MALADIES DE PEAU GENETIQUES CHEZ LE CHIEN Tosso Leeb
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MALADIES DE PEAU GENETIQUES CHEZ LE CHIEN Tosso Leeb
MALADIES DE PEAU GENETIQUES CHEZ LE CHIEN Tosso Leeb Institute of Genetics, University of Bern, Bern, Switzerland DermFocus, University of Bern, Switzerland Introduction La génétique moléculaire de plusieurs génodermatoses canines a récemment été élucidée. L’espèce canine est celle où on rencontre le nombre le plus élevé de dermatoses d’origine génétique parmi les animaux domestiques. Au cours de cette conférence, je présenterai une revue des découvertes génétiques intervenues au cours des quatre dernières années suivie d’une compilation de quelques autres génodermatoses pour lesquelles la génétique moléculaire garde encore ses secrets. Génodermatoses avec une cause génétique connue Dysplasie ectodermique – syndrome de fragilité cutanée (DE-SFS) chez le Retriever de la baie de Chesapeake (OMIA 001864-9615) Cette affection (DE-SFS) touche les chiots qui meurent en quelques jours en raison de la gravité de leurs lésions cutanées. Grâce à des soins particuliers visant à éviter tout stress mécanique au niveau de la peau, il est possible de les garder vivants quelques mois mais le pronostic très réservé motive une euthanasie lorsque le diagnostic est établi. DE-SFS est causé par une mutation du site d’épissage du gène PKP1qui encode la plakophiline 1 (c.202+1G>C). Il s’agit d’une maladie héréditaire liée à un trait récessif autosomal monogénique. Il existe une maladie similaire chez l’homme et les Retrievers de la Baie de Chesepeake atteints de DE-SFS ont été proposés comme modèles pour évaluer de possibles traitements pour la maladie humaine (Olivry et al. 2012). Il existe un test génétique qui est recommandé comme outil diagnostique en cas de suspicion d’ED-SFS et aussi pour éviter des croisements accidentels entre porteurs par les éleveurs. Hyperkératose des coussinets chez l’Irish Terriers et les Kromfohrländer(OMIA 001327-9615) L’hyperkératose des coussinets aussi appelée hyperkératose héréditaire des coussinets (HFH en anglais) ou hyperkératose digitale (DH) est une maladie autosomale récessive. Le signe clinique dominant consiste en des fissures des coussinets des quatre pattes qui démarrent vers l’âge de 4-6 mois. Sans soins adéquats, ces fissures peuvent devenir très profondes. Des infections bactériennes secondaires peuvent compliquer la maladie et provoquer une douleur importante chez le chien. Avec des soins adaptés, les chiens atteints peuvent avoir une bonne qualité de vie et une longévité normale. Les chiens affectés ont un pelage d’aspect caractéristique, plus rêche et moins régulier que leurs congénères non-atteints. L’hyperkératose des coussinets est due à une mutation “faux sens” du gène FAM83G qui encode une famille avec une séquence de similarité 83-membre G, une protéine de fonction biochimique inconnue. Le phénotype chez des souris et des chiens mutants FAM83G suggère un rôle dans le maintien de l’homéostase de l’épiderme palmo-plantaire et une influence sur la croissance des poils (Drögemüller et al. 2014). Kérato-conjonctivite sèche et dermatose ichtyosiforme (CKSID en anglais) chez le Cavalier King Charles (OMIA 001683-9615) La kérato-conjonctivite sèche et la dermatose ichtyosiforme congénitale ou « syndrome de l’œil sec et du poil bouclé » (CKSID en anglais) est un trait héréditaire monogénique autosomal récessif. Les chiots atteints souffrent d’infections oculaires dès que leurs yeux s’ouvrent, en plus de changements au niveau du pelage et des coussinets. La gravité des problèmes ophtalmiques conduit à l’euthanasie. La CKSID est causée par une mutation déphasante (frameshift) du gène FAM83H (c.977delC; Forman et al. 2012). Donc, la CKSID est génétiquement proche de l’hyperkératose des coussinets qui est due, elle, à une variante du gène FAM83G. La famille du gène FAM83 est composée de huit membres (FAM83A – FAM83H) et jusqu’à présent, on en connait peu sur les fonctions biochimiques et physiologiques des protéines encodées. Si on se base sur les découvertes faites sur les chiens mutants FAM83G et FAM83H, il est tentant de penser que les autres membres de cette famille de gènes jouent probablement un rôle dans le maintien de l’intégrité de l’épiderme. Ichthyose du Bulldog américain (OMIA 001980-9615) Chez le Bulldog américain, cette génodermatose est aussi appelée ichtyose congénitale autosomale récessive (ARCI en anglais).Son phénotype se manifeste sous forme d’un pelage d’aspect ébouriffé tout de suite après la naissance, accompagné d’un squamosis généralisé avec des squames brunâtres et un érythème au niveau de la peau de l’abdomen (Mauldin et al. 2015). L’ARCI du Bulldogs americain est due à une variante non encore publiée du gène NIPAL4 (Casal, communication personnelle). Un test génétique est disponible à l’Université de Pennsylvanie. Ichthyose du Golden Retrievers (OMIA 001588-9615) L’ichtyose du Golden Retriever est une génodermatose fréquente dans cette race. Il s’agit d’un trait héréditaire autosomal monogénique. Les signes cliniques