait que 3% de la population en 1965, il touchait 10 à 12,5% des enfants en 2006 avec
un pic de 19% pour les enfants de 8 ans (Ayadi ; Ezan 2008). En France, la situation est
devenue alarmante et le rôle du marketing est fortement évoqué notamment les publicités des
industries agroalimentaires destinées aux enfants qui font la promotion de produits gras et
sucrés. La publicité est donc considérée comme une des sources de la prise de poids et de
l’obésité chez l’enfant. Selon Pecheux, Derbaix et Charry (2006), « les enfants n’auraient pas
toutes les capacités cognitives pour comprendre le marketing et la publicité, ils sont
considérés comme particulièrement vulnérables à la publicité ». Young (1990) recense
diverses études sur l’impact de la publicité sur la montée de l’obésité infantile, ces études
montrent qu’exposés à des annonces pour les produits très sucrés (cookies, bonbon…), les
enfants considèrent que les produits étaient particulièrement bons pour la santé.
Il n’est pas rare d’entendre dire « que la publicité rend les enfants obèses ».
Cependant, il ne faut pas oublier que la publicité peut participer aussi à la diminution de
l’obésité. Il est possible de prendre en compte la publicité comme vecteur pour favoriser une
stabilisation voire une diminution de la prévalence de cette maladie chez l’enfant (Masserot,
2007). C’est le cas des bandeaux sanitaires qui accompagnent les publicités destinés à
promouvoir des produits alimentaires. La publicité est ici vecteur de message d’équilibre
nutritionnel.
Depuis février 2007, toutes les publicités télévisées faisant la promotion d’un produit
alimentaire doivent être accompagnées de bandeaux sanitaires ; le but étant de prévenir
l’obésité par la promotion d’une alimentation équilibrée et la pratique d’une activité physique
et sportive. Beaucoup de questions se posent concernant la diffusion de ces messages
sanitaires, leur compréhension, leur efficacité, les changements qu’ils ont apportés dans la
consommation alimentaire… Dans cet article, nous cherchons à apprécier si l’exposition à ces
messages a conduit à une modification des comportements alimentaires au sein de la famille.
Une alimentation plus saine et plus équilibrée est-elle choisie ? Le grignotage a-t-il baissé ?
Pratique-t-on plus d’activité physique ? Pour ce faire, nous avons réalisé une étude
exploratoire auprès de 12 familles dans le département de la Vienne (86). Le but étant de
comprendre si les bandeaux sanitaires ont changé les comportements alimentaires au sein de
la famille.
Nous avons décidé de mener cette recherche à la fois auprès de la mère de famille et
de l’enfant pour différentes raisons. S’il y a une personne qui connait bien l’alimentation de
l’enfant, c’est la mère de famille, elle joue un rôle important quant aux choix des produits qui
sont achetés et des menus qui sont préparés. Les parents ont un rôle éducatif sur le
1
Cette communication s’inscrit dans le cadre du projet MARCO (MARketing and Child Obesity)
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comportement alimentaire de l’enfant, ils surveillent, autorisent, interdisent… Il est nécessaire
de savoir gérer ce rôle éducatif, « le contrôle exagéré de la mère sur ce que mange l’enfant lui
fera perdre ses propres repères pour le faire bien souvent basculer dans l’excès inverse »
(Rigal, 2006).
Notre article comportera deux parties : dans la première partie nous évoquerons le
cadre théorique dans lequel s’inscrit cette recherche : l’acte alimentaire de l’enfant et les rôles
des parents dans l’alimentation de l’enfant ; nous reviendrons ensuite sur l’obésité infantile,
les mesures prises en France pour lutter contre ce fléau et mentionnerons quelques résultats
des études réalisées sur les bandeaux sanitaires. Nous présenterons, dans la deuxième partie,
la méthodologie utilisée pour réaliser l’étude et les résultats obtenus avant de conclure notre
travail en soulignant ses principaux apports et limites.
1. Cadre théorique de la recherche
1.1. L’acte alimentaire de l’enfant
Très peu de recherches en marketing traite de l’acte alimentaire, il est donc
fondamental et enrichissant d’adopter une orientation pluridisciplinaire lorsqu’on cherche à
étudier le comportement alimentaire. Selon Chiva (1985), c’est un acte universel et quotidien.
Ainsi, l’acte alimentaire est tributaire d’un double héritage : biologique et culturel. L’héritage
biologique détermine le fait que l’homme est omnivore ce qui l’oblige à avoir une
alimentation variée. L’héritage culturel est appris. Ce dernier comprend les connaissances,
croyances, us et coutumes de chaque groupe humain. Il est transmis par les conduites
éducatives mises en place par les adultes à l’égard des enfants. L’acte alimentaire de l’enfant
est donc à la fois inné et acquis.
Le goût comporte une part d’innée et une grande part d’acquis (Doyard, 2000), il
dépend de l’environnement et de l’entourage. A la naissance, le nouveau-né sait reconnaître le
sucré, le salé, l’acide et l’amer, l’enfant préfère notamment le sucré mais plus il grandit, plus
il accepte d’autres goûts comme l’acide par exemple.
