Automne [536 Ko] - Guides de la Bibliothèque

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Automne [536 Ko] - Guides de la Bibliothèque
petit
Automne 2000
Le Magazine
Ce petit Magazine de la formation personnelle et sociale
est une production du Magazine jeunesse.
Publié en collaboration avec le ministère de l’Éducation et
Des parents de même sexe
Quand les préjugés
se cognent à la réalité
Mise en contexte
sexuelles deviennent de plus en plus ouvertes, plusieurs études ont tenté de comparer le développement
psychosocial des enfants issus d’une famille où l’un des parents est homosexuel, à celui des enfants issus
Moi, Alexandre, ça ne me gêne pas que mon d’une famille dite « traditionnelle ». En 1995, Patterson a d’ailleurs recensé plus de deux cents études
père soit homosexuel. Mais si j’invite des copains, comparatives sur ce sujet. D’après son analyse, il en ressort qu’« aucune base scientifique ne confirme
ça me gêne s’ils apprennent que mon père est que les personnes homosexuelles ne seraient pas des parents convenables, ou que le développement
gai. Il n’y a que sur ce point-là que ça me gêne, psychosocial de leurs enfants serait compromis et ce, sous quelque aspect que ce soit ».
parce que les copains vont trouver des moyens
de m’insulter sur ce sujet-là. Si ça ne gênait Combien y a-t-il de parents homosexuels ?
personne, moi je m’en foutrais. Les enfants que
je ne connais pas bien, ça me gêne. Les adultes, Pour diverses raisons, les chercheurs arrivent difficilement à établir
s’ils le gardent pour eux, s’ils ne le racontent des chiffres exacts concernant l’homosexualité, et par le fait
pas partout, ça ne me gêne pas qu’ils soient même l’homoparentalité. Or, depuis la parution de
au courant de l’homosexualité de mon père certaines recherches américaines (notamment
(Éric Dubreuil, Des parents de même sexe, 1998).
celles de Kinsey et Hite), on estime
qu’environ 10 % de la population
Introduction
serait d’une orientation sexuelle
autre qu’hétérosexuelle. Selon le
La structure familiale la plus reconnue socialement Bureau de la statistique du
pour le développement harmonieux des enfants est Québec, il y avait entre 387 170 et
celle d’un père et d’une mère de classe moyenne, 514 800 personnes d’orientation
vivant en banlieue, le père occupant un travail homosexuelle vivant au Québec en
rémunéré à l’extérieur et la mère s’occupant des 1994. Mais combien d’entre elles sont pères ou mères ?
tâches domestiques. Or, la prolifération de nouvelles Julien et al. répondent qu’il faudra attendre les prochaines
structures familiales, comme la monoparentalité, données de l’enquête Santé Québec pour obtenir un éclairage
les familles reconstituées et l’homoparentalité, en cette matière. Toutefois, des études américaines à grande
confrontent ces préjugés populaires voulant qu’en échelle rapportent qu’environ 10 % des hommes et 20 % des
l’absence d’un des parents ou en présence d’un femmes d’orientation homosexuelle seraient parents. La plupart de ces enfants seraient nés dans
parent homosexuel, le développement de l’enfant un contexte de mariage hétérosexuel, avant que l’un des parents ne s’identifie comme homosexuel
soit compromis.
(Julien et al., 1994).
Les théories du développement psychosocial ont
longtemps insisté sur la nécessité des contributions
distinctes du père et de la mère pour assurer un
bon développement psychosocial à l’enfant. Mais
dans un contexte où les relations de couples homo-
Mais que savons-nous aujourd’hui sur les parents de même sexe ? En quoi cela devrait-il nous
concerner, nous, enseignantes et enseignants ? Est-ce difficile pour un enfant ou un adolescent
d’accepter l’homosexualité de l’un de ses parents ? Est-il lui aussi marginalisé ? Son développement
psychosocial peut-il en être affecté ? Risque-t-il de développer des problèmes d’identité sexuelle ?
Est-il bien encadré à la maison ?
