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La Coercition Reproductive Vécue dans un Contexte de Relations Intimes
Journal International De Victimologie
International Journal Of Victimology
Année 13, Numéro 1 - 2016
La Coercition Reproductive Vécue dans un Contexte de
Relations Intimes :
Revue des Définitions, Outils de Mesure et Facteurs de Risque
Associés
Lévesque, S., & Rousseau, C. [Québec, Canada]
Département de Sexologie, Université du Québec À Montréal
Résumé
La coercition reproductive (CR) porte atteinte à l’autonomie reproductive, à la santé et au bien-être des individus
qui en sont victimes. Se manifestant par des comportements qui interfèrent avec la contraception et la
planification des naissances, la CR est un concept émergent encore peu documenté dans les études sur les
violences entre partenaires intimes. Conséquemment, cette recension des écrits publiés entre 2000 et 2015
permet : (1) d’identifier les concepts associés à la RC et présenter ses différentes manifestations, (2) de dresser
un état empirique chez les femmes en âge de procréer, (3) d’exposer les facteurs de risque associés à sa
survenue, et (4) d’identifier les instruments de mesure développés. Les résultats font état d’une prévalence
élevée, variant entre 9% et 25 % selon les outils retenus et les populations sondées. Ils mettent en exergue la
paucité des études francophones s’intéressant à ce construit et l’absence d’outils validés dans cette langue. Les
recherches futures devraient poursuivre le travail entamé sur l’opérationnalisation de cette forme de violence et
les outils de mesures associés. Il est aussi nécessaire d’obtenir un portrait plus approfondi de sa prévalence et
ses manifestations au sein de différentes populations afin d’orienter les interventions et le travail des
professionnels de la santé.
Mots-clés : coercition reproductive, violence entre partenaires intimes, violences sexuelles, autonomie
reproductive, contraception, santé reproductive.
Abstract
Reproductive coercion (RC) affects a person’s reproductive autonomy, health and well-being. Defined as
behaviours that interfere with family planning and contraception, RC is an emerging concept in the violence
between intimate partners literature. Consequently, this literature review of studies published between 2000 and
2015 allows: 1) to identify RC associated concepts and describe its various displays, 2) to present an empirical
portrait of RC in women of childbearing age, 3) to document associated risk factors, and 4) to report on
measurement instruments. The results indicate a high prevalence, ranging between 9% and 25% depending of
the chosen measurement tools and populations surveyed. They highlight the paucity of Francophone studies
concerned with this construct and the lack of validated tools in that language. Future research should focus on
better defining this concept and the context in which it is studied, and carry on the work initiated on
measurement instruments. It is necessary to get a better knowledge of RC’s prevalence rates in different
populations and to document it occurrences in order to adapt interventions and to guide health professional’s
actions.
Key-Words: reproductive coercion, intimate partner violence, sexual violence, reproductive autonomy,
contraception, reproductive health.
Journal International De Victimologie 13(1)
La Coercition Reproductive Vécue dans un Contexte de Relations Intimes
À
l’intersection des domaines des violences - violence entre partenaires intimes (VPI) et
violences sexuelles - et de la santé reproductive, la coercition reproductive (CR), définie comme des
comportements qui interfèrent avec la contraception et la planification des naissances et réduisent l’autonomie
reproductive féminine (American College of Obstetricians and Gynecologists, 2013; Silverman & Raj, 2014), est
un concept émergent encore peu utilisé dans les enquêtes sur les violences, mais surtout peu documenté,
notamment dans les écrits francophones. Depuis de nombreuses années, la littérature démontre sans
équivoque les liens entre la santé reproductive d’une part et la violence sexuelle ou la violence vécue dans un
contexte de relation intime d’autre part (Campbell, Woods, Chouaf, & Parker, 2000; Coker, 2007; de Sousa,
Burgess, & Fanslow, 2014; Miller & Silverman, 2010). Leur présence limite la sélection de moyens contraceptifs,
leur négociation et leur usage, augmente le recours à la contraception d’urgence et est associée à une
fréquence plus importante de grossesses non-désirées et d’interruptions volontaires de grossesse ainsi qu’à un
risque accru de transmission d’infections transmissibles sexuellement ou par le sang (ITSS) (Clark, Allen, Goyal,
Raker, & Gottlieb, 2014; Gee, Mitra, Wan, Chavkin, & Long, 2009; Pallitto et al., 2013; Silverman & Raj, 2014).
Le concept de CR est à cet égard intéressant pour mieux définir certains liens entre la VPI et ses impacts sur la
santé reproductive. À l’heure actuelle, de nombreux chercheurs incluent la CR sous les termes plus englobant
de violence entre partenaires intimes, violence sexuelle, ou violence sexuelle entre partenaires intimes, sans
étudier ses corrélats uniques, les mécanismes qui sont en œuvre ou les impacts qui lui seraient particuliers
(Chamberlain & Levenson, 2012; Kazmerski et al., 2014; Miller et al., 2010a; Miller et al., 2007; Miller &
Silverman, 2010; Moore, Frohwirth, & Miller, 2010; Thiel de Bocanegra, Rostovtseva, Khera, & Godhwani,
2010).
Ainsi, malgré un intérêt constant des autorités de santé publique et des acteurs des réseaux de la santé
et des services sociaux à l’endroit de la santé reproductive des femmes en âge de procréer d’une part, et de la
victimisation d’autre part, la santé reproductive en lien avec les expériences de victimisation ne sont que
partiellement explorées et connues. Conséquemment, différentes questions demeurent en suspens : Comment
se manifeste la CR chez les femmes en âge de procréer? Quels sont les facteurs de risque qui lui sont
associés? La paucité des études disponibles sur la CR chez cette population limite aussi la portée des
interventions préventives et curatives pouvant leur être offertes. Peu d’écrits nous éclairent sur les besoins
pressentis des femmes et les stratégies à mettre en place afin de promouvoir chez elles une meilleure santé
sexuelle et reproductive et mettre un terme à la violence qu’elles subissent.
Conséquemment, cette recension des écrits vise à (1) identifier les concepts et les définitions associés à
la CR, en plus de présenter ses différentes manifestations, (2) présenter un état empirique de la CR chez les
femmes en âge de procréer, (3) présenter les facteurs de risque qui sont associés à sa survenue dans les
différentes études recensées, et (4) faire état des instruments de mesure développés afin d’étudier la CR. Enfin,
les principales lacunes notées dans ce domaine de recherche et d’intervention et les réflexions qu’elles suscitent
seront mises de l’avant.
Méthodologie
Une recherche dans six bases de données, PubMed, Science Direct, Web of Science, APA PsycNET,
Virtuose et Érudit, a été effectuée. Les titres des articles, les résumés et les mots-clés ont été sondés à l’aide
des termes sabotage contraceptive methods, pregnancy coercion, pregnancy pressure, birth control sabotage,
sexual coercion, reproductive coercion, coercive reproduction, contraception sabotage, condom sabotage, de
même que coercition reproductive, violence reproductive et coercition sexuelle. Des troncatures de plusieurs de
ces mots ont aussi été utilisées pour élargir la recherche. Les bibliographies des articles retenus ont été
parcourus afin d’identifier des références additionnelles. Suivant cette première étape, tous les articles ont été
revus afin de s’assurer qu’ils correspondaient aux critères d’inclusion, soit a) document en français ou en
anglais; b) présentation de données quantitatives ou qualitatives liées à la coercition reproductive - et non pas
uniquement associées à la violence perpétrée par le partenaire intime – et c) publication entre 2000 et 2015.