Certaines préférences sont innées comme le goût pour les produits sucrés. Steiner
(1973) a montré que le nouveau-né manifestait son plaisir ou sa répulsion pour les saveurs des
bases (le sucré, le salé, l’acide, l’amer). Cette expérience a été effectuée quelques heures après
la naissance des nouveaux-nés. Le résultat des expériences a montré qu’en donnant une
solution sucrée, le nouveau-né réagit par un geste de contentement. En lui donnant une
solution acide, le nourrisson pince ses lèvres. Dans un autre test, Steiner utilise une solution
de quinine amère, dès le contact avec la langue, le bébé colle la langue contre le palais et sa
mimique exprime de la tristesse (Ayadi, 2005). Dès sa naissance donc, le nourrisson
manifeste une préférence pour le sucré.
Mais d’autres préférences sont acquises à travers l’exposition répétée envers un
produit. C’est le cas des enfants mexicains et leur consommation de piment rouge. Zajonc et
Marcus en 1982 ont mené une expérience auprès d’enfants mexicains pour comprendre les
manières dont les préférences alimentaires se formaient. Les résultats ont montré que le fait de
présenter régulièrement un produit aux enfants augmente leurs préférences pour ce produit.
Au travers de cette étude, les chercheurs ont mis en évidence l’impact de la culture dans les
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choix alimentaires. Des facteurs biologiques et des facteurs socioculturels déterminent la
formation des préférences et des rejets alimentaires par l’enfant (Bellisle, 2002).
Enfin, dans l’acte alimentaire de l’enfant, il y a une période qu’il convient de ne pas
négliger : la période de néophobie alimentaire ou période des rejets. Fischler et Chiva (1985)
ont démontré que le phénomène de néophobie alimentaire se situe autour de deux ans, atteint
son maximum vers l’âge de cinq ans avant de décroître très lentement par la suite.
Néanmoins, cette période dépassée, Rigal (2000) constate que de toute façon, 77% des
enfants se montrent très sélectifs et conservateurs dans le domaine alimentaire, rejetant la
nouveauté et accordant toutes leurs faveurs à certains aliments fétiches comme les pâtes, les
hamburgers… Dans le prolongement de cette étude, les recherches de Rigal réalisées auprès
de 321 enfants âgés de 4 à 18 ans montrent les aliments les plus appréciés des enfants et ceux
les plus rejetés. Ainsi, le chocolat et tout ce qui est aliment sucré arrivent en première position
parmi les préférences des enfants. Les légumes sont rarement cités. Le chercheur souligne que
ce sont des aliments rejetés du fait de leur propriétés sensorielles (aspect, texture, saveur)
auxquelles les enfants sont particulièrement sensibles.
Plus l’enfant grandit, plus il devient autonome. Il ne se contente plus uniquement de ce
qui lui est imposé, il va imiter les autres (Chiva, 2001). L’apprentissage se fait par imitation
qui est un moyen d’intégration de l’enfant au sein du groupe (la famille, les pairs).
1.2. Les rôles des parents dans l’alimentation de l’enfant
Pour s’alimenter, l’enfant est amené à observer ce que font ses parents, ses pairs, pour
reproduire les comportements qu’ils jugent appropriés. Cela veut dire que toute éducation de
l’enfant ne peut se faire sans tenir compte du modèle offert par l’adulte dans la prime enfance,
quand les pairs ne jouent pas un rôle encore très important dans la vie de l’enfant (Chiva,
2001). De nombreux chercheurs et spécialistes de l’enfant-consommateur montrent que la
famille et plus particulièrement les parents est le facteur de socialisation prépondérant des
enfants de 7 à 11 ans (Brée 1990 ; Chiva 1995). Ceci est encore plus vrai dans le domaine
alimentaire car les parents sont les premiers acteurs qui vont modeler les pratiques et les
préférences des enfants. Il leur revient de lui apprendre le respect des rythmes alimentaires, de
l’équilibre nutritionnel et l’éducation au goût. Ce dernier est un élément important dans
l’acceptation ou le refus d’un aliment surtout pour l’enfant qui dispose d’un répertoire
alimentaire limité a priori. « La famille et plus précisément les interactions parents/enfants
influent sur la qualité du développement cognitif de l’enfant par la richesse de
l’environnement qu’elle fournit. Elle contribue au développement des capacités cognitives de
l’enfant, lesquelles permettent l’acquisition de connaissances de consommation. Par exemple,
les parents qui eux-mêmes respectent des équilibres alimentaires fondamentaux et adoptent un
comportement de consommation averti en expliquant à leurs enfants les raisons de leurs
choix favorisant des principes harmonieux chez leur progéniture. » (Brée, 2005).
Au sein de la famille, la mère joue un rôle principal concernant les goûts de l’enfant
puisqu’elle lui transmet, dès la naissance, ses propres goûts de manière consciente ou non, à
travers les relations qu’elle entretient avec lui (Ayadi, 2005). Les goûts de la mère vont
« façonner la personnalité sensorielle et psychologique de l’enfant, qui s’identifie à elle
jusqu’à 2 ans » (Puisais et Pierre 1987).