La plupart des recherches actuelles sur l’homoparentalité ont été initiées à la suite des réactoins
négatives de certains professionnels, tels les législateurs, à l’égard des familles homoparentales. Ainsi,
certains professionnels doutent encore, de nos jours, des aptitudes des personnes homosexuelles à être
parents, et ce, malgré le fait que l’homosexualité ne soit plus considérée comme une maladie mentale
depuis 1974. En conséquence, lorsqu’il est question du droit des personnes d’orientation homosexuelle
à avoir des enfants ou à garder leurs propres enfants, les tribunaux ou les décideurs ont deux types de
craintes. D’abord, on croit en l’existence d’un certain déséquilibre psychologique ou mental chez les
personnes homosexuelles : on croit que la maternité (ou « l’instinct maternel ») est réservée uniquement
aux femmes hétérosexuelles et on craint que les activités sexuelles des parents homosexuels leur laissent
peu de temps pour s’occuper de leurs enfants et voir au bon déroulement des interactions parent-enfant
(Julien et al., 1994 ; Dubreuil, 1998).
Un second type de craintes concerne le développement même des enfants. Patterson a résumé cette
question en portant une attention particulière à quatre sphères du développement où les enfants
risquent d’être affectés. Nous allons les examiner en détail.
Les enfants de parents homosexuels développent-ils
des problèmes d’identité sexuelle ?
La première sphère du développement de l’enfant sur laquelle on s’interroge concerne son identité sexuelle.
On pourrait penser que les enfants issus de familles homoparentales éprouvent plus de problèmes
d’identité sexuelle que les autres enfants, qu’ils risquent de devenir homosexuels eux-mêmes ou qu’ils
sont perturbés dans leur différenciation sexuelle ou dans leur comportement sexuel. En d’autres termes,
on s’interroge : sur l’identité de genre de l’enfant, à savoir s’il s’identifie comme un garçon ou comme
une fille ; sur son rôle sexuel, c’est-à-dire l’adoption de comportements masculins et féminins tels
qu’ils sont définis par les conventions de sa culture d’appartenance ; et enfin, sur son orientation
sexuelle, c’est-à-dire sur son choix de partenaires sexuels qui le ou la définissent comme hétérosexuel(le),
homosexuel(le) ou bisexuel(le). À quelques exceptions près, la plupart des études qui ont porté sur ces
aspects de l’identité sexuelle concluent que les enfants de parents homosexuels ne sont pas différents
des enfants issus de familles hétéroparentales (Patterson, 1992 ; APGL, 1997 ; Dubreuil, 1998).
Auront-ils un développement harmonieux ?
La seconde sphère du développement à l’étude est la stabilité émotionnelle de l’enfant. On craint que
les enfants issus de familles homoparentales ne développent une plus grande vulnérabilité
psychologique que les autres ou qu’ils soient plus susceptibles de faire des dépressions nerveuses.
En d’autres termes, on craint pour leur santé psychologique. Sur ce sujet, les chercheurs ont étudié
plusieurs caractéristiques : l’autonomie de l’enfant (séparation/individuation), les évaluations
psychiatriques, les évaluations de troubles de comportement, les problèmes d’ordre affectif
comme l’hyperactivité, le développement du jugement moral, l’intelligence, la personnalité, et,
enfin, le concept de soi. Une fois de plus, les résultats de ces recherches révèlent, de manière assez
convaincante, que les craintes concernant le développement harmonieux des enfants et des adolescents
ne sont pas justifiées.
Éprouvent-ils des difficultés sociales avec leurs pairs ?
La troisième sphère du développement de l’enfant sur laquelle on s’interroge est l’adaptation sociale ou
les relations avec les pairs. D’emblée, on redoute divers problèmes de cet ordre telle la persécution par
ses pairs (être taquiné, tourmenté, voire traumatisé par ses camarades et, à la limite, par les adultes
faisant partie de son entourage). À cet égard, Green et Golombok et al. ont conclu que les enfants de
parents homosexuels n’éprouvent aucune difficulté d’ordre social avec leurs pairs, ni avec les adultes.