Une seconde étape de recherche ciblant la littérature grise a ensuite été effectuée. Des sites web
gouvernementaux et d’organisations nationales et internationales œuvrant en santé reproductive ou en santé
des femmes ont été consultés pour obtenir des références additionnelles, tels des guides de pratiques cliniques,
des communications et des typologies de la violence. Au total, 54 documents, dont 50 articles publiés dans des
revues avec comité de pairs, constituent le corpus sur lequel repose cette recension (figure 1). Aucun article ou
document publié en langue française ne correspondait aux critères de sélection.
La Coercition Reproductive Vécue dans un Contexte de Relations Intimes
Figure 1.
Inclusions et exclusions des documents retenus aux fins d’analyse
Documents identifiés par
recherche systématiques sur des
bases de données
n=69
Documents identifiés par d’autres
moyens : recherche à la main de
résumés via les références de
divers articles n=34
Documents restants après retrait des
doublons (titres, auteurs)
n=65
Documents exclus en lisant les
résumés
n=10
Articles en texte intégral éligibles
suite à la lecture des résumés
n=55
Articles en texte intégral exclus :
• Concernaient seulement la
violence conjugale sans mention
de la coercition reproductive
n=5
Articles retenus dans la recension
n=50
Documents ajoutés en cours de
recension:
• Recommandations
provinciales et fédérales
(n=3)
• Chapitre de livre (n=1)
Articles totaux dans la recension
n=54
Définir la Coercition Reproductive
Issu du latin constringere, le terme coercition renvoie à l’action de contraindre, soit d’obliger quelqu’un à
agir d’une certaine manière, l’amener à telle action ou tel état, malgré sa volonté et son désir. Le tableau 1
présente différentes définitions associées au champ des violences et permet de constater rapidement que
plusieurs éléments communs liés à la coercition se retrouvent dans des termes distincts. Toutefois, bien que le
cadre dans lequel elle se produit et le sens qu’on lui attribue varient selon les études retenues, il est reconnu
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que la CR se traduit par des comportements de contrôle et de force qui sont infligés dans le but d’interférer ou
d’orienter la trajectoire contraceptive et reproductive de l’autre partenaire (American College of Obstetricians and
Gynecologists, 2013; Francis, Malbon, Braun-Courville, Linares, & Rosenthal, 2015; E. Miller, Jordan, Levenson,
& Silverman, 2010b). Elle se manifeste par l’impossibilité, pour la personne qui en est victime, de détenir le
contrôle sur ses choix reproductifs; en effet, le partenaire impose ses intentions reproductives en faisant usage
d’intimidation, de menaces et de violence (Moore et al., 2010). Ainsi, le partenaire peut poser des actes visant à
détruire ou à ne pas utiliser de méthodes contraceptives, à faire la promotion de la grossesse lorsque la femme
ne désire pas être enceinte et à adopter des comportements coercitifs dans le but de forcer la femme à
continuer ou mettre un terme à la grossesse en cours, contre sa volonté (Black et al., 2011; Miller & Silverman,
2010; E. Miller et al., 2010b; Upadhyay, Dworkin, Weitz, & Foster, 2014).
La CR se produit généralement dans un contexte de relations intimes entre deux partenaires, où il y a
présence de relations sexuelles, majoritairement consentantes. La violence entre partenaires intimes est
perpétrée par quelqu’un qui a été, qui est ou qui voudrait être en relation intime ou en fréquentation avec une
personne. La nature de la relation serait donc soutenue et intime (American College of Obstetricians and
Gynecologists, 2013; Chamberlain & Levenson, 2012). Comme le signale Logan (2015) au sujet de la coercition
sexuelle, il y a présomption d’un consentement continu à l’égard des relations sexuelles au sein d’une relation
intime; plus spécifiquement « il y a présomption que la relation sexuelle consentante crée un précédent de
consentement qui est particulièrement difficile à analyser distinctement de la coercition sexuelle ou de l’absence
d’autonomie dans le consentement » (p.112, traduction libre). Toutefois, comme l’indique de façon très à-propos
i
le jugement de la Cour Suprême du Canada (2014) , un consentement doit être fait au regard des paramètres
dans lesquels se déroule la relation sexuelle. Ainsi, un acte de tromperie comme celui de mentir au sujet du
préservatif invalide la notion de consentement.
Tableau 1
Principales définitions des concepts associés à la coercition reproductive
Termes
Définitions
Violence entre partenaires
intimes
« Tout comportement au sein d'une relation intime qui cause préjudice ou qui cause
des souffrances physiques, psychologiques ou sexuelles aux personnes qui font partie
de cette relation. Il s'agit, entre autres, des comportements suivants (Krug et al., 2002,
p.97) :
Actes d'agression physique, comme des gifles, des coups de poing, des coups
de pied et des volées de coups;
Violence psychologique, comme le recours à l'intimidation, à l'humiliation et au
rabaissement constant.
Rapports sexuels forcés et autres formes de coercition sexuelle;
Divers comportements autoritaires ou tyranniques, comme d'isoler une
personne de sa famille et de ses amis, de surveiller ses faits et gestes, et de
limiter son accès à toute aide ou information. »
Comportements causant un préjudice ou des souffrances qui peuvent inclure des
blessures physiques, des abus psychologiques, des rapports sexuels forcés, de
l’espionnage, des tactiques coercitives et autres menaces par un partenaire actuel ou
ancien. La VPI peut survenir dans les couples de même sexe ou de sexe opposé, que
le couple habite ensemble ou pas (Chamberlain et Levenson, 2012, p.37).
Violence sexuelle
Inclut le viol, avoir été contraint de pénétrer quelqu’un, la coercition sexuelle, les
contacts sexuels non-désirés et les expériences sexuelles non-désirées sans contact
(Black et al., 2011, p.6)
Violence sexuelle entre
partenaires intimes
Un viol ou une agression sexuelle qui se produit entre deux personnes qui ont ou ont
déjà eu une relation sexuelle consensuelle (Phiri-Alleman et Alleman, 2008, p.155).
Coercition reproductive et
sexuelle
Comportements faits dans le but de maintenir le pouvoir et le contrôle sur la santé
reproductive du/de la partenaire. Cette personne est, était, ou aimerait être en relation
intime ou amoureuse avec une adolescent(e) ou un(e) adulte (Chamberlain et
Levenson, 2012, p.6).
