Handicap, Institution et Sexualité - Les Papillons Blancs de l`Essonne

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Handicap, Institution et Sexualité - Les Papillons Blancs de l`Essonne
Dossier
Et à la MAS
“Je reconnais à chaque individu
une sexualité. Ceci étant, en tant
que professionnelle, j’estime que
pour toute relation il y a nécessité
d’accord bilatéral. Or, la difficulté à
la MAS est de recueillir l’avis des
résidants qui pour la plupart ne
parlent pas.
Ce sujet de la sexualité est vaste et
m’a toujours questionnée. Je me
réjouis qu’il soit abordé dans ce
journal.”
Une AMP de la MAS
De l’intimité…
Lors d’une réunion d’équipe sur le thème de la
sexualité, notre réflexion nous a amenés à
nous questionner sur le sens de ce terme et de
ce qu’il englobe : intimité, intégrité et respect
de la personne handicapée, inscription dans
une pratique culturelle…
En effet, de quelle façon retranscrire dans son
intégralité les mots des résidants sans en
déformer leur sens et sans s’exposer à nu à un
public inconnu ?
Nous ne désirons pas trahir la confiance qu’ils
mettent en nous. La sexualité n’est-elle pas
propre à chacun et de ce fait “personnelle” et
ressentie différemment par chaque personne ?
N’oublions pas que ce thème reste un sujet
“tabou” dans les institutions. Les résidants
peuvent expliquer avec leurs propres mots leur
comportement “amoureux” mais en aucun cas
faire une analyse générale sur le thème de la
“Sexualité Handicap et Institution”.
A l’issue de cette réflexion, nous avons souhaité aborder le sujet avec les résidants mais par
souci de discrétion et d’éthique, nous avons
décidé de ne pas faire état de leurs propos.
Le personnel du Foyer de vie
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atire - d’aile - Journal des papillons blancs du Val d’Orge - numéro 4
Handicap, Institution et Sexualité
Parler de la sexualité n’est jamais facile,
pour qui que ce soit.
Notre époque est davantage ouverte aux
questions concernant l’homme dans son
intégralité : l’amour, la reproduction, le sexe
(homo et hétérosexualité). Les médias diffusent largement les débats, les lois, les
controverses inhérents à ces problèmes, eu
égard aux interrogations éthiques, religieuses, philosophiques soulevées. La problématique de la personne handicapée vient s’ajouter quand il s’agit d’en parler, que ce soit
en famille ou en institution.
Or comme tout citoyen, le sujet handicapé a droit au plaisir, au désir et doit
encore être plus protégé contre les abus
et les maladies liés à la sexualité. Sans
cesse de nouveaux délits et crimes
sexuels sont dénoncés et punis. Si la prévention est importante, la communication et l’information en sont les éléments
privilégiés. Il faut en parler !!
C’est pourquoi nous avons décidé d’organiser une grande journée d’étude avec les
professionnels des établissements, les
personnes handicapées et les familles sur
Interrogations des travailleurs
Voici quelques témoignages recueillis sur le
site de Draveil concernant :
la vie sexuelle des adultes handicapés,
la vie sexuelle par rapport à un couple avec
enfant (présent ou à venir).
Sur les quelques travailleurs interrogés,
nous ressentons un peu la même chose. Ils
éprouvent un besoin sentimental, une
affection, un apport de bien-être, un plaisir
et des rapports sexuels.
Une envie de faire sa vie avec quelqu’un et
pourquoi pas, avoir un enfant. Mais la question se pose : Qu’adviendra-t-il de cet
enfant ? Sera-t-il normal ou handicapé ?
Pourrais-je le garder ?
Un de nos travailleurs a rencontré sa
compagne tardivement. Ce qu’il recherchait au départ, c’était une amitié et une
affinité féminine suite à la perte d’un être
cher. Il a voulu vivre tout de suite avec
cette personne, pour ne pas être seul et
en plus créer une famille. Il dit avoir fait
le thème : Handicap, Institution et
Sexualité. Programmée initialement en
novembre 2002, elle est reportée dans le
courant du 1er semestre 2003, des préoccupations d’ordre prioritaires ayant
interférées.
Mais dès ce jour, nous faisons appel à
vous tous, amis lecteurs, pour apporter
vos témoignages, vos questionnements,
votre façon de voir se dérouler la journée,
comment participer, etc …
D’ores et déjà, nous avons constaté combien il est difficile aux intervenants de ces
premiers témoignages d’exprimer ce qui
est de l’ordre de l’intime et souvent d’un
vécu douloureux, mais aussi les joies rencontrées dans le partage de sentiments,
d’affections et d’émotions. Nous espérons
que ce dossier suscitera de nombreuses
autres questions nous permettant d’alimenter et d’organiser les débats de notre
colloque.