L’orientation sexuelle des parents ne semble donc pas être une variable pertinente pour comprendre les
problèmes d’adaptation qui affecteraient certains enfants.
On peut se demander quels seraient les facteurs familiaux potentiellement associés au développement
de problèmes chez certains enfants de parents homosexuels. Sur ce point, les recherches sur les familles
dites « traditionnelles » indiquent que les aspects fonctionnels des relations familiales (la qualité des
relations entre les membres de la famille) seraient des variables plus pertinentes que les aspects
structuraux, comme la composition de la famille. Par exemple, plusieurs études comparatives sur les
familles homoparentales et traditionnelles ont démontré que les problèmes des enfants associés au
divorce des parents seraient provoqués par le conflit entre les parents, plutôt que par le changement
dans la composition de la famille (Patterson, 1992 ; Julien et al., 1994).
2
Sont-ils plus exposés au risque
d’abus sexuels ?
La quatrième et dernière sphère du
développement étudiée concerne les
risques d’abus sexuels pour ces
enfants. On croit que les parents
homosexuels ou les amis de ces
parents représentent un plus haut
risque à ce chapitre. Cette idée fut
donc examinée dans les recherches sur l’abus
sexuel des enfants. Une fois de plus, les résultats
de ces recherches ne permettent en aucune
façon d’inférer que les enfants de familles homoparentales soient plus victimes d’abus sexuels. Sur
ce point, il est intéressant de souligner que la
grande majorité des personnes qui abusent
sexuellement des enfants sont des hommes qui
se définissent comme hétérosexuels (Finkelhor
et Russel, 1984 ; Dorais, 1996). Ainsi, la crainte
que les enfants de parents homosexuels soient
plus exposés aux abus sexuels que les enfants de
parents hétérosexuels apparaît sans fondement.
Le début de l’adolescence serait un moment particulièrement
difficile pour apprendre que son père ou sa mère est homosexuel(le).
Plusieurs études convergent sur ce point : les enfants informés au cours de leur adolescence de l’homosexualité d’un de leurs parents auraient des réactions plus négatives que lorsqu’ils le sont en bas âge ou
à la fin de leur adolescence.
Pourquoi ? Tout simplement parce que le début de l’adolescence est une période fragile sur le plan du
développement des enfants. Selon Papalia et Olds, l’adolescence est sans aucun doute la période la plus
troublante de la vie. Au cours de cette phase, la recherche d’une identité personnelle prend une ampleur
parfois très difficile. Bien sûr, cette recherche identitaire ne prend pas fin à l’adolescence (elle se
poursuit toute la vie), mais au cours de ces années, elle a une importance primordiale. Tout au long de
ce processus, l’adolescent doit redéfinir ses relations avec ses parents ainsi qu’avec son groupe de pairs.
C’est ce que l’on nomme le processus de séparation/individuation. De plus, c’est à l’adolescence que se
manifeste « habituellement » l’orientation sexuelle d’une personne. Pour toutes ces raisons et bien
d’autres, l’adolescence est une étape difficile pour accepter l’homosexualité d’un de ses parents.
Certains chercheurs se sont interrogés sur le rôle
de soutien potentiel des pairs pour aider les
enfants à gérer les questionnements soulevés
par le fait d’avoir un parent homosexuel. Sur ce
point, Lewis fut l’un des premiers à suggérer que
le silence des enfants sur l’orientation sexuelle
de leurs parents auprès de leurs pairs et de leur
entourage pourrait exacerber leur sentiment
d’isolement. Toutefois, les effets potentiellement
négatifs d’un tel isolement n’ont pas, jusqu’à maintenant, fait l’objet de recherches précises. Lewis
suggère tout de même que les enfants tireraient
bénéfice de groupes de soutien constitués d’autres
enfants de parents homosexuels. Huggins, quant à
lui, signalait que les enfants qui avaient appris
l’orientation homosexuelle de leur mère au cours
de leur enfance avaient une estime de soi nettement supérieure à ceux qui n’en avaient pas été
informés avant l’adolescence.