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Selon une étude du cabinet Echo Research menée auprès de 300 jeunes Britanniques
âgés de 9 à 16 ans, les habitudes alimentaires et la sensibilisation des parents jouent un rôle
déterminant dans la prévention de l’obésité : 43% des jeunes estiment que les habitudes
alimentaires sont données par les parents à la fois par leur acte d’achat et par leur propre
consommation. En effet, 77% d’entre eux disent manger ce qu’ils trouvent à la maison et 71%
affirment manger comme leurs parents.
Il incombe par conséquent, aux parents de transmettre à leurs enfants une véritable
éducation nutritionnelle, de leur proposer une large gamme de saveurs, de leur faire découvrir
le plaisir de se nourrir et d’éveiller leur curiosité envers des aliments nouveaux. Cette
éducation alimentaire est ensuite complétée par d’autres moyens comme l’école par exemple.
Mais les enfants apprennent aussi à leurs parents à consommer, quand ils réclament un
produit ou quand il recommande une pratique alimentaire (Gollety, 1999).
1.3. L’obésité infantile et les mesures prises par les pouvoirs publics
Différentes causes de l’obésité infantile ont été recensées (Brée 2005 ; Ezan et Ayadi,
2006). L’obésité résulte d’un déséquilibre énergétique sur une logue période, la
consommation dépassant les dépenses (Delpeuch, Marie et Monnier 2006). Selon Le Guen
(2005), le premier facteur est indiscutablement alimentaire. Toujours selon le même auteur
« même s’il existe des facteurs de susceptibilité personnels qui font que certains individus
grossiront plus que d’autres sous la pression environnementale et sociétale, ce sont bien les
mutations de nos modes de vie qui sont les premières causes du développement de la maladie
et de son caractère épidémique ». Pecheux, Derbaix et Charry en 2006 ont recensé différentes
études qui montrent que la publicité est à la source de l’obésité infantile.
Parmi ces causes, le marketing et plus spécifiquement la publicité télévisée est
particulièrement évoquée. Selon Le Guen (2005), en France dans les plages horaires pendant
lesquelles la télévision est regardée par les enfants, les spots reviennent avec la régularité d’un
métronome, bien plus souvent qu’au sein des programmes pour adultes : deux ou trois
minutes de publicité, soit une dizaine de spot toutes les vingt minutes environ. Les publicités
des produits sucrés incitent les enfants au grignotage, surtout quand ils se retrouvent seuls
chez eux. Cet envahissement de la publicité est d’autant moins admissible qu’elle est l’une
des principales causes des changements, en profondeur des jeunes sans doute.
Pour Simon (2003), il apparaît vraisemblable que la déstructuration des repas soit
associée de façon directe et indirecte à la télévision, de part la situation qu’elle provoque
(l’enfant va s’occuper en mangeant pendant qu’il regarde la télévision) et de part les modèles
alimentaires véhiculés à travers les programmes télévisés. Selon ces études, quand l’enfant
regarde les programmes télévisés, il diminue ses activités physiques et a tendance à grignoter.
En outre, il est régulièrement exposé aux annonces publicitaires qui font souvent la promotion
des produits caloriques et à forte valeur énergétique.
La publicité a donc un impact sur l’obésité de l’enfant. Au premier plan, elle provoque
un déséquilibre alimentaire, or un déséquilibre entre l’apport alimentaire et la dépense
d’énergie est à l’origine de l’obésité. Ainsi en France, la publicité est accusée de faire évoluer
la consommation alimentaire 2 :
2
Source d’information : étude réalisée par l’AFSSA (Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments)
intitulé « L’obésité de l’enfant : impact de la publicité », 6 juillet 2004.
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-
la consommation de certains aliments et boissons a explosé en 5 ans : viennoiserie :
+84%, biscuits sucrés : +24%, sodas et jus de fruits : +17% ;
un tiers des enfants et près de 40 % des adolescents boivent des sodas au déjeuner et
au dîner.
Le temps passé à regarder la télévision contribue spécifiquement à la sédentarité des
enfants (Coon et al. 2001)3. L’exposition à la publicité télévisée a un impact direct majeur.
Les pays dont les chaînes enfantines montrent le plus de publicité alimentaires comptent aussi
parmi ceux qui ont les taux les plus élevés d’obèses.
Néanmoins sans occulter la responsabilité de la publicité dans la montée de l’obésité,
il ne faut pas oublier que ce sont les parents qui achètent les produits pour leurs enfants. Ils
sont donc responsables de l’alimentation de leurs enfants, de leurs grignotages et de leur
mode de vie alimentaire.
L’AFSSA (Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments) a rappelé ces
principes en jugeant que «le cadre familial doit constituer le lieu pour l’apprentissage
alimentaire et nutritionnel, l’école venant en complément » (avis du 23 janvier 2004 sur la
collation de 10 heures). (Le Guen, 2005).