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La Coercition Reproductive Vécue dans un Contexte de Relations Intimes
Coercition sexuelle
Comprend un éventail de comportements faits dans le but d’influencer les décisions de
la partenaire en ce qui concerne sa sexualité. Ces comportements, qui peuvent
survenir dans un couple hétérosexuel ou homosexuel, incluent : mettre une pression
constante sur la partenaire dans le but d’avoir une relation sexuelle, menacer de
terminer la relation si la partenaire refuse d’avoir une relation sexuelle, forcer une
relation sexuelle sans condom et sans utilisation prophylactique et d’intentionnellement
exposer la partenaire à des ITSS, incluant le VIH, ou la menacer de représailles si la
partenaire contracte une ITSS. (Chamberlain et Levenson, 2012, p.7).
Coercition reproductive
La coercition reproductive survient lorsque le partenaire masculin pose des actes
visant à détruire les pilules contraceptives, met de la pression sur la femme pour
qu’elle n’utilise pas de moyens contraceptifs ou fait la promotion de la grossesse
lorsque la femme ne désire pas être enceinte (Upadhyay et al., 2014, p.20).
La coercition reproductive se produit lorsque le partenaire de la femme lui demande ou
la force à accepter ses intentions reproductives, avec ou sans regard de l’intention
reproductive de celle-ci. Le partenaire peut faire usage d’intimidation, de menaces et
de violence (Moore et al., 2010, p.2).
Contrôle coercitif
Type de contrôle qui s’inscrit dans un patron d’intimidation, d’isolement et de contrôle
utilisé par les hommes dans le but de limiter la liberté des femmes et qui peut
s’accompagner de violence physique, verbale ou sexuelle (Stark, 2007, p. 5).
Contrôle de la santé
reproductive ou sexuelle
Inclut le contrôle ou les tentatives de contrôle sur la santé reproductive du partenaire
ou son autonomie décisionnelle. Catégorisé comme une conséquence de la violence
sexuelle (Basile et al., 2014, p.15).
L’utilisation de violence physique, ou de menaces de violence physique, dans le but
d’obtenir, ou tenter d’obtenir, une relation sexuelle anale, orale, ou vaginale nondésirée. Inclut la pénétration forcée et l’utilisation d’objets lors du rapport sexuel ainsi
que la pénétration non-désirée, lorsque la victime est incapable de donner son
consentement ou est inconsciente (par ex. : la victime dort ou est sous l’influence
d’alcool ou de drogues) (Bagwell-Gray, Messing et Baldwin-White, 2015, p.8).
Agression sexuelle entre
partenaires intimes
Abus sexuel entre
partenaires intimes
L’utilisation de tactiques d’abus psychologique et de manipulation dans le but de
maintenir la/le partenaire intime dans une position de soumission incluant de
l’humiliation sexuelle, des expériences sexuelles sans contact non-désirées et du
contrôle reproductif et sexuel (Bagwell-Gray, Messing et Baldwin-White, 2015, p.8).
Activités sexuelles avec
usage de force physique
Expériences sexuelles non-désirées, incluant un contact physique sans pénétration,
comme de se faire embrasser, caresser ou empoigner certaines parties intimes du
corps (Black et al., 2011, p.17).
Autonomie reproductive
Renvoie au pouvoir décisionnel et au contrôle associés au choix de méthodes
contraceptives, à la grossesse et à la maternité. Ainsi, les femmes contrôlent leur désir
d’enfant et la période au cours de laquelle elles veulent en avoir, l’utilisation de
méthodes contraceptives en plus de choisir quand l’utiliser. Ceci leur permet de
contrôler la survenue et la poursuite (ou non) d’une grossesse (Upadhyay et al., 2014,
p.20).
Sabotage contraceptif
Se produit lorsque le partenaire sexuel détruit ou n’utilise pas correctement une forme
de contraception/méthode contraceptive en n’informant pas sa partenaire, espérant
ainsi la contraindre à devenir enceinte de son enfant (Moore et al., 2010, p.17).
Le partenaire masculin détruit ou manipule la méthode contraceptive pour forcer la
grossesse, et tenter de garder sa partenaire captive de la relation. Peut prendre la
forme de la destruction de la méthode contraceptive, trouer les condoms, retirer de
force l’anneau vaginal ou le stérilet. Le sabotage contraceptif se produit à travers un
ensemble complexe de facteurs sociaux et historique, qui fait varier la perception d’une
personne au sujet de la contraception, de la reproduction, et de l’autonomie féminine
(Trawick, 2012, p.1).
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Plusieurs auteurs (American College of Obstetricians and Gynecologists, 2013; Chamberlain &
Levenson, 2012; Miller & Silverman, 2010; Moore et al., 2010), ont sous-divisé le concept de CR en trois
catégories : 1) le sabotage contraceptif; 2) les pressions relatives à la grossesse et 3) la coercition durant la
grossesse. La figure 2 s’appuie sur la littérature recensée et présente les différents construits associés à la
coercition reproductive, ainsi que des exemples de ses manifestations. Ces construits et leurs manifestations
ont été classifiés en s’appuyant sur les principales catégories identifiées par la littérature et détaillés en fonction
de la nature des actes violents (Krug, Dahlberg, Mercy, Zwi, & Lozano-Ascencio, 2002).
Le sabotage contraceptif est défini comme étant l’interférence avec la méthode contraceptive de la
partenaire par l’utilisation d’une ou plusieurs de ces tactiques : cacher, saboter ou détruire les pilules
contraceptives; briser ou percer les condoms, enlever le condom durant la relation sexuelle; ne pas utiliser le
retrait comme convenu; retirer l’anneau vaginal, les timbres contraceptifs ou le stérilet (Chamberlain &
Levenson, 2012). Le partenaire peut faire usage de violence physique pour nuire à la contraception de sa
partenaire, ou se servir de stratégies plus insidieuses telles que l’utilisation volontairement inadéquate du
condom et le non-respect du retrait. Au niveau économique, le partenaire peut empêcher ou réduire l’accès aux
services de santé en ne soutenant pas financièrement la femme. Au niveau psychologique, le partenaire peut
utiliser la menace, l’accusation et la pression afin de manipuler la partenaire.
Les pressions relatives à la grossesse renvoient aux comportements qui ont pour but de mettre de la
pression sur la femme en faisant la promotion de la grossesse, sans égard à ses intentions reproductives
(American College of Obstetricians and Gynecologists, 2013; Chamberlain & Levenson, 2012; Clark et al.,
2014). En ce sens, l’homme peut mettre de la pression sur la femme afin qu’elle n’utilise pas de moyens
contraceptifs ou menacer de blesser physiquement ou psychologiquement la femme si elle ne devient pas
enceinte (par ex., mettre un terme à la relation, infidélité) (Upadhyay et al., 2014). Finalement, la coercition lors
de la grossesse renvoie aux comportements coercitifs qui se manifestent lorsque la femme ne répond pas aux
demandes de son partenaire quant à l’issue de sa grossesse (American College of Obstetricians and
Gynecologists, 2013; Chamberlain & Levenson, 2012; Moore et al., 2010). Ainsi, le conjoint peut menacer sa
partenaire qui ne désire pas être enceinte et la forcer à mener à terme sa grossesse ou encore forcer la
partenaire à mettre fin à celle-ci, même si ce n’est pas ce qu’elle désire (Chamberlain & Levenson, 2012; Clark
et al., 2014; Miller et al., 2010a; Miller & Silverman, 2010; Moore et al., 2010; Silverman et al., 2010). Le
partenaire peut aussi blesser physiquement la partenaire de façon à provoquer une fausse couche
(Chamberlain & Levenson, 2012; de Sousa et al., 2014).