Qu’en est-il de la qualité de l’encadrement de l’enfant ?
À ce sujet, Patterson rapporte que les enfants d’une mère homosexuelle et divorcée d’un mariage hétérosexuel antérieur auraient plus de contacts avec leur père que les enfants d’une mère hétérosexuelle
divorcée. Un autre fait intéressant, soulevé par Huggins : l’estime de soi des filles de mères homosexuelles
vivant avec une partenaire serait plus élevée que celle des filles de mères homosexuelles ne vivant pas
avec une partenaire. Cependant, comme le souligne avec justesse Patterson, il faudra attendre les
résultats d’études longitudinales afin de savoir si la stabilité du couple homosexuel a véritablement un
impact sur l’encadrement de l’enfant et son développement psychosocial.
Dans le même ordre d’idées, Huggins a démontré que les enfants dont le père rejette ou n’accepte pas
l’identité homosexuelle de la mère auraient une estime de soi inférieure à celle des enfants dont le père
adopte une position neutre ou positive. Ce travail d’Huggins pose donc des questions intéressantes
sur le degré auquel des réactions d’adultes significatifs dans la vie de l’enfant peuvent influencer ses
réactions lors de la découverte de l’identité homosexuelle de l’un de ses parents. Comme l’ont souligné
Papalia et Olds, les valeurs de l’adolescent sont beaucoup plus proches de celles de ses parents qu’on ne
le croit généralement.
3
Témoignages
Dans une entrevue accordée au mensuel gai Orientations, Richard Desrosiers, professeur à l’Université
du Québec à Montréal et père gai de deux adolescentes, aborde un aspect intéressant quant à l’impact
de l’homosexualité d’un parent sur les enfants. Voici ses propos :
La famille d’un gai, surtout les enfants, est contrainte au coming out. C’est-à-dire qu’un jour ou l’autre
l’enfant doit dire à sa gang de chums que son père est gai ou sa mère est lesbienne. Il y a une forme de
coming out à faire. Ce n’est pas le seul parent qui porte le poids d’avoir à dire publiquement qu’il est gai
[...] Ma fille aînée trouve ça difficile au secondaire présentement. Elle a quinze ans. Elle me dit qu’elle n’a
pas de problème à le dire à ses copines mais elle a des problèmes à l’avouer aux garçons. Je sais quand
elle emmène un garçon chez moi puisqu’elle ferme la porte de mon bureau, le seul endroit où la présence
de cartes postales au mur indique que je suis gai (Orientations, 1999).
Ce témoignage d’un père gai est révélateur de l’impact de l’homoparentalité chez les jeunes. S’il est vrai
que les enfants issus d’une famille homoparentale devront, un jour ou l’autre, passer par une sorte de
coming out, il va sans dire que l’appui de l’entourage (milieu scolaire, groupe de pairs) aura des bénéfices importants et non négligeables pour l’intégration sociale et l’épanouissement psychologique du
jeune. Toutefois, comme le témoignage suivant le démontre bien, si ce « coming out familial » n’est pas
sans causer quelques désagréments à ces enfants, ils en ressortent la plupart du temps avec des valeurs
de tolérance et d’ouverture bien au-dessus de la moyenne. Voici le témoignage d’un jeune homme dont
le père est gai :
Moi j’ai eu à le dire lorsque j’étais en deuxième ou troisième année du secondaire. J’avais environ quinze
ans. Je n’ai jamais eu peur. Je me suis fait niaiser longtemps mais j’étais fier de l’avoir dit. Maintenant
encore, j’ai vingt-trois ans, j’accompagne mon père souvent et on nous regarde de travers. Mais je le
défendrai toujours [...] C’est toujours plus difficile de le dire aux gars. À quinze ans, ça m’a tout pris pour
le dire à mes amis de gars. On dirait que les filles ont une plus grande ouverture d’esprit [...] Je suis peutêtre un homme moins axé sur les choses que les hétéros aiment comme le sport ou la mécanique. Je préfère
approfondir mes relations sur le plan humain plutôt que sur le plan pratique. Ça c’est vrai parce que si je
me compare à mes amis hétérosexuels qui vivent avec des filles, je suis complètement différent d’eux. Je
pense vraiment pas de la même manière. C’est ce que j’aime de ce que je suis devenu (Orientations, 1999).