Merci d’avance pour vos idées, vos suggestions.
Françoise Gekiere
Premiers éléments de réflexion d’un professionnel
une " programmation " pour avoir des
enfants, sans pour cela se poser des
questions. A la naissance des enfants, il
voulait avoir un suivi de ceux-ci avec une
aide maternelle. Maintenant, ils sont en
famille d’accueil et cela se passe bien.
Le rêve, pour l’ensemble de ces personnes,
c’est d’avoir un appartement et de vivre
ensemble, tout en réfléchissant bien avant.
A propos des enfants, pour ceux qui en voudraient, ce n’est pas de savoir s’ils seraient
normaux, mais c’est de savoir si, sans papa
et maman, ils pourraient les assumer.
Bernard Lallemand
La juxtaposition de ces termes a une
tendance à laisser entendre qu’il existe
une sexualité handicapée. Il nous paraît
important de poser un préalable dans la
réflexion sur ce sujet. En effet, tout être
humain désire, éprouve du plaisir et
manifeste de l’amour quel que soit son
handicap et sa déficience. La sexualité
ne doit pas être réduite à l’acte sexuel.
Elle représente une des dimensions fondamentales de la santé physique et
mentale. Elle s’inscrit dans une dimension globale de la personne humaine à
la recherche d’un “vivre heureux” en
développant la nécessité d’avoir une
relation avec elle-même et avec les
autres. Au sein des institutions médicosociales et sanitaires, il est à préciser
que le thème de la sexualité n’a pas la
même résonance pour les professionnels et les usagers selon les modalités
de prise en charge. Abordons-nous et
parlons-nous de la même chose dans
une structure d’hébergement pour
adultes et dans une institution pour
enfants et adolescents en externat ?
Ange-Gabriel Ferrandi
Professionnel de l’IME “Les Pampoux”
Dossier
atire - d’aile - Journal des papillons blancs du Val d’Orge - numéro 4
Une question de fond
Mère de deux jeunes femmes handicapées,
la déficience de l’une est plus grave que
celle de l’autre. Il a fallu faire face à tous les
problèmes liés à leurs évolutions. Après les
problèmes de santé, l’annonce du handicap,
ce fut le problème de l’avenir intellectuel,
affectif, puis sexuel. Quelle contraception
adopter ? L’une peut prendre la pilule, l’autre pour des raisons de santé, ne peut avoir
de contraception. Chacune est aujourd’hui
amoureuse et a un petit ami.
La prise en compte de leurs désirs légitimes
doit cependant être envisagée avec la plus
extrême circonspection.
Vis à vis du sexe, avec leurs difficultés émotionnelles, elles se trouvent en situation de
vulnérabilité :
• les risques de maladies vénériennes,
• les risques d’une grossesse... avec peutêtre un jour un nouvel arrêt Perruche,
• La ligature des trompes ... théoriquement
interdite car considérée comme une
mutilation par le droit, elle nécessite aussi
l’agrément de la jeune femme handicapée. Ce qui pose le problème (qu’elle refuse ou qu’elle accepte) de la validité de son
consentement : on pourra penser qu’elle a
peut-être mal compris ou bien qu’elle a
répondu sous la contrainte.
L’interruption de grossesse : le pire, la loi
pouvant considérer qu’il s’agit d’un crime
sévèrement punissable si cet acte a été
effectué sans l’avis éclairé ou contre l’avis
de la personne handicapée. Mais qui va
définir la notion d’”avis éclairé” d’une adolescente ou femme handicapée mentale ?
Qui s’occupera psychologiquement de la
future mère handicapée lors de la préparation de l’accouchement ? Cela peut-être
Le point de vue du gynéco
plus traumatisant que bénéfique.
Si l’enfant de la jeune handicapée est lui
même anormal, qui doit l’élever ? Les
grands-parents ? Mais auront-ils encore la
force et le temps d’assumer ? La femme
handicapée pourra-t-elle le faire elle-même
? La DDASS ou la société devront prendre
l’enfant en charge, mais dans quelles conditions ?
En tant que parent concerné, je pense qu’il
est grand temps que parents, éducateurs et
services sociaux aient des réflexions approfondies en commun, avec une intervention
incontournable des psychiatres, soutenue
par une association de handicapés mentaux
pour donner satisfaction dans leur épanouissement .
Une maman
Tous les droits ?
Nous pensons que nous pouvons et
devons REINVENTER la vie pour nos
enfants porteurs d’une trisomie 21 :
Comment :
Droit à la différence !
Pourquoi :
Parce qu’ils ont le droit de VIVRE !