Au niveau économique, le partenaire peut empêcher financièrement la femme d’avoir accès à
l’avortement en refusant de contribuer aux frais liés à l’interruption volontaire de grossesse (IVG), ou en créant
des obstacles économiques afin que l’IVG soit plus difficile d’accès (p.ex., ne pas prêter sa voiture pour se
rendre aux rendez-vous) (Moore et al., 2010).
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La Coercition Reproductive Vécue dans un Contexte de Relations Intimes
Figure 2
Typologie de la coercition reproductive
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Prévalence
Les données sur la prévalence de la CR démontrent de façon convaincante qu’il ne s’agit pas d’un
phénomène isolé. Les quatre études recensées documentant sa prévalence rapportent des taux variant entre
9% et 16% pour les femmes vivant avec un partenaire intime qui ne pose pas de gestes de violence conjugale,
tandis que ces taux augmentent jusqu’à 25% pour les femmes vivant avec un partenaire intime qui pose des
gestes de violence conjugale, selon la méthodologie, les outils de mesure et les populations retenus (Black et
al., 2011; Clark et al., 2014; Miller et al., 2010a; Silverman et al., 2011). De façon plus ciblée, une enquête
téléphonique populationnelle menée aux États-Unis rapporte que 9% des femmes ont été victimes de CR (Black
et al., 2011). Les taux de prévalence seraient toutefois plus élevés au sein d’échantillons de femmes recrutées
en milieu clinique. Les données obtenues par Miller et collaborateurs (2010a) révèlent que 19,1% des 1278
femmes de 16 à 29 ans sondées en clinique de planification familiale avaient été victimes de coercition quant à
l’issue de leur grossesse, alors que 15% avaient été victimes de sabotage contraceptif (Miller et al., 2010a). La
prévalence de la CR est aussi élevée au sein de l’échantillon de l’étude de Clark et collaborateurs (2014),
recruté dans une clinique d’obstétrique et de gynécologie du Rhode Island aux États-Unis: 16% des femmes se
présentant à leur rendez-vous gynécologique rapportent avoir déjà vécu, au moins une fois dans leur vie, une
forme de CR. Au cours de la grossesse, c’est plus d’une femme sur dix qui rapporte avoir vécu de la coercition
lors de celle-ci (11%). Au Québec, cette problématique ne semble pas chiffrée.
Les données empiriques font état des liens étroits entre la CR et la VPI. Selon une étude qualitative
menée par Miller et collaborateurs (2007) auprès de 53 jeunes femmes, le quart des adolescentes qui sont en
relation avec un partenaire abusif rapportent avoir vécu de la CR. Chez les adolescentes ayant donné naissance
et ayant été victime de VPI, 66% d’entre-elles rapportent que leur partenaire faisait du sabotage contraceptif
(Raphael, 2005). D’ailleurs, une étude révèle qu’une femme sur huit ayant vécu de la VPI au cours de la
dernière année rapporte aussi avoir été victime de violence physique lors de sa grossesse. Le nombre
d’incidents violents rapportés lors de la grossesse serait d’environ 15 occurrences (Williams & Brackley, 2009).
Parallèlement, une proportion importante de femmes désirant avoir recours à l'IVG rapportent être ou avoir été
victimes de VPI (Chamberlain & Levenson, 2012; Côté & Lapierre, 2014; Hall, Chappell, Parnell, Seed, &
Bewley, 2014). Une étude menée par Silverman et collaborateurs (2010) auprès de 1318 hommes âgés entre
18 et 35 ans fréquentant un service de santé communautaire dans la région de Boston, aux États-Unis, révèle
qu’un participant sur trois rapporte avoir perpétré de la violence physique ou sexuelle envers sa partenaire
(31,9%). Les participants rapportant avoir exercé de la violence envers leur partenaire sont plus susceptibles de
rapporter avoir été impliqué dans une IVG (48.9%) comparativement aux hommes non abusifs (25.9%). Les
hommes violents seraient également plus enclins à rapporter des conflits avec leur partenaire enceinte quant à
l’issue de la grossesse (Silverman et al., 2010).
Jusqu’à maintenant, l’étude de la CR est limitée aux couples hétérosexuels (Chamberlain & Levenson,
2012). De plus, bien que des cas de violence perpétrée dans un contexte de relations intimes de même que des
cas de violences sexuelles à l’endroit des hommes soient documentés (Ansara & Hindin, 2010; Tjaden &
Thoennes, 2006), une seule étude informe sur la CR vécue par les hommes. Dans une étude nationale menée
aux États-Unis auprès de 8 079 hommes, 10,4% des hommes ont rapporté que leur partenaire intime tentait
d’être enceinte lorsqu’ils ne désiraient pas avoir d’enfant, 8,7% tentait d’empêcher l’utilisation de moyens
contraceptifs et 3,8% de celles-ci refusaient d’utiliser le condom (Black et al., 2011).
Mesurer la Coercition Reproductive
À notre connaissance, peu d’outils validés sont disponibles pour étudier la coercition reproductive en
anglais, et aucun ne semble l’être en français (voir tableau 2 en annexe). L’apport le plus important en terme
d’outils de mesure visant la CR consiste en deux échelles de mesure développées par Miller et collaborateurs
(2010a), puis modifiées par Clark et collaborateurs en 2014. Ces questionnaires brefs auto-rapportés ciblent
directement la coercition lors de la grossesse et le sabotage contraceptif et permettent d’établir s’il y a présence
ou non de CR. Le questionnaire abordant la coercition lors de la grossesse comporte 6 questions développées
par les chercheurs. Ces questions visent à mesurer la présence de gestes qui ont pour conséquence de
contraindre la femme à devenir enceinte. Ces questions ciblent cette forme de violence dans un contexte de
relation intime. Le questionnaire abordant le sabotage contraceptif comporte 5 questions développées par les
chercheurs en s’appuyant sur les résultats d’une étude qualitative (Miller et al., 2007). Il a comme objectif de
mesurer la présence de gestes qui visent à réduire la capacité de la femme à utiliser une méthode contraceptive
pour se protéger adéquatement contre une grossesse non-désirée, également dans un contexte de relation
intime. L’équipe de Clark et collaborateurs (2014) ont pour leur part élaboré un outil de mesure qui s’appuie sur
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La Coercition Reproductive Vécue dans un Contexte de Relations Intimes
les résultats de Miller et collaborateurs (2010a). Suite à un prétest mené auprès de 14 femmes, 28 questions
finales ont été rédigées. Le questionnaire comprend 10 questions démographiques, 3 questions sur la VPI, 1
question adressée aux victimes de CR pour savoir ce que les professionnels de la santé auraient pu faire selon
elles pour les aider, 7 questions sur la coercition lors de la grossesse et 7 questions additionnelles sur le
sabotage de moyens de contraception. Le questionnaire comprend ainsi 14 questions axées spécifiquement sur
la CR.