Dans le même ordre d’idées, écoutons maintenant Salomé, une jeune adolescente de 16 ans dont le père
est gai :
Je l’ai dit à mon meilleur ami, à mes deux amies proches et à mon petit ami. Ils ne sont pas choqués, car
cela fait partie de la vie quotidienne, mais quand même, ils sont surpris qu’un homosexuel ait eu des
enfants. Cela les a bouleversés dans leurs préjugés, et dans le bon sens. Pour eux, le principal, c’est que
moi, je n’en souffre pas [...] Je ne veux pas que des gens que je côtoie soient au courant alors qu’ils n’ont
pas la maturité suffisante et qu’ils ne connaissent pas l’homosexualité comme je la connais. Je préfère le
dire à des gens qui comprennent [...] La différence, quand on est petit, on la vit comme une exclusion et
c’est assez dur. Plus tard, quand on grandit, ça devient intéressant. Et, quand on se sent exclu, il faut pouvoir retrouver quelqu’un de semblable pour pouvoir s’aider. C’est notre différence qui fait notre alliance
(Dubreuil, 1998).
Que peut-on en conclure ?
La plupart des études sur l’homoparentalité et le développement psychosocial des enfants issus de
familles homoparentales vont toutes dans le même sens : les craintes, idées reçues et préjugés ne sont
pas confirmés par les faits. Aucune des recherches effectuées à ce jour ne permet de conclure que les
enfants de parents homosexuels seraient désavantagés sous quelque aspect que ce soit par rapport aux
autres. Les résultats convergent tous vers un même message clair et non équivoque : l’environnement
familial construit par les parents des deux groupes d’enfants leur fournit des contextes de croissance
psychosociale comparables. Lorsque se produisent des problèmes, c’est la qualité de l’environnement, de
l’encadrement et de croissance qui en est vraisemblablement responsable dans tous les cas. Autrement
dit, le divorce de parents hétérosexuels (et les limites qu’il impose parfois quant aux droits de visites des
enfants), l’alcoolisme ou la toxicomanie d’un des parents affectent la qualité de l’environnement des
enfants beaucoup plus que la structure du couple en tant que tel.
4
De même que pour toutes autres formes d’intolérance, la première étape
essentielle est, à notre avis, de reconnaître la nécessité d’en parler, de
permettre un climat propice aux échanges constructifs et de créer un lieu
où il est permis de s’exprimer ouvertement, sans crainte d’être jugé ou
culpabilisé. C’est dans ce contexte que sont présentées les activités
pédagogiques. Il ne s’agit pas de provoquer ou de favoriser le dévoilement
de jeunes adolescents issus d’une famille homoparentale, mais bien de
permettre à tous et chacun d’exprimer peurs et préjugés, mythes et fausses
croyances véhiculés à propos de l’homosexualité et de l’homoparentalité.
Pistes et suggestions d’activités
Que l’on soit homosexuel, hétérosexuel ou bisexuel,
il existe une multitude de façons de vivre son
orientation sexuelle (en couple ou en célibataire,
avec ou sans enfant, dans l’abstinence ou dans
une variété d’expériences ou de partenaires). Et,
avec la reconnaissance croissante des couples
homosexuels, nul doute que de plus en plus d’enfants
auront un ou deux parents d’orientation homosexuelle
ou bisexuelle.