1.4. Les différentes mesures prises par la France
Dans le cadre de la lutte contre l’obésité, le premier PNNS ou Programme National
Nutrition Santé a été lancé en 2001 pour une durée de 4 ans et se développe autour de deux
axes principaux :
-
modifier les habitudes alimentaires en informant sur la nécessité d’une alimentation
équilibrée
promouvoir l’exercice physique
Ce programme est établi en concertation avec l’Assemblée des Départements de
France, l’Agence Française de Sécurité des Aliments, l’Institut de Veille Sanitaire, la Caisse
Nationale d’Assurance Maladie, la Fédération Nationale de la Mutualité Française, des
personnalités scientifiques et des représentants des consommateurs.
Les messages sanitaires font partie des dispositions prises par ce programme pour
lutter contre l’obésité. Les acteurs de l’industrie agroalimentaire doivent donc afficher ces
messages, à défaut de verser 1,5% de leurs investissements bruts annuels pour la promotion
des produits. Les annonceurs doivent désormais diffuser une information à caractère sanitaire
lors de leurs actions de promotion et de publicité alimentaire. Ils ont le choix entre différentes
phrases types :
- « pour votre santé, mangez au moins cinq fruits et légumes par jour »
- « pour votre santé, pratiquez une activité physique régulière »
- « pour votre santé, évitez de manger trop gras, trop sucré, trop salé »
- « pour votre santé, évitez de grignoter entre les repas »
3
Source d’information : étude réalisée par l’AFSSA op.cit.
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Les recommandations portent sur les comportements à encourager des pratiques
alimentaires saines et à limiter des comportements jugés à risques pour être en bonne santé.
En outre, les messages sanitaires doivent être présentés de manière aisément lisible et
clairement distinguable du message publicitaire et doivent occuper au minimum 7% de
l’espace publicitaire. Des bandeaux plus spécifiquement dédiés aux enfants sont diffusés lors
des émissions jeunesse. Le tutoiement peut être utilisé et l’accroche « pour votre santé » peut
être remplacée par « pour bien grandir ».
Depuis la mise en place des messages sanitaires, quelques études ont été déjà réalisées
pour mesurer leur impact sur le comportement alimentaire des Français. Une première étude a
été réalisée par l’INPES4 auprès d’un très grand échantillon. Selon l’enquête menée par
l’INPES, 87% des français approuvent l’application de cette mesure, 70% d’entre eux
affirment avoir mémorisé le message et 79% considèrent que c’est un bon moyen de
sensibilisation à l’importance d’une alimentation équilibrée. Enfin 21% des 15 ans et plus
déclarent avoir modifié leurs habitudes alimentaires et 17% ont changé leurs comportements
d’achat de produits alimentaires et de boissons. Notre étude étant réalisée auprès des enfants
et des mères de famille. Une seconde étude qualitative a été menée par Ayadi et Ezan (2008)
spécifiquement auprès d’enfants de 8 à 12 ans. Cette étude montre que les enfants ont bien
mémorisé le contenu des messages sanitaires mais considèrent que ces messages ne sont pas
adaptés pour modifier sensiblement leur comportement. Jugés peu attractifs et peu ludiques,
ils sont rejetés par les enfants qui leur préfèrent des spots dans lesquels on leur propose des
petites histoires.
2. La méthodologie de recherche et les résultats obtenus
2.1. La méthodologie retenue
Nous avons réalisé une étude qualitative auprès de 12 familles dont 12 mères de
famille et 15 enfants dans le département de la Vienne. Les familles ont été choisies grâce à la
méthode de la boule de neige : c’est-à-dire les familles que nous avons interrogées nous ont
présenté d’autres familles.
Nous présentons dans les tableaux suivant le profil des enfants et de leur mère
Enfants
Garçons
Filles
Ages
Adeline
X
7
Estelle
X
10
Nathan
X
11
Ethan
X
7
Kenzo
X
7
Laura
X
7
Manon
X
9
Rose
X
7
4
Etude réalisée par l’INPES (2007), Post-test des messages sanitaires apposés sur les publicités alimentaires
auprès des 8 ans et plus, consultable sur le site www.inpes.sante.fr.
Session 14 - 33
Mylène
X
10
Mioty
X
10
Nicolas
X
9
Ornella
Samuel
X
X
7
Sandie
X
Tristan
X
Total
7
7
8
8
8
Tableau 1 : Profil des enfants interrogés
Noms
Noémie
Murielle
Leila
Viviane
Patricia
Katia
Mathilde
Voahangy
Marcelle
Roselyne
Elisabeth
Sandrine
Ages
38
42
35
38
32
37
40
45
45
36
35
37
Professions
Chef d’équipe dans un parc d’attraction
Hôtesse d’accueil
Employée de bureau
Mère au foyer
Hôtesse de vente
Hôtesse d’accueil
Professeur des écoles
Agent de recouvrement à la trésorerie
Agent d’accueil
Comptable
Biologiste
Responsable d’une agence
Tableau 2 : Caractéristiques des mères de famille
Le choix de cette population (enfant/mère de famille) se justifie par le fait que les
enfants sont reconnus comme des prescripteurs qui influencent les choix des produits dans la
famille et les mères de famille jouent un rôle important quant au choix des produits qui sont
achetés et des menus qui sont préparés.