Gee et collaborateurs (2009) ont, quant à eux, développé un questionnaire de 31 items, interrogeant la
VPI, les connaissances sur la contraception et son usage, l’histoire de la santé reproductive et les facteurs
démographiques. Le questionnaire a été développé dans le but d’identifier les facteurs cliniques associés à la
VPI. Pour les questions sur la violence, le CDC’s Behavioral Risk Factor Surveillance System IPV module a été
utilisé (Gee et al., 2009). Ce questionnaire comporte cinq questions sur la VPI, quelques questions
démographiques et des questions sur les impacts du contrôle du partenaire à l’égard de l’usage de
contraception. Ce questionnaire a été testé pour sa validité et sa lisibilité auprès de 30 patientes. Enfin,
l’enquête National Intimate Partner and Sexual Violence Survey (NISVS) du Centers for Disease Control and
Prevention portant sur la violence intime et sexuelle menée auprès des citoyens américains âgés de 18 et plus
met de l’avant 2 questions (sur 60) qui ciblent spécifiquement la CR (Black et al., 2011). Ces questions
mesurent le sabotage contraceptif. Par ailleurs, ces questions ciblent particulièrement la présence de CR dans
un contexte de relation amoureuse ou sexuelle. (voir tableau 2 en annexe).
Facteurs de risque associés à la coercition reproductive
Comme la recherche dans ce domaine en émergence demeure limitée, peu de facteurs de risque
peuvent être dégagés concernant la CR chez les femmes. Les facteurs recensés sont présentés selon les
niveaux individuels, relationnels, communautaires et sociétaux du modèle écologique (Krug et al., 2002). Il
importe de rappeler ici que ces facteurs sont tirés d’études réalisées aux États-Unis; le contexte politique, social,
culturel et économique étant reconnu exercer une influence importante dans le domaine des violences
interpersonnelles (Krug et al., 2002).
Tableau 3
Facteurs de risques associés à la coercition reproductive
Être victime de violence reproductive
Niveau individuel
Démographique
• Jeune âge
• Origine ethnique autre que caucasienne
• Avoir un faible statut financier
• Avoir un faible niveau d’éducation
• Ne pas avoir d’assurances médicales
Santé mentale
• Présenter des symptômes dépressifs
Niveau relationnel
• Être célibataire
• Avoir un partenaire plus âgé
• Être victime de VPI
• Être victime de violences sexuelles
Niveau communautaire
• Présence de normes sociales genrées
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Lévesque & Rousseau
Niveau individuel.
Jeune âge. Être adolescente ou jeune adulte serait un facteur de risque associé à une probabilité accrue
pour les femmes de vivre de la CR. Une étude réalisée par Miller et collaborateurs (2010a) sondant 3539
femmes âgées entre 16 et 29 ans démontre que les femmes âgées entre 16 et 20 ans sont proportionnellement
plus nombreuses à rapporter un épisode récent de CR (6,0%) comparativement aux femmes âgées de 25 à 29
ans (3,5%). Dans une étude réalisée auprès de femmes en hébergement pour victimes de violence conjugale,
77% des femmes âgées entre 19-32 ans rapportent du sabotage contraceptif, comparativement à 42% des
femmes ayant 33 ans et plus (Thiel de Bocanegra et al., 2010).
Origine ethnique. Les liens entre l’origine ethnique et la victimisation par coercition reproductive sont
complexes. Aucune tendance claire ne semble se dégager de l’analyse des études consultées. Ainsi, une étude
de Clark et collaborateurs (2014), menée auprès de 641 femmes âgées de 18 à 44 ans, révèle que les femmes
qui rapportent avoir vécu de la CR sont plus susceptibles d’être afro-américaines, de s’identifier comme
appartenant à plus d’un groupe ethnique, ou d’une autre ethnie que caucasienne comparativement aux femmes
qui n’ont pas vécu de CR. Toutefois, les femmes qui rapportent avoir vécu à la fois de la CR et de la VPI sont
plus susceptibles d’être caucasiennes, latino-américaines ou de s’identifier comme étant d'origine multiethnique
que les femmes ayant vécu de la CR sans VPI. Une autre étude soutient que les femmes n’étant pas
caucasiennes rapportaient davantage d’épisodes de CR récents; parmi elles, ce sont les femmes s’identifiant
comme afro-américaines qui rapporteraient le plus haut taux de CR (13%) (E. Miller et al., 2014).
Éducation. Aucun constat clair ne se dégage quant à l’association entre l’éducation et la CR, puisque
des résultats contradictoires sont observés dans les deux études ayant documenté cette variable. Ainsi, selon
l’étude de Miller et coll. (2014), un faible niveau d’éducation serait associé à la présence de CR. Toutefois, ces
résultats diffèrent dans l’étude de Clark et coll. (2014), où les femmes rapportant le plus haut taux de CR sont
celles ayant débuté des études collégiales, comparativement aux femmes moins scolarisées.
Ne pas avoir d’assurances médicales. Les femmes rapportant de la CR sont 2,2 fois plus susceptibles
de recevoir des soins médicaux gratuits de l’hôpital, et 1,6 fois plus susceptibles de ne pas avoir d’assurance ou
ne pas savoir si elles ont des assurances (Clark et al., 2014).
Présenter des symptômes dépressifs. Très peu d’études ont documenté la question de la santé mentale
en lien avec la CR. Dans une étude réalisée auprès d’adolescentes en milieu urbain aux États-Unis, celles
indiquant avoir vécu de la CR rapportent un niveau plus élevé de symptômes dépressifs que celles n’ayant pas
vécu de sabotage contraceptif. Les adolescentes qui présentent des symptômes modérés ou sévères de
dépression sont 3,4 fois plus à risque de rapporter un épisode de sabotage contraceptif que les femmes qui n’en
rapportent pas (Francis et al., 2015).
Niveau relationnel.
Être célibataire. Le fait d’être célibataire ou incertaine de son statut relationnel augmenterait les risques
d’être victime de CR. En effet, les femmes s’identifiant comme célibataire ou dans une relation de fréquentation
sont 2 fois plus à risque de rapporter de la CR que les femmes qualifiant leur relation intime d’engagée. Par
ailleurs, les femmes incertaines de leur statut relationnel sont 6 fois plus à risque de rapporter de la CR que les
femmes engagées dans une relation (Clark et al., 2014).
Avoir un partenaire plus âgé. Les femmes ayant vécu du sabotage contraceptif ont tendance à rapporter
fréquenter des partenaires plus âgés comparativement à celles qui n’en rapportent pas (Francis et al., 2015).