Faisons confiance à l’enfant dans sa capacité à entendre qu’il a été adopté,
qu’il est né par un moyen non traditionnel, ou encore qu’il évolue dans une
Comme tous les enfants ayant le sentiment d’être différents, que ce soit pour structure familiale non ordinaire. Nos enfants ne sont pas nous et il n’est pas
des raisons ethniques, religieuses ou encore à cause de caractéristiques juste de leur mettre un fil à la patte qui les empêchera de prendre leur envol
physiques comme le poids, l’astigmatisme et bien d’autres, les enfants issus vers leur vie. Donnons priorité à l’information à l’enfant : clarté prime sur
normativité (Dubreuil, 1998).
de familles homoparentales subissent parfois des réactions blessantes.
leur fasse confiance dans leurs capacités d’autonomie à utiliser les ressources à leur disposition et
ce, même s’ils sont atypiques, c’est-à-dire être à l’aise
par rapport au fait qu’ils vivent dans une structure
familiale différente des autres (Julien et al., 1994 ;
Quelles seraient vos réactions spontanées ? Dubreuil, 1998). Pendant l’adolescence, la notion
Comment pensez-vous que Benoît se sent ? D’après de différence peut parfois être difficile à vivre. Le
fait de pouvoir en parler en classe, d’en discuter,
vous, pourquoi Benoît n’a-t-il rien dit à son ami ?
pourra permettre aux étudiants issus de familles
homoparentales de se sentir moins isolés, moins
Mise en situation II
marginalisés. Ces étudiants ont besoin de bienveilÀ la maternelle, l’enseignante de Charles a lance de la part de la collectivité, et l’école demeure
demandé aux enfants de dessiner leur famille. un lieu privilégié pour favoriser le support auprès
Charles s’exécute et dessine un homme, un autre d’eux, tout comme auprès des autres enfants.
homme, une petite fille et un petit garçon. De
retour à la maison, le père de Charles, voyant la
mine basse de son fils, lui demande ce qui ne va Outil pédagogique
pas. Charles montre son dessin à son père et ce
dernier voit sur le dessin un gros « scratch » rouge Pour vos étudiants :
sur l’un des hommes (Dubreuil, 1998).
L’instit : Le bouc émissaire, de Gudule, Paris, Hachette
jeunesse (Bibliothèque verte), 1998, 159 p.
Que pensez-vous de l’attitude de l’enseignante ?
D’après vous, quel impact cela peut-il avoir sur
Comme les exemples de littérature jeunesse à théCharles ?
matique homosexuelle en langue française sont
Que feriez-vous à la place du père ?
plutôt rares, c’est avec empressement que nous
Questions d’animation pour le retour en plénière vous suggérons cette lecture pour vos étudiants du
secondaire de second cycle, d’autant plus que c’est
Quel peut être l’impact pour les enfants et les un bon roman pour les jeunes de 10 ans et plus et
adolescent(e)s d’avoir un parent d’orientation qu’il est en lien direct avec le sujet abordé dans ce
texte, c’est-à-dire l’homoparentalité. En résumé, ce
homosexuelle ?
Quelles sont les craintes que la société véhicule à livre relate les mésaventures d’Éric et de Kellian qui,
l’endroit des parents d’orientation homosexuelle ? suite à la séparation de leurs parents, ont choisi de
Est-il vrai que les homosexuels ne peuvent pas être demeurer avec leur père et le conjoint de ce
dernier. Mais voilà qu’un exhibitionniste intimide
de bons parents ?
Les enfants de parents homosexuels sont-ils plus à des enfants de leur petit village et que le secret
risque d’être marginalisés que les autres enfants ? d’Éric et de Kellian est publiquement dévoilé : leur
Les enfants de parents homosexuels sont-ils plus à père est homosexuel ! Évidemment, plusieurs font
un lien direct avec le pédophile que la police
risque de devenir eux-mêmes homosexuels ?
recherche toujours activement, et les deux enfants
se voient stigmatisés par leurs pairs. Leur instituConclusion
teur aura tout un travail à faire pour remettre les
Les enfants doivent pouvoir à la fois circuler et pendules à l’heure et amener les jeunes et les
s’enraciner dans leur famille. Ils ont besoin qu’on moins jeunes à aller au-delà de leurs préjugés.
il y a une autre femme à table, que la mère de mon
ami me présente comme sa compagne. Je comConsignes (pour les activités prends que Benoît vit avec une mère homosexuelle
(Dorais et Sansfaçon, 1996).
de mises en situation)
Activité 1
Dans un premier temps, il serait
préférable de séparer le groupe d’élèves
en sous-groupes de quatre ou cinq personnes.