Concernant le déroulement de la collecte des données, nous avons commencé d’abord
par l’enfant ou les enfants (pour une fratrie). Nous avons ensuite interrogé la mère de famille.
A l’aide d’un guide d’entretien, nous avons effectué des entretiens semi-directifs auprès des
enfants. Les entretiens se sont déroulés pendant les mois de juin et juillet 2008 dans le
département de la Vienne (Poitiers et ses environs). Cette étude sur l’impact des bandeaux
sanitaires fait partie de notre étude exploratoire pour mieux approfondir l’alimentation de
l’enfant et le plaisir ressenti. Nos entretiens avec les enfants ont duré entre 15 et 35 minutes et
ceux avec les parents entre 15 et 55 minutes.
Session 14 - 34
Le tableau 3 présente les thèmes abordés dans le guide d’entretien pour les enfants et leur
mère.
Enfants
Est-ce que tu vois les messages qui
Objectifs : Mesurer la connaissance et l’effet
accompagnent les publicités des
des messages sanitaires
produits alimentaires ?
Peux-tu me citer ceux que tu connais ?
Est-ce que les messages sanitaires ont
changé tes habitudes alimentaires ? Suis-tu
ce que les messages disent ?
Parents
Voyez-vous les messages sanitaires ?
Objectifs : Mesurer la connaissance et l’effet Ont-ils changé votre comportement
des messages sanitaires
alimentaire (dont comportement d’achat)
ainsi que celui de votre famille ?
Etes-vous sensible à ces messages ?
Tableau 3 : Thèmes abordés dans le guide d’entretien
Tous les entretiens se sont déroulés au domicile des enfants. Cette précaution a été
prise afin que les enfants se sentent en sécurité, un endroit non familier donne des biais dans
les réponses des enfants (Ezan, 2004). Ces entretiens ont été enregistrés et retranscrits.
Les discours des enfants et de leur mère ont fait l’objet d’une analyse de contenu
thématique que nous avons codée en trois catégories :
-
Connaissance et la mémorisation des bandeaux sanitaires
Sensibilité aux messages
Modification des comportements alimentaires
2.2. Les résultats obtenus
Notre étude souligne que des divergences existent quant à la connaissance et à la
mémorisation des messages sanitaires entre la mère et l’enfant. Nous notons également des
avis contradictoires entre les enfants et leur mère sur le changement de comportement
alimentaire familial.
-
Connaissance et mémorisation des messages sanitaires.
La connaissance des messages des enfants dépasse celles des mères de famille. Rares sont
les mères de famille qui ont pu citer les quatre messages sanitaires, tandis que la majorité des
enfants en a été capable.
« Je sais qu’il faut manger cinq fruits et légumes par jour » Mathilde (40 ans). Cette mère
de famille a été capable de nous citer un message sur les quatre qu’on voit habituellement
dans les publicités alimentaires. Elle confère qu’elle ne porte pas vraiment attention aux
messages et par conséquent ne les mémorise pas.
Session 14 - 35
« Je ne sais plus exactement comment ils disent, de ne pas en abuser, je ne sais plus
mais on le voit, ils le disent à chaque fois quoi ». Patricia (32 ans). Cette mère de famille
affirme voir les messages mais n’a pas pu nous en citer.
« Ce n’est pas bon pour la santé de manger trop gras, trop sucré, trop salé, il doit y
avoir une phrase autour de l’activité physique : bouger pour être en forme, je connais les trucs
de base mais pas plus » Roselyne (36 ans).
« Manger bouger, pour l’équilibre, mangez cinq fruits et légumes par jour, c’est ce qu’il y a le
plus souvent » Marcelle (45 ans).
Ces réponses indiquent que certaines mères de famille ne retiennent pas les messages
sanitaires, d’autres en connaissent quelques-uns et savent globalement ce que les messages
veulent transmettre sans connaître la teneur réelle des messages.
Marcelle (42 ans) trouve qu’il y a trop de messages sanitaires et qu’il est impossible de
les retenir tous. « Evitez de manger trop salé, trop sucré, faites du sport, on en voit tellement
souvent qu’à la fin, on ne fait plus attention, c’est peut-être là le problème aussi. A chaque
fois qu’il y ait une publicité sur l’alimentation, tout de suite, il y a ce slogan, donc on le voit
mais est-ce qu’on le retient généralement ou pas, je suis incapable de le citer ». Elle affirme
que c’est une bonne idée de donner des recommandations, de véhiculer des messages
sanitaires à travers la publicité mais elle se doute de la faisabilité des recommandations.
Comparés à leur mère, les enfants ont une meilleure connaissance des messages sanitaires.