Où :
Les intégrer dans notre société et faire
tout pour ne pas les imposer.
Quand :
A tous les instants de notre vie.
Pour eux :
Ils ont le droit de travailler,
Ils ont le droit d’être respectés,
Ils ont le droit de vivre,
Ils ont le droit d’être heureux,
Ils ont le droit d’aimer, de s’aimer, de
vivre en couple…mais ils ont peut-être
le devoir de ne pas avoir d’enfants…
Madame Benoît,
une maman amie des Papillons Blancs
La personne handicapée mentale peut
vivre sa sexualité dans le partage réciproque du désir, du plaisir et de la relation amoureuse. Mais l’approche
psychologique, s’immisçant dans l’intimité du vécu, en est délicate, car elle
est gênée, variablement selon les
degrés du handicap, par des difficultés
de communication, de compréhension
et de mise en application des conseils
ou prescriptions. Il faut cependant établir une bonne relation entre le médecin et la personne handicapée en prenant tout le temps nécessaire pour
expliquer et être bien compris. Il s’agit
de protéger une personne exposée à des
sollicitations sexuelles extérieures en
mobilisant aussi le concours éclairé de
l’environnement familial et/ou institutionnel.
Le rôle du gynécologue est essentiellement préventif vis à vis des problèmes
posés par la survenue d’une grossesse
et ceux liés aux Maladies Sexuellement
Transmissibles (M.S.T.), par exemple le
SIDA.
Si la grossesse est désirée ou acceptée,
elle est alors le fruit de la libre disposition de la personne ou du couple handicapé. Mais il faut penser, pour cet
enfant, à son devenir en tant que personne assistée par la famille (les
grands-parents le plus souvent), ou par
la société, ainsi qu’à sa confrontation
au handicap parental.
Si la grossesse est indésirable, elle
conduira à une Interruption Volontaire
de Grossesse (I.V.G.).
- soit par la méthode médicale (pilule
du lendemain) qui nécessite un suivi de
surveillance pendant plusieurs semaines,
- soit par une intervention chirurgicale
: issue brutale, au vécu intolérable.
La contraception est sollicitée le plus
souvent par l’entourage proche : les
parents ou l’institution. Elle se fera par
des méthodes hormonales ou mécaniques.
En cas d’impossibilité d’application de ces
méthodes, on peut être amené à discuter
de l’indication de la ligature des trompes
chez la femme ou des déférents chez
l’homme. On touche ici à l’intégrité de la
personne, qui n’est parfois pas à même de
donner son accord. Le problème éthique
soulevé est source d’âpres discussions
pour trouver une solution à chaque cas et
de culpabilité pour l’entourage qui a pris
la décision.
Les M.S.T. constituent une préoccupation
majeure de prévention, avec des difficultés accrues chez la personne handicapée :
proposer le préservatif, seule méthode
préventive de base actuellement …,
demande de grandes explications et de la
persuasion.
En cas de doute, devant la notion de rapports sexuels à risque, s’impose un
contrôle gynécologique avec prélèvements et la mise en route rapide d’un
traitement adapté.
Le suivi gynécologique de la personne
handicapée s’avère assez complexe,
demandant une attention particulière,
mais il est valorisant par la perception de
son utilité dans la conduite de la vie
sexuelle du sujet.
Raoul Gekiere
“Ca fait rien, j’attendrai…”
Notre fils Luc – nous l’appellerons ici Luc - qui est le benjamin
de sa fratrie de 5 frères et sœurs,
avait environ 25 ans lorsqu’il
remarqua, lors de ses retours en
famille (il vit en foyer de vie) une
fillette de notre groupe HLM,
d’une dizaine d’années.
Il nous en parlait souvent et la
recherchait lorsqu’au beau temps,
nous faisions des parties de boules, au bas de l’immeuble.
Suzette, appelons-là ainsi, n’avait
au début rien remarqué et se
mêlait volontiers à nos parties
mais les regards énamourés et
admiratifs de Luc ont révélé ses
sentiments et Suzette s’est mise à
distance puis n’est plus venue.
Luc a vécu un chagrin d’amour
avec des pleurs, des réveils nocturnes et des appels qui nous ont
troublés, nous, ses parents. Et
lorsqu’à bout d’arguments pour le
consoler nous lui disions que
Suzette était encore une enfant et
qu’il ne pourrait pas l’épouser, il
a répliqué “ça fait rien, j’attendrai”.
Avec le temps, Luc semble avoir
accepté. Il a des amitiés féminines dont il nous parle et voudrait
se marier. Nous n’y voyons pas
très clair.
Les parents de Luc
73 et 70 ans
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