Être victime de VPI. Être victime de VPI serait le facteur de risque le plus important lié à la CR. Cinq
études se sont penchées sur les associations entre ces deux formes de victimisation. Les femmes vivant avec
un partenaire violent sont plus à risque de rapporter une grossesse non-planifiée (Krug et al., 2002). Selon Miller
et coll. (2014), la probabilité de vivre une grossesse non-planifiée dans la dernière année est accrue en situation
de cooccurrence (CR et VPI); ainsi, les femmes rapportant à la fois de la CR et de la VPI sont deux fois plus
susceptibles d’avoir vécu une grossesse non-planifiée alors que cette probabilité décroit légèrement lorsque les
femmes rapportent uniquement de la CR. Une autre étude menée par Miller et collaborateurs en 2010 confirme
cette association : les femmes exposées à la VPI sont plus à risque de vivre de la CR que les femmes ne vivant
pas de violence (Miller et al., 2010a). Les femmes vivant de la VPI sont plus susceptibles de rapporter que leur
grossesse leur a été imposée par leur partenaire (13% comparativement à 2% des femmes sans VPI) (Hall et
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al., 2014). La grossesse vécue dans un contexte de coercition sexuelle est considérablement plus à risque de
se terminer en IVG lorsqu’il y a présence de VPI (Hall et al., 2014). D’ailleurs, les femmes étant dans une
relation de VPI sont près de trois fois plus susceptibles de ne pas communiquer à leur partenaire leur intention
d’avoir recours à une IVG (Hall et al., 2014).
Les adolescentes âgées de 14 à 20 ans rapportant de la VPI sont près de 3 fois plus susceptibles de
rapporter craindre négocier le condom à cause des conséquences négatives que cela peut entraîner de la part
de leur partenaire (p.ex., rompre la relation, être contrainte d’avoir des activités sexuelles non-désirées) que
celles ne rapportant pas de VPI (Silverman et al., 2011). De même, les adolescentes rapportant de la VPI sont
considérablement plus à risque de vivre des expériences négatives à la suite de la demande d’utilisation du
condom que les adolescentes ne rapportant pas de VPI et d’avoir été contraintes d’avoir une relation sexuelle
sans utiliser le condom (Silverman et al., 2011). Chez les femmes ayant rapporté de la CR, 32% d’entre-elles
rapportaient également la présence de VPI dans la même relation (Clark et al., 2014). Parallèlement, près de la
moitié (46,6%) des femmes vivant du sabotage contraceptif rapportent de la VPI dans la même relation (Clark et
al., 2014).
Être victime de violences sexuelles. Il y aurait un lien significatif entre la présence de violences sexuelles
et le sabotage contraceptif : 80% des femmes rapportant du sabotage contraceptif rapportent également avoir
vécu des relations sexuelles forcées (Thiel de Bocanegra et al., 2010).
Niveau communautaire.
Normes sociales genrées. L’étude de Davis et Logan-Greene (2012) indique que la présence d’attitudes
négatives envers les femmes est directement liée à une fréquence plus élevée d’agressions dans le but d’avoir
des relations sexuelles non protégées (Davis & Logan-Greene, 2012). La revue de littérature de Miller et
McCauley (2013) soutient l’impact négatif de la présence de normes sociales liées au genre chez les garçons
adolescents et jeunes adultes, puisqu’elles contribuent à augmenter la prévalence de violences (incluant la
violence sexuelle et reproductive) à l’égard des filles (E. Miller & McCauley, 2013).
Discussion
La CR est une dimension peu étudiée dans le domaine de la recherche sur les violences; les
connaissances sur sa prévalence demeurent limitées, les facteurs de risque sont peu documentés, les outils de
mesure sont peu nombreux, sinon inexistants en français, et peu d’entre-eux sont validés. Conséquemment, de
nombreux travaux de recherche seront nécessaires afin d’améliorer notre compréhension de la CR. Tout
d’abord, il importe d’adopter une définition commune, impliquant une conceptualisation claire des gestes qui la
constituent et de la notion de relation intime au sein duquel elle se manifeste. Ainsi, s’il est reconnu que la CR
se manifeste lors de contacts sexuels entre partenaires intimes, il n’est pas clair ce qu’intime signifie dans le
cadre de cette définition. S’agit-il d’un conjoint? Un partenaire amoureux? Un partenaire sexuel régulier sans
lien amoureux? Un ancien partenaire? Cette préoccupation n’est pas nouvelle et se pose aussi dans les
recherches sur la VPI (Dardis, Dixon, Edwards, & Turchik, 2015; Smith, White, & Moracco, 2009). À l’heure des
configurations relationnelles plus diversifiées (Rauer, Pettit, Lansford, Bates, & Dodge, 2013), cette variable
mérite d’être réfléchie. Il importe aussi d’obtenir un portrait plus approfondi de la prévalence de la coercition
reproductive et de mieux documenter ses manifestations au sein de différentes populations, en accordant une
attention soutenue aux différentes intersections porteuses d’oppression (p.ex., appartenance ethnique,
orientation sexuelle, âge) dans lesquelles vivent les individus pouvant accroitre leur vulnérabilité à être victime
de coercition reproductive.
Dans un article portant sur la nécessité de mieux appréhender la violence sexuelle, Logan et
collaborateurs (2015) apportent des précisions intéressantes qui méritent aussi d’être soulevées quant à la CR.
Ils mentionnent qu’actuellement, peu d’informations sont disponibles sur la trajectoire de la violence sexuelle au
sein du couple, par exemple à quel moment elle débute, comment elle se manifeste, ou comment elle évolue en
lien avec la relation intime. De même, ils nuancent que les modifications dans la trajectoire de la violence
sexuelle au sein du couple doivent aussi être analysées au regard des comportements de la victime qui se
modifient au fil du temps (Logan et al., 2015). Il en est de même pour la CR, pour laquelle ce type d’information
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n’est pas disponible actuellement. Pouvons-nous croire, à l’instar de la violence sexuelle qui se manifesterait
pour une proportion importante de femmes dans les deux ans suivant la mise en union (McFarlane et al., 2005),
qu’un délai est présent entre le début de la relation intime et la présence de CR? Les résultats de Miller et coll.
(2010a) obtenus auprès d’un échantillon clinique indiquent que pour 7% des femmes sondées, la CR s’est
déroulée à l’extérieur d’un cadre de violence entre partenaires intimes, induisant l’hypothèse que le contrôle
reproductif par le partenaire masculin précèderait la violence physique et sexuelle. Des études longitudinales
seront nécessaires pour statuer sur une telle possibilité, et documenter les patrons chronologiques conduisant à
la manifestation de CR. De même, la présence de discussions entre les partenaires intimes quant à une
séparation possible ou la présence d’une séparation est-elle un facteur de risque pour la CR, comme elle l’est
pour la violence sexuelle (DeKeseredy & Joseph, 2006)? Enfin, bien que la littérature recensée n’ait permis de
documenter la présence de CR chez les hommes que par le biais d’une seule étude, il serait fautif d’associer
une absence de données à une absence de coercition. Tout en reconnaissant que les enjeux diffèrent, les
femmes demeurant encore les seules à porter un enfant et à lui donner naissance, il s’avère nécessaire
d’étudier aussi la CR vécue par les hommes.
La violence et la CR ayant des conséquences néfastes sur la santé et le bien-être des personnes qui en
sont victimes, il apparait primordial de mettre sur pied des interventions à visée éducationnelle et préventive.