Seulement deux enfants (les plus jeunes) sur les quinze interrogés n’ont pas su
restituer les messages sanitaires. Les enfants plus âgés, quant à eux, se sont avérés capables de
nous citer au moins deux messages parmi les cinq utilisés. L’ordre de mémorisation des
messages est :
« manger cinq fruits et légumes par jour »
« ne pas manger trop gras, trop salé, trop sucré »
« éviter de grignoter entre les repas, ne pas grignoter dans la journée »
« pour être en forme, dépense-toi bien »
Il y a des messages que les enfants n’ont pas su reformuler exactement mais ils en avaient
bien compris l’idée. Un enfant a même cité le site internet « mangerbouger.fr », « pour votre
santé, mangez cinq fruits et légumes par jour, évitez de grignoter entre les repas », puis il a
indiqué l’adresse du site mangerbouger.fr.
-
Des arguments relatifs aux arbitrages plaisir/santé-prix qui rendent difficiles le
respect de certaines recommandations pour les mères de famille.
Le suivi de certaines recommandations est jugé difficile par certaines mères, elles se
basent sur les préférences alimentaires de leurs enfants. Nous avons vu dans la littérature que
les légumes ne font pas partie des aliments préférés des enfants. Selon Marcelle (45ans)
« Mangez cinq fruits et légumes par jour, ce n’est pas faisable, ce n’est pas facile, avec des
enfants ce n’est pas facile. Si on a des enfants qui mangent de tout oui, mais sinon, ce n’est
pas faisable ».D’autres mères de famille associent cette difficulté à suivre les
recommandations des bandeaux sanitaires au pouvoir d’achat.
Session 14 - 36
-
Messages sanitaires, difficiles à suivre, c’est une question de pouvoir d’achat.
Murielle (42 ans) explique le problème de pouvoir d’achat « c’est peut-être une
question aussi de pouvoir d’achat, on n’a pas forcément le choix d’acheter toujours des
légumes frais ou des légumes verts, c’est peut-être une question économique également ».
Nos résultats ont montré que le message « manger cinq fruits et légumes par jour » est celui
qui est le plus cité, sans doute c’est celui qui a attiré le plus les consommateurs, ces résultats
sont confirmés par les études de l’INPES. Mais ce message s’avère aussi le plus difficile à
suivre pour des questions de goûts et de pouvoir d’achat.
-
Une banalisation du message qui remet en cause son efficacité.
Quelques mères de famille et quelques enfants ne font plus attention aux messages. A
force de les entendre et de les voir, la famille trouve cela banal. Cela veut-il dire que la durée
de diffusion des messages sanitaires doit-elle être revue ? Que les familles aient pris
connaissances des recommandations et n’y font plus attention ? Les études de l’INPES
réalisées quelques mois après la diffusion des messages montrent qu’ils sont appréciés par
74% des enfants ; Ayadi et Ezan en 2008 disent « qu’en terme cognitif, les messages sont
retenus par les enfants mais ils ne sont pas appréciés ». Selon notre étude, on évoque la
banalisation des messages.
Nos résultats montrent que quelques mères de famille et quelques enfants portent une
attention aux messages à leur début de diffusion seulement. « Les bandes qui défilent, j’ai dû
les lire au début et puis après c’est fini » Katia (37 ans). « On n’entend que ça tous les jours,
on n’y fait plus attention » Viviane (38 ans). « A la fin, c’est énervant, à chaque pub, il y a
ça » Manon (8 ans). « Ils disent toujours manger des fruits et légumes, et moi je n’aime pas
ça, donc ça m’agace » Tristan (7ans).
-
Une contradiction entre la publicité et les messages qui rendent les
recommandations « floues ».
Roselyne (36 ans) ne comprend pas ce que les messages sanitaires veulent transmettre
dans certains produits. Elle affirme qu’il y a une contradiction entre le produit et le message.
Dans la publicité d’un café affirme-t-elle, elle voit le message « ne mangez pas trop gras, trop
salé, trop sucré ». Elle explique que dans le café, il n’y a pas de graisse ni de sucre ou de sel.
Elle trouve que le message est ambigu, il y a des messages dont le contenu est à revoir
affirme-t-elle ou bien sélectionner le message en fonction de chaque type de produit sinon
cela n’a pas de sens. Il faut que les messages véhiculent vraiment des recommandations au
lieu de se contenter d’appliquer la loi sur ces messages pour ne pas payer des pénalités.
Une contradiction entre le contenu de la publicité et les recommandations qui provoque des
erreurs d’interprétation aussi bien du côté des mères que des enfants.
Stella (8 ans) nous dit « je ne comprends pas, il y a des pubs de chocolat, et après on
dit ne mange pas trop sucré ». On voit ici le paradoxe entre le fait que les images montrent le
« produit plaisir » des enfants et le message leur disant de faire attention à ne pas consommer
des produits trop gras ou trop sucrés.
Session 14 - 37
Nous avons vu le degré de connaissance et de mémorisation ainsi que la sensibilité aux
messages des mères de famille et enfants. Rappelons que le but de ces messages est la
promotion d’une alimentation équilibrée accompagnée d’une activité physique et sportive.
Nous allons voir par la suite si ces messages ont modifié les comportements alimentaires au
sein de la famille.