Ensuite, il s’agit de distribuer les mises en situation
et les questions qui s’y rapportent. Les élèves
devront répondre à chacune des questions en
sous-groupes.
Dans un deuxième temps, il s’agit de revenir en
grand groupe sous forme de plénière et de poursuivre les échanges sur les questions rattachées à
chacune des mises en situation. L’enseignante ou
l’enseignant trouvera des questions additionnelles
pour alimenter la discussion des élèves en plénière.
De plus, pour les enseignantes et enseignants
désireux d’approfondir ce thème, nous proposons
quelques lectures complémentaires que l’on pourra
retrouver dans la section « Documents utiles ». La
durée de cette activité est d’environ 50 minutes.
Mise en situation I
Benoît m’invite chez lui après l’école. En arrivant
chez lui, nous allons dans sa chambre où nous
écoutons de la musique. Au moment de souper,
sa mère m’invite à rester et j’accepte. Lors du repas,
5
Documents utiles
Références bibliographiques
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même sexe, Paris, Éditions Odile lesbian parents, Californie, The Crossing Press, 1988.
Jacob, 1998, 332 p.
ASSOCIATION DES PARENTS ET FUTURS PARENTS
Association des parents et futurs GAYS ET LESBIENS. Petit guide bibliographique à
parents gays et lesbiens. Petit l’usage des familles homoparentales et des autres,
guide bibliographique à l’usage des familles homo- Paris, APGL, 1997.
parentales et des autres, Paris, APGL, 1997.
BOZETT, F. W. “How and Why they disclose their
Ces deux ouvrages publiés en France apportent une
pierre supplémentaire pour le droit à la parentalité
des personnes homosexuelles. Le premier, Des
parents de même sexe, est un recueil de témoignages
d’hommes et de femmes homosexuels qui ont des
enfants ou souhaitent en avoir. La parole est également donnée aux enfants qui, en toute franchise,
racontent les difficultés qu’ils ont eues à accepter
l’homosexualité de leurs parents, et donnent leur
vision de ces couples de même sexe. Quant au second
ouvrage, publié par l’Association des parents et futurs
parents gays et lesbiens, il s’agit d’une recension non
exhaustive de textes traitant de l’homoparentalité (la
plupart des recherches proviennent des États-Unis).
Classé par thèmes (psychologie, droit, sociologie) puis
par auteurs, le recueil se termine par des résumés
d’articles qui, selon les auteurs, sont une base essentielle pour quiconque désire en connaître davantage
sur l’homoparentalité.
and divorced heterosexual mothers”, dans F. W.
Bozett (Éd.), Homosexuality and the family, New York,
Harrington Park Press, 1989, p. 123-135.
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JULIEN, D., DUBÉ, M. et GAGNON, I. « Le développehomosexuality to their children”, Family relations, 29, ment des enfants des parents homosexuels comparé
à celui des enfants de parents hétérosexuels », Revue
1980, p. 173-179.
québécoise
de psychologie, Vol. 15, No 3, 1994,
BUREAU DE LA STATISTIQUE DU QUÉBEC.
Compilation de la population adulte, Québec, 1994. p. 135-153.
erratum
Une erreur s’est glissée lors de la production du petit
Magazine de la formation personnelle et sociale de l’été
2000 qui portait le titre « Ras-le-bol du sida ! ». Veuillez
noter que l’auteure du texte est madame Caroline
Munger. Le nom de madame Julie Pelletier a été ajouté
par mégarde.
sur le sida et du ministère de l’Éducation, Direction de la formation générale des jeunes, Margaret Rioux-Dolan, directrice
• Rédactrice en chef : Pascale Sauvé • Redacteur : Louis Leclerc • Collaboration : Francine Duquet (UQÀM), Richard Cloutier
(CQCS/MSSS) • Révision linguistique : Johanne Summerside • Conseiller à l’édition et à la rédaction : Jean-Yves Daigle
• Assistante à l’édition et à la rédaction : Denise Thériault • Conception graphique : Anna Amari • Impression : S.I.N.A. inc.