Celles-ci pourraient être dispensées dès l’entrée scolaire et se poursuivraient, en accord avec les étapes
développementales, tout au long de l’adolescence, afin de sensibiliser les adolescents à cette problématique
(American College of Obstetricians and Gynecologists, 2013; Teitelman, Tennille, Bohinski, Jemmott, &
Jemmott, 2011).
De plus la promotion de divers moyens contraceptifs permettrait d’augmenter les
connaissances des jeunes femmes sur les possibilités d’utiliser une contraception indétectable (Clark et al.,
2014; Hall et al., 2014; E. Miller & McCauley, 2013; E. Miller et al., 2014). De même, il est important que les
professionnels de la santé soient conscientisés sur cette problématique, mais aussi sur le rôle important qu’ils
ont à jouer pour contribuer à réduire sa survenue (Campbell et al., 2000; Thiel de Bocanegra et al., 2010). Pour
ce faire, les professionnels de la santé devraient être suffisamment formés afin de pouvoir identifier la présence
de CR et réduire son impact sur la santé reproductive des femmes (Miller & Silverman, 2010). Pour les aider
dans l’identification de CR et la présence de VPI ou de violence sexuelle, ils doivent disposer d’outils validés
(Clark et al., 2014; E. Miller et al., 2010b; Moore et al., 2010; Thiel de Bocanegra et al., 2010) À l’heure actuelle,
il ne nous a pas été possible de localiser des outils d’identification précoce de la coercition reproductive validés
en langue française. Finalement, il importe de développer des interventions qui abordent la CR en les évaluant
par la suite pour améliorer leur efficacité (Black et al., 2011; Coker, 2007; Kazmerski et al., 2014). En ce sens,
plusieurs études suggèrent d’adopter en premier lieu une approche de réduction des méfaits pour contrer la
problématique, ou amoindrir les impacts négatifs associés (Chamberlain & Levenson, 2012; E. Miller et al.,
2011; E. Miller et al., 2014; Silverman & Raj, 2014). À titre d’exemple, les médecins pourraient proposer, au
besoin, des moyens contraceptifs indétectables ou mieux adaptés à la situation de la femme (American College
of Obstetricians and Gynecologists, 2013; Miller & Silverman, 2010; E. Miller et al., 2010b; E. Miller et al., 2014).
Il faut également rendre disponible des services spécialisés, tels que des ressources s’adressant
spécifiquement aux femmes ayant vécu de la CR, pour pouvoir y référer les femmes qui en sont victimes (Miller
& Silverman, 2010; E. Miller & McCauley, 2013).
Conclusion
Les 30 dernières années ont vu croître de façon importante les connaissances liées au domaine des violences,
améliorant du même coup les stratégies de prévention et les interventions curatives qui lui sont destinées.
Toutefois, certaines de ses formes, telle la coercition reproductive, demeurent sous-documentées. Peut-être
parce qu’elle se situe dans la sphère privée de la sexualité et de l’intime, encore taboue, la coercition
reproductive a été moins scrutée que d’autres formes de violence. Ainsi, beaucoup de travail reste à faire afin de
mieux comprendre ses différentes manifestations, mais surtout les processus qui permettent sa cristallisation. Il
sera aussi nécessaire d’approfondir les liens qui la rattachent aux autres formes de violence pouvant se
manifester dans le cadre de relations intimes. Ses atteintes à l’autonomie reproductive et ses impacts négatifs
sur la santé et le bien-être des femmes qui en sont victimes, tels que la présence de grossesses non-désirées et
d’ITSS, en font un enjeu social et de santé important. Il est conséquemment espéré que tant la recherche que
l’intervention qui lui seront destinées au cours des prochaines années permettront d’unir différents champs
disciplinaires et génèreront la collaboration entre les soins de santé et les services sociaux.
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601-612. doi: 10.1177/1077801210366965
Tjaden, P. G., & Thoennes, N. (2006). Extent, nature,
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women survey (pp. 41).
Trawick, S. M. (2012). Birth control sabotage as
domestic violence: A legal response.
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Upadhyay, U. D., Dworkin, S. L., Weitz, T. A., &
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30(4),
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doi:
10.1080/01612840802710902
Une décision importante a été rendue par la Cour
Suprême du Canada en 2014, qui conclut que le sabotage
contraceptif constitue une agression sexuelle (Cour
Suprême du Canada, 2014). Un homme a été arrêté en
2012 après qu’il eut fait des trous dans les condoms qu’il
utilisait avec sa partenaire, à l’insu de celle-ci. À dessein,
l’homme voulait lui faire porter son enfant et a agi de
façon à parvenir à ses fins, même s’il savait que sa
partenaire n’était pas consentante. Le consentement
accordé par la femme concernait la relation intime, mais
dans des conditions particulières, soit avec la protection (le
port du condom), pour éviter une grossesse. Le
consentement de la femme a été reconnu comme n’étant
plus valide puisqu’elle avait donné son consentement pour
une relation sexuelle protégée (Trawick, 2012). Cette
décision, maintenue par le tribunal de plus haute instance
i
Journal International De Victimologie 13(1)
au Canada suite à un pourvoi de la Cour d’appel de la
Nouvelle-Écosse a permis de mettre en lumière l’une des
nombreuses manifestations de la coercition reproductive.
La Coercition Reproductive Vécue dans un Contexte de Relations Intimes
Tableau 2
Outils de mesure et d’identification associés à la coercition reproductive: Description, fiabilité et validité
Outil de mesure
Description
Coercition liée à la
grossesse (Pregnancy
coercion, traduction libre)
(Miller et al., 2010a)
Instrument de mesure auto-rapporté de 6 questions développées par les
chercheurs. Vise à mesurer la présence de gestes qui visent à
contraindre la femme à devenir enceinte. Cible cette forme de violence
dans un contexte de relation intime.
Questions :
- Est-ce que quelqu’un que tu fréquentes ou que tu as fréquenté:
1) T’a dit de ne pas utiliser un moyen contraceptif (comme la pilule,
l’injection, l’anneau, etc.)?
2) A dit qu’il te quitterait si tu ne devenais pas enceinte de lui?
3) T’a dit qu’il aurait un enfant avec quelqu’un d’autre si tu ne
devenais pas enceinte?
4) T’a déjà blessée physiquement parce que tu ne voulais pas
devenir enceinte?
5) A tenté de te forcer ou a mis de la pression pour que tu sois
enceinte?
- As-tu déjà caché une méthode contraceptive parce que tu avais peur
que ton partenaire soit fâché parce que tu l’utilises?
Instrument de mesure auto-rapporté de 5 questions développées par les
chercheurs en s’appuyant sur les résultats d’une étude qualitative (Miller
et al., 2007).
Vise à mesurer la présence de gestes destinés à réduire la capacité de
la femme à utiliser une méthode contraceptive pour se protéger contre
une grossesse non-désirée.
Cible cette forme de violence dans un contexte de relation intime.