-
L’enfant éduque les parents sur l’alimentation saine.
La littérature nous montre que l’éduction au goût, le respect de l’équilibre nutritionnel
revient aux parents. Mais des chercheurs comme Gollety (1999) affirme l’existence d’une
« socialisation inversée ». Selon ce chercheur, le processus de socialisation à la
consommation ne s’effectue pas uniquement dans un sens.
Nos résultats montrent que sur la question de l’alimentation saine, l’enfant est devenu
« conseiller des parents ». Il conseille et éduque les parents sur l’alimentation saine à travers
ses connaissances sur les bandeaux sanitaires. Nous avons vu que les enfants retiennent plus
facilement les messages que les parents.
Les parents retiennent les messages sanitaires grâce à l’enfant qui le répète tout le
temps. « Quand ils font une publicité sur un aliment sucré pour les enfants donc c’est la
publicité qui dit de « manger cinq fruits et légumes », « bougez », « faites du sport »et « ne
pas grignoter entre les repas », « Depuis un an, un an et demi, elle me répète cette phrase
qu’elle sait mieux que moi d’ailleurs » Noémie (38 ans). « Elle me conseille quand je prépare,
me dit de ne pas mettre trop d’huile car dans la pub, il est dit de ne pas manger trop
gras »Noémie (38ans).
-
Une absence de changement d’habitude alimentaire dans certaines familles.
Les bandeaux sanitaires n’ont pas apporté de changement dans les habitudes
alimentaires de certaines familles. Les mères de famille estiment déjà manger équilibré et
faire de l’activité physique et sportive. Pour elles, ce sont des choses évidentes. « Non, ça n’a
pas eu d’impact sur mes habitudes alimentaires sachant que ce qu’ils disent, j’en suis
consciente déjà » Elisabeth (35 ans).
Pour certains enfants, leurs habitudes alimentaires n’ont pas changé soit ils ne suivent
pas ce que disent les messages, soit bien avant même les messages ils mangeaient déjà
équilibré, « ça n’a pas du tout changé, je ne suis pas ce que disent les messages parce que je
mange des bonbons » Tristan (8ans) ; « nous même avant les messages , on ne grignote pas »
(Nathan, Etan 7 et 11 ans); « on mange déjà cinq fruits et légumes par jour » ; « non, ça n’a
rien changé, nous on mangeait déjà équilibré, de toute façon c’est les parents qui préparent et
on mange »( Manon, Rose 9 et 7 ans).
-
Une adoption d’un nouveau comportement alimentaire familial depuis l’existence
des messages par la consommation de produits achetés par la mère de famille.
Chez certaines familles, les messages sanitaires ont eu des effets sur le mode
alimentaire familial. « Je fais beaucoup plus attention à ce que j’achète, je prends beaucoup
Session 14 - 38
plus de fruits et légumes même si c’est un peu chers » Elisabeth (36 ans). Chez une famille, le
budget accordé aux courses a été augmenté pour assurer une alimentation plus saine. Il y a eu
un changement dans ce que la famille consomme pour une alimentation beaucoup plus
équilibrée, « on mange beaucoup plus de fruits et de légumes à la maison » (Roselyne, 36
ans) ; « ça a changé parce que je mange plus équilibré maintenant, maman fait attention quand
elle fait les courses » (Ornella, 7 ans) ; « oui, ça a changé quand même un peu, maman
prépare plus équilibré et tous les soirs on n’a pas droit au fromage parce que c’est un peu
gras » Adeline (7 ans). « Je fais les courses avec maman, je lui dis ce qui n’est pas bon pour la
santé, trop gras, trop sucré et elle ne fait pas » Nathan (11 ans). On voit ici le rôle de l’enfantprescripteur.
Les conseils du message « ne mangez pas trop gras, trop salé, trop sucré ont convaincu
un enfant à ne plus aller trop souvent à Mac Do, « moi maintenant, je ne mange plus trop au
Mac Do parce que j’ai grossi » Mioty (10 ans). Nous tenons à souligner que Mioty est un
garçon qui est en surpoids, et avant cette prise de poids, toute la famille avait l’habitude
d’aller dans un fast-food tous les dimanches après-midi.
Les mères de famille font beaucoup plus attention à ce qu’elles achètent et grâce aux
messages sanitaires, l’enfant a beaucoup plus de facilité à manger les légumes. Chez certaines
familles, ceci n’est pas considéré comme un grand changement dans les habitudes
alimentaires mais les messages ont aidé l’enfant à consommer plus facilement les légumes.
Elisabeth (35 ans) dit « en tout cas, ça motive Samuel à un certain temps, ça c’est clair et puis
je pense qu’on a quand même de bonnes habitudes, je ne peux pas dire que ça modifie mais
par contre au niveau du temps passé à le convaincre pour qu’il mange ses légumes, ça le
stimule ».