peuvent être assez discrets et parfois même restent non-détectés par le propriétaire. La lésion génétique est une variante complexe d’une mutation déphasante du gène PNPLA1. La découverte de cette variante chez le chien a aidé à la mise en évidence de variantes PNPLA1 comparables chez des patients humains présentant des ichtyoses inexpliquées (Grallet al. 2012). Le principal challenge lié à cette génodermatose, ce sont les conséquences pour l’élevage. Immédiatement après l’introduction des tests génétiques, on s’est aperçu que la fréquence du génotype était élevée. Ainsi en Suisse, 32% des Golden Retrievers sont atteints (mut/mut), 49% sont porteurs (mut/+) et seulement 20% sont indemnes (+/+). Il serait évidemment dommageable pour la race si tous les chiens porteurs ou atteints étaient exclus de la reproduction car cela représenterait 80 % de la population. Il faut donc conseiller les éleveurs pour les aider à mettre en place une sélection durable contre cet allèle. Les croisements avec au moins un chien indemne sont la façon optimale de produire des chiots non affectés. Néanmoins, comme l’expression phénotypique de la maladie est relativement discrète sur un plan clinique, il est préférable de continuer à produire des chiens atteints que d’utiliser une minorité de sujets indemnes pour l’élevage. En effet, l’utilisation d’un faible nombre de chiens va inévitablement entraîner une consanguinité qui produira très probablement l’émergence d’autres tares récessives potentiellement plus graves. Ichthyose du Dogue (OMIA 001973-9615) L’ichthyose du dogue est caractérisée par une hyperkératose généralisée importante avec formation d’une peau fortement ridée, épaisse et squameuse, plus particulièrement au niveau des yeux et du nez. Ces changements conduisent à une peau sans élasticité, lichénifiée, d’aspect négligé chez les chiens affectés. Dans certains cas, le gonflement marqué de la peau de la zone péri-oculaire va jusqu’à empêcher l’ouverture des yeux du chiot. De plus, le caractère exsudatif de la peau entre les rides favorise les infections secondaires. En raison du pronostic réservé, les chiens atteints doivent être euthanasiés. La maladie héréditaire est due à une mutation autosomale récessive d’un seul gène et est causée par une variante du gène SLC27A4 (transporteurs d’acides gras – famille 27 de transporteurs solutés, membre 4) (Metzger et al. 2015). Parakératose nasale du Labrador Retrievers (OMIA 001373-9615) La parakératose nasale aussi appelée parakératose nasale héréditaire (HNPK), est une autre génodermatose héréditaire monogénique autosomale récessive. Les signes cliniques consistent en des fissures et des croûtes au niveau du planum nasal. Des infections bactériennes secondaires provoquent des douleurs supplémentaires pour les chiens atteints. L’HNPK est due à une mutation faux-sens du gène SUV39H2 (c.972T>G; p.N324K). Ce gène SUV39H2 encode une méthylase histone et il est par conséquent impliqué dans la modulation épigénétique de l’expression du gène au cours de la différentiation des kératinocytes. (Jagannathanet al. 2013). Un test génétique est disponible et il est recommandé comme outil diagnostic pour les cas douteux de HNPK et pour éviter les croisements accidentels entre porteurs par les éleveurs. Génodermatoses & traits morphologiques des poils d’origine génétique inconnue Dermatomyosite chez les colleys et autres chiens de berger, héritabilité complexe Absence de poils chez les Terriers nus américains, transmission monogénique autosomale récessive Acrodermatite létale du Bull Terrier, transmission monogénique autosomale récessive Affections dermatologiques multifactorielles où une influence génétique est suspectée Alopecie X (Pomeraniens et autres races de type Spitz) Dermatite atopique Syndrome des cuisses dépilées (Lévriers) Dysplasie folliculaire (Retriever à poils bouclés) Adénite sébacée (Caniche royal et Akita) Onychodystrophie lupoïde symétrique (SLO) Références 1. Drögemüller M, Jagannathan V, Becker Det al.A mutation in the FAM83G gene in dogs with hereditary footpad hyperkeratosis (HFH). PLoS Genet2014; 10: e1004370. 2. Forman OP, Penderis J, Hartley Cet al. Parallel mapping and simultaneous sequencing reveals deletions in BCAN and FAM83H associated with discrete inherited disorders in a domestic dog breed. PLoS Genet2012; 8: e1002462. 3. Grall A, Guaguère E, Planchais Set al.PNPLA1 mutations cause autosomal recessive congenital ichthyosis in golden retriever dogs and humans. Nat Genet2012; 44: 140-147. 4. Jagannathan V, Bannoehr J, Plattet Pet al. PLoS Genet2013; 9: e1003848. 5. Mauldin EA, Wang P, Evans Eet al. Autosomal recessive congenital ichthyosis in American Bulldogs is associated with NIPAL4 (ichthyin) deficiency.Vet Pathol2015; 52: 654-662. 6. Metzger J, Wöhlke A, Mischke Ret al.A Novel SLC27A4 Splice Acceptor Site Mutation in Great Danes with Ichthyosis. PLoS One2015; 10: e0141514. 7. Olivry T, Linder KE, Wang Pet al. Deficient plakophilin-1 expression due to a mutation in PKP1 causes ectodermal dysplasia-skin fragility syndrome in Chesapeake Bay retriever dogs. PLoS One2012; 7: e32072.