Sabotage contraceptif
(Birth control sabotage)
(Miller et al., 2010a)
Échelle de réponse
Fiabilité et
Validité
Non documenté
Réponses dichotomiques :
oui/non
*Réponse positive à l’une de
ses questions confirmait la
présence de coercition de
grossesse
Non documenté
La Coercition Reproductive Vécue dans un Contexte de Relations Intimes
(Gee et al., 2009)
(Clark et al., 2014)
Questions :
- Est-ce que quelqu’un que tu fréquentes ou que tu as fréquenté:
1) A déjà retiré le condom lors d’une relation sexuelle afin que tu
deviennes enceinte?
2) A fait des trous dans le condom pour que tu deviennes enceinte?
3) A brisé intentionnellement un condom lors d’une relation sexuelle
pour que tu deviennes enceinte?
4) A pris tes moyens de contraception (comme tes pilules) ou t’a
empêché d’aller à la clinique médicale pour obtenir un moyen de
contraception afin que tu deviennes enceinte?
5) T’as contraint à avoir des relations sexuelles sans condom pour
que tu deviennes enceinte?
Instrument de mesure auto-rapporté de 31 items (VPI, connaissances
sur la contraception et son utilisation, histoire de santé reproductive,
démographie)
Cible cette forme de violence dans un contexte de relation intime, avec
un partenaire présent ou passé.
Les questions sur la coercition contraceptive ne sont pas clairement
présentées.
Dans les résultats présentés, deux questions sont rapportées :
1) (mon partenaire)… me rend difficile l’usage de moyens
contraceptifs.
2) J’ai eu une ou des relations sexuelles sans utiliser de
contraception car mon partenaire ne voulait pas que j’en utilise
ou souhaitait que je devienne enceinte.
Réponse positive à l’une de
ces questions confirmait la
présence de sabotage
contraceptif
Instrument de mesure auto-administré de 28 items (données
sociodémographiques, sous-échelle sur la coercition liée à la grossesse,
sous-échelle sur le sabotage contraceptif et sous-échelle sur la VPI).
Il y avait présence de CR était
si les femmes répondaient par
l’affirmative à l’une des 14
questions concernant le
sabotage contraceptif et la
coercition de grossesse
Possibilité de réponse ne sont
pas présentées
Les auteurs
mentionnent que
le questionnaire a
préalablement été
testé auprès de
30 participantes
pour s’assurer de
la clarté et lisibilité
des questions
La Coercition Reproductive Vécue dans un Contexte de Relations Intimes
7 questions sur la coercition liées à la grossesse, inspirées de Miller et
al. (2010).
- Est-ce que ton mari, copain, partenaire sexuel ou quelqu’un que tu
fréquentes t’a déjà…:
1) dit de ne pas utiliser un moyen contraceptif (comme la pilule,
l’injection, l’anneau vaginal, les timbres, etc.) ?
2) dit qu’il te quitterait si tu ne devenais pas enceinte ?
3) dit qu’il aurait un bébé avec quelqu’un d’autre si tu ne devenais
pas enceinte ?
4) blessé physiquement parce que tu ne voulais pas devenir
enceinte ?
5) essayé de te forcer physiquement à devenir enceinte ?
6) essayé de te mettre de la pression avec des mots, des
promesses ou des commentaires pour t’influencer à devenir
enceinte ?
7) As-tu déjà caché ton moyen contraceptif de ton mari, ton copain,
ton partenaire sexuel ou de la personne que tu fréquentes parce
que tu avais peur qu’il soit en colère contre toi parce que tu
utilisais un moyen contraceptif ?
7 questions sur le sabotage contraceptif, inspirées de Miller et al. (2010).
- Est-ce que ton mari, copain, partenaire sexuel ou quelqu’un que tu
fréquentes a déjà:
1) retiré un condom lors d’une relation sexuelle afin que tu deviennes
enceinte ?
2) fait des trous dans le condom afin que tu deviennes enceinte ?
3) brisé un condom intentionnellement lors d’une relation sexuelle afin
que tu deviennes enceintes ?
4) contraint à avoir une relation sexuelle sans condom afin que tu
deviennes enceinte ?
5) retiré le condom après que tu aies accepté d’utiliser le condom ?
6) pris tes moyens de contraception (comme tes pilules) et les a
cachés afin que tu deviennes enceinte ?
7) empêché d’aller à la clinique médicale pour obtenir un moyen de
contraception afin que tu puisses devenir enceinte ?
Réponses polychotomiques :
Oui/non/je ne sais pas/je ne
veux pas répondre
Non documenté
Réponses polychotomiques :
Oui/non/je ne sais pas/je ne
veux pas répondre
Alpha de
Cronbach = 0.71
La Coercition Reproductive Vécue dans un Contexte de Relations Intimes
Trois questions supplémentaires tirées d’un questionnaire standard
évaluant la VPI en contexte hospitalier si les femmes répondaient par
l’affirmative aux 14 questions précédentes (Basé sur le Abuse
Assessment Screen):
- Est-ce que ton mari, copain, partenaire sexuel ou quelqu’un que tu
fréquentes t’a déjà:
1) menacé ou blessé;
2) poussé, frappé, brulé ou blessé physiquement
3) forcé à faire quelque chose sexuellement que tu n’avais pas envie
de faire.
The National Intimate
Partner and Sexual
Violence Survey (CDC,
2011)
Instrument de mesure de 60 items portant sur la victimisation (violence
sexuelle, tactiques d’espionnage, agression verbale, contrôle coercitif,
contrôle de la santé sexuelle et reproductive et violence physique).
Questionnaire téléphonique mené auprès de la population américaine
adulte.
2 items sur le contrôle de la santé sexuelle et reproductive :
Combien de tes partenaires romantiques ou sexuels ont déjà…
- (Pour femme : essayé de te rendre enceinte lorsque tu ne voulais pas
devenir enceinte; Pour homme : essayé de devenir enceinte lorsque tu
ne voulais qu’elle devienne enceinte) ou a tenté de t’empêcher d’utiliser
une méthode de contraception?
- a refusé d’utiliser un condom lorsque tu voulais utiliser un condom?
Types de réponses nonspécifiées
Possibilité de réponse ne sont
pas présentées
Non documenté
La Coercition Reproductive Vécue dans un Contexte de Relations Intimes
Outils d’identification
Intimate Partner Violence
Screening Questions Reproductive coercion
(Chamberlain &
Levenson, 2012)
Description
Questionnaire de 3 items, créé par les auteurs, pour identifier les
femmes victimes de coercition reproductive dans un cadre clinique.
Adapté du questionnaire du Family Violence Prevention Fund (2010).
Cible la coercition reproductive dans le cadre de relations intimes chez
les femmes en âge de procréer.
Questions :
1) Est-ce que ton partenaire t’a déjà contraint à avoir une activité
sexuelle non désirée ou a-t-il déjà refusé ta demande de porter
un condom?
2) Est-ce que ton partenaire soutient ta décision quant au moment
et à ton choix de devenir (ou pas) enceinte?
3) Est-ce que ton partenaire a déjà interféré avec ta méthode
contraceptive ou tenté de te rendre enceinte quand tu ne le
souhaitais pas?

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