N.B. : Le générique masculin désigne aussi bien les hommes que les femmes et est utilisé sans discrimination, dans le seul but d’alléger le texte.
6
13-3700-05
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Nul doute qu’après une lecture de ces deux ouvrages, New York, Free Press, 1984, p. 171 à 187.
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le personnel enseignant se sentira mieux outillé pour
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contrer les préjugés tenaces à l’égard des parents GOLOMBOK, S., SPENCER, A. et RUTTER, M. “Children Child developement, 63, 1992, p. 1025-1042.
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WELZER-LANG, D., DUTEY, P. et DORAIS, M. La peur and psychiatry, 24, 1983, p. 551-572.
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GOTTMAN, J. S. “Children of gay and lesbian parents”, Lesbian, gay and bisexual identities across lifespan:
Montréal, VLB Éditeur, 1994.
dans F.W. Bozette et M.B. Sussman (Eds.), psychological perspectives, New York, Oxford
Les deux premiers textes de cet ouvrage sont forte- Homosexuality and family relations, New York, University Press, 1995.
ment suggérés à ceux et celles qui désirent en savoir Harrington Park Press, 1990, p. 177-196.
PAUL, J. P. “Growing up with a gay, lesbian, or bisexual
un peu plus sur l’homosexualité, les préjugés qui y
parent: An exploratory study of experiences and
GREEN,
R.
“Sexual
identity
of
37
children
raised
by
sont rattachés et l’homophobie. Écrit dans un langage
perceptions”, dans Julien, D., Dubé, M. et Gagnon, I.,
homosexual
or
transexual
parents”,
American
journal
simple et accessible, il pourra être lu autant par les
« Le développement des enfants de parents homosexenseignantes et enseignants que par les étudiants of psychiatry, 135, 1978, p. 692-697.
uels comparé à celui des enfants de parents hétéroGREEN, R., MANDEL, J. B., HOTVEDT, M. E., GRAY, J.
eux-mêmes.
sexuels », Revue québécoise de psychologie, Vol. 15,
DORAIS, M. et SANSFAÇON, D. « À propos de et SMITH, L. “Lesbian mothers and their children: A No 3, éditeur, 1986, p. 135-153.
l’orientation sexuelle... », Le petit Magazine de comparison with solo parent heterosexual mothers POLLOCK, S. et VAUGHIN, J. Politics of the heart: A
la formation personnelle et sociale, Vol. 4, No 5, and their children”, Archives of Sexual Behavior, 7, lesbian parenting anthology, Ithaca, Firebrand Books,
1986, p. 175-181.
printemps 1996.
1987.
Ce numéro sur l’orientation sexuelle permettra à l’en- HITE, S. The Hite Report, New York, Dell, 1976.
seignante et à l’enseignant de distinguer les différents HITE, S. The Hite Report on Male Sexuality, New York, RAFKKIN, L. Different mothers: Sons and daughters of
lesbians talk about their lives, Pittsburg, Cleiss Press,
concepts reliés à la sexualité (identité, orientation, rôle A. Knopf, 1981.
sexuel, etc.), concepts qui sont encore souvent confon- HUGGINS, S. L. “A comparative study of self-esteem 1990.
dus dans la littérature. Nous suggérons d’ailleurs of adolescent children of divorced lesbian mothers
fortement de lire ce numéro avant même d’aborder le
thème de l’homoparentalité. Ajouté au présent
numéro, il permettra au personnel enseignant de se
Ce petit Magazine de la formation personnelle et sociale est une publication conjointe du Magazine jeunesse, Pascale Sauvé,
éditrice, Geneviève Lussier, éditrice adjointe, du ministère de la Santé et des Services sociaux, Centre québécois de coordination
familiariser avec les thématiques de l’homosexualité.