Parmi les bandeaux sanitaires, ce sont les recommandations sur la consommation de
fruits et légumes qui ont eu beaucoup plus d’impact sur les comportements alimentaires de la
famille. « La campagne anti-obésité qui a changé un peu nos habitudes alimentaires, c’est la
campagne cinq fruits et légumes par jour, quand on mange on veille toujours à ce qu’on ait
cinq fruits et légumes par jour » Roselyne (36 ans). Seulement une mère de famille et un
enfant nous ont exprimé les changements qu’il y a eu au niveau de la pratique d’une activité
physique. Voahangy (45 ans) et son fils Mioty (10 ans) nous ont montré avec plaisir un tapis
roulant qu’ils ont acheté pour se dépenser mieux et ils font du sport le week-end. « Nous
avons acheté un appareil pour courir, et quand on peut, on fait du sport le week-end ou de la
marche ».
A notre surprise, nous n’avons pas eu des réponses sur le grignotage. Cela peut
s’expliquer par le fait que ce sont les bandeaux les plus retenus qui ont eu le plus d’impact sur
le changement de comportement alimentaire familial.
CONCLUSION
Cet article montre les impacts des bandeaux sanitaires sur le comportement
alimentaire au sein de la famille en interrogeant les mères de famille et les enfants. Nous
avons mesuré aussi la connaissance et la mémorisation des bandeaux sanitaires ainsi que la
sensibilité des consommateurs face à ces messages. Il apparaît que les enfants ont une bonne
mémorisation et connaissance de ces messages par rapport aux mères de famille et grâce à ses
connaissances, certains enfants conseillent leurs parents sur le comportement alimentaire à
Session 14 - 39
adopter. Les avis des familles sont partagés, certaines avouent même « la banalisation » des
messages à force de les entendre et de les voir régulièrement. Si chez certaines familles, les
recommandations ont changé les comportements alimentaires, ce n’est pas le cas chez
d’autres qui trouvent que les recommandations sont des choses évidentes et qu’elles
connaissaient bien avant la diffusion de ces messages. Certains enfants ont changé le
comportement d’achat de leurs mères en les conseillant entre autres de prendre beaucoup de
légumes, de ne pas préparer trop gras à la maison. Que ce soit pour les enfants ou pour les
mères de famille, la mise en application des recommandations des bandeaux sanitaires
s’avèrent difficiles pour certains à cause de la contradiction entre les images et les messages et
aussi le pouvoir d’achat.
A travers notre étude, il en ressort que la durée de diffusion des messages doit être
revue, ils sont diffusés depuis plus de deux ans et les consommateurs n’y font plus trop
attention. D’autres messages comme celui sur le grignotage doivent être revus en le
reformulant autrement par exemple pour que cela marque les consommateurs surtout les
enfants comme la consommation de fruits et légumes.
Sur le plan théorique, notre recherche enrichit les travaux qui s’intéressent aux
mécanismes de socialisation inversée dans le champ de la socialisation du consommateur.
Ainsi, nous avons montré que l’enfant exposé à des messages sanitaires peut modifier le
comportement alimentaire de la famille.
Au niveau des apports méthodologiques, nous avons privilégié une démarche
qualitative qui semble plus adaptée aux capacités cognitives des enfants et permet d’avoir une
vision fine du phénomène étudié. Nous avons pu ainsi comparer nos résultats à ceux obtenus
par l’INPES qui a administré un questionnaire à grande échelle pour évaluer l’efficacité des
messages sanitaires. Par ailleurs, dans la majorité des études réalisées sur le comportement
alimentaire de l’enfant, celui-ci est interviewé en présence des parents, des pairs ou des
enseignants. Or, nous avons choisi la technique de l’entretien individuel pour mener cette
recherche. Notre mode de recueil permet, en effet, d’obtenir une information non biaisée par
l’environnement de l’enfant. Enfin, nous avons privilégié une approche intergénérationnelle
ce qui a permis de mettre en exergue les similitudes ou les divergences des attitudes et des
comportements des mères et de leurs enfants exposés aux mêmes messages publicitaires.
Enfin, les résultats de notre étude sur les messages sanitaires invitent les entreprises
agroalimentaires à revoir le contenu de leurs publicités en tenant compte des messages
sanitaires. Les erreurs d’interprétations que nous avons recensées, soulignent la nécessité
d’adopter un positionnement clair permettant aussi bien aux enfants qu’aux mères de
comprendre les bénéfices du produit promu.
Notre recherche incite également les pouvoirs publics à reformuler certains messages
pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté voire de contradiction perçue par les mères de famille et/ou
les enfants entre le contenu de l’annonce et le message sanitaire diffusé.
Notre recherche comporte toutefois des limites qui ouvrent la voie à de nouvelles
recherches. Le nombre de familles interrogées est limité pour prétendre à toute généralisation
des résultats. Aussi, nous nous sommes limités au département de la Vienne (région PoitouCharentes) pour des raisons de facilité d’accès au terrain, ce qui ne permet pas d’être
suffisamment exhaustif. Il serait donc intéressant pour des recherches ultérieures, d’élargir
l’échantillon, d’interroger aussi les pères de famille qui peuvent avoir une autre vision sur le
comportement alimentaire que les mères de famille.
Session 14 - 40
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